ii^iif:
MAY31t955
ST VIROIMIA UNIVERSiîY
DiC^ SCUOOl Ll^ÂBY
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Locked Cage QH 45 B64o cl v.2 WVMJ
Oeuvres d'histoire naturelle et de / Bonnet, Char
3 0802 000023923 9
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^vfî^
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COMFLETTE
DES ŒUVRES
DE CHARLES BONNET.
^ . . _-=^aO°;
TOME SECOND.
ŒUVRES
'HISTOIRE
NATURELLE
ET DE
jp jarx jzi os ojp jbczje:
DE CHARLES BONNET,
De P Académie Impériale Léopoldine , ^ de celle
de St. Pétenboiirg ; des Académies Royales
des Sciences de Londres , de Montpellier , de
Stockholm 5 de Copenhague , de Lyon y des
Acad. de Phijîitnt de Bologne, de Harlem, de
Munich , de Sienne , des Curieux de la Nature
de Berlin ,* Correspondant de l Académie Royale
des Sciences de Taris.
TOME SECOND.
Observations diverses sur les Insectes.
g^^^^^ -^-^m^^^ ^
A N E U C H A T E L,
Chez Samuel Fauche , Libraire du Roi.
M D C C L X X I X.
r- ;
^^r/^^,L^^.^^.}J^^^jMrr^^^,
PP«.ÉFACE,
UAND j'annoncoh en 1744 > dans
h Préface de mon Traité dlnfedologie ,
une fuite d'obfervations fur les hifecks qui
devoit compofer un troljieme Volume de cet
Ouvrage, je n'ij^iagimis pas qu'il s'écoule^
roit plus de trente-deux ans avant que mes
tircoftfîances me permiffent de publier cette
fuite. J'ai même lieu de penfer , que je ne
raurois jamais publiée , ji timprejfion gériez
raie de ynes Oeuvres ne îjfavoit acheminé à
le faire. Il m'a paru , que puifque ^ le
Libraire fe déterminoit à raffembler tous
mes Ecrits , je devais placer immédiatement
après /infeclologie , les Obfervations qui
m étoient comme tme dépendance. Jai donc
extrait de mes Journaux ^ de quelques^
nnes de mes Lettres, à feu M. de Reaumur,
Tmm IL 3
I Préface.
les faits que fat jugés les plus dignes de
tattention des Obfirvateurs» Je les ai racon^
tés dam le jlyk le plus jîmple , ^ tel Cu
peu -près que celui de mon adolefcence au
de ma première jeuneffe. J'ai préfumé que
cette forte de cofiume ne déplairoit pas au
l'ublic , ^ quHl aimer oit à me voir croître
fous fes yeux. J'ai fupprïmé les détails trop
minucieux : mes Journaux en fourmilloient^
If? // y en avoit trop encore dans mes
Lettres à mon illufîî'e Maître ; 77jais fcc
tendre amitié pour fou jerme Difciple le
portait à les lui pardonner , & il vouloit
bien ne fe plaindre jamais de ta longueur
de ces détails. Je ne pouvois efpérer la même-
indulgence de la part du Fublici & peut^
être anrai'je trop compté encore fur celle
qu'ail a daigné me témoigner à légard des
âeux premier s^ Folumes^ de /'Iniectoiogie.
Fmd'ant k long intervalle de temps qui
PRÉFACE. ÎÎJ
s'efl écoulé' depuis la publication de ce Livret
des Natural^ftes célèbres m'ont prévenu fur
quelques-unes des Obfervations que je publie
aujourd'hui. Je ne leur contejlerai point
l'honneur des découvertes : il n'e^lï pas difficile
d'en faire en ce genre ; il ne faut que des
yeux , de la confiance Sf un grand dejîr de
découvrir. Mais les dates de mes ObfervOr-^
fions prouveront au moins que j'avois vu
avant eux les mêmes faits ; & je le confir-^
merois , s'il en étoit befoin , par les origi^
maux des réponfes dont M. de Reaumur
m'avoit honoré , & qui compofent un aJJ'e^
gros in-quarto. On ne trouvera donc pas
mauvais que je revendique ce que je crois
m' appartenir. On ne me reprochera pas non
plus de n'avoir poiîtt cité ces Naturalijies ,
puifinHls n'aiment rien publié lorfque je
faifois mes Obferzmtions & que je les con^
jîgnois dans les Journaux , dont ce nouvel
Ecrit n'ejl proprement qu'un extrait. Mais:
et PRÉFACE-,
f. »
fi pavois ete appelle à les citer , ce n'auroit
fas été affurément fans leur payer le tribut
d'éloges qu'ils ?néritent.
A Genthod près de Genève >
k 17 de Mai 1777.
OBSERVATIONS
OBSEP^VATIONS
DIVERSES
S U R L E s
X M ^ M c T je: S''^
OBSERVATION PREMIERE.
Sur tme Chryfalide qui 77iontoît ^ defcendoip
dans fa Coque,
JLj A grande Chenille velue , à feize jambes, qui Te
transforme dans la Chryialide dont il s'agit dans
cette Obfervation-, a été très-bien décrite par
M. de ReaUx^iur (i). Eile eft repréfentée, Flan.
XXXV 5 Fig. I , du Tome I de fes Mémoires. Je
Fobrervai pour la première fois en Mai 1737,
& je vis alors tout ce que M. de Reaui^iur
l'aconte en détail des diverfes attitudes il re-
(l) Mémoires pour fervir à l'Ut 'loir e des Infères. T. I^
Mém. XII, page 516, &c. iu-^.^^. tr^miere Edition.
Tome IL A
Z 0 B s E R r A T 1 0 N S
marquables, que la Chenille £iit prendre à fou
corps pour donner à fa Coque une forme à-
peu-près cylindrique. Le corps de Plnfede eft
ainfî le moule qui détermine la forme & les
proportions de la Coque.
Cette Chenille eft de celles qui fivent fe
fcrvir de leurs propres poils pour fortifier ou
épaiffir le tiifu foycux & très-mince de leur
Coque. La Chenille que j'obfervois en Mai
1737 , employa quatre jours à conitruire fou
petit édifice. Lorfque je le crus à -peu -près
achevé , je fus curieux de l'ouvrir pour obfer-
ver l'état de la Chenille. Si je n'avois pas été
prévenu par la ledure du Mémoire de M. de
Reaumur , j'aurois été bien étonné de ce qui
s'offrit alors à mes yeux. Au lieu d'une Che-
nille très-grande & très-velue, je ne vis dans
la Coque qu'une Chenille de moyenne taille &
à-peu-près rafe. Elle avoit fî bien couché les
poils qu'elle s'étoit arrachée de delfus le corps ,
entre les £ls ou les mailles du tiifu foyeux ,
qu'ils ne fornioient qu'un tout avec ce dernier.
Ils paroiifoient diftribués par-tout d'une ma-
nière uniforme. L'intérieur étoit d'un gris de
fouris fort luilré.
Au mois de Juin 1738 5 une Chenille de la
SUR LES INSECTES. 3
même Efpece , q^e i'avois renfermée dans un
de ces vafcs de verre que les NaturaliPces nom-
ment Poudriers [Pi. I. P.] , y conflruifit une fera^
blable Coque mi-parti foie & poi's. Mais cette
Coque, C, m'oiîrit une iîngulanté remarquable.
Se qui contredifoit ce que M. de REAUrûus,
rapporte dans fou Mémoire. " La Coque de
55 cette Efpece de Cheuifle , dit-il, noiis donne
53 occaiîon de faire remarquer une féconde fois y
„ que la grandeur de ia Coque n'eft pas tou-
35 jours proportionnée à celle de la Chenille;
„ qu'il y a des Coques fi petites qu'on ne
,3 conçoit pas trop comment une grolfe Che-
33 nille a pu fe renfermer ^.ans une fî petite
53 enceinte qu'elle a été obligée de fe filer; car-
33 il iemble . . . que la Chenille étant maîtreiîe
^3 de prendre ce qu'elle veut de terrein , elle
35 en doit prendre allez pour fe mettre ai*
35 large. Il y en a pourtant beaucoup d'Efpeces,
33 & entr'autres celles dont nous voulons par-
,3 1er, qui fe mettent très à l'étroit dans Icui;
3, Coque 33. Celle que ma Chenille (i) s'étoit
<^i} Il cfl; diftîcile de bien tiiTLinguer les Efpcces de ce
Genre : elles font aifez nombreufes. En comparant cie nouv-eiii
\â Defcription & la Figure que M. de Rlalmur d^nne de
fa Cii.:nille , je fuis vent! à douter lî la mienne étuit préci-
fcnjent c'c la mènie Efpece. Ce qui m'a fait naître ce d'Kîte,
ce font prir.eipalr'.'nent les poils qui rec;tuv;ent !e dos Ue U
laieune. Us ^q s'abailîent; pas fur îe^ côtés» comme dans celî^
A 2,
4 OBSERVATIONS
conftruite ctoit pourtant Ci grande, & fur-tout
fi longue , qu'elle auroit pu facilement contenir
deux Chrylalides pareilles à celle dans laquelle
la Chenille fe transforma bientôt. Elles y au-
loient même été' fort au large. J'ignore ce qui
avoit déterminé l'Infecle à travailler fur de fî
grandes proportions. Le tiffu de la Coque ne
différoit point d'ailleurs du tiifu propre aux
Coques de cette Efpece.
La Chryfalide , A , dans laquelle cette Che-
nille s'étoit transformée , étoit en général d'un
noir luftré : on voyoit feulement une teinte de
rouge dans la jondlion des anneaux. Elle étoit
de forme conique.
Cette Chryfalide m'oiFrit des procédés cu-
rieux 5 & qui me paroiiTent dignes d'être ra-
contés. On fait que les Chryfalides ne fe don-
nent en général que très-peu de mouvement.
lie M. de Reaumur. La grandeur de la Coque que ma Che-
nille avoit conftruite , eft un autre caraftere qui paroît la
tlifFévencier ,• car cette Coque fi grande n'étoit pas probable-
irient un accident: j'ai eu depujs une antre Chenille fembla-
ble , qui a conftruit fous mes veux une ai)ffi grande Coque. Cette
Chenille n'eft pas rare en Aiitomjie: on la voit aflez fuuvent
ramper fur l'herbe ou ie long des grands chemins. Elle paflTe
l'Hiver d^ns quelque retraite, & fe métsmorphofe au Prin-
temps. Je h rionimerois VOurJine , à caufe de la couleur & de
la longueur de f«s poils. De loin elle paroît toute noire.
SUR LES INSECTES. %
Pour l'ordinaire elles ne changent point de
place , & ne donnent de figne de vie qu'en
agitant un peu leur partie poftérieure. C'ell ce
qui a donné lieu de comparer l'état mitoj^en de
Chryralide à- un étdt de mort. 11 n'e.n. étoit pas
de même de la Chryfalide. dont je- crayonne
i'Hiilroire. Lorfque je me mis à robferver , elle
étoit placée de manière que fa partie antérieure
occupoit un des- bouts de la Goque. [PLl^a.]
Là paroiiroit une ouverture ^ o ,. pratiquée . dans
îe tilTu même de la Coque , & qui fembloit y a\w
été ménagée par la Chenille , pour faciliter la
fortie du Papillon. La Coque avoit été conf-
truite obliquement à l'horizon , ^ c'étoit au
bout le plus élevé que la Chryfahde s'étoit;
placée. Sa partie poftérieure , f , appuyoit fur
le côté inférieur de la Coque.
M'ÉTANT avifé de la toucher du bout dit
doigt , je fus bien fiirpris de la voir auffi-tôt
quitter fi place , & defcendre à reculons jufqu'à
l'extrémité inférieure de la Coque.. Elle élevoit,
& abaiifoit alternativement fi partie antérieure.
& fa partie poil:érieure , en leur fnfant toucher
tour à tour les deux parois, oppofées de la.
Coque i & c'étoit par de fcmblables mouve-
mens qu'elle parvenoit à fe tranlporter d'ii'i
Meu à un autre. Ce procédé ne reifembloit pai;
A3
& 0 B s 'E R V A T I 0 N S
mal à' celui au moyen duquel les Ramoneurs
îiionteiic ^& defccndent dans le canal des che-
niinécs.
QuoiQjJE Pinclinaifon alTez confîdérable de
îa Coque dut aider beaucoup à la defcente de
ïa Chrylalide , la marche etoit cependant lente
& allez lourde : il lui failoit un temps aiTez
îong pour parcourir refpace vuide de la Coque.
Parvenue enûn au bout oppofé , elle fembla
faire effort pour aller plus loin. Elle s'agitoit &
preifoit le bout de la Coque de ia partie pof^
térieure , comme pour s'aiTurer qu'elle ne pou-
voit reculer d'avantage. Après quelques tenta-
tives inutiles, elle parut fe fixer à cet endroit,-
& s'y étendit de fou long. [Fl. /, b.] Mais,
quc'le ne fut point ma furprife quelques mo-
mens après , lorfque je la vis remonter vers le
Iiauf de la Coque avec une merveilleufe agilité,
^ reprendre ainfî fli première pofltion !
Frappé de cette agréable nouveauté , ie ré«
pétai plufieurs^ fois la même expérience , 8c
toujours avec le même fuccès. Elle defceudoit
chaque fois: aiTez lourdement & avec une forte
de lenteur ,. qui indiquoit la répugnance avec
iaquelie elle abandonnoit la place que je Pavois
déterminée à quitter en la touchant du doigt ^j
SUR LES INSECTES. 7
8c c'étoit coiiftamment avec tant d'agilité & de
promptitude qu'elle remontoit vers le bout
fupéricur de. la Coque , que je ne pouvois nie
méprendre fur le but de fa marche & le feiiti-
ment qui la dirigée it.
Ordinairement elle parcouroit d'une feule
traite toute la longueur de la Coque ; mais
quand il lui arrivoit de s'arrêter à moitié che-»
min , j'étois toujours fur de la voir reprendre
fa courfe pour regagner la pofitioa- qu'elle
préféroit.
Je fuivis cette finguliere Chryfalide pendant
environ quinze jours , c'eft-à-dire jufqu'au temps
où elle fe transforma en Papillon. J'eus donc
bien des occafions de revoir les mêmes ma-
nœuvres , & je les revis plufieurs fois par jour.
Il y avoit de temps-en-temps quelque variété
dans fes procédés. Quelquefois elle tardoit k
reprendre fa place ordinaire : elle demeuroit
fixée au bout inférieur de la Coque pendant un
temps plus ou moins long. D'autrefois elle re-
montoit vers le bout oppofé prefqu'auiFi- tôt:
après que je Pavois invitée à defcendre,
A 4.
8 0 Ê S E R V A T I 0 N S
^^^^_^ _j — ,_^^^^^,,,,^^ ^'^-
OBSERVATION IL
Sur des œufs de Papillon qui choqnoienf une régie-
indiquée par Mal PI G HI.
^N Août 17385 on m'apporta deux Papillons
de la Chenille dont j'ai parlé dans rObfervation
précédente. On les avoit furpris accouplés. Le
Piipillon femelle pondit une vingtaine d'œuis.
Ces œufs étoient fort jolis , de figure femblable
à celle du commun des œufs , & dont la couleur
étoit un brun marbré fort iuftré. Au bout de
quelques jours je remarquai , que la plupart
de ces œufs avoient fouifert un enfoncement
Gonfidérable : ils avoient perdu partie de leur
rondeur ; ils étoient devenus très-concaves d'un
côté y & leur couleur n'avoit éprouvé aucun
GÎtangement. Je jugeai donc que de tels œufs
ne feroient pas léconds. Je me fondo s fur ce
que dit là-deifus M. de Reaumur , d'après fes
propres oBfervations & celles de Malpighï.
^' Il faut favoir , remarque cet illuPcre Acadé-
^, niicien (^) , qu'on peut diftinguer les ceufs
„ du. Papillon du Ver à foie qui ont été fécon-
(^) Mêm, purferrjtr- H ÏHiJloire des Inf. T. II. Mém^Ulh
?''
;:>
SUR LES INSECTES. 9
dés , de ceux qui ne Pont pas été , long-
temps avant que le temps foit arrivé où
une petite Chenille doit- fortir de chacun des
,5 premiers. Les œufs ont d'abord une couleur
d'un jaune qui tire fur celui du foufrcj ils
„ font arrondis ; ceuit dans lefquels des em-
„ bryons de Chenilles ne croiiîent point , ceux
„ qui n'ont point été fécondés ', confervent
„ leur premier jaune j mais ils perdent partie
55 de leur rondeur i il s'y fait d'un côté un petit
„ creux*, un petit enfoncement. Les œufs
„ fécondés au contraire , confervent leur ron-
,5 deur , & leur couleur jaune ne duregUeresf
„ à cette couleur il en fuccede une qui tire
55 fur le vifblet ,5. Cependant de ces mêmes
œufs qui avoient fouffert un enfoncement Ci
coniidérable & dont la couleur n'avoit point
changé , je vis fortir de petites Chenilles bien
vivantes ; les œufs , au contraire , qui avoient
coiifervé toute leur rondeur & dont la couleur
étoit devenue violette , ne produifireiit rien.
Je me pliis beaucoup à obferver le travail que
fe donnoient mes petites Chenilles pour percer
la Coque de l'œuf Se venir au jour. Elles ron-
gerient cette Coque avec leurs dents , & j'étois
un peu' furpris qu'elles pulTent y réuffir dans
ni temps où leurs petites dents n'avoieiit
16 OBSERVATIONS
pas pris encore le degré de cionfiftence qui cil;
propre à ces parties. C'étoit à un des bouts de
FoeuF qu'elles pratiquoient l'ouverture ; & je re-
marquai , qu'elles l'agrandiiïbieiit plus qu'il u'é-
toît néceflaire pour donner ua libre pailage au
corps de l'Infecle. Elles fembloient prendre goût
à lîianger la Coque de l'œuf. Elles la dévoroient,
en effet, car je ne pus découvrir aucun frag-
ment de la Coquille.
Au refte ; quoique j'aye dit que les œufs
dont ces petites Chenilles éitoient éclofes ,.
avoient confervé leur première couleur -, cela
ne doit pas être pris tout-à-fait à la lettre : il
s'y étc)it bien fait un léger changement : le brun
«toit devenu un peu plus clair, & la marbrure
moins t orte i mais ce changement de couleur
n'étoifc rien en comparaifon de celui qui étoit
furvenu aux œufs demeurés inféconds. Dans
ces dentiers , la marbrure avoit entièrement
difparu, A une couleur violette lai avoit fuccedé.
Comme la Coque de ces œufs avoit une
forte de tra nfparence , les couleurs de la Che-
nille perqoie.at au travers- & aiioient à la faire
reconnoltre , avant qu'elle eût commencé à
venir au jour, il étoit aifé de s'affurer* que ces
feouleuis ii'ap partenoient point à l'œuf
SUR LES INSECTES. ir
Vers la fin de Juillet 1740 , j'eus occafioîi
de répéter la même Obfervation fur des œufs
de Papillon fort feniblables à ceux dont je viens
de parler , & qui avoient été dépofés en grand
nombre les uns auprès des autres. Tous avoient
fur un de leurs côtés un enfoncement , & il
ny eut aucun de ces œufs dont il ne fortit
une petite Chenille. J'ajoute que ces œufs n'a--
voient point non plus changé de couleur.
D'autres œufs de Papillon m'ont oifert encore
les mêmes particularités. Amfî il eft bien dé-
montré que la règle de Malpighi n'eft point
du tout générale.
^ ^ , ^^-^i:!;^— ==^^g^'
OBSERVATION III.
Sur les Chenilles républicabtes nommées Livrées y
^ en particulier fur le procédé an moyen
duquel elles favsnt retrouver leur nid, lorf-
qu'elles s'en font le plus éloignées.
G
''Est' la diftribution des couleurs de cette
Efpece de Chenille , qui n'imite pas mal celle
de ces touffes de rubans qu'on porte aux noces
de village , qui a déterminé M. de Reaumur
à lui donner le nom de Livrée. Il a publié une
ta OBSERVATIONS
hiftoire de cette Chenille dans, le Mémoire IIÎ
du T. II de fon Hiftoire des Infedes , pag. i6i
& fuivantes , & Ta repréfentée PL V , Fig. 7
du T I. Il Fa rangée parmi les Chenilles qui
ne vivent en fociété qu'une partie de leur vie ^
8c il remarque , que depuis leur naijfcmce juf-
qu'au temps de leur feparation , elles fournijfent-
peu de faits Jinguliers. J'ai été plus heureux à
cet égard que cet illuftre Obfervateur , & nos
Livrées m'ont offert des particularités qui me
parohfent mériter de trouver place ici. D'ail-
leurs j'ai du beaucoup à ces Chenilles , Se je ne
me le rappelle point fans plaifir : ce furent les
Obfervations qu'elles me donnèrent lieu de fiire
en 1738 5 qui me mirent en commerce de
Lettres avec M. de Reaumur ; commerce fî
glorieux pour moi , & qui a duré fans inter-
ruption pendant plus de dix-neuf ans ; je veux
dire, jufqu'à la mort de cet excellent Natura-
Hfte . le modèle des Obfervateurs.
Vers le 2^ d'Avril 1738 ? je rencontrai un
nid de nos Chenilles Livrées , qui paroiiîbit nou-
vellement conftruit. Il étoit formé de pîufieurs
couches de foie très -minces , & qui relicm-
bloient aux toiles des Araignées. Ce nid avoit.
été conftruit dans les ang'es que quatre à cinq
petites branches d'Aubépuie formoient avec la
EUR LES INSECTES. 15
l)raiiche principale. Les toiles qui le compofoient
étoient fi tranfparentes , qu'elles ne déroboient
pas à mes yeux les petites Chenilles logées dans
Tintérieur.
Ces Chenilles me parurent n'être éclofes que
depuis peu de jours. Elles étoient fort jolies.
Vues d'un peu loin , elles femhloient dorées ;
mais quand on les regardoit de près , on recon-
noilToit que leur couleur n'étoit qu'un beau
jaune ou un jaune très-vif. Obfervées de plus
près encore , le jaune paroilToit diftribué par
petites raies , qui s'étendoient de la tète à la
queue , & qui étoient féparées par de petites
raies noires. Elles avoient cà & là de longs poils
roux , qu'on n'appercevoit bien qu'en les regar-
dant de côté. Elles fembloient avoir deux tètes ,
l'une à un bout du corps , l'autre au bout
oppofé. Deux, petites taches noires placées près
de la tète & près de la queue produifoient cette
apparence. L'illufion ne duroit pas long-temps :
la tète fe faifoit bientôt diitinguer par fa grof-
feur 5 par fon poli -& fon brillant.
Je coupai la branche principale qui portoit
le nid , &z j'en fichai le bout inférieur dans
un des montants d'une des fenêtres de mon
cabinet, La branche étoit ainfi dans une fituation
14 OBSERVATIONS
horizontale , & au dehors de la fenêtre. Mon
but étoit de laifler amfi mes petites Chenilles
en pleme liberté , & de les liiivre comme je
Pauruis fait en pleine campagne. Je confldérois ,
qu'en renfermant les Infedes dans des poudriers
comme les Naturaiiftes ont coutume de le
faire, on gênoit plus ou moins leur manœuvre ^
parce qu'on les plaqoit ainfî dans des circonf-
tances qui les éloignoient plus ou monis de leur
genre de vie ordinaire.
Pendant la nuit , mes Chenilles fe tenoient
ordinairement dans l'intérieur du nid , mais le
jour elles fe rendoient fur fa furface , & s'y
arrangeoient les unes rai-deiîus des autres ,
comme fur une terralFe pour y prendre Pair.
S'il venoit à pleuvoir fur le nid, elles fwoient
très-bien fe retirer fous la furface oppofée.
Un jour qu'elles étoient attroupées au-deffus
du nid , & que le (oleil dardoit avec force fes
rayons fur la toile , je vis fe former fubiteniinfc
un VLiide au milieu de la troupe 5 & plufîeurs
Chenilles s'en féparerent avec vitelTe. D'autres
branloient la tète à pluiieurs reprifes , elles en
frappoient Pair à coups réitérés 5 d'autres fe
cachoient fous le nid ou reatroient dans fon
intérieur. Le tumulte ne fut pas de durée.
SUR LEH INSECTES. Kry
M. de Reaumur avoit remarqué ces coups
de tète dont je vie?.is de parler. " Ce que ces
„ Chenilles , dit-il ( * ) , font voir de plus re-
„ marquable dans ce temps de repos, fur-toat
„ lorfqu'il fait chaud , & ce qui ne leur eft p;as
35 commun avec beaucoup d'autres Chenilles.,
33 ce font des efpeces de coup de tète, extrè-
53 mement brufques qu'elles donnent en i'aiir,
55 tantôt à droit & tantôt à gauche, tantôt Cii-
55 haut & tantôt en-bas; : il fembletoit qu'elks
55 feroient en colère & c^u'elles voudroient fraip-
55 per: ce n'eft pourtant que l'air qu'elles frap-
55 pent y la partie antérieure de leur corps fe
j5 meut alors avec la tète. 55
Lorsque je venois les obferver la nuit à ïa
lumière d'une bougie , elles fembk>ient fe };é-
veiller auiTi-tôt, &' plufieurs fe niettoient en
mouvement & commenqoient à marcher. Rcîti-
rois-je la bougie ? elles celTbient de le mouvonr,
<& paroiifoient fe rendormir.
Je remarqiî:ii encore qu'elles étoie nt fenfibKîS
à des fons un peu forts : lorsqu'on battoit 1 a
caiife dans la rue , celles qui étoient en marche*,
s'arrètoient , & faifoient faire à leur partie an--.
C) Tome ÎI , page \66.
I^ OBSERVATIONS
térieurc des vibrations très-promptes , comme fi
ce bruit leur eut été très-ijicom.mode.
Une Guêpe étant venue voltiger au-deifus
du nid , toutes les Chenilles qui étoient attrou-
pées fur la toile , fe mirent à agiter brufque-
ment la partie antérieure , 8c par ces coups réi^
térés , elles écartèrent le volatil dangereux.
QUAISC je toucliois du doigt le derrière d'une
de ces Chenilles , elle y portoit brufquement la
tète comme pour me mordre.
Deux jours s'écoulèrent fans que nos peti^
tes républicaines s'écartailent de leur habitation.
Mais le troiiieme jour, j'en vis une compagnie
qui avoir commencé à fe mettre en marche , 8c
qui montoit le long de la fenêtre. Leur marche
étoit lînguliere. Elles alloient en proceiîion à la
file les unes des autres. Les rangs n'étoient
pas égaux : il y en avoit de quatre , de trois ,
de deux Chenilles ^ & la plupart n'étoient que
d'une feule. Toutes marchoient d'un pas égal
<& tranquille , en promenant la tète alternati-
vement à droit & à gauche. On croyoït voir
WùQ colonie qui alloit chercher ailleurs un éta^
jbliifement.
Souvent la proceffiou étoit interrompue
dans;
SUR LES INSECTES. 17
dans fa marche par des Chenilles qui retour-^
noient au iiid , ou par d'autres qui faifoient halte.
Après avoir fait un certain chemin , la pro^
cefîion s'arrètoit, & les Chenilles s'attroupoient ;
enluite , les unes retournoient au nid par le
même chemin , les autres continuoient / leur
route. Ainiî , une partie de la proceifion mon-
toit , & l'autre defcendoit , iiuis la moindre
confufion : je veux dire , que celles qui rcga-
gnoient le nid , paiîbient immédiatement à côté
de celles qui s'en éioignoient , fans que la
marche des unes & des autres en fût le moins
du monde troublée.
Elles marchoient d'un pas affez lent. Ce
ne fut qu'environ trois à quatre heures après
qu'elles eurent commencé à forcir du nid & à
défiler en proceiïïon , qu'elles parvinrent au
haut de la fenêtre , 011 je les vis fe ralTembler*
Cette fenêtre avoit fix à fept pieds de hau-
teur , fur trois à quatre de largeur , & le nid
n'étoit qu'à demi-pied au-delTus de la tablette.
Les Chenilles qui avoient gagné ainfi le
haut de. la fenêtre , étoient en ulïez ■ grand
nombre , & j'obfervois d'autres compagnies
moins nombreufes qui fe difpofoient à aller les
Touîe IL B
18 0 B S E R V A T I 0 N S
joindre , & qui fuivoient exactement la route
des premières.
Je commenqai à craindre que mes Chenilles
ii'abandonnalTent pour toujours leur habitation ,
8c j'avois déjà regret à la liberté que je leur
avois laiîTée. Mais , je fus bientôt raliUré : après
avoir fait une petite ftation au haut de la fenê-
tre , elles fe remirent en marche , & reprirent
3e chemin du nid , en fuivant précifément la
jnème route qu'eiko avoient fuivie pour s'en
éloigner»
J'ÉTOîS fort furpris de les voir fuivre fî
conilamment & avec tant de précifion la même
toute, foit en montant, foit en defcendant. Je
traqai même une ligne parallèle à cette route ,
pour m'afTurer mieux fi elles ne s'en écarte-
ïoient point. Mais , elles la fuivirent toujours
avec une égale conftance. Je faVois bien que
les Chenilles n'etoient pas privées de la vue :
je connoiiroîs leurs yeux , & je les avois ob-
fervés à la loupe. J'avois encore remarqué qu'el-
les paroifToient fenfibles à la lumière : j'ai rap-
porté ci-delîus un fait qui paroiiîbit le prouver.
Mais , malgré tout cela , je n'avois pas grande
opinion de la vue de nos Chenilles , & je ne
pouvais me perfuader que ce fulTent leurs yeu^
SUR LES INSECTES. î9
<5iil les c-uidalTent Ci bien dans leurs diiFérenteâ
couufes. Je redoublai donc d'attention & de
vigilance, & je les obfervai d'auiîi prés qu'il
étoit pofîiblc. Enfin , j'appercus qu'elles tiroient
des fils fur leur route , & je découvris fur le
montant de la fenêtre , en y regardant fort obli-i
quement un petit fentier blanchâtre d'environ
une à deux lignes de largeur, que le brillant.
de la foie rendoit reccnnoilfable. Je compris
alors pourquoi chaque Chenille portoit la tète
à droit & à gauche , tandis qu'elle marchoit.
Elle recouvroit ainfi de foie le chemin qu'elle
parcouroitj & celles qui h fuivoient exécutante
la même manœuvre, il fe formoit peu-à-peu dé
tous les fils réunis une forte de ruban ou dô
tapis de foie ; dont le tiifa fe fortifioit de plus
en plus , & déteriîiinoit toujours mieux la route;
La première route tracée par nos ptoceffioii-;
naires étoit la plus fréquentée : mais elles eu
tracèrent d'autres plus ou moins irrégulieres^
ou plus ou moins obliques , qui aboutiffoienç
toutes au nid.
Le foir du même jour , je m'attendois à \ei
Voir regagner le gîte : mais la nuit étoit déjà
allez avancée , qu'elles continuoient encore k
proceffionner. Pour empêcher qu'elles ne s'éear^
20 OBSERVATIONS
taiTent d'avantage , je plaçai fur leur route des
feuiiies fraîches d'Aubépine : elles s'y ralfemble^
xent , & après en avoir mange , elles retournè-
rent au nid.
A voir nos petites Chenilles marcher tou-
jours en grande procefîion , on auroit jugé
qu'elles n'ofoient s'écarter feules du nid. Je vis
pourtant bien des fois une de ces Chenilles
qui faifoit feule toute la route qui avoit été
tracée par une procefîion. De petites compa-
gnies de fix à fept Chenilles alioient à la quête
à une grande diftance du nid.
Je prenois quelquefois plaifir à toucher légè-
rement du doigt la Chenille ou les Chenilles
qui marchoient à la tète d'une procelîion : elles
fécouoient auffi-tôt la tête à pluiîeurs reprifes
& rebrouiïbient chemin avec viteife , fans être
arrêtées dans leur fuite par celles qui fuivoienfr
d'un pas tranquille la première route. ^
Je m'arrêtois fouvent à confidércr la petite
trace de foie qui dirigeoit mes Chenilles dans
leurs différentes courfes, & les empèchoit de
s'égarer ; je la comparois au fil d'Ariadne ; mais
je ne favois pas encore combien cette compa-
i'aifon étoit jufte. M'étant avifé un jour d'en-
SUR LES INSECTES. 2î
lever avec le doigt un peu de îa foie qui tapif--
foit le chemin de nos proceffiorinaires , je re-
marquai avec une agréable furprife que , lorf.
que la Cheniile qui conduifoic la procelTion fut
arrivée à l'endroit où la trace étoit interrom-
pue 5 elle rebrouifa chemin auiîr-tôt , comme fi
elle eut été effrayée: celle qui la iuivoit immé-.
diatement en fit de même , & elles furent fui-
vies de plufieurs autres. Toutes fembloient fc
hâter de regagner le nid. L'effroi ne fe répan-
dit pas cependant dans toute la proceffion : elle
continuoit à défiler en bon ordre d'un pas égal
8c tranquille : mais à mefure que les Chenilles
qui précédoient arrivoient à l'endroit où j'avois
rompu la trace , elles interrompoient leur mar-
che , & paroifToient plus ou moiîis embarraffées.
Je voyois , à ne pouvoir m'y méprendre , qu'el-
les n'ofoient hafarder de continuer leur route.
Elles reiloient à la même place , tâtoient de
tous côtés avec leur tère > Se héiltoient toujours,
de franchir le pas. Enfin , une des Chenilles ,
plus hardie que les autres , ofa le franchir. Le
fil qu'elle tendit en paiHuit rétablit la route-
D'autres Chenilles la fuivirent , qui tendirent de
même de nouveaux fils , & au bout de quelque
temps je ne vis plus d'interruption dans la trace
de foie. Je dois dire néanmoins , que , jufqu'à
ce que la voie eût. été entièrement réparée , mss
B 3
&i OBSERVATIONS
ÇKenilles montrèrent toujours quelqu'inquiétuds
m traverlanc l'endroit où elle avoit été rompue^
Je profitai de cette découverte pour âmgex-
à mon gré les courfes de nos proceflionnaires.
Quand elles enfiloient des routes qui ne ré^
pondoient pas à mes vues , ou qu'elles en tra-
^oient de nouvelles en trop grand norabre , J9
rompois tous ces chemms en enlevant qà & là
la foie qui les tapiiîbit, Ja repétois donc ainu
jna première Obfervation fur Tuf ge des traces
de foie, & je ne me lalfois point de la repéter»
Un matin , ç'étoit far les fept heures, t:oute$
lues Chenilles fe rendirent en, prpceffion aii
haut de la fenètrç j Sç quelque temps après je
^'çn découvris plus ni dans les chemins, ni dans
le nid. Impatient de favoir quelle nouvelle
route elles avoient enfilée 5 & craignant de les
perdre pour toujours, je courus à la fenêtre voi-
fîne j & je les découvris au haut de cette fenè.-
tre 3 marchant dans le meilleur ordre ^ à la file
les unes des autres ^ & formant ainli un cordon
iion-interrompu depuis le haut de la fenêtre
Jùfqu'au bas. Elles s'étoient donc frayées une
route très-nouvelle , ^ une route qui les éloi-
gnoit beaucoup plus de leur habiteîtion , que
joutes çeiles qu'elles avoient tracées jufqu'alor^»
SUR LES INSECTES, %%
Je balançai quelque temps entre les divers
partis qu€ j'avois a prendre : je foiigeai d'abord
à renfermer toutes mes Chenilles dans un pou-
drier pour éviter de les perdre 5 mais enfin, jtî
me déterminai à les îaiifer à elles-mêmes , pour
voir Çi elles regagneroient leur nid. Elles conti-
nuèrent à s'en éloigner en defcendant le long
de la fenêtre. Elles pouiTerent même jufqu'à la
corniche qui féparoit le fécond étage, où je
logeois , de l'étage inférieur. Parvenues fur la
corniche, elles firent halte quelque temps 5 puis
elles fe remirent en marche , & continuèrent à
s'éloigner. J'étois fort inquiet , & j'avois plus
de regret que jamais à la trop grande liberté
que je leur avois laiifée. Mais , je les vis enân
i^venir fur leurs pas , reprendre la route du ni4
par le nouveau fentier qu'elles venoient de tra-
cer , continuer leur route fans s'arrêter , & arri-
ver toutes fur le midi à leur habitation. Je mtî
bâtai de leur fcrvir des feuilles vertes , & je me
promis bien de ne leur permettre plus de faire
de 0 longs voyages. Elles s'étoient ainfi éloi-
gnées du nid par divers détours de plus de
quarante pieds. C'étoic un bien long pèlerinage
pour de fi jeunes Chenilles , & qui n'avoieitc
guère que trois à quatre lignes de longueur.
i
E ue pouvois me laifer d'admirer la pOiicu
y 4
è4 OBSERVATIONS-
de mes petites Chenilles. Il n'y avoit rien de fî
joli que les cordons qu'elles formoient par leurs
évoiutioîis diverfes. lis paroliFoient à une cer-
taine diftance , des traits d'or tracés fur la
pierre ^ mais ces traits étoient tous en mouve-
ment,. & les uns étoient tirés en ligne droite,
tandis que les autres repréfentoient des courbes
à plufieurs inflexions. Ce qui rendoit le fpec-
tacle plus agréable encore , c'étoit que le cordon
d'or formé par le corps des Chenilles placées
immédiatement à la file les unes des autres &
au nombre de pluiieurs centaines , fembloit
couché fur un ruban de foie d'un blanc vif Se
argenté ; & l'on voit bien que ce ruban étoit ce
petit fentier tapiifé de foie que les Chenilles
luivoient fi conftamment. Ces Princes de l'Orient,
dont les- voyageurs nous vantent la magnifi-
cence , ne marchent-ils jamais que fur des tapis
de foie ?.
Il étoit aiïez remarquable , qu'un refroidilTe-
ment confidérable de l'air n'empêchât point nos
petites républicaines de fe mettre en campagne.
Un jour qu'un vent de Nord tres-lroid iouf-
fibit avec force fur le nid , je les vis fe difpofer
à fortir en proceiEon ,• & quoique j'euiTe rompu
tous les chemins, de foie qui ab utillbien.t au
nid .V elles fe feroient probablement fort écartées
SUR.LES INSECTES, 2Ç
fi je les eulfe abandonnées à elles-mêmes.
Dans la première feniaine de Mai, elles chan-
gèrent de peau pour la première fois. Elles fu-
birent cette opération dans le nid. Leurs cou-
leurs devinrent plus vives & plus variées , leurs
poils plus nombreux & plus colorés ^ & elles
parurent avoir plus augmenté en groileur qu'ea
longueur. Je fupprinie d'autres détails comme
moins intéreirans.
Apres la m'-Mai , elles fe dépouillèrent pou;:
1.1 féconde fois. La plupart étoient demeurées
dans le nid , pour y pailer le temps critique de
la mue : quelques-unes néanmoins qui avoient
gagné auparavant le haut de la fenêtre , y fubi-
rent le changement de peau, 8c revinrent au
nid après, la mue.
Cette féconde mue les embellit encore da-
vantage que la première : leurs couleurs parurent
plus vives ou plus éclatantes , vS; les nouveaux
poils 5 plus longs que les anciens : ceux qui
étoient ^fifués fur les côtés du corps s'abaiifoient
fur les jambes de façon qu'ils donnoxent à la
Chenille Pair d'un Mille-pied.
Entre les deux mues , mes Chenilles avoient
agrandi leur nid par de nouvelles toiles de
^6 0 B S E R V A T I 0 N S
foie , & en faifant entrer dans fa conftru(îlioîi
une partie des feuilles que je leur avois don-
nées pour nourriture. Elles avoient tendu des
£ls fur ces feuilles , & en les multipliant de
plus en plus elles s'étoient procurées de nou-
veaux appartemeias.
Dès que mes Chenilles fe furent dépouillées
pour la féconde fois , elles n'obferyerent plus
la même difcipline. Elles ne marchèrent plus en
proceiîion , & ne fuivirent plus les fentiers de
foie qui avoient fervi à les diriger dans leur
entance. Elles erroient de cgté & d'autre fans
aucun ordre, & je les aurois toutes perdues ^
fi je n'avois pris la précaution de les renfermer
<^ans un poudrier. Mais c'étoit bien aifez de
les avoir obfervées en pleine liberté pendant
environ un mois,
Dans le mois de Juin , elles fe renfermè-
rent dans des Coques de foie pour y fabir
leur métamorphofe. M. de Reaumur a décrit
ces Coques : je n'en dirai donc qu'un mot.
Elles font de. foie blanche ou blanchâtre. Le
tiiîu en eix fi foible , fi lâche , qu'il ne fauroit
dérober aux yeux la Chryfalide > mais la Che~
mile fut le rendre opaque , en introduifant
dansj les mailles une forte de bouillie aifez épaiife-y
SUR LES INSECTES, 27
de couleur jaune , & qui eu fe deHcchant de^
vient une poudre friable & tres-nne. Elle poudre
ainil fa Coque , comme nous poudrons nos
perruques i mais pour vue fia plys importante.
Lk Livrée donne à fa Coque , comnie le
Ver-à-foie , une enveloppe de foie de forme
irréguliere : c'eil une efpece d^ bourre au milieu
de laquelle la Coque elt logée. Mais , j'ai vu
des Livrées qui donnoient à cette enveloppe une
forme alfez régulière , & qui imitoit celle de la
Coque j enforte qu'il fembloit qu'elles euifent
Èlé deux Coques renfermées l'une dans l'autre.
Au refte > la Coque de nos Livrées eft beau-
coup plus alongée que celle du Ver-à-foie , &
tient un peu de la forme d'un fufeau.
Peu de temps après s'être renfermées dans
leur Coque 3 mes Livrées fe changèrent en
ChryfLtlides , de forni,e conique , & qui ne m'of-
frirent rien de remarquable. Le Papillon parut
au commencement de Juillet. On peut en voir
ia dçfcnption dans M. de Reaumur. (*)
Cet habile Obfervat^ur s'eft trop étendu
fur les œufs de ce Papillon & fur Part admira-
C) Mém, fur les hif. Tome II. pag. ^z.
28 0 B s E RFA T I G K S
ble avec lequel il les arrange en manière de
bralTelet autour des menues branches des Ar-
bres 5 pour ne me diipenfer pas d'en parler
ici. Je renvoie donc là-deifus à fon intérefFante
Hiftoire C^).
^^ a^y^ ' . - -- -^'^
OBSERVATION IV.
Sur les Chenilles nommées Communes , qui viveyip
en fociété pendant une partie de leur vie.
C:
£tte Efpece de Chenille , eft en effet la
plus commune dans nos campagnes ; c'eil ce
qui a porté M. de K.EAUMUR à lui donner le
nom de Commune, Il en a publié une hilloire
fi détaillée (*^) qu'il feroit fuperflu de m'étendre
lur les Obfervations qu'elle m'a donné lieu de
£\iie : aiiifi je ne toucherai guère qu'aux par-
ticularités dont notre ilîu[îre Académicien n'a
pas parlé. J'ai vu tous les faits qu'il s'eft plu à:
détailler , & mon témoignage n'ajouteroit rien
à celui d'un tel Obrervateur..
Ce fut au milieu d'Avril 1738 5 qi^e ]^ fis.
(*) Tome lï. Mém. Il , pag. 9^.
(**) Mém. fur les Jnf. Tome î , png, 187 y PI VI, Fig.s-
& io. Tome li,;pag. ii22 & fuivant^js.
SUR LES INSECTES^ 29
îïies premières obfervations fur les Chenilles
Communes. Je les pris dans leur état d'enfance,
& je plaqai un de leurs nids à la fenêtre de
mon cabinet, comme je l'ai raconté du nid des
Chenilles Livrées dans rObfervation précédente.
Ce nid compofé de feuilles , recoiivertes de
plufieurs couches de foie blanche , étoit attaché
à une branche de Poirier -, de manière à le
laiiTer mobile. Les très-petites Chenilles qui y
logeoient , paroilfoient au premier coup d'œil
de couleur rouife j mais regardées de près , on
appercevoit une raie jaune , formée par des
points de cette couleur , qui s'étendoit le long
du milieu du dos. Deux de ces points, plus
colorés que les autres , fe montroient près des
derniers anneaux. D'autres points bruns fe fai-
foient auflî remarquer. Sur le quatrième & le
cinquième anneau étoit une élévation rouge,
fort vifible , femblable à une houppe , & qui
fembloit compofée de poils fort courts & fort
prelTés. Tout le delfus du corps étoit femé de
longs poils roux. La tète étoit noirâtre &
luifante. Je viens de crayonner une légère def-
cription de mes petites Communes ,• parce que
M. de Reaumur ai'a décrit cette Efpece de
Chenille que telle qu'elle fe montre lorfqu'elie
a pris tout fon accroiiTement.
30 OBSERVATIONS
On juge afe, que les diiférens plis des
feuilles dont le nid écoit comparé & les inter--
Vallès plus ou moins grands qu'elles laifîbient
entr'elles , étoient pour nos petites républicai-
nes autant de logemens dans lefquels elles ia-
voient fe retirer au befoin. La toile de foie
qui recouvroit les feuilles , & qui étoit une forte
de tente ^ étoit percée qà & là de plufieurs
trous , qui étoient comme des portes ménagées
pour l'entrée & la fôrtie des Chenilles. C'étoît
par ces portes qUe je le^ voyois fortir pour
venir jouir fur la toile de l'air & du foleil ; &
c'étoit par le's mêmes ouvertures que je lesj
Voyois rentrer dans Tinte deur du nid à l'ap^
proche de la nuit ou du mauvais temps.
Ce nid paroilToit avoir été détaché de là
branche par un accideut : j'ai dit qu'il étoit
mobile , le Vent le faifoit baîotter. (^land les
balottemens n'étoient pas trop forts , les petites
Chenilles ne fembloient pas s'en mettre en
peine j elles alloient Se venoient à leur ordi-
naire ', mais lorfqu'ils augmentoient , elles de-
ïneuroient immobiles , & ne fe remettoient en
mouvement que lorfqu'ils commençoient à di-
minuer. J'eus lieu néanmoins de préfumer que
ces balottemens ne leur étoient pas agréables t
elles travaillèrent bientôt à aifujettir le nid plus
SUR LES INSECTES. 31
foiidement , en multipliant les liens de foie qui
rat'tachoient à la branche.
Mes Chenilles fe promenoient chaque jour
fur la toile qui recouvroit le nid , & elles y
prenoient leur repas. Qiielques unes ne tar-
dèrent pas à prolonger la promenade , & je les
obfervai s'éloigner du nid de toute la longueur
de la branche qui le portoitj mais elles n'ofe-
rent poulTer plus loin. Je remarquai fur la fur-
face de cette branche des traces de foie fem-
blablcs à celles des Livrées : nos petites Com-
munes fuivoient ces traces conime les Livrées ,
& ne pouiToient pas la promenade au-delà de
l'endroit où ces traces fe terminoient. M. de
Reaumur , qui ignoroit que les Livrées ta-
piflbient leur chemin , Pavoit très-bien obfervé
chez nos Communes , niais il n'avoit pas ap-
perqu tous les ufages dé cette manoeuvre. Il
croyoit que les Communes tapiifoient leur
chemin , parce qti'il leur étoît plus facile de
vïiarcher ^ de fe crâmpo?mer fur des feuilles @
fur des tiges tapijfées de foie , que fur des tiges
^ des feuilles nues (*). On a vu dans TObfer-
vation précédente que les traces de foie dont
il s'agit , rendent aux Chenilles républicaines
des fervices plus importans.
O^ém-faries Inf. T. II, pag. 159.
3^ Ol^SERVATIONS
Mes Communes ne marchoient pas en pro«
cefîion comme les Livrées , & n'obfervoient pas
une 11 grande police. Elles n'étoient pourtant
pas fans difcipline. Elles ne manquoient point
de rentrer dans leur habitation à l'approche de
la nuit , & lorfque le temps fe rafraîchijffbit ou
qu'il venoit à pleuvoir , alors je n'en Voyois
aucune hors du logis. J'étois (ï content de leur
difcipline & du bon ufage qu'elles favoient
faire de leur liberté , que je m'alFermis de plus
en plus dans la peniée de les abandonner à elles-
mêmes & de ne les renfermer point dans un
poudrieri
Pendant la première femaine de leur éta-
blilfement au dehors de la fenêtre de mon
cabinet , elles ne s'écartèrent jamais du nid que
de la longueur de la branche à l'extrémité de
laquelle il étoit attaché. Tous les matins fur
les fept heures , lorfque le foleil commençait
à darder fes rayons fur le nid , elles fortoient
en grand nombre , & commenqoient à fe pro-
mener fur la toile & le long de la branche.
Qiielquefois on eût dit , qu'elles abandonnoient
pour jamais leur nid , &' pourtant elles y reve-
iioient toujours. Je plaçois chaque matin fur Li
toile du nid à l'extrémité du promenoir des
feuilles fraîches : elles alioient v pâturer ,
SUR LES INSECTES, 33
c^ après s'être rafladées , elles rentroieiit dans
îe nid ou le reporeient fur fa furface , & le
îiiettoient enfuite à tirer de nouveaux fils qui
en fortifioient & en agrandiifoient de plus eu
P'us les enveloppes ou fenceinte.
CÉTOIT un fpedacîe très-amufant, que de
voir ces petites Chenilles aller &z venir , les
Uîîes d'un côté, les autres d'un autre iàns con-
iuiion 5 •& s'entrebaifer comme les iburnais 5,
quand elles ib rencontroienL
J'ÉTOIS à la campagne pendant que je faifois
ces obfervations : obligé quelque temps après
de regagner la ville, je renfermai le nid de
îiics Communes dans un paudrier , & les em,^
portai avec moi. Mais comme je ne pouvois
me procurer en ville les mêmes commodités
pour les obferver en liberté , je fus contraint
cie les laiifer clans le poudrier , que je recouvris
d'une plaque de verre. Ainil plus de liberté ni
de promenades : auili ii'obrerverent-elies plus la
même difcipline. Elles ne r entroient plus dans
le nid à l'approche de la nuit ni dans les jours
froids , comme elles faifoient auparavant. Lorf-
que- le ioleil échauJîbit le poudrier , elles fe
mettoient à courir de côté & d'^autre dans font
incéiicar , cherchant des ouvertures poux St'é*
2lmj IL Ç
34 OBSERVATIONS
chapper. C>Licîques unes y réuiîirenti parce que
la plaque de verre ne s'ajuftoit pas exadement
fur les bords du poudrier. Elles ne s'écartèrent
pas néanmoins 3 mais elles ne rentrèrent pas
dans le vafe.
Mes Chenilles tapilTerent de foie toutes les
parois du poudrier , ce qui leur donnoic plus
de facilité pour fe cramponner contre le verre.
De temps en temps elles s'attroupoient , &
s'arrangeoients les unes à côté des autres de
manière que la tète de toutes étoit tournée jdans
ie même fens. Dans cette fituation , elles de-
nieuroient immobiles 5 niais 11 je venois à les
toucher du bout du doigt, elles fe difperfoient
à Finftant.
Les vapeurs qui s'exhaloient des Chenilles
8c des feuilles dont je les nourriifois , s'atta-
choient aux parois du vafe , Se craignant que
cette liumidité ne fïit nuiflble à la petite fa-
mille , j'enlevai la plaque de verre qui couvroit
ie vafe. Je vis avec plaifîr qu'elles n'abufoient
pas de la liberté que je leur laiifois , & qu'elles
fe contentoient de fe promener autour des
bords du poudrier : mais bientôt elles tentèrent
de s'échapper en defcendant le long des côtés
extéiieurs du poudrier. Je les pris donc une à
''SVK LES I N S E C TES. 3f
Tine 5 & les remis dans ie vafe 5 Se pour les y
retenir captives , je plongeai ie pied du vafe
dans une terrine pleine <l'eau, après avoir pris
Va précaution d'enlever tous les £ls de foie qui
tapiifoient l'extérieur du poudrier. Toutes ces
précautions ne lurent pourtant pas fuffirantes :
j-ios Chenilles tentèrent de paiTer ie petit lac
à la nage , & plufieurs s'y noyèrent. D'autres
attaclioient un fil aii bord extérieur du poudrier,
le dévaloient en - bas à l'aide de ce fil , &
{"d noyoient. J'ai obfervé ce même amour pour
lii-iiberté dans les Chenilles qui vivent en grande
fociété fur les Pins, dont je parlerai ailleurs»
Au commencement de Mai , mes petites Com^
munes fubirent leur première mue. Elles ea
acquirent des couieurs plus vives : leurs poils
devinrent p'-us nombreux & d'un roux plus
vif. Les côtés fe parèrent de deux raies blan-
ches , formées par de très-petites houppes de
poils courts j & deux points d'un rouge écla-
tant fe montrèrent fur la partie poftérieure 5
dans la ligne du milieu du corps.
Une quinzaine de jours après , nos Corn-
rnuues changèrent de- peau pour la féconde
fois : mais je fupprime le refte de ieur hiftoire,
parce qu'il n'ajoutercat rien à ce que M. dç
3^ OhSERVATION S
Keauiviur en a rapporté. Je ferai feulement
Hiention de quelques autres particularités que
cette Efpece m'a oifertes.
En Mai 1739 , pafTant près d'une haie fur
inquelle étoit un nid de Chenilles Communes j
dont les unes venoient de fubir la première
' îrue 5 & dont les autres étcient près de la
fubir ; je remarquai que le fon de ma voix
paroiiToit leur être incommode , & que tandis
que je parlois elles agitoient brufquement & à
plufieurs reprifes leur partie antérieure. Je ne
luppofai pas qu'elles iulTënt douées de Torgane
de l'ouïe : je ne connoiiTois aucune obfervation
qui prouvât que les Infedes font pourvus de
ce fens ; mais je conjedurai avec plus de fon-
dement , que le fon de ma voix fe communiquoit
à ces Chenilles par l'organe du toucher j ce
qui pruuveroit qu'elles ont le toucher très-dé-
licat. Je fiS à-peu-près dans le même temps une
expérience aifez femblable fur des Chenilles
d'une autre Efpece qui vivent aufîî en fociété
une partie de leur vie. Tandis qu'elles étoient
cxpofées à un folcil affez ardent , & qu'elles
couroient avec viteffe de côté & d'autre, je
m'avifai de faire fonner une petite cloche à une
fort petite diftance dp nid : quelques unes s'ar-
rêtèrent à Finflant , & agitèrent brufquement
1
SUR LES INSECTES, 37
îeur partie antérieure , comme (1 le fou de cette
cloche leur eût été très-defagréabie.
La Chenille commune préfente une parti-
cularité qui n'a pas échappé a fon Hiftorieu
M. de Reaxjmur : elle a fur le neuvième & le
dixième anneau un petit mamelon de couleur
rouge & charnu ^ qui tantôt s'élève en pyra-
mide au-delfus de la peau, & qui tantôt ren-
tre dans l'intérieur en revêtant la forme d'un
très-petit entonnoir. On ignore encore l'ufage
de ces mamelons. Pour parvenir à le découvrir >
je fis en Juin 1739 l'expérience de couper ces
deux mamelons à plufieurs Communes quel-
ques jours avant qu'elles conftruiiiiîent leur
Coque. Cette opération ne les empêcha point
de la conftruire ni de fe métamorphoser en
Chryfalides , & ces ChrylaHdes ne me parurent
pas diliérer le moins du monde de celles des
Chenilles à qui je n'avois point fait fubir la
même opération. Il étoit fortiparles plaies une
quantité confidérablc de cette Hqueur verdàtre,
qui tient Heu de fang aux Chenilles. J'ajoute-
rai néanmoins que quelques-unes des Chenil-
les que j'avois ainfi mutilées périrent des fuit- s
de l'opération , & que celles qui y réfift.crent
parurent un peu languillantes..
G 3
3§ OBSERVATION S
Le 24 d'Août de la même année , ayan^>
trouvé fur une branche de Prunier fauvage un
peur md de nos Communes , je coupai cette
branche, & j'allai l'attacher fur un Prunier
qui' étoit plus à ma portée , & où je pi>uvois
fiiivre facilement tous les procédés de nos jeu-
nes républiadnes. Ce nid de forme très-alongéa ^
étoit compofé comme à l'ordinaire , de feuilles
dont les Chenilles avoient rongé Pépiderme &
le parenchyme , qu'elles avoient couchées les
unes fur les autres &: le long de la branche , &
îecouvert de plufieurs toiles de foie. Ces toiles
étoient percées qà & là de petits trous oblongs ,.
qui étoient les portes de l'habitation.
Environ deux jours après leur étab'iiTement
fur mon Prunier , mes petites Communes m'of-
frirent un fpedacle très-agréable , <Sc que je ne
me laîfois point de contempler. Elles étoient
âefcen'dues en grand nombre le long de la branche
qui portoit le nid , & elles étoient allé s'arran-
ger les unes à côté des autres fur le dclïus d'une
feuille du Pruiiier auquel la branche étoit atta-
chée. J'admirai le bel ordre dans lequel elles
V s'étoient difpofées pour fourrager la feuille , &
quoique j'euife déjà lu une femblable Obfer-
Vation dans les Mémoires fur les Inje&es C'^) ^■
C^j Tora. îï-, pag. î2^6
SUR LES INSECTES, 3^
le fpefecle ne m'en parut pas moins intéref-.
fant. Toutes étoient rangées exactement fur
une même ligne , en ave de cercle , & fi fer^
ré-es les unes près des autres , qu'il n'y aiiroit
pas eu de la place entre deux Chenilles pour eu
recevoir uue troifieme. Toutes les têtes des pe-
tites Chenilles regardaient vers le haut de la
feuille , 8c les dents de toutes travailloient eii
même temps. Elles ne détachoient que l'épiderme
& le parenchyme , compris entre les nervures.
Les dents n'étoient pas encore aifez fortes pour
entamer la feuille par la tranche.
J'aurois paiTé des heures à jouir de cet
amufant fpedacle ; mais , il arrivoit conftam-
ment que ma préfence déterminoit les petites
Chenilles à abandonner la feuille qu'elles atta-.
quoient , & à regagner le gitc. J'évitois cepen-
dant avec grand foin d'occafionner aucun mou-
vement dans les environs de leur demeure , ou
dans, les feuilles fur lefquelles elles s'étoient
établies. *
Après qu'elles avoient rongé toute la furface
fupérieure d'une feuille , elles, commencoienr à
tendre des fils d'un bord à l'autre de la feuille,
C'étoit une forte de tente fous laquelle elles fe
rçpofoicnt. Je crus d'abord que c'étoit un nou-^
C4
4à 0 B S É k t^ A T I 0 N .^
veau nid qu'elles s'ctoient conrtruit -, mai^ iiné"
petite pluie qui vint à tomber , m'apprit quelles
iie jugeoient pas cette tente fulRfante pour
les en mettre à l'abri : je les vis fe retirer toutes
dans l'ancien nid.
Le "hâfard m'ayant fait tomber entre les main«
tin bon nombre de Coques de nos Communes
dont les Papillons n'étoient pas encore fortis ^
j'imaginai de les fufpendre par des fils à un
cordon tendu horizontalement dans un endroit
fort éclairé , pour tâcher de faifir le moment
©ù les Papillons perceroient la Coque pour ve-
inir au jour. Je fa vois que c'étoit ini petit
problême à refondre , que la manière dont les:
Papillons percent leur Coque. M. de Reaumur
avoit conjeduré , que c'étoit à l'aide de leurs
yeux k rezeau , comme à l'aide d'une lime ,
que les Papillons logés dans des Coques de foie
bien clofes ^ parvenoient à limer les fils & à fe
faire jour. Je jettois donc fréquemment les yeux
fur les Coques fufpendues à mon cordon -, mais
je ne fus pas afiëz heureux pour faifir le mo-
lî defiré. Cependant un Papillon que je furpris
dans l'inftant qu'il venoit de fortir , fe montra
^ moi dans une attitude & une pofition qui me
firent conjeelurer qu'il s'étoit fervi des pinces
êf {mi demeîe ptiu^r brifer les, fils de la Coque*
SUR LES IKSECTES, 41
Je ne rapporte ici cette Obfervation que pour
exciter les Naturalises à la répéter & a fe ren-
dre plus attentifs.
Le derrière du Papillon femelle de la Com-i
inune eft garni d'une grofTe touffe de poils»
très-courts d'un roux ardent : grâces aux re-
cherches de M. de Reaumur (^) , on fait que
cette toulfe de poils lui a été accordée pour en.
conftruire un nid à fes œufs , & qu'il a au der-
rière une efpece de petite main très-agile au
moyen de laquelle il détache fes poils & les
arrange proprement autour de chaque œuf,
dont il enveloppe tout l'amas d'une pareille
couche de poils. Enfin, après avoir pourvu avec
tant d'art & de foins à la confervation de fa
chère famille , Pinduftrieux Papillon meurt collé
fur fes œufs , qu'il recouvre de fes ailes comme
d'un toit.
(*) Ibjd. Mém. II , pag. loo & fuivantes.
42 OBSERVATIONS
^^-=r=:^=^ ^^:^ „_^ ?^^.
OBSERVATION V.
Sur des Chenilles qui vivent en fociété une partie
■ de leur vie , ^ qiCon pourrait nommer à
dentelles.
j
i £s connoifîance avec ces Chenilles le 9 de
Mai 1739. J'en trouvai un nid fur TAubépine,
Les Chenilles qui l'habitoient étoient jeunes
encore: toutes étoient au-delfous de la gran-
deur médiocre.
Elles paroifloient au premier coup - d'œil
entièrement noires , & d'un noir qui imitoit
celui de l'encre de la Chine. Mais lorfqu'on
les rcgardoit de plus près , on leur voyoit fur
les côtés , au - deifus ic la ligne des ftigma-
tes , une forte de bordure très - fine , de cou-
leur blanche , affez femblable à une dentelle
étroite , qui s'étcndoit depuis le fécond anneau
jufqu'au derrière. Cette bordure aiïez remar-
quable m'engagea à leur donner le nom de
Chenilles û dentelles , au défi-mt d'une déflgna-
tion plus caradériftique. Sur les deux premiers
anneaux étoient placées deux hpuppes de poils ^
rouges fort courts , fort femblables à celles qu'oa
voit à~peu-près au même endroit fur la Che-
SUR LES INSECTES. ^i
iiille commtme. [Obf. IV. ] Tout leur corps
étoic encore parfemé de longs poils roux. EHcs
avoient feize jambes : les écaiUeures éioieut
noires ; les membraneufes rougeatres.
Je ne pus détacher le nid. Il tenoit trop
aux principales branches de FarbrilTeau. Il fallut
jne borner à en enlever les Chenilles , que je
renfermai dans une boîte. Elles en tapiilerent
de foie l'intéiieur. Elles demeuroient crampon-
nées fur la tapilTerie ; leur partie antérieure
courbée du côté du ventre. Elles ne fe don-
noient que peu ou point de mouvement.
4
Cette fituation & leur attitude me jBrenÈ
juger qu'elles alloient changer de peau s ce
qu'elles firent bientôt après.
La mue changea un peu leur extérieur. Elles^
parurent beaucoup pius velues , & leurs longs
poi's roux furent remplacés par des poils d'un
blanc argenté , mêlés avec d'autres moins longs
& de couleur rouge.
Dans le mois de Juin , plufieurs de mes
Cher. il i es fe conftruifirent des Coques que je
ccîilîdérai avec plailir. Elles ne reifembloient
pas mal par leur couleur , par leur forme & par
44 OBSERVATIONS
leur grandeur , à des glands de Chêne y il ne
leur en manquoit prel'quc que le poli ou le
luifcUît. Le fond de leur conlii- action é-toit de
l'oie i mais les adroites ouvrières avoient fait
pénétrer dans les mailles du tiiFu foyeux une
matière graiTe , d'abord jaune j mais qui fe rem-
brunit peu-à-peu , & qu'elles avoient fu étendre
très-proprement fur la furface intérieure & ex-
térieure du tifTu. Cette matière grafle fe delTé-
choit promptement à l'air.
Une maladie qui furvint aux autres Che-
nilles les fit toutes périr.
A-PEU-PRÈs dans le même temps , un de mes
amis trouva un nid de Chenilles de la même
Efpece 5 mais dont les couleurs offroient queU
ques légères différences. La bordure en dentelle
de celles-ci étoit d'un jaune citron.
Le nid étoit de pure foie. Il y avoit qà & là
des ouvertures par lefquelles les Chenilles for-
toient & rentroient à certaines heures. Elles
en fortoient pour aller prendre leurs repas fur
les feuilles des environs , & y rentroient après
les avoir pris.
Toutes fembloient fortir à -peu -près à la
SUR LES INSECTES. 4c
laiême heure , & rentrer dans le même temps.
Lorsque le foleil dardoit fes rayons fur le
3iid , elles étoient dans une grande agitation &
«ouroient fort vite de tous côtés.
Elles augmentoient chaque jour les dimen-
fions du nid par de nouveaux fijs , qui formulent
des toiles fuperpofées & plus ou moins epaiifes.
Elles changèrent deux fois de peau 3 & ce
fut après le dernier changement qu'elles com-
mencèrent à abandonner le nid & à fe féparer.
Plusieurs de ces Chenilles que j'avois ren-
fermées dans un poudrier , après qu'elles eurent
abandonné leur nid , nie parurent pourtant fe
plaire à fe ralfembler les unes auprts des autres.
En es étoient de grandes ma'igeufes , & j'avois
peine à les raifailier. J'avois couvert le poudrier
iivec un couvercle de papier : lorfque j'enlevois
ce couvercle , mes Chenilles me faifoient fentir
une odeur de foin très-agréable , mais un peu
forte.
Vers le com.mencement de Juillet, j'obfervai
que mes Chenilles ne mangeoient point, qu'elles
avoient diminué de grandeur, que le deifus de
leur corps paroiifoit comme pelé , & que leurs
4^ OBSE'RVATIONS
couleurs avoient foufFert des altérations fenfi-
î)les. Je les jugeai malades, & je ne me trompois
pas : mais , je ne pou vois deviner la caufe ni le :
genre de leur maladie. Elles périrent toutes à
l'exception de quatre à cinq.
Pour tâcher de m'éclairer Tur cette maladie ,
j'eus recours à la diifedion , & pour la faire avec
plus de fuccès , je fis périr dans le vinaigrç
quatre des Chenilles qui me reftoient.
J'en ouvris deux du côté du dos , en diri-
geant la fedtion en ligne droite depuis le der-
rière jufqu'à la tète. J'écactai de chaque côté
les tégumens , Se les retins en place par de
petites- épingles fichées de diilance en alliance
dans une planchette,
La première chofe o^ui fixa mes regards , fut
un amas de petits vaiileaux de couleur jaune ,
entrelalfés les uns dans les autres à l'extrémité
du canal intéftinal. On les auroit pris pour des
ovaires ; parce qu'i's paroifloient compofés de
petits grains jaunes , femblables à des œufs, (i)
De cet amas de vailTeaux jaunes , partoient des
filets de même couleur , qui n'étoient que des
(0 Ces vaifTeanx étoicnt ceux que Malpighi , & aprfô
lui M. de REAU.MUja. qlH nommés vuyîqueux.
SUR LES INSECTES. 47
'i-aiiTeaux de même efpece, plus délies, dont les
xms fe dirigeoieiit vers la tète en traqant diffé-
rentes courbes fur le canar inteftinal , & dont
les autres fe dirigeoient fur les côtés. Il étoit
facile de reconnoitre ces vaiffeaux pour les ré-
fervoirs de la matière ^raiiTeuCî dont la Che-
nille enduit fa Coque. Qiiand je maniois avec
les doigts ces vaiffeaux, ils devenoient bientôt
caifans , de fouples qu'ils étoient auparavant :
c'eil; que la matière gralfe qu'ils contenoient, fe
delféchoit trés-promptement à fair.
Je donnai endiite mon attention au canal
inteftinal 3 & pour l'obferver mieux , j'enlevai
délicatement les réfervoirs de la matière gralTe
qui le recouvroient dans fon extrémité infé-
rieure. Tout Pextérieur du canal me parut garni
de trachées : leur nombre étoit prodigieux : elles
fe divifoient & fe foudivifoient prefqu'à i'm^^nL
On n'ignore pas que les trachées font des
Vai/feaux d'une ftrudure très - particulière , qui
femblent ne contenir que de Pair. Tout le refte
du corps étoit rempli & comme inondé de ces
trachées.
J'observai encore avec beaucoup de pîaifir
quantité de beaux mufclcs , qui recouvroient
intérieurement les anneaux 5 & qui étoient teii^
48 OBSERVATIONS
dus fur leur furf ace comme des cordelettes. Les
attaches de ces muicles piiroilToieiit être duns
h jonction des anneaux.
J'ouvris les deux autres Chenilles du côté
du ventre , en commençant la fédlion par le
derrière. Je vis là le même amas de vailîeaux
jaunes que j'avois cblervés du côté oppoie. J'ef-
fayai de les dévider en quelque forte -y & je n'y
aurois pas mai réiilfi , s'ils n'étoient toujours
devenus très-eaifans a Pair. Je ne fais comment
je ne fcageai pas à les dévider dans Peau. On
peut juger de la prodigieule longueur de ces
vaiiTeaux , par ce que j'ai dit de Pâmas qu'ils
foim oient , & de la multitude de plis & de re-
plis divers qu'ils oUroient à ma vue. Mais , je
viens à Pobjet principal de ma recherche. Je
trouvai dans ces quatre Chenilles Peilomac plus
c;u moiîîs dmphane en dillérentes portio;:s de
ion étcndiiQ. Apres Pavoir ouvert , je découvris
dai.s fon iiitérieur une forte de gelée fort tranf-
purentc. En prellàiit le vifcere par une de fes.
extrémités, je faifois ibrtir par Pautre une ccr-
taïue quantité de cette gelée.
Il ne me fut pas difficile de deviner ce <jué-
toii cette matière gel^Xineuf^. Je favois que les
Clicn::.es dcx%i:iit j:ej.t:ci la membrane une' &
t^aaiparentc
SUR LES INSECTES: 49
tnUTfpareiite qui revêc intérieurement le canal
jnteftinal , & que cette réjeclion étoit un des
préliminaires néceiîaires à la transformation en
Chrylalide.
J'eus donc lieu de préfumer que mes Che-,
îiilles n'avoient pu parvenir à r-ejetter la mem-.
brane dont il s'agit, que cette membrane s'étoiç
altérée , diil-bute ou réduite en cette forte de
gelée que la dtifedion oirroit à mes regards ,-&
que cette altération finguliere étoit la caufc ou
Pelfet de la maladie qui avoit fait périr nos
Chenilles. Je favois encore que , dans l'état na-»
turel , cette membrane étoit toujours rejettée
par petits fragmens , très - aifés à reconnoitre ,
& qui recouvrent les excrémens folides de l'în-.
fede. Or, les Chenilles dont je parle, avoient
eu quelques jours auparavant une diarrhée -,
pendant laquelle elles n'avoient rendu que des
excrémens liquides. La membrane à rejetter n'a-
voit donc pu s'attacher à de tels excrémens. Je
les trou vois liquides encore dans le canal ku
teltinal de celles que' je diiféquois.
»
Les nids de nos Clienilles a dentelles font;
ordinairement de pure foie , & cette foie eft
très-blanche. Elle femble inviter à la mettre ea
œuvre. Ces nids n'aâedent point de forme r^.
Tome IL ' P
fo OBSERVATIONS
guliere. lis font conftruits autour des tiges eu
des branches , & font bien plus grands que
cetîx des Livrées ou des Communes. Auffi les
Chenilles qui les habitent font-elles plus gran-
des & plus groffes que les Communes. C'eft
dans le mois de Mai qu'il faut les chercher.
Ils ne font pas rares fur les haies.
Après avoir tranfcr't ces Obfervations , j'ai
trouvé vers la mi-Mai , fur une haie de Pru-
nier fauvage , un très-grand nid [ Pi. IL N. N. ]
de nos Chenilles à Dentelles. Il etoit , comme
tous ceux que j'avois vus , de pure foie , & de
forme affez irréguliere. La fienne étoit déter-
minée par les angles des branches autour def-
quelles il avoit été conftruit. On voyoit à fa
lurface cinq ouvertures oblongues , [Fl. IL
o ^0 ^ 0 .> 0 ^ 0.] d'inégale grandeur , & qui étoient
les portes de l'habitation.^ L'mtérieur du nid,
fur-tout dans fa partie inférieure , étoit plein
d'excrémens de couleur noire»
Deux chemins principaux , tapifles d'une
belle foie blanche , partoient de ce nid , s'éten-
doient au loin fur la haie , & s'enfoncoient en-
fuite dans fon intérieur. On croyoit voir les
principales revenues d'une bonne ville. L'un fe -
-dirigeoit en ligne droite en en-bas , & aboutif-
'SVTx LES INSECTES. 51
ïoit à la grande porte du nid , R R. L'autre ,
!SSS, ferpentoit fur le deilus de la haie-, s'éle-
voit, s'abaiifoit , fe reievoit pour s'abaiiîer en-
core & fe plonger er.E.i dans Tépaiiieur de la
Jiaie à une certaine dillance du nid.
Ces deux chemins principaux étoient fi mar*
qués , & leur ufage et )it fi facile à reconnoi-
tre, que je n'ai pu réfiiler au defir de les far©
delîiner. La Figure tres-exade que j'en pré-
fente ici , fervira en même temps à faire mieux:
comprendre ce que j'ai raconté des Livrées dans
rObfervation III , & que je n'avois pu repré-
fenter par une figure , parce que je manquois
de defiinateur quand j'obfervois ces Chenilles.
D'autres chemins moins marqués , plus tor-
tueux , & qui étoient comme des chemins de
traverfe ou des routes détournées , venoient
aboutir à l'habitation par divers côtés. Je ne
les ai pas fait repréfenter dans la Fi^e 5 |)ouc
«vitcr la confufion.
%J?
D ^
^2^ OBSFRÎ^ATIONS
OBSERVATION VI.
Sur les Chenilles qui vivent en fociété fur le^
Fins,
N trouve une Hiftoire alTez détaillée de
ces Chenilles dans le Tome fécond des Mémoi-
res fur les Infedes (*). Elles vivent en grande
fociété dans les forêts de Pins , & fe conftruifent
fur ces arbres des nids de foie blanche , dont
la groifeur égale au moins celle d'un melou
ordinaire.
Je n'avois point de Pins à ma portée dans
la campagne que j'habitois , Se j'avois un defir
vif d'obferver ces républicaines , pour lefquelies
M. de Reaumur avoit fort excité ma curioflté
par quelques traits de leur hiftoire , qui m©
paroiîibient exiger un nouvel examen. Je favois
que les montagnes de Savoie qui nous avoifi-
lient abondoient en Pins : vers la mi-Décembre
1738 5 je chargeai un Payfin de ces montagnes-
de nf apporter de ces nids que j'étois iî impa-
tient de voir. Il s'acquitta promptement de ma
commilTion, & je me trouvai bientôt en pof^éf-
fion de fix nids très-bien conditionnés. 11 y eii
C) Méni, III , page 145? & fuivantcs.
SUR LES INSECTES. f^
«voit d'aiFez grands : d'autr?s étoient fort petits
encore. Tous étoient revêtus d'une belle- foie*
blanche , plus épailfe dans les uns que dans
les autres , & qui enveldppoit divers paquets de
feuilles couchées la plupart fuivant leur lon-
gueur, & entre lefquels étoient des cavités plus
ou moins fpacieufes , dans lefquelies les Che-
nilles fe tenoient renfermées. On voyoit fur
chaque nid une ou plulîeurs ouvertures qui en
étoient les entrées. Leur forme n'oiîroit rien
de conftant ni de régulier.
Comme je ne voulois pas perdre de vue mes
nids, je les diftribuai en divers endroits de la
chambre où je couchois. Pluiieurs furent placés
fur la tablette de la cheminée, à quelque dit
tance les uns des autres.
Un jour s'étoit déjà écoulé fans que j'eufTo
vu fortir des nids une iéule de nos Chenilles.
Le foleil étoit fort brillant & alfez chaud pour
la faifon : je crus qu'eii y expoiant quelques-uns
de mes nids , j'engageroi^ les Chenilles à le
montrer. Un Thermomètre placé à côté des nids ,
m'indiquoit que la chaleur à laquelle je les ex-
pofois, égaloit celle de nos Étés les plus çhau.s.
Cependant , je ne v;s paroître que quelques
ÇhonillQS 5 & c'éfeoient de celles qiii habitoien^.
D 3
f4 0 B S E R V A T r 0 N S
le nid le plus petit ou le moins fourni de foie*
Elles, ne fe montrèrent pus même en entier t.
elles ne. firent que préfenter leur tète aux ou-
vertures; & bientôt je les vis rentrer dans l'in-
térieur du nid. Ceiies que j'appercevois au tra-
vers de la toîîe , paroiiibient fort fenfiblcs à la
ehaleur qu'elles éprouvoient : elles montroienfe
Beaucoup d'émotion.
Je îailîai les nids expofés pendant deux heu-
res au même degré de chaleur : ce fut très-inu-*
tilemeut : je ne parvins point ainfi à déterminer
les Che-iilies à fortir. Je reportai donc les nids
dans ma chambre , & les remis à la même place*
Enfin , fur les cinq heures eu foir du même
jour , les Chenilles de ces nids avoient conv
mencé à en fortir ,.. Se elles étoient déjà répan-
dues en grand nombre fur la toile , qu'elles
cpaifîiifoient par de nouveaux fils qu'elles ten~
doient de côté 8c d'autre. Eies marchoient fort
vite , & ne s'écartoient un peu que pom* aller
ror-ger quelques feuilles placées dans les envi-
rons. Quelques-unes néanmoins fe dévalèrent
fur la tablette de la cheminée, à l'aide d'un.fii
de foie très - délié : mais elles fe fervirent du
même fil, comme d'une échelle, pour remonter
dans le nid. E;'es n'y remontoie:it pas facile-
ment 5 parce que k hï étoit fi délié , que leurs
SUR LES INSECTES, ^f
jambes avoient peine à s'y cramponner. Elles
ne fe fervoieilt donc pas de ce ni à la manière
de ces Arpeiiteiifes dont M. de ivEAUMUR a
décrit le. procédé (0 , & que j\u obiervé moi-
même chez une petite Chenille du Figuier , qui
n'étoit point de la claiFe des Aroenteufes. Ce
procédé eft alîurément très - remarquable. La
Chenille qui s'ell déva'ée à Taide d'un fil de
foie extrait de fa fi' iere >. remonte alfez vite &
avec une adreife admirable , en faifiifant "/ec
fes premières jambes uno, portion plus élevée
du fil qui la tient fufpendue. A mefare qu'elle
s'élève , le fil s'entortille & s'amoncelle entre fes
premières jambes : ainfi lorfqu'elle s'eft élevée
de quelques pouces, , on conmience à apperce-
voir entre fes jambes écailleufes un petit amas
de foie blanche comme pelotonnée ,. qui n'eft
autre chofe que le fil de foie , auparavant étendu
en ligne droite , & que la Chenille empaquette
entre fes jambes en remontanc. Ce procédé in-
génieux n'étoit point celui des Chenilles du
Pin. Il ne leur auroit pas convenu. Les fils
qu'elles tendent font autant de communications
qu'elles pratiquent. Ils doivent donc relier en
place : ils doivent demeurer tendus , parce que
dans l'inftitution de la Nature , ils dévoient
(*) Jllém. f,.r hs Inf. Tome II , Mém. IX. PL XXXI.
Fis. 1,2,3» 4, 5-
D4
^ê 0 È s E R P^ A T I 0 ?r s
ferviir à nos Chenilles à retrouver leur habitr?-
tion , quand il leur arn'veroit de s'en écarter.
Mes Chenilles remontoient donc le long du
fiiff à-peu^près: comme elles auroient fait le long
d'Un plan perpendiculaire à j'horifon. Le fil étoit
en effet tendu perpendiculairement depuis le nid
à la tablette de la cheminée , & formoit ainfi une
feommunicat^'on de l'un à l'autre.. Je voyois nie3
Cheniiles defcendre & remonter d'un pas égal
& tranquiHe le long de ce fiU d'abord avec alTe^
de peine ^ puis avec facilité : c'eft qu'à mefure
Qu'elles chemir oient le long de ce fil y elles en
augmentoient répaiileur par la nouvelle foie dons
dles le recouvroient.
Les Chenilles qui avoient commencé à for-^
tir , ne tardèrent pas à rentrer : elles fembloient
fuir la lumière, de la bougie qui m'éclairoit.
Mais* quoiqu'el'es paruiîent fortir plus volontiers,
îa nuit que le jour, & qu'elles femblaifent fuir
là lumière de la bougie , j'en vis néanmoins les
jours fuivans qui fortoient en plein jour & à
toutes les heures du jour,, & s'éloignoient alfez
du nid»
Je remarquai que ces Chenilles avoient deux
manières de m^ircKer trèsraifées à diftingucri
L'une q.iie J€ nomnierois naturelle , étoit fem-
Blable à celle de. la plupart des Chenilles à
SUR LES INSECTES. 57
feize jambes: l'autre, qui me frappa beaucoup,
fe faifoit par petites fecouires de tout ie corps i
& ceile-ci étoit plus lente que Tautre. Cétoiî
fur-tout quand je les obfervois. à la lumière
d'une bougie , qu'elles me faifoi^nt voir cette
finguliere démarche j mais je l'obfervois auffi
pendant le jour , fons que je puife dikouvric
ce qui i'occafionnoit.
Elles marcîioient comme les Livrées , en pro-
eeffion , à la file les unes des autres , & dans le
plus bel ordre. Elles défiloient toutes une à
une , d'un pas très-égal & aiïez lent i & les
longues files qu'elles formoient, étoient bien plus
co.îitinues encore que celles des Livrées s je veux
dire , que la tète de la Chenille qui fuivoit , tou-^
choit le derrière de la Chenille qui précédoit. Elles
ne marchoient pas toujours en Hgne droite : fou-
vent elles traqoient une multitude de courbes dif-
férentes , & ces courbes repréfentoient quelque-
fois des feftons ou des guirlandes , dont le coup-
d'œil étoit d'autant plus agréable, que toutes les
parties de la guirlande étoient en mouvement &
changeoient fans ceife de fituation refpedive , ce
qui varioit d'inftant en inftant la figure de la
guirlande. En un mot, je ne faurois dire combien
le fpeclacle de ces proceffions parties de dinérens
nids 5 & qui fuiv oient différentes diredions , étoic
^S 0 B S^E R FA T T 0 N S
intéreflant. Elles s'éloignoient fouvent à ct'alTe^
grandes tliftances du nid : les files de Chenilleât
étoient alors fort longues. Tandis qu'une procel-
lion fuivoit la même ligne droite , d'autres fe
détournoient en diiférens fens. Les unes mon-
toient , les autres defcendoient. Les murs, les
planchers , les meubles de ma chambre étoientC
les théâtres de leurs différentes évolutions-
Toutes les Chenilles d'une même proceflloii
marchoient d'un pas uniforme : aucune ne fe
preiToit de devancer les autres : aucune ne de-
iiicuroit en arrière dans, l'intérieur de la file-
Qiiand celle qui marchoit à la tète de la procelîioa 1
s'arrètoit , celle qui la fuivoit immédiatement
s'arrètoit auffi s puis la troifieme, la quatrième, i
la cinquième , &c. & fi la file étoit fort longue % 1
on juge bien que les Chenilles qui en occu-
poient le miheu ou la queue , cheminoient encore ,, j
tandis que celles qui en occupoient la tète ne
cheminoient plus. Il fe palToit donc ici précifé- *
m.erit ce qui fe paife dans des troupes qui dé- j
filent en bon ordre. Chaque Chenille gardoit
fa place , & dirigcoit fa marche fur celle de la
Chenille qui la précédoit immédiatement. Elles
n'avoient pas proprement un Chef .; mais la
Chenille qui marchoit à la tète de la procefTion
en tenoit lieu , & toutes les Chenilles fuivoient
fcs pas.
SUR LES INSECTES.. ^§
Lorsque les premières Chenilles d'une pro»
ceffion faifoient halte , elles le raHeriibloient les
unes auprès des autres , & les unes fur les au-
tres en monceau , & fe renfermoient dans une
efpece de poche à claires voies , aiîez fembîal>'e
à un filet à prendre le poiiTon. S'il arrivoit
que cette poche fut fort fréquentée , elle deve-
iioit en quelque forte un fécond nid y car les
Chenilles f agrandiiToient Se la fortifioient de plus
en plus par de nouveaux fils. Cette poche les
empèchoit de tomber , lorfqu'elles s'étoieiit
fixées fur la partie inférieure d'une poutre,
d'une corniche ou de queiqu'autre appui.
Lorsque nos Procefîionnaires revenoient aa
nid , c'étoit par la même route qu'elles avoient
fuivie en s'en éloignant. Mon Ledeur devine
aifément le procédé au moyen duquel elles re-
trouvoient toujours le chemin de leur habita-
tion : les Livrées l'en ont déjà inftruit. Comme
. elles , nos Proceilionnaires du Pin tapiffent de
foie tous les chemins qu'elles parcourent. Peu-
à-peu ces chemins deviennent très-reconnoiifa-
bles par une trace de foie blanche aifez bril-
lante 5 & qui a une ou deux Hgnes de lon-
gueur. Un correspondant de M. de Reaumur
avoit appercu ce fliit Ç^) s mais il ue l'avoit pas
C) Ment, fur Us Inf, T. II, pag. ISJ.
60 OBS^TxVATIOKS
obfervé avec toute l'attention qu'il méritoit»
Je remarquai une dilïerence bien fenfiblfr
entre la manière dont nos Chenilles du Pin
tapiifoient leurs chemins , & celle dont les...
Livrées tapiiîent les leurs. Qiiand ces dernières,
marchent procelîîonnellement , elles promènent
ia tète à droit & à gauche alternativement ;.
& pendant qu'elles exécutent ce mouvement ,
la filière laille fortir le fil qui trace la route.
Il n'en étoit pas de même de la manœuvre des
ProceiTionnaires du Pni : au lieu de porter la
tète alternativement à droit & à gauche, elles,
i'élevoient & l'abaiiToieut alternativement. Quand:
elles rabaiiToient , la filière coUoit le fil fur le
plan le long duquel défiloit la proceffion : quanci
elle l'élevoit , la filière laiiToit couler le fil , &
il continuoit à couler tandis que la Chenille
faifoit quelques pas : la tète s'abailToit enluite
de nouveau , & le fil étoit collé fur le plan.
On préfume bien , que je fis fouvenl: l'expé-
rience de rompre les chemins de nos Procell
fionnaires , comme je Pavois pratiqué, à Pégard
des Livrées : le iuccès en fut le même. J'ar-
rètois ainfi à volonté la marche des proceffion s,.
Je me fervis même plus d'une fois de cet expé^
dient pour les détourner de certains endrQit%
SUR LES INSECTES. 6l
âe ma chambre , & en particulieur du lit oii
je coiichois. J'étois pourtant obligé de revenir
•aiTez fou vent à rompre les mêmes chemins , car
il fuififoit qu'une feule Chenille traverfit d'un
bord à l'autre de l'endroit rompu pour rétablir
la route. Qiielquefois , au lieu de retourner fur
leurs pas , mes Proceilionnaires tiroient fur la
droite ou fur la gauche , & fe fray oient une
nouvelle route , que j'étois appelle à rompr©
comme la première.
En parlant de la foie des nids de nos Che-
nilles du Pin , M. de Reaumur obferve , qu'elle
devient caiTante dans l'eau chaude s & que fi
Ton vouloit eifayer " de la mettre en œuvre,
33 il faudroit bien fe donner de garde de la faire
33 bouillir pour la teindre ; qu'il fmdroit l'em-
33 ployer avec fa couleur naturelle ou la teindre
33 prefque à froid ,3, Il ajoute j " il femble donc
33 que l'eau diiTolve cette foie • ce qui nous
33 invite à faire de nouvelles expériences , pour
33 voir fi dans la nature il y a une foie que
33 l'eau bouillante peut diiToudre. Une pareille
33 foie auroit peut-être des utilités pour la com-
33 pofition de vernis flexibles (^) , kc. ,3 Pour
entrer daiiis les vues pratiques de notre il'uftre
Naturalifte , je fis bouillir quelques ini;jas dans
Q) 2hid, j)ag. 151.
fô 0 B s E R V A T 1 0 N S
l'eau commune des nids de nos Chenilles du
Pin. Ils s'enflèrent beaucoup par îa dilatation
de Pair qui y étoit renfermé j ils fe réduifirent
enfuite en un très-petit volume , & la foie de-
vint caiiante.
Je tentai une autre expérience : j'elTayai d'ex-
traire du corps même de ces Chenilles la ma-
tière foyeufe , après en avoir mis les réfervoirs
à découvert. Pendant l'opération , j'obfervai avec
plaifir i que je tirois cette matière en Êls auffi
longs & auiîî déliés que je le voulois. Je pris*
aulFi-tôt une feuille de papier blanc , que j'ima-
ginai d'enduire de cette matière : j'efpérois que ,
je la couvrirois ainli d'un beau vernis : mais
le fuccès ne répondit pas pleinement à mes
efpérancps : les endroits vernis ne devinrent
pas aiiiîi brillans que je Pavois préfumé.
Je recourus enfuite à un autre procédé , à
celui dont les Mexicains font ufage pour retirer
la matière de leurs admirables vernis du corps
de certains vers , & dont M. de Reaumur avoit
fait me'ition ('*^): je fis bouillir dans de Peau
commune une bonne quantité de nos Chenilles j
je les y fis cuire en quelque fnte : il en fortit
une liqueur de couleur canelie i mais qui ne*
C) Menu Swf lêi 14, Tome L
^UR LES INSECTES, €3
^le parut pas avoir de la vifcofité. Je fis éva-
porer Peau fur le feu 61 eu plein air , pour don-
ner lieu au rapprochement des particules foyeu-
les. Il me refta une forte de grailTe de couleur
brune , qui me donna quelques efpérances ,
quoiqu'elle n'eût pas une vifcofité bien fenfi-
ble y mais un accident imprévu brifa le vafe de
verre qui la contenoit.
J^ n'indique ces expériences que pour exci-
ter les Naturaliftes à fuivre aux vues ingénieufes
de M. de Reaumur j & je regrette de n'avoir
pas pouiTé moi-même ces expériences auiîi loin
qu'il auroit été à defirer.
Les nids font pleins de feuilles & d'excré*
mens. Ils demandent à être bien nettoyés pour
qu'on puiife travailler fur leur foie. Ceux que
î'avois dégagés de toute matière étrangère , &
que je mettois enfuite fur ma peau , me fai-
foient éprouver une chaleur douce qui fembloit
aller toujours en augmentant. J'en conclus
avec fondement , que ces nids feroient admira-
bles pour la fabrique des ouates.
J'ai eu dans la fuite d'sutres occafions dob-
ferver les manœuvres des Chenilles du Pin ; 8c
parce que j'avois expérimenté qu'elles étoient
^4 0 B S E R V A T I 0 -N S
de grandes vo3^ageures^ je plantois dans un alTe^Z
grand vafe plein de terre la branche qui por-
toit le nid , & je mettois le pied du vafe
dans une terrine pleine d'eau. La marche des
proceiîions étoit ainfî *fort circonfcrite : elles
fuivoient long -temps les bords circulaires du
Tafe , qui étoient bientôt recouverts en entier
d'une épaiiie couche de foie : mais peu-à~peu
les Chenilles defcendoient fur les côtés du vafe
& en gagnoient le pied. Ce vafe étoit pourtant
de terre vernilîee , & les Chenilles ne s'y cram-
ponnoient d'abord que difficilement : mais la
foie dont elles tapiifoient leur chemin , leur
donnoit auffi-tôt la facilité de fe porter par
tout. J'étois force de revenir très-fouvent à
enlever toute la foie qui tapiifoit les côtés du
vafe , pour les empêcher d'atteindre au pied.
Un jour néanmoins , malgré toute ma vigilance
& mes précautions, j'en trouvai un grand nom-
bre qui s'étoient noyées en vouhmt traverfer
l'eau de la terrine *, plulieurs avoient même
xéuiîi à traverfer le petit lac , 8c marchoient
en proceffion fur les bords de la terrine. Je fus
réduit à les prendre une à une avec la maiiî
& à les pofcr fur la toile du nid. Je ne m'é-
tois pas aiTez défié de leurs poi s : je fentis au
bout de quelque temps une forte d'engourdif-
iiment dans mes doigts 3 puis des démangeaifons
:§uR LES I2>^SE-€TES. 6X
Sr i:!es cuifoiis très-fortes qui furent fuivies cl^eii*.
€ure. On lait que ce n'ei-f: que par leurs poils
-Tue les Chenilles font à craindre : celles qui eu
ont dépourvues peuvent être maniées impu*
iiément,
.Je ne parie point ici à-c mes ïechm'ches ftt
les Fauxrjîigmates de ces Chenilles : on en trou-
vera ailleurs le détail. I s oiiroient des parti*
Cfilarités qui méntoient bien un examen plus
approfondi •
ON.pei^t voir la fuite de Fîiiftoire des Che>^^
ndlles du Pin dans l'ouvrage que j'ai cité. Elles
«ntrent en terre en Mars ou Avril (i) , & sy
=€onftrmfent des Coques de pure {o\q , qui ne
répondent pas à ce qu'on attendoit de û gran-.
des fileufes.
(0 Je trouve dans une de mes lettres à M- de Keaumus.
■dû 25 de Juin 1743 , que j'obfervois encore 1^ "Chenilles
da Pin driiîs îe milieu de Mai de la n'Cnne année , & beau-
coup de ces Chenilles n'avojent point encore atteint alors leur
.parfait accroiiTement. Il n'eft donc point généralement vrai ,
que ces Chenilles n'avent plus à croître dès le mois de Dé=
«eînbre , comme M. de ReaOmur le p-ni^oit. La di"^eiÊ£«
><΀ ciiinat peut devenir ici une Tource de vaii^tésc
^6 OBSERVATIONS
OBSERVATION VIL
&r des Cbenilles qui vivent en fodété , ^ qui
fe confiruifent des nids qiCon pour r oit nouu
îner en pendeloques , dans lefqnels elles pajfenP
PHiver.
E
N Odobre 173 S 5 "Un de nies amis qui aimoit
l'étude des Infectes , m'apporta une petite
branche , aux boutons de laquelle étoient fuf-
pendus par des fils de foie de^ petits paquets
de feuilles. [ PL III:, Fig. /, //. ] La manière
dont ils étoient fufpendus favoit d'abord frappé.
Il avoit ouvert quelques-uns de ces paquets ^
8c avoit trouve conftamraent dans chaque pa-
quet deux efpeces de très-petites Coques d'une
foie blanchâtre , adoifées Tune contre l'autre ,
8c qui renfermoient inie très - petite Chenille
de couleur grife <, à . feize jambes. Bien fâr que
fon Obfervation piqueroit ma curiofité , il s'é-
toit empreifé à mettre fous mes yeux quelques-
uns de ces nids. Je n'en fus pas moins frappé
qu'il i' avoit été lui même. Ces paquets de feuilles
étoient en effet fufpendus à la branche par
un fil de foie, & ce fil ctoit fi bien entortiiié
autour du bouton de la branche 5 qu'on n'auroift
'SUR Lis INSECTES. 6
]pTa faire mieux pour empêcher ^ue le Yeni
'ii'emportàt le petit nid.
J'ouvris en préfence Hè mon ami quelq^jes*
tins de ces paquets de feuilles 5 & j'y trouvai
comme lui de petites Coqu-es qui renferm oient
chacune une petite Chenille grife , demi-velue
& de la première clalTe. Je préfumai dabord ^
que ces Chenilles s'étoient ainfi renfermées pour
paifer plus en fareté la mauvaife faifon. Je
connoilfois les nids que d'autres Kfpeces de Che-
nilles fe conftruifent fur la fni de l'Eté ou an
commencement de l'Automne , pour une fem-
^blable fin : mais je ne iais ce qui m'empêcha
alors de donner aux petites Chenilles dont je parle
toute Pattentxon qu'elles me paroiiloient mériter^
Ce ne Rit qu'en Janvier de WnnéQ fuivantC;,
qu'ayant rencontré par hafard de ces nids fur les
haies , je pris la réfolutioii de m'inftruire plus à
fond 4e l'hiftoire des Chenilles. Dans cette vue , je
•coupai quelques branches auxquelles pcndoient
de ces paquets de feuilles. Je les emportai dans
îuon cabinet 5 & les rangeai tous fur une même
ligne , en £chant l'extrémité des branches dans
une planche que j'avois percée à deiîein. Tqîî'^
tes étoient ainii dans \m^ (ituation horifonn'le^
& contimieiiement fous mes yeux.
^8 0 B S E t V A T I 0 H S
Ces nids font compofcs la plupart cl'un«
feule feuille féche , pliréc en deux. [ Fi III ,
Fig. I. N :, N , N. ] Tantôt ce font des feuilles
d'Aubépine , tantôt de Pomier , de Poirier ou
de Prunier. Un £1 de foie aifez fort, /, /, /,
paroît tenir au pédicule de chaque feuille. Ce
fil va s'entortiller autour d'un des boutons de
la branche. Là , il femble plus, épais 3 il l'eft
eifedivement , parce que les diiférens tours du
fil fe recouvrent en partie les uns les autres.
■Qiielquefois on parvient à défentortiller le fil ,
& à faire defcendre le nid qu'il tient fufpendu ;
niais fou vent les ditférens tours du fil font telle-
înent collés les uns aux autres & à l'écorcc de
la branche , qu'il efl: inipoffible de les féparer
fans rompre le fil. Quoiqu'on puilfe dire de
ces nids ce qu'on dit de la vie humaine , qu'elle
lie tient qu'à un fil -, ils font cependant fi bien
fujpendus , que le plus grand vent ne fauroife
les détacher.
La fcîqon finguliere dont ces nids font fuf-
pendus , me porte à les nommer des nids en
pendeloques.
J'ai dit que j'en avois rafTemblé un bon
nombre dans mon cabinet. Mon premier foin
fut de m'alîurer -s'il n'y avoit conftamment dan$
SUR LES INSECTES:. 6^
ôhaqiie nid que deux Cheiiilies, , comme mes
premières obrervations & celles de mou ami
fembloient l'indiquer. Dans le premier que,
j'ouvris , au lieu de deux Coques , j'en trouvai
plus d'une douzaine. Elles étoient diftnbuées par
paquets en ditFérens endroits de l'intérieur du
nid. J'en trouvai à-peu-près un pareil nombre
dans un fécond nid. Je détachai ces Coques».
& les renfermai dans une boite.
En mettant à découvert l'intérieur de nos.
nids en pendeloques , je m'étois rendu attentif
à leur conftrudion , & je reconnus que je m'é-
t;ois trompé fur une particularité elfentielle. Je.
remarquai que le fil de foie qui les tenoit fuf-
pendus , n'étoit pas fimplement attaché par
une de fes extrémités au pédicule de la feuille,
comme le premier coup - d'œil me Favoit fait
croire j mais qu'il pénétroit dans l'intérieur-
même du nid, & qu'il n'étoit aind qu'un pro-
longement de la doublure de foie qui tapiilbit
les parois du logement.
Au bout de quelque temps , mes petites
Chenilles commencèrent à fortir de leur nid ,
& à fe promener, foit fur les branches , foit aux
environs. L,a tem},érature douce de l'air de
jûiou c:ibinet les avoit détermui'5es à fortir , bien
70 0 B S E R F A T I 0 N S:
avant ie temps où les Arbres de la campagnis;
commencent à ouvrir leurs boutons. Je ne puîi:
donc leur donner' de la nourriture , & elles.
périrent enfin d'inanition. Quelques-unes néan-
moins tirèrent des fJs de foie , depuis, la fur-,
face du nid jufqu'à la branche qui le portoit.
On auroit dit qu'elles vouloient empêcher qu'il;
jiQ fût fans celle balotté-*
Quelques Chenilles fortirent aufîi des.
Coques que j'av.ois renfermées dans une boîte,,
8z malgré leur extrême folbleife , elles ne laif.
fcrent pas. de changer de peau. La mue les £t
paroit'-e plus velues , & les nouveaux poils
étoient d\m roux cdatant > qu'on ne voyoit
pas aux anciens..
Au mois d'Avril î7;^9 , j'appercus un de nos
"iiîds 617 pendeloque qui pendoit à u*ic branche
V ^ Pommier. Je coupai la branche, & j'en
fich..i ie bout inférieur dans un des montants
de la fenêtre^ de mon cabinet. Ce nid étoit
beaucoup plus gros que tous ceux que j'avois
vus jurqu'alors. Il étoit formé de l'aiTemblage
de plufieurs feuilles féches , ou fi l'on veut , de
Ja réunion de plufieurs nids particuhers. Les
peti:es Chenilles ne tardèrent pas- à fortir de
leur nia ^. & je les viS; chaque jour fe pronieuei fur
SUR LES INSECTES. 71
îa branche & aux environs. J'obfervai qu'elles
tiroient des fils fur le terrein qu'elles par-,
couroient, & ces fils leur aidoient à retrouver
le chemin de leur nid , iorfqu'elles s'en étoient
un peu éloignées. Ce procédé revient à celui
des Chenilles Livrées dont j'ai parlé dans
rObf. III. Elles fe retiroicnt de temps en temps
dans leur habitation , & s'y arrangeoient les»
unes à côté des autres , de manière que la tète
de toutes regardoit vers le même endroit.
' Elles changèrent de peau ; mais des occu^
pations qui me furvinrent ne me permirent
pas alors de continuer à les fuivre , & elles pé-
rirent faute de nourriture, j'ouvris leur nid ,
ou plutôt je féparai les petits nids particuUers
dont il étoit compofé , & j'en obfervai l'inté-
rieur. Dans le premier que j'ouvris , je trouvai
beaucoup de très-petites dépouilles blanchâtres ,
& je remarquai avec furprife qu'elles n'étoient
pas complettes , comme le font ordinairement
les dépouilles des. Chenilles. La tète ou le crâne
manquoit à toutes : elles reifembioient a un très-
petit fourreau ouvert par un bout. Cette Ob-
fervation me rappella ce que j'avois lu dans la
Préfice du Tome II des Mémoires de M. do
Reaumur , fur une Erpece de Chenille obfer-
yée par M. Bazin , qui fort de fa dépouille
E 4
^f 0 B s E R r A T T O K S:
par l'ouverture qu'elle s'y pratique eu en faifânt
tomber le crâne. J'ignore fi la Chenilîe de cet
Obfervateur étoit de même Efpece que celles,
dont je par] Ce Quoi qu'il en foit , cette parti-
cularité me fit bien regretter de n'avoir pu fui-
%a'e mes Chenilles autant qu'elles; le méiitoient.
Un autre de mes petits nids m'offrit un(g
forte de poche ou de lac qui étoit entièrement
rempli d'excrémens ; ce qui: me fit juger quo
mes Chenilles avoient loin d'aller dépofer leurs;
excrémens daiis un lieu à part. Mon ami m'af-
fura qu'il avoit vu une de ces Chenilles fortiij
de ia Coque , le derrière le premier ,, pour jetter
au dehors un grain d'excrément Dans tous les
petits nids que j'ouvris enfuite ,. je trouvai
conftamment les excrémens. ralfemblés dans un
lieu féparé. Je trouvai encore dans l'intérieur
de ces nids de ces petites Coques de foie blan-
che , dont j'ai frtit mention ^ & qui imitoient
très bien en petit la. Coque du Ver-à-foie. Je
île connoiiTois encore aucune Efpece de Che-
nille qui fe filât une Coque , pour y pafler
l'Hiver pendant fou enfancei.
Enfin, je trouvai dans un des nids les plus
volumineux une multitude d'autres Coques auffi.
petites 5 & de la même forme 3 mais qui uvoici;Ç
SUR LES INSECTES. 73
été filées par des Vers mangeurs de Chenilles.
Je renfermai ces Coques dans une .boîte , &
vers, la mi-Mai , il en fortit de petites Ichneii-^
mones , femblables à celles dont M. de Reaumqr
9 donné la defcriptiou, page 243 du Tome II
de fes Méuioirçs.
Il me vint en penfce de renfermer une de
nos Chenilles des nids en pendeloques avec ces
Ichncumones. Je voulois voir fi elles ne la pi^
queroient point poyr dépcfer leurs œufs dans
fon intérieur. Mais cette curieufe expérience ne
réuiîit point: Les petites Ichneumones palToienfe
& repaiToient fur le corps de la Chenille fans
jamais s'y fixer. Peut-être que les femelles n'a-
voient point été fécondées par les mâles. La
Chenille tiroit des fils de tous côtés : fouvent
1-es petites Ichneumones s'embarraiToient dans
ces fils comme dans les filets de l'Araignée , &
je m'amufois à voir içs efforts qu'olles faifoient
peur fe dégager.
Nos Chenilles des nids en pendeloques font
du nombre de celles qui ne vivent en {odho
qu'une partie de leur vie. Quelque temps après
la féconde mue , elles abandonnent le nid & fe
difperfent. J'en ai vu cependant qui n'abandon-
noient pas entièrement leur habitation 3 ou qui
'74 OBSERVATION S
du moins ne s'en éloignoient pas beaucoup. Ls
féconde mue apporte divers changemens a leurs
couleurs , & les rend plus vives. Ces change-
mens fe foiit fur-tcut remarquer dans les poils :
ils deviennent d'un roux p'us ardent. Parvenues
à leur parfait accroiiFement , ces. CHenilles n'ex-
cédert que peu la grandeur que M. de Reau-
KUR a rc .nniée moyenne. Le fond de la couleur
du delllis du corps eft noir. Les poils, qui font
fort courts , tnvcent deux raies d'un roux ar-
dent , qui régnent tout du long du dos. Les
côtés & le deiîLi^ du ventre font d'une couleur
qui tire fur le gris de pj:de , & ils font parfe-
mes de petits poils blanchâtres. La tête & les
jambes écaiileufes font r.oires , Se les membra-
neufes de même couleur que le ventre.
Pour fe préparer à la metamorphofe , ces
Chenilles ne fe cor%uifent point de Coque $
mais elles fe lient ovec une ceinture de foie,
La Chryfàlide eft angulaire. Elle olfre une efpece
d'arrêté vive qui s'étend le long du milieu du
dos, & qui eft très faiilante fur le corcelet. Là,
e'Ie eft bordée de noir. Le fond de la couleur
du, corps eft d'un beau jaune parfcmé de points
noirs.
Au bout c?une dixaine de iours ,. le Papillon
SUR J^ES INSECTES. 7f
a tarifé rétui de Chrynilide , & s'eft mis en
■ liberté. Il eft prerque- tout blanc , & facile k
jrcconncitre par la couleur noire qui teint tou-
|tes les nervures de Tes ailes. C'eft encore celle
I de la tète , des yeux , des antennes & des jam-
jbes. Le corcelet & le ventre font d'une couleur
i qui tire fur le gris de fâr. Ce Papillon , qui eft
îairez commun , appartient à la première claiTe
î des Papillons diurnes , feloii la divifioii de M»
jde ReaumuRo
On eft averti de la fortie pirochaine du
I Papillon par le changement de couleur qui fur-
I vient à la Chryfaîide. Sa belle couleur jaune
s'altère peu-à-peu , & fe change infenfiblcment
en gris de perle. Un autre figne annonce en-
core la fortie prochaine du Papillon : il f oa
preiTe un peu la Chryfilide entre deux doigts ,
on entendra un petit bruit femblable à celui
que rendroit en pareil cas un morceau de par-
chemin : c'eft que le corps du Papillon étant
alors entièrement détaché de l'enveloppe cruf-
tacée de Chryfaîide , les anneaux de celle-ci
frottent légèrement les uns contre les autres.
Il ne me refte plus pour achever de faire-
€onnoitre la Chenil'] g dont il eft ici quettion y
«ju'à ajouter , qu'elle eft précifément celle que
7^ OBSERVATIONS,
M. de REiVUMUP. a reprcTeiitée , PI. II, Fig. f ;.
du Tome II de fcs Mémoires ^ Se qu'il a décrite,
page 73. Mais ce grand Obfervateur ignoroit,
fans doute , que cette Efpece vit en fociété ; car
il ne dit rien du tout des procédés que je
viens de raconter , & fe borne à la fimple def-
criptioîi de lTnfec1:e.
r OBSERVATION VIII.
Suite de rhifioire des Chenilles qui habitent dans
des nids en pendeloques^.
IvJLes Obfervations m'ont procuré la fuite alTez
compiette de Phiftoire de nos Chenilles des
nids en pendeloques : je n'en préfenterai ici quc-
les particularités les plus intéreifantes.
Sur la fin de Juin 1739 , j'apperqus fur une
feuille de Prunier fiuvage un petit amas d'œufs,
qui excitèrent mon attention. Leur forme ne
reiiembloit point du tout à celle des ojufs les
plus connus : elle étoit pyramidale. Chaque py-
ramide repoîbit fur ia bafe , & toutes écoient
arrangées adroitement, les unes à. coté des au-
tres dans un efpace circulaire. Elles étoient can-
nelées , & leur bafe étoit arrondie en maniera,
i^s porcc. Ces œufs fi jolis , pai'oiilbient pluS:,
\
SUR LES INSECTES. 77
jolis encore coiifidéres à la loupe. J'y comptai
fept cannelures. Le fommet de la pyramide pré-
fentoit une furface plane , où les fept cannelu-
res tracoient la figure d'une petite étoile à fept
rayons. On voyoit au centre de l'étoile un
point brun bien marqué. L'extrémité fupérieure
des cannelures étoit de couleur blanchâtre , &
le corps de l'œuf d'un beau jaune. M. de Reau-
MUR a décrit des œufs de Papillon fort fem-
blables à ceux-ci , Tome II de fon Hiftoire des
Infedes , page 89, & les a reprefentées PL III.
Fig. 12, 13, 14.
Qi^AND je découvris ces jolis œufs , j'igno-
rois qu'ils eulTent été pondus par le Papillon
de la Chenille des nids en pendeloques ; mais la
faifon & le lieu où je les a vois découverts me
le firent aufîi-tôt fcupqonnèrj & l'expérience
confirma mon foupçon. Au bout de quelques
jours je les vis changer de couleur , & leur
beau jaune s'altérer de plus en plus. Ce change-
ment de couleur m annonqoit aflez que les Che-
nilles ne tarderoient pas à éclorrej & en elFet,
les plus diligentes parurent bientôt au jour. Je
ne pus les méconnoltre ; elles étoient bien de
l'Efpece de celles dont les nids m'avoient déjà
tant occupé,
n 0 B s Ë R V A T î ô N s
Les premières qui fortirent des œufs , tiîè
rendirent très -attentif à épier le moment oà
les autres cclorroient. Je voulus affifter à leur
iiaiirance. Il me parut , que Pcnveloppe ou la I
coquille de l'œuf devenoit plus mince ou plus
tranfparente vers le haut de la pyramide. La
petite Chenille , non encore éclofe , rongeoit in-
térieurement la partie de Fenveloppe comprifô 1
entre les cannelures ^ & les difpofoit ainiî à fe
prêter plus facilement à fa fortie. Je compareis
les cannelures à ces gros fils de ioie, qui for^
ment l'entonnoir en naiTe de poiiTon^ que la
belle Chenille à tubercules du Poirier j pratique
à une des extrém tés de fa Coque j & que le
Papillon n'a qu'à écarter pour fe faire jour (^) ,
& je crus reconnoître que ma comparailbn étoit
aflez j Lifte. Le point brun placé au centre de
la petite étoile que les cannelures traqoient au
fcmmst de la pyramide , fe rembruniflbit de
plus en plus , & devenoit enfin d'un noir "àUct.
foncé. Alors paroiilbit à découvert la tète de la
Chenille naiilante. De moment en moment une
plus grande portion de fon corps fe montroit
hors de fœuf
Je remarquai que mes petites Chenilles ret
(*) Mcm. pmirfcrvh' à VHiJl, des hif. T. ï, p. 62€ , 627^
ï?i.XLViU,Fi§. 4,<î,7.
SVR LES INSECTES. ^;9
Coient pofees fur l'amas d'œufs c imrne (î elles
n'avoient ofé s'en éloigner. J'obii^rvLU encore
que leur tète étoit ramenée vers :cs prcmrj.^s
jambes. Cette attitude excita moi attei^tion ; ja
ne la jugeai pas indirférente ; mais j j n'en péaé-
trois pas la rarfon , & je ne Paurois afTurément
pas devinée. J'en fus bientôt hiùrmi Mes peti-
tes Chenilles dévoroient la coquille des œufs
dont elles venoient de fortir (i) , & ce qui me
furprit bien d'avantage , après avoir dévoré leurs
propres œufs , elles alloient encore ronger la
coquille des œufs dont les Chenilles n'étoient
pas éclofes. On eut dit qu'elles vouloient les
aider à éclorre ; & je ne doute pas que des
NaturaUftes amoureux du merveilleux , n'euifent
attribué à nos Chenilles cette bonne intention,
ïl eft bien évident néanmoins , qu'elles n'a-
voient que celle de fatisfaire leur goût. Elles fe
plaifoient apparemment à manger la coquille des
ccufs , &- cette Hnguiiere riourriturc pouvoit leur
être alors d'une utilité particulière que nous ne
devinons pas , & qui entroit fans doute , dans
ies vues de la Nature. On voyoit allez que cet
(l^ iM. cïe Maupertuis , qui fe plaifoit à obferver les
înfedes, & favoit 1er, obferv;:r, avoit f^it avant 'noi une rem*
blable Obfervation fur des Chenilies d'une antr. Efpece , &.
que M. de Reaumue. a rapi^ortéc, page i6s du 'romc il de
fes Ménaires.
8o 0 13 S E k y A T I 0 K ^
aliment un peu dur excrqoit fort leurs petites-
dents encore tendres , & que ce n'étoit que i
kntenient & avec peine qu'elles parvenoient à
la broyer.
Quoique nos Chenilles nouvellement cclo-
fes ne fe propofairent pas d'aider à leurs corn*
pagnes à venir au jour, il eft pourtant vrai
que celles dont les œufs étoient ainfi rongés
par dehors , écloibient plus facilement : elles
avoient moins d'ouvrage à fiïre.
Il s'écoula quelqiies jou-Ps avant qtie toute
la nichée fut écloie. Bientôt je ne vis plus fur
la feuille que des veftiges des bafes de quelques-^
unes des pyramides. La plupart avoient été dé-
vorées en entier»
Je donnai a mes Chenilles nouvellement nées
de jeunes feuilles de Prunier fauvage. J'obfer-
vai conftamment qu'elles n'en rougeoient que
l'épiderme & la portion du parenchyme com-
prife entre les nervures. Elles fe mirent enfuite
à tendre des fils fur ces feuilles , comme pour
jetter les fondemens d'un nid. Mais je préférai
de futvre les manœuvres de nos Chenilles en
pleine campagne^* j'étois plus alfuré ainfi de me
procurer la fuite de leur kiftoirc. Un nid de ces
Chenilles
SUR LES îKShCTEl 8t
Chenilles cclofes depuis peu de temps , qus
j'avois découvert fur uae haie , me parut ré-
pondre bien à mes vues.
Je vis que les petites Chenilles rapprochoicns
avec des £îs de foie les jeunes feuilles dont elles
avoient dévoré le parenchyme , & qui s'étoient
ainfi defféchées. Elles les lioient comme t:rat
xi'autres Efpeces de Chenilles lient les feuilles
de diiférentcs plantes. Ainfi , les premières:
feuilles dont le parenchyme a été dévoré , &
•qui font ordinairement celles fur lefquelles les
oeufs ont été dépofés j ces premières feuilles ^
dis-je , doivent être regardées comme les fon-
démens du petit édifice. C'eft ordinairement dii
côté du pédicule que nos j .unes Chenilles com^
mencent à ronger le deifus de la feuille. Elles
font alors rangées les unes auprès des autres
fur une même ligne dro:'te ou courbe , & s'a-
Vancant peu-à-peu comme en ordre de bataille
vers l'autre extrémité de la feuille -, elles ea
fourragent ainfi toute la furface.
Le nid que ces Chenilles fe conCtrUifent peu.
de temps après leur naiifmce , n'efl: pas celui
où elles paiîent l'Hiver. Je me fuis allure qu'ellef
en conftruifent pluileurs lucceilivenlent.
DÈS qu'elles ont dévoré toutes les feuilles
Tome IL ^
82 0 B S E R V A T I 0 N S
.foities du même bouton , elles vont rougèf
celles d\m autre; & telle eft Porigine de ces
diiférens nids qu'elles habitent iucceirivement.
Le paquet de feuilles qu'elles ont rongé le der-
nier 5 compofe le dernier nid , ou celui dans
lequel elles paiTeront l'Hiven
J'ÀI encore obfervé que ^ lôrfqu'elles aban-
donnent le nid qu'elles ont conftruit le pre-
mier, elles commencent à fe divifer en fociétés
plus petites ou moins nombreufes , qui fe fouf-
divifent elles-mêmes dans la fuite en fociétés
moins nombreufes encore. Et c'eft ainfi qu'il,
arrive que lorfqu'on ouvre de ces nids pen-
dant l'Hiver , on les trouve fî inégalement peu-
plés ; enforte que les uns ne renferment que
deux Chenilles , tandis que d'autres en renfer-
ment quatre , fix , douze , quinze , &c.
Ce n'cft apparemment qu'à la fin de l'Au-
tomne que nos Chenilles filent ces petites
Coques de foie dont j'ai parlé , & où elles fe
renferment jufqu'au retour du Printemps.
Mais comment le nid fe trouve-t-il fî adroi-
tement fufpendu à une branche par un fil de
.foie, & comment ce fil eft-il fi bien entortillé
autour de la branche ? C'cil; ici un petit pro*
SUR LÈS ïKSËCTE^. 8j
fciènie dont mon Leclôur attend impatieni nient
la folution. Je puis la lui fournir j "mais j^ai à
regretter qu'elle ne réponde pas mieux à Pidée^
lans doute trop avantageufe ^ qu'il s'ëft déjti
formée de rinduftrie de nos -Chenilles. Cette
furpenfion qui lui paroit receler un art fecret ?
îi'en exige point , & n'eft qu'un pur eliet d<?
certaines circonil:ances accidtnLelle^. Je l'avois
même d'aboi'd préiumé iur la fimple inTpection
de ces nids. Voici donc comment la choi^ fê
jpaiîe.
J'ai dit que 'nos ClièniUes tirent èes fib àû
foie fur tous les chemins qu'elles parcourep.t:.
Elles ies tapifTent donc de foie. On fe rappelle
^e procédé des Lfî;re>j [Obi. lil, ]. Lorfque nc3
Chenilles des, nids en pendeloques oi:t palTé 6^
repafle bien des fois fur la branche qui porté
le nid ^ on voit fur cette branche miQ trac^
blanche , une efpecc de rt-iban de fme d'une
certaine largeur, qui va aboutir au nid & pe-^
netre dans fon intérieur. Ce nid eft formé d'um
t)u de plufieurs feuilles féches -, qui partgjit^ d^
même bouton. Le vent , qui les détache vers
-la fin de l'Automne, fie iauroit les emporter.^
parce qu'elles font retenues par ie ruban (b
foie , col'é plus ou moins fortement à l'-écorc^
-de la branche. Mais fi le vent ne peut emportv^
84 OBSERVATIONS
le nid , il peut au moins détacher de la brart-."
che une portion plus ou moins longue du ru-
ban. Le nid , qui auparavant tenôit immédiate-
ment au bouton , demeurera donc fufpendu à la
branche par un ruban de foie. Les fréquentes
agitations de Pair tordront de plus en plus le
ruban , & le convertiront en un fimple fil. De
nouveaux coups de vent entortilleront ce fil
autour de la branche. Les pluies ou l'humidité
de Pair colleront les uns aux autres , & à la
branche , les diiférens tours du fil : mais un plus
long détail feroit fuperllu.
}^^- s^fyr^ . — -^^
OBSERVATION IX.
Découverte d'une norruelle partie commime k
fhifieurs Efpeces de Chejiilles.
ANS les premiers jours de Juillet 1739,
on me remit une Chenille trouvée fur la Chi-
corée fauvage. Sa grandeur étoit au-delTus de la
moyenne. Elle étoit parfaitement rafe , & à feize
jambes. Du jaune, du noir & du blanc, diffé-
remment combinés , paroient fa peau , qui avoit
un œil fatiné. Le jaune formoit trois bandes ,
dont deux étoient fur les côtés , & la troilicme
moins large , régnoit le long du dos. Le noir
étoit diftribué par plaques ou par taches, de
SUR LES INSECTES, 8f
deux manières différentes. La plaque la plus
large, de forme à-peu-près quarrée , occupoit la
partie fupcrieure de chaque anneau. Deux ..au-
tres de ces taches noires étoient placées l'une
à droit , l'autre à gauche de la ligne du dos. La
plus étroite occupoit la jonction des anneaux'.
Là , elle étoit environnée d'une hgne blanche ,
qui lui formoit une forte de cadre. Les iligma-
tes fe voy oient dans la bande jamie , qui régnoit
fur les côtés. Ils étoient noirs , & paroiifoient
doubles à caufe d'une petite tache noire placée
au-delfous de chacun d'eux. On n'appercevoit pas
d'abord les deux premiers ftigmates , parce qu'ils
IV étoient pas noirs comme les autres, Se que
V^is à la loupe , ils ne fe montroient que comm.e
une iSmple fente. Cette Chenille fembloit donc
n'avoir tru- feize ftigmates au lieu de dix-huit.
La tète , les^ jambes écailleufes & les membra-
neufes étoient r^oires. C'étoit encore la couleur
du ventre. Les jaii~?bes membraneufes avoient
un air écailleux ; parr^e qu'elles étoient d'un
aiTez beau noir & très-iuftré. La tète, affez
petite proportionnellement au corps , étoit tail-
lée en manière de cœur. Le petiCUiangle placé
iiir le devant , étoit formé par trois jlgnes blan-
ches , qui le faifoient aifénient diftingu^^îi*-
Jl me fuis un peu arrêté à décrire cette CSq-
F a
Z^: 0 B S E R V A^ T I 0 N S
4nUe, parce qu'elle a qté la première qui m'.^c
offert la particularité rem.rc^uable qui fait le
i-ujet de cette Obfervatioii, Tandis que je 1^
tenois entre mes doigts , je vis Tortir entre hi
Içvre mlénetire & la première paire des jambes
çcailleuies , une cfpece de petit bec oucle troippe
çharnije [Pi lil . fig. 3 , i/,J , de cQuleur rou-.
geatre. Cette forte de trompe étoit aiiez {àiU^
Jante pour me frapper ^ exciter beaucoup moa
attention, LTiilîeurs , je n'avois rien obrervé de
femblable dans aucune Efpece de Chenilles , &
je ne çonnoiiioîs aucun. Naturalilte qui eut parié
de quelque chofe qui fe rapprochât de ce qu(^
je VLna)is,J\kois au. moins très-,aifuré , que mon
iUùltre Maître vM de Reaumur , qui a voit plus
obicrvê ces Inlect-s., qu'aiiçun des Natursliftes,
qui favoient précédé , rfavoit point ûpperqu
cette nouvelle partie qui fe montryit à moi. Si
te découverte d^w^a:^ nouvelle partie dans le
çc»tps humain ou dans celui d^S grands animaux,
a ton jours droit d'intéreirér la curiofit.é de TAna--
tomitîe , on juge coiy/oien la découverte d'une
Itouvelie partie d^^ns les Chenilles , devoit pi-
quer la curiofjiîé d'un jeune Obfervateur , que
la Nature favorifoit aifeï: pour lui dévonvrir ce
qu'elle ly/ôit caché à iés Maîtres.
.CEPENDANT j je ne pus ilitisfure au men
SUR LES INSECTES. 87
Inftant Tardent defir que j'avois de coniioitre
mieux cette partie. J'en fus détourné par uu
obftacle. Qiielques jours ciprès , je remarquai
que la Chenille avoit commencé à tendre des
lîls dans la boîte où je Pavois renfermée. Je
jugeai qu'ils annonqoient les préparatifs de la
niétamorphofe. Cette Chenille étoit d'une grand®
vivacité. Quand je la touchois du doigt, elle
agitoit brufquement & à plufieurs reprifes la
partie antérieure & la poltérieure , puis elle
reftoit quelques momens immobile , Se fe met-
toit enfuite à courir avec beaucoup de vlteife^
Tandis que je la tenois fur la paume de ma
main pour mieux l'obferver , elle me faifoit
entendre un petit bruit femblable à celui que forié
entendre diverfes efpeces de Mouches lorfqu'oii
les tient entre les doigts. Eile me le faifoit en-
core entendre quand je fermois la main. Elle
tâchoit alors de fe gUlTer entre mes doigts pour
s'échapper , & me mordoit fi cruellement que
j'avois de la peine à fupporter la douleur aigus
qu'elle me faifoit relfentir.
Dans la vue d'examiner de plus près cette
nouvelle partie dont l'apparition m' avoit Ci fort
furpHs , je faifis entre mes doigts les premiers
anneaux de la Chenille , & je tâchai de l'y rc~
F 4
S§ OBSERVATIONS
tcjiir dans la pofition lu plus favorable : mak,.
elle fe doniioic tant de mouvemens 8c de cou-
toriions, quq je ne pus réulîir a la placer d'une-
riianiere convenable. Je ne parvins donc point
à revoir la partie qui cxcitoit ma curioiité.
Mais en revanche, j'apperçus une autre fingu-
îarité au-deiibus de la lèvre iniérieure, & beau-
coup plus près de la nliere ou du mamelon
dans lequel elle eft fituée ^ que ne l'étoit l'ef-
pece de trompe que je ehercliois j j'obrervai
qu'il parroit comme un petit aiguillon [ PL III ^
Fr^. 3 ,/ 1 écailleux , d\m noir luifant , qui faiL
loit tout à fait au dehois *, en forte qu'il ne pa-..
roiîioit pas ramena v:rs; le deifous de la tètç
pour s'y coucher comme uii aiguillon ou une
trompe en repos s mais ii y étoit implanté comrn^
un aiguillon prêt à piquer,.
Aï'BÈs avoir ciré des fils de côté & d'autre
dans la boite ^ fans s'être fixée nulle part pour y
eonfiuire une Coque , ma Chenille fe changea
en t hryfuUde conique , d'un rouge marron j &
de forme un peu plus aîongée que ne le font
d'ci'dinaire les Chryialides de cette clalTe. La
trompe du Papillon étoit jogée dans un four-
reau rebouclé. On fait que la Nature replie ainlî
csrtames trompes de Papillons , parce que fi elle
les éteadoit en ligne droite fur le ventre de ia
SUR LES INSECTES. m
Chrylalide , leur longueur exceiTive les feroi^
outrcpaîîer rextrémité du ventre.
Je revis, fur la dépouille de la Chenille refpece
d'aiguillon écivilleux dont j'ai parlé. Il étoit dans
la même iituation que j'ai décrite. Je dois le
répéter 3" il ne faut pas le confondre avec la nou-»
velle partie dont il s'agit dans cette Oblervation.
Au refte , j'ai lieu de penfer que cette Che-
nille étoit de celles qui entrent en terre pour
s'y conftruire une Coque , & q'avoit été , fans
doute , parce que je Pavois laiifée manquer de
terre , qu'elle n'avoit fiiit que tirer qà & là des
fils ir réguliers.
J'OMETTROïS une chofe affez eiTentielle , &
qui eft une autre forte de nouveauté dans Phif-
toire des Chenilles , fi j'omettois de dire , que
dans le temps que celle dont je parle comuienqa
à tendre des fils , elle rendoit une odeur de
rofe très-agréable.
Je crus que je ferois plaifir à M. de Reaumur,
en lui envoyant la Chryfalide de ma Chenille &
i'à dépouille : c'eft ce qui ne me permet pas de
donner ici la defcription du Papillon que je n'ai
jamais vu.
$0 OBSERVATION S
OBSERVATION X,
Continuation du même Sujet,
L
!E 27 d'Août 1739 -> on m'apporta une
Chenille trouvée fur l'herbe. Sa grandeur étoit
un peu aii-delTus de la médiocre. Elle étoit
rafc & pourvue de feize jambes. La couleur du
delliis du corps étoit un bel olive , & celle
du ventre un beau gris ardoifé. La tète , de
même que les jambes écailleufes , étoient noires.
Mais ce qui peut le plus fervir à faire recon-
iioitre cette Chenille , ce font deux petites
particularités que je vais indiquer. Le pied dcî
chaque jambe membraneufe étoit de couleur
blanche , & le refte de la jambe étoit d'un noir
luifant, il femblabie à celui de l'écaillé, qu'on
auroit dit que ces jambes étoient réellement
écailleufes. L'autre particulariré étoit une petite
raie d'un vcrd jaunâtre, placée près du derrière,
piécifément à l'endroit où fe voit la petite
corne dans les Chenilles qui , comme le Ver-à-
foie , font pouvues de cette partie , <Sc qui niii-
toît très-bien la figure d'une pareille corne , telle
qu'elle fe montreroit il elle étoit apphquée ou
plutôt collée de fon long fur l'anneau. J'ajoute
que lorfqu'on regardoit de plus près cette Che-^_
s UR LES I NS E'C TES^ 9X
Bille 011 découvroit quatre points noirs rangé?
à-peu-près quarrément fur la partie fupérieure
de chaque anneaLi.
Après avoir confidéré quelque temps la
Cheiiille dont je parle , il me fembla que tout
fon corps avoir cç mêine oeil fatine que j'avois
remarqué dans la Chenille de la Chicorée Tau-
vage. Qiielque léger que fut ce rapport , il ne
laiila pas de mç faire foupconner , que les deux
Chenilles pouvoient fe reifembler encore par
des caradleres plus remarquables. Plein de ce
foupqon 5 je renfermai la Chenille dans ma
main : je ne tardai pas à entendre le même
petit bruit qui m'avoit frappé dans la Cheiiille
de la Chicorée. Je dois pourtant faire remar-
quer ici , que ce if étoit pas tant un bruit qqi
fe fit appercevoir par Touïe , qu'une forte de
frénnifenleiit qui fe faifoit fentir dans la paume
de ma main. Ces petits frémiifemens rcdou-
bloient , & l?t Chenille tentoit en mkmQ temps
de s'échapper en fe giiilant entre mes doigts
& me pinçoit très-vivemsnç avec fes dents. Ce
nouveau trait de reifemblançe entre cette Che-
nille & celle -de la Chicorée , me fit fur le
champ préiumer qu'elle étoit pourvue comme
cette dernière ^ de cette nouvelle partie inçon-
iiue aux NaturaUires. Je me mis donc à prelfer
92: OBSERVATIONS
ma Chenille près de la tète , & je vis paroître
auiPi - tôt la partie que je cherchois. Mais ,
comme la. Chenille s'agitoit beaucoup entre mes
^ doigts , que fes mouvemens continuels nuifoient
à rôbfervation , & que j'avois toujours à crain-
dre de la blelTer en la prelîant trop , je m'a-
vifai d'un expédient qui m'avoit très - bien
réuili en d'autres occafions. Je plongeai dans
l'eau ma Chenille , & je l'y laifîai un certain
temps. L'expérience m'avoit appris que cette
petite épreuves ne nuifoit point aux Chenilles
8c qu'elle donnoit beaucoup de facilité à l'Ob-
fervateur de les manier & de les confidércr à
fon aife. L'eau ramoUit tout le corps de t'In-
fede , & permet de le manier comme un gant:
elle le prive encore de tout mouvement , 8ç
peut-être de tout fentiment..
Lorsque ma Chenille eût été expofée quel-
que temps à l'épreuve dont je parle , je la
preliai de nouveau fort près de la tète. Elle
cédoit comme la peau la plus molle. Au même
inftant je vis s'élever de la partie iiiférieure &
du milieu du premier anneau Tefpece de trompe
ou de mamelon charnu que j'ai fait connoître
.dans i'Obfervation précédente. Je vis diliinc-
tement qu'il fortoit de l'intérieur d'une petite
fente [ iV, /// , J%. ÏV. /. ] tranfverikle ,.
SUR LES INSECTES, 93
precifément femblable à celle que j'avois déjà
apperque dans la Chenille linguiiere à cornes du
faule , [ Fig. VI. / ] & iituée dans le même
endroit. Après avoir confidére fort à mon aife
à l'œil nud, & à la loupe cette nouvelle partie
que j'avois forcée à fe reproduire au dehors ,
je vins à conjedurer qu'elle pourroît bien être
commune à pluiieurs Efpeces de Chenilles de
claiTes très-difîérentes. Dans la vue de vérifier
ma conjedure ,^ je mis à l'épreuve de l'eau
froide toutes les Chenilles que j'obfervois alors ,
& je les prelTai toutes près de la tète. Je com-
mençai par les Chenilles noires & épineufes
qui font il communes fur Torde. Je les trouvai
pourvues de la nouvelle partie , qui me parut
relfembler parfliitement à celle que les deux
premières Chenilles m'avoient offerte , & qui
fortoit pareillement de l'intérieur d'une fente
tranlverfe , placée fous le premier annexai , à-peu-
près dans le milieu de l'intervaile compris en-
tre la lèvre inférieure & la première paire des
jambes écailleufes.
Le 28 d'Août , je répétai Fobfervation fur
une de nos Chenilles noires & épineufes de
l'ortie qui approchoit du temps de la métamor-
phofe. Mon deifein étoit de m'affurer , Çi la
nouvelle partie feroit encore vifible dans cetts
$4 0 B S E R P^ A T'I 0 N 'S
'circonftance. Je l'obrcrvai très- nettement a h
Vue finiple ; & lorfqiie je me fus muni d'un s
loupe , je crus appercevoir à rextrémité fupé-
heure une petite cavité , qui relîembloit aifez
à celle qu'on voit foiivent au n'iilieu de Tem-
pâtement du pied dans lés jambes mcmbra*
ncufes des Chenilles , ou (î l'on veut , à celle
qu'on voit à l'e.^trémité des cornes du Limaqon -,
quand il commence à les retirer dans fon in-^
térieur. Cette comparaifon eft même très-exaclc ;
car en preifant plus fortement la Chenille , je
fis difparoitre la petite cavité jdont je parle ,
& je fis fortir en même temps Une autre por-
tion de la nouvelle partie qui s'étoit tenue
cachée juiqu'alors. J'obfervai donc à ne pou-
voir m'y méprendre , que la C2\nté dont il
s'agit , ii'étoit formée que par la portion fupé»
heure du manielou charnu , retirée dans i'in^
térieur de celle qui la précédoit , préciiément
comme on robferve dans le bout des cornes diï
Limae^on. Cette portioil du mamelon que j'avois
forcée à paroltre au dehors , étoit de forme
conique , & fembloit hériifée de petites afpéri-
tés. La nouvelle partie que je confidérois 5
avoit alors toute la grandeur à laquelle elle
pouvoit atteindre. J'eus beau préiTer davantage
la Chenille , je ne parvins point à donner plus
d'étendue à la. partie. Je l'ai défignée par lai
SVR LIS INSECTES. 9t
tlifFcreiis noms de bec , de trompe ou de ma-
ineloii charnu : tous ces noms réveillent alTez
ridée de la chofe , quoiqu'ils ne la repré Tentent
pas comme je le voudrois. Je n'empioyerai défor-
mais que le dernier , comme le moins impropre.
Le mamelon entier me parut ainfi compofé as
trois parties fort diftindes. La première qui en
€toit comme la bafe , étoit la plus large ou
celle dont la circonférence avoit le plus d'éten-
due. Elle tenoit immédiatement à la peau de
la Chenille , & la peau qui la revètoit paroiffoit
être une continuation de celle du ventre ou
plutôt du col. La féconde pièce étoit bien auffi
longue que celle qui lui fervoit de bafe s mais
elle avoit moins de diamètre. La troifieme ou
la plus élevée , plus effilée encore , fe terminoit
en manière de pointe mouife. Ces trois pièces
fembloicnt conftruites pour s'emboîter les unes
dans les autres , & l'on appercevoit l'endroit
des emboîtemens.
J'appellai le microfcope à mon fecours. Il
ne changea rien à la forme extérieure du ma-
melon. Elle continua à me paroître conique ,
& l'extrémité ou le fommet du cône me fem-
bla aifez effilé. Miis les trois pièces que la
ioupc m'avoit montrées , difparoiiîoient prefqu'au
iiticrofcope 5 le mameiou y fembloit plus con-
^ê 0 Ë s Ë R V Â T ï 0 K s
tinii 8c comme formé d'une fciile pièce. S oïl
bout fupérieur offroit de petites rides ; & c'é-
toient appar-emment ces rides , que la loupe
ni'avoit fait appercevoir , qui m'avoient paru
de petites afpérités. La bafe du mamelon étoic
parfemde de points noirs , que je reconnus
pour de très - petits tubercules fort applatis.
J'obfervai même un poil court qui partoit de
quelqucs-uïis. Je vis de ces mêmes tubercules
femés qà & là fur la peau des environs.
Je pourfuivis mes recherches fur d'autres
Efpeces de Chenilles de ]a même clalfe , & fur
d'autres dé claiTes différentes : on en trouvera
ailleurs les réfultats. Je me borne a dire ici ,
que plufieurs de ces Efpeces de genres & de
^laifes très-diiférens , fe trouvèrent pourvues
de la nouvelle partie , qui dans quelques-inies
etoit double, [ P/. ///, Fig. F. m m.] & dans
d'autres quadruple. [ Fig. VU , fn m m m. ]
Je ne mis pas la Chenille de cette Obfer^
vation à autant d'épreuves que je l'aurois fait
il j'en avois eu plufieurs de fon Efpcce. Je Vou-
ius la ménager. J'obfervai pourtant très-bieii
fon mamelon , foit à la vue fimple , foit à la
loupe. 11 étoit de couleur jaunâtre , & reffem-^
jbloit à celui de la Chenille de la Chicorée.
Lf.
SUR LES IKSECTFS. r}
Le 28 a Août , lelniyai de fervii* à ma Che-^
niUe des feuilles de Chicorée f =uvage. Elle vCf
toucha pas. Elle le cachoit fuuî: ces feuilles 5
ce qui me fit juger qu'elle u'étoit pas éloignid
du terme de la métamorphofe. J'eus foiu de ne
pas la laiifer manquer de terre 5 parce que J3
préfumois facilement qu'elle ctoi't du nombre
des Chenilles qui percent la terre pour s'y
conftruire une Coque. Tandis qu'elle étoit en-
core fur la ilirface de la terre , je m'apperqus
d'un autre trait de reiTemblance de cette Che-
nille avec celle de la Chicorée : elle àvoit une
odeur de rofes aiTez forte & tres-agréable. Il
me parut remarquable que cette odeur ne fé
manifeftat qu'à l'approche de la métamorphofe 1
car je ne l'avois point fentie les jours précc-.
dens.
Au reftc ; j'obfervai fur cette Chenille cette
efpece d'aiguillon écaiilieux, que j'avois obfervé
dans celle de la Chicorée , & que j'avois foup-
<;onné devoir être la filière. Je m'aifurai qu'il
rétoit en eifet. Ainli ce que cette filière avoiti
de fingulier , c'étoit fi longueur , & la maniera
dont elle étoit implantée dans la lèvre iiU
férieure.
Ma Chenille entra en terve le i9 d'Aoi\t>;'
Tome IL Q ,
98 onsERVATions
Elle s y conftruifit une Coque de. terre & de
foie , qui iivoit allez de coiiIj (lance , & de figure
femblable à celle que fe conilruit la belle Che-
nille du Bouillon blanc. Curieux de voir la
Chryfalide , je tirai hors de terre la Coque :
je l'ouvris -, mais j'y trouvai encore la Chenille :
fa couleur étoit- fort altérée , & fon corps très-
raccourci. Je la renfermai avec fa Coque dans
une petite boite , que je couvris d'une plaque
de verre. Au bout de quelque temps , la Che-
nille fe transforma en une Chryialide tout-à-
fait femblable à celle de la Chenille dé la Chi-
corée.
Tandis que je maniois la Coque de notre
Chenille pour en obferver mieux la conlfruc-
tion 5 je fus bien furpris de lui trouver la
même odeur de rofe que la Chenille m'avoit
fait fentir. J'approchai au même inftant de
mon nez la Cryfalide & fa dépouille ; mais je
ne leur trouvai aucune odeur. L'agréable odeur
dont je parle appartenoit uniquement à la
Coque. Je conjedurai donc avec fondement ,
qu'elle étoit due à • la foie de la Chenille ; &
fî je ne l'avois fenti dans la Chenille qu'à l'ap-
proche du temps de la métamôrphofe , c'ed
que ce temps eft celui où les vailfeaux à foie
font les plus remplis de matière foyeufe.
SUR LES INSECTES. $0
J'ajouterai pour terminer Phiftoire de mu
Chenille , que le Papillon que j'at^endois périt
foi?s les enveloppes de Chryfaiide-
OBSERVATION XL
Sur les poils en forme d^ épines .des Cbenilles
noires qui vivent en- fociété fur l' Ortie , ^
fur la manière dont ces poils font logés fous
la vieille peau.
L
Zs Naturaliftes qui , avant M. de Rè AUMUR ^
avoient le plus obfervé les mues dès Chenilles 5
n'avoient point eu, comme lui, la curiolîté de
favoir comment les poils de la nouvelle peaiï
étoient difoofcs fous celle que rinfedle va re-i
jetter. Après ^'ètre convaincu par des expé-
riences du'ectes , que les nouvelles jambc^
étcient logées dans celles de la dépouille comm^
dans autant de Fourreaux 5 il étoit allez naturel
de ibupqonner , qu'il en étoit de même des poils ,;
car la 9meiiQ des poils n'étoit point une raifon
de rejetter cette conjec1:ure. La nature travaille
aulh en petit qu'elle veut , & l'on cormoilîbit
da:is les Chenilles des parties auiîî déliées quç
les poils , qui n'en étcient pas moins emboîtées
dans celles qui leur reilcmbloient t tels font
G 2
îoo OBSERVATIONS
les ongles des pieds , dont la finelTe égale celle
des cheveux. Il convenoit donc de tenter auili
des expériences dii-edcs, pour s'alTurer de îa
manière dont la Nature opéroit à Tégard des
poils. M. de Reau?.iur , qui avoit fu penfer
à ces expériences , nous avoit appris , que ce
qu'il étoit 11 naturel de foupco'nner , n'étoit
point ce que la Nature pratiquoit ici. Il s'étoit
aifurc au moyen de la ttiiredion , que les poils
de la nouvelle peau n'étoicnt point logés dans
ceux de l'ancienne 3 mais qu'ils étoient rafTem-
blés par paquets entre les deux peaux. On peut
voir le détail de ces Obfervations dans le Mé-
moire IV du Tome I de fbn Hiiloire des Infedes.
J'avois répété nioi-mèm.e ces obfervations
de M. de Reaumur ; j'avois auili dilTéqué des
Chenilles peu de temps avant la mue ; j'avois
vu les mêmes cliofes que ce grand Obferva-
teur. Mais , étant venu à conlidérer les poils
en forme d'épine , dont les anneaux des Che-
nilles de l'ortie font garnis , je me fentis porté
à conjedurer, qu'il n'en étoit pas de ces poils
il gros, fi courts , Ci pointus &. à -peu -près
écailleux (^) , comme de ces poils ordinaires ,
& qu'au lieu d'être couchés entre les deux
(*) Voyez la fi^rure île ces foils, PI. II, Fig. 7 du Tome I,
de& Mm. fur les Inf,
SUR LES INSECTES, lOi
p^aiix 5 ils étoient emboîtés dans les, anciens
qui leur fervoieat d'eLiû. J'ayois donc un fecret
penchant à croire , Cjue fi je coiipois avec des
cifeaux les poils de ia vieille peau, jp couperois
en même temps ceux de la nouvelle. Pour nVaf-
furer de la vérité ou de la fauireté de mon
fcupçon 3 je recourus au moyen que je vieris
d'indiquer. (^) Je coupai les poils du deiTus du
corps à un certain nombre de nos Chenilles
dç l'ortie j alTez peu de temps ayant la der-
nière mue. J'obfervai en faiiant cette opéra-
tion , que lorfque je coupois un poil auiîi
près de iii bafe qu'il m'étoit poijible , il for-
toit de la coupe une liqueur lim_pide & ver-
dàtre ; & j'obfervois en même temps que la
Chenille paroiUbit fouffrir. Mais ce qui étoit
bien propre à me confirmer le foupqon que
j'avois conçu j c'eft qu'immédiatement après
pQpération , je voyois s'élever au - delFus do.
la petite plaie une partie charnue qui ref-
fembloit beaucoup à un de nos poils épineux,
tels qu'ils Te montrent à l'Obfervateur dans les
premiers inftans qui fuivent la rejeiftion de la
dépouille. Cependant , je ne pouvois compren-,
dve 5 comment en fuppofant les poils de la
nouvelle peau logés dans ceux de l'ancienne,
je n'avois pas, coupé ceux-lbk en coupant ceu: ^
(*j Eu AjiK 1732-
G 3.
to% OBSERVATIONS
ci. Je fus réduit a imaginer que les nouveaux
poils étoient plies & contournés près de la bafe
des anciens en maniera de vis ou de tire-
Tboiirre , & qu'i's n'attendoient pour fe déployer
que d'être dégagés de leur étui.
Eîs^FiN , dès que la plus diligente de m^es
Chenilles eût rejette fa dé.oouuie , je fus défa-
bufé de mon foupcon. Elle parut à mes yeux
parée de poils auili longs , & même plus longs
que ceux de la dépouillco
Quoique cette expérience fût bien décifive,
la partie charnue que j'avois vu s'élever au-
deiTus de la plaie , me laiiîoit toujours quelque
doute dans l'efprit, que je fouhaitois de diiliper
par de nouvelles expériences. Je me mis donc
à tondre d'autres Chenilles de la même Efpece ,
dont la mue n'étoit pas éloignée. Je remarquai,
qiie tontes fe donnoient pendant & après l'o-
pération des mouvemens violens , qui paroif-
fbient contribuer beaucoup à faire ilûllir au
dehors de la partie charnue dont j'ai parlé. Il
fcmbloit, que de nouveaux poils pri/lent à l'inf-
tant la place de ceux que je mutilois. J'eus
lieu penfer que l'opération que j'avois fait
fnbir à mes Chenillt^s , leur avoit été funefbei
car il nV en eut qu'une ou deux qui parvin-
rent à fe dépoiûlier.
SUR LES INSECTES. Ï03
J'aurois pu décider la quefiiio'ii qui m'oc-
cupoit , en recourant au moyen que M. de
Reaumur avoit fî heureufement pratiqué iiir
d'autres Eipeces de Chenilles, & que je n'avois
pas pratiqué moi-même moins heureufement 5
je veux dire , que je n'aurois eu qu'à dliFéquer
quelques-unes de nos Chenilles épineufes , un
jour ou deux avant la mue. J'aurois vu fî les nou-
veaux poils étcie.it couchés entre les deux peaux.
Je ne faurois dire pourquoi je ne tentai pas
cette expérience 5 qui étoit d'ailleurs il déciiive.
J'invite donc les Obfervateurs à réparer mon
omiflîon. Quelque petit que ce fujet paroiile ,
il ne laiile pas de préfenter des côtés intérellans.
On peut en juger par ce que je viens d'en
rapporter.
Une autre chofe qui ne contribuoit pas peu
à nourrir mon foupcon fur la manière dont les
nouveaux poils font difpdfés fous la vieille
peau j c'étoit ce que j'avois obfervé pendant la.
transformation de nos Chenilles épineufes eu
Chryfalides. J'avois fuivi avec foin cette trans-
formation , & voici une particularité que je
trouve là-deiTus dans mon Journal qui a bien
du rapport au fujet que je traite ici.
Il faut favoir que la Chryfalide de la Che-
G 4
t04 OBSERVATIONS
Bille dont il s'arHt , cH angulaire , & qu'elle a,'
fur le dos des efpcces de piquans (^). Il faut
iavoir encore , que c'eft la partie poftérieure de
3a Chrylalide qui fe dégage la première du. four-
reau de Chenille : el'e n'en fort pourtant pas j
ïiiais elle s'avance vers la tète de la dépouille.
La partie antérieure de la Ch'yfalide devient
ninfi plus groife , & agit avec plus de force
contre la dépouille , qu'elle tend a ouvrir au-
dcillis du dos. Tandis que j'avois les yeux fixés
fur la Chryfalide , loriqu'elle commenqoit à^|dé-.
gager fa partie polférieure de dedans celle de la
dépouille , je voyois les poils épineux de celle-ci
le donner des vibrations très-feiifiblcs. î:s font
pourtant toujours immobiles fur la Chenille. Je
iie tardai ras à découvrir la caufe de ces vibrq-,
tions. Je reconnus que les piquans de la Chry-
faiide étoient emboîtés dans les poils de la dé-
pouille. Je m'en afîurai en enlevant avec les-
doigts quelques-uns des poils de la dépouille
correfpondans aux piquans de la Chryfilide.
J-avois d'autant moins de peine à y réuiîir,
que dans cette circonftance , les poils paroiifent
terir très-peu à la dépoui'le. A mefure que j'en-
}evots ainfî un poil , je voyois ibrtir de fon
Intérieur une partie charnue fort apparente ,
Ç) Ccnfolt.z les Ç^ig. Il , 12, 15 , de la PI. XX,V du,
T-oirfe I des Mémoires A^ M» de Reaumuh.
SUR LES INSECTES. lof
qur Te retiroit auffi-tôt vers le corps de la Chry-
fiiiide ^ & que je ne pou vois méconnoitre pour
un de fes piquans. Je ' iVobrervois point la
niéme choie quand j'enîevois les poils placés
fur les cotés de la dépouille : il ne fortoit rien
de leur intérieur : c'elt que la Chryfalide n'avoit
point de piquans fur les cotés. On voit donc à
pré lent , pourquoi les poi's de la dépouille qui
renfcrmoient les piquans de la Chryfalide , fe
dpnnoient des^ vibrations alternatives pendant
la transformation. Ces mouvemens étoient oc-
cadonés par les eiibrts que faifoit la Chryfa-
lide pour défengrainer fes piquans.
L'ortie nourrit une autre Efpece de Che-
nille épineufe (*) , iur laquelle je tentai en Mai
1740 5 la même expérience que j'avois tentée
l'année précédente fur les Chenilles de l'autre
Efpece : mais toutes celles auxquelles j'avois
coupé les poils avant la mue ne parvinrent
point à fe défùre de leur vieilli peau. Il paroit
donc que les poils en forme d'épines font d'une
nature très - différente de celle des poils ordi-
naires , & que leur retranchement intérelTe plus
ou moins la vie de Plnfede.
(*) Elle cft repréfentée , PI. XXVI , Fig. I du Tome I des
Mémoires de M. Ue Rlaumu^l.
Jo^ 0 B s E K VA T I 0 N S
OBSERVATION XII.
Sur le temps où la dorure de certaines Chryfa^,
iides commence à àifparoître.
N {.\\t que c'efl: à la belle couleur d'or à^
certaines Chryfaîides , que toutes les Chryfalides
ont dii leur nom. Les Chryfalides de nos Che-
nilles noires & épineufes de l'ortie font au nom-
bre de ces Chryfalides fî richement vêtues. Il
a voit été réfervé à M. de Reaumur de nous
découvrir l'art fecret que la Nature emploie
pour opérer à peu de fraix cette brillante déco-
ration, li a prouvé , qu'il n'entre pas la plus
petite parcelle d'or dans cette dorure , & qu'elle
eft due -uniquement à une pratique analogue* à
celle dont nos ouvriers font ufage dans la fabri-
que des cuirs dorés. Une membrane mince,
tranfparente & légèrement colorée , appliquée
immédiatement fur une fubftance d'un blanc
brillant, fuffit dan^'les mains de la Nature pour
produire une dorure fort fupérieure à celle de
nos plus beaux cuirs dorés (*). L'illuilire Ob-
fervateur, qui nous a dévoilé ce petit myftere,
n'avoit pas fuivi la Chryfalide jufqu'au moment
C) Coriiultez ic Mém. X du Tome I de Vllipire des,
Infeclcs.
SUR LES INSECTES. 107
uu le Papillon fe dégage de fes enveloppes. Il
n'civoit donc pu s'allurer du temps où la do-
rure de la Chryfi<Ji:1e commence à dirparokre.
'' Je n'ai pourtant pas obfervé , dit-il (^0 5 ii ce
53 n'eft précilëment que dans Pinitant que le
3j Papillon fort, que la dorure difparok , ou li
55 ce n'eft point quelques inftans auparavant;
5^ car le hafard n'a pas voulu que j'en aie faifi
„ dans le moment de la fortie de ceux qui
33 avoient été emmaillotés fous des enveloppes
35 dorées ', mais il y a grande apparence que
33 c'eil: alors préciféiuent que la dorure difpâroit. „
J'avois fuivi en Août 1739, avec la plus
grande alnduité , tout ce qui fe palfe avaiit ,
pendant & après la transformation de nos Che-
nilles- de Portie en Chryfalidesj & j'avois eu le
p-aiiir d'obferver la plupart des faits par lef-
quels, l'Hiftorien de la Nature a voit cherché à
intéreifer la curiofité de fes Ledteurs. MrJs en
le lifant , je n'avois pu un inftant adopter fa
pcnTee fur le temps où la dorure de la Chiyfa-,
lide difpâroit. Elle me fembloit trop contraire
à tout ce que j'avois moi-même obfervé fur
d^autres Efpeces de Chryialides non dorées.
J'avuîs toujours vu que leurs couleurs corn--
mciicoient à s^iitérer quelque temps avant Id,
C) Ibid. png. 459.
ÎC8 OBSERVATIONS
transformation en Papillon , & que cette aitéra--^
tion éioit même un des fignes les plus certains
d'une transfornirition prochaine. En continuant
de fuivrc les Chryfalides des Chenilles noires
de Tortie, je m'ufTurai que je ne m'étois point
trompe en railonnant ici par analogie. Environ
deux jours avant le temps où deux Chryfalides
de cette Efpece dévoient fe transformer en Pa-
pillons , j'obfervai qu'elles avoient changé de
couleur. Elles s'étoient rembrunies, & ce qui
étoit plus décifif encpre , une partie de leur
belle dorure avoir difparu. Le jour fuivant, les
altérations des teintes devinrent plus confîdé-
rables , & on commencoit à appercevoir fur les
deux plaques des ailes deux taches brunes en
forme d'yeux. Je n'eus pas de peine à deviner
ce qu'étoient ces taches : il étoit aifez évident ,
qu'elles étoient celles qui dévoient parer bien-
tôt les ailes du Papillon & qui percoient à tra-
ders la peau demi-tranfparente de ChryfaHde,
Enfin , pîufieurs heures avant la fortie du Pa-
pillon , il lie reftoit plus aucun velHge de
dorure fur l'enveloppe de Chryfalidco
SUR LÈS în SE crus, i^^
OBSERVATION XIÎI.
Sttr les pironeUemens qii^exéciite la Chryfalide de
la Cheiiille noire & épineiife de P Ortie pour
faire tomber fa dépouille.
L
S s Chenilles dont j'ai fait mention dans les
deux Obfervations précédentes , ne font pas de
celles qui fe conftruifent des Coques pour s'y
métamorphof:r en Chiyfalides. Elles fe fufpen-
dent alors par le derrière , au moyen d'une mon-^
ticule de Ibie qu'elles filent fur quelque appui ,
& dans laquelle elles cramponnent leurs dernières
jambes. L'Infecte eft donc ainfi iufpendu eu
Pair 5 la tête en-bas. Cette fituation finguliere
préfente à l'Obfervateur des fcenes intérciîàntes,
<& qui lui donnent des momens d'inquiétude.
La Chryfalide cachée feus la peau de Chenille ,
doit bientôt fendre cette peau au-deifus du dos,
pour s'en dégager. Mais , elle n'eft retenue à îa
monticule de foie que par les dernières jambes
de Chenille: comment donc demeurera- t-elie
fufpendue en l'air , lorfqu'elle aura achevé de
fe dépouiller? Comment ne tombera-t-elle point
à terre ? On fait aifez que la ChryfaHde ]i'a ni
bras ni jambes , qu'elle eft un Papillon Ç\ bien
emmailloté , qu'il ne peut faire aucun ufage de
iio 0 B s E R V A T I 0 R S
les hieml>rcs. La Chryfalide ne prcfeiite qu'une
petite mailè conique , aiiez lourde en apparence ^
8c dont Ton n'attend pas des tours d'adreife. Son
derrière ib termnie en pointe , & il eil garni de
petits crochets trts-propres, à la vérité , à le cram-
ponner dans les fils de Ibie. Mai^ encore une
fois , commeiit la Chryfiilide , entièrement déga-
gée de fa dépouille , le Ibutiendra-t-elle en Pair &
ira-t-elle s'attacher par fon derrière à la même
place qu'occupoirt la Chenille ? M. de Reaumur ,
qui pénétroit avec tant de liigacité les manœu-
vres les plus feeretes des ïiiiécT:es , & qui ré-
pandoit tant d'intérêt dans le récit de ces ma-
nœuvrcs , nous a appris leS tours d'adreiîe^ que
notre Chryfilide met en œuvre dans cette cir-
coiîfrance fi critique pour elle. Qiiand la Chry-
falide fort de fa dépouille, elle cit très -molle
encore i (es aniieaux ont beaucoup de foupleiTe,
cSc jouent facilement les uns fur les autres.
Tandis qu'avec deux de fes anneaux elle (àiijt
une portion de la dépouille & s'y cramponne ,
elle iaiiit avec les deux anneaux qui fuivcnt
une portion plus élevée de la dépouille : elle
fait lâcher priié aLilîi-iùt aux deux premiers s
& la voilà élevée le long de la dépouille d\iu
petit cran. En repétant la même manœuvre ,
elle s'élève d'un iecond cran. Elle atteint eniin
du bout de fon derrière à la monticule de foie ,
SVR LES INSECTES. m
& y engage fortement fes crochets. Elle e(l
maintenant en ftireté , & n'a plus à craindre
de chute pédlieiire. Elle va mcme exécuter une
autre manœuvre , qui fuppofe qu'elle tient bien
fortement à la petite touffe de foie. La dé-
pouille y eft encore accrocliée , & la Chryfalide
ne fauroit la foufirir fî près d'elle. Elle veut fe
débarraifer de ce voifinage incontmode , & elle
va travailler à détacher cette dépouille. Mais,
je dois laiifer parler celui de qui nous tenons
cette curiéufe hiftoire.
" Ce n'efl: pas afTez ^ dit - il ( * ) , pour
53 notre Chryfalide , de s'être tirée de la peau
„ de Chenille, elle ne veut pas *fouffrir cette
33 peau auprès d'elle , elle ne s'eft pas plutôt
55 accrochée , qu'elle travaille à la faire tomber.
^5 La méchanique qu'elle y emploie a encore fa
53 (ingulariùé -, elle courbe la partie qui eR au-
53 deiToLis de fa queue en portion d'*S', de ma-
55 niere que cette partie peut embrafîer & faifir
55 en quelque forte le paquet fur lequel elle
33 s'applique. Alors elle fe donife une fecoulfe
55 qui fait faire à tout fon corps une vingtaine
35 de tours de pirouette fur fa queue , & cela
55 avec une grande viteife : pendant tous ces
O Mém, fur les Inf, {t. I , psg. 434-
•ÎÎ2 0 B S E R V Â T î Ô N S
,3 tours elle agit contre ia peau , les crochets
33 des jambes tiraillent les fils , les cafTent ou s'eiî
35 dégagent j les crochets des jambes de la dé-
53 pouille font plus éloigi>;js du centre du pirouct-^
53 tement, que ne le font les crochets de lar
53 queue de la Chrylalidej ainfi les fiîs auxquels
53 tiennent les premiers crochets , font bien plus
53 tiraillés que ceux auxquels tiennent les fe-
53 conds. Si les premiers pirouettcmens n'ont
53 pas détaché la dépouille , la Chryfalide , aprcs
33 s'être tenue un inftant en repos , recommence
53 à pirouetter dans un fcns contraire ; contc-
33 nant toujours la dépouille dans Pefpace au-
33 ,tour duquel elle circule. Il eft alfez ordinaire
33 que la dépouille tombe après les féconds
33 pirouettemens j la Chryfalide eft pourtant
33 quelquefois obligée de recommencer à pi-
33 rouetter quatre à cinq fois de fuite. Enfin
33 j'ai vu quelquefois la peau de Chenille fi bien
33 accrochée , que la Chryfalide , après s'être
33 laifée inutilement pour la faire tomber , dé-
33 fefpéroit d'y pouvoir parvenir , elle prenoit
33 le parti de la laiiTer en une place où elle étoit
33 trop cramponnée. 3,
Le defir de faire admirer les procédés hx-
duilrieux des Infedes à ceux même qui favent
le moins admirer , a quelquefois porté leur cé-
lèbre
SUR LES ÎNSECTÎ:S té
t
fsbre Hiftorieii à leur prêter des vues , 8c preC
«jue liiie intelligence , qu'ils ne (auroient avoir.
Ceft ce qu'il fait ici à l'égard de notre Chry«
falide , & ce que je ne foifois poiiit lorfque je
revoyois après lui la petite manœuvre dont it
s'agit. Qii'on fe rappelle , que la dépouille eft
garnie de piquants allez durs & très-aigus y que
l'on veuille bien confidérer encore , que dans le
temps qui fuit la réjeclion de la dépouille , la
peau de la Chryfalide eft très-m.olle , très-déli-
cate , & très-fènfîble 5 & l'on comprendra fasi-
iemenc , qu'cile ne piroiiette que pour fe foui-
traire aux pièottemens continuels dé la dé-^
pouille. Ses pirouettemens n'ont donc pas pro-
prement un but I ils ne tendent pas à décram-i
ponner la dépouille : mais ils décramponnent'
la dépouille , parce que la Chryfalide la heurte
en pirouettant ; & elle pirouette , parce que la
dépouille la bleife ou l'irrice, La Chrylalide ne
cherche pas à contenir la, dépouille dans PeCpacQ
autour duquel elle circule j mais elle y eft con-
tenue par une fuite naturelle de la manière dené
elle eft fufpendue , & dont la Chryuilide tourne
fur elle-même. Je ne puis m'emoêcher de tranf-
crire ici mot à mot ce que je lis là-deiTus dans
mon Journal de 1739 , à la fuite de mes pro-
près Obfervations fur la Chryfalide dont il efî
queftion.
Tome IL ÎJ
Jî4 OBSERVATIONS
Par rapport: aux pirotiettenieyis de la Chryfà-^
liàe s dijois-je , qui tendent à faire tomber la peau
de Chenille , ]e crois , que ce n'eji pas tant une
adrejfe de la Chryfalide , que l'effet que prodiii-
ftnt Jîir la peau les poils piquans ^ aigus de la
dépouille. Dans ces premiers momens , la peau
tendre de la Chryjalide eji blejjce par ces poils ^
ce qui force la Chryfalide à tourner autortr de
la dépouille pour en éviter les frottemens. Aujfî
voyons-nous que d^ abord Cjue la Chryfalide a pris
tin certain degré de confftance ^ qui la met à
Pabri des frottemens ^ des piquures , elle cèjfe
de s\igiter.
Depuis que j'ai tranfcrit ceci de mon Jour-
nal, j'ai affifté au dépouiilemeiit de deux Chry*
lalides de nos Chenilles épineuft^s de l'ortie,
de l'Efpece ^e celle qui eft repréientée PL II,
Fîg. 4 , du Tome I des Mémoires de M. de
REAUMUk fur les Infedes. Une de ces Chryfa-
iides venoit de fe dépouiller , & elle commen-
(;oit à fe donner des contorfions de tout le
corps , qui fembloient tendre à faire tomber la
dépouille. Mais cette dépouille fe trouvoit fuf-
pendue par hafard à un fil de foie très-délié &
prefqu'invifible , d'environ trois hgncs de lon-
gueur, qui tenoit à la monticule de foie , & qui,
dans doute , en a Voit été détaché. Tandis que la
SUR L ES INS ÈC TES. Uf
ChryCiîide contournoit fa partie poftérieure en.
diiîerens feus , & le plus fouvent en maniéré
d\9, qu'elle paroiiToit tourner en même temps
fur elle-même , fans pirouetter ncanm.oins , je
voyois la dépouille courir fur la Chrjfaîidè
comme une Chenille : elle alloit & Venoit, mon-
toit & defcendoit , parcoiiroit avec viteiie lé
devant & le derrière de la CL^yfalide fans la-
bandonner jamiais. L'illuiion éroit même d'au-
tant plus complette à une certaine diftance
qu'on n'appercevoit point le fil délié qui tenoit
la dépouille fufpendue , c^ qu'elle préfentoit
toutes les^ parties extérieures d'une Clienille
épineufê fort raccourcie. La Chryfalide a eu
beau continuer fes contorfi )ns aufli long-temps
que fon état de foupleife le lui a permis , elle
n'eft point parvenue à détacher la dépouille i
elle étoit trop bien fufpendue : mais j'ajouterai
que la Chryialide n'a jamais pirouetté 3 & q'd.u-i
roit été bien inutilement.
L'autre Chryfahde venoit de fe remonter
fur la dépouille , & d'accrocher fa queue à la
monticule de foie , lorfque la dépouille eit tom-
bée comme d'elle - mèmeo Cependant , j'ai vu
avec furprife la Chryialide continuer , pendant
un temps alfez long , à fe donner des mouve-
mens d'ondulation précifément femblabies h
H :?
ïi^ OBSERVATIONS
ceux de la Chryralide précédente , & qu'eîi«^
exécutoit , comme el]e , avec une grande fou-
plelfe & une agilité mcrveilleufe. J'ai cru re-^
connoître , que ces mouvemens tortueux ten-
doient à faire pénétrer les petits crochets de fa
queue dans les mailles de la monticule de foie.
Ainfî, quoique notre illuftre Hiftorien des In-
fectes ait fi bien obfervé les manœuvres adroi-
tes de ces Chryfalides , & que je les aie beau-
coup obfervées après lui , elles méritent encore
de l'être 5 & très -probablement, nous n'avons
pas vu tout ce qu'elles ont à offrir d'intérelfant.
On pourroit même tenter des expériences , qui
€u plaçant ces Chryfalides dans des circonf-
tances où la Nature ne les place pas , donne-
xoient lieu à des procédés que nous ne devi-
lîbns point. On ne fauroit imaginer trop de
moyens pour déterminer . les Inièdles à varier
leurs manœuvres : c'eft la manière la plus fûre
de juger de la portée de leur inftinâ:.
Au refte , j'ai obfervé que nos Chenilles épi-
ai eu fes ne lailfent pas de fe transformer en
Chrylalides , lors même qu'elles ne peuvent fe
fufpendre : mais apparemment qu'il en périroit
un grand nombre , û elles n'avoient pas été in{l
truites à fe fufpendre. C'eft encore ici une de
ces chofes qui mériteroit d'être plus approfoit.
SUR LES INSECTES, jty
^ie par de nouvelles expériences : car il feroit
bon de s'aiî'urer juCqu'à quel point les procédés
de chaque Efpece font néceiiàires à fa confer-
vation.
O B S E R A^ A T I O N XIV.
Sur une Cbeinlle qui ^ cojinm la belle du Fenouil,
porte nne corne branchue fur fa partie antéy
rieiire,
\^ EST une {ingularité bien remarquable que.
celle que préfente une Chenille qui vit fur le
Fenouil, & dont M. de Reaumur nous a donne
une defcription exade (^^. Cette Chenille , qui
€fl; alfez belle , porte fur fa partie antérieure
une corne charnue & mobile en tout iéns ,
formée de deux branches qui s'implantent dari:-^
une tige commune , & qui compofent avec cette
tige un tout dont la figure imite celle d'un T.
Cette corne flnguliere rclfemble fort , par ia.
confiftance & par fes mouvcmcns , à celles du
Limaçon. La Chenille la tient ordiimirement ca-
chée fous fa peau 5 mais elle peut l'en, faire
{ortir quand il lui plait. Oii peut même l'obliger
à la montrer, en prelfant un peu la partie au-
C*) Mém. fur les Inf. T. ï, pag. 4^2, 4<î? , &c.
Hb
'|i3 OBSERVATIONS
térieure. On vo^t alors fortir ruîie.ou Fautr©
des deux branches , & fouvent les deux bran-r
ches à la fois. Si l'on pouile plus loin la pref-
fion , on fera fortir encore la tige commune»
Cette corne û lemarquable , a environ demi-
pouce de longueur: les brandies paroiiTent airez
déliées quand elles s'aîongent le plus. Elle fort;
d'une fente tranlverfe placée dans le milieu de
la partie fupéricure du premier anneau. Cha-
que branche rentre en elle-même comme une
corne de Limaqon , & toutes deux rentrent
dans la tige dont elles i artont. Lorfque je pref^
fois, cette Chenille près de fa partie antérieure,
elle dardoit fa corne comme fi elle eût voulu
s'en fervir pour me piquer : elle la dirigeoit vers
mes doigts ; mais el-e la retiroit bien vite dans
fon intérieur dès que je ceifois de la preifer. Je
remarquois que cette corne avoit une odeur très-
forte de Fenouil , que le corps de la Chenille
nie fliifoit auffi fentir ^ mais moins fortement.
On ignore encore les ufages de cette corne
fourchue. A en juger par fa grandeur , par fa
flexibilité Se par fon jeu , elle doit en avoir
d'importans. Entre ces uîages cft peut-être celui
de chaiier les Mouches iclmevrnones , qui tente-
roient de piquer la Chenille, pour introduire
leurs œufs dans fon intérieur.
SUR LES IN SE crus. 119
Il faudroît elTayer de couper cette conie
avec des cifeaux : on s'airureroit par-là fi elle
peut recroître , & Ci elie importe à îa vie de
Chenille ou à celie de Chryraiide. (i)
M. de Reaumur ne connoUroit apparem-
ment qu'une ieule Eipece de Cheaiiie à coriies
en Y. Dans TEié de 1737, j'en trouvai une
autre Efpece moins grande & nioi;is groire, &
dont la forme & l'attitude me frappèrent. -Elles
donnoient à la Chenille de Pair d'une Limace.
La partie antérieure étoit fort grolie , propor-
tionnellement au refte du corps , ik la partie
pofténeure étoit très-efïiiée. Cecte Chenille , qui
ne reilembloic ni par fa grandeur , ni par fcs
couleurs , à la belle du Fenouil , avoit pourtant
comme elle une corne en Y, qui m'offrit les
mêmes chof:^ que j'avois obfervées dans la
corne de cette dernière.
(l) C'eft ce que je fis le K d'Août 174? , comme je le vois paï
un article ik mon JonrnaL La Chenille , fur laquelle je ten-
tai l'expe'rience , étoit parvenue à ion parfait accroiffsment. Je
coupai la corne près de fa bafe. II fortit par la plaie des gout-
tes d'uiie liqueur verdâtrc. Le jour fuivisnt, fur les cinq heu-
res du matin, elle s'étoit liée pour fe transformer. Le 17, fur
les neuf heures du matin , la Chryfalide rejetta fa dépouille.
Rien ne paroiiToit lui manquer, &; elle donna en moins t'''m
mois i.n Papillon, qui paroifToit très-com.plet. J'avois accéléré
fa fartic ta reiii-ei.'.i»ant ia Chrylalidj dans un- étuve,-
H 4
%%0 OBSERVATIONS
L'esi^ECE dont, il s\;git , fe rapprochoit encorg,
de celle du Fenouil par irne autre particuiarité;
clic avoil; la mènis od^ur , & cette odeur étoit
auîîi plus forte, dans la corne qu'ailleurs. Il efl
probable qu'elle vit pareiilemeut fur le Fenouil
& fur la Carotte fiiuvage.
Ceti'Ç Chenille , que je npmmerois Chenille^
I^iniaçe à- corne hranchue , eft d'un jau'.ie ver-^
dâtre j fur lequel font femés des points d'un,
jaune plus vif, mèlqs de traits bruns. Elle e{^
ïafe & à feize jambes.
J'ai eu à la fois deux de ces Chenilles , qui
i;ôUtes deux étoient parvenues à leur parfait
açcroiiTement. Elles fe filèrent une ccmture pour
le métamorphofer. Leurs Chryfalides furent an-
gulaire? 5 & Jeurs couleurs ne diiféroient pa^
"beaucoup de celles de la Chenille. Les Papillons
périrent fous Penveloppe de Chryfalide. Ils au-
roient été probablei^ient des Papillons à queue,
J'avois déjà écrit ceci , lorfqu'en parcourant
une de mes Lettres à M. de Reaumur , j'y ai
1^ ce qui fuit,
CeUe Ifpece de Chenille qui , comme la belle
4u Fenouil i porte une corne charnue 'en Y fuif
SUR I^SS INSECTES^ 12%
ift. partie antérieure , if? dont fai eu , Afonjienr ,
rhonneiir de vous parler dans une de tnes Let^^,
très en vous envoyant la Chryfalide , donne bien
fin Papillon à q;(eue femhiable à celui qui efl
repréjenté PL II, Fig. 3 &? 4 , du Topie I de
vos Ménwires. Deitx Chenilles ds cette nouvelle
Efpece , qui s^étoient transformées en Chryfalides
le 9 d'AoUt , n'oyit paru fous la forme de Papil-,
(on ^ que vers la mi- Juin de l' année fuivante.
g^o^^====:^_^ , i^Cl<^-
OBSERVATION XV.
Efpeces d.e faux-figrnates découverts dans queL
ques Chenilles.
t
£ s Naturaliftes ont donné le nom de flig-
mates [PL IV, pig. i. j] à de petites ouvertu-
res oblongues mrorimées en creux dans la peau
des Chenilles , & qui fervent à introduire Tair,
dans leur intérieur. Toutes les Chenilles ont
dix-huit de ces bouches ou iti^mr.tes , neuf de
chaque côté du corps. Ils y font placés un peu
au-deifus de la ligne des jambes (/). Ordinai-
rement ils font reconnoiiiabîes par leur cou-
leur , qui ditfere plus ou moins de celle de la
peau. La forme" & la Itruclure de ces organes
de la refpiration offrent une multitude de par-
122 OBSERVATIONS
ticrJarites intéreiTantes que je ne rappellerai pas
ici (*). J'ai aduellemcnt un autre objet en vue.
Au commencement d'Août 1740, tandis que
j'obfervois la grande Chenille nommée Sphinx^ (|)
j'apperqus au-delîus & à peu de diftance de
chaque ftigmate , un petit enfoncement, qui
avoit tout-à-£tit l'air d'un véritable itigniate.
Il étoit feulement beaucoup plus petit, [FI. IV>
Fi^. J. t.] & de même couleur que la peau.
Comme les vrais ftigmites il étoit oblong, & le
grand diamètre de l'ovale perpendiculaire à la
longueur du corps.
Considérant la forme ellyptique & la po-
fition fi régulière de ces petits enfoncemens;
confidérant encore que leur nombre étoit pré-,
cifément le même que celui des vrais ftigmates ;
je ne pus m'empècher de foupqonner qu'ils
étoient des parties elfentielies à la refpiratiou
de PInfede. Je connoillois l'appareil prodigieux
des organes qui fervent à introduire l'air , 8c à
ie répandre dems tout l'intérieur des Chenilles ,
Se je n'étois point étonné de l'accroiiTement de
cet appareil dans la fuppofition allez naturelle
(*) Confuîtcz là-iîefius le Mém. ÎII, du Tome I de r-juvrage
de M. de Reaumur fur les Inficies.
(t) Jhicl. T. îl , PJ. XX , F iiT, 1 , a.
SUR LES INSECTES. 12^
que les enfoncenieîis eu queftion étoient de
nouveaux ftigmates. Cela même contribuoit un
peu à m'affermir dars mon foupçon. Pour tâcher
de îe vérifier , j'eus recours à rexpérience qui
nie fembloit la plus déciiive : je plongeai ma
Chenille dans Feau froide ; je Vy tms plongée
plus de cinq heures *•& je fus très-attentif à
obferver s'il s'échappoit quelques bulles d'air de
ces efpeces de ftigmates que je venois de décou-
vrir. Je n'en vis for tir aucune i mais j'en ob-
fervai de très-groifes qui fortoient des vrais
ftigmates , & fur-tout de ceux de la première
paire , ou des deux antérieurs. Je remarquai
même qu'elles étoient comme dardiées au-dehors
avec une certaine force -, auiTi gagnoient-elies
promptement la furface de l'eau. J'obiervai en-
core , & à piuGeurs reprifes , une de ces bulles
qui fembloit prête à fe détacher d'un des ftig-
mates antérieurs , qui y rentroit & en fortoit
aiterniitivement : elle étoit donc alternativement
afpirée & expirée. C'étoit fur ^ tout iorfque la
Chenille s'agitoit , que je voy jis fortir des builcs
des ftigmates -, mais je m'aifurai qu'un mouve-
ment à peine fenfible fuffifoit à produire cet eifet;
fi remarquable. Je parlerai ailleurs plus au long
de la refpiration des Chenilles.
Cette expérience me donna lieu 'de réitérer
124 OBSERVATIONS
rObrervatioii que j'avois faite rannée précét
dente, fur l'eifet (îngulier que l'eau produit dan^^
les Chei-iilles qu'où y tient plongées (*). L^
peau du Sphbix eft forte & conipade : elle ienir
ble avoir plus d'épaiiTeur que n'en a ia peau des
grandes Chenilles de fa claife. Elle réfifte d'une
manière bien fenfible aux doigts qui la preifent.
Cependant , lorfque je retirai de l'eau celle que
j'y avoi§ tenue- plongée , elle étoit aufTi fouple
que le gant qui l'eft le plus : elle ne donnoit
aucun ÇignQ de vie , & fe laiiToit manier eii
tout fens, comme fi elle eut été morte. Il y a
plus : je la ferrai entre mes dofgts au point de
lui faire, perdre fa forme cylindrique, & de lui
en donner une auffi applatie que Ml celle
d'une fimple peau ou d'une membrane charnue.
Comment eût-on imaginé qu^xnie Chenille que
je traitois ainlî confervoit encore quelque prin,.
cipe de vie? Rien n'étoit plus vrai néanmoins,*
& au bout d'une heure, ma Chenille parut aulïi
ferme , auiîi compacte , auffi arrondie ; en un
mot , aulfi bien portante , que ^i je ne l'euiTe
point mifc à une épreuve Ç\ rude en apparence.
Cette Chenille, qui eil; une des plus grandes
& des plus groiTes de nos contrées , me donne
occafion de dire un mot d'une particularité très-
(") Voy. robf. X.
ïlTJt LES INSECTES, ^3?
remarquable de fon Papillon (^). Sa trompe , qu'il
tient roulée en fpirale au-delTous de fa tète , eft
fi démefurément longue , que , Payant mefurée
exadement, je lui ai trouvé trois pouces quatre
lignes de longueur , quoique le corps entier du
Papillon n'eût qu'une longueur d'un pouce neuf
lignes. Ce Papillon offre une autre particularité ;
je veux parler de la groiFeur de Tes yeux : ils
font prefqu'aufîi grès qu un petit pois, de cou-
leur noire & fans poils. Ce feroit fur de tels
yeux , qu'il faudroit étudier au microfcope la
ftrudure admirable de ces milliers de facettes,
qui font autant de petites cornées , 8c qui mul-
tiplient Cl prodigieufement les objets. Ce feroit
encore fur une trompe auffi démefurément lon-
gue que celle de ce Papillon , qu'il fiudroit
tâcher d'approfondir la ftrudure de cet organe
qui a déjà offert des cliofes Ci curieufcs. M. de
Reaumur n'a pas Riit mention des deux par-
ticularités dont je viens de parler. Il dit , que
les ftigmates de la Chenille font: ajjez petits :
mais je trouve dans mon Journal , qu'ils m'a-
voient paru aufîi grands qu'ils ont coutume de
fêtre dans les Chenilles de la taille du Sphinx,
Ils font bordés de noir , & cette bordure fem-
ble leur former une forte de cadre.
C) Voy^ PI. XX , Fig. 4 , dH Tom. II des Mhn.fur Us Inf,
î2^ àESERVATIONS
Je demeurai donc indécis fur la nature &
î'ufage de ces fortes de cicatrices que j'ai nom-
mées des Faux-Jii^mates y mais j'étois averti de
les chercher dans d'autres Chenilles de la même
claiTe , & de c!a(îes différentes. Je ne fus pas
long-temps à répéter mon Obfervation. Peu de
jours après , on' me remit une grande Chenille
rafe , à feize jambes , & qui portoit fur le der-
rière une corne courbée en arc. Le fond de îa
couleur du delfus de fon corps étoit un olive
foncé , dans lequel entroit une teinte de café
clair. Le deffous du ventre offroit un olive clair
& fatiné. L'efpace compris entre les lligm.ates
& les jambes , étoit d'un blanc de lait. Sur
chaque anneau , excepté fur les quatre premiers
& fur les deux derniers , fe voyoient deux
taches , dont la couleur imitôit celle du parche-
min. Trois raies de cette mèmie couleur , & qui
partoient du quatrième anneau , alloient de cet
anneau vers la tète. La forme de celle-ci étoic
applatie & obîongue , & l'on y remarquoit des
traits noirs. La corne étoit d'un noir luifmt:
c'étoit encore la couleur des jambes éeailleufes :
celle des membraneufes étoit la même que celle
du ventre.
Ce qui me frappa le plus dans cette Chenille ,
^e fut la grandeur de les ftigmates. Ils étaient
SUR LES INSECTES. 127
é'xin noir foncé j mais ce qui çontribuoit en-
core à les faire paroitre plus grands , c'étoit
une bordure de même couleur dans laquelle
ils étoient encadrés. Comme je confidérois atten-
tivement ces ftigmates , j'appe: eus un peu au-
deifus de chacun d'eux une tache noire , beau-
coup moins apparente , mais qui imitoit bien
un ftigmate. Je ne doutai pas que ces taches ne
fuifent de même nature que celles que j'avois
découvertes dans le Sphinx , & qu'elles ne fuC
fcnt aufîî des Efpeces de Fanx-Jtigmcîtes. Je me
.munis auflî-tôt de ma loupe, êc je m'aillirai
qu'elles étoient toutes imprimées en creux dans
îa peau de la Chenille. Elles avoient une figure
exactement elîyptique , très - bien terminée , &
très-femblable à celle qui eft propre aux ftigma-
tes de la plupart des Chenilles.
J'ai dit quT y avoit une de ces taches au-
delfus de chaque ftigmate. Je ferai pourtant re-
marquer 5 que le grand diamètre de la tache ne
répondoit pas précifément au grand diamètre
du ftigmate correfpondant : la tache ou le Faux-
ftigmate fe rapprochoit tant foit peu plus du
derrière de riafede.
Je répétai fur cette Chenille l'expérience que
j'avois tentée fur Iq Sphinx: je la plongeai dans
r^B 6 Ë s E R V Â t î 6 N s
Téau froide , & je l'y lailfai quelque temps. Jte
vis de même fortir beaucoup de bulles d'air de^
ftigmates , & principalement des deux antérieure.
Toutes les fois que la Chenille s'agiîoit un peu ,
je voyois diftinclement les ftigmates tourner
de mon côté , s'ouvrir & lailTer échapper l'air
contenu dans l'intérieur de l'Infedte. Mais je
ii'obfervai rien d'analogue à l'égard des taches
ou faux-ftigmates dont je recher chois la natUre
& l'ufage.
Environ quinze jours après cette féconde
expérience , on m'apporta une autre Chenille
de la même Efpece, & plus grande encore, filr
laquelle je ne manquai pas de répéter mes pre-
mières Obfervations au fujet des taches eh
forme de ftigmate. Je les examinai attentit^é-
nient à la loupe , & à diverfes reprifes ; mais!
quelqu'attention que "j'apportaiTe , & quoique le
verre dont je me fervois fiit excellent, je ne
pus jamais parvenir à découvrir au milieu du
faux-ftigmate une fente femblable à celle qu'on
découvre (î ficilement dans les vrais ftigmates.
Je crus feulement y appercevoir un petit point
qui paroiifoit défigner une ouverture. Ce fut
même inutilement que je préfentai les taches
ou faux-ftigmates à un bon microfcope : il n'a-
jouta rien à ce que j'avois déjà apperçti.
Forcé
rsVR LES INSECTES. 129
Forcé de me tourner d'un autre côté , j'eC-
"îliyai de préienter la pointe d'une épiijgle £ne à
la ïente d'un des vrais fligmates : elle s'y enfonça
xuiîî-tôt. Je l'en retirai, k je "tâchai de Pintto-
duire pareillement dans un des iaux-itigmates-
Elle n'y pénétra point : mais en frottant d^ la
pointe de l'épingle, le milieu an faux-fligmate.
K' fentis une réfiftance fenibiabie à celle que
'an'auroit fliit éprouver en cas pareil uuq petite
Irane de cerne ou d'écaillé. Il me parut donc
que j'étois en droit d'inférer de cette expé-
rience que les taches dont il -«'agit, n'étoient
riîn moins que de- fimples 'taches. D'ailleurs
leur figure régulière , leur pofition , leur nom-
bi e , toujours égal à celui des ftigmates , cou-
a-Kroient encore à me ^perfuader la mènis.
vérité. Je penfai bien à recourir à ia difTediion
pour tâcher de découvrir., Ci quelque paquet un
:;pcu conGdérable de trachées fe rendoit à ces
efp eces de faux-ftigmatcs j mais je ne pré fumai
.pas allez de ma dextérité en ce genre pour
tenter cette forte de diiiectiono
Au refte , la Chenille dont je viens de patlsî,
efi celle qui donne le Papillon repréfenté dans
le To.ne I des ?viémoires fur les Infedes , Pi,
XIII , Fig. 8 , & dont l'iJluIlre Auteur n'av4>i£
7^0.11^ Il l
igd OBSERVATIONS
point vu la Chenille , que je lui fis enfuit^
parvenir par la pofte.
On fait que les fatijfes Chenilles (*) fo^it des
Infectes dont l'extérieur fe rapproche beaucoup
de celui des Chenilles : elles fe transforment
auflî en des Mouches (**) , qni ont quelques
traits d'analogie avec les Papillons. Une fauife
Chenille qui vit fur le Saule , & qui eft repré-
f entée N<^. 77 de Goëdaert , Edit. de Lifter ,
m'a offert de ces taches en forme de ftigmates ,
que j'aVois découvertes^ dans les Chenilles. Elles
y étoient placées de la même manière , & leur
nombre égaioit de même celui des ftigmates.
(*) Voy. Mêm. fur les Inf. Tome V , Mém. III , PL X ,
Fig.î, 12. PL XIV,Fig.3.
C^) Ibhl PL X, Fig. 5,14.
SUR LES INSECTES. î^t
OBSERVATION X V I.
Tarticiihmtés anatonriques de la peau de la Che*
mile qiti donne le Fapilloyi. à tète de mort.
u.
Ne des plus grandes & des plus belîes CheniU
les de ncs contrées , e{t fans contredit , celle qui
donne la fameux Papillon à tète ie mort. On
peut voir la figure de cette Cheniiîe & de ion
Papillon dans le T. Il des Alémoires pour fervir
À PhïjiOire des L^feîhs \ PL XXIV, Fig. 1,4, S"
La peau de la Chenille efl de la plus gr:inde
douceur, & Ton n^y apperçoit pas un fcut poil.
Un beau jaune citron forme le fond de fa cou-
leur , fur lequel font jettées obliquement en
iTianiere de boutonnières des bandes vertes &
bleues. Ces bandes comm.encent au quatrième
anneau , !^c fe terminent à la bafe de la corne.
Elles vont à la rencontre les unes des autres ,
& tracent ainfi fur le dos diiférens angles, dont
îe fommet eft dans Panneau qui fuit celui àowt
e'ies partent. Aind la peau de cette Chenille
re reiiemble pas mal à Un^taifetas chiné. Les'
iiitervaiics compris entre les b.mdes font femés
de points de même couleur que les bandes.
Je viens d'ébaucher la defcription de cette
"belle Chenille , parce qu'elle ét-oit nécei&ii\^
.*?^ 0 B s £ Ê rJTirjNS
pour rintelligence de ce que j'ai à erl rappof^
ter. Ge fut le 24 de Juillet 1737 , que je là
Vis pour la première fois. Un de mes pour^
voyeurs d'Infedes m^eii apporta trois , qui
avojent été trouvécxS fur le Fufain , & dont
une avoit quatre pouces fix lignes de loilgueuf
jur un pouce trois-quarts de circonicrence.
Elles entrèrent en terre quelque temps après ,
&: s'y conftruiiîrent une Coque dont la grolTeur
iurpalToit celle d'un œuf de Poule. Les grains
de terre qui la compoloient , n'étoient point
Hés par des fiis de foie ; ils ne^'étoient qu'au
moyen d'une humeur vifqueufeou d'une forte de
colle. La terre paroilîbit avoir été fort humedée
p^r îa Chenille. J'ouvris Une de ces Coques &je
lui trouvai une ligne & demie d'épailTeur. Un
grand art ne brille pas dans la conftrudioii
de cette groife Coque : peut-être néanmoins
<^ue fi là terre au milieu de laquelle la Ch-e-
nille travaille , perniettoit de l'obferver facile-
ment , oii découvriroit daïis foii travail de
petits procédés qui né feroient point à méprifer.
Ce n'eft pas peu pour elle , que de pratiquer
au fein d'un maffif de terre une auffi grande
cavité que celle qu'exige la conftrudion d'une
Coque aulFi grodè que la fienne.
yERS la rai-Juillet 1739 5 j'eus encore trois
SUR LES INSECTES. 135
Chenilles de la même Efpece , & qui avoient
auili été prifes fur le Fufain ,• mais , je dois
avertir qu'où trouve encore cette Efpece fur
le Jafmiu. Je rais une de ces Chenilles dans
un mélange d'efprit-de-vin ^ d'eau commune
& de fucre , pour la conferver dans mon ca-
Ipinet. Mais au bout d'environ trois femaines ,
elle y étoit devenue prefque meconnoilïable.
Ses belles couleurs avoient entièrement difparu^
& elle n'otîroit plus que du noir ^ ce qui fem-
bloit indiquer , que la liqueur avoit trop agi .
fur fa peau , qu'elle l'avoit , en quelque forte ,
brûlée. Quoi qu'il en foit ; je crus devoir mettre
à proiit cet accident pour m'éclairer fur la
ftiudure des Chenilles, par la diiibdion d'un
individu de fi grande taille. Mais avant que
d'en venir à l'ouverture , je jettai un coup-
d'œil fur Texte rieur. Tout le corps de la Che-
nille , à l'exception du pénultième anneau ,
étoit Goupé par des rides ou plis, circulaires^
parallèles les uns aux autres , & qui fembloient
ibnner autant d'anneaux diftinds. Je comptai
huit de ces plis traniverfaux fur chaque anneau.
Les pHs des deux premiers anneaux étoient
ieulement moins profondément gravés dans la
peau que ceux des autres anneaux. La tète
«voit peu changé , & fa couleur étoit à-peu-
l\i^:^. iiaLUieliÇ. Lu jon.çUQ4\ des aiu\e'4UX >.
*34 OBSERVATION S
le dcirous du ventre & le derrière montroieiit
eiicore quelques velhges de leurs piemicres
teintes. Dans cet étut , la Chcaille tcnoit aiibz
de la corfitlance d'un cuir mouilié s elle en
avoit prefque la foupleiïe.
Je l'ouvris le long du dos en commençant
îà feclion à la bafe de la corne , & je la pouilai
juFques près de la tète. Ce qui s'oiirit à mes.
yeu'f de plus remarquable, & qui me parut,
en effet , bien digne d'attention 3 ce fut une
féconde peau beaucoup plus mince que celle qui
formoit l'extérieur de la Chenille , & qui étoifi
appliquée fous celle-ci comme une doublure.
Cette peau n'étoit pas une fimple membrane :
elle étoit différemment colorée , & fes couleurs
étoient aifces à Jiftinguer. Le fond en étoit une
forte de gris de perle , ilir lequel étoient éten-
dues en forme de boutonnières des raies d'un
pônceau pale , mais dont les nuances étoient
admirables. Ces raies répondoient précifément
par leur pofition ^ par leur longueur & par leur
largeur à celles qui paroient auparavant l'exté-
rieur de rinfede. Les efpiîces que ces raies
laiiïoient entr' elles étoient pariemés de. points
fcleus", ziiez fcmblablcs à de petits itigmates.
Cette peau intérieure , cette forte de doublure
ne. paroiffoit tenir pair aucun ligament ou pai'
SUR LES INSEC'TES, 135:
aucun vaifleau à la première peau , ou à la peau
extérieure : elle fembloit fimplement appliquée
ou couchée fous celle-ci j enforte que pour lé-
parer les deux peaux dans toute leur longueur,
il Tuffifoit que j'introduidife entre deux le man-
che très-applati de mon fcalpeî. Je fixai mon
attention fur le côté intérieur de la première
peau j & j'y découvris les bandes en manière
de boutonnières , mais dont les couleurs étoient
altérées. Je n'y apperqus point les mufcles qui
fervent aux mouvemens des anneaux : je n'y
obferyai que les plis dont j'ai parlé. Revenant
.enfuite à la féconde peau , je découvris un grand
nombre de trachées qui alioient s'y rendre.
On peut demander maintenant ce qu'étoit
cette forte de doublure if Je crus dabord , que
c'étoit la peau de la Chryfalide ; & cette idée étoit
bien naturelle j car je n'avois rien lu nulle part
fur cette (înguliere doublure. Mais j'abandonnai
bientôt cette idée ; parce que j'avois fuivi avec
la plus grande exactitude tout ce qui fe paife
avant , pendant & après la transformation de
îiotre grande Chenille en Chryfalide i & que je
aii'étois ailuréaintî> que les couleurs de la Chry-
falide ne reifembloient dans aucun temps à celles
de la Chenille. Au moment que la Chryfalide vient
de rejcttqr la dépouille de Chenille , elle eft d'un
14
13^ 0 E S E R V A T I 0 N T
}.raiie tendre & uniforme : un marron clair Im
fuccede , -qui fe rembrunit infenfiblcmeiit. Si
la Chenille a voit ,eu encore une mue à fubir ^
il ne nxauroit pas été difficile de deviner ce
qu'étoit la féconde peau dont il s'agit ; mais
elle étoit parvenue a. fon parfait accroifîement >
8c n'avoit plus qu'à fe transformer en Chryfa-
lide. Cette expérience nous apprend donc , que
la peau des Chenilles a de nouvelles, particula-
rités- à nous offrir. El'e nous rriontre que cette
peau, n'eft point, iimple , &. ce fait a bien des
ûnaiogues..
Je palTe fous fîlence les obfervations que ja
£s fur le canal inteftinal , fur les trachées, fur
les vaiiTeaux variqueux , &c. parce qu'ils ne
im'olïrirent à-pci^. -près rien que je n'euifei
dcja lu. dans, les Naturalifles, qui m'avoie^t.
fvAcédé,
SUR LES INSECTES. 1^7
-j^ff -:■ — - — '^^cii^^ j^y^-.
OBSERVATION X V ï L
Sur différentes Efpeces- de Cheiiilles qui dévorenû
leur dépouille après ravoij- rejejtée.
L
S mues des Chenilles font connues de tout,
îe monde : à qui le Ver-à-foie y qui ett une vé-
ritable Chenille , ne les a-t-il point fait connoî-
tre ? Ceux qui élèvent cet Infèdle , devenu iî,
précieux , nomment fes mues des. maladies ,
& elles en font en effet. C'eft même une opé-
ration confidérable pour une Chenille , & bieu
plus grande qu'on ne le penfe communément ,
que celle de changer de peau. On commence à
le fentir , des qu'on vient à apprendre , q^-'e
la Chenille ne rejette pas fimpiement fa peau,-
mais qu'elle fe défait en même temps de toutes
les parties extérieures grandes & petites qui
tenoient à cette peau. Ainfi toutes les parties
de la tête , le crâne , les mâchoires , la filière ,
les yeux , (^c. font rejettes avec la peau. Les
jambes écailîeufes , les membrane ufes & tous
les petits crochets qui les terminent , font re-
jettes pareillement. Toutes les parties qui les
remplacent étoient emboîtées dans les ancien-.
3a.es > c'eft-à'dire , dans les parties cpnelpoii--
'I3S OBSERVATIONS
dautcs , comme dans autant de fourreaux.
IMMÉDIATEMENT après la mue , les Che-.
nilles font tres-foibles , & elles demeurent au
moins quelques heures , quejquefois un jour
entier dans cet état da foibJeiie. Tous leurs
iiouveaux organes font mois encore ; & ce n'eft
que par degrés qu'ils prennent îa confiftance
qui eft propre à chacun d'eux. Cctf' remarque.
ne paroitra pas in ditfé rente quand on aura îu
ipe que j'ai à raconter,
J'OBSERVOîs en Septembre 1738» les belles
Chenilles du Tithymale à feuilles de Cyprès ,
dont M. de Reaumur a beaucoup parlé (f) 5
& que je me difpenfe de décrire , parce qu'il
les a fait aflez connoltre. Celles que je fuivois
alors n'avoient pas encore fubi le dernier chan-
gement de peau , & je me préparai à i'obferyer.
Pour cet effet, je mis à part dans va\ poudries
deux de mes Chenilles dont la mue me paroiifoit
la plus prochaine. Mais ayant été appelle ail-
leurs , je les trouvai à mon retour parées d'un
nouvel habit. Je cherchai de l'œil la dépouille 5
& je fus bien furpris de ne la point voir. Je
founqonnai auiîi-tôt qu'elles l'avoient mangée j
& ce foupqon étoit ailez étrange ; car les Che-
nilles ont coutume de faire diere un jour ou
. O Jlém. fuY les Inf, Terne I, pag. 298 , PI. XUI,-Fis i.
SUR LES INSECTES. 159
deux après la mue : leurs nouveaux organes
font alors fi foibies qu elles ne Hmroient encore
en faire ulage : leurs dciits en particulier , font
hors d'état de broyer les feuilles ', il leur faut
toujours un temps plus ou moins long pour
acquérir le degré de confiftance propre à cette
fubftance écailleufe dont elles font formées.
Cedendant , quelques recherches que je fiife^
je ne pus parvenir à découvrir aucun veftige
de la dépouille : elle avoit entièrement difparuj
tout avoit donc été dévoré, & jufqu'aux par-
ties les plus dures, comme le crâne , les mâ-
choires , les jambes écaiileufes & la corne que
ces Chenilles portent fur le derrière.
Un fait fi nouveau, & auquel je n'avois été
préparé par aucune obfervation ni par aucune lec-
ture , méritoit bien que je ne uégKgeaile rien pour
nvaiTurer de fa réalité d'une manière plus directe.
Il me reftoit encore une de nos Chenilles du
Tithymale qui n'avoit pas changé de peau pour
la dernière fois , & qui paroiifoit très-près de
la mue. Je l'avois renfermée feule dans un
petit poudrier bien net, & j'attendois avec im-
patience le moment où elle acheveroit de fe
dépouiller. J'écois alors à la campagne : je fus
obligé de me rendre en ville le même jour , &
pour ne pas manquer une pbfervation qui pi^
^ï4o OBSEKVATiaNS
quoit tant ma curiollté , je mis dans ma poche
Je poudrier qui rcnfermoit ma Chenille , & je
montai à cheval. De temps à autre , j-e fortois
de ma poche le poudrier pour voir ce qui s'y
pallbit. Au bout de quelques heures , je trouvai
ma Chenille dépouillée en grande partie : il n'y
avoit plus que les jambes poftérieures qui fuf-
fent encore engagées dans la dépouille. La Che-
nille étoient courbée fur cette dépouille , &
elle la rongeoit déjà avec avidité , en Tembraf-
fant avec fes premières jambes. Je fatisfis donc
pleinement ma curiofité , & j'eus le plailir de
me convaincre par mes propres yeux de la
vérité de mon premier Ibupqon. En fuivant
avec attention ma Chenille tandis qu'elle dévo-
roit ainii fa vieille peau , je reconnus facile^
ment que cet aliment li coriace & fi étrange
donnoit beaucoup d'occupation à fes nouvelles
dents , qui n'avoient pas eu encore le temps d'ac-^
quérir le degré de dureté qui leur eft propre.
Au milieu de mon obfervation , je fus forcé de re-
monter à cheval pour retourner à la campagne: je
n'abandonnai point mon poudrier , & des que je
fuîs defcendu de cheval , moii premier foin fut
de reprendre mon obfervation. La Chenille avoit
abandonné fa dépouille à demi rongée : appa-.
remmène que le mouvement du cheval Favoit
forcée d'iuterrompre. ion éumige rejpas;. Je m'a.-*
SUR LES IKSÈCTES. 141
ViFai de lui en prénjiiter les reftes : elle les dé-
Tora en entier fous mes yeux , à l'exception
de la corne , qu'elle n'auroit pas manqué fans
doute de dévorer , (î elle n'avoit été dérangé©
par ma courfe.
Cette OLfervation me fit naître la penfée,
que les Chenilles du Tithymale,fe dévoreroient
fort bien les unes les autres', Ci certaines cir-
conil:ances favorifoient un peu l'humeur carna-
dere que je veneis de leur découvrir. Pour véri-
fier ce nouveau foupqon , je plaçai auprès de la
Chenille qui avoit dévoré fa dépouille, & à
laquelle je n'avois point encore donné de nour-
riture, une Chenille de fon Efpece qui étoit
fur le point de fe transformer en Chryfalide.
Je choifîs pour mon expérience une telle Che-
nille 5 parce que dans les momens qui précé-
dent immédiatement la transformation en Chry-
falide , les Chenilles font dans un état de foi-
bleiTe qui ne leur permet gUere de fe défendre
contre les attaques de leurs ennemis. La Che-
nille dont je voulois éprouver ainfi la voracité»
ne manqua point de porter la dent fur celle
que j'avois placée auprès d'elle : elle la blelfa ;
mais celle-ci fe fentant bleîfée , fe retourna (î
bmfquement qu'elle fit làchsr prife à l'autre,
j&ie revint plufieurs fois à la charge, 8c tou-
Hi 0 B §^ E R V A T ï 0 N §
jours elle fut repoiiiTée par les mouvement
brurqiics de celle qu'elle attaquoit. Il me fut
donc bien, démontré , qu'il ne manquoit aux
Chenilles du Tithymale pour exercer les unes
fur les autres la plus grande cruauté , que d'en
avoir des occafioiis favorables. M. de Reaumur
iious avoit déjà fait connoître une Chenille qui
dévore celles de fon Efpece -, mais il n'avoit vu
que cette feule Chenille à qui cette barbarie put
être reprochée. Il faut l'entendre lui-même:
i'Obfervation qu'il rapporte diffère des miennes
à plufieurs égards.
*' La maxime fi foùvcnt citée contre nous,
dit notre célèbre Obfervateur P) , qu'il n'y
a que l'homme qui £iiîe la guerre à l'homme ^
que les animaux de même Efpece s'épar-
gnent, a aifurément été avancée, & adoptée
par gens qui n'avoient pas étudié les Infedles.
Leur hiftoire nous fera voir en plus d'un
endroit , que ceux qui font carnaciers en man-
gent fort bien d'autres de leur Efpece quand
ils le peuvent. Mais ce qui ell pis Si parti-
culier à quelques Chenilles , c'eft que , quoi-^ ,
que faites , ce femble , pour vivre de feuilles,
quoiqu'elles les aiment & qu'elles en falfent
leur nourriture ordinaire , elles trouvent la
(*) Mém. fur ies Inf T. II , fag. 4i3.
SUR LES INSECf^ÉS: 143
^ chair de leurs compagnes un mets préféra-
53 ble , elles s'entremangent quand elles le peu-
55 vent. Il n'y a pourtant qu'une feule Efpecô
„ de Chenilles qui vit fur le Chêne , qui m'ait
j,5 encore donné occafion de faire cette remar-
„ que ', elle n'a d'ailleurs rien qui la Ht juger
55 d'un Cl mauvais naturel ; elle paroît aufli
„ douce qu'aucune Chenille que ce foit , elle n'a
53 ni air de férocité , ni grande adivité. Elle eft
55 à feize jambes & très-rafe. (*) J'avois
53 mis une vingtaine de Chenilles de cette Ef-
33 pece dans un poudrier 5 on avoit le m:rnie
53 foin de les nourrir , que de nourrir celles de
53 pîufieurs autres Efpeces , c'eft-à-dire , de leur
33 donner des feuilles de Chêne nouvelles , des
33 que celles qu'elles avoient commenqoient à
33 fe faner. On remarqua que le nombre de ces
33 Chenilles diminuoit journellement : on ns
53 trouvoit pas cependant les cadavres des mor-
33 tes. Cette obfervation rendit plus attentif à
33 les examiner , & l'on vit que lorfque quel-
53 qu'une d'elles rencontroit une de fes compa-
53 gnes , elle tâchoit de la faifir avec fes dents,
53 vers les premiers anneaux j qu'elle lui fiifoit
53 des b'eiiures mortelles , Ci l'attaquée ne fe déga-
55 geoit par de prompts eliorts , avant que d'à-
„ voir requ des coups de dents. Les Chenilles
C) Mi. PI. XXXlII,Fis. f.
4-44 'e J^ S E K r J T I 0 N S
qui ont été percées quelqlie part périfFe-iit»
& Cl elles ne périfFent pas fur-le-champ ., bien-
tôt au moins elles deviennent trcs ^ foibles ,*
ainfi l'attaquante , la meurtrière fe trou voit
bientôt maitrelTe de fa proie. Qiiand elle ne
pouvoit p;us lui échapper , elle la fu^oit &
la rongeoit tranquillement. Celles qui atta-
quoi^ent , paroiiToient toujours les plus fortes ,
elles ne s'adrelToient apparemment qu'à celles
dont elies connoiiroient l'état de ibibleire.,
peut-être qu'à celles que l'approche de la mue
rendoit languilFantes. Ce qui eft de fur , c'eft
que de mes vingt Chenilles 8c plus , il ne
m'en refta qu'une , qui fut deiîinée pendant
qu'elle raangeoit la dernière de fes camarades.
Elle y étoit fi acharnée , qu'elle fe laiila tirer
du poudrier fans abandonner fa proie, à la-
quelle elle refta attachée s elle cojitinua de
fucer & de manger pendaîit tout le temps.
qui fut employé à la deffiner. Ce ne font
pourtant que les parties intérieures qu'elles,
mangent , elles laifient non-feulement la tète
^' les jambes , elles lailfent même toute la
peau. Le cadavre alors eft réduit à peu de
chofe 5 & c'eft ce qui empèchoit de trouver
dans le poudrier ceux des Chenilles qui avoient
été mangées , parce qu'on croyoit devoir y
trouver des Chenilles mortes .,' ayant la forme
SVR LES INSFCTF'S. j^^
^„ '^ "la grandeur des vivantes. Celle qui m'étoic
-.,5 reftée périt fans fe transformer en Chryfa-
yy lide. Mademoifelle Mérian aiTure qu'elle a va
-„ auin des Chenilles à tubercules , qui font
•>,;, celles que nous avons fait repréfenter Tome
■„ I, PL XLIX,î'ig. I , ou celles de la PL L,
.„ Fig. I , qui s'entremangeoient j mais j'ai nourri
.,) de ces dernières 'Chenilles fans les avoir v^
., fe traiter avec une pareille barbarie. ,. ^
Je repris en Juillet 1739 , les 'Obfervation?;
'que j'avois commencées PEté précédent fur les
Chenilles du Tithymale. Je defîrois uir-tout d^
•les voir de nouveau -manger leur dépouille. Ta
fis donc chercher de ces Chenilles fur les Titny,-
-maies. On m'en apporta de différentes gran-
deurs. Les unes avoient atteint leur parfuit
accroiifement 5 les autres en étoient plus ou
moins éloignées. Les couleurs des plus jeunes
étoient fort tendres. Un jaune très-agréable en
failbit îe fond. J'en vis piufieurs fe dépouiller
fous mes yeux, & jnanger enfuite leur dé-
pouille.
J'essayai de faire jeûner deux de -ces Che-
nilles. L'une n'écoit encore parvenue qu'à la
moitié de fon accroiifement *. . l'autre n'avoit
prefque plu-s à croître. Je les tins renfermée^
i4^ ùbseèvationS
dans la même boite vitrée : je voulois voir fi k
plus grande attaqueroit la plus petite -, mais ce
f Jt ce qui n'arriva point. Elles fe bornèrent à
ronger une vieille dépouille d'une Chenille de
leur Efpece qui s'étoit transformée en Chryfalide
quelque temps auparavant. J'imaginai enfuite
de leur fervir la dépouille d'une grande fauj]}
Chenille du Saule : mais elles n'y touchèrent pas.
Dans le même temps , m'étant mis à diïTé-
quer une de ces Chenilles , j'enlevai tout le
canal intclHnal , je veux dire , ce long fac qui
contient l'œfophage , l'eftomac & les inteftins j
& après l'avoir détaché en entier de l'intérieur ,
je rétendis fur une planchette. Je plaçai tout
auprès la grande Chenille que je faifois jeûner
depuis quelques jours , & je la vis dévorer tout
ce vifcere. Elle le tenoit ferré entre fes pre-
mières jambes , pour que les dents ne manquaf-
fent point leurs coups.
Un autre jour, je mis à part dans une boite
vitrée deux autres Chenilles du Tithymale qui
n'avoient pas encore fubi le dernier change-
ment de peau. Elles ne tardèrent pas à fc dé-
pouiller; & quoique je les lailiaife fans nourri-
ture , elles ne mangèrent point leur dépouille .,
cSc ne s'attaquèrent point l'une l'autre. Elles
SÏJÈ LES 1 N s E C TE s. HT
lîérirent toutes deux au bout de quelque temps .
après avoir beaucoup diminué de grandeur. Ces
Chenilles ne mangent donc pas conftammenÉ
leur dépouille , 8c ne s^ittaquent pas toujours
les unes les autres , lors même qu'on les prive
de nourriture.
En Mai 1739 , j'avois reiiFemié dans Un
poudrier une grande Chenille très-veliie , a feize
jambes , qui vit im le Charme , & j'avois logé
avec elle une de ces Chenilles, que la longueur^
la roideur & la diredion de leurs poils ont fait
nommer Herijjonne (^j. Au mois de Juin fui-
vaut 3 la Chenille du Chariiie me parut inlmo-
bile au fond du poudrier. Je la pris entre mes
doigts , & je reconnus qu'elle ne vivoit plus.
En Pexaminant de plus près , je remarquai qus
fa peau étoit comme déchiquetée , 8t que par-
tout où je pottois le doigt j'en enlevois quel-
que fragment. Il fortoit en même temps de l'in-
térieur du corps une matière jaunâtre & médio-
crement épailfe. Je conjecturai qxîe la Chenille
avoit été réduite dans ce pitoyable état par
THérilTonne , qui Pavoit apparemment trouvée
tin mets à fon gré. J'eus lieu de me confirmer
dans ma conjedurejorfqûe je vis bientôt apfè^
PHériifonne enfoncer fa tète & fes première^
C) Méw. fur ies Inf. Tome ï, PI. XXXVI, Fig. u
J48 OBSERVATIONS
jambes dans le cadavre , y fouiller très-avants
& en fouîever la peau qà & là. Elle demciiroit
immobile , & paroiifoit toute occupée à iucer
la matière grailTcufc que renfermoit le cadavre.
Sa partie antérieure étoit recourbée vers les
premières jambes. Elle ne fembloit faire que
fucer j car je ne lui voyois point remuer les
mâchoires comme une Chenille qui ronge une
feuille. Elle refta quelque temps dans la même
attitude , la tète toujours enfoncée dans le ca-
davre"3 & lorfqu'elle vint à l'en retirer , elle étoit
toute couverte de la matière grailfeufe : les pre-
mières jambes en avoiént auili une bonne tou-
che. La Chenille fit enfuite quelques pas , 8c
j'obfervai qu'elle promenoit fes mâchoires fur
fes premières jambes , qu'elle en enlevoit ainil
la matière graiifeufe qui les recouvroit , & qu'elle
ia faifoit palTer dans fon intérieur.
Lorsqu'en fe promenant dans le poudrier^
notre Hériffonne venoit à rencontrer le cadavre.^
elle y pîongeoit de nouveau fa tète & fes pre-
mières jambes , comme la première fois. Elle
continua la même manœuvre pendant toute la
journée ; mais l'action de l'air ayant peu-à-pcu
deiféché la matière graiifeufe dont le cadavre
ctoit rempli, l'HérilTonne n'y toucha plus. Elle
aifecl;oit même de s'en tenir toujours à quelque
djftance.
SUR LES INSECTES. 149
JoMETTROîS une choie eiTentielle , fî je ne
difois point , que je n'avois pus privé cette
Chenille des feuilles dont elle failbit: m nour-
riture ordinaire , qui étoient celles du Prunier.
Mais cette Eij^ece vit encore de celles du
Charme & du Poirier..
Instruit par cette expérience de rétrange
goût de mon Hérlifonne , je pcnfai à ne la
nourrir plus que de Chenilles vivantes ou mor-
tes. Je commençai par Iid en fervir une vivante
demi-velue , & de grandeur au-deiius de la mé-
diocre. L'HériiTonne ne l'attaqua point. J'expofai
cnfuite le poudrier à un folcil très -ardent,
parce que j'avois remarqué en d'autres occa-
fions que la chaleur de cet aPrre animoit beau-
coup certaines Chenilles , & qu'elle les rendoit
prelque furieufes. Notre Hérifibnne ne manqua
point de l'éprouver: dès qu'elle eiit commencé
à fentir les impreiîio'^is de la chaleur , elle fè
mit à courir avec une grande vitelTe ; elle pa-
roiiToit toute en feu. Cependant elle n'attaqua
point la Chenille que j'avois renfermée avec
elle , & qui étoit bien moins affeâée de la
chaleur. Au bout d'une heure , j'obfervai que
rHériiîbnne faifoit d'inutiles efforts pour mar-
cher : elle tâchoit de fe traîner fur fes premières
jambes 5 mais les mcmbraneufes refnfoient de
K 3
ïf^ OBSERVATIONS
s'acquitter de leiv's fondions. Je jugeai taci-
lemcnt que cet accident avoit été caiifé par
Pcxcès de la clialetir. Je fortis la Chenille hors
du vafe, Sç en la maniant, je remarquai qu'elle
étoit devenue tres-flalque , & que fes, jamhes
membraneufes , qui étaient très-flafques auflî ,
étoient plus aîongées que dans Pétat naturel.
Les poilg. avoient changé de couieur , & fem-
bloient avoir été légèrement brûlés. La chaleur,
avoir occafioné fans doute un excès de tranfpira-
tioii , qui avoit prcdiiit un affoibliirement généraL
Je mis la Chenille dans un autre vafe , & la portai
dans mon cabinet. Je la crus mourante. Je fus
donc aiîeîz furpris le lendemain matin de la re-
troîiyer à-peu-pres dans ion état naturel, & de.
la voir marcher. Je lui donnai des feuilles de
prunier dont elle mang a. Mais elle ne paroiffoit
plus auffi vigourcufe ^ & fes jambes membra-
neufes. ne g'acquittoient pas auiîi bien de leurs
fon étions qu'auparavant. Elle ne fit que languir
pendant quelques jours & mourut enfuite.
.Dans le même temps (*) , je trouvai fur un
Prunier fauvage cinq jeunes Chenilles rafes , à
feize jambes , de FEfiiece de celle qui eft repré-*
fentée PI XVIÏT , Fig^r , du Tome I des Mé^
nioirét de, M. de Reaumur , & dont je ferai
d6nnp!tre ailleiir$ i'induftrie. Je renfcrniai tiicB
C) Mai îm-
SUR LES INSECTES. l'ff
jiinq Chenilles dans la même boite. Au bout de
quelques jours , elles me parurent annoncer une
mue prochaine. Sur ces entrefaites , un de mes
amis 5 qui noumifoit de ces Chenilles ^^ m'apprit
que les fiennes s'étoient dépouillées , & qu'il
n'avoir point retrouvé les dépouilles dans le
vafe où il les avoit renfermées. Il en inféroit
qu'elles avoient mangé leyr dépouille. Ce fait
n'avoit plus de quoi me furprendre. Les Che-
nilles, du Tithymale m'en avoient déjà fourni
un exemple , & j'avois préiumé facilement que
je le reverrois dans d'autres Efpeces. J'avois de
plus obfervé que s lorfque mes petites Chenilles
venoient à fe rencontrer , elles s'attaquoient
l'une l'autre , & fe donnoient des coups de dents .
J'attendois avec iraratience. le moment de
ia mue. Il arriva biei tôt. La plus diligente de
mes Chenilles s'étant dépouillée , je trouvai fo
dépouille arrêtée contre les parois de la boitç
par des £ls de foie. La C/ienille en étoit à
quelque diftance, & ne paroiiToit point fe ôÀi'--
pofar à la manger. Elle n'y toucha point en
efFet. Mais je fus furpris de ne trouver dans la
boîte que quatre Chenilles au lieu de cinq que
j'y avois renfermées. J'étois très -fur que la
boite avoit toujours été bien clofe. Je jugeai
i^mic que la Chenille qui me roanquoit avoit été
r^z O B S E- R V A' r ï 0 N ô
éévorée par les autres. J^ .jercîmi. les rcilc^
du cadavre , &. je ne découvris que ie crâne. Il
ifétoit point celui de la dépouille dont je viens
de parler ; car cette dépouille en avoit un bien
complet.
Mes quatre Chenilles changèrent de peau à
diiférens intervalles. Elles avoient fait, diète
pendant les deux ou trois jours qui avoient,
précédé, 'la mue. J.e ne les vis point manger
leur dépouille.
Quelque temps après, elles fubirent un fé-
cond changement de peau. Diftrait par d'autres
occupations., je ne pus les fuivre. pendant cette
eirconPcaiice : mais n'ayant point retrouvé de.
.dépouille dans.' la boite , je ne doutai pas que
ehaque Chenille, n'eût mangé la fienne. Elles
n'avoient. point touché à celle qui écoit 'rete-
nue contre les. parois de la. boite par des nls
de i^ok. Cette dépouille s'étcit, fans, doute, trop
deiiéchée pour être au gode de nos Chenilles. ,,
Il me rettoit une Chenille , qui moins dili-
gente que les autres , n'avoit pas. encore changé
de peau. Elle ne tarda pas à fe dépouiller , Se
ayant ouvert la boite , je la vis parée d'une
.nouvelle peau, La dépouille qu'elle vcnoit dt
SUR LES INSECTES^ îf3
l'ejetter étoit placée toiit auprès de foii derrière >,
eni'brte que la tète de la dépouille touchoit
prcrque le deniere ^le la Chenille. Les couleurs.
de ceiie-ci étoient fort tendres encore i mais au
bout d'une heure & demie y elles parurent auiîi
foncées qu'elles dévoient le devenir. La Che->
nille , qui jufqu- alors écoit demeurée immobile ^
fe retourna bout par bout > & amena Cn tèta
vers celle de la dépouille qu'elle commença à
dévorer.. Jamais je n'avais vu aucune Chenille
dévorer des feuilles avec autant d'avidité que_
celle-ci dévoroit fa dépouiUe. Elle ne s'y prenoit
pas comme elle auroit fait pour ronger une-
feuille : elle dévoroit fa vieille peau comme un
Loup affamé dévore une charogne. En moins
d'un quart d'heure il n'QH relia pas le moindre
veftig-e.
Tandis que ma Chenille dévoroit fa dé^
pouille avec tant d'avidité , & qu'il n'en reftoit
plus que les. deux dernières jambes , je m'avifai
de placer tout auprès de ces reftes de la dé-
pouille une petite Chenille vivante , de \EipecQ.
qui vit en fociété fur le Fufain : je vouldls
voir il , après avoir achevé de dévorer fa dé-
pouille 5 notre Chenille voracc poiteroit la dent
lur la petite Chenille que je lui préfentois , &
que je retenois avec une pince pour qu'elle ne
ïT4 0 n S E R V A T I 0 K S
pût lui échapper. Après avoir décoré la dernière
jambe de la dépouille , la Chenille avança ft
tète fur celle que je dcftinors à lui fervir de
pâture i elle fenibla même vouloir y porter la
dent : mais des. qu'elle l'eût touchée, elle retira
fa tète fous fes premières jambes , & fe mit à
tâter la place où avoît été la dépouille , comme
pour y chercher quelques reftcs de cette vieille
peau. Elle en trouva en effet 5 & de fi petits
que je pouvois à peine les difcerner : elle s'en
faiiit à rinftant, & les dévora avec la même
avidité. Je m'opiniâtrai à lui préfenter toujours
la petite Chenille : ce fut toujours en vain. Elle
ne l'attaqua jamais Elle en détournoit la tète
très-brufquement quand je la lui faifois toucher ,
ou fe mettoit à fuir.
Le Bouillon blanc nourrit une Chenille
rafe (^) , un peu au-deifus de la grandeur mé--
diocre 5 dont les couleurs font agréables, & qui
eft remarquable par l'induftrie avec laquelle elle
conftruit fa Coque. J'en parlerai ailleurs. Quatre
de ces Chenilles que je nourriifois en Juin
1739 , mangèrent leur dépouille après l'avoir
rejettée. (j)
(*^ Reaumur, Tome î, PI. XLÎÎT, Fig. 5.
(i) Je m'étois hâté de communiquer à M. de REAUMUJEt.
incs Obfervations fur ies Chenilles qui mangent leur tlépouillci
3WR LES INSECTES, i<yf
On trouve fur le Savile une aiTez grande
Ghenille, qui n'y eft pas commune, & dont la
forme eft très-Unguliere, Eile eft parfaitement
rafe, & a quatorze jambes. Son derrière fe ter-
mine par deux tuyaux écailleux , qui renfer-
meiit une corne charnue que rinfefte en fait
fortir à volonté. On peut voir la Figure de
cette Chenille 3 PL XXI , Fig. i, 2 , 3 du Tome II
de l'ouvrage de M. de Reauivïur. Je fuis peut-
être de tous les Naturaliftes celui qui a le
plus obfervé cette finguliere Chenille , & auquel
elle a oftert des faits plus intérelfans & plus
dignes d'être approfondis. Le répit de mes Ob-
fei" varions forme un cahier de près de cent
pages dans mon Journal. J'en ai donné un court
extrait dans un Mémoire qu'on trouvera à la
fuite de cet écrit. Le i^ de Juillet 1740, tan-
dis que je cherchois de ces Chenilles fur un
Ozier , j'en découvris une qui venoit de changer
de peau. Elle repofoit fur le deifus d'une feuille ,
qu'elle a voit eu f^in de tapiiiér de foie. Sa dé-
pouille étoit auprès d'elle , & je remarquai
qu'elle fembloit frotter de fa tète l'extrémité
des tuyaux écailleux de la dépouille , qui étoient
& ii m'avoit répondu qu'un de fes amis , M. Bazin , avoit
fait les méiv.cs Oblervations , foit fur les Erpeces que j'r.vois
obferve'es , foit fur d'autres j mais il ne m'en donnoit point
de détail.
1^^ 0 B s E R V AXIONS
élevés prefque perpendiculairement au-deiTus de
la feuille. Ce petit manège me fit foi;pqonne/
que la Chenille le diipofoit à manger la dé-
pouille. Je me déterminai donc à demeurer fur
la place, & à ne point perdre de vue ma Che*
ïiille. Il faifoit une chaleur prefqu'infupporta-
ble : je m'uiîis à l'ombre , & tenant d'une main
ma loupe & de l'autre la feuille fur laquells
étoit la Chenille , je continuai d'obferver ave^î
la plus grande attention,
La Chenille commença par ronger les tuyaux
écaiîleux : elle les attaquoit par le bout fupé^
rieur 5 & quand elle avoit rongé une certaine
portion d'un des tuyaux, elle palfoit à l'autre.
Se revenoit enfuitc au premier. Elle les dévora
ainfi jufqu'à la bafe , &, au point qu'il n'en refta
pas le moindre VQikïge. Je m'attendois qu'après
avoir achevé de manger les tuyaux , elle coiiti-
luieroit à manger la partie poftérieure de la dé--
pouille , & qu'elle en dévoreroit fucceiîîvement
les autres parties , en allant de fuite des ujics
aux autres , & en finilTant par la tète. Ce fut
pourtant ce qui n'arriva point : après avoir dé-
voré en entier les deux tuyaux écaiîleux, elle
alla attaquer la partie antérieure. Il fembloit
qu'elle n'Gïi voulut d'abord qu'à ce qu'il y
avoit de plus dur ou de plus coriace dans la
's un LES INSECTES. rv7
vieille peau. La partie antérieure lui préfentoic
des pièces qui n'étoient pas moins propices que
les tuyaux à donner bien de roccupation à fes
nouvelles dents : telles étoient les fîx jambes
écaineufes , & tels étoient encore deux tuber-
cules d'une fubftance peu différente de la corne
ou de récaille, placés près de la tète , & qui
Semblent donner à la Chenille des oreilles de
Chat. Je ne parle point de la tête de la dépouille;
parce que je ne la vis points & que j'ignore ce
qu'elle ctoit devenue; La Chenille fe mit donc
à , dévorer les fix jambes écailleufes s puis les
deux tubercules ou appendices cornés j & ce ne
fut qu'après qu'elle les eût engloutis en entier ^
qu'elle dévora les parties charnues de la dé-
pouille. . . ,-
L'ordre que notre Chenille obfervoit dans
fon étrange repas , paroitra plus (înguKer en-
core , fi l'on fe rappelle , que pendant les pre-
mières heures qui fuivent la mue , les dents de
i'Infedle n'ont point encore le degré de dureté
qu'elles acquerreront dans la fuite. Je le faifois
remarquer en commençant le récit de ces Ob-
fervations. K y a donc lieu de s'étonner que
la Chenille attaquât d'abord les parties les plus
dures de la dépouille. En moins de demi-heure 3
elle eût dévoré fous mes yeux toute cette vieille
peau.
i$8 d B S E R V A T I 0 N S
Je ferai connoitre encore deux autres Efpfc
ces de Chenilles qui mangent leur dépouille : là
première eft celle dont j'ai parlé Obf. XIV , &
qui , comme la belle du Fenouil , porte une
'coriie en Y à fa partie antérieure : la féconde
"eft celle qui eft repréfentée N^ XXIV dii
Goedaert de Lifter , qui porte une corne fur le
derrière , & dont la peau eft chagrinée. Elle eft
rafe & à feize jambes. Elle vit fur le Saule;
On la trouve en Juillet & Août,
OBSERVATION XVIIL
Eiir une petite Chenille qui vit dans P intérieur
des grains de Kaifin.
E
N Odobre 1740, le bruit fe répandit dans
nos environs que les raifins étoient rongés in-
térieurement par des Vers. Cette nouvelle
n'auroit pas fort excité ma curiolité , fl je n'a-
vois point lu les Mémoires fur les Infe&es.
Combien d'efpeces de fruits qui font attaqués
par des Infedes ! Combien en eft-il fur-touft
qui nourriffent dans leur intérieur un Ver ou
une Chenille î Mais l'illuftre Hiftorien des In-
fedes avoit dit , aucun Infe3e , que je fâche ,
ne s'élève dans rintérieur des grains de raifin, (*)
C; Tome II, pag. 47g.
SVR LES INSECTES, j<^'f
je me rapellois ce mot de mon maître , & je
fus cV abord porté à en inférer , que 'les gens
de ia campagne , qui n'y regardent pas de fort
près , prenoient pour des Vers logés dans
l'intérieur des grains de raifins , des Infedes
nichés dans les intervalles que les grains laiîTent
entr'eux. Je connoiiTois des Infecles qui fe
logent ain fi , & qui ne font pas rares. On fe
plaignoit beaucoup alors de la récolte. Une
gelée extraordinaire furvenUe dans le milieu du
mois , avoit furpris les raifins avant leur ma-
turité & dépouillé la vigne de toutes fes feuil-
les. Et comme les payfans ont coutume de
dire , qu'un malheur en attire toujours un
autre , le bruit de la nouvelle calamité occa-
fionée par les Vers n'eut pas de peine à s'accré-
diter parmi eux. On m'en parla d'une manière
il pofitive , que je me déterminai à m'aiîiirer
du fait par mes propres yeux. Dans cette vue ,
je fus cueillir moi-m^ème bon nombre de grappes
de raifins. Je choifis de préférence toutes celles
où j'appercevois des grain.s qui fembloient liés
les uns aux autres par des fils de foie. P.endu
dans mon cabinet , je me mis à examiner
avec le plus grand foin toutes les grappes que
je venois de cueillir. L'étoient des raifins rou-
ges j mais dont ia couleur avoit été fort altérée
par la gelée.
ï^o 0 B "5 E R V A T I 0 n S
J^OïSSERVAi tP abord que les grains qui paioif*
îoient liés enfemble à l'aide d'un tilTii foyeux ^
étoient percés d'un petit trou rond. J'ouvris
tous ces grains > & ce fut dans le cœur de deux
ou trois feulement , que je découvris un petit
Ver , que je reconnus bientôt pour être une
véritable Chenille. Elle étoit de la grandeur de
celle qui vit dans l'intérieur des grains de bled.
Sa couleur étoit rongeàtre. Elle avoit feize
jambes , dont les membraneufes étoient à cou-
ronnes complettes de crochets. Elle étoit r^.fe ";
mais vue à la loupe , elle montroit qk & là quel-
ques petits poils. La tète & les jambes écail-
leufes étoient d'un rouge marron. Le premier
anneau étoit recouvert d'une plaque écailleufe
d'un rouge plus foncé que celui de la tète. De
petits tubercules luifans & applatis , d'un rouge
plus vif que celui de la peau , & qui ne pa-
roiiîbient que comme des taches de figure ovale,
étoient diftribués avec ordre fur les autres an-
neaux , & y traqoient fix ligues parallèles à la
longueur du corps.
Je renfermai dans une boîte vitrée trois à
•quatre grains de raifîn , dans l'un defquels je
m'étois bien alTuré que logeoit une Chenille ;
car tandis que je maniois ce grain , la petite
hermite avoit avancé fa tète au-dehors du petit
trou
1
SUE LES INSECTES, 16i
trou rond percé -d h furface. Je plaqai ce grain
de manière que la petite fenêtre fût toujours
cxpofée à mes regards , mais quelques jours
j^pres , la CheniHe tendit au devant de rouver-
ture une toile de foie qui me déroboit entiè-
rement la vue de l'intérieur de fa celluîe.
Une autre Chenille de la même Efi3ece , que
j'avois renferniée dans la boite avec celle dont
je viens de parler, fe nicha entre deux grains ^
dans une forte de cavité qui fe trou voit à la
furface d'un de ces grains. Elle le rongea dans
toute la longueur de cette cavité. Elle tendit
au-delTus une toile de foie fous laquelle elle fe
tenoit cachée. De temps en temps iiéinnupins;
elle avanqoit au dehors fa partie antérieure. La
toile lioit deux grains l'un à l'autre : je les ié-
parai avec précaution , 8c j'obfervai que le
grain qui n'étoit pas habité , étoit pourtant
percé à l'endroit où la toile le lioit à l'autre.-
Cette obfervation m'apprit que notre Chenille
des raifins ne fe contente pas d'un feul grain
pour fa nourriture , comme celle qui vit dans
rmtérieur des grains d'orge -, mais que fa ma-
nière de vivre fe rapproche beaucoup de celle
de la faîïjje teigne du bled , qui lie enfembie
pluiieurs grains & les ronge fuccefTivement,
Tome IL l
J62 OBSERVATIONS
Je ne dois pas oublier de faire remarquer ^j
que parmi les grains de raifin que j'ouvris ,
y en trouvai pluficurs dont les pépins avoient
été rongés par la petite Chenille qui les avoit
habités. Amfi cette Eipece fait aux raifins tout
le mai qu'elle peut leur faire.
. Je ne trouve ni dans mon journal ni dans
mes lettres à M. de Reaumur , la fuite de l'iiif-
toire de notre petite Chenille des raifins. Mais
je vois par un paragraphe d'une de ces lettres
à l'illuftre Naturalifte , que je lui avois envoyé
la Chenille en perfonne , pour qu'il pût la
fuivre de l'on côté. îl m'apprit en réponfe 5 que
M. Bazin l'avcit auili obfervée , & qu'il s'étoit
aiTuré , ôomme moi , qu'elle en vouloit aux pé-
pins. Mais il n'ajoutoit là-delTus aucun détail.
Il me parloit à cette occafion d'une autre Che-
nille 5 qui , me difoit-il , s^ prend de meilleure
heure pour nous empêche}- de faire des récoltes
de vin : elle a faàt cette amiée 1740 , ajoutoit-il ,
d'étran.^es ravages dans des vimobles d'une
grande étendue. On dit , cpCelle commence par
ronger les bourgeons de la vigne , ^ enfuite les
raifins long-temps avant ipûiis faient a maturité.
J'ai eu les Papillons de ces Chenilles & les Che-
nilles elles-mêmes , mais en jnauvais état. Je, crains
de ix' avoir que trop d'occafions d'en fuivre rhif*
SUR LES INSECTES. 163
foire j cm' PEfpece s'efl p-odigieiifernent 7niiU
tipiiée.
M. de R'eaùmur ne revient plus dans fes
lettres a me parler de ma Chenille des raiiiiiSo
il y a bien de l'apparence qu'elle entre en terre
pour s y métaniorphofer , comme tant d'autres
Chenilles qui vivent daîis l'intérieur des fruits,
OBSERVATION XIX.
Hiftoire de la petite Chenille qui vit dans PiU"
térieur de la îste du Chardon à bonnetier.
JLjE Chardon a bonnetier eft ce grand Chardoii
qui porte fiir une tige longue & droite une
tète oblongue , hériilee de piquans , dont l'art
fait faire un emploi utile pour la perfection de
nos Draps. Cette tète eft creufe , & c'eft au
centre de fa cavité que loge la petite Chenille
dont j'écris l'hiftoire. Là'; elle vit dans la plus
parfaite folitude & dans l'obfcurité la plus pro-
fonde. Elle y eft mieux défendue par l'écorce
dure & par les piquans du Chardon , que nous
ne le fommes par les remparts dé nos forterenes.
Une Chenille il bien cachée n'étoit pas f^icile
à découvrir. M, de Villars , Médecin de b
L 2,
16-4 OBSERVATIONS
Rocheîîe , cil le premier qui l'ait découverte ;
& c'eft à lui que M. de Reaumur eu dut la
coniiGiiTaucc. 11 iui a donné place dans le Mé-
moire fur les Chenilles qui vivent dans l'in-
térieur des fruits , &c. (*) ; mais ce qu'il en
dit ié réJuit à quelques lignes. Cette Chenille
m'a fort occupé , Se m'a offert des faits qui
m'ont paru affez intéreflans : peut-être le paroî-
tront-ils à mon lecleur & l'engageront-ils à me
pardonner la longueur des détails dans lefquels
je vais entrer.
Ce f?it en Février 1739 , que je commençai à
minftruire un peu à fond de fhiifoire de notre
petite Chenille. [PL 1J\ Fig. IIL] Je Pavois
obfervée l'année précédente s rnais je ne lui
avois pas donné toute l'attention qu'elle nié-
litoit. Elle n'a que cinq à fix lignes de lon-
gueur. Eile eft rafe , de couleur blanche ou
blanchâtie , Se a feize jambes , dont les mem-
braneufcs font à couroinies complettes de cro-
chets. Examinée à la loupe , on découvre fur
chaque anneau huit points rougeâtres diilribués
avec ordre , & qui font de très-petits tuber-
cules fort applatis & arrondis. La loupe fait
voir encore qà Se là de petits poils blanchâtres
Se médiocrement longs. La tète eft ciblée près
0 Mém. fui' /ff I?f T. II , Mém. XII , pag. 474-
SUR LES INSECTES. î6<;
des mâchoires & va en s'élargiiHint par le haut.
Sa forme eil apphitie.' Sa couleur eft un marron
qui a cîe l'éclat. Le premier aimeau auquel
tieiit immédiatement la tète , eft recouvert d'une
plaque écailleufe de même couleur. Cette cou-,
kur eft encore celle des jambes écailleufes ,
les membraneufes font de même couleur que
le corps. J'ajouterai , que toute la peau de
cette Chemlle a une forte de luifant , & que
la tète eft parfemée comme le corps de petits,
poils blanchâtres. Ces poils font plus abondans-
fur le derrière de flnfede. Ceux du refte du
corps partent la plupart des tubercules.
Je me fuis un. peu arrêté à décrire notre
petite Chenille du Chardon , p^rce que la def-
cription quen donne M. de Reaumur eft.
incompletce' , & qu'il a été mal fervi par le.
deilînatear (^).
Il n'eft pas facile de diftinguer au. premier
fvoup d'œil les Chardons qui font habités de
ceux qui ne le font pas. On eft réduit pour
Fordinaire à ouvrir au hafard les. tètes des
Chardons qu^on vient à rencontrer. M.ais lorf-
qu'on s'eft. beaucoup exercé dans, cette petite
recherche , on parvient jufqu'à un certain pointa
C) Ihid.. PI. XXXIX ,. Fig. 7-
h 3
i^^ OBSERVATIONS
difcerner à la (inip'le vue les Chardons qui font-
îiabi'cés , & Ton ne s'y trompe pas fouvent.
Dans Fendroit où la tige du Chardon s'im-
plante dans la tète , eft une forte de fente ou
de crevalie , qui annonce que cette tète eft ha-
bitée par une Chenille. On ne voit pas. cette
crevafle dans les Chardons qui ne font pas,
habités. Mais je ne dirai pas que tous les
Chardons qui logent une Chenille , montrent
cette crevaifeo
La première chofe qui s'offre aux regards de-
rObfervateur , quand il ouvre une tète de?
Chardon qui renferme une Chenille , eft un.
amns plus ou moins confidérable d'excrémens
noirâtres & de petits grains blanchâtres , liés,
eJîfemble par des fils de foie. Cet amas occupe
ordinairement uîie grande partie de la cavité
de la tète. Cette cavité eft de figure ellypfoïde.
En y regardant de plus près , on reconnoit que
les excrémens & les grains, recouvrent une
forte de. fourreau [PL IV , Fig. IV , ff-] aifez
alongé , fait d'une foie fine &. blanche , &
couché fuivant la longueur de la cavité. Les
parois de cette cavité font formées, par une
écorce mince g mais, aifez dure. Dans cette
écorce 3. tantôt vers, un des bouts du fourreau,
tantôt vers le milieu, de fa longueur, fe voit
SUR LES INSECTES. 167
nn petit trou rond , t , d'environ trois-qnarts
de ligne de diamctre , qui traverfe répaiileur
de récorce. On s'en afllire facilement en in^
troduiilint dans le trou la pointe d'une épingle ;
&. fi on la pouile plus avant , on la verra pa-
roitre à Textérieur de la tète , entre les piquans,
La poiition du petit trou rond n'a rien de bien
confiant, comme je viens de l'infinuer. Elle eft
en général déterminée par celle du fourreau ,
à un des bouts duquel le trou eft le plus fou-
vent percé. Il arrive quelquefois qu'on ouvre
des tètes de Chardon dans lefquelles le trou ne
traverfe pas Tepaitreur de l'écorce : il n'y pénè-
tre qu'cà une petite profondeur , ou plutôt , il n'eft
.que tracé fur la furface de l'écorce. On recon-
310ÎC qu'il n'eft qu? commencé , & que l'ouvrage
refte à finir. D'autres fois , mais ce cas n'eft
pas fort commun , on obferve plufieurs trous
percés dans les parois de la même cavité. Tous
ne font pas achevés. Il en eft qui ne font qu'à
demi percés. Un. ou deux feulement le font
en entier. Enfin , & ce qu'il importe beaucoup
de remarquer 5 on ne voit de ces trous ronds'
que dans les tètss de Chardons habitées par
une Chenille qui n'eft pas éloignée du terme
4e foii parfait accroiffement.
Je fus fort intrigué pendant long-temps à
L4.
ï<^3 OBSERVATION S
à chercher ce que je devois penfcr de cette-
petite ouverture. Elle étoit Ci bien terminée ,
û exactement circulaire, que je jugeois alFcz-
qu'elle n'étoit pas là fans deiîein. J'imaginai-
d'abord qu'elle fervoit de porte à la Ghenille-
pour fortir . au befoin de l'intérieur de la tète
du Chardon. Mais une petite expérience que
je fis prefque fur le champ , me perfuada que
ma Gonjedure n'étoit point fondée. Avec la
pointe d'un piquant je touchai légèrement , à
plufieurs reprifes , une Chenille logée dans
fbn fourreau : je voulois favoir ,. fî elle enfileroit-
la petite' porte pour s'échapper î-elle ne parut,
point du tout difpofee à profiter de roG\^rture.
Je continuai a la harceler jufques à ce que je
FeuiTe forcée à v introduire Cii partie antérieure,
8c je -reconnus alors que l'ouverture étoit trop
petite pour lui permettre de s'échapper : elle ne
put y introduire que fa tète & fes premiers
anneaux. J'eus donc une preuve direde, que
îa petite porte dont je cherchois l'ufage , n'é-
toit point pour la Chenille une porte de fortie.
D'ailleurs , j'avois très-bien remarqué , qne tan-
dis que je harce-ois la Chenille , elle n'avoit
jamais paru chercher cette iiîue pour fe foiif-
tr.ine à mes pourfuites. Une autre coniidéra-
tion me prou voit encore la fauHèté de ma
conjedure y c'eft que comm.e je l'ai dit ei-delîus ,
SUR LES INSECTES, 169
cni ne trouve point la petite porte dans la tète
des Chardons habités par de jeunes Chenilles :
il pourtant elle c-toic une liiue (ecrete que la
Chenille dût fe ménager pour s'échapper au
bcibin-, elle lui aufoit été néceiîaire à tout âge.
J'abandonnai donc entièrement ma con-
jecture & lui eu fubftituai une autre que je
jugeai être la vraie. Je penfai que la petite porte
ronde étoit ménagée de loin par la prudente
Cheniiic pour le fervice du Papillon. Je {avois
qu'elle fe métamorphofe dans fon fourreau , &
que le Papillon eft abiblurnent dépourvu d'or-
ganes propres à lui frayer une iilue au travers
de récorce dure du Chardon. Je comparai le
procédé induftrieux de notre Chenille à celui
de cette petite Chenille des grains d'orge dont
M. de Reaumur n.ous a donné l'intéreirante
hiftoire (^). Cette Chenille vit de la fubftance
larineufe que renferme le grain. Un feul grain
lui fuRit pendant tout le cours de fa vie , 8c
c'ell dans l'intérieur même de ce grain qu'elle
change de iorme. Quelque temps avant la
métamorphofe , elle coupe avec fes dents dans
répaiifeur de l'écorce une pièce exacT:cment cir~
cul'iiire , qu'elle a la précaution de laiiiér en
place. C'eft une porte qu'elle ménage au Pa>
i") T. il, ra^', 4S(î & iuivantes ,. Pi. XXXiX , Fig. 9 , 10.
570 OBSERVATIONS
pillon , 8c qu'il n'aura qu'à pouiTer avec la
tète pour fe mettre en liberté. Je jugeiii donc
que le procédé de notre Chenille du Chardon
reiîembloit à celui de la Chenille de FOrge , &
quHl avoit préciféraeiit la même fin. Et en
effet y récorce du Chardon , beaucoup plus dure
encore que celle de l'Orge , n'exigeoit pas
moins que la Clienille fut chargée de la percer
pour aiiurer une fortie au papillon.
Mais en préparant ainfi une porte au Pa--
pillon & en la laiifant ouverte , la Chenille ne
facilite-t-elle pas l'entrée de fa cellule à quantité
d'Iiifedes malfaifans , qui en veulent à fa vie
ou à celle de la Chryfalidc plus incapable en-
core de leur oppofer aucune réfiftance. La Che-
niile recourroit - elle donc à quelque moyen
fecret pour obvier à ce fâcheux inconvénient ,
& ce moyen auroit-il quelqu'analogie avec celui
que la Chenille de l'Orge fait mettre en œuvre?
Les Lfifedes m'avoient fort accoutumé à pré-
lumcr beaucoup de leur prévoyance , & je ne
doutai pas que je ne découvrilfe quelque chofe
qui feroit honneur à celle de notre Chenille.
Il eft vrai , que les piquans dont la tète du
Chardon eft hérilTée , font en fi grand nombre ,
& fi ferrés les uns près des autres , qu'il me fem-
bia d'abord qu'ils pou voient fuifire à hiterdire
SUR LES INSECTES, 171
Fientrée de la porte aux Infecfles rôdeurs. Je
ne laiBai pas néanmoins de préfumer , que la
Cheiiilic ne fe repofoit pas entièrement fui*
cette forte de défenie dont la Nature feule
avoit fait tous les fraix : je me perfuadai , que
rinfede y ajoutoit encore quelque petit ou^
Yiage de fi façon , qui rendoit les approches,
plus difficiles , fur-tout à certains Infedes car-
naciers , affez petits pour fe gliiîer facilement
entre les piquans. Je cherchai donc aufli-tôt à
vérifier ma conjecture j & dans cette vue ,.
j'examinai avec la plus grande aitention le
dedans & le dehors de la porte. Je ne tardai;
pas à découvrir au dehors de petits corps
[PL IV, Fig. V. c c] longuets, durs & can-
nelés , plantés tout autour des, bords de fou-.
verture , & qui la bouchoient exaclement. J'ob-
fervai enfuite le dedans de l'ouverture ^ & je
remarquai qu'il étoit tapilfé de foie , & que
les fils de la tapiiferie tcndoient à retenir en
place les corps cannelés. Je remarquai encore ,
que la tapiîferie n'étoit qu'un prolongement
de celle qui revètoit l'intérieur du fourreau. Ce
prolongement me parut donc avoir un double
uvâge 5 celui de maintenir en place les corps
cannelés , en les aifujettiifant les uns aux
autres & autour de Pouverture 5 & celui de
diriger le Papillon, dans, fa route , & le cou-
172 OBSERVATIONS
duire ainiî plus fûrement vers la porte pré-
parée pour fa fortie.
Mais les corps, cannelés fermoient ii exacte-
ment îa porte de l'habitation , qu'il me reftoit
à favoir , s'il étoit bien facile au Papillon de fe
faire jour au travers. Une expérience fort fim-«
pie pouvoit m'en inftruire. Une épingle que
j'introduiiis de dedans en dehors entre les
corps cannelés , me prouva qu'ils s'écartoient
ailëz facilement- les uns des autres pour n'op-
pofer que la plus petite réfiftance à la fortie
du Papillon. Il en étoit donc de nos petits
corps cannelés comme de ces gros fiis de foie
difpofés en nalfe de Poilfon , que la grande
Chenille û tubercules du Poirier place à l'ou-
verture de fa Coque (*) , & qui ont précifé-
ment la même fin.,
On préfume bien que je fus curieux de
découvrir ce qu'étoient ces corps cannelés pofés
fi artiftement à l'ouverture de la cellule , &
deftinés manifeftement à en défendre l'entrée.
Il ne me fut pas difficile à'y parvenir , & je
reconnus bientôt qu'ils n'étoicnt autre chofe
que les graines même du chardon. On fait
qu'elles font diiféminées partout entre les pi-.
C; lllcm, fur Je: înf. T. ! , Pi. XLVliï , Fig. ^,6, 7"
SUR LES INSECTES. 173
quans ; mais il vient un temps où elles fe dé-
tachent d'elles-mêmes de Técorce : & notre
Chenille ienible fe conduire comme il elle le
iavoit puifqu'elle prend la précaution de les
aifujettir autour de fa porte avec des liens de
foie.
Je n'avois encore obferve cette porte & fes
défenfes que par dedans , & en ouvrant la tète
du Chardon fuivant fa longueur. Je voulus
Pobferver par dehors, & fans faire aucune ou-
verture à la tète du Chardon. La chofe n'étoit
pas Cl facile. Pour y parvenir , il ne fulïifoit pas
de couper les piquans avec des cifeaux , le plus
près de leur origine ou de leur bafe qu'il feroic
pofîible : j'aurois couru le rifque de couper en
même temps les corps cannelés , ou au moins
de déranger beaucoup leur portions & il im-
portoit de les ménager. J'avois même déjà
tenté ce moyen , & il m'avoit très-mal réuiîî.
En coupant ainfi les piquans avec des cifeaux,
j'avois eu occafion de remarquer qu'ils étoient
plus ferrés encore les uns près des autres vers
leur bafe qu'à leur extrémité fupérieure : ils y
étoient très-preiîes. Ainfi pour parvenir à ren-
contrer l'endroit où la porte de la cellule ré-
pondoit , j'étois obligé de fonder qà & là avec
h pointe d'une épingle 5 car cette porte ne
Î74 OBSERVATIONS
s'annoncoit point par dehors. C'eût donc été
un grand hafard fî je Tavois rencontrée. Forcé
de chercher un autre expédient , je penJai à
dépouiiier un Chardon de tous les piqiians , à
les enlever délicatement les uns après les au-
. très , fans Oitenler le moins du monde i'écorce
dans laquelle i!s font implantés. Ce n'étoit pas
une petite aifaire que de dépouiller ainii une
tète de Chardon de tous fes piquans : la choie
exigeoit de la patience & un temps allez iorig.
De plus , je ne pou vois m'alFurer que le hafcd
me ferviroit atièz bien , pour que je ne fuile
pas obligé d'épiler bien des tètes avant que
d'en rencontrer une qui fiit habitée , & dont
l'habitante eût déjà conftruit fa porte. Mais ,-
comme j'avois déjà ouvert un grand nombre
de tètes de Chardons , & que j'avois remarqué
que plus des trois quarts de ces tètes étoient
habitées , je pris courage , & je ne défefpérai
pas de fatisfaire ma curiofité. Je me mis donc
à détacher un à un tous les piquans , en conw
mençant à la bafe de la tète , ou à l'endroit
par lequel elle tient à la tige. Il falloit y pro-
céder bien déhcatement j car à mefure que
j'avanqois vers l'extrémité fupérieure , je re-
marquois que la confKlance de I'écorce dimi-
iiuoit tellement , que pour peu que je préci-
pitaiie l'opération , j'en enlevois ct'aiièz grands
SUR LÈS INSECTES, 17?
îamoeaux , qui mettoient à découvert l'intérieur
de la cavité. Ce n'étoit pas là ce que je me
propofois dans ma petite manipulation : je vou-
lois avoir la tête du Chardon bien confervée
& dépouillée en entier de fes piquans. J'y
parvins enfin 5 & plufieurs des tètes que j'avois
réuffi à mettre entièrement à nud , étoient ha-
bitées par une Chenille qui avoit déjà prati-
qué cette porte qui faifoit l'objet de ma re-
cherche. Je dois ajouter que les Chardons que
je dépouillois ainfi de leurs piquans , étoient
parfaitement fecs j car ce n'eft pour l'ordinaire
que dans de tels Chardons qu'on trouve des
Chenilles qui ont pris tout leur accroillèment.
Quand on eft parvenu à dépouiller la tète
du Chardon [Fi. IV, Fig. F.] de tous fes pi-
quans fans offenfer i'éccrce , on voit à l'œil
nud , que cette écorce eft lui tiiTu en forme de
natte , compofé de fibres longitudinales , entre
lefqueiîes fe voient des rangées de petits enfon-
cemens deftinés à recevoir l'extrémité inférieure
ou la bafe des piquans. Près de l'endroit où la
tige communique avec la tète , on ne didingue
point auffi bien les fibres longitudinales de l'é-
corce : là , fon tiifu eft plus ferré i auffi ert-il
plus facile de détacher les piquans de cet en-
droit de l'écorce fans la déchirer. La tète du
Î7^ OBSERVATIONS
Chardon mife entièrement à niid par ce pro-
cédé , reifemble beaucoup à un fufeau : elie lui
rcfîemblel'oit parfaitement fi elle n'étoit pas plus
large à fa bafe qu'à fon extrémité,
A mefure que j'épilois , fi je puis parler ainu,
une tète de Chardon , je rencon trois de temps
en temps un ou deux de nos petits corps can-
nelés, lis étoient épars qà & là , & tenoient (î
peu à récorce , que je les voyois fe détacher
d'eux-mêmes dès que j'enlevois les piquans qui
les envu'onnoient. Il n'en alloit pas de même de
ceux qui étoient implantes au-deflus de la petite
porte: [Fig. V^ c c] ils y étoient Ci bien arrê-
tés , que quoique je détachafle tous les piquans
qui les entouroient , ils n'abandon noient point
leur place. J'obfervai encore , qu'ils étoient raf-
femblés en alîez grand nombre autour de l'ou-
verture de la porte , adoiles les uns aux autres ,
& pofés perpendiculairement au-dellus de l'ou-
verture.
Parmi quatre tètes de Chardons que je dé-
pouillai de leurs piquans , & dont deuxétoient
habitées , il y en eut une qui m'offrit à fon
extérieur deux de ces amas de corps cannelés
ou de graines , aifujettis par des fils de foie ,
& qui défendent toujours l'entrée de la petite
porte
SUR LES INSECTES. 177
:porte dont j'ai parlé. Un de ces amas étoit plus
petit que Pautre. J'ai déjà remarqué que la
Chenilie pratique quelquefois pluficurs portes :
le Chardon dont il s'agit en avoit donc deux,
■tk toutes deux étoient défendues ou barrica-
'dées par un amas de nos corps cannelés.
J' A VOIS donc eu le plaiilr de fatisfaire ma
curiofité fur le procédé induPrrieux de notre
Chenille du Chardon s & j'avoue qu'il m'avoit
d'autant plus intérelTé , que je n'avois point été
préparé à le voir par ce que M. de Reaumu?^
avoit rapporté de cette Chenille. Je ne voudrois
p is néanmoins iaiilér penfer que Pindulhieufe
Chenille raiFemble à delTein , autour de fa porte ,
îis graines de Chardon qui en ferment fi bien
feutrée : mais en tapiifant de foie le dedans & le
dehors de la porte, elle retient par cela même
•en place les graines qui répondent à l'ouverture»
Cependant , malgré les piquans Ci nom«
Ibreux , fi roides , Ci aigus , Ci ferrés les uns près
des autres dont la tète du Chardon eft arm.ée ,
ë: malgré Fefpece de barricade placée au-devant
de la porte de la cellule , il ell des Infecles
earnaciers qui favent pénétrer jufqucs dans fon
intérieur. J'en ai eu des preuves qui ne font
pas équivoques , & que je dois rapporter. Diiis
Touis IL 11
178 OBSERVATIONS
quelques Chardons que j'avois ouverts, fuivanS
leur longueur , je trouvai u;ie Mouche Ichmiu
moue 5 longue d'environ quatre lignes , de cou-
leur brune , dont les jambes étoient rougeâtrcs ,
les antennes à filets grenés , & dont le corps,
termine par une longue queue à trois filets ,
étoit joint au corceîet par un fil délié. Dans la
tète d'un autre Chardon , qui n'avoit point
encore été percé par la Chenille , & où fe trou-
voit une Ichneumone fembîable à la précé-
dente , j'obfervai une efpece de fourreau de foie ,.
différent de celui que file la Chenille , & qui
avoit plutôt l'air d'une Coque très-aîongée
que d'un véritable fourreau. Le tiifu de ce
fourreau ou de cette Coque étoit ferré , & fort
fembîable à celui qui tapiife l'intérieur des cel-
lules des Mouches maçonnes. Son extérieur étoit
légèrement recouvert d'excrémens. Une autre
fois , en ouvrant le fourreau filé par la Chenille,
ie trouvai au centre un autre fourreau moins
long , d'une foie blanche , mais d'un tiifu beau-
coup plus ferré que celui de la Chenille. Il
renfermoit apparemment un Ver ou une Nym-
phe d'îchneumone j mais ayant blellé l'Infccts
en ouvrant le fourreau qui le renfermoit , je
lie pus i'obferver diftin dément. Enfin, dans un
autre Chardon je rencontrai encore une efpeca
de Coque , d'euviroii deux Hgnes de longueur .
SUR LES INSECTES. 179
8c qui étoit de même logée au centre du four-
reau, filée par la Chenille. A l'extrémité de ceiui^
ci , vers la bafe de la tète du Chardon , j'apper^
eus un petit corps de couleur brune , que je
reconnus à la loupe pour être la tète de la
Chenille. Ce iut la feule partie de cette der-.
niere que Je parvins à retrouver.
Mais quel eft à-peu-près. le teniDS où les
Ichneumones ou leurs Vers parvieniieiit à s'in-
troduire dans la cavité de la tète du Chardon ?
Je n'ai là-deiriis aucune Obfervation direcle. Je
conjecture feulement que ce temps eit celui où
le Chardon végète encore. Ce feroit donc vers
la fin de l'Eté ou au commencement de l'Au-
tomne , que richneumone pondroit dans la tête
du Chardon ou fur fa furface : car il feroit
poifible que ce ne fut pas la Mouche qui s'iu-
troduiiit dans le Chardon , & que ce fut le
petit Ver éclos de fon ceiiF , qui parvint à Te
gUifer dans la cavité. Cette fuppoiitioia me
paroît même plus probable que la première.
C'est auiïi pendant que le Chardon végète
encore , que la jeune Chenille fe loge dans fa
cavité. Il ne lui cil pas difficile alors d'y péné-
trer : elle n'a à percer qu'une écorce molle a^iv;
qui u'oppofe que peu de réiillance. Elle trou
ve
«go OBSERVATIONS
dans la fubftimce médullaire de la plante une
nourriture appropriée, & elle s'en nourrit en-
core lors même qu'elle s'efl le plus dciréchcc.
Je me luis afiiu-c par une Obfervation dirccflc
de la vérité de ce que je viens de dire du temps
où les Chardons commencent à être habités par
notre Chenille. Le 28 de Juillet , j'en trouvai
une très -jeune dans une tète de Chardon qui
ctoit en fleur. Dans une autre tète , pareille-
ïnent en Heur, je reuGontrai une Chryfalide.
M. de ReA-UMUR, qui avoit tant approfondi
rhiftoire des Infedes qui vivent dans l'intérieur
des fruits , & qui nous a donné fur ce fujet
un Mémoire très - curieux , a beaucoup infifté
fur un fait qui lui a paru fort Inigulier : c'eft
qu'on ne trouve jamais , ou prefque jamais ,
dans le même fi'uit qu'un feul Ver ou une
feule Chenille , quoiqu'il y ait des fruits qui en
pourroient nourrir à la fois un alfez bon nom-
bre, " Les mères Papillons, demande à ce fujet
55 notre célèbre Obfervateur (*) , portent-elles
33 l'attention jufqu'à ne laiifer qu'un feul œuf
55 fur chaque pomme ? Veulent-elles donner un
55 fruit tout entier à chacun de leurs petits?
55 Craignent- elles que deux jeunes Chenilles
55 qui auroient à fe partager une pomme 3 ne
i 0 ullém, fur les Lif, Tome II , pag. 485.
SUR LES INSECTES. i8i
35 le fiiTent pas en bonnes fœurs : qu'elles ne
35 fc fiirent la guerre , ou au moins qu-elles ne
55 s'incommodïiiient mutueliemeiit ? Ce n'eft pas
^5 même aifez de l'attention de la mère , dont nous
55 venons de parler ^ il faut encore celle des
35 autres mères Papillons de la même Efpece.
35 Pourquoi une autre femelle ne feroit-elîe pas
35 invitée par la pomme bien conditionnée, fur
35 laquelle la première a laiifé un o^uf , à y venir
35 placer un des fiens ? Le Papillon commence-
35 t-il par examiner s'il n'y a pas déjà un œuf
33 fur cette pomme ? Tout cela a pourtant Pair
35 très-vraifsmblable , & je fuis bien diipofé à
55 le croire vrai , par rapport à quelques Infec-
55 tes , mais il ne l'eft pas par rapport à tous. ,,
Notre Auteur cite à cette occafion la petite
Chenille des grains d'orge , dont j'ai dit un mot
ci-dclfus i & il remarque que le Papillon laiifc
fur un feul grain d'orge un paquet de vingt à
trente œufs -, & puis qu'on ne trouve dans
chaque grain qu'une feule Chenille , il faut que
celle qui a pris' polTeiuon d'un grain fâche en
défendre l'entrée aux autres. M. de Reaumur
ajoute à ce fujet : " Qj.i'il y a grande appa-
55 rence que dans certaines circonfranccs il y a
'A <^cs guerres, 8c des guerres très-meurtriercs,
55 pour s'aiiurer la paiiible poirefllofi d'un giain
M 3
18:^ OBSERVATIONS
,5 d'orge , plus important pour chacune de nos
55 Chenilles, que ne le font pour nous les- plus
33 riches héritages; & je puis avoir fait naître
3, beaucoup de pareilles guerres Peut-être
33 y auroit-il moyen de voir de tels combats ,
33 quelque petits que foient les Inledes qui (e
3, les livrent ; mais j'ai négligé de faire les
33 Obfervations qui auroient pu m'apprendre Ci
33 une Chenille qui s'eil: rendue maitreiïe du
33 grain , peut s'y maintenir , ou fî une autre
33 Chenille ne pénètre pas dans fon habitation,
3, ou ne vient pas à bout de l'y égorger. ,3
Notre petite Chenille du Chardon eft bien
du nombre de celles- qui vivent d.nis la plus
parfaite folitude Parmi une quantité confidéra-
ble de têtes de Chardons que j'ouvris en ditie-
rentes années , depuis 1738 jafqu'en Mai 1742,
je n'en trouvai pas une feule qui renfermât
phîs d'une Chenille, Comme mes Obfervations
fur ce fujet ne fe démentoient point , il me
vint en penfée de tenter diverles expérieneesi
qui, en m'iiii-iruifant plus à Çond du naturel de
îîotre Chenille , pulfeiit répandre quelque jour
fur la partie la plus intéreifante de. l'hiftoire
des înfedes qui vivent dans l'intérieur des
fruits. Je ibuhî^itois de fiippiéer amfi à ce qui
n-iauquoit aux cuneufes Obiervations de M. de
SUR LES INSECTES. 183
Reaumur j & ce qii'il avoit néglige de faire,
Fut piécifémcnt ce que je me proporai d'exé-
cuter. J'ai encore à demander grâce pour les
nouveaux détails dans lelquels je vais entrer.
Après avoir tracaiTé afTez long- temps unj
Chenille du Chardon, & l'avoir Forcée pluGeuis
fois à fortir de^fon fourreau, '& à y rentrer
alternativement, je la fis tomber fur^me feuille
de papier blanc. Elle y demeura quelque temps
immobije, portant feulement fa tête de côté &
d'autre comme pour chercher Ion fourreau. Ses
niouvemens étoient fort lents : on auroit dit
qu'elle fe trouvoit mal. Je la touchai légère-
ment près de la tète avec la pointe d'un ]3i-
quant, elle recula aulïl-tôt avec une grande
Vitcife , & ce qui me parut digne de remarque ,
c'eft que ce fut en ligne droite , & précifément
comme elle l'atiroit fait (i elle eût été encore
dans fon fourreau. J'obfervai même que la
ligne qu'elle traça en reculant étoit à-peu-pres
égale à la longueur du fourreau. Je répétai l'ex-
périence, & le réfu'tât en fut toujours le même.
L'eipace que la Chenille parcourut chaque fois
à reculons , me parut toujours à-peu-pres égal
à la longueur de k cellule. Je la laiiïài enfin à
e;le-mème, mais Cms la perdre de vue. Elle
demeura à la même place , îk porta la tète à
M 4
•iS4 OBSERVATIONS
droit & à gauche , mais avec plus de lenteiar
encore que la première fois. Qiiand'elle eut
demeuré quelque temps dans cQtte forte d'ui-
adion , je m'avifai de placer auprès d'elle la
tète du Chardon que je Pavois forcée d'aban-
donner. Je Pavois ouverte fuivant fa longueur.
Elle en reprit aulîi-tôt polfeffion , & il me fuc
aifé de reconnoitre que je Pavois fervie comme
elle le defiroit. Un moment avant que d'y ren-
trer 5 elle paroilfoit fort languiifante & ne fe
donnoit prefiju'aucun mouvement : mais dès
qu'elle fut rentrée dans, fa cellule , elle fembla
fc ranimer & prendre une nouvelle vie. Tous-
fes mouvcmens étoient incomparablement plus
vifs. Je la vis recuJer dans la cavité du Chardon
avec une merveilieufe viteiîë , mais elle fe
donna bien de garde d'outrepailer Pextrémité
de la cavité : elle ne Peut pas fi-tôt atteinte du
bout de fon derrière , qu'elle s'arrêta. Je la pi-
quai alors près de la tète pour voir fi je la dé-
terminerois à reculer d'avantage , & à fortir de
la cavité : mais je fus bien fiirpris de la voir
£iifir fortement avec les dents la pointe du
piquant dont je me fervois : elle la faifit même
fi fortement qu'elle y demeura fufpendue. Dans
cette attitude, elle fe mit à pirouetter en Pair,
& après quelques tours de pirouette , elle lâcha
le piquant & retomba dans la cavité. Je réi-
SUR LES INSECTES. igf
tcrat rexpériencc , & le fuccès en fut le même.
Cette expérience m'apprit donc ce que je-
devois peiifer du naturel de notre Chenille j &
elle me montroit aiTez qu'elle n'étoit point en--
durante. J'en inférai qu'elle ne feroit point
d'humeur de partager Ton domicile avec une
autre Chenille de fon El]3ece , & que , Ci je
tentois de faire vivre enfemble deux ou plu-
ficurs de ces Chenilles, j'occaiionnerois entr' elles,
bien des combats. Je ne tardai pas à l'entre-
prendre. Il convenoit encore de m'aiTurer , Ci je
ne pourrois point parvenir par des moyens ap-
propriés . à les forcer de travailler en commun
dans la même habitation..
Pour cet effet, je commençai par renfermer
trois de nos Chenilles avec quelque fragment
de Chardon , dans une boite cylindrique de
verre , d^environ un pouce de diamètre , fur
à-peu-près autant de profondeur, à l'ouverture
de laquelle étoit adaptée une loupe de dix à
onze lignes de foyer , qui lui fervoit de couver-
cle. Mes Chenilles tirèrent un grand nombre de
fils de foie , qui ail oient d'une paroi à l'autre ,
& qui fe croifoient de mille & mille manières.
De tous ces fils fe forma peu-à-peu une forte
de toile ou une façon de tente , qui recouvroit
ïS^ OBSERVATIONS
les Chenilles. Au bout de quelques jours , je \\\\\
trouvai que deux qui ïihient vivantes: la troi-
fienie étoit morte , & Ton verra bien. tôt qu'il
i\'y avoit pas liou de peu fer que fa mort eut
été naturelle. Son attitude étoit remarquable :
elle avoit la tète élevée dans la toile : un fil
fortoit de fa filière , & elle fembioit filer en-
core. Son. corps s'étoit fort raccourci , & fd
couleur tiroit fur le jaune.
Mes deux autres Chenilles le tenoient conf-
tamment à une certaine diftance Tune de l'autre.
Les fragmens du Chardon , qui occupoient le
milieu du logement, fembloient faire à leur
égard rolnce d'un mur de féparation. Ils ne
ks fcparoient pourtant pas entièrement : elles
pouvoient quelquefois fe rencontrer 3 & lorfque
cela arrivoit , je vojois une de ces Chenilles ,
ou toutes les deux enfemble , s'éloigner à recu-
lons avec beaucoup de vitelfe. Il n'étoit pas
même néceiïaire qu'elles parvinilent à fe tou-
cher l'une l'autre pour fe fuir réciproquement.
Je les voyois s'éloigner promptement , quoi-
qu'elles fuifent encore à une diftance alîcz con^
lidérable l'une de l'autre. Les fils- tendus de
tous côtés les avertiifoient fans doute de Leur
approche , oc les plus légers ébranlcmens de ces
fils les déterrainoient à s'éloigner. Elleç perilîl
SUR LES INSECTES. i87
tcrwit donc à vivre féparées , Se à travuiileF
chacune à part.
J'ÉTOis très-attentif à obferver leurs moin-
dres démarches. Un jour qu'une de mes Che-
nilles étoit montée vers le haut de la boite où
elle s'occupoit à tendre de nouveaux fils , il lui
prit envie de defcendre vers le fond. Elle ne
tarda pas à rencontrer l'autre Chenille , qui s'y
étoit établie. Cette fois , ni l'une ni l'autre ne
VGu'ut reculer , & à l'inftant commenqa un
furieux comb;;t. Je ne {aurois mieux le rendre ,^
qu'en rappellant à l'efprit de mon Ledcur
Pniiage de deux Chiens acharnés l'un contre
l'autre. Elles fe mordoient a outrance , & je les
voyois engager réciproquement leurs mâchoires
l'une dans l'autre , & taire tous leurs eilorts
pour fe porter quelque coup mortel. Elles n'y
parvenoient pas n.éa mioliis : leur tète & leur
premier anneau écoienc trop bien cuiraifés. Le
combat dura quelque tem^rs avec !e même achar-
nement. Elles làchereiit prif. e ihn ; mais elles
refcerent en prélénce & à la mèine place.
Toutes deux détournoient un peu la tête en
fens oppofé , comme deux Coqs qui font aux
pnfes , & qui ibiit prêts à recommencer le com-
bat. Elles revinrent en eifet à la charge , & fe
livrèrent pludcurs autres combats dont je fus
188 OBSERVATIONS
Ipc dateur. Mais il rae parut , que la partie
lî'ctoit pas tout-à-fait cgalc , & que la Chenille
qui occupoit îe fond de la boite avoit ordiîiai-
reinent l'avantage , quoiqu'elle ne fut pas fen-
liblement plus grande que l'autre. Au bout de
quelques femaincs , mes deux champiojines pé^
rirent : je ne faurois dire Ci ce fut des fuites
de quelqu'autrc combat qu'elles fe fuifent livré
à mon infu. Tout ce que je puis affirmer, c'eft
qu'elles ne fe rencontroient jamais fans en Tenir
aux prilcs , & toujours avec un nouvel achar-
nement. Je faifois ces Obfervations dans le mois
de Février.
A-PEU-PRÈs dans le même temps (*) , je ren-
fermai une de nos Chenilles dans une petite boite
ronde , avec une portion de fon fourreau &
quelques fragmens de Chardon. Elle s'étabht
entre les parois de la boite & la portion de
fourreau. Bientôt elle aiTujettit celle-ci aux pa-
rois par des fils de foie qu'elle tira de l'une à
l'autre. Elie parvint ainfi à fe faire une forte
de cellule qu'elle laiiTa ouverte aux deux bouts.
Mais apparemment que ce logement lui parut
trop étroit : elle fe mit à l'agrandir en prolon-
geant les deux bouts de la celîde. Elle fila
donc aux deux extrémités une toile légère qui
O Février Î759,
SUR LES INSECTES. î89
nt3 ca choit l'Iiifccle qu'en partie. Je fis une
ouverture à cette toile , par laquelle j'introduifis
dans le logement une autre Chenille de même
âge. J'eus de la peine à Pobliger à entrer dans
ce logement. Il fembloit qu'elle prévit le fort
qui l'y attendoit. Elle ne fut pas plutôt entrée,
que la maitrelfe de la loge lui courut deiTus &
la forqa à regagner la porte. Je la contraignis
de rentrer en la piquant près du derrière. J'en-
gageai aiufi un fécond combat entre les deux
Chenilles. Il fut très-vif Tandis qu'elles étoient
2UX prifes à l'entrée de la loge , & que l'ha-
bitante faifoit les plus grands eiforts pour s'en
conferver la poifefFion , je piquai fi fortement
l'étrangère que je la mis dans la ncceflité de
franchir le palfage & de pénétrer jufques dans
l'intérieur de l'habitation s ce qu'elle exécuta
avec une promptitude qui indiquoit alTez com-
bien elle defiroit d'efquiver les coups de dents
de fon ennemie. Celle-ci fe retourna à l'inf-
tant , bout par bout , pour courir de nouveau
fur l'étrangère qui étoit déjà parvenue à l'autre
extrémité de la loge , 8c qui cherchoit à s'y
faire jour : mais ayant été obligé de m'abfen-
ter 5 je ne pus continuer à fuivre nos cham-
pionnes. Elles fe livrèrent fins doute un
plus furieux combat y car je trouvai le lende-
main une des combattantes morte k l'extrémité
Î90 OBSERVATIONS
de kl loge. Le genre de Hi mort ne paroilToit
pas équivoque : elle avoit rejette par la bouche
une liqueur qui avoit fali le fond de la boite ,
& qui prouvoit aflez qu'elle avoit péri de mort
violente. Je ne pus m'aiTurer li c'étoit Tétran-
gere : les deux Chenilles étoient (1 lemblables
qu'il n'étoit pas poffible de ks diftiiiguer fiire-
ment: mais il y a bien de Tapparence que Fha-
bitante avoit égorgé Fétrangere : ce qui s'étoit
pafîé fous mes yeux dans les divers combats
qu'elles s'étoient livrés & où l'étrangère avoit
eu conftamment le dellbus, l'indique aiïez.
Je voulus obliger la Chenille qui étoit de-
meurée en poilelîîon de la cellule à fe montrer
au dehors : je la contraignis donc de fortu' ;
& je remarquai , que lorfqu'elle fe fut avancée
près de Fendroit ou l'autre Chenille avoit été
niifs à mort , & qui avoit été lali par la Hqueur
qui avoit été répandue , elle s'arrêta tout d'un
coup & refufa de palier outre. J'eus beau la
piquer fortement près du derrière : ce fut en
vain.
Je tentai enfiiite deux autres expériences ,
dont je jugeai que les réiultats feroient
plus décififs encore. J'introduifis dans la tète
d LUI Chardon que je favois être habitée par
SUR LES INSECTES. 191
Xine de nos Chenilles , deux autres Chenilles de
h même Efpece. Au bout de quelques jours , je
trouvai deux de ces Chenilles mortes à une
des extrémités de la cellule. Mais parée qu'elles
étoient toutes de même taille , il ne me fut
pas plus poflîble cette fois que l'autre , de m'aC
furer Ci c'étoit Fhabitante qui étoit demeurée
en poirefîion de la cellule. ASn donc de tâcher
ûy parvenir , je fis une féconde expérience,
J'avois une tête de Chardon habitée par une
•jeune Chenille : j'introduifis dans cette tète une
Chenille de même Efpece , mais plus âgée. Quel-
ques jours s'étant écou'és , j'ouvris la tête du
Chardon , & je vis la jeune Chenille privée de
vie à l'extrémité de la cellule. L'habitante ne
parvient donc pas toujours à égorger l'étran-
gère s & il paroit bien probable que la cellule
demeure le plus fouvent à celle qui a le plus
de force ou de vigueur. Ceci n'eft pourtant pas
conftant. J'ai vu une de nos Chenilles du
Chardon , qui avoit fait un long jeûne , Se qui
fembloit très - afioiblie , donner la chalTe à une
autre beaucoup plus vigoureufe en apparence.
Je l'obfervai même la faifir fî fortement avec
fes dents , qu'elle ne pou voit ni avancer ni
reculer. Je revis le môme fait dans une autre
circonftance : cette fois l'habitante faifit au corps
l'étrangère & lui fit une profonde bleifure , dont
IS>^ 0 B s E R V ui T I 0 N S
il fortit une liqueur limpide & prefquc {îiiis
couleur.
Je rapporterai encore une expérience bien
propre à faire juger du naturel infociable ds
notre Chenille du Chardon. Après avoir par-
tagé en deux fuivant {^d longueur, une tète de
Chardon habitée par une de nos Chenilles ,
j'introduifis dans le fourreau une autre Che-
nille de même Efpece, mais beaucoup moins
îîvancée en âge. Au bout d'une heure & demie ,
l'habitante du fourreau l'abandonna à ma
grande furprife ; car je n'avois point du tout
préfumé que l'étrangère la forceroit à déloger.
Le lendemain j'obfcrvai , que la petite Che-
nille qui s'étoit emparée du fourreau , avoit
pris la précaution de le fermer de toutes parts ,
êc qu elle l'avoit fait comme fî elle y eût habité
toute fa vie. J'ouvris le fourreau par un bout,
& j'y fis rentrer la Chenille qui en avoit été
délogée. L'opacité du fourreau ne me permet-
toit pas de voir ce qui fe paiToit dans fon in-
térieur : mais fans doute que l'étrangère livrois
combat à la maitrefTe de la cellule > puifquo
celle-ci rabandcnna de nouveau. Quelques
heures après , je la furpris qui changeoit de peau.
L'ancien crâne étoit déjà tombé & la dépouille
ne tenoit plus qu'à la partie poflérieure de la
Chenille.
■SUB. LES INSECTES. 193
Ghèiiilie. Je fijs attentif à la ibivre : je voizlois
favoir fî la Chenille du Chardon eit du nom-
bre de celles qui dévorent leur dépouille (').
Prefque toute la journée fe paila fans qu'elle
pût parvenir à achever de fe dépouiller. Enfin ,
elle vint à bout de fe débarralier entièrement
de fa vieille peau. Comme elle n'y touchoic
point 5 j'elfayai de la lui mettre -fous la dent >
mais cette tentative fut inutile. Je n'en con^
clurois pas néanmoins que cette Eipece ne
mange pas fa dépouille : celle de ma Chenille
pouvoit s'être trop delféchée.
Je ne fus donc plus furpris que l'étrangère
■eût donné la chaife à la maitrellë de la loge :
la circonifance de la mue privoit celle-ci de la •
plus grande partie de fes forces. Luriqu^ je
jugeai qu'elle avoit repris fa vigueur naturelle,
je la fis rentrer dans la loge ^ mais elle en ref-
fortit encore au bout d'une heure. Qiieiques
jours après je l'y introduifis pour la trojiîeme
fois. Les fuites de cette nouvelle tent^itive fu-
rent différentes : la victoire fut tres-balancée.
Les deux combattantes fortirent en partie du
fourreau i l'une par une des extrémités, l'autre
par l'extrémité oppofée. Elles y rentrèrent &
en fortirent alternativemsnt à pluQeurs repriiés.
C^; Voy. ObC XVIL
Tome IL N
194 OBSERVATIONS
Enfin , la vicloire fc déclara pour ]a maîtrelfe
du logis , & rétrangcTè fe vit contrainte de
Fabandonner entièrement. Je l'y fis rentrer.
Elle y demeura quelques jours pendant lefquels
les deux Chenilles travaillèrent Tune à un bout
du fourreau , Pautre au bout opporé. La paix
fembloit avoir lucccdé à la guerre ; mais ce
if étoit quame trêve j car l'habitante du fourreau
l'abandonna de nouveau à l'étrangère.
Toutes les expériences que je viens de rap-
porter prouvent d'une manière bien démonf-
trative , que la Chenille du Chardon ne fauroit
foulîrir dans fa. cellule une autre Chenille de
fon Efpece , & que lorfqu'une telle Chenille
s y introduit ou qu'on l'y introduit , il eft en-
tre les deux Chenilles une guerre prefque per-
pétuelle (*). On ne peut guère douter après
(*) Comme je voulois fiire exéciTter ks lîeffins relatifs à
Thiftoire de notre Chenille du Chardon , j'ai fait ramalTer
clans le Printemps de cette année 1777, un bon nombre de
têtes de Chardons , ce qni m'a fourni pins d'une occafion de
îevoir des combats fmguliers entre nos Chenilles , dont Tha-
fcile DelBnatear a été témoin oculaire. Le 4 Avril , ayant ren-
fermé dans la tête d'un Chardon habité par une de nos Che-
nilles , trois autres Chenilles de fon Efpece 5 le 9 , trois de
ces Chenilles ne vivoient plus. L'espéiiencc ayant été répétée
encore le 12, ic fnccès en a été préciréiner.t le même. Je
îi'avois introduit cette fois dnns le Chardon que deux Che-
jgiliws : toutes étoicnt d'égale grandeur. Cinq à fix jours après il
:SUR LES INSECTES. I9f
•cela , qu'il n'en fût de même des Chenilles &
des Vers qui vivent folitaires dans rintérietir
de quantifee de fruits , û l'on tentoit fur ces
Chenilles & (ur ces vers des expériences iern-
l^lables à celles qiïe j'ai tentées fur la Chenille
du Chardon. De pareilles expériences ne ieroient
pas à négliger , & pourroient offrir des réful-
tats intéreffans qu'on ne prévoit pas , & qui
différeroient plus ou moins de ceux que mes
expériences m'ont donnés. On peut facilement
imaginer en ce genre des combinaifons aux-
quelles je n'ai point fongé , & qui en placan.t
les Infecles dont il s'agit dans des circoni-!:ance3
trés-éloignées de celles où la Nature les place,
donneroient lieu à des réfultats rrès-noiiveaux.
On ne fauroit trop vraier les expériences dn
genre de celles-ci, puiiqu'elles lont fi propres
à répandre du jour iur l'hiff^oire de nos pérîtes
Iblitaites.
Je ne m'étois pas encore alfez inftruit du
travail de notre petite Chenille du Chardon :
l'induflrie des Lifedes étoit toujours ce qui
piquoit le plus ma -curiodté. Il me vint donc
n'en reftoit ^ii'ime feule de vivante. J'ai dit que m-on Deffi-
natcur avoit été témoin oculaire dos combats de nos petites
CheiK-Iles ; je ponrrois ajouter auriculaire i car il entendoit
ferès.biea le cHiiuctis de leurs mâthgires.
N ^ ■
19^ OBSERVATIONS
dans PeTprit de tenter quelques cxpéncnccs re-
latives à cet objet. Après avoir tiré de leur
habitation bon nombre de Chenilles de cette
Efpece , je les renfermai dans de petites boites ,
en obfervant de ne mettre dans chaque boîte
qu'une feule Chenille , afin qu'elle ne fut point
troublée pendant le travail. Je donnai aux unes
des rognures de piquans ; aux autres , des
fragniens plus ou moins confidérables de la tète
du Chardon ; à d'autres des portions plus ou
moins longues du fourreau qu'elles s'étoient
condruit dans leur ancienne habitation : enfin
j'en iaiilài d'autres dépourvues de tous matériaux.
Le travail de m2s folitaires fe diverfifia en
raifon des circonftances dilférentes où je les
avois placées. En général , je remarquai , que
les Chenilles qui avoient à leur difpofition une
portion de fourreau , s'étoient mifcs à l'ouvrage
plutôt que les autres , 8c qu'elles avoient bien
puis travaillé en temps égal. On devine bien
que celles que j'avois privées de matériaux .,
avoient été les moins diligentes & les moins
iaborieufes. Parmi ces dernières , il ny en eut
qu'une feule qui parvint à fe faire un alfez^bon
fourreau de pure foie. Les autres fe bornèrent
à tirer des fils de côté & d'autre , qui n'oifroient
rien qui eut le moins du monde l'air d'un four-
\
SUR LES INSECTES. 197
reau. Plufieurs périrent : mais ce qui me parut
allez remarquable , c'eft qu'il y en eut qui vé^
curent julqu'à la fin d'Avril, quoiqu'elles eulTent
été privées de toute nourriture depuis le mois
de Février. Lear taille avoit fort diminué , &
pourtant elles ne lailfoient pas de filer fans celle
comme les autres , & ne fembioient pas s'en
porter moins bien.
Entre les Chenilles que j'avois renfermées
dans mes boites , il y en avoit une à qui j'a-.
vois livré en entier le fourreau qu'elle s'écoit
conflruit dans la tète du Chardon dont je Pavois
tirée. Ce fourreau avoit plus d'un pouce de lon-r
gueur. Je Pavois placé précifément dans le milieu
de la boite j enforte quii étoit partout à égale
diftance des parois. J'étois. fort curieux de voir
comment la Chenille s'y prendroit pour tirer
parti de ce fourreau. Il ne me lembioit pas
qu'elle pût jamais réuiîir à y rentrer. Comme il
n'a voit pas de confiftance, il s'étoïc aiiaiiié fur
lui-même , & n'avoit pu conferver ia forme
de tuyau 3 & parce qu'il n'écoit point retenu
fur le fond de la boîte , il n'étoit guère polîible
que la Chenille pût parvenir à introduire fa
partie antérieure dans une des ouvertures
placée aux extrémités. Ce ne fut point non
plus ce que ia Chenille entreprit : Elic ic con-
N 3
Ï93 0 E S E R V A T I 0 .V ^•
tenta des dehors du fourreau fur lefquels dla:
s'établit. Elie les revêtit en entier d'une tapif-
ferie de foie. Elle fit plus y elle fila des deux
càtQFy du fourreau une toile qui raiTujettiiroit
aux parois de la boite. Les fils de cette toile
ii'étoient pas. tous dans le même plan y mais
tO'US étoient à-peu-pres perpendiculaires à la:
longueur 'du fourre^iu. Cétoit fur cette toile:
que iG Chenille fe tenoit ordinairement. Elle-
employa tout le mois d'Avril à la tendre. Sur
la fin de ce moiS: , tandis que je Tobfervois
avec beaucoup d'attention , je remarqu^^j qu'elle-
retiroit là tète entre, fes premières jambes , &
qu'en même temps elle i'appuyoit fortement:
fiir la toile. ,f^ cru^ pénétrer fon delfein : je-
foiipqonnai qu'elle vouloit exécuter fur cette
toile ce qu'elle auroit exécuté fur l'écorce du
Chardon > je veux dire , y pratiquer un de ces:
trous ronds dont j'ai beaucoup parle. Je ne
me trompois. poinc> & c'étoit en eiiet à quoi
elle étoit occupée. Elle n'eut pas grand'peinc ^
comme ou le juge bien ^ à percer un tiiïu auiE
foible. Elle n'y eut pas. fitôt appliqué- la dent ^
qu'il s'y fit une ouverture bien plus grande
que la Chenille ne s'étoit fans doute propolée
de Ja faire. Le tiifu avoit une certaine teniion ,
& le rejSbrt des. fils tendoit neiturelîement à
agrandir fouverture. Mais fait que la Chenille
SUR LES INSECTES: 199
trouvât trop de facilité à percer le tiiTii , -foit
qu'elle fut déterminée par que' qu'autre caufe à
interrompre fon epératiou, je la vis abandonner
le dciliis de la toile , defcendre fur le fond de
la boite & aller filer ailleurs. Après qu'elle eut
ainfi abandonné la toile , j'apperqus une cliofe
qui m'avoit dabord échappé : je vis que la Che-
nille avoit fait dans le tiilu beaucoup d^^utres
ouvertures , les unes plus grandes , les autres
plus petites." Elle ne s'étoic pas même bornée à
cribler de trous le tlifu de la toile ; elle en
avoit ufé de même à Pégard du fourreau. Elle
y avoit aulii pratiqué une multitude de trous
d'inégale grandeur. Je ferai néanmoins obfer-
ver , qu'elle avoit épargné toute la partie de la
toiiC qui ne touchoit pas au fourreau. On ne
peut guère douter que ces trous n'eulfent quel-
que rapport avec ceux que la Chenille pratique
dans récorce du Chardon i & cette obfcrvatioii
me donne lieu de préfumer , que fi l'on répé-
toit mes expériences , on verroit la Chenille
attaquer le fond même de la boite ou fes parois ,
& entreprendre de les percer. Elle y réuiru-oit
probablement , fi la boite étoit d'un bois tendre
8c très-mince.
Quoique je me fu/Te bien aiTuré , que la
CIiGuilie du Chardon ne feiiroit vivre en ii^ciété,
N 4.
200 0 B s E R V A T l 0 N S
je ne lailîai pas en Mars 1739, de renfermer
fcpt à huit Chenilles de cette Efpece dans une
.même hoite , dont Ja capacité étoit telle qu'elles
pouvoient y être toutes très-à Paife. Je ne leur
livrai que des rognures de piquans. Elles filè-
rent beaucoup ^ mais les fJs qu'elles tendirent
de tous côtés ne préfentoient rien de régulier.
Il n'y en eut qu'une feule qui réulfit à fe conf-
truire un fourreau de pure foie. Toutes péri-
îcnt au bout d'un temps, plus ou moins long.
C'est dans la cavité même de la tète du
Chardon que notre Chenille fe transforme en
Ciiryfalide. J'ai eu des preuves qu'avant cette
mcciimorphofe , la Chenille change au moins
deux fois de peau. Elle ne file pas toujours une
Coque ou une enveloppe particulière, pour y
fubir plus en fureré fa transformation. Il m'eft'
arrivé d'ouvrir un Chardon dans lequel une
Chryialide de notre Chenille étoit renfermée ,.
&; cette Chryfalîdc étoit eiitiéiemcnt à dé-
couvert. Elle repofoît fur un lit de moelle ,
ëc i'â partie pofténeure étoit fmiplement arrêtée
par quelques fils de foie tendus transverfaie-
me.it. La tète de la Chryfalide regardoit vers
le petit trou rond percé dans l'écorce de la
cavité. Le fourreau n'étoit recouvert que de
q.uciquGS grains d'excrémens. La couleur de la
SUR LES INSECTES, 20î
ChryPalide [PL IV, Fi^. VL] étoit un rouge
aiTez vif: elle paroiiToit s'être dépouiliée récem-.
ment de h peau de Chemlie. Quand ou ia
touchoit , elle agitoit fa partie poftérieure avec
allez de viteiîe. Je Fexaminai à la loupe : elle;
étOit conique ; & je crus reconnoitre que le
Papillon portoit des antennes à filets coniques ,
& qu'il était dépourvu de trompe. Je me rap-
pelle d'avoir eu ce Papillon : il étoit allez joli:
mais je iren retrouve point la delçription dans
mon Journal.
Le fourreau de pure foie que notre Che»
» nille fe conftruit dans la tète du Chardon,
P' ii'eft pas toujours recouvert (irnplement d'une
couche plus ou moins épaiile d'excrémens : il
ell: quelquefois recouvert plus proprement &
mieux défendu. Il l'eft par une forte de fur-
tout fait entièrement de la moelle du Chardon.
Dans un femblable fourreau, je trouvai en Mai
1742 , une Chenille qui avoit pris à-peu-près
tout ion accroiifcment. Vers le milieu de fa
longueur , & dans fa partie inférieure , le four-
reau étoit percé d'un trou qui répondoit di-
redoment à celui que la ChenllFe avoit prati-
que dans récorce du Chardon. Celui-ci étoit
plus petit, & rentrée en étoit défendue, comme
à l'ordiiiaire , par un amas de ces petits corps,
.202 0 B S E R V A T I 0 N S
cannelés , que j'ai dit être les graines même
du Chardon. Mais ici j'obfervai une particula-
rité que je n'avois pas encore vue : plufleur^
des corps cannelés étoienE rongés eu partie
prés de leur bafe.
Dans un autre fourreau , recouvert pareille--
ment de moelle , & percé comme le précédent
d'un trou qui communiquoit avec celui de Té-
corce , je ne rencontrai point de Chenille ,
quoique la doublure de foie parût avoir été
filée récemment. En examinant l'extérieur du
fourreau , je découvris une tête de Chenille.
Si un grain d'orge fufFt à nourrir pendant
toute fa vie la Chenille qui l'habite, la tète du
Chardon à bonnetier , incomparablement plus
grande , doit à plus forte raifon contenir aifeZ'
de moelle pour entretenir toute fa vie la Che-.
iiille qui sy renferme. Il eft même prouvé
qu'elle le nourrit encore de la moelle contenue
dans la tige. Je n'oferois pourtant alïiirer que
notre Chenille ne forte jamais du Chardon dans
lequel elle s'eft établie. J'ai ouvert des têtes de
cette plante > dont Pécorce montroit le petit
trou rond, & dont fliahitante , parvenue à-
peu-près à fon pariait accroiifement , n'avoit
pref(|ue point travaillé. On ne voyoit même
SUR LES INSECTES, 20^
imcuii veftige de fourreau , & tout fembloit
indiquer que ces tètes n'étoient habit&es que
depuis peu. Je foupqonnerois volontiers , qu'il
arrive quelquefois à la Chenille de palTer d'un
Chardon dans un autre , à qu'elle s'y intro-
duit par la tige comme par un canal. J'ai ren-
contré un pied de Chardon qui portoit trois
tètes: la tète du milieu étoit placée à l'extré-
mité de la principale tige : les deux autres , à
Textrémité de deux tiges fecondaires , qui par-
toient de la tige principale , & ces deux tiges
étoient percées ou vuidées dans toute leur lon-
gueur. Je ne me rappelle pas qu'aucune de ces
tètes fût aduellement habitée.
Voila ce que j'avois à dire fur îa petite
Chenille qui vit dans l'intérieur de la tète du
Chardon à bonnetier. Je laiife fon hilbire bien
imparfiite j car malgré l'étendue des détails dans
lefquels '^e fuis entré , je me perfuade facile-
ment que je ne l'ai que grofîîérement ébauchée.
Mais quel eft l'înfecle dont le Naturaliiie le
plus patient & le plus laborieux puiiTe fe flatter
d'épuifer Phiftoire î Ce que nous connoilfons
des produdions de la Nature , fe réduit tou-
jours à un certain nombre de faits plus ou
moins particuliers , & ce nombre peut accroître
fans ceife , parce que les combinaifons, font
diverfifiables à l'mdéfini.
204 OBSERVATIONS
Au refie , notre Chenil ie n'ctl pas le feiil
Infede qui vive dans la tète du Chardon â
bonnetier^: elle efl; encore habitée quelquefois
par un Infede de genre très-ditiéren: , que je
n'ai pas fuivi , mais que je ferai connoitre. U
n'eft pas plus grand qu'une mitte. Il eft extrê-
mement agile. Sa couleur eft un rouge pâle. Sei
tête eft groife proportionnellement au corps.
Elle a de chaque côté un gros œil noir, du
deffous duquel part une antenne à-peu-près
conique , compofée d'une fuite de vertèbres , &
garni de poils d'un bout à l'autre. La bafe eft
formée de deux articulations en manière de
boutons. Le devant de la tête imite un peu
celui de la tece des Sauterelles ; il eft feulement
moins alongé. Au corcelet tiennent fix jambes ,
garnies à leur extrémité de deux crochets. Le
corcelet fournit encore des attaches à quatre
efpeccs d'ailes longuettes & étroites , & qu'on
diroit n'avoir pas encore pris tout leur accroif-
fement. Elles reifemblent afîéz , mais très en
petit , à celles de ces nymphes aquatiques qui ie
transforment en Denioifelles de la plus grande
efpece. Le corps eft alongé , & de forme coni-
que, li eft compofé au moins de neuf anneaux.
J'ai trouve pluileurs de ces Lifedes ralfemblés
dans la même tète de Chardon. Probablement
ils muitîpliejic beaucoup ; car à Fordinaire les.
SUR LES INSECTES. 205
plus petits Infedes font ceux qui multiplient le
plus. Sans doute que loiTque leur multiplication
devient exceirive , elle force la Chenille à délo-
ger & à aller chercher une autre retraite.
^^ — r-- — ^^::^ = ^g^
OBSERVAT! ON XX.
Sur rms petite Chenille qui roule en cornet les
feuilles du Frêne , ê^ qui fe conjlruit au centre
du cornet une Coque , qiion fourroit nommer
en grain d'Avoine.
JLjE 18 de Juillet 1740, tandis que je cô--
toyois un bois , j'appercus des feuilles de Frêne ,
qui étoient roulées très-artilfement en manière
de cornet. J'ouvris auflî-tôt quelques-uns de
ces cornets , dans chacun defquels je trouvai
une petite Coque de pure foie de couleur blan-
che , dont la forme me parut remarquable. Elle
étoit très-alongée, & fe terminoit en pointe
aux deux extrémités. De petites cannelures très--
applaties , qui imitoient les côtes d'un Melon ,
régnoient fur toute la longueur de la Coque,
& partageoient la furface en pluiieurs fegmens.
Au premier coup-d'œil , cette Coque ne reircm-
bloit pas mal à un grain d'Avoine ? & ce fut
20^ OBSERVATIONS
cette forte de refTemblance qui me détermina à
jui donner le nom de Coque en grain d'Avoine,
M. de Reaumur avoit déjà fait connoitre une
Coque de pure foie >, dont la forme lui avoit
paru finguliere , & qu'il avoit comparée à celle
d'un grain d'Orge (*). Cette Coque en grain
d'orge étoit aulTI divifée par côtes j mais elle
n'étoit point renfermée dans une feuille : la
Chenille qui l'avoit conftruite l'avoit attachée
contre une tige de Gramen. L'adroite fîleufe fê
nourrit des feuilles de cette plante.
Notre Coque en grain d'Avoine me parut
bien plus finguliere que celle en grain d'orge.
Elle me le parut fur-tout par la manière ingé-
nieufe dont elle étoit fufpendue au miheu du
cornet. Elle ne tou choit à aucune de fes^ parois :
elle étoit , en quelque forte , fufpendue en l'air
à l'aide d'un fil de foie aifez délié , qui tenoit
par uwQ de fes extrémités au fommet du cornet,
& par l'autre à Çà bafe. Ce fîl étoit donc comme
l'axe du cornet , & la Coque occupoit à-peu>
près le milieu de la longueur du El , dont elle
fembloit n'être qu'un renflement. ^
Voila déjà une particularité bien remar»
(*) Mém. fur les Inf, Tome I , Mém. VI , page 279 ,
PL XII,. Fis. 14.
SUR LES IKSECTES. 207
pliable de la conftrudioii de notre Coque : mais
ce n'écoit pas là tout ce que Piiidultrie de la
Fileufe avoit à m'offrir. En Êxant mes regards
fur la bafe du cornet , préciiement à Peiidroît
où le fÀ de foie étoit attaché , j'obfervai un
efpace exadenient circulaire , d'environ trois
quarts de ligne de diamètre , tracé fur l'cpi-
derme de la feuille & parfaitement bien terminé.
Cétoit près du bord de cet efpace circulaire
que le ti étoit attaché. Il ne me fut pas difficile
de deviner ce qu'étoit ce petit cercle H b^eii
décrit; car il l'étoit auffi régulièrement que s'il
Favoit été avec un compas. Je me rappellai fur-
ie-champ la petite porte ronde que pratique la
Chenille de l'orge & celle du Chardon à bon-
netier , dont j'ai parlé dans FObfervation pré-
cédente , & qui eft ménagée de loin pour aifu-
rer la ibrtie du Papillon. Je ne pouvois m'y mé-
prendre : l'analogie entre les procédés étoit trop
parfaite. Je jugeai donc , que le petit efpace
circulaire que j'avois fous les yeux , étoit la
porte que la prévoyante Rouleufe avoit prépa-
rée à Ion Papillon. Je reconnus qu'elle l'avoit
taillée dans l'épaiffeur de la feuille , & qu'elle
avoit eu foin de lailfer en place la pièce circu-
laire 5 pour tenir la porte fermée , & interdire
l'entrée du cornet aux Infecles mal-faifans.
^o8 OBSERVATIONS
Mais le cornet dont il s'agit , eft un viifte
appartement en comparaifon de la petite cavité 5
que rcnterme l'nitéricUL d'un grain d'orge ha-
bité par une Chenille. Le Papillon de notre Rou-
Jeufe s'égareroit facilement dans un fi grand
appartement, & ne parviendroit jamais à trou-
ver l'iiiue qui lui a été ménagée, fi rindultricure
ouvrière ne lui mettoit en main un fil deftiné
a le diriger vers la porte qui lui a été préparée,
& qu'il n'a qu'à pouiler avec fa tète pour la
faire tomber. On voit donc à pré lent , pour-
quoi le fil qui tient la Coque fufpendue , eft
attaché par fon extrémité inférieure près du
bord de la petite porte. Dès que le Papillon cif
éclos & qu'il a percé fa Coque , il n\i qu'à fuivre
le fil pour parvenir à la poite du cornet, & s'y
faire jom\
La Rouleufe , dont je viens de faire admi-
rer rindull;rie , eft une petite Chenille rafe , de
couleur verte , Se qui appartient à la claife des
Chenilles à quatorze jambes , dont la première
paire des membraneufes n'eft féparée de la der-
nière paire des écailleufes , que par deux an-
neaux. Ainfi, elle ne dément point ce que M. de
Heaumur a dit des Chenilles de cette cl aile y
qu'elles font la plupart remarquables par quel-
que trait d'iuduftrie.
C'est
SUR LES INSECTES. 209
■Cest de delfus en-deirous que notre petite
Rouleuie cGJitotime les feuilies du Frèîie , &
qu'elle dirpcfe peu-à-peu celle fur laquelle elle
s'eft établie, à revêtir h forme de cornet. Deux
de ces Chenilles que j'avois tirées de leur cel-
lule , & pofées fur les feuilles d'une branche de
Frêne dont l'extrémité étoit plongée dans un
vafe plein, d'eau , me donnèrent le plaifir d(j
voir de mes propres yeux les procédés fi inté-
reifans , que rHillorien des Infedes a il bien dé-
•crits (^) , & au moyen defquels les adroites
ïlouleufes façonnent leur cornet. Ceux que mes
■Chenilles s'étoient conftruits , & donc je les
avois tirées, n'oiîroient point encore la petite
porte ronde dont j'ai parlé. Leur travail dura
environ deux jours.
Pendant que jViiois à la chaiTe de nos
Roule ufes , je fis une remarque que je ne dois
pas palier fous filence , & qui pourra aider les
curieux à les retrouver : ce n'etoit jamais que
fur de jeunes Frênes que je parvenois à ren-
contrer des cornets habités par des Chenilles
.de cette Efpece : j'en cherchai inutilement fur
.de grands Frênes.
Ces cornets ne font pas bien communs. Sur
C) Mém^ pourfervirà VHiJl. des Inf. Tom. II , Mcm. V.
Tome IL - Q
210 OBSERVATIONS
environ une douzaine que je parvins à raffem-
bler 5 il y en avoit pluiieurs qui ctoient percés
d'un trou rond, près de leur bafe. Ce trou ne
doit pas être confondu avec la porte ménagée
pour le Papillon : celle-ci eft toujours percée
dans la partie de la feuille qui fert de bafe au
cornet. Dans ces cornets ain(î percés près de
leur bafe , je ne trouvai ni Chenille ni Coque;
mais je vis feulement des excrémens de Che-
nilles & quelques petits Perce-oreilles. C'étoient
probablement ces Perce-oreilles qui avoient fait
périr l'habitante de la cellule , ou qui Pavoient
forcée de déloger. Dans un autre cornet je
trouvai une forte de Punaife noire : dans un
autre , une petite FauiTe-Chenille verte , à vingt-
deux jambes. D'autres cornets , qui n'étoient
point percés , m'offrirent la petite Chenille elle-
même immobile , & qui paroiffoit fur le point
de changer de peau. Un autre cornet , percé
près de la bafe , ne renfermoit ni Infede ni
excrémens. Un autre renfermoit une Coque,
dont le Papillon n'étoit pas encore forti. Enfin ,
dans un autre cornet , dont la petite porte
ronde étoit ouverte , je trouvai une Coque en
grain d'Avoine, qui renfermoit une ChryfaHde
bien vivante. Un accident à moi inconnu ,
avoit fans doute flût tomber la petite porte,
«somme ou ie voit arriver quelquefois à celle
SUR LES INSECTES. 2ii
^Ttc pratique la petite Chenille des grains
d'orge.
Je me propofai de reprendre l'année Suivante
mes Oblervations fur cette induftrieufe Clie-
îiille : d'autres occupatiojis m'en détourjierent i
mais j'en ai dit aiîez pour exciter h curioiité
des Obfervateurs.
OBSEPvVATION XXI,
Sur une Chenille qui ^ comme la grande Cbeniih
à tubercules , fe conftriiit une Coque en nm-
niere de Najje de Poijjon.
N" ne peut s'empêcher d'admirer ie pro-
cédé induftrieux de la grande Chenille à tuber-
cules du Poirier (*). La groi΀ Coque ("**) qu'elle
fe conftruit , eft d'une foie très - forte , très-
gommée , & d'un tiifu ferré & fort épais. Le
Papillon y demeureroit infailliblement prifon-
nier,ii la Chenille ne prenoit la précaution , de
ia laiifer ouverte par une de fes extrémités.
Cette extrémité eft effilée : l'autre eft grolfe 8c
arrondie. Si l'on regarde de près l'extrémité
C) Mém. fur les Inf. Tome I , PI. PCLVIII, Fig, i.
CO PI. XLVIIÏ , Fig. 4'
Q Z
212 observations:
effilée, & mieux encore, lî Ton ouvre la Coque
fuivant fa longueur (^) , on reconnoitra que
tous les fils vont fe réunir vers Touverture à la
manière des baguettes qui compofent les nalTes
dont on fe fert pour prendre le Poiifon. Les
fils de la Coque formant donc là une forte
d'entonnoir : ils y font plus forts , plus roidcs
qu'ailleurs. L'adroite ouvrière ne fe contente
pas même d'un fcul entonnoir : elle en conftruit
lin fécond fous le premier 5 & les fils de celui-
là font encore plus fériés que les fils de celui-
ci. On voit aifez l'ufage de ces entonnoirs : ils
fervent à interdire l'entrée de la Coque aux
Infedes rôdeurs & mal-faifins. Ils font pour
ces Infectes ce que font les iiaiîès pour les
PoifTons qui veulent en for tir j & ils font pour
3e Papillon ce que font ces mêmes naUes pour
les PoiiTons qui s'y préfentent.
Je ferai connoître ici une Chenille dont le
procédé a du rapport à celui de la grande Che-
nille à tubercules. Elle eft de grandeur nioyenne ,
demi-velue , à feize jambes , dont les membra-
sieufes n'ont qu'une demi - couronne de cro-
chets. Le fond de la couleur du deifus du
corps eft un violet fort pâle , fur lequel font
jettées trois raies jaunes , qui s'étendent depuis
O'àJbid, Fig. 6,
^UR LÏS INSECTES. 21^
îe fécond anneau iLifqu'environ le onzième. Aux
deux extrémités de ces raies s'obrervent deux
éminences ou tubercules charnus , d'où partent
de longs poils :" ceux qui partent des tubercules
antérieurs font jaunes 5 ceux qui partent des
poilérieurs , font bruns. Les tubercules anté-
rieurs font de même couleur que les raies 5 les
poitérieurs y violets comme le dos. Ces tuber-
cules poftérieurs n^en forment proprement qu'un
feul , mais refendu, en quelque forte, au-deiliis
de {^d bafe. Sur chaque anneau fe voient d\iu-
tres tubercules , où s'implantent de longs poils
bruns : ceux qui partent des tubercules laté-
raux , font blanchâtres. Des taches jaunes font
femécs fiir les côtés. La tète eft de couleur
violette. Les jambes écailleufes font d'un noir
luifaut ', les nicmbraneufes jaunes , & cette
couleur eft encore celle du chaperon.
Cette Chenille me fut remife dans les pre-
miers jours d'Oclobre 1740 : j'ignore de quelles
feuilles elle fe nourrit. Vers le milieu du. -mois
elle fe conftruifit une fort jolie Coque de foie
blanche , alongée par les deux bouts , mais plus
aïongée par le bout antérieur que par le pof-
çé rieur. Ce bout antérieur réifembloit aife? au
bout antérieur de la Coque de la grande Che-
nille à tubercules , & paroiiibit être fait à-peu-
O ;
214 OBSERVATIONS
près fur le même modèle : tous les fils alloienr
s'y réunir pour y former une forte d'entonnoir
ou de nafle. Cependant le tiifu de la Coque
étoit tbrble , & laiifoit voir la Chenille : auiiî
avoit-elie pris la précaution de pjacer fa Coque
ibus une feuille..
Il y a lieu de préfumer que le procédé de
la Chenille à tubercules du Poirier eil commun
à plufieurs autres. Efpeces de Chenilles , & qu'il
n'efl: pas propre uniquement à celles qui fe
filent des Coq^ues de foie d'un tiffu fort ferré.
^^=.==. — sg:s(^ - ^ !g^
OBSERVATION X X 1 1.
Sur tim Chenille qui fe confiriiit mie Coque dont
la forme imite celle à^mi Bateau renverfé.
\s
['Historien des Infedes , qui avoit donné
beaucoup d'attention à la Chenille dont je vais
parler , & s'étoit plîi à nous faire admirej: l'art
qui brille dans fes procédés , en trace dans fes
Mémoires la defcription fuivante (*).
" Cette Chenille , dit-il , eft de grondeur
3,, médiocre , & a feize jambes > elle sft rare ;
0) Tome I, pag, %6(x
T»B
tE IL Obs. X. P»
RT
H.
P.ige 2ir.
8vo
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j r'ylBLE dt, Uféramm fMe: à fix Vir, ,« d,J,.Te„i mm & m Jifiniuif nnmjlmim . pm„- l'njimr fi le pymcp! L repy,JuA,i^lf^,xlr«mé'i ,"jï o,r,l-,/p,,, "^
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III. Op'r.Sn.''
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,
SUFx LES INSECTES. 2iç
„ fa peau eft d'un beau verd , fur lequel ou
33 démêle des raies obliquement tranfverfales
„ d'un verd un peu plus jaunâtre. Sa partie
„ poftérieure eft plus déliée que fa partie anté-
„ rieure. Sa tète eft fouvent retirée fous les
53 premiers anneaux , de façon qu'on ne la
,3 voit point; le corps de cette Chenille a alors
j3 quelque chofe de celui du PoilTon. Ceft même
33 par le nom de Chenille à forme de Poijjbn que
53 je la défignois , avant que je fufie qu'elle
,3 étoit l'ouvrière de la belle Coque en bateau. ,5
Il manque quelque chofe à cette dêfcription :
pour la rendre plus complette , j'ajouterai que
les jambes membraneufes font à demi-couronne
de crochets , &»que fur la partie lupéiieure
du iecoiid anneau , on voit deux mamelons char-
nus 3 pofés foit près l'un de l'autre , & qui
fe terminent en pointe comme deux petites
cornes. Ces mamelons font exprimés dans la
figure (*) que notre illuftre Auteur a fait gra-
ver de cette Chenille ; quoiqu'il ne les ait pas
fait entrer dans fa dêfcription. Je dirai néan-
moins à cette occallon s que cette figure n'eft
pas exade. J'en trouve les traits obliques à la
longueur du corps , trop gros , trop marqués ;
C) PI. XXXIX , Fig. 10.
O 4
^2^6 0 B ^ E R V A T I 0 K S
& la partie antérieure m y parolt plus larg.e
qu'elle ne i'eft dans le naturel.
• On rencontre cette Chenille fur le Chêne
dans les mois de Mai & de Juin. Ce fut le 3 do
Juin 1740 , que je fobfervai pour la première
fois. On me remit alors deux Chenilles de cette
Eipece qui avoient pris, tout leur accroiifement.
Au premier eoup-d^œii , je les crus de la même
Efpece que cette Chenille , qui porte une corne
charnue en ÊDrnie d'Y fur fa partie antérieure,
& dont j'ai fait mention dans l'Obfervation XIV-
Je ne parvins même à me détromper , qu'en
prellant aiTez fortement mes deux Chenilles près
de la tête : je m'aifutai ainiî qu'elles, n'avoient
point la corne branchue que leur torme exté-
rieure m'avoit paru annoncer. Je reconnus donc
qu'elles étoient bien de la même Efpece que
celle dont je lifois la defcription pag. 5:^0 des
Mémoires fur ks hijechs. J'étois par coriféquent
préparé à leur voir conftruire une de ces Co-
ques d« forme très-recherchée , <x que l'Auteur
avoit comparée a celle d'un bateau renverié.
Et comme il avoit témoigné des regrets de
n'a'^oir pu fiifir l'ouvncre daits le temps,
qu'elle commeiiçoit à exécuter ion ouvrage ,
je n'en eus q;ue plus de deiir de fatiit ce mo-
SUR LES INSECTES. 217
nient intéreiTant & de fuivre toutes les ma-
nœuvres de PInfede.
Jai die, que mes deux Chenilles avoient
pris tout leur accroiirement : le terme de leur
transformation étoit même aiTez prochain :
autli ne toucherent-elles point aux feuilles de
Chêne que je leur donnai. Le lendemain 4 de
Juin, fur les cinq heures du matin, je trouvai
une de mes Chenilles 6xée contre le couvercle
de la boite dans laquelle je Pavois renfermée.
Elle étoit immobile , & fembloit environnée
depuis la tète jufqu'environ le fepticme anneau
d'un £1 de foie , qui , s'il eut été prolongé des
deux côtés fuivant la même dired:ion , auroit
tracé un véritable ovale , dont le corps de la
Chenille auroit été le grand diamètre, j'eus
d'abord quelque penchant à foupqonner que
c'étoit là les préparatifs , non d'une Chenille
qui vouloit fe conftruire une Coque ; mais
d'une Chenille qui vouloit fe ceindre par un
lien de foie , qui devoit l'emb 'aller à-pcu-près
par le milieu du corps. Il me fepiblii que ma
Chenille n'avoit plus qu'à faire palTer le fil par-
delTus fon dos pour fe trouver liée à la ma-
nière de (.liverfes Efpeces de Chenilles qui fe
filent des ceintures pour fe métamorpholer*
Mais elle ne tarda pas à me défabufer , & à me
218 OBSERVATIONS
prouver , que l'ouvrage auquel elle commenqoit
à travailler étoit d'un tout autre Genre. Bien-
tôt je la vis fe détourner , & porter fii tète du.
côté oppofé à celui vers lequel elle* étok d'a-
bord dirigée. Elle me parut alors s'occuper à
fortifier le fil de foie qui l'environnoit. Ce fil
îie me fembla plus un fimple fil defriné finiple-
«lent à former une ceinture : je reconnus évi-
demment qu'il étoit le fondement d'une vérita-
ble Coque , & qu'il devoit en déterminer les
contours. La Chenille ramena enfuite fa tète
vers l'endroit du fil ou de l'enceinte fur lequel
elle l'avoit d'abord tenue appliquée. Je m'armai
d'une loupe , &: j'obfervai diftindement , que
ce que j'avois d'abord pris pour un fimple fil ,
étoit une forte de petit mur de pure foie , que
Pouvriere s'occupoit à élever , en y ajoutant
facceilivement de nouveaux fils. Voici com-
ment elle s'y prenoit. Elle appliquoit fa filière
fur un point du bord fupérieur du petit mur :
elle l'cloignoit enfuite de ce point , & en l'en,
éloignant, elle tendoit à lui fiire parcourir une
certaine étendue du bord fupérieur du mur.
L'efpace parcouru pouvoir être d'environ une
ligne. Tandis que la filière parcouroit cet efpace
elle laiiToit couler le fil de foie qu'elle étoic
deftinée à mouler. Il fortoit donc de la filière
un fil d'une ligne de longueur. Après avoir
SUR LES INSECTES. 219
tire ce fil , la Chenille rapproclioit fli filière
du bord lupécieur du tnurj elle l'y appliquoit
de nouveau , & colloit à cet endroit l'extré-
mité du fil. Elle répétoit la même manœuvre
de diftance en diftance , jufques à ce qu'elle
fut parvenue à l'extrémité de la petite muraille
de foie. Parvenue enfin à cet endroit , elle re-
venoit en quelque forte fur fes pas j elle repaf-
foit far les bords du mur , & y ajoutoit ainji
de nouveaux fils. Elle élevoit donc de plus en
plus le mur par faddition de ces fils. Elle exécu-
toit fes manœuvres avec une grande vîtelfe : elle
fembloit preflee de finir fon ouvrage , & n'avoir
pas un feul moment à perdre. Si pourtant quel-
que mouvement fe communiquoit à la boite ,
elle fufpendoit fon travail > mais elle le reprenoit
un inftant après avec une nouvelle ardeur.
Par tout ce que je viens d'expofer fur la
conilrudion du petit mur de foie , on pour-
roit croire qu'il n'étoit compofé que d'une luite
de fils couchés parallèlement les uns aux autres
& à la longueur du mur. On fe repréfente ,
fans doute , ks fils ou la chaîne iVixne toile.
Ce n'étoit pas néanmoins fur un femblabîe
modèle que notre Chenille travaiîloit : fimags
ne feroit point du tout exacls j inais c'eil que
je ne me fuis pas exprimé moi-même avec
220 0 B S E R V A T I 0 N S
aiïez d'exaditudc i je ivai pas encore alfez de-
taillé les procédés de Touvriere. Chaque foi-s
qu'elle droit un fil d\?n point à un autre - elle
élevoit fà tête au-delTus du mur ; elle Téloignôit
un peu du bord iupérieur en la faifant rentrer
dans Teipace ovale. Pendant ce mouvement , le
fil continuoit à couler de la filière ; la Che-
nille rapprochoit en fuite fa tète du bord du
iîiur ; elle y appliquoit fa filière , & y colloit
le bout du fil. Elle avoit donc filé ainfi une
petite boucle ; & c'étoit d'une fuite de pereilles
boucles qu'elle formoit fon tilîii. On a pris à
préfent une idée plus jufte de fon travail.
Je prie qu'on fe repréfente l'adroite fiileufe
placée entre deux murs de foie , qu'elle ne
faifoit que commencer à élever. Qiîand elle
avoit travaillé quelque temps à l'un des murs .
elle paifoit à Tautre , & revenoic enfuite au
premier. Ces murs n'étoient pas perpendicu-
laires au plan de pofition : quoique la Chenille
ne leur eût donné encore que fort peu d'élé-
vation , on ne laiifoit pas d'appercevoir qu'ils
tendoient à fe rapprocher par le Iraut , «Se à
former ainfi une faite de berceau ou de voiite.
On diitinguoit déjà la naii]ance de la courbure
qu'ils dévoient prendre à m-efure qu'ils s'élcve-=
roient.
SUR LES INSECTES, 221
On fe rappelie ce que j'ai dit de la longueur de
ces murs : i!s ne s'étendoient que depuis la tète
de la Chenille jufques vers le feptieme anneau:
i-ci,ils étoient interrompus. Ils l'étoient encore
à l'extrémité de l'ovale qui répondoit à la tète
de l'ouvrière. On doit fe fouvenir , que fou
corps étoit étendu parallèlement au grand diamè-
tre de l'ovale. Il y avoit donc à l'extrémité dont
)e parle , un intervalle égal à la largeur du corps
de la Chenille , qui n'étoit point enceint par
les murs. Je ne voyois point encore pourquoi
l'ouvrière n'avoit pas prolongé l'enceinte à
cet endroit , & pourquoi elle y avoit lailfé une
ouverture j mais je jugeai bien qu'elle avoit
eu quelque bonne raifon pour eu ufer ainfi.
Sa tête palfoit au-delà de cette ouverture ; &
comparant alors h longueur de la Chenille avec
celle de l'enceinte , telle qu'elle s'ofFroit dans ce
moment à mes yeux , j'avois peine à compren-
dre , comment l'Infecle pourroit fe loger dans
luie Coque en apparence fi difproportionnée à
fa taille.
Ma curiofité redoubloit , & j'étois très-atten-
tif à fuivre toutes les manœuvres de notre in-
dultrieufe ouvrière. Quand elle eût travaillé un
certain temps à exhauifer les murs du côté
antérieur de la Coque , elle fe retourna bout
222 OBSERVATIONS
par bout pour aller travailler au côté poflérieur.
Ici , il s'agiflbit d'achever l'enceinte & d'élever
les murs qui dévoient la former. On comprend
hlcn , que ces murs ne dévoient être que le
prolongement de ceux qui étoient déjà élevés ,
& qu'ils dévoient aller à la rencontre l'un de
l'autre vers le bout poftérieur de la Coque , où
ils étoient deftniés à s'unir. La Chenille con-
tinua foai travail de la même manière qu'elle
î'avoit commencé. Elle traça le relie de l'en-
ceinte ou de refpace ovale par des fils de foie ,
qui déterminoient la direction qu'elle devoit
faire prendre aux murs en les prolongeant. Ce
prolongement fut exécuté par une fuite con-
tinue de petites boucles de foie , liées les unes
au:c autres & couchées les unes fur les autres ?
comme je l'ai raconté.
Cependant la Chenille ne prolongea pas
les murs jufqu'à l'extrémité de la Coque : elle
îaifla à cette extrémité une ouverture pareille
à celle qu'elle avoit laiffée à Fextrémité oppofée.
Sa tête paifoit par - delà cette ouverture , &
fon derrière , par-delà l'ouverture placée à l'au-
tre bout. La longueur de la Coque étoit donc
bien inférieure à celle de la Chenille ,• & cette
dernière n'auroit pu y être renfermée de fou
long 5 fans être forcée de fe contrader beaucoup
SUR LES INSECTES. 223
& fans être fort gênée dans toutes fes manœu-
vres. Je découvris alors pourquoi elle avoit pris
la précaution de ne prolonger point d'abord
les murs autant qu'ils dévoient l^tre pour for-
mer l'enceinte , & pourquoi elle avoit ménagé
une ouverture aiTez confidérabie aux deux
extrémités de l'enceinte. Elle n'avoit donc pas
été appellée par la Nature à travailler comme
le Ver-à-foie & tant d'autres Chenilles , qui
font renfermées en entier dans leur Coque tandis
qu'elles la conftruifent , & dont le corps con-
tourné , tantôt en manière d'anneau , tantôt
en manière d'S , devient ainfî l'efpece de moule
qui détermine la forme & les proportions de
la Coque. Notre Chenille travailloit fur un mo-
dèle bien différent , & fans doute que la forme
aifez recherchée qu'elle devoit donner à fa
Coque 5 exigeoit qu'elle n'y fut pas renfermée
en entier pendant qu'elle étoit occupée à la
conftruire.
Il arrivoit quelquesfois que les murs fe
renverfoient en dehors, par une fuite des mou-
vemens divers que la Chenille étoit obligée de
fe donner pendant le travail. Elle ne manquoit
point de remédier à cette accident & de forcer
les murs à fe redreifer en les tirant à elle avec
fes dents. Elle le faifoit même aifez rudement.
224 OBSERVATIONS
&: fans paroître ménager beaucoup le tilTu
foyeux. Mais elle favoit proportionnel: la force
à la réfiftance qu'il s'agiifoit de furmonter , &
rien n'étoit dérangé dans le tiifu. Je remarquai
même dans fa manœuvre un€ chofe qui me
frappa : elle ne faililîbit pas ks mues par leur
bord fupérieur ; ce qui lui auroit donné bien
plus d'avantage pour les redreffer , & auroit exigé
moins de force : elle les failiifoit , au contraire , à
xme certaine didance du bord. Si elle en eût uTé
autrement, fi elle eût appliqué fcs dents aux bou-
cles qui bordoient les murs par le haut , elles
îi'auroient pu réfitler à l'eitort y elles auroient
cédé , & le tiifu en auroit foutfert plus ou moins.
Il n'en alloit pas de même des boucles qui fe
trou voient placées dans le corps du tiiTu :
comme elles étoient étroitement liées à toutes
celles qui les environnoient immédiatement ^
elles étoient plus capables de ibutenir les plForts
réitérés de la Chenille.
Notre Architede n'élevoit pas les murs par-
tout à la même hauteur. Depuis environ le mi-
lieu de la longueur du petit édifice jufques
près de Textrémité poftérieure , Is alloient gra-
duellement en s'abaiifant. Ils étoient donc peu
élevés à cette extrémité j & ils fétoient beau-
coup proportionnellemeut vers l'extrémité oppo-
SUR LÈS INSECTES, 22f
fée. Le plan fuivant lequel Px'^rcliitede bâ-;
tiilbit, luppoibit eirentiellement ces diflérences
de proportions. Quand la Chenille ajoutoit de
iiouvelies boucies aux parties les plus élevées
du mur, fes premières jambes étoient appliquées
contre le mur , & accompagnoient la tète dans
tous fes mouvemens.
A mefure que les murs prenoient plus de
hauteur , ils tendoient à fe courber davantage ou
à fe rapprocher par leur bord fupérieur , & à
former une forte de voûte. On n'a pas oublié
qu'ils lainoient une ouverture affez coniidérable
à chaque bout de Penceinte. Cette ouverture
ifétoit que pour un temps & ne devoit pas
fubfiller. Aulfi la Chenille travailla-t-elle à la
boucher i foit en forçant les murs à le rappro-
cher à cet endroit s Ibit en y ajoutant de nou-
veaux fils ou de nouvelles boucles.
Lorsque les deux murs eurent été bien réu-
3iis au bout antérieur de la Coque > leur rcunian
fe trouva marquée par une forte de cordon
[ PL ///, F/>. VIII, r. ] qui avoit du relief,
& qui^defcendoit en ligne droite, depuis fen-
droit le plus élevé de la Coque juiques fur le
plan où elle repofoit. Le cordon étoit donc per-
pendiculaire' à ce plan. La Coque n'étoi, pa^
Tome IL .V
22^ OBSERVATIONS
coupée quarrcment à ce bout : les nnirs avoien?;
été prolongés conformément aux contours de
refpace ovale : le cordon en étoit la partie la
plus faillante. L'endroit le plus élevé de la
Coque ou celui qui répondoit au bout fupé-
îieur du cordon , étoit marqué par une petite
pointe 3 0 , dont la faillie étoit fenfible. Cette
petite pointe fembîoit imiter ces aiguilles que
nous plaçons au fommct de nos édifices. Je
Fai déjà fait remarquer : les murs s'abaiflbient
Leaucèup en s'approchant du bout potlérieur , p ,
de la Coques & en s'y réuniiTant, ils donnoient
à ce bout un air tres-effilé : l'ovale étoit donc
là très-alongé & beaucoup plus qu'il ne l'étoit
à l'autre bout.
On vient de voir que la réunion des murs
fur le devant de la Coque étoit marquée pi^r
un rebord ou cordon faïUant , qui ne permet-
toit pas de la méconnoitre. Par-tout ailleurs
cette réunion étoit invifible ou à-peu-près. La
Chenille l'avoit exécutée d'une manière fort
fimple & qui ne m'avoit rien offert de paiticu- :
lier. Elle avoit tiré des fils de l'un à l'autre '
nniï , en promenant fa filière de l'une à l'autre
extrémité des deux murs : elle avoit ainfi rem-
pli l'intervalle par un nouveau tiifu de foie ,
CjUi ne formoit plus qu'un iéul tout avec le
relie (ie l'édifice.
SUR LES INSECTE S. 22f
AîNSi la Coque avoit pris peu-à-peu la forme
d'un bateaurenverié , ou il Pou veut, celle d'un
fabot ', car je lui trouvai quelque reileaiblaricô
avec cette chauiîuTe ruftique. L'ouvrage était
allé (1 vite qu'en moins de deux heures , il
îivoit acquis la forme & les dmienfions requi-
fes , & qu il ne reiloit plus à l'ouvrière qu'à
fortifier intérieurement fon tiifu^ par de nou-
velles couches de loie. La coult-ur de la Coque
étoit un jaune de paille j mais elle n'en avoié
pas le luifant ou le poli.
Il faut que je ram.ene encore mon Ledeur
à ce cordon (i remarquable placé au devant du
gros bout de la Coque , & qui marque la
réunion - des deux murs ou des deux grandes
pièces dont la Coque eft formée. En confidé-
rant ce cordon de plus près 8c avec plus d'at-
tention , je reconnus que la réunion des deuk:
raurs n'y étoit pas parfoite , & qu'il étoit refté
à cet endroit une fente fort étroite , qui régnoic
le long du cordon , & dont celui-ci détermi-
noit les bords. Je crus découvrir là un petit
artifice de la Chenille : je préfumai qu'elle avoit
ménagé cette fente pour faciliter la fortie du
Papillon. On verra bientôt que je ne me trom-
pois pas p & que cette partie de la Coque ren^-
ferme une particularité très-iiitéreflante. Mais
P 7.
Î228 OBSERVATIONS
comme Ton pourroit foupqonner , que je n'a-
vois apperqii la fente dont il s'agit que parce
que la Chenille n'avoit pas encore achevé de
réunir à cet endroit les deux grandes pièces
de la Coque , je dois ajouter que cette ouver-
ture fubfiiia toujours. La Chenille l'a voit donc
pratiquée à delTein -, car il lui auroit été bien
facile de la fermer -, quelques fils de foie auroient
fuffi pour un iî petit ouvrage. / . ,
Le s ^^ même mois , fur le foir, mon autre
Chenille fe mit auffi à conftruire fa Coque. Je
îa fuivis comme ' la première , pendant le tra-
vail. Elle ne me montra rien de nouveau. Je
n'en inférerai pas néanmoins que j'ai vu tout
€e que la conftrudion de notre Coque en ba-
teau a de plus curieux à noiis offrir. Mes ob-
fervations m'ont aifez appris , que les procédés
des Lifedes fe diverliEent dans le rapport aux
nouvelles fituations dans lefquelles l'Obferva-
teur fait les placer.
Le 30 de Juin , le Papillon fortit de fa
Coque : M. de Reaumur Fa décrit -, je n'en
parlerai pas. Il dit à cette occalion ; que Ici
Chenille , la Chryfdlide '^ le Papillor jotit verds.
Je n'obfervai pas ce rapport fingulier de cou-
leur dans la Chryfaiides car ayant ouvert une
SUR LES INSECTES. 229
âes Coques long-temps avant la métamorphofe
en Papillon , 8c dans la vue d'examiner la
Chryfaîide , je là trouvai d'un? couleur bien
différente : elle étoit blanche , & on voyoic
une aiîez large bande d'un beau noir , qui ré-
gnoit le long du dos.
C'ÉTOïT par le gros bout de la Coque que
le Papillon étoit forti , comme j'avois eu lieu
de m'y attendre : mais ce qui me furprit extrê-
mement & que }e n'avois point du tout prévu >
c'eft qu'après fa fortie la Coque paroiifoit auili
bien clofe ou à-peu-près qu'avant fa fortie.
La fente dont j'ai parlé étoit feulement un peu
plus fenfible. [ PL IIÎ , Fïg. VIII , 0 , r. ] Il
y a donc encore plus d'art qu'on ne le penfe
dans la conftrudion de notre Coque en bateau >
& il femble qu'il faille conclure du fait dont
il s'agit i que les deux murs ou les deux gran-
des pièces dont la Coque eil compofée , font
deux efpeces de reiîbrts fiqonnés de manière
qu'ils fe rapprochent d'eux-mêmes l'un de l'au-
tre , au moment que la force qui tendoit à lefc
écarter a ceifé d'agir.
p 3
^3-0 0 n S E R V A T I 0 N S
O B S E R V:A T ï O N X X III.
Tartictdarités fur finâiiftrie de la grande Chenille
à tubercules du Foirier.
I
Ai eu p^us d'une fois occaiion de parler de-
i'induftrie de cette belle Chenille. J'ai rappelle
dans rObfcrvation XXI , ce que £i Coque oJire
de plus admirable. On. ne peut vou en efiet ,
fans admiration , ces. deux entonnoirs il bien
façonnés , qu'elle fait pratiquer au bout ouvcit,
de fa groile Coque, & dont l'ufage eft h mx li-
fefte. Je rappellerai encore ici que cette Coque
eft entièrement de pure foie , & d'un tlifu.
épai^ 3 ferré & luftré. Albin avoit vu le pre-
mier l'entonnoir extérieur y & avoic comparé
notre Coque à une nafle de FoilLn. Mais c'é-
toit à M. de Reaumur qu'il avoit été réfervé
de découvrir tout l'art qui brille dans la conf.
trudion de cette Coque : il n'avoit pas néan-
moins furpris l'habile Fileufe tandis qu'elle
exécute la partie la plus, intérelfante de (on tra-
vail, je veux dire les entonnoirs. La difpofitioii
8c l'arrangement des fils qui les compofent , ne
reffemblent point du tout à ceux des autres;
fils de la Coque , & fuppofent manifcltement
iiue tout a^^ue manière (j'o_gérer. Ç'étoit ccttQ
SUR LES INSECTES, 231
iTiankre qui reftoit à découvrir 5. & que j'ai
tâché de pénétrer.
Mes premières Obferyations fur notre grande
Chenille à tubercules^ datent du mois d'Août
1737: je ks repris en Juillet 1739 : mais dans
ces deux années je ne vis, guère que ce- que
M. de Reaumur avoit rapporté. Je le vis feu-,
lenient plus en détail , & j'apperc.us quelques
petites partiGularités. dont il n'avoit pas fait
mention. Je ne les indiquerai pas ici : elle^
n'auroient rien d'intéreirant- pour m.on Lecteur.,
Mais pendant que je compolbis cet Ecrit , lo
hafard m'ayant procuré une Chenille de cette
Efpece parvenue à fon parfait açcroilTement, j'ai
faifi avec empreirement cette occaiion de ré-
pandre quelque jour fur la conilruclion ds
notre Coque en entannpir. Dans cette vue , j'ai
eu recours à une expérience dont les, réililtats
m'ont paru devoir être mftructifs. Voici le précis.
de ces nouvelles Obfervations.
Ma Chenille s'étoit ét.iblie contre le couver^
de du poudrier. Ce couvercle étoit de papier.
La Coque y étoit appliquée fuivant fa longueur ,
& elle y étoit retenue par de forts liens de Ibie
tres-mujtipliés. Elle avoit déjà acquis . la formq
& les proportiaus: qu'elle devoit avon- : l'enton^
P4.
ni OBSERVATIONS
noir extérieur ctoit bien faqonné 3 & il ne rcf-
toit; plus à la Fileufe qu'à fortifier de plus en
plus Ton tiiTu par de nouvelles couches de foie i
car i! étoit fi mince encore , qu'il cédoit à une
légère prelîion-
Je viens de le dire : c'étoit fur-tout la ma-
nière dont la Chenille s'y prend pour exécuter
fon entonnoir , que je defirois le plus de dé-
couvrir. J'étois arrivé trop t:^rd : il étoit déjà
conftruitj & je ne pouvois plus efnérer de rien
découvrir d'intéreifant au travers d'un tiiîu de^
venu prefqu'entiérement opaque , & qui le de^
venoit davantage de moment en moment. J'ai
donc elTayé de mettre l'ouvrière dans la néce{l
fité de conftruire fous mes yeux un autre en-
tonnoir. Pour cet effet , j'ai coupé circulaire,.
ïnent avec des cifcaux le bout pointu de la
Coque , précifément à l'origine de l'entonnoir.
Peu de momens après , j'ai vu la Chenille
avancer fa tète vers la brèche , la porter enfuite
en avant & hors de l'ouverture , l'appliquer
contre ie papier auquel la Coque étoit aiiujct-
tie , y coller un ni de foie , rameiier f i tète en
ligne droite , mais dans une direcPdon oblique ,.
vers le bord de la brèche , 8c y attacher le fil
qu'elle venoit de tirer.. Ce fil étoit aifez gros.>
SUR LES INSECTES. 235
très-brillant , & long crenviroii cinq lignes. La
Chenille avoit donc parce fa tète a cinq ligne»
des bords de rouverture. Il étoit aile de recon-
nokre que ce premier fil déterminoit la lon-
gueur que devoit avoir le nouvel entonnoir
que la Chenille entreprenoit de coadruire. Après
avoir tiré ce premier fil , elle en a tiré un
fécond , qui lui étoit à-peu-près' parallèle , &
dont elle a collé de même Textrémité au bord
de la brèche. L'ouvejfTîire de cette brèche étoit
prefque circulaire j c'étoit à-pcu-près le fommet
d'un cône tronqué : pour y pratiquer un en-
tonnoir 5 ou ce qui revient au même , pour
prolonger le cône d'environ cinq Ugncs , il ne
s'agiiToit que de tirer du plan de pofition aux
bords de l'ouverture , ou des bords de l'ouver^-
ture au plan de poiition , des fils dont les plus
longs eufient au moins cinq lignes , & de les
coucher en ligne droite les uns près des autres,
de manière qu'ils fe touchaiiënt tous , & qu'ils
convergealTent tous vers le même point. Ça été
précifément ce que ma Chenille a exécuté fous
mes yeux. Elle a tiré en ligne droite , & fous
un certain angle , une fuite de fils fort gros &
fort tendus, prefque parallèles les uns aux au-
tres , ou du moins peu divergens , inclinés à
Taxe de la Coque , & qui ont embraiié exade-
iiient tous les coJitours.de l'ouverture. Ainû ,
234 OBSERVATION 5
tous, ces fils droits , femblables à de très-petites
baguettes, ont été collés par leur extrémité in-
férieure tout autour des bords de la brèche , &
par l'extrémité oppolée ils Pont été au plan de
polition , ou les uns aux autres: on comprend
alîez que le plus grand nombre a dû l'être de
cette féconde manière y puifque la Coque ne
touchoit au plan que par une afTez petite por-
tion de fa furface. La foie de notre Chenille
abonde en fubilance gommeufe , & c'eft princi-
palement à cette fubttance qu'elle doit fon îuitre :
elle lui doit encore une partie de fa confîttance.
Les fils de cette foie ont donc beaucoup de
difpoiition à fe coller les uns aux autres , & au
plan de pofition. Ils font de plus prefqu'aulîî
gros que des cheveux y & ceux qui forment
Fentonnoir font les plus gros de tous. De-là ,
leur aptitude à repréfenter les baguettes qui en-
trent dans la conftrudion des naiîcs à prendre
le Poilîbn^
Ici je ne puis m'empêcher de fixer l'attention
4e mon Lecteur fur la diverfité fi remarquable
des procédés de notre adroite Fileufc, relative-
ment à la fabrique des différentes parties de
fon tiifu. Lorfqu'elie jette les fondemens de la
Coque , ou qu'elle en façonne le corps , elle
trace, avec fa. filière une- multitude de zigzags,
SUR LES INSECTES, 23f
cntrelafrés les uns dans les autres , & formés
par les plis & replis , ou par les circonvolutions
prodigieuiement multipliées d'un même £1. J'ai
vu de ces zigzags traces avec autant de préci«
fion & de grâce que ceux qu'une main habile
traceroit fur le papier avec une plume ou un
pinceau. Mais quand elle vient à s'occuper de
}a conftrudion des entonnoirs , elle change eu^
tiércment de procédé : ce ne font plus alors
des zigzags qu'elle trace : une pareille difpofi-
tioii des fils ne conviendroit point à cette par-
tie de l'ouvrage : elle tire donc des fils droits ,
forts 5 alfez courts & bien tendus , qu'elle cou-
che prcfque parallèlement les uns aux autres,
& qu'elle incline vers l'axe de la Coque de
manière qu'ils convergent toUs vers le même
point.
Notre ouvrière s'eft montrée aufïï diligente
qu'induftrieule : en moins de trois quarts d'heure,
le nouvel entonnoir étoit déjà très-reconnoilîa-
ble. Elle l'a perfedionné de plus en plus pair
l'augmentation du nombre des baguettes s &
bientôt j'ai vu un entonnoir auiîî grand 8c
aufîi parfait que le premier. On juge bien qu'il
ne m'a pas été poffible de la fuivre dans la
conftrudion. de l'eiitonnoir -intérieur : l'opacité
çlu tiifu ne me l'a pas permis : mais ce que j'ai
23(5* OBSERVATIONS
dit de h conllruclion de rentonnoir extérieiir,
ne laiile rien à defirer ici relativement à l ei-
ientiel de la manœuvre.
Je ne l'ai pas dit encore ; il eft temps que
je le dife : je ne m'étois pas borné à enlever
les entonnoirs : j'avois encore ouvert la Coque
parallèlement à Taxe , & fur une longueur de
plus d'un pouce. Les bords de la brèche s'é-
toient aufTi-tôt écartés Tun de l'autre , & l'ou-
verture en étoit devenue bien plus grande. Elle
laiiîbit à découvert une partie allez confldéra-
ble du corps de la Chenille. Après avoir tra-
vaillé à la reconftrudion de Pentonnoir , elle
s'eft occupée à réparer la grande brèche longi-
tudinale. Ici encore elle a varié fes procédés.
Elle a commencé par tirer des fils de l'un à
Fautre bord de la brèche. La plupart étoient
plus ou moins obliques à l'axe de la Coque :
quelques-uns lui étoient perpendiculaires. Les
fils obliques fe croifoient de plus en plus y Se
tous tendoient à rapprocher infenliblement les
bords oppofës de l'ouverture. Je la voyois dimi-
nuer peu-à-peu. Et comme le tifTu de la Coque
n'avoit pas pris encore toute fa confidance ,
radioii des fils tranfverfiux n'en étoit que plus
efficace. Mais j'ai cru obferver que la Chenille
recuuroit à un moyen beaucoup plus, efficace
I
^ SUR LES INSECTES, 2t37
pour forcer les deux bords de la brèche à ie
rapprocher de plus en plus : j'ai vu aiîèz dif-
tin dément , qu'elle faifiifoit avec fes premières
ïambes les fils tranfverfaux , & qu'elle les tiroit
à elle : elle fembloit pefer delTous de tout ie
poids de fon corps. On conçoit facilement quel
grand effet devoir produire cette nouvelle ma-
nœuvre. Auffi les bords de Fouveirture fe rap-
prochoient-i1s beaucoup plus , & bien pkis
promptement. La Chenille continuoit toujours
à tirer des fils de Pun à l'autre bord , & à for-
tifier fon tilîu. Tout cela a été exécuté fî vite
&:'Ci bien, qu'au bout d'environ deux heures, la
Coque s'eft trouvée parfaitement clofe. On ne
voyoit plus à la place de la brèche qu'un léger
trait, qu'une petite rainure tres-peu profonde,
qui ne régnoit pas même dans toute la lon-
gueur de la brèche : les deux bords avoient été
réunis avec une précifion Se une propreté que
}e n'ai pu me iaifer d'admirer.
238 0 B S E R V A T I 0 K S
O B S E Pv V A T ï O N XXIV.
S//r mie Chenille qui fe conjtruit une jolie Coque
avec de la joie , j^s plus petits poils ^ ^ une
matière graijfeiije.
V.
Armi les Chenilles qui fe cônflniifent des
Coques , il en eft beaucoup qui , n'ayant pas
une alTez grande proviiion de foie pour donner
à leur tillii la conliitance & Topacité qu'elles
veulent , lavent y fuppléer par des matières
étrangères. Les unes introduifent dans les mail-
les leurs propres poils j d'autres y font péné-
trer nue matière plus ou moins gralfes d'autres
emploient à la fois une femblable matière &
leurs propres poils j d'autres enfin rendent leur
ouvrage plus folide encore en y inférant des
fragmens de bois ou des grains de fible. Rien
ii'eil; plus propre à intéreiièr la curiofité d'un
Obfervateur Philofophe que ces variétés ii re-
marquables dans l'architedure des Infedes de
la même clafle , & nous avons à regretter que
des Naturaliftes célèbres fe foicnt plus occupés-
de la clalFification de ces petits Animaux , que
de leurs mœurs & de leur induftrie. Non-feu-
lement on oblérve des différences frappantes
dans la manière de bâtir des Infectes d'une
SUR LES INSECTES, -239
îîième clafTe ; mais on peut encore en occafion-
lier de nouvelles chez les individus d'une même
Elj)ece , foit en les privant de matériaux dont
ils ont coutume de fe fervir , foit en leur en
fubltituant qu'ils n'ont pas accoutumé de met-
tre en œuvre 5 foit enfin en les plaçant dans
des circondances où ils ne fe feroient pas trou-
vés s'ils avoient été ialifés à eux-mêmes. J'en
donnerai des exemples dans les Obfervations
qui fuivront immédiatement celle-ci.
Le 26 de Juin 1737, je trouvai une gv-ànàQ
Chenille velue, à feize jambes, dont les poils
aifez épais ae partoient point de tubercules. Ils
étoient courts , & d'un roux un peu argenté.
La féparation des anneaux écoit marquée par
des raies tranfverfes de couleur noire , féparées
par de plus petites taches de couleur blanche.
On voyoit fur chaque anneau fix taches noires
aHgnées avec ordre. Quand on touchoit cette
Chenille , elle fe recourboit ou fe replioit fur
elle-même en manière de cerceau ou en fpirale ,
& demeuroit long-temps dans " cette litiiation.
Le premier de Juillet , fur les dix heures du
matin , elle commença à travailler à fi Coque.
La foie qu'elle tiroit de fa- Eliere étoit d'un
jblanc jaunâtre. Tandis qu'elle mettoit cette foie
240 OBSERVATIONS
eu œuvre , j'obn^rvai qu'il fortoit de Ton der-
rière une matière grailleufe un peu plus jau-
nâtre que la foie , qui {Iiiit le tiilu. Mais il ne
ibrtic qu'une très-petite quantité de cette ma-
tière 5 & elle fe deirécha peu-à-peu. Pour donner
la forme à fi Coque, pour la niouler, fi je puis
parler ainfi , la Chenille difpofoit fon corps le
plus fou vent en manière d'anneau applati. Cette
Coque n'étoit point recouverte d'une forte de
bourre , comme celle du Ver-à-foie : elle étoit
parfaitement à nud. Sa grandeur ne répondoit
point du tout à celle de la Chenille , & c^cft;
une Obfervation que bien d'autres Efpeces de
Chenilles donnent heu de faire (*). Ma Chenille
travaiiloit avec beaucoup de diligence : au bout
de quelques heures , la Coque étoit déjà fa-
çonnée , & fon tiifu étoit aifez ferré ; mais il
étoit néanmoins aifez tranfparent pour permet-
tre de voir diftinclenicnt la Chenille. Une heures
s'étant écoulée , quelle fut ma furprife de voir ,
au lieu d'une Coque blailchâtre Se tranfparente ,
une Coque jaune & partiutement opaque î L'ou-
vrière y avoit répandu une abondante dofe de
fa matière graiifeufe , qui avoit pénétré toute
répailfeur du tiifu , & en aVoit rempli toutes
les mailles. L'extérieur de la Coque en avoit
pris un œil luiiànt. A mefure que fenduit fe
C) Voy. robf. I.
deifécha.
^SUR LES INSECTES. 241
ijefîecha , fa couleur fe ternit , & elle le rem-
Ibrunit ua peu.
Uke quinzaine de jours après, je remarquai
(que la Coque étoit ouverte par un de fes bouts ,
»& qu'il en fortoit quelque choie de noir , que
je crus d'abord être le Papillon : maii, Payant
çobfervée de plus près, je reconnus , que ce que
je prenois pour le Papillon étoit la dépouille de
Chenille. Je regardai au fond de la Coque , 8c
j'y apperqus deux petits corps noirs , de forme
fphéroïde , qui m'apprirent que ma Chenille
avoit été piquée par une Ichneumone qui avoit
dépofé fes œufs dans fon intérieur , dont étoienc
fortis des Vers , qui s'étoient niétamorphofés
^n boule alongée (f) , ou dont la Nymphe s'étoit
faite une Coque de la peau même êm Ver.
Dans le milieu de Juin 1739 , on me remit
îine Chenille de l'Efpece de ia précédente, &
^qui me fournit l'occafion d'obfeiver mieux en-
core que je ne Pavois fait , la n^aniere dont
cette Efpece conftruit la Coque. Je n'avois jamais
v\x de Ctienille travailler avec plus d'adivité
que celle-ci. En peu de temps , tous les contours
de la Coque furent tracés y & déjà elle avoit
pris fa forme. Elle étoit fort tranfparente. Je
<*; Mém.fur les Inf. T. IV,, Mém. VII.
Toins IL «d.
243 OBSERVATIONS
voyois la tetc de la Chenille fe promener d6
tous côtés dans riiitéiieur , la filière <>''alongcr
comme un bec ^ & laiircr cou!er le £1 de foie
dont les circonvolutions fornKdcnt le tiifu def-
tiné à fervir de fondement à tout l'ouvrage.
J'étois toujours frappé de la rapidité de Texé-
cution : on eut dit que la diligente ouvrière
fentoit qu'elle n'avoit pas Un feul infcant à per-
dre. Qiiand elle eût donné à fon tiilii un cer-
tain degré de confiftancc , & qu'il fut devenu
aire2: ferré , j'apperqus de très-petits poils , fore
courts , qui s' ele voient fur fa fur face. Peu de ..
niomens après , j'obfervai que la Chenille ré-
pandoit de tous côtés une matière graife. Cette
matière paroiifoit fortir de la bouche , ou au
moins c'étoit la bouche qui la diflribuoit de
tous côtés. Elle fe répandoit dans le tiiiu foyeu^:
comme une goutte d'eau ou d'huile dans un
papier brcuillarâ. La ccmparaifon ifétoit pour-
tant pas parfaitement exade : notre matière^
graJifeufe ne fe répandoit pas autant en lar-
geur que la goutte d'eau ou d'huile : elle c(^u-
ïoit plutôt comme un pe:it ruiifeau qui va en ;
ferpentant , 3c qui près de fa fource , ne fe
montre que comme un filet , mais qui va tou-
jours en croiilant à proportion qu'il s'en éloi-
gne. La Chenille diftiibuoit fa matière grailfeufe
avec autant de céléilté qu'elle £ioit: mais après
SUR LES INSECTES. 249
j^u'elle en avoit diftribué une certaine quantité,
ou qu'elle avoit enduit une certaine poftioii
du tiifu , elle celToit d'en répandre , & je ne
voyois plus lortir que le fil de foie. îl s'écouloic
un-temps avant qu'elle répandit une féconde
dofe de fon enduit graiileux j & je ne remar-
quois pas qu'elle oblervàt un certain ordre dars
fa diftributiOii 5 qu'elle enduisit d'abord un de;-;
bouts de la C;îque , puis le bout ODpofé , &c. :
elle diltribuoit indiifércniment ion enduit dî
tous côtés: aullî la Coque prit-elle bierSbt ui
œil marbré, qui la fit reiîcmbler aux œufs di
quelques Oifeaux. La marbiure étoit produ:t.i
par le mélange de la couleur de la foie avec
celle de t'enduit. Mais peu-à-peu la marbrure
difparut, 8c la Coque devint entièrement de la
couleur de l'enduit.
Je m'attendois toujours à voir ma Chenille
coucher de leur long les petits poils qu'elle
avoit fait pénétrer dans les mailles du tiitli
foyeux , & qui s'élevoient perpendiculuiremeîii;
fur fa fur Face. J'avois vu d'autres Chenilles
coucher ainfi leurs poils , & les incorporer iî
bien dans le tiifu, qu'i's compofoient avec lui
une forte d'étolfe alfez unie , mi- foie 8i poi's.
Mais cette pratique ne fut point celle de notii
Chenille : elle laiiia les pofîi* dans La fituatioa
O 2
244 OBSERVATIONS
qu'ils avoient pris au moment qu'ils avoieiit
pénétré le tiHu : j'ai dit qu'ils étoient fort
courts; apparemment qu'ils i'étoient trop pour
pouvoir être couchés dans les mailles , & faire
corps avec elles. Ils étoieut roides & fort pref^
fés. Lorfque j'appliquois le doigt fur la Coque :.
elle y reftoit attachée , & je la faifois ainfi
changer de place à volonté. Les poils s'enga-
geoient dans la peau de mon doigt , Se y rete-
noienula Coque. Le travail de la Chenille lui
donna beaucoup de confidance : elle réfiftoit
bien à une affez forte prelîion. Sa forme étoit
agréable : elle étoit celle d'un cylindre arrondi
par les deux bouts. Elle fembloit vernie , tant
i'enduit avoit été proprement & uniformément
diftribué 3 mais le vernis en étoit un peu mat.
Au refte , la Chenille dont je viens de dé-
crire les procédés , eit la même qui eft repré-
fentée N^. 98 de Goëdaert. Je n'en ai pas eu
îe Papillon.
^^
SUR LES INSECTES. 24f
^^ ^^^:^ ^ ?^g^
OBSERVATION XXV.
Sur les Coques de foie & de poils , que fe conf-
truifent quelques Effeces de Chenilles à brolTes.
Coque double qu^une de ces Efpeces faroït fe
conjîruire.
JLL eft quelques Efpeces de Chenilles velues ,
de grandeur médiocre , dont les poils font ar-
rangés par gros paquets en manière de broffes ,
ce qui leur a fait donner le nom de Chenilles
À broffes. Cet arrangement fingulier des poils
eft bien propre à caradérifer ces Chenilles , &
à leur attirer l'attention. D'autres poils , un peu
plus longs , placés près du derrière & raffem-
blés de même en paquets , imitent aifez la forme
d'un pinceau. Ces Chenilles paroilTent ainfi fort
joliment vêtues. Je ne les décris pas ; je ne
fais qu'indiquer leur principal caractère. Toutes
appartiennent à la nombreufe claiie des Che-
nilles à feize jambes.
Au commencement de Juin 1738 5 on me
remit une de ces Chenilles à brojfes , qui avoit
été, trouvée fur le Noifettier. Elle étoit de la
mênae Efpece, ou du moins du même Genre
0.3
24^ 0 B s E R V A T I 0 N S
que celle dont M. de Reaumur a fait meiitioa
clans le Tome I de fes Mén>oires , page 88 , &
qu'il a fait repréfenter Pi. Il, Fig. 2i du même
'\^:>lunic. Peu de temps après , elle travailla à fa
Coque. Elle y lit entrer fcs propres poils , & je
trouve dans rnon Journal , qu'elle fe les arra-
cha.- Elle en forma une Coque de figure ovale ,
un peu renflée dans, le milieu > mais dont îe
tilllî mi-foie & poils étoit 1j mil, ce , qu'il ne dé-
roboit point la vue de l'mtérieur. On voyoït
très-bien au travers la Chryialide , qui étoit d'un
liOir luifant. La Chenille avoit recouvert fa
Coque d'une enveloppe de foie blanche , affez
Jemblable à l'enveloppe qui recouvre la Coque
du Ver-à-foie.
Vers la mi-Juillet, le Papillon fortit de cette
Coque. Il étoit contrefait. Il portoit fes ailes eu
toit arrondi. Ses deux premières jambes étoient
fi groâes & fi velues, qu'elles caclioient toute
la tète. Ses antennes étoient en plumes , & fa
couleur étoifc un gris cendré. Je ne pus lui
trouver de trompe. C'était une fem-elle. Elle
pondit des œufs de couleur grife , de figure
ronde , mais applatie , au centre de chacun def^
quels on appercevoit uî.î petit trou ou plutôè
iJiie fc/rte d'ejifoncement. isotre Fupillon m'ap-
prio (^u'îi écoit du. nombj:(i d^ ceux c^ui preu-
SUR LES INSECTES. 2^
n-ent la précaution de recouvrir leurs œufs t^e
leurs propres poils.
J'EUS dans îa fuite d'antres Cheni'.'es /î hrof-
fes ^ UU1 cpnrtruifirent des Coques qui reir.b'oicp.t
faites entièrement de poils , & dont la forme
étoit auiîi ova'e. Cependant, quoique le tiiih
foyeiix ne fe montrât pas dans ces Coques , je
ne pus douter de Ton çxiftence. .Tous les poi's
etoient Ci bien liés les uns aux autres , qu'ils
ne formoient qu'un tout , Se ce n' étoit qu'avec
peine que je parvenois à les féparer les uns
des autres. Cette petite opération me manifcft.i
rexiilence du tiifu foyeux. Je m'en aflurai mieux
encore en déchirant une de ces" Coques : elle
me £t éprouver une rcfiftance qui m'annouqa
alTez que je ne féparois pas iiraplemcrit d.^^
poi'S 5 mais que je rgmpois d'ailez forts liens
de foie.
La Chryfalide de ces Cliéniîles a une form&
fingulicre. Elle eil bien de la elaif:? des coni-
ques , quoique fa forme femblât devoir l'en
exclure. Elle va infenfiblement en augmentant
de groiTeur depuis la tète jufques vers le cin-^
quieme anneau. Là , elle diminue tout-à-coup de
diamètre ; & ' cette diminution accroît de plus
en plus jufqirau derrière. Le fixieme & b
^4
243 OBSERVATION S
feptieine aiineau rentrent dans le quinzième^,
au point de ne lailTer appercevoir qu'une très-
petite portion de leur contour..
Dans le curieux Mémoire C^) où M. de
Reaumur traite de la conftrudion des Coques
de foie & de poils , il donne la deicription d'une
Chenille à hroffes , qu'il avoit vu fe flùre une
Coque de ce genre. " Lies poils de cette Che-
^ nille, dit-il, ont une couleur de foie blanche
gg immédiatement après la mue ; enfuite ils de-
35 viennent blonds, pourtant tantôt d'un blond
33 plus blanc , & tantôt d'un blond plus roux,
35 Ceux"^ qui font employés à former les broffes,
55 ont quelquefois leur pointe couleur de rofe«.
33 La Chenille a auiTi fur le derrière un pin-
55 ceau de poils dont le bout eit couleur de
,5 rofe. Ces couleurs tendres y & la. diftributioii
., des poils , font ini fort joli habit de Che-
^ nille. Elle paroit- encore mieux vêtue, quand
55 eHe fe ccurbe \\n peu y que quand elle eft
^ alongéc j alors les intervalles, au moins- de
55 trois, anneaux , paroiiTent > ils font du plus
„. beau noir velouté , &c. ,5 J\ii eu cette Che-
nille tandis que i'écrivois. ceci v & l'attentioiî
^ue - je lui ai donnée & qu'elle méritoit , m'a
SUR LES INSECTES. 249
valu quelques faits qui avoieiit échappe à fon
Hiftorien.
Je ne coiinois point de Chenille de cette
clalfe qui foit plus tranquille que celle-ci ne m'a
paru Tètre. Elle fait peu de chemin , & fa mar-
che eft allez lente. Elle fe tient ordinairement
fous les feuilles dont elle fe nourrit. Je l'ai
nourrie de celles du Prunier : M. de Reaumur
avoit nourri les fiennes des feuilles du Châ-
taignier. J'ai lieu de croire qu'elle mange auilî
celles du Charme , & probablement celles d&
quelques autres arbres.
Ça été le 26 de Septembre , fur les fix heu-
res du matin , que ma Chenille a commencé à
travailler à fa Coque. Ce qui m'a d'abord frappé
dans fon travail , qa été de longs fils droits ,
incomparablement plus gros que les fils ordi-
naires de cette Chenille , qui étoient tendus
depuis les parois du poudrier jufqu'aux bords
extérieurs de la Coque commencée. La Chenille
avoit tendu de femblables fils des deux côtés
oppofés de la Coque. La longueur d'un de ces
fils étoit de prrès d'un pouce : les autres avoient
depuis trois lignes jufqu'à fix ou fept. Il fem-
bloit que ce fuifeiit de petits cables que l'ou-
vri-ere eût tendu pour aiErmer Ion petit édifice.
2^0 OBSERVATIONS
Ils ne paroidoient pourtant pas devoir produire
cet effet. En .examinant rcxtrcmité inférieure
de ces petus cables , j'ai remarqué qu'ils \c
divifoient à cet endroit, comme pour embraffcr
une plus grande étendue de terrein , ou former
fur le verre une forte d'empâtement. Ces fils
en manière de cables , m'ont rappelle ceux de
la Moule. Dans ce même endroit où ces £ls.
s'attachoient au. verre, on voyoit une niulti-'
tu de de fiis très-fins , très-ferrés , dirpofés en
manière de zigzags irréguliers , qui formoient
fur les parois irtérieurcs du vafe , de petites
taches blanchâtres 8i brillantes d'une à deux
lignes de largeur. La divifion des gros ùh à leur
extrémité înférit;ure-indîquoit affez qu'ils étoient
formés de la réunion de pîufieurs £ls. Ces efpe-.
ces de cables n'étoient pas Jiombreux : il n'y
en avoit guère que quatre à cniq qui fuifent
fort apparens , mais tous étaient tendus eu
ligne droite.
J'ai été furpris de la grandeur que la Chc«
îiilie donnoit .à fa Coque : elle n'étoit point du
tout proportionnée à celle de fon cotps. La
Chenille y étoit extrêmement au large. La forme
de cette Coque n'étoit pas bien régulière. Llle
étoit fort large proportionnellement à fa lon^
gueur > & relfembloit plus à ojiie forte de pochq
SUR LES INSECTES. 2St
«u de f!ic qu'à une véritable Coque. Sa largeur
étoit de dix iigncs ; fa longueur de quatorze.
Un de fes bouts étoit coupé quan;ément, <Sc la
ligne droite qui le terminoit avoit une longueur
de cinq lignes. Cette Coqu^ , ou Ci l'on veut
cette forte de poche , écoit aifez applatie fur les
côtés,
La Fileufe -, comme on le juge bien , ne fe
fervoit pas de fou corps comme d'un moule
pour donner la forme à fa Coque. Le moule
auroit été trop difbroportionné. Elle portoit
fon corps tantôt d'un côté , tantôt d'un autre ,
&: par-tout je la voyois promener fa tète à droit
& à gauche avec aifez de lenteur. Il m'étoit
aifé de reconnoltre qu'elle tiroit des £ls de foie
de tous côtés. Sa filière étoit fouvent en vue.
Ces fils , qui étoient d'une grande finelfe,
n'étoient pas difpofés comme le font ordinaire-
ment ceux des Chenilles qui ié conftruifent des
Coques de Ibie : ils ne formoicnt pr.s des zig-
zags : mais les uns traqoient des lignes droites >
les autres , des courbes plus ou moins irrégu-
Ueres. Les fils droits paroiiroient les plus nom-
breux lorfqu'on rcgardoit la Coque par-dehors.
On jugeoit encore de cette dircdtion en fuivanc
les mouvcmens de ia tète., tandis que la filière
3T2 OBSERVATIONS
îaiiïoit couler le fil. Ces fils droits revenoient
fouvent -lur eux-mêmes, & traçoient des lignes
parallèles à la première ; mais qui quelquefois
divergeoient plus ou moins. Leur couleur dtois
u.i blanc argenté tirant fur le grifàtre.
Notre ouvrière ne travailloit pas avec beau-
coup d^adivité : elle fe repofoit fréquemment,
8c ces intervalles de repos étoient plus ou.
moins longs.
Son tilfu demeuroit Ci tranfparent qu'il ne
déroboit aucune de fes manœuvres. Je la voyois
s'occuper à le fortifier de plus en plus par l'ap-
plication luccefTive de nouveaux fils. Cependant
il ne perdoit rien de fa tranfparence.
I Je l'ai dit : c'étoit contre les parois du pou-
drier que ma Chenille s'étoit établie : elle ne
pouvoit donc mieux fe placer pour fatisfaire
rObfervateur. Mais ce que je n'ai pas dit , c'eft
qu'elle avoit recouvert fa Coque d'une feuille
de Prunier qui s'étoit trouvée dans fon voifi-
nage. Comme cette feuille me déroboit une
partie des manœuvres de l'ouvrière , j'ai tenté
de l'enlever délicatement , fins rien déranger
dans le tilTu , & j'y fuis parvenu.
Tous les contours de la Coque, quoxqu'im ,
SUR LES INSECTES, 1255
peu irréguliers , étoient parfaitement bien ter-
minés , & je ne pouvois douter qu'ils ne fufTcnt
bien ceux d'une Coque , & non d'une fimple
enveloppe , telle que celle que le Ver-à-foie &
beaucoup d'autres Chenilles donnent à leur
Coque. Cette dernière me paroilîbit diiférer par
plus d'un caradgre de la Coque que j'avois
fous les yeux. Je n'ai donc pas été médiocre-
ment furpris , lorfque dans l'après-midi du même
jour , j'ai apperqu les commencemens d'une
féconde Coque beaucoup plus petite , que la
Chenille conftruifoit dans l'intérieur de ki
grande. Cette féconde Coque étoit de la cont
truction la plus régulière. Sa forme étoit ovale.
Elle avoit onze lignes de longueur , far cinq
de largeur j & la Chenille la conftruifoit à-peu-
prçs au milieu de la grande Coque : un de fes
bouts touchoit le bout quarré de celle-ci.
Quoique cette féconde Coque fût confidé-
rablement plus petite que celle qui la renfer-
moit , la Fileufe ne laiffoit pas ày être alfez au
large : auffi n'étoit-ce point en contournant fou
corps, tantôt en manière à S , tantôt en manière
d'anneau applati , qu'elle lui donnoit la forme
& les proportions qu'elle devoit avoir, Elle alloit
&: venoit dans cette féconde Coque ? à-peu-pres
comme elle avoit fait dans la pren:ûere. Quand
2T4 OBSERVATION S
elle avoit travaillé quelque temps à Tun des
bouts, elle paiibk à Taucie: puis elle truvailloïC
fur les côtés.
J'ai remarqué qu'elle prenoit plus d'adivité
à meiure que fon ouvrage avanqoit. Les iuter- _
valles de repos deveiioient moins fréquents &
moins longs.
!
La Coque intérieure n'étoit pas moins tranf-
parente que la Coque extérieure , & il n étoit
pas moins facile d'y fuivre à Foeil tous les mou-
vemens de la Chenille.
Je ne doutois pas qu'elle ne fe fervît de fcs
poils pour épailîir fon tilfu , Se en diminuer la
tranfparence. Je la voyois néanmoins continuer
fon travail , fans qu'elle parût fe difpofer à y i
faire entrer les poiis dont elle étoit il bien
fournie. J'en appercevois bien qà & là quelques-
uns qui s'étoiciît détachés du corps , & que
i'ouvriere avoit couchés de leur long dans le
tilTu i mais ils étoient fort clair-femés j & je
jugeois facilement, qu'elle ne fe borneroit pi s
à inférer entre les fils une Ci petite quantité de
poils. Les autres Chenilles ii brcjfes que j'avoîs
obfervées , m'avoient alfez appris qu'elles n'ai-
ment pas que leur Coque demeure trop tranf-
SUR LES II^SECTES, aff
parents , & qu'elles entendent à la rendre plus
ou moins opaque.
J'etoiS extrêmement curieux de faifîr le
moment où la Chenille mettroit en œuvre cette
grande quantité de poils dont elle étoit vêtue ,
& qui me paroiifoient tenir aifez fortement à
fon corps 3 car la tranrparence du tiiTa me per-
mettoit de voir diftindemenc les brofTes , &
même de les compter 5 & j'obfervois fort bien
que les divers mouvemens que la Chenille fe
donnoit en promenant ion corps de côté &
d'autre , ne détachoient point les poils. Je n'ob-
fervois point non plus que la Chenille fe mit
en devoir de les détacher avec fes dents.
Pendant tout le temps que j'avois fuivi
notre ouvrière , j'avois été frappé d'une parti-
cularité que je ne dois pas paifer fous filence.
Ses jambes membraneufes s'alongeoient au point,
que dans certaines circonftances , on les auroic
prifes pour de petits Vers d'Ichneumones qui
fortoient du corps de la Chenille. J'étois même
obligé d'y regarder de fort près pour n'y être
point trompé ; car ces jambes ont une cou^euc
de chair qui accroît encore filluGon. Cet alon^
gement iî coniidérable des jambes membraneufes
de notre Chenule , ell très - remarquable. Oa
tlS'^ OBSERVATIONS
îî'ignore pas que , lorfque les Chenilles travail-
lent à leur Coque , elles approchent fort du
temps de la métamorphofe , & que leurs jam-
bes membraneufes , bien loin de s'alonger alors ,
fe contradent toujours plus ou moins. L'alon-
gement des jambes membraneufes de notre Che-
nille m'a paru lui être utile. Il lui aidoit mer-
veilleufement à fe cramponner aux parois fupé-
rieures de la Coque , tandis que renverfée ainfi
fur le dos , elle travailloit à en fortifier un
des bouts.
Enfin , le moment Ci déliré eft arrivé où la
Chenille a commencé à fe défaire de lit four-
rure , & j'ai eu le bonheur de le faifir. Il étoit
environ minuit. Voici comment la choie s'eil
paifée.
Le procédé auquel ma Chenille a eu recours
n'a reiîemblé à aucun de ceux que je con-
noiflbis , & que M. de Reaumu^ a décrits.
Quand je fuis revenu l'obferver & que je l'ai
furprife dans l'opération , elle étoit renverfée
fur le dos , Se fes jambes étoient tournées vers
ie haut de la Coque. Mais je dois faire obfer-
ver ici , que les deux Coques avoient été filées
de manière que leur grand axe coupoit à an-
gles droits l'axe du poudrier : leur longueur
étoit
SVR LES INSECTES. 2f7
^toit donc parallèle à rhorifon. Le corps de ia
-Chenille étoit étendu eii ligne droite dans la
Coque intérieure , & elie étoit dans une fitua-
tion renverfee comme je viens de le dire. Dans
cette fituation, je Tai vu porter brufquement
ion corps en avant & le retirer aulïi brufque-
ment en arrière , Se réitérer cette manœuvre à
plufieurs reprifes , & dans des ÏLiitervalles de
temps extrèmeme:it courts. Eue femb^oit fe
trémouirer violemment ou être ba'ottée avec
^iteife de devant en arrière Se d'arrière en
avant. Cela a duré un temps aifez long. Je m'é-
tonnois même que la Ch?:ii'ie ne le lairat pas
plutôt d'exécuter des mouvemens en appa-
ïence fi pénibies. 11 n'étoit pas difEcilc de de-
viner le but de ces mouvemens finguliers , fi
diiïérens de tous ceux que la CherJîle s'étoit
donnés jufqu'alors : ils tendoient manifcRcment
à détacher les poils. Cependant je ne les voyois
point encore fe détacher, quoique la Chenille
eut déjà exécuté fous mes yeux piuueurs balot-
temens. La rranfparence du tifTu ne paroîiroit
. pas s'altérer. Mais entm , après un bon nombre
<de pareils balottemens , j'ai vu des faifceaux
entiers de poils fe décacher, les uns d^un en-
droit , les autres d'un autre. Bientôt le tiifu a
perdu de fa tranfparence , & d'inliant en inf-
tant elle a dimuiué de plus en plu.. £Ue n'a
Tume IL S.
258 OBSERVATIONS
-pourtant pas diminué au point de me déroter
entièrement la vue de la Chenille.
A melure que les poils étoient détachés par
les babttemens réitérés de l'Infede , je ne les
obfervois pt)int percer le tiflu & fe montrer au
dehors , comme M. de Reaumur l'a raconté
de ceux d'une grande Chenille velue. Il reftoit
même un intervalle fenfible entre le haut des
brolTes & les parois inférieures de la Coque. Je
croyois voir afiex diftindement , que les poils ne
fe détachoient que parce qu'ils étoient forte-
ment fecoués par les trémoulTemens réitérés
de la Chenille. Je ne veux pas néanmoins laif-
fer entendre qu'ils ne frotaifent point contre les
parois de la Coque, & que ces frottemens ne
contribuafTent point à les détaclier. Les mouve-
mens que la Chenille fe donnoit étoient ii grands
& il brufques, qu'il falloit bien que les poils
rencontrairent fréquemment les pnrois de la
Coque. Comme j'obfervois tout cela à la lumière
d'une bougie, & que le tiffu étoit déjà devenu
un peu opaque , il étoit facile que bien des
petites chofes m'échappailent.
Je m'attendois à voir l'ouvrière diitribuer
fes poils à-peu-près également dans toute l'é-
tendue du tilTu 5 les coucher de leur long ,
SUR LES INSECTES. 2)9
■£ler par deiliis , & en compoier ainfi une forts
d'étotîè mi-foie & poiîs. C'eft pourtant ce qu'elle
n'a pas fait. Elle m'a paru Jaiiier les poils
comme le haiard les avoit placés : aulli en re-
nia rquoit-ou d'aliez gros faiiceaiix cpars qà &
là en divers endroits de la Coque , & qui
étoient plus ou moins engaj^és (dans le tulu.
On juge allez , qu'une diltnbution il niégale
des poils à du produire bien des inégalité^
dans l'opacité du tiiib j je devrois dire plutôt ,
dans fa demi-tranfparence. Je n'ai pu iuivre
plus long-temps ma Chenille, parce qu'il étoit
fort tard , & que mes yeux étoient fatigués par
une il longue oblérvation & par la lumière de
la bougie. Le lendemain matin, j'ai trouvé la
Coque dans le même état où je l'avois lailiée :
l'ouvrière n'avoit point touché à ces faifceaux
de poils dont j'ai parlé. Trois jours après elle
fi'eil changée en Chryfaiide conique.
M. de Reaumur a tait repréfenter la Coque
de cette Chemlie à troifes ("*") i & il a déiigné
par les termes d'enveloppe cotonneufe (*^) ce que
j'ai nommé la Coque extérieure. Mais je puis
dire i que cette enveloppe ne m'a point du tout
femblé cotonneufe : la ioîe dont elle étoit tuîuê
D Tom.î, PI. XXXÎÎÎ, Fig. 6 & 7.
(♦*) Ibiii, pag. 53^.
:lGo observations
m'a paru ne différer point de celle de la Coque
intérieure : & ce cjui n'eft pas équivoque -, les
contours de l'enveloppe étoient aufïî bien ter-
minés que ceux de la Coque intérieure : ils
n'en différoient qu'en ce qu'ils n'étoient pas aufS
réguliers. Je ferois donc porté à peu fer que
cette enveloppe eft moins une ilniple enveloppe
qu'une véritable Coque. Aulîi notre illulbre Ob-
ier vateur en parle-t-il ailleurs (*) comme d'une
véritable Coque. Qiielqîtefois , dit-il , le tijfit
extérieur eft plus ferré , il eft lui-même une pre-
miere Coque qui renferme la féconde : & il cite
pour exemple la Coque même de notre Che-
nille à brolTe. J'indfte là - deflus , parce qu'il
n'eft pas indifférent pour un Naturalifte , de la-
voir , qu'il eft des Chenilles qui fe conftruifent
de doubles Coques. On connoit des fauffes
Chenille^ qui favent fe faire de doubles Coques
plus remarquables encore, 8c dont je parierai
ailleurs.
Le 30 de Septembre, l'on m'a remis une
Chenille de la même Efpece que la précédente ,
& qui avoit atteint le dernier terme de fon
accroiffement. Le lendemain matin , elle avoit
gagné le haut du poudrier , & s'étoit cram-
ponnée contre le couvercle du papier qui en
i") Ibîil pag. 49Î-
SUR LES INSECTES. 26f
fermoit l'ouverture. Là ^ elle eft demeurée dans
rimmobilité la plus parfaite /ufqu'r.u 6 Qdobre.
Sa partie antérieure étoit courbée en arc , &
fa tète étoit ramenée vers les premières jam-,
bes. Cette attitude a peu varié. Cette lon^e
inadion ne m^a pas permis de douter qu'elle
ne fût malade ; j'ai foupqonné qu'elle nourrif-
ibit dans, fon intérieur des vers d'Ichneumones ;
& je n'efpérois plus de la voir fe mettre au
travail. Je me trompois néanmoins i & je n'ai
été défiibufé , que lorfque j'ai appercu quelques
fils de foie qu^elle venoit de tendre. C'étoient
de ces petits cables dont j'ai paxlé. J'ai donc
été averti qu'elle commenqoit à travailler à fi
Coque , & j'en ai été agréablement furpris. Pen-
dant la longue durée de fon înacl;ion , j'avois
fou vent jette fur elle quelques regards , 5c j'a-
vois toujours été frappé de falongement exccl-
fif de fes jambes, membraneufes : il contribuoit
encore à lui donner Pair d'une Chenille qui
foaiîre.
Notre fileufe a tendu un plus: grand nom-
bre de cables [ PL V , Fig. i.], & de cables,
plus longs que la précédente. Ils m?ont oiiert
les mêmes particularités elfentielles que ceux.
quo j'ai décrits. Ils fe divifoicnt de même en
piuiieuis. fils a leur extrémité inr5ri:u.j:e , o".
2^2 OBSERVATIONS
celle par laquell*.^ ils teiioient aux parois cfiî
poudrier & aux feuilles voiilnes : on obfervoi"
auffi à cet endrott de petites taches blanchâtres
& brillantes produites par des fils extrême-
ment Êns , qui vus de fort près, paroiiroieut
tracer des zigzags.
Tous ces cables alloient aboutir à la circon-
férence de la Coque dont la ii'eufe venoit de
tracer les contours. C'étoit la Coque extérieure:
fa îbrrhe étoit aiiez régu-iere,, & elle étoit bien
arrondie. Elle tenoit par un bout aux parois
intérieures du poudrier, & par wi de Tes grands
cordés , au couvercie de papier. Elle -avoit en-
i/iron dix- 1 mit lignes de longueur fur onze
îigrîes de largeur. Sa fituatton étoit horiforitale,
Comme celle de la DréccJente , & fon tijfu d'une
franfparence parfaite, lî étoit par tout uniforme.
Eli iin mot , tous les contours en étoient iî
éxaâ;ement tefrainés, qu'ils re^ réfentoient au
mieux ceux d'une véritable Coque.
Lê travaiî de ncftre Chenille ne nva rien
offert de nouveau. Elle s'y étoit prif? potir
taiîftruire c^tte grande Coque de ia. mème^ ma-
ipièfë préciiément que celle que j'avois obfer-
^ée peti de jours auparavant. Elle ne montroit
paS p\m d'a<Rivité ^ é^ le repoibit Iréquem-»
SUR LES INSECTES. 263
ment pendant un temps plus ou moins long.
Ce que je defirois le plus de revoir , c'étoit
Popération par laquelle elle ie déferoit de fes.
poiis pour les faire pairer dans fou tiifu. J'en
remarquois de longs qui étoient diiréminés qà
& là dans toute retendue de la Coque : ils y
étoient même en alfez grand nombre ; mais
leur quantité n'étoit pas telle qu'elle altérât le
moins du monde la tranfparence du tilfu.
J'ai dît que la Chenille avoit commencé fon
travail le 6 d'Odobre : c'étoit fur les fept heu-
res du matin^. Sur les onze heures du foir , elle
n'avoit point encore commencé à tracer les con-
tours de la féconde Coque ou de la Coque-
intérieure. Mais je dois avertir , que dans la
crainte qu'elle ne fe défit de fes poils au milieu
de la nuit & dans des momens où je ne pour-
rois i'obferver , j'avois tâché de retarder [\u
chev€ment de l'v)uvrage , en agitant de temps
eîi temps le poudrier lorfqu'elle fe mettoit au
travail. Ce moyen réu.iîîifoit toujours : la Che-
nille fufpendoit aulli-tôt fon travail , & ne le
reprenoit qu'au bout d'un temps plus ou moins
long. J'avois alfez obfervé , & mes yeux com-
mençaient à fouifrir : avant que de me r étirer ^
j'ai confié ma Chenille à mon Deffinateur ,
2^4- 0 B s E R F A T I 0 N :^
].a!''i;ne curieux' Se i-teiligent , & ce iva p.»»
été liins lui recommander o'interrompre le plus
f./Uvent qu'il nourroit le travail do la £'euie ,
par le même moyen que j'avois empioyti ik
qui m'avoit fi bien réufïi.
Environ demi-heure après , c'eft-à-dire , fur
les onze heures & demi , la Chenille u coin-
înencé à conftruire la féconde Coque. Alors
elle a montré phis d'aclivité , & fon adivité a
redoublé de plus en plus : elle a paru pielTce
de hnir fon ouvrage. On a voit beau agiter le
poudrier , on ne parveuoit que rarement à in-
terrompre fon travail , & quand on rinterrom-
poit 3 ce n'étoit que pour quelques ir.ftaijs: elle
ïeprenoit aulli-tôt le travail avec une nouvelle,
ardetin
J'ai fait remarquer , qu'il y avoit de longs
poils diiféminés dans le tiifu de la Coque exté-
rieure : je n'avois pas vu com.meiit ils y a voient
été placés , & j'avois fuppofé (implement qu'ils-
s'étoient détachés de la peau par quelques
irottemens , & que la Chenille n'avoit eu qu'à
ks recouvrir de foie. Les plus longs poils font
ordinairement les plus expofés aux frotternens.
Mais mon Defïiiiateur , qui n'avoit pas perdu
de vue notre Eleufe, a obfervé en ce genre
SUR LES INSECTES. 26%
des particularités remarquables. Tandis qu'il
fuivoit au milieu de la nuit , à la lumière d'une
bougie , toutes les manœuvres de la fileuie , <Sc
qu'il s'aidoit même du fccours d'une loupe ,
il Ta vu porter plufieurs fois fa tète vers
Faigrette de poils placée fur b derrière. Cette
aigrette qui , comme l'on fait , eft compofée des
plus longs poils , étoit alors dans l'ombre , &
rObfervateur ne pouvoit appercevoir ce que la
tète faifoit près de cette aigrette : mais lorlqiie
la tète étoit ramenée vers la lumière, il voyoit
diftindement un poil placé entre les dents de
la Chenille , & qu'elle alloit dépofer dans le
tiHu de la Coque intérieure. L'aigrette a dii^
paru peu-à-peu. Il y avoit d'autres poils répim-
dus fur les parois intérieures & inférieures de
la Coque : l'Obfervateur a vu encore diftnidle-
ment l'ouvricre faiiîr ces poils avec Tes dents ,
& les appliquer qà & là contre le tilTu foyeux.
Le 7 iur les fix heures du matin , je fuis re-.
venu obferver. La féconde Coque étok bioii
façonnée , & fon tiflu avoit déjà perdu un peu
de la tranfparence. Elle étoit couchée à-peu-
près dans le milieu de la longueur de la Coque
extérieure. Elle étoit donc , comme celle-ci j
dans une iîtuation horifontaîe. Eiie avoit en-
viron dix lignes de longueur fur fix ligues de
1^6 OBSERVATIONS
largeur. Le p?iient DcŒnateur avoit fuivi Pou-
vriere pendant toute la nuit & jufqu'au point
du jour.
Peu de momens nprès , j'ai vu la Chenille fe
donner de grands mouvemens de tout Ton
corps , fe balancer , en quelque forte , de de-
vint en arrière & d'arrière en avant. Elle fe-
contournoit alternativement en divers feus. Elle
abaiifoit & élevoit alternativement {ii partie an-
térieure & la poil:érieure. Eiîe réitéroit cela à
plulieurs reprifes. D'autrefois elle contournoit
fon corps en manière d'S ou d'anneau, & lui
faifoit prendre \u\ inftant après quelqu'autre-
attitude. D'autrefois encore , elle lui iaifoit exé-
cuter une forte de mouvement ondulatoire.
Pendant que ces divers mouvemens s'éxécu-
toient , les poils des broiTës fe détachoient de
plus en plus , & le tiifu devenoit de plus en-
plus opaque. Qiieiquefois , il fembloit quç la
Chenille fe renverfât fur le dos , pour fe remet-
tre enfuite dans fa première pofition. Je n'ofe-
rois néanmoins l'alfurer , parce que le temps
ctoit fort obfcur , & que le tiifu avoit beaucoup-
perdu de fa tranfparertce. . .
La Chenille a continué à fe donner ces-
grands mouvemens pendant près de trois qu^utb^-
^UR LES INSECTES scT^
J'heiirc : mais j'ni très-bien remarqué qirils fe
railentiiluient peu-à-peii : ils font cnSii devenus
fort lents oc de plus en plus ients. Je n'ai pu
méconnoitre leur effet. La Chenille ne pouvoic
exécuter de fi grands mouvemeriS , fans que les
poils des broiTes froitalfent continue! îemenc
contre les parois de la Coque. On voyoït à ne
pouvoir sy méprendre , que les frottcmens de
ces poils étoicnt très-fréquens. Et ce qui nxtoit
point du tout équivoque ; on appercevoit un
grand nombre de très-petits poils qui percoient
au travers du tiilii & qui fe niontroient à fi
furface. Des faifceaux de plus longs poils étoicnt
épars qà & là vers le bas de la Coque. La Che-
nille les a iaiffés où le hafard les avoit placés,
& n'a point enti épris de les diftribuer unifor-
mément dans le tiiiu. Ses forces étoieiit appa-
remment épuifées par les mouvemeriS violens,
qu'elle s'étoit donnés pour faire tomber les
poils. Apres leur chirte , le dos de la Chenille
ji'oriVoit pins aucun veftige de broiTes , & il
étoit à-peii-pres auiîi ras que celui des Chenil-
les rafes.
Cette Efpece de Chenille à broffes mérite
affurément l'attention des Obfervateurs j &
je luis bien éloigné de penfer qu'elle m'ait
moilUé tout fou favoir-faue. On pourroit la
26^ 0 È S E R V A T I O N s:
déterminer a changer ï-^'c fes manœuvres en:
la plaçant dans des circonftances qui lui fe-
roient fort étrangères , ou en la dérangeant
dans fon travail en lui enlevant une partie
plus ou moms confiderable de fon tiifu. Il
faudroit encore tenter de Pépiler avant qu'elle
commençât à conllruire fa Coque : il feroit
curieux de favoir , fi après avoir fini la fé-
conde Coque , elle fè donneroit les mêmes mou-
vemens que les Chenilles de fon Efpece fe don-
nent pour faire tomber les poils des brolFes.
OBSERVATIONXXVI.
Divers faits relatifs à l'art avec lequel la belle
Chenille du Bouillon-hlanc confriiit fa Coque.
j
E àéCîgne cette Chenille par Pépithetetde belle ^
parce que le Bouillon-blanc en nourrit une autre
qui ne luirelTemble ni par les couleurs, ni par la
taille. Le Bouillon-blanc eft très-commun le long
des grands chemins & n'eft connu des gens de la
Campagne que fous le nom de Bon-homme. Cette
Plante porte de grandes feuilles très-velues ou
très-cotonneufes , & pouife une tige droite qui
s'éleve fouvent à deux ou trois pieds de hau^
teur. C'eft fur cette tige qu'on découvre plus-
facilement la Cheuille dont je vais entretenit^
SUR LES INSECTES. 269
amoii ledeur. Le fond de fa couleur eft un
xilfez beau gris de p^rle , fur lequel font jettées
■de petites taches noires , qu'environnent d'au-
tres taches d'un jaune tendre. Cette Chenille
a feize jambes : elle ell rafe , & un peu au-deifus
de la grandeur médiocre. Elle eft aifez corn--
niune fur le Bouillon-blanc en Juin & Juillet.
M. de Reaumur en a donné l'Hiftoire ('^) ;
& quoique les faits qu'il en rapporta foient
du même genre que ceux qu'elle m'a offerts ,
je me perfuade qu'on ne fera pas fâché de
trouver ici le récit de mes propres Obferva-
tions. Je n'ai pas vu précifément les mêmes
chofes que ce grand Obfervateur , & il n'avoit
pas vu précifément les mêmes chofes que moi.
D'ailleurs , tout ce qui tient à l'induftrie des
Infedes eft bien plus propre a piquer la cu-
riofité d'un amateur , que toute autre particu-
larité de rinfectologie.
Notre belle Chenille du Bouillon-blanc fut
une des premières Chenilles qui fixèrent mon
attention , quand je commençai à m'occuper de
l'étude des Infedes. Je connoifTois fes p». jcédés
induftrieux , mais je vCcii avois pas été moi-
même le fpedateur , & je defirois fort de l'être.
Je ne négligeai donc pas de chercher cette
(*) Mém. fur Ui hif, T. I , pag. 575 & fuiv. PI. XLIIJ>
270 0 Ë s E R V A T I 0 M S
Chenille fur le Bouillon -bîanc : j'en trouvai
trois i\ii' le haut de la tige de cette plante le
6 de Juin 1737 i je les renfermai dans un
poudrier avec quelques feuilles de la plante
qu'elles aimoient. Elles en mangèrent fous mes
yeux ', mais ce ne fut qu'après qu'elles eurent
pris la précaution d'en écarter le duvet coton-
neux & allez épais qui les recouvroit. Il
n'ctoit pas apparemment un aliment qui leur
convint.
Le 9 du même mois , je remarquai qu'une
de mes Chenilles s'étoit cachée fous les feuilles
& qu'elle tiroit des fils de foie de tous les
côtés. Je jugeai aufîi-tôt qu'elle vouloit fe pré-
parer à la métainorphofe. Je la fis paifer fur le
champ dans un autre poudrier où j'avois eu
foin de mettre une certaine quantité de terre
féche , preiqu'auiîi fine que du iable ordinaire.
Elle ne tarda pas à percer cette terre & à s'y
enfoncer. Au bout d'environ trente-ilx heures ,
curieux de favoir (i elle avoit beaucoup avancé
fon ouvrage , j'inclinai doucement le poudrier
pour en faire fortir la terre qu'il contenoit.
Je vis paroitre fur le fond une coque de terre
de la fismre & de la ^^roifeur de celle du Ver-
ïVfoie. Elle avoit beaucoup de confilîance ; car
quoique je la preilaife uifez ent/re mes doigts ^
SUR LES INSECTES. 271
J-e ne la fentois pas céder à cette preffioii.
J'en conclus , que fi elle n'étoit pas enticre-
nient achevée , elle étoit au moins très-avancée ;
8c je préfumai qu'elle devoit être d'une épaif-
feur confidérable. Mais cela ne fatisfaifoic pas
ma curiofité -, je regrettois de n'avoir pu dé-
couvrir comment la Chenille s'y étoit prife
pour conftruire une pareille Coque. Dans la
vue de m'inftruire par moi-même de fon art ,
j'eus recours au moyen que M. de Reaumur
avoit lui-même pratiqué. Je fis une brèche à
la Coque : je l'ouvris à un des bouts. Je mis
aiafi l'intérieur à découvert. Je vis alors que
Ja Coque étoit un compofé de terre & de foie,
très-bien lié dans toutes fes parties & dont
l'épaiiTeur étoit de plus d'une ligne. Je pofai
la Coque de fon long fur un petit tas de terre
féche 5 & j'attendis avec impatience ce qui ré-
fuîteroit de' ma tentative.
Le bout par lequel j'avoîs ouvert la Coque
fe trouva répondre au derrière de la Chenille.
Elle ne pouvoit donc venir réparer la brèche
qu'après s'être retournée bout par bout. Ce fut
aufïi ce qu'elle ne manqua pas de faire , &
qu'elle exécuta très - promptement. Elle étoit
déjà fi raccourcie , qu'elle n'avoit guère que la
moitié de fa longueur , & fes jambes membra^
272 OBSERVATIONS
îieufes ctoieiit fi coiitradées qu'elle ne pou voit
plus en faire ufage. Quand elle eut amené ia
tète à l'ouverture de la brèche , elle la porta
en avant & tâta de tous côtés. Sa partie anté-
rieure étoit encore fufceptible d'un certain
alongement. En tàtant ainfi de tous côtés , elle
rencontra bientôt la terre fur laquelle repofoit
îa Coque. Elle prit entre fes dents un grain
de cette terre : elle alla le placer contre les
bords de l'ouverture j & pour le maintenir
mieux en place , elle le prella avec la tète j elle
s'ciForqa de le faire pénétrer entre les grains qui
compofoient les bords de l'ouverture , auxquels
elle le lia plus étroitement encore par des fils
de foie. Apres avoir mis en place ce premier
grain , elle porta de nouveau fa tète hors de
îa Coque , alongea fa partie antérieure , 8c s'a-
vanqa même il fort au dehors de îa brèche ,
que près de la moitié de fbn corps étoit à dé-
couvert. Elle failit un fécond grain, le tranf-
porta , le plaça , le preila <Sc l'aiiujettit , comme
elle avoit fait le premier. Elle contiriua fous
mes yeux la même manoeuvre , & l'on voit bien \
qu'elle tendoit à diminuer de plus en plus
l'ouverture de la brèche , mais je ne fais quel
mouvement elle fe doniia pendant le travail ,
qui la jetta hors de fa Coque. J'efpcrois qu'elle
y rentrer oit : elle ne fut pas parvenir à eu
enuisr
!SUR LES inSECTÈS. 275
enElcr rouveitiire. Je pris donc le parti de la
remettre moi-niènie dans fa Coque , mais elle
«n reifoitic (lias avoir repris le travail.
Ma curiufité n'ayant pas été entièrement
!atisfi\ite , je m'adreilai à une autre Chenille qui
étoit entrée en terre, depuis alfez peu de temps.
J'enlevai avec précauticrli toute la terre qui
recouvroit fa Coque , & je la hiis ainli entiè-
rement à découvert. Elle iVétoit ni auiîi groiib
m auiîi forte que la précédente. Je n'eus pas
befoin d'y faire une brèche comm-e j'avois £:it
à cette dernière. En la détachant du foiid du
poudrier fur lequel elle étoit appliquée de
ion long , il s'y • fit une ouverture à l'endroit
qui répoiidoit au fond du vafe. Cette ouver-
ture qui occupoit le mihcu de la longueur de
îa Coque , n'étoit pas il grande que celle que
-j'avois faite à un des bouts de l'autre Coque.
Pour réparer la brèche , ma Chenille ne s'y prit:
pas précifément comme celle dont j'ai parlé.
Elle ne porta point la tête hors.de l'ouveiture :
jnais elle tendit des fils de foie, d'Un bord à
l'autre de cette ouverture. Ces fils fe croifoient
de mille & miiie manières , & de la réunion de
tous ces fils fe forma peu-à^peu une toiîe ou une
forte de voile tendu au devant de l'ouverture,
^ qui ne me permcttoit plus de voir ce qui
To-Jie IL S
374 OBSERVATIONS
fe paflbit dans Pin tcrieur de la Coque. J-obfer-
vai feulement , que la Cheiuile pouiroit de
temps en temps la toile en dehors 5 mais je ne
pouvois démêler Ci c'ctoit pour y encliâirer
des grains de terre dont elle pouvoit avoir une
petite provifion , ou Ci c'ctoit pour forcer la toile
à prendre une convexité relative à la forme
de la Coque. Qiioi qu'il en foit y h brèche fut
parfaitement rebouchée à l'aide du nouveau
tilTu.
Le plaifir que j'avois gouté à fuivre de fi
près le travail de nos deux Chenilles me ren-
dit prefque dur à Tégard de celle dont je parle,
je n'a vois pas vu encore tout ce que je defirois
devoir. A peine eut-elle achevé de réparer le
défordre que j'avois occailoné a fon petit bà- |
timent, que je lui préparai un nouveau tra-
vail beaucoup plus confidérable que le premier 5
en faifant une large brèche à un des bouts de
la Coque. Qiioique la diligente ouvrière dût
être déjà aifez fatiguée & que Ci provifion de i
foie dût être fort épuifée , elle ne laiffa p.^s de 1
fe remettre à l'ouvrage & d'entrcprend*. de
réparer fénorme brèche , que je venois de iciire
u Cd Coque.
Son premier foin fut d'attacher un £1 . .i
SUR LES îJSiSECTES 27s
des bords de rouvercure : je la vis enfuite fe
fervir de ce £1 comme d'un petit cabîe pour
forcer le bord à Te courber en arc & à repren-
dre la forme convexe que je lui a vois fait per-
dre en ouvrant la Coque. Elle tira donc à elle
le petit cable , & quand elle eut donné au
bord de la Coque la convexité qu'elle lui vou-
loit , elle fixa le bout du cable à une des parois
intérieures , & parvint ainfi à maintenir le bord
de la brèche dans la fituation que reqiiéroit
la nature du travail. J'avois comme déchiré
les bords de l'ouverture : il y avoit donc des
portions qui failloient plus en dehors les unes
que les autres : la Chenille attacha de petits
cables à toutes les portions qui failloient trop
©u qui étoient trop renverfées ; & à l'aide de
ces cables , elle les redreiia peu - à - peu , les
ramena vers l'axe de la Coque , leur fit repren-
dre le degré de courbure convenable , & les
îliaintint dans cette fituation en arrêtant les
extrémités des cables aux parois intérieures de
la Coque. Quelquefois c'étoit avec fes dents
qu'elle forqoit les bords de l'ouverture à re-
j prendre la pofition & la courbure qu'exigeoit
I la forme de cette partie de la Coque. Par ces
' divers procédés, elle parvint enfin à rendre
l'ouverture allez exadement circulaire , d'irré-
i guliere ou d'échanerée qu'elle étoit auparavant.
S 2
27^ OBSERVATIONS
Il lui refloit à boucher cette grande oiivef*.
tiire , & ce n'étoit pas un petit travail. E!le s'y
prit d'abord de la même manière que la Che-
nille dont j'ai parlé au commencement de cette
Obfervation : elle s'avanqa hors de fa Coque ,
& alongea fa partie antérieure , tâta de tous
côtés avec fa tète jufques à ce qu'elle eut ren-
contré la terre féche fur laquelle repofoit foa
' petit bâtiment. Elle faifit avec fes dents un
grain de terre ^ qu'elle alla enchâlfer dans les
bords de la brèche , & après l'y avoir bien en-
châifé ou encadré , elle £la par deffus. Elle réitéra
pîuiieurs fois la même manœuvre. Enfin , comme
fi elle fe Rit lalfée de tranfporter un à un les
grains de terre , & de les mettre en place les uns
après les autres , je la vis en lier pluneurs en-
femble avec des fils de foie , en former un
paquet qu'elle tranfporta dans fa Coque 8c
qu'elle appliqua aux bords de la brèche. E:le
l'y arrêta folidenient à l'aide d'un bon nombre
de fils de foie -, puis avec i^à tète & fcs dents ,
elle donna à ce paquet de grains de terre la
forme & le degré de courbure requis. Elle tranf-
porta ainfi fous mes yeux & mit en place
plufieurs de ces paquets. L'ouverture de la
brèche fe rétréciifoit de plus en plus , & îa
réparation étoit déjà allez avancée, lorfque la
Chenille voulut aller travailler à l'autre extré-
SUR LES INSECTES. 277
mité de !a Coque. Elle 11e pouvoit y parvenir
qu'en fe retournant bout par bout & en amenant
fa tète à Tendroit où étoit auparavant fon der-
rière. Ei!e l'exécuta fort heureufement. Après
avoir travaillé quelque temps vers cette extré-
iTiité de la Coque , elle voulut revenir travailler ît
fermer la brèche. Pour cet effet , elle fe contourna
de manière que la tète & le derrière fe trou-
vèrent tous deux dans l'ouverture. Ils ne dé-
voient pas y relier : elle retira le derrière dans
l'intérieur de la Coque , & porta fa tète en
avant : mais ce grand mouvement ne fut pas
fans doute bien calculé : dans l'inftant où la
Chenille i'exécutoit , elle fut jettée entièrement
hors de l'ouverture. Il en fut de cette Che-
i nille com.me de l'autre ; elle ne fut point ren-
trer dans fa Coque ', Se lorfque je l'y eus moi-
même replacée ^ elle refufa d'y travailler & en
reifortit. Elle préféra de percer la terre à côté
de fa Coque , de s y enfoncer à une certaine
profondeur & d'y entreprendre un nouvel
édifice On juge bien qu'il fe relTentit beaucoup
de la dépenfe canlldérable que l'Architede avoit
faite : aufïi n'eut-il guère que la moitié de la
grandeur du premier , & les parois en étoient
tvis-minces.
\ Une terre réduite en poudre très-fine ne
S 3
278 OBSERVATIONS
convient pas à nos Chenilles du Boniilon-bînnc:
il leur f;iut une terre dont ies grains aienfe
une certaine groiîcur j & ce qile je viens de
xaconter de leur travail Fmdiqueroit allez : mais,
j'ai là-deiius une expérience direde: une de ces
Chenilles à qui j'avois fervi une terre tres-puU
vérifee , refufa ày travailler & en rellbrtit quel-
que temps après s'y être enfoncée.
Pour mieux juger encore de la conftrudion
de nos Coques de terre , j'en plongeai dans de
Feau froide 5 je les y détrempai, & je reconnus,
évidemment qu'elles étoient formées d'un tilTu
aiie2 épais & allez ferré , moitié terre & moitié
foie. Chaque grain de terre renoit à des fils
de foie y Se tous étoient liés les, uns aux autres
par de iemblables fils.
En Juin 1739. , m'étant procuré un alTez
bon nombre de nos Chenilles du Bouillon -blanc
dans la vue de m'ailurer Ci elles étoient de celles
qui mangent leur dépouille ('^} , j'en pro-
fitai pour répéter mes premières Oblervations
fur la conilrudion de leur Coque & pour va-
rier davantage mes expériences fur ce fujefc
intérePiant. Je commençai par renfermer plu-
fieurs de ces CheniiJes , les unes dans des ^on-
C) Ohf. XVII.
SUR LES INSECTES. 279
driers , les autres dans des boites, fans leur
donner de la terre ni aucuns autres matériaux.
Je vouiois favoir il elles parviendroient à le coni-
truire une Coque de pure foie. Elles n'y réul-
firent point j & après avoir tiré des fils de
côté & d'autre elles périrent.
Parmi les Chenilles que j'avois privées de
terre , il y en eut une qui Te trouva par ha-
,fard à portée de quelques relies de feuilles du
Bouillon-bianc. Elle elfaya de les faire entrer
dans la conftradion de fa Coque. Avec fes
dents elle en détacha des parcelles , & fe mit à les
arranger autour d'elle. L'arrangement qu'elle
leur donnoit n'imitoit pas mal celui qu'un
Maçon donne aux pierres avec lefquelies il veut
élever un mur. Je remarquai que le petit mur
que ma CheniMe avoit commencé à élever au^
tour d'elle , fembloit deftiné à f^rvir de bafc à
une forte de voâte. li me vint alors en penfée
de mettre auprès de l'ouvrière quelques petits
morceaux de papier & un peu de terre féche,
pour voir (1 elle entreprendroit de faire ufage
de ces diiFérens matériaux. Elle l'entreprit en
eifet ; elle lia enfemble quelques-uns des mor-
ceaux de papier, & fe faifit de la terre dont
elle tenta d'employer les grains à élever fon
mur comme elle y avoit employé djs parcelles
S 4
^ga OBSERVATIONS
de feuilles : mais de tout, celii il ne réfulta rieii
qui eût Pair d'une yéritalLe Coque : elle ne
réuilit proprement qu'à jetter les premiers ton-
démens d'une Coque j je veux dire , à tracer
l'enceinte qui devoit en déterminer la grandeur,.
Une autre Chenille que j'avois logée dan&
un poudrier eu partie plein de terre lèche y ne
s'enfonça point dans cette terre , pour s'y pré-
parer à la métamcfrphofe : elje s'établit à la iiar-
face , 8c contre les parois du vafe. Elle travailla,
d'abord fur le modèle de celle dont je viens de
parler.. Elle traça autour d'elle un efpace ovale ;
ou pour parler plus exaclement , elle éleva au-
tour d'elle un petit mur de terre Si de foie ^
qui formoit une enceinte de forme ovale. Elle-
s'occupa enfuite à exhauiler les murs par l'ad-
dition fucceiFive d'un grand nombre de grains
de terre, que je la voyois failir avec fes dents,
tranfporter dans fon domicile, mettre en place,.
8i lier les uns aux autres avec des fils de foie.
A mefure que les murs s'élevoient , ils pre-
noient de la courbure, & tendoient à former
une voûte. J'hélite à faire honneur à l'intelli-
gence de î'Architecl:e d'une chofe qui me frappa
be.iucoup j c'eft que plus elle élevoit les murs,.
&: plus elle retranchoit de leur épaiiïeur.
^UR LES INSECTES. 28i
Jâi dit ail'eurs (^) que les Chenilles qui fe
conilruifent des Coques de forme ovale , telles
que celle du Ver- à -foie, parviennent à leur
donner cette forme en contournant leur corps
en divers fens , le plus fouvent en manière
d'arineau , ou en manière d'S , & qu'il eft ainfi
une forte de moule qui détermine la figure 8c
les dmieniions de la Coque. Les Clienilles qui
travaillent fur un pareil modèle, font donc ren-
fermées dans leur Coque tandis qu'elles la conf-
truifcnt. Cette manière de bâtir eft commune
à quantité d'EfpeceS de Chenilles, & elle eft en
particulier celle de la Chenille du Bouillon-
blanc : la terre dans laquelle elle s'eft enfoncée
pour s'y métamorphofer , l'environne de toutes
parts , & fon corps détermine la figure & les
proportions de la Coque mi-foie & terre , au
centre de laquelle elle demeure renfermée. La
Chenille , dont je raconte ici les procédés ,
m'offrit à cet égard une particularité bien re-
marquable : elle parvint à donner la forme à fa
Coque , fans y être renfermée pendant qu'elle
la conftru foit. Ordinairement fa partie pofté-
rieure repofoit fur la terre du poudrier : elle
n'étoit donc point renfermée dans l'enceinte de
l'édifice , tandis que la tète s'y portoit de côté
C) Obf. XXIi
283 OBSERVATIONS
8c d'autre pour y arranger & y alTujettir les ma-
tériaux. Mais lorrqu'elle fut fur le point d'ache-
ver fà Coque, elle s'y renferma en entier. Cette
Coque , conftruite d'une manière il nouvelle ,
avoit bien à-peu-près la forme & les propor-
tions qu'elle devoit avoir. Cependant je ne dif-
limulerai pas qu'elle fe relfentoit un peu de la
£içon fîngulicre dont elle avoit été travaillée.
Elle étoit fort mince dans le milieu > on y ap-
percevoit même un petit vuide : de plus, elle
étoit beaucoup plus large proportionnellement
à fà longueur, qu'elle n'aïu-oit dû l'être. Elle
reiîembloit donc plutôt à une forte de nid qu'à
une véritable Coque. Elle étoit appliquée contre
les parois du vafe , comme les nids des Mou-
ches maçonnes le font contre les murs de nos.
niaifons. Il y avoit encore une ouverture dans.
la partie inférieure de la Coque : la tète de la
Chenille fortoit par cette ouverture , & quel-
quefois près de la moitié de fon corps. Elle
périt au bout de quelque temps fans avoir bou-
ché cette ouverture.
Plusieurs de mes Chenilles qui s'étoient
enfoncées en terre , s'y étoient conftruites des
Coques auxquelles rien ne manquoit. L'occalion
ctoit bien favorable pour répéter mes premières
expériences fur l'art avec lequel ces Chenilles
SUR LES INSECTES, 2S3
travaillent : je ne la îaiilai pas échapper. Avec
des cifeaux j'ouvris les Coques eu divers en-
droirs. Les unes furent ouvertes fur le côté : les,
autres le furent dans une de leurs extrémités.
Toutes mes Chenilles ne réparèrent pas la brè-
che de la même manière: les unes employèrent
à cette réparation la terre & la foie : d'autres
n'y employèrent, ou ne parurent y employer
que la foie. Celles-ci fe bornèrent donc ù tem^re
ini voile devant l'ouverture. Je ne détaillerai
pas les manoeuvres de ces Chenilles j parce
qu'elles ne différent point de celles que j'ai dé-
crites dans cette Obfervation.
Je viens de dire qiie j'avois ouvert des
Coques par une de leurs extrémités : j'eifayai
d'en ouvrir une aux deux bouts : je crus que
je ne poUvois trop Varier mes eilais : la Coque
que j'avois traitée ainfî n'étoit plus qu'une
forte de fourreau. La Chenille qui s'y étoit ren-
fermée n'entreprit point de ré./arer les brèches :
elle fortit de fi Coque fans avoir frit aucun
travail. Je la forçai d'y rentrer ; elle en fortit
pour la féconde fois. Je l'obligeai encore à ren-
trer dans fon domicile ; & pour l'y retenir ,
j'enfonqai dans la terre un des bouts de la
Coque : je la plaçai ainfi dans une lituatioii
verticale. Cette féconde tentative fut auiîi in-
â£4 OBSERVATIONS
fmclueiire que la première : la Chenille aban-
donna encore fon domici'e, & elle fe dirpofoit
à s'enfoncer dans la terre , lorique J'imaginai
de taire une troiileme tentative. Je la ns- rentrer
dans fa Coque , & je couchai la Coque de Ion
long dans la terre , de fac^on que les deux bouts,
ouverts étoient bouchés par la terre. Cette der-
nière tentative ne fut pas plus heureiife que
les précédentes -, la Coque avoit été ians doute
trop maîtraitée : la Chenille refuia confl:amment
d'y demeurer c%. de la réparer.
Quelques-unes de mes Chenilles que j'avois
entièrement privées de terre , parvinrent à fe
faire de fort bonnes Coques avec leurs excré-
mens & des portions de feuilles , qu'elles lièrent
les uns aux ancres au moyen d'un tilfu fojeux.
Toutes fe transformèrent enfuite en Chryfali-
des , qui ne parurent fous la form.e de Papillon
que dans les premiers jours de Juin T740. Ce
fut environ fix femaines plus tard qu'à l'ordi-
naire. Ce retard remarquable avoit été occa^
fioné par l'Hiver fî long & fi rude de cette
année. On connoît les curicufes expériences par
lefquelles M. de Reaumur a prouvé-, (-^0 que la
durée de la vie. des înfedes eff toujours eu
rapport avec le degré de la température de
C) Mém, JiL,- les Inf, To.r.e II, Mém. L
SUR LÈS INSECTES, 2gf
Pair , & qu'on peut à volonté prolonger oli
abréger la vie de ces petits Animaux , en les
tenant dans un air plus froid ou plus chaud
que celui auquel ils ont coutume d'être expofés.
(g^^==^ ^^^cx^^ '^^"^^
OBSERVATION XXVIL
Sur les Coques que diverfes Chenilles Je conjlriii'
[ent avec de la terre Jf? une forte de colle.
N fe tromperoit beaucoup , fi Ton penfoit
que toutes les Chenilles qui entrent en terre à
l'approche de la métamorpliofe, s'y conftruifcnc
des Coques fur le modèle de celle de la belle
Chenille du Bouillon-blanc. Il en efr de diver-
fes Efpeces , qui n'ayant point de foie :\ met-
tre en oeuvre , ne fauroient her enfemble les
grains de terre, comme le pratique Ç\ habile-
ment la Chenille que je viens de nommer. Elles
ont été réduites à v^y employer qu'une forte
de colle plus ou moins vifqueufe , & plus ou
moins abondante. Les Coques conftruites de la
forte , n'ont point pour l'ordinaire le degré de
Solidité qui eft propre à celle de la Chenille du
Bouillon-blanc. Elles ne fauroient être maniées
fans fe rompre , & cèdent aux plus petits chocs.
C'eil; au moins ce que j'ai vu aniver ie plus
n6 OBSERVATIONS
fouvent. La colle ne lie point auffi bien îe^
grains de terre que le Lit la foie : d'ailleurs h
manière dont la Chenille emploie cette colle ,
ne reifemble point à celle que pratiquent les
Chenilles qui ont de la foie à leur difpoiltion.
J'ai parlé ailleurs (^0 d'une grande Chenille ,
que Ton attitude la plus ordinaire a fliit nom-
mer le Sphinx : elle eft au nombre de celles qui
bâtiffent avec de la terre & une forte de colle.
Je commenqai à Fobferver en Juillet 1737 , &
j'eus dès-lors occafion de m'inftruire par moi-
même de fd manière de bâtir. La terre dont
j'avois rempli en partie le poudrier dans lequel
je l'avois renfermée , étoit très - féche : tous les
grains en étoient friables. Quand j'inclinai le
vafe pour obferver la Coque que la Chenille
étoit occupée à conftruire , je fus bien étonné
de trouver la terre auiîi humedéc que fi l'on y
eût verfé de l'eau. La Chenille avoit donc ré-
pandu dans cette terre une dofe bien abondante
de fa liqueur. Le mouvement que j'avois occa-
fioné en inclinant le vafe , fit rompre la Coque :
il s'y fit une ouverture fur un des côtés. J'en
examinai avec foin le dehors & le dedans, Se
je m'alfurai par cet examen , que les grains de
terre n'étoient liés les uns aux autres qu'au
C) Obf. XVe
SUR LES INSECTES. 287
moyen de la liqueur vifqueule dont ils avoient
été humectés.
La conftrudion des Coques de terre & de
colle', ell: donc quelque chofe de fort limple , &
qui ne fuppofe pas autant de travail que celle
des Coques de terre & de foie. Tout Tart de
Fouvriere paroit conlifter à pratiquer autour
d'elle une cavité proportionnée à fa grandeur.
Si à donner aux parois de cette cavité une cer-
taine coniiftance. Pour y parvenir , elle humecle
la terre avec fa liqueur , & par des battemens
réitérés de fon corps , elle lui fait prendre la
forme d'une voûte. La même manœuvre qui
produit la voûte , en lie les matériaux & les
retient en place. Le deiféchement de la colle
fait le refte.
A rheure que j'écris ceci , j'ai fous les yeux
ii!i poudrier plein à moitié de terre de jardin ,
au fond de laquelle une de ces grandes Che-
nilles qui donnent le Papillon a tête de mort ^
a conftruit fa Coque. On reconnoit manifefte-
ment , que cette Coque n'eft qu'une fimple ca-
vité en manière de voûte. Les parois du pou-
drier forment un des côtés de la cavité , & elles
ont confervé aifez de tranfparence pour laiiTer
Voir la Chenille. Cette cavité a deux pouces deux
^88 OBSERVATIONS
lignes de longueur ^ fur environ dix lignes ^e
hauteur : là Forme dl donc celle d'un ovale aiiez
alongé i mais l'opacité de la terre ne permet pas
de juger bien des vraies dimenlions de cette
Coque. Avant que de la coiillruire , la Chenille
étoit entrée en terre , & en étoit ibrtie cinq à ^
fix fois.
OBSERVATION X X \n 1 1. ]
Sm- deux Efpeces de Chenilles qui fe confiruij oient
une Coque avec dijferens ?norceaiix de papier.
j
£ ne décris pas la première 'Erpece de ces
Chenilles : M. de REAur.fUR en a donné rHif-
toire & la Figure (*J). Il n'en avoit pas vu la
Chryfalide , & n'avoit point cherché à la voir j
il ne préfumoit pas qu'elle otîrit rien de Sin-
gulier. Elle a pourtant une forme remarquable.
On en jugera par ce que je vais en rapporter.
A la fin de Septembre 1738 5 on me remit
une Chenille de cette Eipece , parvenue à fon
pariait accroiiiement. Peu de jours après , elle fe
conftruilit une Coque de foie , d'un tiifu aiîez
(*; Mé^iu fur les Inf. Mém. XIII , page 559 , PI. XXXVIf ,
Fig. II.
ferré ,
:SUR LIS Jn SECTES, 289
ferré-, de couleur gris de fouris , qu'elle recou-
vrit en partie des graines .d'ortie dont elle fe
nourrit. Curieux de voir la Cbryfalide., j'ouvris
'la Coque au bout .de quelque temps : je mis
;ain{î à découvert uiieChrvTalide, dont la forme
afTez finguiiere excita mon attention. Elle étoit
bien du Genre des Chiyralides coniques , m.-is
au lieu d'aller en dimmuane par degrés inieu-
iibles depuis le corcelet juU|u'au derrière , elle
confervoit à -peu -près le même diamètre juf-
vqu'au tixieme anneau. Elle était donc à-pcu-
près cylindrique d.uis toute cette partie de fon
corps. Mais au lixienie anneau elle dimiuuoit
lirufquemcnt de diamètre , & formoit un cône
-très-court dont la bafe étoit dans cet anneau j
.& le iommet à la queue de la Chryiaiide.
Je remarquai encore que les fix premiers
:îmneaux n'étaient pas conformés à la manière
'Ordinaire: ils n'alloient pas en recouvrement
les uns fur les autres j & dans l'endroit de
leur jondiou , on obfervoit un rebord arrondi,
qui avoit allez de relief, .& qui imitoit fort
^ien une moulure de menuiferie. L'elpace com-
pris entre deux moulures itoit uni, & ne pré-
fentoit point cette convexité qui eft proprt?
îuix anneaux > & qui les xaraclérife. Les jtrois
;^2rnicrs anneaux , ou ceu^x qui comporoienl le
Toyue IL '£ '
Î2^90 OBSEVxVATIONS
petit cône dont j'ai parlé , étoient au contraire
fort peu marqués : ils n'avoient point le relief
des autres , & on dillmguoit à peine leur
jondion.
Le 26 Odobre de la même année , je trou-
vai une autre Chenille de la même Efpece,
qui au. bout de trois à quatre jours , fe mit à
travailler à fa Coque. Elle s'étoit établie fur un
des côtés du poudrier , à-peu-pres à la moitié
de fa hauteur. Elle avoit déjà commencé à re^
couvrir de feuilles fon "petit édifice , iorfque je
i^vins l'obferver. Je renverfii auiîi-tôt tout ce
qu'elle avoit fait , pour l'obliger à travailler avec
du papier que je coupai avec des cifeaux par
petits morceaux , auxquels je donnai toutes
fortes de figures. Il y en avoit d'oblongs , de
ronds , de quarrés , de triangulaires , & d'autres
figures plus ou moins irrégulieres , ou plus ou
liioins bifarres.
Je viens de dire , que j'avois détruit tout
F-ouvrage de ma Chenille: je dois ajouter, qu'il
étoit reil:é fur les parois du vafe de verre où
je Pavois renfermée , un efpace ellyptique bordé
& tapilfé de foie , qui ctoit le fondement de la
Coque que j'avois détruite. Je m'attendois à
voir ia Chenille reprendre bientôt fon travaiU
SVR LES 71<^SECTES, 29T
'car ie flivois qu'en pareille circonftance les In-
fectes ne fe découragent pas facilement. Cepcn-
•dant ma Chenille abandonna la place où elle
's'étoit fixée , & ne rh^ que fe ,promener dans
le vafe pendant environ une heure. Elle revint
néanmoins fe fixer au milieu de Pefpace ovale,
'tapiiîë de foie , & entreprit d'élever une nou-
^^elle Coque fur les fondemens de l'ancienne»
IL'ouvrage étoit déjà un peu avarice quand je
-revins l'obferver. EHe s'étoit fervie des maté-
riaux que je lui a vois livrés : elle avoit poië &
^arrèté fur leur tranche piulieurs des petits mor-
ceaux de papier que j'avois jettes au fond du
vaië. La hauteur de ce vafe étoit d'-enviroii
■'trois pouces , & c'étoit , comme je l'ai dit , à
?îa moitié de cette hauteur qu'elle avoit d'abord
^tabh fon logemient.
Elle occupoi*: le milieu de -l'efpace ovale , &
^c'étoit tout au^our d'elle qu'elle avoit arrangé
les petits morceaux de papier, de manière qu'i-s
formoient une e^pcce de clôcu.c. Comme i-s
'étoient pofés & arrêtés fur tranche, il me parut
■que la Chenille n'avoit plus qu'à les rappro-
cher par le huut, à les forcer de fe toucher,
pour donner à ion petit édifice la forme d'un
l^erceau. Je ne jugeai pas à propos de la iaiifir
fcire : je n'avois pas V4ji comment elle s'y était
292 OBSERVATIONS
prife pour tranrporter les matériaux depuis le
fond du poudrier jufqu'au lieu où elle s'étoit
fixée 5 & je voulois le voir. J'eus donc refpece
de cruauté de détruire pour la ieconde fois fon
travail : j'enlevai tous les morceaux de papier ,
à l'exception d'un feul, qui étoit le plus grand,
& de forme triangulaire. Il étoit placé fur un
des côtés de l'efpace ovale , & en occupoit la
plus grande partie. Je laiifai en place ce mor-
ceau de papier, pour ne pas trop décourager
i'induftrieufe Architecte. Elle me parut d'abord
embarralTée , elle tàtoit à droit & à gauche ,
comme pour chercher les morceaux de papier
que je lui avois enlevé. Après avoir long-temps
tâté , elle rencontra le morceau de papier trian-
gulaire 5 qui occupoit un des grands côtés de
i'efpace ovale. Elle le faifit avec iés dents & Cqs
premières jambes , & en le tirant à elle , elle le
forqoit de prendre une polition plus avanta-
geufe , ou plus appropriée au but de fon tra-
vail 5 car lorfque j'^vois enlevé les autres mor-
ceaux de papier , j'avois fiit changer de pofi-
tion à celui-ci : il étoit lié aux autres par des
fils de foie , & on juge afîez que je ne pouvois
enlever ces derniers , fans déranger plus ou
moins la pofition du premier. Après avoir donné
à ce morceau de papier la pofition la plus con-
venable 5 elle fe remit à tâter de tous côtés ? &
'fe:
SUR LES INSECTES. 2,93
ne découvrant rien , elle defceiidit vers le fond
du vafe , mais fans abandonner entièrement
rcfpace ovale , dont le grand diamètre étoit pa-
rallèle à Taxe du vafe : elle tenoit toujours à
cet efpace par fa partie poftérieure ou fes der-
nières jambes. Elle rencontra bientôt un des
morceaux de papier qui étoient au fond du
vafe : elle s'en faifît auilî-tôt 'avec fes dents &
fes premières jambes , à la manière d'un Ecu-
reuil. Elle releva en Pair , en fe renverfant en
arrière , & en rapprochant ainfi fa tète de fou
dos : elle remonta enfuite à reculons vers Pef.
pace ovale , mit en place le morceau de papier ,
le fixa contre les parois du vafe avec des fils,
de loie , & redefcendit comme la première fois
vers le fond du vafe pour y chercher un autre
morceau de papier , s'en faifir & le mettre en
place comme le premier.
Je fuivois attentivement toutes, les manœu-
vres de notre adroite & laborieufe ouvrière y
je reconnus facilement qu'elle ne faifoit point
un choix des morceaux de papier qui étoient
à fa portée : elle s'emparoit du, premier qu'elle
rencontroit quelle que fût fa figure , & alloit auiîî-.
tôt le pofer à côté j. ou fort près de ceux qui
étoient déjà en place. Ainfi elle pofoit les uns
auprès des autres des mat;énu.ux dont [es..figu-
T 3
2:9f 0 B S E K r A T I 0 K 3
res & les proportions n'étoient point en rap^.-
port , ni entrelles , ni avec la p]uee que les,
juateriaux occunoient : par ex:cmple , un mor-
ceau de papier quarré-long occupoit u>ie place <,
où un morceau de forme triangulaire auroit
îîiieux convenu. Il en fut à-peu-près de raèmc'
des antres morceaux que h Chenille tranfporta
fucceirivement , & qu'elle mit eu place. On fent:
bien qu'il ne pouvoit réfuiter de tout cela qu'un
ouvrage afiz informe , «Se dont l'extérieur ne
reirembloit qu'imparfaitement à une Coque. Mais:
Jk Chenille ne pouvoit guère tliire mieux :. elle;
étoit forcée d'employer des matériaux, dont la
nature & la forme différoient fans, doute beau-
coup de celle des matériaux qu'elle auroit trouvés
dans la campagne. Et fi l'on demandoit pour-
quoi la Chenille ne favoit pas foire un choix
entre les morceaux de papier, pour les adapter
mieux aux différentes places qu'ils dévoient,
occuper, je demanderois à mon tour, fi un
femblable choix étoit bien fait pour une tète
d'Infede ï Quel Maqon , quel Menuiiier conf-
truirôit un ouvrage propre & folide avec des
matériaux choifîs & taillés par un homme qui
ignoreroit p'-ofondément l'art du Maqon ^ ou
celui du Menuilier !
Lorsque la Chenille eut raifemblé autour
SUR LES INSECTES, S95:
d'elle aiTez de matériaux pour former renceinte
de fou logement , fon grand travail fut de
donner à ces matériaux le degré de courbure
qu'exigeoit la forte d'ouvrage qu'elle vouloit
conitruire. Le papier étoit une matière bien
ingrate , & dont la roideur oppofoit beaucoup
de rédftance à la Chenille , & d'autant plus qii'il
étoit coupé en morceaux plus petits. Auiîî fe
donnoit-elle des peines infinies pour forcer le
papier à plier fous fes doigts. Qiiand le mor-
ceau qu'elle attaquoit étoit de forme triangu-
laire , c'étoit par l'angle oppofé à la bafe qu'elle
le ftiliifoit avec fes dents , comme fî elle eût
connu cette régie de méchanique, qui veut que
la puillltuce 5 pour agir avec plus d'efficace , foit
le plus éloignée qu'il eft poiîîble du point d'ap-
pui. Si le morceau de papier étoit quadrilatère,
elle l'attaquoit par un des côtés. Mais il arrivoit
quelquefois que les efforts que la Chenille fe
donnoit pour courber un de ces morceaux de
papier , le détachoit de fa place : alors elle pre-
noit le parti de le fixer de nouveau à la même
place , ou elle alloit le fixer ailleurs. Si elle ne
parvenoit point à fe fitisfaire par l'un ou l'autre
de ces deux procédés , elle lallfoit là le mor-
ceau de papier, & alloit en cherch-er un autre.
Enfin , à fores de p. tience , de foins à d'iu-
T 4
t9^ 0 "è S Ë K r A- T ï 0 K ^
diiftrie , notre Chenille fe trouva en poiTeffîoît
é'un logement commode. Elle n'étoit pourtant
pas parvenue à"' donner aux matériaux la cour^
fcure propre à leur faire repréfenter une Coque •
mais elle' les avoit difpofés^ les uns à côté des
autres , & les uns fur les autres , de faqon qu'ils
fecouvroient très-bien le tiiTu foveux qui l'en-
"veUvppoit immédiatement, & qui étoit comme
le doublage de Tédifice. Je remarquai que c'é-
toicnt les plus grands morceaux de papier qui
©ccupoient les grands cotés de l'édifice •; les plus
petits étoient aux extrémités. La Chenille fut
trt:s - attentive à garnir de foie tous: les petits
vuides que les morceaux de papier lahfoient
ciîrr'Vtix , & que l'irrégularité de leurs figures
îendoient inévitables. Eîle épaiilît & fortifia de
plus, en plus le tiflu foyeux i & ce fut ainii
qu'elle réuiîit à donner une telle folidité à tout
]'oavrage , qu'il réfiftoit tres-biert à une aifez;
forte prefïion du doigt.'
Une autre Cheiiille , d'Efpece très-difTérente ^
m'a oifert à-peu-près les mêmes procédés. Cette
Cheniuc n'a pi- s été inconnue à M. de Reaumur :
il l'a décrite & repréfentée (*) ; mais il ne
s'étoit pas attaché à la fuivre dans fes manœu-
C} Mém. fur les Inf. Tome î, page 507, ?og, PI. XVIII,
SVR LES INSECTES. 297
vrcs. Je i'ai vue fe conftruire aiiilî une Cvjque
avec de petits morceaux de papier v les traîil^
porter, les mettre en place, les y retenir d'a-
bord par des fils de foie peu ferrés , les y alTu-^
jectir enfuite par des fîîs plus ferrés & plus
jriultipliés , & donner ainli à tout l'ouvrage une
propreté Se une folidité bien remarquables. Les
ditférens morceaux de papier qu'elle alTcmbloit
avec tafit d'induftrie , étoient même fi étroite-
ment liés les uns aux autres, qu'ils fembloient
plutôt unis avec une colle fine , que liés avec
des fils, de foie. L'aifemblage étoit fi iblide , (i
parfait , que lorfque je voulois détacher un des
morceaux de papier qui entroient dans la conf-
trliclion de la Clique , je réuiîiiTois mieux à le
déchirer , qu'à le iéparer des morceaux avec lef-
quels il étoit lié. Ma Chenille ne fe contentoit
pas d'aflembier & d'unir fi proprement entr'eux
les morceaux de papier ; elle- ratiifoit encore
avec fes dents la furface de plufieurs : elle en
détaehoit de très-petits fragmens qu'elle mèlan-
geoit avec fa foie , & dont elle garnilfoit tous
les vuides de la Coque. Elle remplaça avec le
même art un des morceaux de papier que
j'avois enlevé à deifein , & qui recouvroit une
partie confidérable de la Coque. Au lieu de lui
fubftituer un autre m.orctau de papier, elle bou-
cha la brèche avec un tiifu de foie & de frag-
298 OBSERVATIONS
inens de papier. Cette Chenille eft la même dour
j'ai parlé Obf, XVIÎ, & que j'avois vu dévorei
fa dépouille.
OBSERVATION XXIX.
Irrégulm-ités dans la C07ifiru3mi des Coqnes des
Chenilles^
JLl arrive quelquefois que les îiifedles fem-
blent commettre des méprifes dans rexécution
de leurs ouvrages j & ce fait bien remarquable
eft un de ceux qu'on pourroit alléguer pour
prouver qu'ils ne font pas de pures machines.
L'Infedlologie nous fournit divers exemples de
ces méprifes ou de ces fortes d'irrégularités,
qu'on croiroit des méprifes. Je n'en indiquerai
ici que deux , qui m'ont été offerts par deux
Chenilles de Genres très-dilférens.
En Mars 1741 , j'envoyai à M. de Reaumur
une Coque que s'étoit conftruite une de ces
Chenilles à ttiberctdes ^ qui donnent le Papi'ion
qu'il a nommé le moyen Paon (*). La Coque
de cette Chenille reiîèmble parfaitement pour
X") Mém, fur les Inf. T. î , Mém. XIV.
SUR LES INSECTES. 293
Felientiel à celle de la grande Chenille du même
Genre : elle eft , comme cette dernière , façon-
née en manière d'entonnoir ou de nailë de-
PoilTbn. Un de fcs bouts eft très^effilé > c^eft le
bout ouvert : l'autre eft gros & arrondi. La
forme de cette Coque imite donc un peu celle
de certaines Poires. Le tiiFu en eft ferre , très-
hiftré , & d'une couleur qui tire iur le brun. La
Coque dont je veux parler , & que j'envoyai à
M. de Reaumur étoit , au contraire , parfaite-*
ment ronde , & d'un blanc argenté. On n'y dé-
couvroit aucune trace d'entonnoir , & elle étoit
par-tout exadement clofe. La Chenille qui avoit
conftruit cette (înguiiere toque , avoit fait un
long jeune avant que de s'y renfermer. Ce jeCnie
n'avoit pas été volontaire ; elle avoit manqué
de nourriture,;
Dans le même temps, je fis parvenir à notre
illuftre Obfervateur une Coque de Ver-à-foie ,
dans laquelle trois de ces Lniééles s'étoient ren-
fermés 5 & où ils avoient fuhi heurcufement la
métamorphofe en Chryfalide 8c celle en Papil-
lon. Je difois dans ma Lettre d'envoi : " Ll fliu-
„ droit voir fi les couches de foie de cette
53 Coque extraordinaire y font multipliées pro-
55 portionnellement au nombre des Vers qui
35 ont concouru à la conftruire. „
300 OBSERVATIONS
Je ne trouve rien dans les réponfes de M. dr
ReaUiMUR qui foit relatif à ces deux Coques.
Il étoit fouvent Çi occupé , 8c mes Lettres con-
tenoient tant d'articles différens , qu'il ne lut
étoit pas toujours poffiblc de fatisftiire à tous.
OBSERVATION XXX.
Sur une Chenille qui avoit une forte odeur de
Funaife , ^ fur un Papillon qui fentoit le
I
miifc.
'A I parlé de deux Chenilles qui , à l'approche-
de la métamorphofe , avoient une odeur de
Rofcs très-agréable : on icra moins furpris , fans
doute , qu'il y ait des Chenilles d'une très-mau^
vaife odeur. La Clématis en nourrit une , qui
roule fes feuilles , & qui a une odeur de Fu-
naife , qui ne le cède point à celle des Punaifes
les plus odorantes : auiîi Pavois -je nommée la
Funaife. On la trouve dans le mois d'Août. Elle
eft au-deflbus de la grandeur médiocre. Je n'ai
eu ni fa Chryfalidc , ni fon Papillon , & je ne
trouve qu'un mot fur fon hiil:oire dans Utie de
mes" Lettres à M. de REAUMUR,fous la date
du II Mars 1741. Je lui avcis envoyé cette
Rouieufe.
SUR LES INSECTES. 301
Je lui envoyai encore en Mai 1741 , le
Papillon d'une Chenille qu'il avoit fait repré-
fenter PL XVI, Fig. 8 , tlu Tome I de Tes Mé-
moires , & qui a quelque relTemblancç avec la
Coiinmine. J'avois eu cette Chenille en Juin de
l'année précédente ; elle s'étoit conftruite alors
une Coque pour s'y métamorphofer , & le Pa-
pillon en fortit au commencement d'Août. Il
avoit une afTez forte odeur de mufc. Elle fe
feifoit encore fentir dans la Coque <Sc dans la
dépouille.
OBSERVATION XXXI.
Nouvelles recherches fur ces Ffpeces de Faux-
ftigmates , dont il a été parlé dans- /' Obferva-
tïon XV.
-Il a n d I s que je m'occupois de la compo-
fition de cet écrit , le hafard m'a fait tomber
entre les mains deux de ces grandes Chenilles
dont j'ai fait mention dans l'Obfervation XV ,
&: fur lefquelles j'avois découvert ces petites
cicatrices en manière de taches , que j'ai nom-
mées des Faiix-ftigmates. Je n'ai pns manqué de
profiter de cette occafion de vérifier les Obfeti-
yatioiu que j'avois faites trente-fix ans aupaja-
$0^ V'B^ËnVATION^
Vant fur ces Faiix-Jligmates. J'ai donc eiï k
plaifir de les revoir au bout d'un (î long incer-
Valle de temps , même ians le fecours d'un
verre , <k malgré ParFoibliiîement fi confidérable
de ma vue & Pextrème petitefre de ces parties^
Voici le précis de mes nouvelles recherches.
Ces Fiinx-fligniates [ Fi IV, Fig. i. t.] font fi
petits, fi peu appareils, qu'iis ne fauroient ècre
apperqus à la vue fimple , au moins dans les
Chenilles dont il s\igit , que par ceu^e qui cher*
cheront à les voir , & dont les yeux feront faits
pour CCS fortes d'objets. Auiîî ne iuis-je point
éconné qu'ils n'euiiènt pas été apperqus par les
Katuraiiil-es qui m'av oient précédé.
Ils ibnt placés environ trois quarts de ligne
au-deifus des vrais ftigmates [*S]. Mais je ferai
remarquer ici, que le faux-ltigmate qui corref-
pond au dernier des vrais (Hgmates, en eft un
peu plus diifant que les autres ne le font de
leurs (tigmates correfpondans. ^
J'ai dit qu'il y avoir un de ces faux- ftig*
mates au-deiTus de chacun des vrais ftigmates:
mais en obf^rvant avec plus d'attention , j'ai
douté s'il y avoit un faux-ftigmate au-defflis du
premier des vrais ^ car quelque peine que j'aie
SUR LES INSECTES, %o^
pnTe pour le découvrir , je n'ai pu en venir à
bout. C'a toujours été inutilement que je fuis
revenu à l'y chercher : je n'ai rien pu y apper-
cevoir qui eut bien l'air d'un faux-iHgmate.
Ces fcuix-ftigmates obfervés avec une loupe
d'un afiez court foyer & beaucoup pkis forte
que celle que j'avois employés dans mes pre-
mières Obfervations , m'ont bien paru de form^
e-lyptique , & comme une cicatrice imprimée
en creux dans la peau de l'Infecte. Je ne m'en
fuis pourtant pas fié à mes propres yeux , quoi-
qu'ils foient encore aiTez bons pour me les faire
appercevoir diftindement fans le feeours des
verres , & qu'ils découvrent même des objets
bien plus petits , tels , par exemple , que ces
glandules fî petites dont la furface inférieure
des feuilles de la Sauge eft parfemée : comme
J'avois le bonheur de poiîeder chez moi un
habile Peintre (*) en miniature , doué de la
plus excellente vue , je lui ai montré nos faux-
ftigmates , & nous les avons obfervés enfem-
ble , foit à la vue iîmple , foit à la loupe. Il a vu
précifément les mêmes chofes que moi ; mais
il a apperqu le premier un poil [ PL IV ^ Fig, 1 1. ]
(*) iM. Henri Plotz , de Pinxcmberg dans le Holftein^
qui joint à une ame lenfible & vertueufe, les plus rares talens
i?oui le Deffin ik la Peinture , foit en miniature , foit en éaiùL
304 OBSERVATIONS
d'un brun noir , un peu recourbe , qui partoît
du faux-lîigmate. Au centre de ce dernier nous
avons diitingué une très-petite ouverture. L'Ar-
tifte a deiriiié iiir-le-champ ce qu'il voyoit, &
fes dcillns iont d'une grande perfedion.
Assez peu de temps après , on m'a remis
deux de ces grandes Chenilles qui fe métiuiior-
phofbnt dans ce Papillon llngulier qui a été
nommé û tète de mort , & dont j'ai parlé dans
i'Obfervation XVI. J'ai cherché auiu-tôt fur
leur extérieur ces faux-ftigmates qui ven oient
de m'occuper. J'ai cru d'abord en appercevoir
quelques-uns à la vue fimple : au moins ai-je
uppercu une très-petite tache au-deiTus de quel-
ques-uns des vrais lligmates , & dont la poiitioii
paroilîbit lemblable à celle de ces faux-ftigmatcs
que jcscherchois à voir.
Je me fuis armé d'une aflez forte loupe, &
ayant obfervé très - attentivement ces petites
taches , leur apparence m'a pai'u reiîèmbler moins
à celle des faux-ftigmates. Je ifai pu y décou-
vrir la très -petite ouverture que j'avois vue
dans les faux-ftigmates. Seulement ai-je apperqu
un petit poil qui ibrtoit du milieu d'une de
ces taches. Les yeux perçans de mou Artiftc
n'ont rien découvert de plus-
^UR LIS INSECTES. 3of
Je n'ai pu parvenir à appercevoir de c:s
ttaches au-deiTus de tous les vrais ftigniates :
celles n'étoient vifibles qu'au-deiTus de quelques-
•uns. Mais ce qui achevé de rendre probable que
les taches en queftion n'étoie^it pas pré::ifénie:;t
•de la même nature , que celles auxquelles j'ai
.donné le nom de Faiix-jtigmiUes ^ c'eft qu'oa
n'en appercevoit point au-delFus dis deux der-
niers ftigmates ou des ftigmates pollérieurs. Or,
j'ai remarqué ci-delTus, que les niux - ftigmates
poftérieurs font les plus apparens de tous j &
ils auroient dû l'être fur-tout dars la Chenille
où je les cherchois, parce que fa peau eft très-
oinie à cet endroit, & qu'elle y eft encore d'uae
couleur jaune très -uniforme. D'ailleurs , elle
>étoit une des plus grandes Chenilles que j'cu;ie~
encore vues. Elle avoic quatre pouces de lon-
gueur quand elle s'étendoit , & Hi cuxonférence
^toit de deux pouces deux Hgnes. Elle pefoit
lin peu plus de demi-once.
Au refte , ce n'eft pas feulement fur la Che-
nille que j'ai apperqu ces efj^eces de faux-lng-
mates dont il s'agit \ je les ai découverts encore
fur le Papillon-, comme on peut le voir dms
une Lettre que j'écrivis à M. de EjeaUxIIUR le
23 de Juin 1742 , & que j'avois inférée dans
Tome IL "^'^
30(^ OBSERVATION S
un Mémoire fur la rerpiration des Chenilles,
Tome V des Savans Etrangers (i), page 297.
1^'^ --^Z^^'-^ — ^._.--^-g^
OBSERVATION XXXII.
S/fr mi grand vaiffemi couché le lon^ du ventre ,
qtCon a cr^i appercevoir dans quelques Chenilles.
N connoit ce long vailfeau CGUché le long
du dos des Chenilles , & qui paroit faire chez
ces Infedes les fondions de cœur. Il a des mou-
vemens alternatifs de fyftole & de dyaftole , de
contradion & de dilatation , qui font extrême-
ment fenfibles dans les Chenilles rafes , dont la
peau a de la tranfparence. Ce vaiiTeau eft uni-
que : fon diamètre eft allez égal dans la plus
grande partie de fon étendue , mais près du
derrière & à la bafe de la corne chez les Che-
îiilles qui en font pourvues , il paroît un peu
plus large qu'ailleurs , & fes battemens y font
plus apparens. Il diminue fenfiblement de dia-
mètre près de la tète. On Pa nommé la grande
artère ^ & ce nom paroît lui convenir mieux
que celui de cœur. On ne découvre aucune
(1) Mémoires de Mathématique £f/ de Phr/Ique préfentés à
t '^Acndêmie Royale des Sciences ^ far divers Savans , c9' ^«^ ^^''^
,^es ajfemhlies, Paris , 1768,
SUR LES INSECTES. $07
xîimificatioîi à cette grande artère , quelque loin
qu'on fe donne pour les trouver, La liqutui*
que ce valifeau lait circuler , oc qui tient lieii
de fang à l'Infede , eft limpide & prefque l;ins
couleur. On ne découvre pas même comment
elle eft apportée dans le vailieaa. On voit iëu-
iement que le. principe de la circulation eft vers
îe derrière-, à Pendroit où l'artère a le plus de
diamètre -, car la liqueur paroit maniieftemeut
chaifée du derrière vers la tète.
Cette grande artère n'eft point propre aux
Chenilles: elle eft commune à quantité d'Inrec-
tcs de clalies différentes. On la voit toujours
très -bien chez ceux dont le corps eft long 8c
ïin peu tranfparcnt. Elle eft facilement recon-
nciifable par fes mouvemens alternatifs de con-
trai dlion & de dilatation. Elle offre un grand
fpcdacle chez les Vers-de-terre & chez ces Vers
d'eau douce, que j'ai multipliés en les coupant
par morceaux. Je l'ai décrite dans mon premier
ouvrage. (*)
Une maitreiTe artère femble fuppofer une
rnaîtr€ffe vciiie j & l'on ne trouve point de mai-
treile veine dans les Chenilles : au moiiiS ii>'
dccouvre-t-ou rien qui puiife être regardé uve^s
C) Traité iClnfcclologk.^ui. II, Obf. IL
V 1^
308 OBSERVATIONS
certitude comme le principal tronc des veines-
Je ne fais pourtant s'il eft bien fur quïl n^ ait
point à roppodte de la grande artère , & le long
du ventre , lui grand vaiiieau parallèle à cette
artère. M. de Reaumuk femble l'avoir apperqu :
c^eft du moins ce qu'on peut inférer d'un en-
droit de fes Mémoires (*). " Si on ne voit pas ,
„ dit-il, les artères de nos Chenilles , que leur
33 mouvement pourroit rendre fenfibles , on doit
33 encore moins efpérer d'y voir les veines. Je
53 ne fais néanmoins fi on ne doit pas prendre
55 pour le principal tronc des veines , un vaif-
,3 fcau conGdérablc qui eft en-deilcus , & tout
55 du long de l'eftomac & des inteftins. ,3
Les faulfes -Chenilles ont bien des rapports
avec les Chenilles j & lî on leur découvroit , du
côté du ventre , un long ViiiiTeau parallèle à la
grande artère , ce feroit une nouvelle raifon de
foupconner un femblable vaiiieau dans les Che-
nilles. Or, M. de Reaumur lui-même ne nous
permet pas de révoquer en doute l'exiftence de
ce vaiiîeau dans une Efpece de faulTe-Cheniile
qui vit fur le Rofier, & qui fe transforme dans
cette Mouche pourvue d'une fcie Ci admirable,
au moyen de laquelle elle pratique dans les
franches de l'Arbrilfeau des logettes à fes œufs»
(^) Tome I, pa^e 16^,
SUR LES INSECTES. 309
^^ En deifous , tout du long du ventre , dit
33 notre Obrervateiir (*) , on apperqoit un vaif-
„ feau femblabie à celui qui règne le long du
„ dos , & que nous avons regardé comme le
35 cœur des Chenilles , & de bien d'autres In^
35 fecles , ou au moins comme leur principale
33 artère. Le vailfeau qui paroit fous le ventre
33 de notre fauire-Chenilîe , a un mouvement »
33 mais qui femble plus lent & plus foible que
33 celui de l'autre. Eft-ce que ce vaiiieau feroit
33 le principal tronc des veines ? ,.3
Je ne prononcerai pas fur l'exiftence de ce
vaiiieau dans les Chenilles > mais je dirai ,
qu'ayant obfervé bien des fois & en divers
temps , le deifous du ventre de quelques Che^
iiilles de la première grandeur , j'ai cru y apper-
eevoir au travers de la peau , des indices plus
ou moins apparens d'un long vailîbau qui cou-
roit parallèlement à la grande artère. Souvent
j'ai fixé mes regards fur des portions de ce
vaiifeau plus apparentes que les autres 5 je les
ai confidérées très-att;entivement pour m'aifurer
de leur véritable nature , & pour l'avoir Ci je
n'y découvrirois point de légers battemciis j
mais quelques foins & que^qu'attention quj j'aie
apporté à cette recherche , je n'ai jamaisL pu
(*) Tome V , page 105.
V3-
5T0 OBSERVATIONS
réufllr à appercevoir le moindre mouvenTerrr
dans ce qui s'ofFroit à mes yeux , fous l'appa-
rence cFun vaifleau longitudinal. Il m'eû bien
arrivé quelquefois, de croire y entrevoir à\h
mouvement : je redoublois alors d'attention , &'
je m'ailurois toujours que ce mouvement tenoit
à celui de la Chenille y. ou à certains mouve-
mens mtelHns occaiîonés. dans, les parties,
voiiines.
J'ai fait mention dans l'Qbfervation XV
d'une grande Chenille rafe différente du Sphinx^
dont je parlois dans la même Obfervation , &
fîir laquelle le grand vailfeau en queftion eri:
extrêmement fenfible. Je ne connois aucune
Chenille où il le foit davantage. On n'a qu'à la
regarder du côté du ventre pour appercevoir
aufîi-tôt un trait brun bien continu & biea
terminé , qu'on fuit facilement , lans le fecours
d'un verre , depuis le derrière jufques vers la
dernière paire d.es jambes écailleufes. Je l'ai fait
repréfenter dans la Fic^ure II de la Flanche V.
[^v V V.']. Cette Figure eft très-exade , & rend
au mieux Tobjet. Qiiand le fang ne fe meut
pas dans la grande artère , & il eft des moyens de
fu [pendre fon mouvement , comme on le verra
ailleurs , ce vaiifeau a précifément la même
apparence que celui de la Figure que je viens
SUR LES INSECTES, 31Ï
d'indiquer. On ne voit plus alors qu'un grand
trait brun , dont la largeur eft par-tout à-peu-pres
égale. Si donc le trait analogue que j'ai obfervé
du côté du ventre , offre précifément les mêmes
apparences, n'elt-on pas fondé à en inférer,
que c'eR plutôt un maître vaiiïëau qu'un iimple
trait ou une pure coloration de la peau?
Si Ton venoit jamais à appercevoir dans ce
trait quelque mouvement , qu'on pût s'alTurer
lui être propre , la queftion feroit décidée. Je
l'ai confidéré fouvent avec toute l'attention
dont je fuis capable s j'ai tenu mes yeux fixés
fur différentes portions de ce trait ; & ces yeux ,
qui à riieure que j'écris ceci (i) , apperqoivent
(i) Le 9 d'Odobre 1776. Je fais ici cette remarque, parce
que bien tJes gens dans les pnys étrangers , qui avoient lu ce
que j'ai dit dans quelques-uns de mes écrits de l'état de mes
■yeux, ont cru que j'étois aveui^le. Je ne le fuis point, quoi-
que j'aie fait dans ma jeuneiTc tout ce qu'il falloit peur le
devenir. Je découvre encore jnfqu'aux traits les plus fins &
9UX plus petits points des admirables Planches de la Cheiiilk
du célèbre Lyonet. Je dccouvie mê.re des objets plus diffi-
•ciles à app-cicevoir i je vois à la vue fimple les finieufes an-
guilles du bled Rc'.chitique , quoique delféchées , & les points
ou ftigmatts da Tcenia^ dont la petiteffe furpaffe celle de ces
anguilles. Je pourrois citer à ce lujet-de bons témoignages,
s'il en étoit befoiu. Dans ce moment même, j'ai fous les yeux
une Puce ; je vois à Pœil nud les poils de fes dernières jam-
bes j je les compte, & mon Deifinateur, qui a la vue excel-
lente, ne jieut les compter ; iï vient de prendre une luape ^
sr2 observation: s
encore les p^us petits objets que la mcillcurr
vus peut découvrir £ms le fecoars des verres j,.
CCS yeux , dis - je , n'ont pu découvrir aucurt
niouvemeiit dans aucune des parties du trait.
ÀJl refte , j'avois déjà apperqu ce vaiiTeai^
daiis de grandes Chenilles dès Tannée 1740,.
& Yen parle dans mon Journal à i'occadon de*
celui de la fauiie-Cheniîle du Rofler.
Sz il recoTinoit- que le nombre des poiis en vue efl bfeii le"
Tîiéine qne j'ai npperqu. Mais ii eft vrai , que je ne faurois-
Bxer quelques momens mes yeux fur un petit objet fans éproii--
Ver une fatigue plus^ ou moins (iouloiircufe. Mes yeux man-
quent d-onc de force , &- ils fenteit les variations de l'atmof-
phere. Je ne puis non plus lire ou écrire moi-même fans
éprouver bientôt un fentîoîcnt plus ou moins pénible v& l'on'
fait que piefque tous les écrits que j\ii compK)fés depuis J744,
ont cré diftes les uns en entier , les autres en partie. ,yen dis^
autant des Lettres que j'ai écrites dans Tétranger , parmi lef-
<|iielles il en eft qwi font de petite volumes.
0'%
SUR LES INSECTES. ^ij
^^^..^^^ ,^^^^ _^,^^^^
OBSERVATION XXXIIL
Sur la grande Fauffe-Chenille de l'Ofièr , & en
particulier^
Stir la confiru&ion de fa Coque. Coque remar-
quable que fe fie un Ver mangeur de la
Faujfe- Chenille,
L
E nom de Faujfes-Chenilles paroît convenii:
pariaitement à des Infectes qui reflembîent beau-
coup aux Chenilles par leur forme , par leur
flrudure & par leurs inclinations , & qui n'en
différent principalement que par le nombre de
leurs jambes membraneufes. Les Clienilles qui
ont le plus de jambes membraneufes en ont
dix : celles qui en ont le moins n'en ont que
quatre. Toute Chenille doit devenir Papillon :
on connoît en général les caractères cîaiîiques»
des Papillons : on connoît auiîi ceux des Mou-
ches. La Fauife-Chenille devient une Mouche
à quatres aiics (*) , très-aifée à diftinguer du
commun des Mouches par ceux même qui ne
font pas Oblcrvateiirs. Elle a un air alfez lourd j
elle eft peu farouche & porte fes ailes croifces
fur le corps. Le tnV\x de fes ailes n'ell; pas auffî
C) Itlém. fur les Inf. Tom. V, PI. X, Fig.^tf & 7-
3X4 OBSERVATIONS
lilTe que celui des ailes des autres Mouches :
il fembîe un peu chifonné. Je ne parle que de
la Mouche femelle. Elle eft devenue célèbre
depuis que deux grands Obfervatcurs ('^) lui
ont donné l'attention qu'elle méritoit. Ce font
eux qui nous ont fait connoitre cette doublç
fcie (^~*) d'une {]:rue1:ure Ci admirable , au moyen
de laquelle l'indullrieufe Mouche pratique dans
les branches de petites loges pour fes œui^ (^'*'^).
Les FaulTes-Chenilles ne diilcrent pas des
Chenilles uniquement par le nombre des jam-
bes ; elles en diiï^érent encore par la forme
de la tète qui eft plus arrondie , & par celle
du corps , qui eft plus applati fur les côtés 8c
plus relevé fur le dos. Je me borne à ces traits
généraux : je ne fais pas l'hiftoire des FaulTes-
Chenilles : je ne veux que rapporter les Obfer-
vations que j'ai eu occalion de faire fur ces
•Infedes. Elles me donneront lieu d'entrer un
peu plus dans le détail fur ce qui concerne leur
ftrudure.
Ce fut en Juillet 1738 ? que je commençai
à obierver les Fauifes-Chcniiles. La première
Efpece qui s'oifrit à mes recherches , & celle à
O Vallîsnilri & Reaumur.
C*) IbiiL PI. XV, Fig. 10, II, 12, 15, 14.
C^^O Ibkl, Pl> XV , Fig, I , s.
SUR LES INSECTES, 3Tf
laquelle je donnai le plus d'attention , eft une
grande Efpeee qui vit fur l'Oiler. On ne la
trouve poin^'t dans les Mémoires de M. de Reau-
MUR. Elle a environ dix-huit lignes de lon-
gueur lorfqu'elle eft étendue , & elle eft grofle
à proportion. C'eft là une grande taille pour
des Fauilës-Cheniiles ; car parmi ces Infedes
on ne connoit aucune Efpecê dont la taille ap-
proehe de celle des plus grandes Chenilles.
J'ai fous les yeux mon Journal , & je ne
ferai guère que le tranfcrire. Lorfque j'y confia
gîiois mes Obfervations fur la grande Faulfe-
Chenille de l'Ofier , le Mémoire de M. de
Reaumur fur ce genre d'Infede n'avoit point
encore paru. Ce que je voyois étoit donc tout
nouveaiu pour moi , & je n'avois été préparé
à le voir par aucune ledure préliminaire.
Notre Fauffe - Chenille de l'Oder a vingt-
deux jambes. Les membraneufcs font dépour-
vues de crochets : les écailleufes font par con-
tre armées d'une petite griife noire fort aigué ,
qui fert bien la Fauife-Chenille & lui aide
merveilieufemcnt à fe cramponner. Tout le corps
de l'Infccle ell jaune , excepté fur le dos où
règne une raye d'un beau bien. Il eft diviié
tranfvcrfalcmcnt par une multitude de rides ou
316- 0BSERVATI0 2\'S
de plis circulaires , parallèles les uns aux au-
tres , & qu'on diroit être autant d'anneaux. Les
vrais anneaux ne font point du tout npparens.
Les ftigniates font noirs , & leur nombre égale
celui des ftigmates des Chenilles. Une infinité
de très-petites éminences , en forme de gaHes ,
font dilféminées dans la ligne des ftigniates , &
font fur le doigt la même imprefîîon que le cha-
grin. La tète eft très-arrondie , on n'y voit
point comme dans celle des Chenilles la fcpa-
ration des deux calotes écaiileufesi Le crâne
eft d'une feule pièce. De chaque côté on ap-
perqoit un point noir , qui paroit un véritable
oeil : fa forme eft fphérique ou à-peu-près.
L'attitude la plus ordinaire de cette Faufle-
Chenille a de quoi frapper ceux qui n'ont pas ob-
fervé ce Genre d'Lafècles. Elle fe tient roulée lur
elle-même , de manière que fa tête appuie fur fou
derrière , & que les jambes écailleufes le faiffiflent
fi fortement, que leur griife fe fiche dans la peau,
fans néanmoiJis que PLafecte paroiile en fourfrir.
Si Ton tente de le dérouler , on fentira de la
réfiftance , & il laut faire un certain effort pour
la vaincre ; alors il fera fortir de différents
points de fon corps des gouttelettes d'une
liqueur limpide qu'il lancera allez loin. Cette
liqueur n'eft poi.;:t de nature à faire élever des
ampoules iur la pea.u. Li m'eft fouvent arrivé
SUR LES INSECTES!. 317
Û'en recevoir fur le vifage , & jamais je n'en ai
éprouvé aucun mal. Il ell: fort ordinaire de
trouver cette Faulfe-Chenille cramponnée à une
menue branche d'Oficr ; & la manière dont elle
y eft cramponnée eit encore remarquable. Elle
€\k roulée autour de la branche comme autour
d'un axe : la branche occupe ainfi le centre du
rouleau. Si Ton entreprend de détacher de la
branche la Faufîe-Cheniile , il faudra ufer de
violence & Ten arracher.
GoEDAERT a connu notre FauiTe-ChemlIe , 8c
la repréfentée N^ 77 de fon Livre, lî en parle
comme de Plnfecle le plus admirable qu'il eut
obfervé. Ce qui l'avoit le plus frappé dans cette
FaulTe-Chenille , c'étoient la fobrieté , fon im-
mobilité & fi je puis parler ainfi , fon immuta-
bilité. Il affure avoir confervé un de ces In-
fectes viv;;ins pendant deux ans & viilgt-quatre
jours , fans lui avoir vu prendre aucune nour-
riture ni l'avoir vu changer de place. Il ajoute ,
qu'il n'y obferva aucun changement à l'excep-
tion d'une diminution fenfible de taille. Je ne
fais ce qu'on doit penfer de ce récit de GoE-
DAERT : je fais mieux ce qu'on doit penfer de
l'Auteur. Il n'étoit point Oblérvateur : il n'étoit
que Peintre dlnfedes ; & îe célèbre LiSTER
lui fit beaucoup d'honneur en commentant fon
3ï8 OBSERVATIONS
livre. Je ne iTi'infcrirai pourtant pas en faux aU
fiijet de rOblervation de Goedaert : il n étoit
pas befoin d'être grand Obfervateur , pour s'af-
fiirer fi un Infedle de ce genre vivoit ou ne
vivoit pas : mais je puis dire , que parmi les
Fauires-Chenilles de cette grande Efpece que
j'ai eues en ma poiTelîion , & j'en ai eu un
affez bon nombre , je n'en ai rencontré aucune
qui m'ait rien offert de femblable à ce que racoiite
notre Amateur. Il eft vrai qu'en général elles
riiangoient peu , ne changeoient pas fou vent de
place 5 & que lorfqu'elles fe mettoient à mar-
cher , elles n'alloient pas loin Elles mangeoient
comme le commun des Chenilles , en embraf-
faut la- feuille avec leurs jambes écailleufes , &
en en maintenant le tranchant dans la petite
couHife de leur lèvre fupérieure. Quand elles
marchoient , c'étoit aifez lentement i & leur corps
étoit alors monis étendu que celui des Chenilles :
la partie poftéricure demeuroit toujours plus
recourbée du côté du ventre.
Les premières Faulfes-Chenilles de cette Ef-
pece que j'obfervai en 17385 avoient été trou-
vées fur l'Ofier au commencement de Juillet.
Elles n'étoient pas éloignées du dernier terme
de leur accroiilément. Dès le 2^ , elles com-
mencèrent à changer de couleur & à fe ca-
I
1
SUR LES INSECTES. 319
elier fous les feuilles. Cette inclination à fe
cacher nie fit foupconner qu'eiies étoient du
nombre des Infedes qui percent la terre pour
B'y métamorphoier. Je me hâtai donc de met-
tre de la terre dans le poudrier; mais elles ne
la percèrent point. Elles fe contentèrent d'en
creufer un peu la furface. Là , elles fe conf-
truilirent une Coque , dont la forme étoit celle
d'un cylindre arrondi par les bouts. Je devrois
dire , que la forme de cette Coque n'étoit qu'à
peu-pres cylindrique ; car dans le milieu de fa
longueur elle avoit un peu moins de diamètre
que dans les extrémités. La couleur de cette
Coque étoit un beau jaune doré qui avoit du
brillant. J'ai vu néanmoins de ces Coques d'un,
brun verdâtre qui étoient aulîî fort iuftrées.
Apparemment que ce brun luftré tenoit au
mélange de quelque fubftance gommeufc avec
des molécules terreufes : ce qui porteroit à le
préfumer , c'eft que je n'ai vu ce brun luftré
qu'à des Coques qui avoient été conftruites fur
une terre tres-pulvénfée. Celles qui avoient été
laites par des FaulTësXhenilles que j'avois
privées de terre , étoient d'un jaune doré.
Quoique ces Coques n'aient guère que
répaufeur d'une feuille de papier un peu grof-
Ccr 5 elles font cependant d'un tiifu il fort
520 OBSERVATIONS
qu'elles plient à peine feus les doigts. Leur
€Xtéricur n'eft pas iiiie : on y apperqoit des
inégalités j & en quelques endroits il reiîemble
aifez à celui de la colle forte. Il n'a point du
tout l'air d'un tiiîu foyeux j & lors même qaon.
robferve à la loupe , on ne parvient pas à s'ai^
furer de Fexiftence des £ls qui le compofent.
J'ai pourtant vu nos Faulfes-Chenilles filer en
ma préfence : la foie qu'elles tiroient de leur filière
etoit même extrêmement groliîere , & relfembloit
plus à de la gomme qu'à de la foie. Qiioiqu'il en
foit, les Coques filées par des Faulfes-Chenilles
qui avoient été privées de terre , avoient plutôt
l'apparence de Coques de parchemin que de Co-
ques de Ibie. Aulli leur avois-je donné le nom de
Coques en parchemin.
Un mouvement de curiofité me porta à ou-
vrir quelques-unes de ces Coques : c'étoit en
Oclobre. Je rie fus pas médiocremeiu furpris
de trouver dans toutes , ians exception , une
ieconde Coque qui rempliîToit exadcment toute
la capacité de la première , & dont le tilfu ne
reifembloit point du tout à celui de la Coque
extérieure. 11 avoit le luftre & le poli des plus
beaux vernis. Il étoit d'une fineiTë extrême , &
paroiffoit être plutôt une membrane ou uiie
pellicule foyeufe qu'un tiiili. Entre les deux
Coques'
■SUR LES J:RSECTES. 321
Coques êtoit rènferriiée la dépouille de FaulTe-.
Chenille. J'ouvris une des Coqties intérieures,
& j'y trouvai un Ver jaUnô ■, gras & dodu ,
entièrement dépourvu de jambes , & dont la
tête écailleufe étoit fort petite proportionnel-
lement au corps. Je ne pus douter que cette
féconde Coque , dont j'admirois le tiiFu , n'eût
€té filée par le Ver qui y étoit logé. La dé-
pouille de Faufle-Chenilie renfermée entre leg'
deux Coques en étoit une autre preuve biea
démon ftrative. La Fauire-Chenille avoit donc,
été piquée par une Mouche Ichneumone , qui
avoit dépofé un œuf dans fon intérieur , dont
étoit forti le Ver que j'obfervois. Une chofe
néanmoins me fûrprenoit un peu \ c'ètoît de
trouver dans toutes mes Coques en parchemin
une féconde Coque de Ver d'Ichneumone. Les
piquures des Ichneumones fônti toujours de
purs accident , & de purs accidens font rare-
ment auiîi communs. A, la vérité , nos Fauifes-^
Chenilles font très -rares & prefque toujours
immobiles j ce qui donne bien de la facilité
aux Ichneumones d'exécuter leur opération.
La Fauire-Chenille a cependant un moyen na-^
turel de les écarter : je parle de cette liqueut \
en réferve fous la peau & qu'elle fait jaiHiC
quand on la touche. Mai^s la Fauiîe-Chenill®
n'a apparemment qu'une eertame -pi'ôvifion d^
Tome IL X
322. OBSERVATIONS
cette liqueur, & il lui faut un temps pour répa-
rer la perte dç celle qu'elle a fait jaillir : car
j'ai obfervej que fî Ton touche la Faulie-Che-
iiille ou que même on Tirrite pour la féconde
oiji la troifienie fois après qu'elle a fy.it jaillir
ia figueur , elle ne peut plus en répandre.
Une "l clin eumone qui furviendroit alors auroit
donc une grande facilité de piquer, la. Fauile-
Chenille : elle la trouveroit délàrmée.
Cette féconde Coque da Ver mangeur de
îa FauiTe-Chenille mérite bien un examen par-
ticulier. Sa couleur eft un brun prefque noir ;
mais en certains endroits , 8c, ordinairement
vers Je rpilieu de fa longueur, on y appercoit.
un œil argenté ou cuivré. On remarque même.
4aiis cet endroit une forte de bande ou de
pïaque dont Péclat approche de celui de l'argent
ou du cuivre. Qu'on fe repréfente un papier
siiarbré très-fin ,. très-fpyeux , très-Iurrré & on
aura -une idée de l'extérieur de notre. Coque.,
Elle imite encore le papier par le petit bruit
qu'elje fait, entendre quand on paiie légèrement.
le doigt fur fa furtace. Cetta furface n'eG: pas
, ]^eanmoins , auffi parfaitement, i^nie que Peft'
celle du papier auquel ï\qus venons de la com-
parer: en y regardant de plus près, on y ap-
perqpit de| plis, longitudinaux , qui s'étendent
I
I
St/i L'ES INSECTES, 3^3
de ruii à l'autre bout de la Coque. Si Ton ma-»
nie la Coqiie , Se qu'on la preiie eu même
temps entre les doigts , bu entendra mieux
encore le petic bruit dont j'ai parlé. Les plis
longitudinaux contribuent fans doute a ie
produire. L^ forme de cette (inguliere Coque
eft celle d'un ellypfoïde très-alongé : elle diifére
donc très - fenfiblement de celte, de, la Cpqu^
qui la renferme. Elle n'affecle pas plus l'aie
d'un tiifu que le papier ne l'atiede : elle n'a
même guère plus de confiftance que le papiei;
suquel je continue de la comparer : elle a feu-
lement un peu plus d'épaiiteur. Cette épameuc
rcfuitc d'u!ie fuite de lames ou de couches
ïoycmcs fuperpofées les unes aux autres commet
les différentes peaux d'un Oignon,. Avec un
fcalpel aifez groiTier je parvins facilement a eii
détacher quatre j & j'en aurois' fûrement dé^
taché davantage , (1 j'avois . eu un meilleur inf-
trument , & que j'eùile voulu exercer ma pa^
tience fur ce petit fujet. J'obfervai féparémentj
ces quatre couches foyeufes que j'avois féparées
il facilement -, Se voici ce qu'elles m'oifrirent de
plus remarquable j car elles n'étoient pas toutes
uniformes, & il vaut îa peine que^je diié eii
quoi elles diiîéroient.
La première de ces couches, étoit extrême-;
324 OBSERVATION^;
nient mince , & plus mince que le plus fin
papier que Part peut fabriquer. Le côté inté-
rieur ou celui qui regardoit le dedans de la
Coque , avoit beaucoup plus d'éclat que le côté
oppolé. La couleur de cette couche étoit un
olive foncé. J'ai pourtant dit , que la Coque
étoit d'un brun noir. C'étoit en effet la couleur
de la couche de foie qui fuivoit immédiatement
celle que j'avois détachée la première. Celle-ci
ne faifoit donc que l'office d'un vernis tranf-
parent , qui n'altère pas d'une manière fenfiblc
la couleur du corps fur lequel on Pétend. Ceci
me rappella auffi-tôt le petit artifice dont la
Nature fe fert pour dorer fi admirablement
bien certaines Chryfalides , & dont j'ai fait
mention dans l'Obfervation XIL II me vint
donc en penfée d'éprouver , Ç\ ma première
couche foyeufe , appliquée fur une pièce d'ar-
gent poli ne la doreroit point. Je tentai fur le
champ l'expérience ; & je vis avec plaifir , que la
pièce d'argent prenoit un œil doré dans l'en-
droit que recouvroit immédiatement la couche
foyeufe. Cet œil doré devenoit plus fenfiblc
quand je mouiîlois un peu la pièce d'argent : la
couche foyeufe s'y appliquoit alors plus exade-
ment. J'ai lieu de croire , que la dorure auroit
été plus parfaite , & qu'elle auroit peut-être égalé
^elle des Chryfalides , fi la couleur de la couche
S:UR LES INSECTES. 32S
foyeufe avoit plus approché de celle de la pre-v
îiiiere peau des Chryfalides. Ce qui me le per-
fuaderoit, c'eft que la couleur jaune étoit plus
vive par-tout eu la couche foyeufe tiroit fur
cette couleur. J'ai fait remarquer , que notre
Coque de Ver d'Ichneumone ne paroît point
tiifue : cette apparence éft trompeufe. Elle eft
bien formée de fils de foie s mais ils font (i fins
Se Cl ferrés qu'ils échappent au premier coup-
d'œil. Je m'en aifurai en obfervant à la vue
fimple , vis-à-vis le grand jour ^ la première cou^
çhe de foie que je venois d'enlever. J'y apper*
qus qà & là comme de très-longs poils bruns
diiféminés fans ordre : c'étoient des fils de foie
moins fins que les autres , & qui en devenoient
plus apparens. L'exiftence des fils n'étoit pas
douteufe , lorfque je déchirois la couche foyeufe-:
je voyois très-diftindement des fils de foie fort
courts qui débordoient la déchirure y 8c qui
examinés à la loupe paroiiToient; d'inégale grof-
feur.
La féconde couche foyeufe paroiifoit tirer
un peu plus fur le brun noir que la première;
probablement parce qu'elle étoit un peu plus
épaiife. En la détachant , j'avois apparemment
détaché d'autres, couches qui lui étoient demeu-
X. a
'J2ô 0 B S E B. V A T î 0 N- S
'lées unies AiiiTi n'y appercevoit-on pas fi bien
les fils en manicre de longs poils.
La troifierae couche ne diiféroit pas de h
première en épaiiieur , quoiqu'elle parût d'une-
couleur plus foncée. Les fi!s en. manière de
poils y étoient Fort diftincts.
Enfin , la quatrième couche qui étoit la
Coque eUe-mème , monçroit encore allez d'é-,
paiiicur pour me faiie juger qu'elle contenoit
d'autres couches, que je ferois parvenu à dé-
tacher en partie 5 fi j'avois eu un in ftrupenfc
beaucoup plus fin. La couleur de cette dernière
couche étoit la pkis foncée ; mais je dois, ajou-
ter que tou^:s les couches étoient à-peu-près
également luftrées.
Dans le Tome îï de fes Mémoires ,, pag 438 3t
M. de Reaui^iur parle d'une Coque de Ver
mangeur de Chenilles*, qui a bien des rapports
avec celle que je viens de décrire , fi elle n'eft
précifément la même. " Après avoir ouvert ,
„ dit-il 5 une Coque de terre & de foie , très-
35 bien conftitiite par une Chenille- qui vit fur
35 le Bouillon-blanc , au lieu de la Chryfalide
33 que j'y chcrchois , je trouvai dedans une
,3 Coque 5 qui par fa couleur de marron clair ,
^•ir^ LES INSECTES. 52?
"^ par fà forme alongée & par fa grofleur ,
35 avoit quelque air d'une ChryPalide. E!2e étolt
35 faite d'une foie extrêmement fine & tilTus
35 très-ferré; auffi cette Coque avoit-elle , fur-
■33 tout dans rintérieur , un éclat pareil à celui
33 des vernis ; elle étoit compofée d'un nombre
33 prodigieux de couches ou de feuilles de foie
33 étonnamment minces , que pourtant Je fépa-
53 rois allez facilement les unes des autres. ,3
Je ferai remarquer néanmoins , que la Coque
de mon Ver mangeur de FauiTes-Chenilles étoit
beaucoup plus alongée que celle dont parle
M. de Reaumur , & oui eft repréféntée
Pi. Z^XXV 5 Fig. 1 1 du même volume.
Au commencement de Juin 1739 , il fortit
d'une de mes Coques une aifez grande ichneu-
m^one, de couleur canelle ; mais dont la partie
inférieure du corcelet 8c l'extrémité du ventre
étoient d'un brun prcfque noir, de même que
les yeux, je ne décris pas cette Mouche ; parce
qu'elle reiiembloit parfaitement à celles, que M.
de Reaumur a fait repréfenter dans la Planche
que j'ai citée. Ma Mouche avoit une odeur très-
forte & très-délagréable , que je ne faurois com-
parer à aucune autre. Le fond de la Coque dont
elle étoit <lbrtie étoit plein d'une matière grafle .
X 4
Il
^28 ORSERVATTONS
qui avoit la ni^iie odeur que la Mouche , &
qui étoit Fans doute le rélldu des vifcercs du
Ver. '.es vifceres n^étoiént pas > fans doute ^^
tombés entièrement en pourriture ; car je trou-
vai au milieu de la bouillie une forte de boyau »
qui en étoit lui-même trés-rempli.
Dafs les premiers jours de Juillet 1739 l
je trouvai fur TOfier ime de nos grandes Fauifes^
Chenilles qui étoit parvenue à fon parfait ac-
çroiflement. Je ne mis point de terre dans le
vafc où je la renfermai. Je m'étois aifez alTuré
que ces Fauires-Çhenilles favoient très - bien
5'en paifer ; & je préfumoi» à bon droit que je
îî,'en ferois que mieux placé pour obferver de
plus près la conftrudlion de leur Coque. Ma
Fauiîe-Chenilie fe mie. bientôt à l'ouvrage , &
îorfque je revins Fobferver ,, la Coque avoit
déjà reçu fa forme ;, mais elles étoit. encore fore
mince, & pour peu qu'on la prelfât, elle plioit fous
les doigts. Elle étoit d'un jaune doré. Avec des
cifeaux à pointes fines, j'oirvris un des bouts
de cette Coque : j'y fis ainil une aifez large
"brèche. Le dos de la F^uiiéXhenille fe trouvât,
lépondre à l'ouverture. Elle étoit immobile ,.
J'attendis alfez long-temps pour voir ce qui
arriveroit.. Enfin ^ notre ouvrière çonimenqa à
ih mettre en mo.uYem*ent , mais avec uno
SUR LES INSECTES, 329
extrême lenteur. Elle amena fa tète à Fouver-
ture de la brèche , & tira des fils d'un bord à
Tautre. Cétoit encore avec la plus grande len^
teur qu'elle tiroit ces fils. Ils étoient fort grof-
fiers. Leur couleur etoit un blanc argenté , dans
lequel il entroit une teinte de jaune. La lente
fileufe ne les attachoit pas précifément aux
bords de la brèche : elle ne foreoit pas ainfî
ces bords à s'abaiirer pour reprendre la cour-
bure que je leur avois fait perdre en ouvrant
la Coque. J'avois obfervé des Chenilles qui
exécutoient une pareille manœuvre. Ma FaulTe^
Chenille ne fe piqua pas d'une pareille préci>-
fion : elle laiiïà les bords de la brèche comme
leur reflbrt naturel les avoit difpofés : ils étoient
ini peu relevés : elle fila au-delFous une toile
égale à l'ouverture. Se qui la bouchoit exade-
ment. Cette toile nouvellement filée n'étoit
donc pas au nivau des parties voifines : elle
étoit placée un peu plus bas. Tout l'art de la
fileufe fe réduifit donc à tirer au-dedans de la
brèche des fils qui fe croifoient en diffère ns
fens Se dont la réunion forma une pièce égale ,
& à-peu-près femblable à celle que j'avois enle-
vée. Elle ne fe fervit pas plus de fes dents que
de fes fils pour faire reprendre aux bords de
la brèche leur courbure naturelle. Auiîi la Co-
que prçfentoit ^ çIIq à cet endroit des inégalités
:>y
OBSERVATIONS
qui aicloient à reconnoître la pkice de la brèche.
Elle étoit encore reconnoilîiible par la couleur
de h toile que la Faurfe-Chenille venoit de filer :
elle étoit un peu plus claire qiie celle du refte
de la Coque,
Le j6 de Mai 1740 , }e trouvai dans le vafe
où étoient,ies Coques de mes Faufles-Chenilles
d'afTez grandes Mouches, qui étoient provenues
de ces FauHes-Chenilles. ' Elles montroient plus
de vivacité que les Mouches de cette claiTe
n'ont coutume d'en montrer. Elles avoient de
Pair des Guêpes ordinaires. Leurs couleurs n'é-
toient que du brun & du jaune , diilribués à-peu-
près comme fur les Guèpès. Les antennes étoient
entièrement jaunes, & fe terminoient par un
bouton , comme celles de diiférens Papillons
diurnes. La tige de l'antenne étoit articulée ,
comme le font les antennes qu'on nomme à
filets grenés. Le devant de la tète étoit auffî
de couleur jaune. Les yeux 8c les dents étoient
d'un brun îuifant , tel que celui de- l'écaillé.
Les ailes préfentoient qà 8c là des taches bru-
nes qui diminuoient leur tranfparence. Les
fupérieures égaloient la longueur du ventre )
mais les infédeures étoient plus courte? d'en-
viron un tiers. Leur port étoit en toit un peu
arrondi. Elles fe recouvroient , en même temps
SUR LES INSECTES. a^i
qu*elles reccuvroie'it le corps. A l'end iroit de
leur attache dans le corcelet fe voyoient deux
taches jaunes de figure triangulaire , qui peu-
vent aider à faire reconnoltre ces Mjuches. Le
ventre qui étoit un peu plus applati & moins
effilé que celui des Guêpes , étoit compofé de
huit anneaux. La longueur de ces Mouches,
depuis la tète au derrière , pouvoit être d'en-
viron un pouce. Quoique pourvues de grandes
hambes & de grandes ailes , elles ne la voient
prefque pas marcher ni voler : elles paroilToient
un peu lourdes : mais elles étoient très-difpofées
à faire ufage de leurs dents , lorfque je venois
à les prendre ou fimplement à les toucher.
Qj-ielquefois elles s'incUnoient fur le côté , &
fe mettoient dans une pofture allez plaifante :
elles recourboient leur derrière comme fi elles
euiient voulu- en faire fortir un aiguillon. Quand
elles fe laiifoient tomber fur le dos , elies ne
réuiîiilbient pas toujours à fe relever. Elles de-
meuroient un certain temps dans cette fituatioii
fans fe donner aucun raouvemcn.t , les jambes
repHées iur le ventre comme fi elles eulTent
été mortes. J'y étois même trompé , & je ne
parvenois à me'défibufer quVn les touchant
du d')i t. Elles faifoient alors de nouvelles ten-
tatives pour fe relever , & enfin je les voyois
marcher.
k
Î32 OBSERVATIONS
Pour oiivrtr la Coque & fe mettre en liberté*»
nos Mouches avoient ^erné avec leurs dents,
un des bouts j elles en avoient détaché circu^-
lairement une pièce en manière de calotte.
Cette pièce tenoit encore à une des Coques par
une petite portion de fa circonférence y elle-
pouvoit y jouer comme un èouvercle à char-
nière s je veux dire, quon pouvoit à volonté
ouvrir & fermer la Coque. Ailleurs la pièce,
avoit été entièrement détachée par la Mouche.
Une main d'Homme n'auroit pas mieux réuffi
à couper avec des cifeaux une telle pièce. Les
dents de nos Mouches leur avoient tenu heu
de cet inftrument , & leur ftudure répondoit
à merveille à cette foncflion. Je dois, en dire un
mot. On connoit les dents des Guêpes : les
dents de nos Mouches leur reiTemblent aiTex,
Elles fe terminoient par un petit crochet fort
aigu 5 fort femblahle à celui qui termine les
pinces des Araignées.. Elles n'étoient pas égales-
en longueur s & le crochet de la plus courte
n'étoit pas fi bien façonné ni {{ aigu que celui
de la plus longue, (^rand les deux dents Ç<s
joignoient pour fermer l'ouverture de la bouche,
le crochet de la plus longue recouvroit celui
de la plus courte. Ces petites particularités-
méritent plus d'être remarquées qu'on ne l'ima-
gineroit d'abord. On le fentira '& on admirerai
SUR LES INSECTFS, 333'
avec moi cette diverfité dans la forme des deux
dents , fi l'on fait attention à la manière dont
la Mouche ouvre fa Coque. Elle eft dans la
necelTIté de percer un tilfu très-ferré , une forte
de parchemin. Elle doit emporter circulaire-
ment une pièce confidérable de la Coque. Il
faut donc qu'elle commence par feiire quelque
part un petit trou dans les parois de f i prifon :
n'importe dans quel endroit : ce point fera celui
d'où elle partira pour tracer la ligne circulaire
qui déterminera l'ouverture. Mon ledeur a
déjà deviné que le crochet de la plus longue
I, dent eft deftiné à cette première opération : il
travaille en-dehors , tandis que le crochet de
l'autre dent travaille en-dedans j & parce que
ks deux dents font d'inégale longueur , elles
ne font pas expofées à fe heurter dans le tra-
L vail. Je n'ai pas furpris la mouche dans fa ma-
' Hœuvre : m.ais il eft facile de fimaginer quand
on fait ce qu'elle flût , 8c qu'on connoit les
inftrumens avec kfquels elle le fait.
Comme je n'avois pas lu Vallisniéri lorf-.
que j'obfervois ces Mouches , & que le Mé-
moire de M. de Reaumur fur les FaulTes-Che-
iiilles n'avoit point encore paru , je n'avois
aucune connoillance de cette admirable fcie que
k feaieile po-rte au derrière. Je ne m'avifai donc
S34 O'B S E k V A T I 0 n S
pas de Vy chercheur 5 mais ce fcroic fiir-tonfe
dans cette Efj3ece qu'il faudroit étudier la itruc^
turc de ce bel inlkument j car la Mouche dé
notre FaulTe- Chenille de rOfier eft d'une taille
qui furpaiîe fort celle de la Mouche à icie dô
,1a FauHe-Chcnille du Roficr.
J
OBSERVATION XXXIV.
S/fr la Jk'iicîure d^ la grande fauj^e - Chenille
de l'Ofier,
L
A taille fi avantageufe -de notre faufle-Ghe-
mile me fit naître la penfée de la diiréquer. Jd
voulois lavoir h Ton intérieur diriéroit fenfible--
nient de celui des Chenilles. Dans cette vue i
j'en ouvris une du côté du.. dos , après l'avoir
fait périr dans l'eiprit de \'m':i <& voici ce que
]Y obicrvai.
Le grand canal inteftinal étoit plus renflé
proportionnellement que dans les Chenilles. Ln
membrane , qui en revétoit l'extérieur , étoit
comme chagrniée : oii y:découvroit.à l'œil nud ,
& mieux a la .loup©^-. une. infinité .de petits
grains de couleur verte y^-heau-coup plus petics'
que ceux du plus lia cliagxin. Le caual. .a-voit'.
S^VR LES INSECTES, 33f
fcteux étranglemeiîs principaux & très-marqués;
Fuii d'un côté de la tète , l'autre du côté du
derrière. Le premier. déterminoit l'extrémité pof-
térieure de i'œrophage j le fécond ,. la naiiraace
du rectum. L'œfophage étoit un conduit beau-
coup plus étroit que le relie du canal, & dont
le diamètre étoit par-tout- aifez égal. îi n'en étoit
pas de même du rectum : on voyoit dans fon
milieu un renflement confidérable en manière
de poche.
Je coupai le redum prè$. de l'anus , & j'en-
levai délicatement le canal inteftinal pour ob-
ferver les parties qu'il rccouvroit. Les premiè-
res ^qui s'oiirirent à mes regards me frappèrent
beaucoup : c'étoient de longs vaiifeaux d'un
jaune d'oç, rangés fur deux lignes, & dont les
tours & les détours , les plis & les replis, étoient
il nombreux & (i variés qu'il m'étoit impoffi-
ble de les fuivre. Ces beaux vaiiîeaux occu-
poient toute la longueur du corps. Il me fut
aile de les reconnoitre pour les vaiifeaux à foie.
J'clfiyai de les enlever faiîs les rompre , & j'y
réuifis mieux que je ne Pavois efpéré. Je les
faills près du derrière avec une petite pince.
Là , ils étoient beaucoup plus déliés , moins
remplis de matière ioyeufe & de couleur blan-
che. A ïiielure que je les détaçhois, je les voyoia
B3^ OBSÈRVATIOKS
fe déplier , s'étendre , & fortir de dedans une
efpece d'enveloppe formée par les parties voi-
fm-es , & fur-tout par les trachées. En dévidant
ainfî les vailfeaux à foie, je m'^lfurai qu'ils
étoient comme dans les Chenilles , au nombre ^
de deux , & qu'ils repofoient précifément fur
les deux plans de mufcles qui fervent aux
mouvemens des jambes. J'enlevai les deux vaif-
féaux l'un après l'autre : je commençai par
celui de la gauche , & en l'enlevant , je recou-'
nus que je n'apportois aucun changement à
celui de la droite : il refta en place après l'en-
tière extradion du premier. Je les mefurai &
leur trouvai à chacun environ fept pouces de
longueur. Ils étoient fort effilés près de la tète ,
& beaucoup pkis que dans aucun autre endroit
de leur étendue, & là, ils étoient blancs Comme
vers le derrière. Tous deux. étoient recouverts
d'une matière graiifeufe de couleur blanchâtre^
qui fembloit ternir la couleur propre des vaif-
îeaux. Après être heureufement parvenu à dé-
tacher en entier ces vaiileaux à foie , je les mis
dans une liqueur appropriée pour les y confer-
ver. J'ai dit, qu'ils étoient placés fous le canal
inteftinal: en obfervant le côté inférieur de ce
canal , j'y remarquai une forte de rainure ou
de gouttière ; & c'étoit dans cette gouttière
que les vaiffeaux à foi^ avoient été logés. Ils y
étoient
s 1/2? lES INSECTES. 337
étoient renfermés comme daas une efpece d'étui
ou de fourreau.
Après les vailTeaux à foie , rien ne s'attira
plus mon attention que les trachées & les
mufcles. Les trachées étoicnt innombrables , &
fe répandoient par-tout c9mQ.'.e chez les Che-.
ïiiiles. Les mufcles étoient trés-marqués & en
grand nombre : mais il nV avoit que les deux
■plans tendus au-deifus des jambes , qui fuiFent
dirigés fuivant la longueur du corps.- Tous ceux
qin fervbient aux mouvemens des anneaux
étoient tranfverfaii^è. Les- miifcles ' deftinés à
mouvoir les jambes étoient beaucoup plus mar^
qués que les autres •: ils formoient deux plans
tres-diiHnds , qui répondoient exac'lement aux
deux lignes des jambes. Les mufcles appropriée
aux mouvemens des anneaux formoient un^
multitude de petits cerceaux parallèles les uns
aux autres •, & c'eft apparemment .cette difpofi^
tion de ces mufcles , qui eft caufe que no?'
faulfes-Chenilles fe tiennent ordinaiirement rou^'
lées 5 & qu'il ne leur arrive jamais d'avoir le"
corps parfaitement étendu»
Le defir de m'inftruire me rendit cruel à
regard de nos f^uifes - Chenilles : j'eus la bar-
barie d'en ouvrir une toute vivante.' Je luv avois
Tome IL Y
338 OBSERVATIONS
fiché une épingle dans le crâne , & je lui en
avois fiché une autre dans le derrière. Je Fou-
vris , comme la première , du côté du dos ', &
cette féconde dilîedion me valut quelques nou-
velles particularités que je vais indiquer.
DÈS que j'eus commencé Pincifion -, il fortit
de Pintcrieur une liquear limpide & légèrement
verdâtre , que je requs fur une plaque de verre:
elle s'y figea à-peu-près comme de la gelée, &
je remarquai qu'elle avoit précifément la même
odeur que celle que la fauife-Chenille fait jaillir
quand on la touche. Le corps graijfeux , qui
s'oiîrit bientôt à ma vue , parolifoit entière-
ment formé d'un amas de très-petits globules
jaunes , fembîables à ceux qu'on découvre au
microfcope dans la graiife des grands Animaux.
Mais ce tjui étoit ici aiTez remarquable , c'eft
que ces globules fe diilinguoient tres-nettement
à la vue fimpte. M'étant avifé de mettre fur
ma langue un peu de ce corps grailîèux, je lui
trouvai la douceur du fucre : mais la peau avoit
un goût de rancc infupportable. Swammerdam
avoit trouvé le même goût au Ver de l'Abeille ;
& c'étoit à fjn imitation que j'avois tenté de
goûter de la peau de notre fauife-Chenille.
J'ai dit , eue pour faire ma diffedion , j'avoig
fiolié deux épingles , rùne dans k tète , l'autre
dans le derrière: j'avois enfuite dirigé la fec-»
tion dans la ligiïe du milieu du dos , en coin-
iniençant par le derrière : & afin de tenir la
peau écartée des vifceres , je Pavois renveifée
de côté Se d'autre fur ma planchette 5 •& j'y
avois encore fiché des épingles, de diftance en
diftance. Tout étant ainfi difpofé , je m'étois
mis à enlever en entier le. canal inteltinal, les
Vaiireaux à foie & la plus grande partie des
trachées : & le croira-t-on ? mateé tant & de (î
énormes plaies, ma faulfe- Ghenilie Vivoit en-
core , & faifoit des efforts pour fe détacher 8c
marcher en avant. Bien plus -, après l'avoir cou-»
pée tranfverfalem.ent par le milieu du corps, la
rxloitié à laquelle teiioient la tète & les pre^
mieres jambes, donnoife encore des lignes d^
Vie, qui n'étaient point éq^uivo^ueSo
340 OBSERVATIONS
.^ ^^ ^Ci(^ ^^?^'
OBSERVATION XXXV,
Snr 7ine faujj'e- Chenille du Poirier.
Ma.
On SIEUR de Reaumur ne connoiiToie
qu^uiie feule Efpece de fauire-Chenilîe ^ k qui il
eût été donné de faire jaillir une liqueur lim-
pide à Fattouchement de quelque corps. Cette
faulîe-CKenille eft celle du Chevre-feuille. Je
viens d'en faire connoître une autre , remar-
quable encore par la grandeur de fa taille , qui
offre la même particularité. J'en joindrai ici
ime troilieme qui me Pa ofFerte aulîi. Je la
trouvai fur le Poirier en Juillet 1739. Elle eft
de la claiie des faulf^s-Chenilles à vingt-deux
jatnbes : les écailleufes fe terminent par un
crochet noir en ongle de Chat : on fait que les
jambes membraneufes des faulTes-Chenilles font
dépourvues de crochets: au ^ moins ne connoif-
3ons-nous point encore d'Efpece dont ks jam-
Ibes mera'braneufes en foîent pourvues. Notre
£iuife-Chenille du Poirier eft de grandeur mé-
diocre. Le fond de fa couleur eft un blanc
dans lequel paroit entrer une légère teinte de
"bleuâtre. Sur ce fond font jettées des taches
àrrégulieres , dont une moitié eft jaune , l'autre
noire. Ces taches occupent la jonction des
SUR LES INSECTES. 341
anneaux. Elle eft encore occupée par d'autres
petites taches noires , en manière de traits dé-
liés. La tète eft blanche : on lui voit de chaque
côté deux yeux noirs fort briîians , fitués l'un
au-delTus de l'autre. L'inférieur , qui eft le plus
petit , répond à l'origine des mâchoires. Exa-
miné à la loupe , il paroit être plutôt l'ouver-
ture d'un ftigmate ou d'une oreille qu'un véri-^
table œil On y appercroit une cavité. Je con-
figne ici cette Obfervation pour inviter les
Naturalises à examiner plus attentivement cette
particularité que je crois nouvelle. L'autre point
noir 5 au contraire , préfente une convexité très-
fenfible , & qu'on ne peut s'cmpècher de re-.
connoître pour celle d'une véritable cornée.
Cette faufle^Chenille fe tient ordinairement
roulée fur elle-même comme celle de l'Ofier ,
& fe conftruit une Coque fimple , précifément
femblable à la Coque de cette dernière. Je n'ai
pas eu fa Mouche.
i^r'lfei
Y?
143 0 B S E R V J T I 0 N S
OBSERVATION X X X V I.
Sur de très -petites Mouches Ichneumoiies qui
avaient fris leur accroijfement dans des œufs
de Papillon.
Ers la mi -Juillet 1759,16 trouvai fur
^ine feuille d'Erpblç des œufs de Papillon , de la
forme ordinaire , & dont la grolTeur indiquoil
allez qu'ils* ayoient été pondus par quelque
grand Papillon. Ils étoient au nombre de vingt,
langés fur trois, lignes, à-peu-près, parallèles. Ils,
repofoient fur la feuille par un de leurs bouts^
$c ils y étoient retenus par une forte de colle..
Au bout fupérieur de chaque œuF, on remar-,
quoit uit point brun autour ^ Se à une petite
diftance duq^uel étoit tracé uii petit cercle dq
couleur un peu plus foncée que le refte dç
FœuF, qui droit fur la coujeur de clair..
Tandis que je- confidérois ces œufs à h
îoupe , j'appercus, fur- \în d'entr'eux , près des,,
bords, du cercle dont je yiens; de parler , uii
|)etit trou à-peu-près; rond ^ par lequel fortoit
il tête- d'u.ne très-petite Mouche Ichneumone^
^ co\ûçm noire. Je, n'ignoroi-s pas q^ue dans.
SVB. LES INSECTES, U^
cette clafle nonVoreufe de Mouches. ( * ) qui
aiioient dépofer leurs œufs fur le corps ou dans
le corps des Chenilles vivantes , il en étoit de
très-petites Efpeces qui dépofoienc les leurs dans
les œufs mêmes des Papillons. On juge quelle
doit être la petitelTe des Vers qui éclofent des
œufs de ces Ichneumones, puifqu'ils trouvent
un logement fpacieux & une abondante nour-,
riture dans l'étroite capacité d'un çeuf de Pa-,
pillon*
En même temps que j'obfervois une petite
Ichneumone fortir d'un de mes œufs , je décou-
vris d'autres petites Ichneumones de la même
Efpece , qui couroient avec viteiîe fur l'amas
d'œufs y & promenant ma loupe fur cet amas ,
je vis d'autres œufs qui étoient percés , comme
le premier 5 d'un trou à-peu-prts rond. Les. peti^
tes Ichneumones qui couroient qà & là fur
l'amas d'œufs , n'avoie-nt pas plutôt reucontré
le trou rond , qu'elles l'enfiloient pour aller fe
cacher dans l'intérieur de l'œ:uf. J'en voyois
d'autres entrer Se fortir alternaûvenient par la
petite porte. Je ne faurois dire combien ce
fpecftacla étoit amufant ; je ne poiivois détacher
mes yeux de deffus cet amas d'œufs,
(*) Confultez le Mémoire XI du Tome U Je l'HiUoire des,
înfçcles de M. dç Reaumub.
Y4
|44 OBSERVATIONS
Après avvoir joui aiKz long-temps de ce joîi
fpedtcicle , j'euicvai la feuille fur laquelle les
oeufs étoient collés , & je la renfermai dans une
boite. On préfume bien que je ne tardai pas à
réouvrir cette boite ; mais quelle ne fut point
ma furprife tVy trouver une quantité prodigieufe
de ces mêmes ïchneumones que j'avois vu aller
Se venir fur nos œuf^s de Papillon , rentrer
dans leilr intérieur , & en fortir un moment
après î Je l'ai dit ; mes œufs de Papillon n'é^
toient qu'au nombre de vingt : il falloit donc
que les mères Ïchneumones eUiTcnt dépofé dan^
chaque œuf un bien grand nombre de leurs,
propres œufs , pour fournir à cette quantité fi
confidérable d'ïchneumones que renfermoit ma
boite. Qiieile ne devoit donc pas être la petiteife
de ces œufs & celle des Vers qui en étoient»
fortis !
Tous les œufs de Papillons n^étoient paS:
percés près, du cercle dont j'ai parlé : j'en re-
marquai deux qui l'étoient fur un de leurs
côte s, i mais je ne vis qu'un feul trou fur cha->
^ue œuf. Au reiie,tous ces œufs avoient fur
le çgte \in petit enfoncement..
SUR LES INSECTES. B4?
OBSERVATION XXXVII.
Sur une petite Mouche Ichneumone qui ferçoiS
une galle du Çhène four y dépofer [es œufs.
O U R peu qu'on ait étudié Les Iiifedes , on
n'ignore point qu'il eft des Mouches qui piquent
différentes parties des plantes , dans lefquelles
elles introduifent un ou pluiieurs œufs , & qui
y font naître ainfi diverfes excroiffances , qui
ont requ le nom de galles. Les galles du Cîiène
font les plus généralement connues , & il n'eft
point d'arbre dans nos contrées , qui en préfente
un plus grand nombre d'efpeces. Les Vers qui
naiifent 8c s'élèvent au centre de ces galles
fembleroient devoir y être fort à l'abri des en-
trcprifes des Mouches Icbneumones. Des Obfer-
vations multipliées ont pourtant appris aux
Naturaliftes modernes , que ces Mouches gtier-
rieres favent percer les galles les plus épaiiTes ,
& introduire dans leur cavité un ou plufieurs
œufs , d'où fortent des Vers qui vivent aux
dépens de l'habitant ou des habitans de la galle.
Mais on n'avoit pu encore s'affiircr , ^i les
Ichneumones perqoient les galles qui ne faifoient
que de naître , ou fi elles perqoient des galles
qiii avoient déjà pris im certain accroiffcmcnt.
34<S' OBSERVATIONS'
Les Obrervations propres à décider cette quefl
tiou n'étoieiit pas faciles à faire , & on ne poii-.
voit guère les attendre que d'un heureux hafard»
C'a été aulîi à un pareil hafard que j'ai dû.
rObfervation que je vais tranfcrire , & que M.
de Reaumu^r s'étoit plu à raconter en détail,
d'après une de mes Lettres. (*)
Le 17 de Juillet 1740 , tandis que j'étois.
occupé à chercher des Infedes fur un Chêne ,,
j'apperqus au-delfous d'une des feuilles de l'ar-.
bre , une galle de la grolTeur d'un pois; & je
remarquai qu'une petite Mouche étoit pofée fur
cette galle. Comme elle reftoit conftamment
dans la même place , je jugeai qu'elle s'acquit-
toit de quelque fonction importante : la branche
étoit un peu trop élevée ; d'une main je l'abaif-<
£ii pour mettre la feuille à la hauteur de mes.
yeux 3 je l'en approchai même autant que je le
voulus : la Mouche me lailfa faire , & toute
occupée de fon opération , elle fouiïrit que je la
regardalTe d'aufîi près qu'il étoit nécelfaire pour
la bien voir. Elle ne parut point du tout s'in-.
quiéter de mes mouvemens , ni de ma préfence,
Je foupqonnai d'abord, & ce fuupqon étoit bien
naturel , que ma i\Iouçhe travailloit à introduire
dans la galle un ou pluiiciirs œufs. Je n'en fus
(*} lUém. fur ks Inf. T. Yl, Mém. iX, pag. l\% ^ fuiv.
SUR LES INSECTES, 347
donc que plus excité à obferver attentivement
tout ce qui fe paiToit. Tandis que je tenois la
branche d'une main , je tenois de l'autre une^
loupe d'un aflez court foyer. J'eus le plaifir d&
voir que l'Ichneumone t en oit fa tarière piquée
dans la galle , & tout ce qu'elle faifoit pour l'y
faire pénétrer de plus en plus. Cette petite Mou-
che étoit du Genre des Ichneumones qui por-
tent leur tarière couchée fous leur ventre j
mais elle tenoit alors la fienne droite : fon étui
la foutenoit & l'enveloppoit jufqu'à quelque
diftartce de la galle : entre la furface de celle-ci
Se le bout de l'étui , il y avoit toujours une
portion de l'inftrument qui demeuroit à nud.
La Mouche étoit pofée fur fes iix jambes j elle
avoit la tète baife , 8c les antennes tranquilles
& inclinées vers la galle : elles étoient peu dif-
tantes l'une de l'autre , & recourbées en cro-
chet à leur extrémité. Tantôt l'Ichneumone pref.
foit du poids de fon corps la tarière pour la
faire pénétrer plus profondément , tantôt elle
éloignoit un peu ion corps de la galle ; & à
nieiure qu'elle féloignoit ou qu'elle l'élevoit ,
elle retiroit par çonféquent un peu fa tarière
en dehors , mais c'étoit pour l'enfoncer davan-
tage un inftant après , en appuyant delius le
poids de fon corps. Notre Mouche ne fe bor-
uoit pas à douner alternativement à la tarierç
348 OBSERVATIONS
des mouvemens de bas eji-haut & de haut cu-
bas , à la faire agir comme nous faifons agir
une aiguille d'acier pour percer un corps dur ,
dans une direction perpendiculaire à Fhorifoni
elle lui donnoit encore deux mouvemens alter-
natifs plus remarquables : elle faifoit tourner fa
tarière fuccefïivement fur elle^-mème en deux
fens contraires ; elle lui faifoit décrire une por-
tion de cercle dans un fens , & en. la ramenant
cnfuite du côté oppofé , elle lui faifoit décrire
une féconde fois la même portion de cercle. La
pofition de mes yeux étoit telle , que la lon-
gueur d'un des côtés de la Mouche fe préfen-
toit à eux en entier dans les temps ordinaires;
mais lorfque la Mouche faifoit tourner fa ta-
rière en tournant elle-même , la pofition du côté
devenoit de plus en plus oblique par rapport
à la ligne de mes yeux , & enfin Pextrémité
feule du corps leur étoit préfentée direclcment 2
en pirouettant enfuite dans un fens oppofé ; la
Mouche ramenoit le côté à être parallèle à la
Hgne de mes yeux.
Malgré les divers mouvemens que je viens
de décrire , mon Ichneumone ne parvint qu'avec
beriucoup de temps à faire un trou fuHifamment
profond dans la galle *, elle fcmbloit être pour
la Mouche un roc dui% J'avois commencé à
SUR LES IN SE crus. 549
îobferver fur les fix heures du foir , & j'igno-
rois à quelle heure elle s'étoit mife au travail.
J'étois aux bords d'un bois , & aifez éloigné de
ma demeure : à (ept heures trois quarts , je fus
forcé de mettre nn à une Obfervation Ci neuve
& il intéreflante : il falioit me retirer chez moi:
j'étois bien plus fatigué que je n'aurois pu
l'Être de la plus longue promenade , par la né-
ceffité où je m'étois trouvé de me tenir fur
mes jambes pendant une -heure trois quarts à
la même place , ayant eu toujcurs une de mes
mains occupée à retenir, l.a branche , & l'autre
à tenir la loupe. Mais avant que de partir , je
crus devoir me faifir de la petite Mouche : en
la 'prenant, il me fémbla fentir quelque réfif-
tance , à mefure que je faifois fortir fa tarière
du trou dans lequel elle étoit engagée.
Je me propofois d'examiner à mon aife la
ftrudure de l'inftrument de mon Ichneumone :
mais cette Mouche qui avoit été fi tranquiiié
fur la galle , pajrut d'une vivacité furprenante
dans la boîte, où je la renfermai: elle y tenoit
fes antennes dans un mouvement continuel :
elle fut enfin s'échapper lorfque pour la prendre
Se fobferver au microfsope , j'ouvris la boite
où elle étoit prifonniere. Elle n'étoit d'ailleurs
remarquable ni par £i figure, ni par ù couleur.
no OBSERVATIONS
Elle n'avoit guère plus d^une ligne de longueurs
•on n'appercevoit fes ailes inférieures qu'au tra^
vers des fupérieures. Son corps étoit court, de
forme ovale 5 Se terminé par uiie petite queue î
il étoit joint au corcelet fans aucun étrangle-
ment. Celui-ci étoit un peu relevé ^ comme l'eft
le corcelet des Couiins & des Tipules. La tète
étoit fort petite , & portoit deux longues an^
tenues formées d'une fuite de petites vertè-
bres. Les jambes étoient d'un marron clair. La
couleur du refte du corps étoit d'un noir lui-
iants mais celui de la tète & du corcelet étoit
mat»
DÈS que j^eus enlevé la Mouche de deîTus h
galle , mon premier foin fut d'obferver l'endroit
de cette galle où j'avois vu la tarière piquée fi
long-temps. Il étoit plus reconnoiffable par fa
couleur, que par le diamètre d'un trou prefque
imperceptible 5 il étoit brun. On préfiime aiicz;
que je ne part^'s pas fans avoir pris les précau-
tions nécelfaires pour retrouver fur le lieu mi
petite gai'e. De temps en temps 5 je retournois
l'obferver , & je la trou vois de plus en plus
grofie. Je Pavois d'abord )i\gée une galle en
Grofdlle ^ ou de celles dont la grolfeur égaie à^
peu -près celle de ce petit fruit; mais le 2f
d'Août 3 elle étoit parvenue à égaler en. groiibur
SUR LES insectes: 371
tîiie noix mufcade. Malheureufement je fus obligé
de quitter la campagne , & de renoncer à fuivre
une Obfervation qui m'intérelibit beaucoup : je
pris donc le parti d'emporter chez moi le bout
de la branche auquel tenoit la feuille qui por-
toit la galle : je plongeai le bout de la branche
dans Peau d'un vafe , que j'avois foin de re-
nouveller de temps à autre : mais en moins
de trois femaines , la feuille fe fana. Ce ne fut
pourtant que le 24 de Novembre , que j'ouvris
la galle , pour voir fi fon intérieur étoit habité.
L'endroit que la Mouche avoit piqué , étoit
encore reconnoiffabie par une couleur plus brune
que celle du refte de la galle 5 mais il n'y pa-
roiifoit aucun veftige du trou : on appercevoit
pourtant dans l'intérieur une trace de la pi-
quure s car je ne pouvois pas ne prendre point
pour telle une petite bande brune , qui péné-
troit en ligne droite jufqu'à la cavité qui eft
au centre de ces fortes de galles.
Ce que je cherchois fur-tout dans l'intérieur
de notre galle , c'étoit au moins un Infede forti
de l'œuf de i'Ichneumone. Je n'en découvris
point néaiuiioins : je trouv-ii feulement la Mou-
che habitante naturelle de la galle. Elle étoit
fort près de venir au jour : il ne lui reftoit
plus qu'à percer une couche très-mince pour
3f^ ÙBSEtxVÀTIOnÊ
être en état de prendre TeiTor. Mais dans îâ
cavité du centre , je vis des excrémens qui ne
font pas laillés dans le commun des galles par
les Vers des Mouches qui font naître ces galles %
je vis encore près du pédicule de la galle dont
il s'agit , deux trous ouverts à fa furface , -&
dans lefquels des excrémens étoient reliés. On
peut donc foupqonner, qu'un ou deux ïchneu-
mons, parvenus à prendre des ailes dans la
galle , en étoient fortis ; & il faut fuppofer en
conféqUence , que la Mouche qui avoit donné
naiiTance à la galle , avoit pondu plus d'un œuf ^
& que les Vers fortis de quelques-uns de ces
œufs avoient été dévorés par les Vers de"
i'Ichneumone.
Quoiqu'il en foit , il ne fauroit refter
aucun doute fur la fin pour laquelle la petite
Ichneumone perçoit la galle 5 & ce qu'il y avoit
ici de plus curieux à obferver l'a été , dès qu'on
eft parvenu à furprendre flchneumone occupée
à percer la galle , & à la fuivre dans fes prin-^
cipales manœuvres.
•^Â^
OBSERVATION
:S'U'R L'ES INJECTÉS. §^?
OBSERVATION X X X V 1 1 L
^;S?fr une Mouche des galles qui perçoit une feuille
pour y dépofer fes œufs.
L
21 de Mai 1738 , cherchant a obferver
les petites Chenilles qui plient & contournent
les feuilles du Rofier , j'apperqus fur une des
•petites branches de cet arbriffeau une Mouche ,
:[ iV. VI ^ Fig. I.] que je reconnus auffi - tôt
'pour être du Genre .de celles qui font naître
ies galks. Je coupai la branche, & la piquai
xians un vafe plein de ^erre. Je ne pus faire
<:ette opération fans agiter plus ou moins la
branche fur laquelle hi Mouche étoit fixée j <Sc
-pourtant, je remarquai que ces divers niouve-
mens ne paroilToient point faire impreiTiou fut
Ja Mouche. Je n'en fus que plus excite à lui
donner mon attention. Je jugeai facilement
qu'elle étoit occupée d'un travail important. Sa
couleur d'un rouge marron, & fon ventre taillé
€n quille de vaiireau , me rappel) erent la def-
-cription que M. de Reaumur avoit faite de la
Mouche des galles en Grofeille , fi communes
fur les feuilles du Chêne , & j'en inférai que la
Zvlouclie que je venois de furprendre , éïoiç
occupée à pondre,
Tanie IL Z
3H OBSERVATIONS
La branche que j'avois détachée portait h
ion extrémité un paquet de feuilles qui n'é-
;toient pas encore développées , & c'étoit fur
ces feuilles mêmes que la Mouche s'étoit fixée.
Peu de temps après , je la vis changer de place.
Elle ne paroilîbit pas fort agile. Sa démarche
-etoit alTez lente ; j'ai prefque dit aifez lourde.
Elle n'ailoit pas loin, & ne faifoit que quelques
pas autour des feuilles ; puis elle revenoit fe
^xer à la même place, ou à peu de diftance de
l'endroit où je Pavois furprife. Qiielquefois elle
niarchoit à reculons en tâtant du bout de fou
derrière la furface des feuilles fur lefquelies elle
paiToit. Cette petite manœuvre me confirma
dans la penfée que ma Mouche cherchoit un
lieu propre à recevoir les œufs qu'elle étoit
prête à pondre , & me porta à redoubler d'at-
tention. Je remarquai que, lorfqu'elle tâtoit du
bout de fon derrière la furfice des feuilles , il
iortoit du milieu du deifous de fon ventre , ou
de cet endroit taillé en arrête vive , une cfpece
d'aiguillon , de même couleur que le ventre , &
qui ne reffembloit pas mal au. fabre qui ter-
mine le derrière des Sauterelles. Il n'étoit pas
.néanmoins Ci long , & il étoit plus large pro-
portionnellement. Je préfumai bien que l'aiguil-
lon de notre Mouche avoit beaucoup d'analo-
gie avec ie fabre des Sauterelles, & qu'il étoit
SUR LES IRSECTES, a^ç
deftiné à mettre les œufs eu phce. Elle le diri-
gcoit tantôt plus , tantôt moins obliquement à
la longueur de fon corps. Qirand elle le diri-
geoit le moins obliquenrent , il me paroi llbit
s'enfoncer dans les feuilles: je nrairnrois mèms
qu'il sV enfoui^oit un peu 5 car je n'en décou-
vrois plus Cl bien l'extrémité. Mais il ne demeu-
roit pas long-temps aind enrbncé : la Mouche
îe retiroit bientôt , fuit pour le faire rentrer
dans fon ventre , ou le coucher dans la petite
coullile pratiquée dans Tarrece vive , & l'y ren-
fermer comme une lancette dans fon étui j foit
pour tâter d'autres endroits de la feuille. Pon-
dant que je faifois ces obfervations , m'étanC
muni d'une loupe, j'apperqus une pointe^ extrê-
mement fine qui fortoit de l'extrémité de ce
que j'avois pris pour raiguiilon , & qui n'en
étoit ainfi que le fourreau. Cette pointe Ci fine
ne fortoit que fort peu hors du fourreau , tan-
dis que la Mouche tâtoit la feuille. Enfin, après
m'avoir oîicrt ces divers procédés, ma Mouche
fe fixa. Elle fit fortir ce que j'avois d'abord pris
pour l'aiguillon, plus qu'elle n'avoit encore fait;
elle le dirigea prefque perpendiculairement à la
longueur de fon corps, & j^e le vis pénétrer
entre àcux feuilles , qui n'étant pas encore épa-
nouies demeurcieiit *c!ppliquées l'une à l'autre.
Qj.iand il eut pénétré fort avant entre les deux
Z 2,
3S^ 0 B S E R l^ A T I 0 N S
feuilles , & qu'il fe fut écoule un certain tenlps?
le ventre de la Mouche changea de forme. Au
lieu de celle qu'il avoit d'abord , il en prit inie
autre [PL VI, Fig. ii.] qui me frappa beau-
coup. Il s'élargit cxtraordinairement dans {-à
partie inférieure , parce qu'à mefure que l'ai-
guillon s'enfonqoit entre les deux feuilles , il
tiroit 11 fort à lui les anneaux du ventre , qu'il
le dciiguroit entièrement. Le derrière de la Mou-
che le terminoit par une fort petite queue [q~\
t;iil!ée en pointe : cette queue s'éleva pcu-à-peu
prefque à la hauteur des ailes , & la partie du
ventre fituée au-deflbus , s'é!argit tellement en
iuivant l'aiguilion , que fa largeur vint à fur-
palTer la longueur du ventre. Celui - ci en prit
une forme triangulaire , ou pour parler plus
exactement aflez bifarre. La partie fituée au-
delfous de la petite queue , n'étoit pas tirée par
l'aiguillon perpendiculairement en en-bas 5 & on
appercevoit fur le bord , & à-peu-près dans le
miheu de fa longueur , une forte de renfle-
ment [>'] ou de coude. Le côté oppofé du
ventre [ 0 ] , celui par lequel il s'uniifoit au cor-
celet, nepréfentoit point de renflement, & étoit
terminé par une ligne droite , qui formoit un
d3S côtés du triangle. Qiiand la Mouche faifoit
pénétrer fon aiguillon le plus profondément
qu'il étoit polîîble..^ le renflement ou le coude
SUR LES INSECTES. 3^)7
clont j'ai parlé , difparoiiroit , & c'était alors que
h ventre preiioit une forme plus exaclement
triangulaire. [PL VI, Fig. J.] Je le voyoïs. s'e-
krgir, je dirai mieux, salonger de plus en plus
par fa partie inférieure 5 au paiuti de s'eni-oncev
lui-même allez avant entre les feuilles. Il s'é-
couloit Uji temps plus ou moins long pendant
lequel la Mouche continuoit à tenir foix aiguil-=
loji aulli profondément enfoncé entre leS: fcuiU
les : elle le retiroit enfuite peu-à-peu , & à me-,
fure qu'elle le retu'oit , le ventre fe rapprochoit
davantage de fa première forme ou de fa forme
naturelle.
Pendant 'toute la durée de l'opération , Il
Mouche paroiiToit fort tranquille ; elle n'agitoit3
que fcs antennes., & même afTez foiblement. Sa
tète étoit inclinée & tendoit à fc rapp roc lier
des premières jambes. Elle étoit Ci occupée de
fon travail , que quoique je tran.fportalTe le va le
d'un lieu dans un autre , elle ne fembloit pas
s'en appercevoir ; & qiiiind je la touchois légè-
rement du doigt, elle ne iaifoit que retirer un
peu fon aiguillon d'entre les feuilles ,. pour l'y
replonger un moment: après , auffi profondément
qu'auparavant.
Les yeux armés d'une ioune ^ je tâchois de
z 3
35S observations:
découvrir les œufs à leur pafïiigc par le cauaî
que renfermoit l'aiguillo!! -, mais ce fut en vain.
L'opacité des parties ne me le permettoit pas.
J'appcrqus feulement dans l'intérieur du ventre
ini certain mouvemciit , que je ne pou vois
comparer qu'à celui d'ui fluide qui fc portoit
tantôt d'un côté > tantôt, d'un r.utre. Ce fluide
apparent étoit ds couleur brune , & rendoit
ainfi plus opaque le côté du ventre vers lequel
il fe portoit.
Il étoit environ midi quand une Mouclie
commença à enibnccr fon aiguillon entre les
feuilles, 8i elle étoit encore fur les deux heures >
dans la pcfture que je viens de décrire. Mais
bientôt je la vis agiter fes antennes avec viva-
cité , & commencer à retirer fon aiguillon. Je
préfumai affez , que dès qu'elle auroit achevé
de le dégager, elle m' échappe roi t. En effet, elle
çouroit déjà fur la branche , & elle étoit fur
le point de s'envoler , lorfqu.e je la faiiis pour
la renfermer dans une boite.
CettF; Mouche n'avoit pas deux lignes- de.
longueur. La couleur de fon ventre étoit , comme
|e l'ai dit , d'un rouge marron y Se cette couleur
étoit encore- celle des. jambes. La tète y les an-
Içiliiés & lé QQXcéQtc dtoient noirs. Les anteu-».
SUR LES I2s[SECTES. 3^-9
lies étoîent affez longues & à filets grenéc. Les
ailes , au nombre de quatre , avoient la tranfpa-
rence ordinaire : on appercevoit feulement dar.s
le milieu de chacune deux petites taches noirâ-
tres. Les fupérieures recouvroient les inférieu-
res , & fe croiibient un peu : leur extrurn^té
outrepafToit un peu le bout du derrière. Leur
port étoit parallèle au plan de pofition.
On penfc bien que je fus très-foigneux d'ob-
fervcr à la vue (impie & à la loupe , Tendroit oii
l'aiguillon' de la Mouche avoit pénétré ; mais
je ny démêlai rien de particulier. Les feuilles
me parurent parfaitement exemptes de cicatri-
ces. Qiiatre jours après , je féparai entièrement
les deux feuilles pour les examiner plus 'atten-
tivement & plus à mon aife : mais quelque
attention que j'y apportaffe , je ne découvris ni
cicatrices , ni œufs. A la vérité , les o:ufs pou-,
voient être Ci petits , que ma loupe n'étoit pas
aiTez forte pour me les faire appercevoir.
J'ai rapporté d'autant plus volontiers cette
Obfervatioii , qu'il cPc très-rare qu'on parvienne
à furprendre leti Mouches des, galles tandis
qu'elles font occupées à percer les feuilles pour
y loger leurs œufs. M. de Reaumuk lui-même
iiy étoit pas parvenu. Je vais tranlcriiç là
Z 4
5^0 OBSERVAT I 0 N S
defcription de la Mouche des galles y elle aiderij'
mow Lecteur à laifir mieux tout ce que j'air,
rapporte dans cet article,.
" La tète de cette Efpece de Mouche , dil^
„ M. de ReaUxMUR (^ , n'a rien de fort rc-
33 marquable , elle porte deux antennes alTcz
^3 longues .... elle eft muiiie de deux dents . . ,
^ Le corcelet eft allez grand par rapport à la
„ longueur dû corps -, il eft brun , inais li l'eft
y^ moins que la tête. . . .Le corps eft d'un brun
35 très-luifant. ... Il eft court , mais ce qui lui
,^ donne un air qui lui eft propre , une forme
35 diiîérente de celle du corps, des Mouches des
33 autres Genres y c'eft qu'il a moins de diame-
;j3 tre d^un côté à l'autre , que du deifus au^
53 dôlTous. C'eft fur-tout le dcifous d\x ventre ,
33 qui a une forme difFérente de celle du def-
„ fous du ventre des autres Mouches j il a en
,;, quelque forte celle d'une carène de vaiifeau,.
^ Imaginons le vaiifeau renveifè, ou ce qui eu
J.3 la même chofe y que nous avo^is mis la
53 Mouche le ventre en-haut :: depuis, le corcc-
yy let jufques, vers, la moitié de la longueur du
3.3 corps, il y a une efpece d'arrêté,, ou plutôt
33 de tranchant v le mot de tranchant ne dit
(*) Mé,n. fytir Servir à l'Hifl. des- Ivf- Tom. III , Mcm. XI j.
%^%f 4.83 «S; fi;i,v.. lie la gr.tnakrc liduion in-^-''^.
SUR LE^ IN SECTE!-. :^t
55 rien de trap ; car chaque anneau eft couvert:
5) par une pièce d'écaillé , qui eft une elpeca
53 de ceinture ou d'anneau ouvert , dont les
35 deux bouts viennent s'appliquer l'un contre.
35 Tautre en delTous du ventre , & former par
2^ leur rencontre une arrête aiguë. Là, les deux
55 bouts de l'anneau écailleux ne font qu'ap-
55 pliqués l'un contre l'autre ; il eft aifé de le
35 rcconnoitre , fi on tâche de les écarter avec
33 une pointe fine. S'ils ne pouvoient pas s'é-
33 carter de la forte, le ventre de l'Infeéte ne;
35 pourroit pas fe gonfler plus dans certains.
33 temps que dans d'autres , & il lui eft néceC-
35 faire de le pouvoir. Vers le niiheu du ven-
35 tre , cette arrête manque , elle femble abattue
55 depuis cet endroit jufqu'à l'anus ; c'eft-à-
35 dire , que les deux bouts de chaque écailler
35 de l'anneau , lailfent là un petit intervalle
35 entr'eux. Là auilî , ils forment une efpece de
35 Goulilfe où font logées des parties qui m5-
„ ritent d'être connues j favair , une efpece de
35 tarière en forme , d'aiguillon , & deux pièces
35 beaucoup plus groiles , qui lui fervent d'étui.
35 II ne faut que preifcr entre deux doigts 1@
53 ventre de la Mouche , & augmenter douce-
55 ment les degrés de preirion , pour obliger ces
35 parties de fe mettre à découvert, & de mon-
33 trer d'où leur jeu dépend. Le premier degré
3^2 OBSERVATIONS
de preffion force feulement les deux pièces
qui compofent Pétui , à s'écarter l'une de
l'autre , & aiïez pour permettre de diftinguer
l'aiguillon qui eft entr'elles deux , & contre
lequel elles ne font plus alors auffi exacfte-
ment appliquées qu'elles l'étoient auparavant.
Le contour de l'anus paroît alors s il eft cir-
culaire & borde de poils. Si on prelTe en-
fuite , on oblige l'aiguillon à fortir de fon
étui , à s'élever ; on reconnoît qu'il eft d'une
fubftance analogue à la corne & d'un brun
châcarn , comme le font les aiguillons ou les
inftrumens équivalens de beaucoup de Mou-
ches plus groifes. On voit qu'il vient de Peu-
droit où Parrètc du ventre commence à être
abattue , que là , eft une pièce écailleufe qui
avance un peu fur la couliiTe , & que c'eft
deifous cette pièce que palfc Paiguillon. Mais
on ne le voit pas encore dans toute fa lon-
gueur ; il paroit bientôt plus long , fi on
33 preife le ventre davantage y on Poblige de
„ fortir du ventre dans lequel il eft logé en
grande partie. La prefîîon augmentée con-
traint auffi Panus à devenir' plus éloigné qu'il
ne Peft dans Pétat naturel , de Pendroit où
l'arrête commence à manquer , & où eft Pori-
55 gine de la coulifîe. Les bouts de chacune
55 des pièces qui compofent Pétui , fe trouvent;
SUR LES INSECTES 3^3
;, cependant toujours à même diftance de l'anus ,
j3 d'où il fembieroit que ces pièces s'alongent,
35 mais ce qui ei^c plus vrai, & ce qui eft plus
33 remarquable , c'efi: que la tige , pour ainlî
53 dire, de chacune de ces pièces étoit dans le
3, corps, & que la preiPion l'en a iait fortir.
„ Qii'on pouiîe plus loin la preffion , & juf-
53 qu'au dernier point où elle peut être portée,
33 tout cela devient plus fenfible; Faiguilloii
33 par oit plus du double , & près du triple plus
3^3 long, qu'il ne l'étoit d'abord; l'anus s'éloi-
53 gnc davantage de l'origine de la coulilTe ,
53 mais ce n'eft pas en ligne droite qu'il s'en
53 éloigne, il paiTe du côté du dos, & la partie
33 de chacune des pièces de la couliife qui eft
33 fortie du ventre , fe recourbe en arc , &c. ,>
Si l'on compare cette defcription de M. de
REA.UMUR avec les détails que mon Obferva-
tion préfente , on y trouvera bien des rapports.
Ce que cet habile Obfervateur opéroit en prel^
Tant de plus en plus le ventre de fa Mouche,
-s'opéroit naturellement dans celle que j'avois
furprifei occupée à pendre. Il eût été a fouhai-
ter , que Malpighï , qui avoit auffi furpris une
Mouche de cette Efpece dans la même fonc-
tion , comme on peut ri;ûerer d'un palfage de
fon Hiftoire des galles , fut entré ià-delfus dans
3(^4 OBSERVATIONS
quelque détail. Il en feroit mieux prouvé en-
core , que le ventre de la Mouche fubit pendant
l'opération de la ponte les divers changemens
de formes que /ai décrits. Au refte, je me ferois.
exprimé avec plus d'exaditude & de clarté , 11.
j'avois eu en main les Mémoires de M. de
Reaumur tandis que je faifois mon Obier-
vatioii.
OBSERVATION XXXIX.
Sur le Founnilion , ^ en particulier fur fa
Jîru&ure.
L
iE Fourmilion , ce petit Ver hexapode que-
ion induftrie a rendu Ci fameux, efl un des In-
fedes qui piquèrent le plus ma curiofité dans
ma première jeun elfe. Je n'étois encore que
dans ma dix-repticme année, lorfque je cem^
menqai a ToLfervcr. J'en avois dû la première
connoiirance à Fingénieux Auteur du Speclacle-
de la Mature j & frappé de tout ce qu'il qi\
racontoit G agréablement , j'avois defiré- avec-
ardeur de voir par moi-mèiiie des fiits que je
foupqonnois avoir été trop embeiiis par THif-
torien y car je ne pouvois me pcriuader encore
qu'il exi(i:àt dans la Nature un petit înfede fi-
SU:^ LES INSECTES, 3^f
jnduftrieux. Je ne tardai pas à me fatisfaire ,
& dès l'année 1737 , j'avois vu par mes propres
yeux les particularités les plus intéreiTantes de
rhiftoire du Fourmilion , & j'avois été forcé
de reconnoître qu'elles n'avoient pas été exagé-
rées par l'Abbé Pluche. Cet eftimable écrivam,
qui n'étoit pas Obfervateur de profeiîîon , avoit
puifé les matériaux de fon agréable Dialogue
dans un Mémoire du favant Poupart , que
l'Académie des fciences de Paris avoit publié
-en 1704. Je crus donc que je de vois confulter
fur-tout ce Mémoire comme l'Hiftoire orginale
du Fourmilion , & comparer mes obfevations
à celles de cet habile Académicien. Je ne favois
rien encore des obfervations de M. de Reau-
MUR : fon hiftoire du Fourmilion ne de voit
fe trouver que dans le fixieme volume de
fes Mémoires fur les Infe&es , qui ne parut
qu'en 1742. Ce que je vais tranfcrire de mon
Journal eft donc antérieur à la publication de
ce volume , dans lequel l'illudre Auteur a
bien voulu inférer pîufieurs de mes obferva-
tions fur le Fourmilion Se les confirmer par
celles qu'il avoit faites lui-même.
Je ne donnerai pas ici la defcription détaillée
du Fourmilion : on la trouve dans le Mémoire
de M, de Reaumur : je me bornerai aux par-
3^S OBSERVJTIOKS
ticiilarités de fa ftruclure . qui avoicnt fait l'ob*
jet des recherches de M. Poupart. Ce curieuse
Obfervateur s'étoit contenté de dire , que le
Fourmilion file avec fon derrière à -peu- prés
conhne fait P Araignée. Il eft fingulier qu'il n'eût
pas cherché à voir l'organe au moyen duquel
rinfec1:e file , & qui le met en état de revêtir
l'intérieur de fa petite Coque d'une jolie tapif-
ferie de foie du plus beau gris de perle. C'eft
en effet au derrière qu'eH la filière du Four-
milion. C'eft pareillement au derrière que font
placées les filières de PjVraignée ; auiîi M. Pou-
PART fe plaifoit-il à trouver des analogies en-
tre les deux Infedes. Le derrière du Fourmilion
eft terminé par une pointe mouiTe : en obfer-
vant à la loupe cette pointe , tandis que je
tenois l'Infede renverfé fur fon dos , jy dé- .
couvris ûx petits poils , fort courts , de couleur
brune , piqués les uns à côté des autres , & à
'égale diftance , fur un même arc de cercle. Au-
deflTus de ce prem:er rang de poils courts , & à
une petite diftance , j'en découvris encore
quatre autres rangés à-peu^pres fur une ligne
droite. Ils n'étoient pas tous placés comme les
premiers , à égale diftance les uns des autres ^
ils étoient difpofés par paires , & il reftoit un.
vuide entre les deux paires un peu plus grap.d
que celui qui féparoit les poils de chaque paire.
SUR LES INSECTES, 3(^7
Les poils de la première rangée ou ceux qui
ctoieiit difpolés en arc de cercle , & qui étoient
les plus prés du derrière , fembloient y former
une forte de couronne , ou plutôt de demi-
couronne. Tout devint bien plus diftind au
microfcope : les petits poils • m'y parurent fous
la forme de mamelons coniques fort alongés
ou fous celle de petites quilles , de couleur
rouge. Je fus féduit par cette apparence trom-
peufe & je ne pus m'empêcher de les regarder
comme autant de filières. Je les comparois ta-
citement aux mamelons qu'on obferve au der-
rière des Araignées , & qui font bien de vé-
ritables filières. Je me trompois néanmoins ; &
je ne fus défabufé que par une lettre de M,
de Reaumur , à qui j'avois fait part de mes
obfervations fur la ftrudure du Fourmilion. Il
m'affura que cet Infecle n'avoit qu'une feule
filière , placée au bout de fon derrière , & que
cette filière étoit précifément ce petit corps lon-
guet & charnu que j'avois moi-même obfervé ,
Se dont je n'ai pas parlé encore. M. de Reau-
mur ajoutoit 5 qu'il avoit fait fortir un fil de foie
de cette même filière , & que ce fil s'alongeoit
autant qu'il le vouloit. C'avoit été fur un Four-
milion prêt à conftruire la Coque , que M. de
Reaumur avoit réulîi à faire c. it : petite expé-
rience. J'appris donc de mon iiluitre maître.
5^S OBSERVATIONS
«que j'avois vu la véritable filière de notre îit-
fede fans l'avoir reconnue pour ce qu'elle
€toit. En effet , après avoir beaucoup examiné
ces petits poils que je prenois pour des filières >
je m'étois avifé^ de prelfer un peu fortement
le derrière de PInfcc1:e , Se j'en avois fait for-
tir un petit corps charnu en forme de marne*
Ion très - alongé , qui reifembloit fort à cette
nouvelle partie que j'avois découverte dans les
Chenilles^ & que j'ai décrite Obf. IX ^ X. Ce
corps longuet & charnu étoit compofé de deux
pièces qui paroiflbient faites pour s'emboiter
Fune dans l'autre comme les tuyaux d'une hu
nette à longue vue. Le tuyau inférieur ou la
pièce qui fervoit de bafe à l'autre , avoit une
forme approchante de la cylindrique : elle s'é-
largiflbit pourtant un peu vers le bas. Elle
étoit la plus longue. L'autre pièce , la fupé-
rieure étoit exadlenient cylindrique ^ mais fon
diamètre étoit beaucoup plus petit. Les deux
pièces prifcs enfemble n'avoient pas trois quarts
de ligne de longueur : auiîi pour les bien voir
falloit-il recourir à la loupe. Leur couleur étoit
blanchâtre. Ce fut en vain que je prelfai le
derrière d'un Fourmilion jufqu'à le faire écla-
ter ', je ne parvins point à forcer la filière à
•■s'alonger davantage ; mais je vis fortir de
rextrémité fupérieure une gouttelette d'une
liqueur
^UÏL lÈS INSECTES. 36^
ïîcjiieur aflez claire qui-, appliquée fur ma lan-
gue , n'y fit aucune imprefHon fenfible.
Du derrière du Fourmilion je remontai à fa
tête. M. Pou PART avoit dit que cet Infecte
n'a qu'un œil placé à la bafe de chaque corne.
S'il eut obfervé plus attentivement & avec une
bonne loupe , il auroit reconnu qu'il fe trom-
poit. Le FouLmilion eft mieux partagé à cet
égard j au lieu d'un œil à la bafe de chaque
corne , il en a réellement ûx , que je n'eus pas
de peine à découvrir. Cinq de ces yeux me pa-
rurent rangés à-peu-près fur la circonférence
d'un cercle : le lixieme en occupoit le centre.
Ils étoient d'un noir luifint & pofés fur une
petite élévation fort feniible , qui failloit aux
deux côtés de la tète , à la bafe de chaque"
corne. Le Fourmilion eft donc pouivu de douze
yeux , qui m'ont paru le fervir très-bien. Il
eft encore finguiier que M. Poupart ne les
eut pas apperqus ; car il nous apprend lui-
même , qu'il avoit obfe vé les cornes ave'c un
fort microfcope : commeiU donc les douze yeux
lui avoient-ils échappés 5 tandis qu'une loupe
médiocre fuftit pour les faire appercevoir ?
Ces cornes , que notre Obfervateùr avoit
«îxpolées au foyer d'un microfcope à liqueurs.'
Toms IL h a
37®- OBSERVATIONS
lui avoient paru comme deux feringues ou
deux corps de pompe. Il nous apprend lui-
même ', qu'il y avoit apperçu wi corps trcmfpa-
rent ^ membraneux , qiii alloit tout du long de
la cavité de la corne , qui pouvait Men être le
pifion de la feringue. Sans avoir eu recoujLS à
un micro icope aulîî fort que celui de notre cé-
lèbre Académicien , & en ne me fervant que d'une
fimpie loupe , j'avois fouvent obfervé une ef^
pecc de canal qui occupoit le milieu de chaque
corne , & qui régnoit dans toute la longueur
de celle-ci. Mais il me paroiUbit au contraire
opaque , «Se de couleur rougeâtre. Cétoit fans
doute , ce que M. Pou PART avoir pris pour le
pifton de la feringue. Après Tavoir coniidéré
à la loupe , je le démèlois très-bien à la vue
fimple.
Ceci m'engagea à poufTer plus loin mes re-
cherches fur la ftrudure des cornes du Four-
milion : les inftrumens qui ont été donnés aux
Infedes pour leur confervation , méritent bien
d'occuper un Obfervateur qui fe plait à ad-
mirer ces chef-d'œuvres de la Nature.
Les cornes du Fourmilion parvenu à fon
parfait accroiffement , n'ont guère plus d'une
Jigne & demie de longueur. Elles font d'une
SUR LES INSECTES. 371
Fui) (tance qui approche de celle de la corne ou
de Pécaille. M. PotJPART les avoit comparées
à celles du Cerf- volant , & cette comparaifou
•eft aflez jufte. Elles font en effet , dentées fur
leur bord intérieur comme celles de ce grand
Scarabé. Les principales dents font au nombre
de trois. Elles font aiguës , de forme triangu-
laire , & inclinées vers la pointe de la corne.
Celles de chaque corne font placées à-peu-près
à égale diftance les unes des autres, & occupent
ie milieu de la longueur de la corne. Leurs
dimenfions ne font pas égales : îa dent la plus
voiiine de la pointe de la corne efl la plus lon-
gue : la dent la plus voiiine de la bafe eft la
plus courte. Leur extrémité eft noire. Si la
dent la plus proche du bout de la corne eft;
la plus longue , c'eft probablement pour qu'elle
puiife agir avec plus d'avantage fur la proie.
Les cornes du Fourmilion ne font pas rafes &
luifantes comme celles du Cerf- volant : elles
font affez garnies de poils noirs , dont quel-
ques-uns font alfez longs. 11 en eft de fort courts
qui font placés entre les dents , & qui reffem-
blent eux-mêmes à de petites dents j car ils
ont une certaine groifeur.
On peut confidérer les cornes de notre Li-
ftde fous deux faces principales & oppofées,
Aa z
372 OBSERVATIONS
Je nommerai riine îa face fupérieure h l'autre ^
rinférieiire. On découvre celle-ci en regardant
FInfecle du côté du ventre > on découvre celle-
là , en le regardant du côté du dos. Sous la-
quelle de ces deux iaces qu'on examine les
cornes du Fourmilion, on les trouve plus larges
qu'épaiiTes. E!!es coiifervent à-peu-près la même
largeur depuis leur origine jufqu'à Tendroit où
elles commencent à fe courber en crochet. Là ^
elles diminuent confidérablement de largeur
pour fe terminer par une points aiguë & très-
fine. Obfervées par la face fupérieure , elles pa-
roiifent aiîez liifes & un peu relevées dans le
milieu j & fi dans cette pofition on les examine
au grand jour & par tranfparence , on apper-
cevra dans leur intérieur , cette efpece de con-
duit qui s'étend d'un bout à l'autre de la corne ^
& que M. PouPART a regardé comme le piftoii
de la feringue. Mais quand on vient à confi-
dérer la corne par la face oppofée ou par l'in-
férieure , on reconnoît , que ce qu'on prenoit
pour un conduit intérieur , n'en eft point un ,
& qu'il eft une pièce diftincle , quia du relief,
& qui fe montre fur cette face de la corne
ibus l'afped d'une forte de cannelure. Tandis
que je conOdérois attentivement cette canne-
lure à la loupe , il me parut , que û j'eifayois
d'introduire la pointe d'une épingle entre la
SUR LES INSECTES, ^75
tannelure & le trou de la corne , je parviendrois
peut-être à len féparer , & que par ce moyen
ailez fiinple , j'ucquerrois de nouvelles lumières
fur la conftrudion de l'iuRrument. J'en fis auiîî-,
tôt la tentative , qui me réulTît au-delà de ce
que j'avois ofç efpérer. Je vis avec une agréa-
ble furprife , que d'une feule corne j'en avois
fait deux -, car la pièce qui formoit la canne-
lure paroilfoit une féconde corne , plus déliée
que celle fur laquelle olle etoit auparavant ap-
pliquée. Cette petite pièce qui imitoit (î bien
une corne , demeura unie par fa bafe à celle
dont je i'avois féparée dans le refte de fa lon-
gueur : mais je pouvois à volonté l'en écarter
à droit & à gauche ou la remettre en place.
Cette pièce , qui s'oifroit à moi comme une
féconde corne , n'avoit guère que le tiers de
la largeur de la corne principale , qu'elle égaîoit
en longueur. Il eft prefqu'inutile que j -ajoute
qu'elle en étoit encore diftinguée par la priva-
tion de ces. petites dents que j'ai décrites,
Je pourfuivis un examen qui devenoit de
plus, en plus intérelîant, & muni d'une loupe,
je me mis à obferver l'endroit de la corne fur
lequel la pièce que j'avois détachée avoit- été
auparavant appliquée dans toute fa longueur.
J'y appercus très - diftia&ment une rainure ,
Aa 3.
74 OBSERVATIONS
ïiiie forte de gouttière , qui diminuoit de lar-
geur à niefure qu'elle approchoit de la pointe
de la corne. Le long des bords extérieurs de-
là rainure , la corne paroiflbit fe relever ou s'ar-
rondir en forme de moulure. Il ne me fallut
pas un grand effort de reflexion pour péné-
trer Tufage de la gouttière : il étoit alfez évi^
dent qu'elle faifoit partie du canal deftiné à
conduire dans l'eftoraac du Fourmilion les fucs
plus ou moins déliés dont il fe nourrit. Je
n'eus pas plutôt fiid cette idée , que je portai
mon attention fur la face inférieure de la pe-
tite pièce ou de la cannelure que j'avois dé-
tachée 5 & je vis avec admiration qu'elle étoit
de même creufée en gouttière dans toute fa
longueur. h.ii\Ç\ , de la réunion des deux goût--
tieres réfulte un canal conique, qui s'étend d'un
bout à l'autre de la corne.
Telle eft donc fadmirable ftrudïure des;
cornes du Fourmilion. Elles font manifeftement
des efpeces de chalumeaux ou pour parler plus,
exaclement , de véritables trompes, à l'aide def-
quefles finfede fe nourrit. Elles font en même
tempâ de véritables pinces au moyen defquelles ii'
faiiit fi proie &: la perce. Leur extrémité eft
Il déliée y que je n'ai pu parvenir à découvrir
im niicrofcope fou ver tare qui y a été pratiquée
SUR LES INSECTES, 375-
pour donner entrée aux liqueurs nourricières
dans le corps de la trompe : mais au défaut
d'obfervations direcfles fur ce fujet , je rappor-
terai un fait qui démontre rigoureufement
Fexiftence de cette ouverture. En preiîant un
peu fortement la tète d'un Fourmilion prés de
la bafe d^s cornes ^ je vis à Pinftant fortir de
leur extrémité une gouttelette d'une liqueur
limpide, qui acquit bientôt la grolfeur d'une
tète d'épingle. Je la goûtai , & ne lui trouvai,
aucune faveur fenfible. Cette liqueur a fans
doute le même ufage que celle de la trompe
des Mouches & des Papillons : elle rend appa-
remment les alimens plus coulans. Peut-être
encore qu'elle les aflaifonne , & qu'elle prévient
auiîi un trop grand delféchement de la corne.
Inutilement chercheroit-on une véritable
bouche chez le Fourmilion : il n'en a point :
mais à l'endroit de la tète où l'on croiroit
qu'une bouche devroit être placée , on voit
une petite échancrure qui a peu de profon-
deur, & qu'on prendroit d'abord pour l'ouver-
ture d'une bouche. Ce n'cft donc réellement
que par l'extrémité (1 déliée de fes cornes, que
ie Fourmilion fuce les alimens qui lui font
appropriés ; l'ouveiture prefque infinimeiit petite
qui eïï à cette extrémité , équivaut pour lui à
Aa 4
37^ 0 B S E R V A T î 0 N S
lane bouche. Pendant que je preiTois la tète de-
rinfede & que j'obrcrvois avec attention une
des cornes, par fa face inférieure , j'appercus
dittindement un mouvement dans la pièce en
relief ou dans la cannelure : je la voyois aller
Se venir le long de la corne , & ce jeu duroit-
quelques inftans. Mais ayant fouhaité de revoir
ce mouvement Ci remarquable , je ne pus y
réuffir. Je m'étois au moins allure par cette-
obfervation , que la pièce dont il s'agit n'étoit
pas fimplement imprimée en reiief fur la corne;,
Biais qu'elle en étoit réellement diftincle , &
qu'elle étoit bien une pièce mobile , ailemblée
avec la corne de manière qu'elle pouvoir gUlfer-
en avant Se en arrieie fur celle-ci..
Je ferai encore deux ou, trois rembarques fur-
hs cornes du Fourmilion. Elles ne font pas
dans un même plan avec le corps , je veux
dire que leur extrémité s'élève fenfiblement au-
delTus du plan de pofition : peut - être pour
donner plus de facilité à I Lifecle de faifir f^
proie. En ferrant un peu entre deux doigts la,
îète du. Fourmilion ^. on oblige les cornes à s'ap-
procher ou à s'éloigner l'une- de. l'autre à
volonté. On peut m.ème les. forcer à fe crcifer
par leur extrémité , & d'autan'c plus qu'on aug-
:ûXei^te dayantage la preffion. Zvïais fans y être
SUR LES INSECTES. j^T
forcé , le Fourniilion les croife quelquefois , ou
les éloigne plus ou moins Tune de Tautre ,
félon fes befoins. M. PouPAKT Tavoit aufîî
obfervé. Mais je préfnme qu'il s'étoit trompé-
lorfqu'il avoit avancé, fans, pourtant en donner
aucune preuve , que les cornes de notre In-
fecte repoulTent après avoir été coupées. J'avois:
tenté cette expérience , & elle ne m'avoit point
réuiîî. Elle n'avoit pas mieux réulîî à M. de
Reaumur. Je Youdrois néanmoins qu'on la
répétât encore , & qu'on la variât plus que
nous ne l'avons fait. Il eft des phénomènes
rares dont la produdion dépend du concours;
de certaines circonilances que rObfervateur doit
tâcher de fdre naître..
Après m'ètre occuné des cornes du Four-
milion , j'examinai fa tète. M. Poupart s'étoit
contenté de dire , qiCelle étoit menue çf? -plate y
& ce n'étoit poir.t allez pour en faire recon-
noître la forme. La tète du Fourmilion eft aiTez
petite proportionnellement à fou corps. Elle eft
plus large qu'épaifle. Sa forme tient de la qua-
drangulaire. Elle eft néanmoms un peu con-
vexe tant en deifus qu'en deifous j elle l'eft
même un peu plus dans fa face infé.'ieure , que
dans la face opnofée. Sa forme n'eft pas celle
îj'un quarré parfait : elle a plus de largeur entre
378 0 B S E R r A T I 0 N S'-
les deux cornes que dans Tendroit où elle fe
joint au col. J'ai parlé de la petite échancrure
qu'on y obferve. Tout du^ long du milieu de la
tète, depuis l'échancrure jufqu'au col, on ap-
perçoit à la vue finiple, & mieux à la loupe,,
ime forte de petite rainure ou de future , aiTez..
feniblabie à celle qui marque fur le devant de.
Ja tète des Chenilles , la réunion des deux ca^
lottes écailleufes : mais cette forte de rainure,
eil; moins fenlîble dans la tète du Fourmilioix
que dans celle des Chenilles, Elle exiûe dans.
Tune & Taiitre face.
A l'heure que j'écris ceci, j'ai fous les yeux
Tune de mes Lettres à M. de Reau^iur , datée
du 23 de Novembre 1740, ou je lis ces mots.
J^avois eontinué à exannner la tête du Fourmi-
lioit ,• ^ je crois y avoir apperçn deux ouvertu-
res i mais dont je n'ai pu jufqiiici bien 'ûiajjii-
rer j parce que j\ti été obligé de [ufpendre ces
ObfervatioHS. Je ne trouve rien de plus dans,
mes Lettres fur ces deux ouvertures , & je ne
faurois à préfent me rappeller ce qu'elles étoient,
ni dans quel endroit de la tète je les avois ap-
perques. Trente-fix ans qui fe font écoulés dès-
lors , ont eificé de ma mémoire les traces de
cette Obfervation,.
SUR LES INSECTES. 379
IMMÉDIA.TEMEKT à côté des yeux font pla-
cées les antennes , qui ne paroiifent à la vue
iimple que comme deux petits poils y mais qui
obfervées à la loupe y paroiifent compofées d'une
fuite de vertèbres raifes bout à bout. Elles font
rafes , & leur longueur ne femble pas être la
moitié de celle des cornes»
Les Hiftoriens du Fourmilion nous ont vanté
fa patience & fa fobriété. Il peut en eifet fou-
tcrir de très-longs jeunes. Caché au fond de
£on entonnoir y il attend en chaifeur rufé &
patient que quelqu'Infede rôdeur tombe dans
le piège > & il f e paife quelquefois des femai-
îles & même des mois fans qu'il lui arrive de
faire aucune capture. On a vu des Fourmilions
vivre plus de fîx mois dans une boîte exad:e-
nient fermée , & où ils avoient été privés de
toute nourriture. Mais cette fobriété fi remar-
quable de notre chaileur n'eft que l'eifet de la
néceilîté , & on la voit fe démentir dès qu'on
jette dans l'a folfe deï Infecles fort fucculens.
On eft alors étonné de fa gloutonnerie. Je jettai
un jour dans la folfe d'un Fourmilion par-
venu à fon parfait accroiifement ? une des plus
groifes Araignées domefîiques y après avoir pris
la précaution de la fecouer un peu fortement
pour diminuer fa trop grande agilité. 11 la faifit
no OBSERFATIONS
à riîiitaiic , Teiitralna fous le fable , & la fuça
au point qu'il n'y refta que la peau. Peu de
jours après , je lui fervis une autre Araignée
d'une aufîi belle taille que la première ; il s'en
faifit encore , & la fuqa en entier. A la fuite
de deux repas fî copieux, il devint d'une grof-
feur prefque monftrueufe. Son ventre étoit fi
dillendu qu'il fembioit prêt à éclater. Il pouvoit
à peine fe remuer. Il s'enfonça peu de tempS:
après d:ms le fable, & y conftruifit fa Coque.
J'attendois d'un Fourmilion Ci bien nourri une
Demoifelle proportionnée à fon énorme corpu-^
lence ; <& je ne fus pas médiocrement furpris-,
quand je vis paroitre une Demoifelle dont la
taille n'avoit rien du tout de remarquable.
OBSERVATION XL.
Sur le procédé hiânjlrieiix an citoyen duquel te
Fownnîlion tranyporte hors de fa fojje les corps
trop pejhis pour être lancés au loin avec fa tète.
JLiE Fourmilion établit fa demeure ibus quel-
qu'abri, dans une terre féche & fort pulyéri-
fée. Il ne marche qu'à reculons: il ne peut donc
aller chercher fa nourriture. Il eft Carnivore, &
ne fe nourrit que d'înfecles vivans. Il cil ré-
f
SUR LES ÎMSËCTES. 38i
âuk à leur tendre un piège. Celui qu'il {lût
leur drelTer , eft une foiîe en manière d'enton-
noir 5 au fond de laquelle il fe tient en embuf-
cade. La Fourmi eft de tous les Infedles rôdeurs
celui à qui il arrive le plus fouvent de tomber
dans le piège. C'eft ce qui a fait donner h notre
chafTeur le nom aifez impropre de Foitrmilmu
Celui de Fournii-rejiard lui auroit mieux con-*
Venu fans doute -, mais il avoit paru trop long.
L'entonnoir que creufe le Fourmilion, eft
toujours revêtu intérieurement des grains de
terre les plus fins & les plus xiifpofés à glilTer
fous les pieds de TLifecte qui a eu le malheur
d'y tomber. 11 fait fouvent de vains efforts pour
regagner le haut de l'entonnoir, la roideur de
la pente & la terre qui s'éboule continuelle-
ment fous fes pieds , oppofent des obftacJes mul-
tipliés à fes elîortf', & le malheureux Lifecle
retombe bientôt au fond de la foiFe , où il eft
faiii à l'inftant par les ferres de fon ennemi. Si
pourtant il ne retombe pas d'abord, Se s'il re-
double fes efforts pour fe tirer du piège , le
Fourmilion lance au-delfus de lui avec fa tète
& fes cornes des jets de poufîiere qui fe fiic-
cédent avec une grande célérité , & qui font
pour l'infortunée viclmie,une .grêle qui triom-
phe enfin de fon agilité ou de fa vigueur.
3S2 OBSERVATIÛNS
On comprend par ce qui vient d'être dit ,
combien il importe à notre rufé chiiireur que
fbn entonnoir ne foit formé que d'une terre
très-fine & très-dirpofée à s'ébouler. De petites
pierres ou des moiécules de terre un peu grof-
fieres donneroient trop de flicilité à la proie
pour fe tirer du précipice : elles lui ferviroient
d'échellons. Si l'on parcourt de l'œil les endroits
qui abondent en folTes de Fourmilions , on re-
marquera bientôt , que l'intérieur de toutes les
folTes n'offrira qu'une terre extrêmement pulvé-
rifée , Se telle à-peu-près que la poudre des clep-
fydres. On remarquera en même temps autour
des foires , 8c fouvent fur leur bord , de menus
graviers , de petites pierres , ou d'autres corps
plus ou moins groiîîers. Quelquefois ces dilfé-
rens corps fe trouveront en li grand nombre
autour des folles , qu'on n'en fera que plus
étonné de n'en voir aucun dans leur intérieur,
«Se pour peu qu'on ait de curiolité , on délirera
de favoir comment le Fourmilion réuffit Ci bien
à débarraiîer fon piège de ces corps étrangers.
On n'aura pas à le fuivre long-temps , pour
découvrir au moins fa manoeuvre la plus ordi-
naire. 11 fuffira de le mettre dans une terre
féche & fine , mêlée avec de menus graviers.
Tandis qu'il fera occupé à creufer dans cette
terre fou efpece d'entonnoir, on le verra char-
SUR LES INSECTES. 383
g©r fa tète des menus graviers , & les projetter
d'un mouvement brufque , mais bien calculé ,
afTez loin de l'enceinte de l'entonnoir. Il réité-
rera cette manœuvre chaque fois qu'il rencon-
trera de nouveaux graviers , & les mouvemens
fubits de fa tète & de fon col feront toujourf;
proportionnés à la force qu'exigera le poids du
corps à projetter , ou à la hauteur à laquelle il
devra être projette.
Mais , comme je l'ai dit , on voit fouvent
fur le bord des entonnoirs que les Fourmilions
creufent en pleine campagne , de petites pierres
ou d'autres corps plus ou moins lourds , qu'on
reconnoit avoir été déplacés par l'Infedle , 8c
qu'on juge bien qu'il ne lui a pas été poifible
de projetter avec fi tête & fes cornes. Dès que
j'eus commencé à obferver , c'eft-à-dire , à ad-
mirer le Fourmilion , je fus extrêmement cu-
rieux de favoir le moyen auquel il avoit recours
pour fortir de fon entonnoir ces corps lourds
qu'il ne pou voit lancer au-dehors avec fa tète.
Je ne tardai pas à le découvrir : ce fut en
1737. M. de Reaumur en informa le public
dans fon intérellante Hilloire du Fourmilion. (^)
Je ne ferai guère que tranfcrire ici ce qu'il en
O Mém. fur les Inf. T. VI , Mém. X, pag. 551 , 552.
§84 0 S S Ë R V 4^^ ^ ^ i^ S
a rapporté d'après une de mes Lettres , & qiiè
j'avois cru digne de Ion attention-.
Quand le Fourmilion , occupé à creufer foit
entonnoir , rencontre Une maiTe incommode qu'il
ne peut projetter, il prend le parti de l'a tranf-
porter. On fait que pendant le travail il eft
toujours caché fous le fable : il ne laiiTe apper-
eevoir alors que fes cornes & fa tète : mais
îorfqu'il eft dans l'obligation de tranfporter hors
de fa folfe un corps pcfmt , par exemple , une
petite pierre , il fort du fable & ne craint plus
de fe montrer entièrement à découvert. Il
avance enfuite un peu à reculons s il fait palfer
le bout de fou derrière fous la pierre , & va
encore un peu en arrière : en même temps qu'il
exécuté ces mouvemen.s , les anneaux en exé-
cutent qui leur correfpondent , & qui tendent
à con'diiire la pierre vers le milieu de fon dos ,
& à l'y mettre en équilibre. Mais le plus diffi-
cile eft ici de la conferver dans cet équilibre
pendant le tranfport , en graviiî^uit à reculons
le long d'une pente déjà efcarpée. De moment
en moment, la charge eft prête à tomber, foit
à droit foit à gauche , ou même à rouler par-
deifus le dos de l'Infede : ce n'eft qu'en aJbaif-
fant ou élevant à propos certaines portions de
fes anneaux , qu'il parvient a la retenir fur foit
dos.
SUR LES INSECTES. 38^
ûas. Cependant malgré tous fes efforts , & mal-
gré tout fon favoir faire en tours d'équilibre-,
ia pierre lui échappe quelquefois, & rou!e juf-
qu'au fond de Pentonnoir. Le Fourmilion ne fe
rebute point; il reprend fon travail, fe charge
de nouveau de la pierre , redouble d'adreiTe &
de force , & parvient enfin à atteindre avec fa
charge le haut du précipice. Il ne la lailfe pas
précifément fur le bord de l'ouverture , elle
pourroit trop facilement retomber au fond du
précipice : il la pouiTe un peu plus loin , fe re-
tourne à l'inftant , revient à reculons dans fa
foife 5 & fe remet à excàver.
On voit alTez que la figure de la pierre ne
contribue pas moins que fon volume & fou
poids , à en rendre le tranfport difficile. Une
pierre ou une petite maiîe quelconque , dont la.
figure approche de la fphérique , eft bien plus
difficile à tranfporter qu'i^ne m.aife de même
volume & de même poids, dont la forme eft
applatic. Je ne faurois dire combien le Four-
milion intéreife le Spedateur tandis qu'il eft
occupé de ce pénible travail. Il vous attache
de plus en plus : on ne peut le perdre de vue
un inftant , & l'on a pour ce petit Syliphe des
inquiétudes qui augmentent de moment en mo-
ment , & qu'on ne s'attendoit pas à éprouver.
Tome IL B b
38^ 0 B S E R V A T I 0 N S
Sa patience dans ce rude travail ne fe fliit pas
^noins admirer que fon /adreile : j'ai vu des
Fourmilions revenir à la charge cinq à lix fois
.de: fuite, foit parce que la pierre étoit retom-
bée autant de fois , foit parce que j'avois fubf-
.titué une autre pierre à^celle qui avoit été
•traniportée. J'obfervai un jour un Fourmilion
^occupé à pouffer pour la féconde fois une aifez
gi'oifè pierre vers le haut* de fi folfe , fuivre
-conftammjent en remontant le fil! on qu'il avoit
tracé en dcfcendant. On eut dit qu'il connoif-
foit l'avantage réel que lui procuroient les
4iords du ûYlon y car on comprend qu'ils ne lui
fervoient pas peu à maintenir l'équilibre -, ils
emp échoient la pierre d'incliner tantôt d'un
côté 5 tantôt d'un autre.
Les Naturaliftes ont fort célébré la force de
la Fourmi dans le tranfport des fardeaux dont
elle fe charge ou qu'elle entreprend de char-
rier 5 fou vent aiîez loin , & fur un terrein plus
ou moins raboteux ; & il eft vrai que la force
de ce petit Infede eft étonnante. Je ne fais
pourtant il celle du Fourmilion n'eft pas plus
étonnante encore. Il eft lui-même un allez petit
Infede , «Se qui ne pefe guère que trois à
■quatre grains , lors même qu'il eft parvenu à
fou parfait accroiiîement. J'ai vu néanmoins un
SUR LES IKSEVTËS. B'S?
Totirmilion de médiocre groffeur , qui poniToit
Vers ie haut de fou entonnoir une pierre du
poids de deux deniers ou de quarante grains-
Il y auroit bien d'autres expériences cuxieufes
à faire pour juger de la force & de i'adreile de
ce petit Animal 5 & je me perfuade facilement
que quoiqu'il ait été étudié par les meilleurs
Obfervateurs , il s'en faut de beaucoup qu'ils
aient vu tout ce qu'il peut offrir d'intéreirant.
J'en juge par le procédé induftrieux que je
viens de décrire , & qui avoit échappé aux
Naturaliftes qui avoient obfervé les premiers
le Fourmilion: je parle fur-tout de MM. Pou-^
PART , Vallisniérï Sc Reaumur*
OBSERVATION XLI.
Sur tins nouvelle Espèce de Fourmilion décou<
verte par l'Auteur.
L
Es Fourmihons qu'on rencontre dans les
jardins ou dans la campagne paroilfent tous
appartenir à la même Efpece ; au moins n'ap-
percoit-on entreux aucune différence vraiment
caraclériftique 3 car quelques légères diveriités
. dans les couleurs , dans la taille ou dans les
dimenlions de certaines parties , ne fuffiroiciifi
Uh 2,
38B OBSERVATIONS
point pour établir des différences qu'on pût
regarder à bon droit comme fpécifiqiies. Je fuis
pourtant certain , qu'il eft aux environs de
Genève une Efpece de Fourmilion qui avoit
été inconnue aux Naturaliftes ; mais cette Ef-
pece m'y a paru fort rare. Je la découvris en
Juin 1740, dans ma campagne àThonex , petit
village fitué en Savoie , à trois quarts de lieue
de GtwQWQ , & dont le terrein léger & un peu
i!iblonneux eil: très-favorable aux Fourmilions.
Je cherchois de ces Infedes au pied d'un gros
Noyer , qui avoit crû fur une petite élévation ,
au midi , le long d'un grand chemin. Les grofles
racines de l'arbre étoient un peu à découvert,
& fous ces racines étoit une terre fort féche &
fort pulvérifée , où j'apperqus plufieurs foifes de
Fourmilions. Entre ces foifes , j'en remarquai
une beaucoup plus petite que les autres , & .
alfe2 mal façonnée , dont il me vint en penfée
de prendre la terre dans ma main. Quelle ne
fut point ma furprife de voir fortir de cette
terre un petit Fourmilion , qui au lieu de mar-
cher à reculons & aifez pefamment comme tous
ceux que j'avois obfervés jufqu'alors , alloit en
avant avec agilité , & la tète élevé© ! Je ne
pou vois en croire mes yeux , & je ne revenois
point de ma lurprife : mais ce Fourmilion lî
nouveau & fi précieux pour moi , étoit unique.
SUR LES INSECTES. 3S9
ic je defirois avec ardeur d'en trouver d'autres
qui lui reiTemblafTent. Je me hâtai donc de fouil-
ler dans la même terre & dans celle des envi-
rons : ce fut pour brs inutilement : je n'y trou-
vai que des Fourmilions communs , qui mar-
clioient tous à reculons. J'avois conçu néanmoins
une forte de défiance fur cette manière de mar-
chçr , depuis la découverte que je venois de
faire ; 8c pour m'alTurer que les Fourmilions
dont je m'étois faifi ne pouvoient marcher eu
avant , je les mis tous les uns après les autres
fur la paume de m.a main , & en les preilant
par derrière , j'eiîàyai de les forcer d'aller eu
avant : mais toutes mes tentatives furent conf-
tamment vaines , & tous mes Fourmilions s'obf-
tinerent à marcher à reculons. J'eus donc la
meilleure preuve que tous apparteuoient à l'Ef^
pece commune , & mon Fourmilion de la nou-
velle Efpece ne m'en devint que plus précieux,.
Je logeai à part le petit Animal , 8c je lui
donnai de la terre femblable à celle dans laquelle
je Pavois trouvé. Il ne s'y enfonça pas à l'info
tant s il fit d'abord quelques pas en avant fur
la furface ; mais bientôt il recourba le, bout de
fbn derrière, l'enfonça dans la terre, s'y cacha.
en entier > 8c y dcracura fans mouvement»
?b 3
?9"^ OBSERVATIONS
Je deGrois extrêmement de trouver d'autres^
Fouimilioîis de la mémo Efpece, pour étendre
& perftdionncr mes Oblervations fur ce Genre
dliiiedes. Plein de l'idée que celui que j'avois
découvert n'étoit pas leul de fon Efpece dans
le lieu où je Pavois rencontré, je ne tardai pas
à y retourner & à y faire de nouvelles recher-
ches. Elles ne furent point infrudueufes : j'eus
le bonheur de trouver encore deux Fourmilions-
de PEfpece qui cxcitoit le plus ma curiofîté. Je
les mis dans le même vafe où j'avois renfermé
le premier. Tous trois paroiifoient à-peu-près de
même âge , & n'avoir pas atteint la moitié de
ieur accroilTement. J'en jugeois par comparaifoii
avec les Fourmilions communs.
En examinant avec plus d'attention ces Four-
inilions nouvellement découverts, je remarquai
bietitot qu'ils diiféroient des Fourmilions corn.-
niuns par divers caradercs plus ou moins fril-
lans. Je m'attachai à étudier ces caradleres , &
à déterminer exaclement ceux qui pouvoient
fervi/ le plus à difrérencier la nouvelle vEfpece
de Fanciennc. Voici les reialtats de mon examen,
I. La couleur de la nouvelle Eipece eft moins
claire ; elle tire \va peu i'ur le gris de ier , prin-r
ci paiement à la tète & aux cornes. Les trois
SUR LES IKSECTES. ^51
lignes formées de taches noires , qui s'étendent
le long du dos , font moins diitincTies j elles font
à peine vifiblcs.
2. Le corps eil plus alongé : le derrière fe
termine mieux en pointe , & le dos efi ordinai-
rement plus appiati.
3. La. tête eft plus large, & h. col eft plus
fufGeptible d'alongement.
4. Les cornes , vues par la face fupé^îeure-,
paroiifent plus fortes , plus, arrondies , plus lif-
fes, moins tranfparentes , & prefque fans poils\
5. L'ESPECE de tuhercuk ^ïut \qc^\q\ font pla-
cés les yeux , eft plus faillant. Les yeux fons
plus gros , plus vifs , plus diftnids.
6". Les anneaux font plus marqués.
7. Le^ mamelons ou tubercules placés fur les
GÔtés , & d'où partent des poils noirs en ma-
nière de houppes , font plus fonfibies.
8- Les jambes delà dernière paire font moins
repliées, & peuvent s'écarter davantage dudef-
fous du ventre. Les jambes de cette paire ..
Bb 4
393 OBSERVATIONS
comme celles des deux autres paires , font ter-
minées par des crochets plus aigus.
% Le bout du derrière n'offre qu'une feule
deyHi-coîironne de poils courts. Ils font au nom-
bre de huit , & placés beaucoup plus près les
uns des autres : ils femblent même comme
Te unis dans une bafe commune.
VoïLA fans doute aiTez de caractères pour
différencier les deux Efpeces. Un fcul pourroit
fuffire y je parle de celui qui nous eft fourni
par la faculté de marcher en avant , que la nou-
velle Efpece polTede à l' exclu fion de Pautre.
J'ÉTOis fort defîreux de m'inftruire du genre
de vie de mes nouveaux Fourmilions. Je les.
obfervois fouvent. Jétois fur -tout curieux de
favoir s'ils feroient ufige de leur faculté d'aller
en avant pour courir fur leur proie. Je les
fiuvis conftamment depuis le mois de Juin ,
)iifqu'à la fin de Novembre > & pendant tout
ce long iritervalle de temps , je ne les vis jamais.
fe creufer d'entonnoir. Ils demeuroient toujours,
immobiles , cachés fous- le fable y la tète ordi-^
nairement un peu élevée au~deflus de la fur-
face , & les cornes écartées Tune de l'autre , &
prêtes à fiiiir la proie, lis étoient fùremcnt fort
SUR LES INSECTES. 395
adroits à la faifîr j car lorfque j'introduifois dans
le vafe quelque Iiifcde rampant ou voJaiit ,
j'étois prefque f^ir ^e n'en trouver le lende-
main que le cadavre , réduit à n'être plus qu'une
peau féche.
Toutes mes Obfervations concoururent donc
à prouver que mes Fourmilions de la nouvelle
Efpece n'avoient point cette induftrie qui a
rendu fi célèbre le Fourmilion commun. Tout
l'art de mes nouveaux Fourmilions me parut
fe réduire à faifir promptement la proie au
paiTage. L'alongement dont leur corps eft fui^
ceptible , & la facilité qu'ils ont d'aller en
avant , leur font , fans doute , d'un grand fe-
cours dans leur chalfe. Je ne les ai jamais vus
fortir de terre pour courir après leur proie:
mais je n'oferois aiîurer qu'il ne leur arrive
jamais de le faire. Je l'ai dit , ils font agiles , &
marchent la tète levée comme les petits Lions
des Pucerons , auxquels ils reiiemblent bien plus
que les Fourmilions communs. Comme ces pe-
tits Lions encore , ils agitent la tête en marchant.
Ordinairement mes Fourmilions de la
aaoLivelle Efpece creufoient un peu la terre au
devant de leur tète : cette petite folfe, toujours
mal façonnée , pouvait fervir à retenir queL
394 OBSERVATIONS
ques momens de fort petits Infedes , 8c à don-
ner aux Fourmillons plus de facilité de s'en
faifir. Mais encore une ^ok , cette manière de
foiTe ne pouvoit point être comparée à l'enton-
noir du Fourmilion commun : elle n'étoit qu'un
petit creux qui n'avoit rien du tout de remar-
quable.
Notre nouveau Fourmilion oiFre pourtant
une particularité qui mérite que j'en fafle men-
tion : il tient Ton corps plus enfoncé dans le
fable que le Fourmilion commun. Il s'y cram-
ponne mieux , & fe procure ainfi le moyen de
retenir des IiifecTtes vigoureux qui lui oppofent
nue grande réfiftance. Je l'ai vu retenir de la
forte des Chenilles de grandeur moyenne , qui
fe donnoient entre fes ferres les mouvemens
les plus violens , en fe pliant & fe repliant iur
elles-mêmes , & qui ne parvenoient point ni à
lui faire lâcher prife , ni à le tirer de deiTous
le fable.
Ceux qui fe font plu à fuivre les procédés
du Fourmilion commun , favent qu'il a coutume
de fecouer plus ou moins les ~ Infectes vivans
dont il fe faifit : il les étourdit ainfi , 8c s'en
rend plus facilement maître. Le Fourmilion de
la nouvelle Efpece ne m'a point paru recourir
SUR LES insectes:. 39^
à ce moyen pour s'aiTurer de fa proie. Il eft
pourtant fingulier, qu'il ne m'ait pas paru la
tuer auffi promptement que le fait le Fourmi^
lion de l'Efpece commune. J'ai vu des Chenilles
demeurer vivantes entre fes cornes plus de
douze heures. Après les avoir fucées en entier,
il étoit Cl dodu , fi replet , qu'il pouvoit à peine
fe remuer.
Quand on renverfe fur le dos le Fourmis
lion commun , il ne reprend que difficilement
& avec effort fa poiliure naturelle : il n'en va
pas de même du nouveau Fourmilion j il fe
redrelfe leftement &; promptement : c'eft que
tous fes membres ont plus de foupleife, & que
fa tète & fes dernières jambes peuvent s'alon-.
ger davantage.
Le nouveau Fourmilion diffère encore de
l'ancien par fa taille , qui eft plus avantageufe.
Au printemps de 1741 , je retournai cher-
cher des Fourmilions de la nouvelle Efpece dans
le même endroit où j'avois trouvé les premiers.
Je ne pus en trouver qu'un feul : il étoit plus
gros que le Fourmiuon commun parvenu à fon
parfrit accroilfement. Il lui manquoit la moitié
d'une corne : la corne mutilée ne paroiifoit pas
39^ OBSERVATIONS
l'avoir été récemment. Je le mis dans une boîtev
que je ne remplis qu'à moitié de fabîe. Je né-
gligeai de la couvrir , ne penfant pas que cette
précaution fut néceiFaire. Je me trompois ; mon
Fourmilion s'échappa. Je le retrouvai néanmoins,
& je le logeai dans un verre à boire , que je ne
l'emplis de llible que jufqu'à la moitié de fa
hauteur. Je n'imaginois pas le moins du monde
que mon petit prifonnier pût grimper le long
des parois du vafe pour fe mettre en liberté. Je
îTje trompois encore -, il fortit de ce vafe , & je
le trouvai le lendemain caché dans une fente
du plancher de mon cabinet. Je le remis dans
le verre que je couvris d'une plaque de même
matière. Les crochets qui terminent les jambes
de ce Fourmilion , font fi aigus qu'ils ont prife
fur le verre même. J'ai vu un de ces Fourmi-
îions marcher facilement fur un plan uni &
perpendiculaire à l'horifon.
Peu de jours avant que mon Fourmilion
fortit du verre où je l'avois logé , je lui a vois,
fervi une Chenille qui avoit beaucoup perdu de
fa vigueur. Il favoit faifie avec la feule corne
qui lui reftoit entière , & en avoit tiré tout le
fuc. Mais après l'avoir fucé , il ne put parvenir
à en détacher le bout de fa corne , & je fus
obligé de le débarralTcr moi-même du cadavrQ.
SUR LES INSECTES. 397
Le premier de Juillet , il commença à travailler
à fa Coque , qu'il conftruifit à fleur de terre.
Le 23 d'Août , la Demoifelle fortit de cette
Coque. Elle étoit plus grande que celle du Four-
milion commun. C'étoit une femelle : elle pon-
dit un œuF d'une forme feniblable à celle de
i'œuf du Fourmilion de l'Efpece commune.
J'envoyai la Coque , la Demoifelle & fon œuf'
à M. de Reaumur pour le mettre à portée
d'en juger, & pour qu'il pût les faire defïîner:
mais fon Mémoire fur le Fourmilion étoit déjà
imprimé lorfque mon envoi lui parvint. Je lui
avois envoyé auparavant le Fourmilion lui-
même, qui étoit arrivé à Paris bien vivant. II
en fit mention dans fon Hiftoire , & en accom-
pagna la defcription des deux Figures que j'ai
tranfportées dans cet écrit.
Aucun des Naturaliftes qui m'avoient pré-
cédé n'avoit parlé des mues du Fourmilion.
J'ignore moi-même Ci le Fourmilion commun
change de peau avant que de parvenir à fon
dernier accroiiîement : je le préfumerois volon-
tiers d'après l'analogie -, car tous , ou prefque
tous les Infedes qui ont des métamorphofcs a
fubir, changent une ou plufieurs fois de peau
pendant qu'ils demeurent fous leur pr'^miere
forme. Quoiqu'il en foit -, je fuis au moins cer-^
39S OBSERVATIOXS
tain que le Fourmilion de la nouvelle Efpece
change de peau awuit que de fubir la première
niécamorphoik Pendant que je robfervois en
1-40, ie trouvai ù dépouille dans le iable :
elle étoit tres-complette , de couleur blanche
ou blanchâtre , & tendue fur le dos.
O R S E R \' A T I O N X L I L
S^ir u€ ^eîïte^ Fonrydîs qui s'étaient établies dans
la tète d'un Chardon à bonnetier.
A.-
U commencement d^Août 1739, tandis que
je chaiîbis aux Iniecl.s le long d'une haie à
Texpolîtion du midi , je rencontrai tout auprès
quelques pieds de Chardon à bonnetier de Tan-
née précédente , & qui s'étoient delîechés fur
la place. Comme j'avois commencé à obferver
la petite Chenille qui vit dans la cavité de la
tète de ce Chardon , <S: dont j'ai donné PHiftoire ,
Obf XIX, je me mis en devoir d'entr'ouvrir
quelques-unes des tètes des Chardons que j'a-
vois fous les yeux ; mais dans la première
que j'entr'ouvris , je ne fus pas médiocrement
furpris de trouver , au lieu de la Chenille , une
petite fourmilière très-bien peuplée de petites
Fourmis rouges «S; de leurs Vers. Charmé de la
SUR LES INSECTES. 399
découverte, je me hâtai de refermer la tète du
Chardon , & je projettai aiillî-tôt de profiter
de cet heureux haPard pour me procurer une
fourmilière portative , dont je pourrois dirpo-
fer à mon gré. Je coupai donc la tige du Char-
don à fept ou huit pouces de la tète, & je por<
tai ma fourmilière dans mon cabinet. Je fongeai
d'abord au moyen de Py établir de la manière
la plus convenable , foit pour i'Obfervateur ,
foit pour les Fourmis elles-mêmes. Il m'impor-
toit fur-tout de faire enforte qu'elles ne puiTent
point nvéchapper pendant tout le temps que
je continuerois a les fuivre. Le premier expé-
dient qui me vint dans l'efprit , me parut éga-
lement fimple & commode. Je remplis de terre
de jardin un verre à boire : je plantai la tige
du Chardon dans cette terre , & je pofai le
pied du verre au milieu -d'une cuvette pleine
d'eau. C'étoit un petit lac au milieu duquel
s'élevoit l'isle aux Fourmis. Je penfois avoir
pourvu à tout 5 & je n'imagiiiois pas qu aucun
citoyen de la petite République pût être alfez
amoureux de la liberté pour ofer entreprendre
de traverfer le lac à la nage*, car il me fembloit
un immenfe amas d'eau pour de fi petites Four-
mis. Je m'abufois néanmoins , & je ne préfu-
mois point aifez de l'amour de la liberté. Bientôt
je vis pluileurs de mes Fourmis qui entreprî-
400 OBSERVATIONS
noient de traverfer le petit lac au rifque de fe
noyer. Averti par cette tentative que je n'avois
point prévue, je cherchai quelqu'autre expé-
dient qui fut plus propre à prévenir Tévadou
de mes Fourmis. Après y avoir rêvé quelque
temps je me déterminai pour le moyen que je
vais décrire.
Au lieu de pofer le pied du verre à boire
[PL F/, Fig. 5.] dans la cuvette pleine d'eau,
je le fis entrer dans un grand poudrier [P]
à-peu-près cylindrique , & dont le diamètre de
l'ouverture étoit tant foit peu plus grand que
celui du pied du verre à boire : mais comme
ie poudrier ne confervoit pas par-tout le même
diamètre, & qu'il diniinuoit un peu a deux ou
trois pouces de l'ouverture , le pied du verre k
boire s'arrêta à cette hauteur. Je remplis de
terre de jardin toute la partie [ P/. F/, Fig. 0. ]'
du poudrier , comprife entre le pied du verre à
boire & l'ouverture de ce même poudrier. Le
verre fut ainfi aHujetti dans le poudrier d'une
manière plus folide. Toute la partie inférieure
[i] du poudrier étoit donc vuide , & la teire
qui en rempliiïbit la partie fupérieure , fembîoit
être en l'air : car le pied du verre touchant de
toutes parts aux parois intérieures du poudrier ,
retenoit la terre & i'empêchoit de tomber au
fond
SUR LES INSECTES, 40Î
i'Giid da vafe. Tout étant aiiifi difpofé, je poïld
le pied du poudrier aii milieu de la cuvetce
[C] pleine d'eau. J'avois donc pratiqué poiir
îiies Fourmis deux eTpeces de petites terraills
conftruites l'une au-delius de Tautre : le verra
a boire formoit la terraiie fupérieure ; le pou-
drier, rinférieurc. Te voulus ména.^cr une corn-
niunication facile de l'une à l'autre , pour don-
ner un peu plus de liberté aux citoyens de la
petite République , & multiplier leurs piaifirs.
Dans cette vue, j'ajullai fur les bords du verre
à boire de menues tiges [ ^ ^. ] de Tithymala
 feiàlhs de Cyprès^ que j'aviiis dépouillées .do
leurs Feuilles. \J\\q des extrémités de ces tiges
repofoit fur la terre du verre > l'autre fur celle
du poudrier. J'avois préléré à deliéin les tiges
du Tiiiiymale , parce qu'elles font garnies à-z
petites afpérités qui me paroiifoient très-pro-
pres à faire pour les Fourmis l'office d'échellons
ou de degrés. Je pourvus ^n^iik<z la petite Ré-
publique de provifions de bouche & de maté-*
riaux convenables. Je diftribuai qï & là fur la
furface de la terre des deux vafes ou des deux
terraifcs , du fucre pilé & des brins de paille
ou de foin hachés.
L'attention que j'avois jçue de ménager
une communioatioii facile entre les d:ux ter«,
TQ}r,e IL C t;
402 OBSERVATIONS
rafles ne fut point inutile à mes Fourmis : elles
avoient peine à fe cramponner contre le verre ,
& elles furent bien profiter des tiges du Tithy-
maie pour palfer commodément de l'une à Pau-
tre terraife. Il eft vrai qu'en facilitant ainiî les
promenades de mes Fourmis , je courois le rif-
que de fliciliter en même temps leur évafion :
mais d'un autre côté , je ne vouiois pas les ref-
ierrer trop , ni les mettre dans des circonftances
qui différaifent trop de celles où elles avoient
vécu jufqu'alors.
Elles ne fortoient pas fréquemment de la
fourmilière, & quand elles en fortoient c'étoit
toujours en petit nombre , & ordinairement une,
deux ou trois à la fois. L'ouverture que j'avois
faite à la tète du Chardon [Pi. VI, Fig. T. ] en
l'entrouvrant , & que j'avois refermée en très-
grande partie ? leur fervoit de porte. Elles def-
cendoient le long de la tige du Chardon , &
alToient fe promener fur la furface de la terre
dans laquelle elle étoit plantée. Lorfqu'elles
Venoient à rencontrer le fucre que je leur avois
fervi , elles s'arrètoient auprès , 8c paroillbient
€n manger ; mais elles n^en tranfportoient point
dans la fourmilière. J'en voyois d'autres qui fai-
filfoient avec leurs dents des grains de terre
c>u des brins de paille qu'elles tranfportoient
SUR LES INSECTES, 403
dans la fourmilière. Celles qui s'étoicnt chargées
d'un brin de paille avoient de la peine à Tin-
troduire dans le logemsiit : la porte en étoit fi
étroice, que c'écoit chofe très-amufante que do
voir tous les mouvemens que fe donnoit la
-Fourmi pour faire paiîer par Fouverture le brin
de paille dont elle étoit chargée. Elle le préfeu-
toit à Fouverture tantôt dans uil fcns , tantôt
dans vn autre : enfin , elle parvenoit à rencon-
trer le fens canvenable , Se le brin de paille
ctoit introduit. Je crus que j'irois au-devant des
befoins de mes Fourmis, (1 j'entr'oavrois un peu
plus la tète du Chardon : ce fut donc ce que
j'exécutai ; mais ce n'étoit point du tout ce
qu'elles fouhaitoient : je n'eus pas plutôt agrandi
Fouverture de la porte qu'elles travaillèrent aved
ardeur a la rétrécir. Elles fe mirent à charrier
de la terre , de la paille , du foin , qu'elles alfem-
'blerent en dedans & autour de Fouverture , &
qui la rétrécirent au point qu'elle ne fut plus
qu'une très-petite fente oblongue j qui fufHfoit
à peine à laiiTer pailër de front deux Fourmis,
Le 19 d'Août , remarquant que depuis plu-
fleurs jours mes Fourmis ne fortoient point do
la fourmihere , il me vint en penfée de Fex*
pofjr au foleil. Je Favois tenue jufqu'alors far
une des fenêtres de mon cabinet , ou le folei]
Ce Z
404 OBSERVATIONS
ne donnoit qu'une partie de la matinée. Dès
qu'il eut commence à échauffer la tète du Char-
don, je vis paroitre à l'ouverture de la porte
plufieurs Fourmis. Bientôt elles fortirent en
ioule, & s'attroupèrent en grand nombre au-
tour de la porte : elles avoient même été G.
empreiTées à fortir , qu'elles avoient fait fluiter
toutes les petites barricades qui en rétrecilFoient
l'ouverture. Le foïeil étoit ardent, & les Four-
mis paroiilbient très -émues, j'en vis un bon
nombre qui defcendoient le long de la tige,
portant chacune entre leurs dents un Ver ou
xiiiQ Nymphe , qu'elles alloient cacher dans la
terre.
Mais ce qui excita le plus mon attention ,.
ce furent d'autres Fourmis qui fembloient por-
ter fur leur dos une de leurs compagnes. Je
crus d'abord que c'étoient des cadavres qu'elles
•alloient enterrer. Une petite obfervation que
j'avois faite peu de jours auparavant , me fem-
î)loit confirmer cette idée : j'avois obfervé une
de mes Fourmis qui tranfportoit hors de la
fourmiUere une Fourmi morte , & qui après
avoir rodé long-temps fur la terraiîc fupérieure,
avoit dépofé le cadavre dans une petite foife
qu'elle avoit rencont ée à la furfice de la terre.
J'étois encore affermi dans ma penfée par l'im-
SUR LES INSECTES. 40T
mobilité conftante de la Fourmi qui etoit aiiifi
tranlportce , & je commer.çnis à ni'afïliger de îa
grande mortalité fur venue dans h petite Répu-
blique. Mais m'étant avifé de prendre délicate-
ment entre mes doigts une de ces Fourmis
qui en portoit une autre , je ne fus pas peu
ilirpris cle les voir fe féparer à Tindant l'une
de l'autre , & courir toutes deux avec une
grande vitelTe. Je répétai pluficurs fois., l'expé-
rience , & toujours avec ic même fuccès. Toutes
les Fourmis que j'avois prifes pour des cada-
vres , étoient pleines de vie.
Après avoir vu & revu bien des fois cette
manœuvre fingulierc de mes petites Fourmis ,
je fus très-embarraiié de m'en rendre raifon à
moi-même. Jd formai diverfes conjedures : je
préfumai d'abord que c'étoit quelque bon ofïice
que les Fourmis fe rendoient les unes aux au-
tres j car il étoil: alfe^ naturel de préfumer de
tels offices entre des Infccles qui vivent eu
fociété , & qui font appelles à s'entr'aider mu-
tuellement dans leurs travaux. Mais une obfer-
vation que je fis alors ne me parut point favo-
rable à cette conjeclure. J'avois pris entre mes
doigts une de ces Fourmis qui en portoit une
ai::re fur fon dos : elles ne s'étoient point fé-
paiees Tune de fautrc 3 & les avant mifcs à
Ce 3
^66 0 B S B R V A T ï 0 N S
part dans une boite , h portcufe avoit conti-*
irué à courir de tous cotés avec fa charge :
cela avoit duré un temps : les deux Fourmis
s'étoient enfin iéparées ; & j'avois remarqué que-
chaque fois qu'elles venoient à fe rencontrer
dans la boite , elles s'attaquoient Tune l'autre ,
Se fe mordoiert fortement. J'avois même cru-
appercevoir que Pune des deux faifoit mine de-
vouloir monter fur le dos de l'autre. Elles étoient
fi femblablcs que je ne pouvois reconnoitre celle
iqui avoit porté l'autre fur fon dos.
Je continuai à fuivre cette étrange nianœu^
vre de mes Fourmis , & je m'attachai fur-tout
à obferver l'attitude de celle qui étoit portée ^
OU pour parler plus jufte qui fe fai^jit porter.
Je reconnus à ne pouvoir m'y méprendre ,
qu'elle faifiifoi.t fortement avec fes dents le
delfus du col de celle qui la portoit , & que , le
ventre recourbé contre le dos. de cette dernière.
qu'elle embraifoit avec lès jambes . elle s'y tenoit
cramponnée d-ans. une immobilité parfaite. La
Fourmi qui étoit ainiï forcée à en porter une
autre fur fon dos , ne paroiffoit point, fouffrir
âc cette contrainte: elle alloit 8-: vendit de touS:
€ô,tés. avec une grande aifaiiçe , & couroit fou-
■^ent av:ec beaucjoup de yit.eife.
SUR LES INSECTES. 4C7
Non-seulement je vis des Fourmis qui
defceiidoient le long de la tige du Chardou
portant une autre Fourmi iiir leurs épaules 3
mais j'en vis encore d'autres qui remontoien.t
le long de la même tige avec une femblabrç
charge ,. & dont la marche n'en paroilToit pas-
moins dégagée, (i)
Maintenant , Ci Vcm réfléchit un peu fur
ces faits , on fera fans doute porté à pré-
fumer avec moi , que les Fourmis n'en ufeiit
ainfi les unes à l'égard des autres que lorf-
qu'elles font irritées , ou qu'une trop grand*
chaleur les tire de leur état naturel. Elles k
jettent alors les unes fur les. autres ; elles fc
livrent des combatsiînguhers > & l'un des cham^
pions faifilumt l'autre fur le delfus du col ,. le
cramponne fur fon dos, & s'obftine à ne point
lâcher prife. L'autre champion , qui ne peut fe
débarralTer de fon adverfiire , eft réduit à le
fouifrir fur fes épaules , & à le porter qà. & là ^
(i^ Quelque temps après, j'ohfervai la même manœuvre
cbcz les grandes Fuurmis des prairies, dont ia fourmilière fe
fait remarquer par une élévation hémifphérique, compofée as
fei-ins de bois, de paille, 8:c. Une Fouriniliere de cette Erpece
que j'avois tranfportée dans un jardin , pour être plus à por-
tée ucn fuivre les Fourmis, me donna Ireu de revoir ce fait
finpolicr que les petites Fourmis du Cferardon m'avoient oSferô
ieà nr-^mieres,
C-C 4.
408 OBSERVATIONS
pendant un temps plus ou moins long. Oïî
fait que les Fourrais font fort colères ; Se Pon a
pu voir cent fois des Fourmis auxquelles on
prcfcntoit le doigt après les avoir un peu ex-
citées , & faifir la pctiu avec leurs dents , & s'y
tenir cramponnées opiniâtrement, le ventre re-
courbé contre le doigt.
Je continuai à obferver affidument mes Four--
mis jufqu'au mois d'Oclobre. De temps en-
temps j'expofois la fourmilière au foleiî , &
chaque fois que je l'y expofois , je voyois les
Fourmis retiier leurs Vers ou leurs Nymphes
âc l'intérieur du Chardon, pour les trL^iifporter
dar.s la terre : mais dès que le foleil celiorc de
darder fes rayons fur la iourmiUere , el'cs rap-
portoicnt leurs petits dans l'intérieur du loge-
aient. Il faut à ces petits une certaine humi-
dire, qu'ils trouvent dans la terre. Ils ne iku-
roieiît être expofés quelque temps à fardeur du
ibhïl fans en fouifrir plus ou moins. Les Four-
mis ouvrières qui le favent ou paroiiient le-
f;voir, ont grand foin de les tranli-oricr au
licfoin dans le lieu qui leur efl; le plus conve-
nable. Ils redoutent également l'excès de la.
chaleur & de Fhumidité. Swammerdam s'en
étoit affuré par une expérience qui avoit bien
an rapport, avec celle que je décris. Il avoit.
iUK LES fN SECTES. 409
avoit même cru voir que le Ver de la Fourmi
fuçoit l'humidité de la terre.
Plus d'une fois j'obfervai , que lorfqu'uiie
Fourmi rapportoit uu Ver ou une Nymplie
dans la fourmilière , & qu'elle fe préfentoit à la
porte , une autre Fourmi , qui étoit prête à for-
tir , tentoit de fe faifir du Ver ou de la Nym-
phe , qu'elle le prenoit entre fes dents , & s'ef-
forcoit de le tirer à elle & de l'enlever à fa
compagne. Celle-ci réfilloit de tout fon pou-
voir , & faifoit les mêmes etforts en fens con-
traire : le Ver étoit ain(î tiraillé quelque temps
par les deux Fourmis , fans néanmoins qu'il
parût en fouffrir. De pareilles conteftations
choquent un peu ce merveilleux accord qu'on
a fuppofé entre les Fourmis, & qu\ni a trop
exalté. On voit tous les jours des Fourmis fe
difputer pendant un temps plus ou moins long,
un grain d'Orge ou de Bled , un brin de bois
ou une carcalfe d'Infecls. Mais il faut convenir
que nous fonmies bien mal placés pour juger
des différends qui s'élèvent parmi ce petit peu-
ple i & ce que nous prenons pour un différend
pourroit bien être toute autre cliofp.
Je ne fluirois dire de quoi mes Fourmis-
Vvkurent , depuis que je les eus tranfportées de
4io 0 E S E K J^A T I 0 K S
\à campagne dans mon cabinet. Elles ne paroiî^
fuient faire que peu d'ufage du fucre que j'a-
vois mis à leur portée i & ce n'étoit que de
temps à autre que quelques-unes fembloient y
toucher. Elles ne touchèrent point du tout à
des grains de bled que j'avois placés à delîsiii
fur Tune & l'autre terraife. Jamais elles ne
transportèrent dans la fourmilière que des grains
de terre , des brins de paille , ou des brins de
foin.
Comme je ne voyoïs aucune de mes Four-
mis defcendre le long du poudrier pour gagner
la cuvette & tenter de s'échapper du petit en-
clos dans lequel je les avois renfermées , j'avois
négligé de tenir toujours la cuvette pleine d'eau >
& j'étois venu à penfer qu€ cette précaution
n'étoit plus îiécelfaire. Je me trompois dans mon
jugement. Au commencement d'Odobre , je dé-
couvris plulleurs de mes Fourmis qui fe prome»
noient le long d'un des montans de la fenêtre ,
& qui s'éloignoient beaucoup de la fourmilière.
Je ne défefpérai pourtant pas de leur retour.
Je n'ignorois point , que les Fourmis qui vivent
en pleine campagne, font fouvent de très-longs
voyages , & qu'elles favcnt toujours retrouver
leur domicile. Je ne perdis point de vue celles
de mes petites Fourmis qui s'ctoient mifes eii
SUR LES INSECTES. 41T
Courfe. Jeu vis une qui defceiidoit le long de
la fenêtre , & qui paroiîfoit vou'oir regagner la
fourmilière. Je ta fuivjs de l'œil. Je la vis arri-
ver fur la tablette de la fenêtre , gagner le pied
de la cuvette , monter le long de fes parois ex-
térieures, defcendre dans rintérieur, diriger fa
courfe vers le pied du poudrier , grimper le
long de fes parois , traverfer les deux terraffes ,
& rentrer enfin dans la fourmilière. Au même
inftant, j'apperqus deux autres Fourmis qui for-
toient de la tète du Chardon . 8c qui defcen-
doient cnfemble le long de la tige. Je jugeai
qu'elles alloient en courfe , & je les fuivis de
i'œiî avec la même alUduité que la précédente.
Elles firent en fens contraire précifément le
même chemin que celle-ci venoit de faire, &
en allez peu de temps , elles parvinrent au mon-
tant de la fenêtre , le long duquel elles grim-
pèrent.
J'etois fort curieux de favoir ce qu'elicb
alloient faire vers le haut de la fenêtre : je
tâchai de le découvrir : il ne me fut pas diffi-
cile d'y parvenir. Le cadre de la fenêtre étoit
d'un bois vieux que la carie avoit attaqué : elle
y avoit crcufé cà & là de petits trous , & ce-
toit dans ces trous que mes Fourmiis s'intro-
dinioicnt. Elles paroiîFoient s'occuper à les agraii-
4T2 OBSERVATIONS
dir : avec leurs dents e)les détachoicnt de petits,
fragmens de bois y elles les puivérifoient , &
fembloierit vouloir fe préparer là un nouveau
domicile.
J'iGNOROis Cl toutes mes Fourmis s'étoient
niifes en campagne v je tentai de m'en inftruire
en entr'ouvrant un peu la tète du Chardon :
aucune Founiii ne parut à l'ouverture : j'en
conclus que toutes ou prefque toutes a voient
abandonné la fourmilière poiir aller s'établir
pilleurs. Mais vers le milieu d'Odlobre , le temps
étant devenu froid & pluvieux , je ne découvris
plus de Fourmis autour de la fenêtre ; & je
remarquai que. l'ouverture que j'avois faite à la
tète du Chardon avoit été rebouchée avec des,
grains de terre , & des brins de paille. C'étoit
un indice bien fur que les Fourmis avoient
regaqrné leur ancien domicile.
'fe^'b'
Je ne quittai la campagne que dans le milieu
de Décembre. Je retirai la fourmilière dans mon
cabinet, dont je fermai cxaiftement les fenêtres.
& les volets, je revins à la campagne' au mois
d'Avril 1740 ; & mon premier foin fut de ren-
dre vifite à mes Fourmis. Elles étoient toutes
reii Fermées drins la tête du Chardon: j'en exa-
minai l'ouverture s & je reconnus que les Four-
SUR LES INSECTES, 413
rnis Tavoient bouchée en entier avec beaucoup
d'exaditude.
On n'a pas oublié le froid fi long 8c Ci
rigoureux de l'hiver de 1740. Il avoir prefque
égalé en intenfité celui de 1709, & l'avoit fur-
palfé en durée. Le retotîr du printemps avoit
été retardé d'environ fix feniaines. J'en eus plus
d'une preuve , dont une entr'autres me fut
fournie par les Papillons d'une Efpece de Che-
3iille qui entre en terre pour s'y métamorpho-
fer. A l'ordinaire ces Papillons commencent à
paroître vers la mi- Avril , & en 1740 , ils ne
parurent qu'au commencement de Juin. On peut
coiifulter fur cet hiver mémorable Phiftoire in-
térelFante que M. de Reaumur en a publiée
dans les Mémoires de l'Académie des Sciences.
J'avois lieu de craindre qu'un hiver li long &
fi rigoureux , n'eût été fatal à la petite Répu-
blique j car feau de la cuvette avoit gelé dans
mon cabinet dès le mois de Novembre. Je n'y
faifois point de feu. Cependant mes petites
Fourmis étoient encore pleines de vie , & je
ne tardai pas à en voir paroitre à la porte de
la fourmilière.
Pendant les mois d'Avril & de Mai, & juf-
qu'au commencement de Juin , elles fortirent
4H OBSERf AXIONS
fort peu de leur retraite. Mais toutes les foîsf
que j'expofoîs la fourmilière au foleil , elles s'at-
troupoient en grand nombre au-dehors de lu
porte. Il y en avoit très-peu néanmoins qui
defcendiifent le long de la tige du Chardon
pour sV promener fur la terraife fupérieure.
Celles-ci couroient avec une grande viteife, &
paroiifoient fort émues.
Je renouvellai en partie la terre des deux
vafes , & je fervis à mes Fourmis de la nouvelle
nourriture & de nouveaux matériaux. Ce fut
encore du fucre que je leur donnai : les Four-
mis en font friandes : mais au lieu de le diitri-
buer fur la terre des vafes , je le renfermai
dans une petite boîte, [PL VI, Fig. ^. ] où je
pratiquai dcux petites portes à Poppcfite l'une
de l'autre. C'étoit un petit magafin de provi--
fions de bouche. Je le couvris d'une plaque de
verre qui lui iervoit de toit. Ce magafin fut
placé fur la terraife fupérieure. Quelques-unes
des Fourmis le découvrirent bientôt , & ne
manquèrent pas à'y entrer. Elles y relièrent
iquelque temps ; & faiiS doute qu'elles v pre-
noient une nourriture qui leur étoit devenue
bien neceflaire après un lî long jeaue.
Plusieurs Fourmis étant entrées un jour
SUR LES INSECTES, 41^
dans le magafiii , je remarquai qu'elles n'en ref-
ibrtoient point : curieux de voir ce qu'elles y
faifoient, je m'en approchai: je les trouvai raf-
femblées les; unes auprès des autres far la fur-
face du fucre ; & les ayant regardées de fort
près, j'apperqus un de leurs Vers qu'elles avoient
tranfporré là , Se qu'une d'elles emporta hors
du magafin dès qu'elle m'eut découvert. Le
fucre s'étoit un peu ramolli dans la boite 5 il y
avoit contradé une foite d'humidité qui étoit
favorable aux petits.
J'essayai un jour de mettre la fourmilière
en plein air , & j'obfervai que chaque fois qu'il
pleuvoit , les Fourmis fe retiroient dans leur
logement , dont la porte fe refermoit en entier.
Ce n'étoit point une précaution que priifent les
Fourmis pour fe mettre plus à l'abri de la pluie j
la Nature la prenoit pour elles , & elles n'eu
étoient que mieux défendues. En pénétrant l'é-
corce du Chardon , l'humidité la gonfloit , & ce
gonflement reiferroit de plus en plus l'ouverture
de la porte.
Je regrette de ne pouvoir donner la fm de
l'hiftoire de mes petites Fourmis 5 mais elle
manque dans mon Journal , & ma mémoire ne
^ayroit me la rappeller au bout de trente-fept
41^5 OBSERVATIONS
ans. Je fuis au moins bien fiir , qu'aucune xîe
ces Fourmis ne prit des ailes dans la tète du
Chardon.
Je fup prime les Obfer valions que je fis à-
peu -près dans le même temps fur de petites
Fourmis noires qui s'étoient logées dans la
terre , & fur les grandes Fourmis des pranies.
Ces Obfervations que je trouve confignées dans
mon Journal de 1739, n'auroicnt rien d'alfez
intéreiiant pour le public. Mais je ne puis paiîcr
fous illence un procédé que j'ai vu pratiquer à
de petites Fourmis qui s'étoient établies dans
le voifinage de mes ruches vitrées. On fait que
les Abeilles excitent autour d'elles une chaleur
douce, qui élevé la liqueur du thermomètre bien
plus haut qu'on ne l'auroit pcnfc. Les Fourmis
dont je veux parler fembloient avoir reconnu
que cette chaleur convenoit à leurs petits. Cha-
que jour -elles apportoient leurs Vers ou leurs
Nymphes près des carreaux de verre d'une des
ruches. Ces carreaux étoient recouverts d'un
volet de bois garni de flanelle. C'étoit entre ce
volet & le chaiîis de verre qu'elles placoicnt leurs
petits : elles, les empiloient contre le verre,
quelquefois à la hauteur de plus de deux pou-
ôcs. Quand je veno s à ouvrir le volet , c'étoit
t'bjujcu.s une grande défokitioii pour les Fou/~.
nus :
SUR LES INSECTES, 417
ftils : elles fe faifilToient aufïï-tôt de leurs petits ,
& fe mettoient à courir de tous côtes avec
beaucoup de vîtelTe. En continuant de les fui^
vre , je les voyois fe rendre toutes par la mèms
route vers le haut du pavillon fous lequel les
ruches étoient placées. Il y avoit là une fente
qui pénétroit dans Pintérieur de la paroi , &
ou les Fourmis fe précipitoient avec leur charge.
Au bout de quelques quarts - d'heure , on ne
découvroit plus ni Fourmis , ni Vers , ni Nj'm-
plies près de la ruche. Mais le lendemain , ou
les jours fuivans , j'étois très-uir d'en retrouver
bien des centaines contre les verres de la ruche^
OBSERVATION XLIIL
Sur un procédé des Fonrînis.
3
Ai fait connoître ( Obf III, V, Vî. ) le
procédé , au moyen duquel quelques Efpeces de
Chenilles répubUcaines favent retrouver leur
nid lorfqu'ellcs s'en font éloignées. Il nVa paru
que les Fourmis avoient un moyen analogue
pour regagner leur Fourmilière , dont elles s'é-
loignent bien plus encore que les Chenilles ne
s'éloignent de leur nid. Un jour que j'obfervois
un grand nombre de petite? Fourmis qui naon-*
TQwe IL D d
41^ 0 B S E Tv V A T I 0 N S
toient à la file & une à une le long d'un mur,
je remarquai qu'elles fuivôient conftamment la
même ligne. Cette ligne étoit à-peu-près droite.
En même temps qu'un grand nombre de Four-
niiis moutoient le long du mur en fuivant cette
ligne 5 j'en Voyois d'autres qui defcendoient en
fuivant auffi conflamment la même route. Ces
procefîions de Fourmis me rappellerent celles
des Chenilles républicaines , Se il me vint lur-
le-champ en penfée que ces Fourmis que j'a-
vois fous les yeux , laifïbient , comme les Che-
nilles , une trace qui les dirigeoit dans leurs
courfes. Je n'ignorois pas néanmoins que les
Fourmis ne filent points mais je fa vois qu'elles
ont une odeur ajGTez pénétrante , qui pouvoit
adhérer pliîs ou moins aux corps qu'elles tou-
chent, & agir enfuite fur leur odorat. Je com-
parois ces traces invifibles aux pqjfées des bêtes
fauves , qui agiffent fur l'odorat du Chien. Il
mi'étoit bien facile de vérifier mon Ibupqon : je
n'avois qu'à m'y prendre comme je m'y étois
pris pour arrêter ou dérouter dans leur marche
les Chenilles qui vivent en fociété. Je pallai
donc le doigt ludement fur la ligne que fui-
vôient les Fourmis : je rompis ainfi le chemin
fur une largeur égale à celle de mon doigt j &
je vis précifément le même fpedlacle que celui
qiiQ les CheaiiJies nV»ivoi(^iit oifeit ; ics Fouimis
SUR LIS INSECTES. 419
furent déroutées , leur marche fut interrompue ,
& leur embarras m'amuia quelque temps. Je
répétai pluiieurs fois l'expérieiiee avec le mèm.e
fuccès ou un fuccès équivalent.
Je placerai ici une Obfervation d'un autre
genre , qui prouvera à quel point les Fourmis-
font attachées à leurs NourriiTons. Une Fourmi,
que j'avois partagée tranrverfalement par le
îTiilieu du corps , & à qui il n'étoit relié que la
tète & le corcelet , tranfporta fous mes yeux
avec la plus grande activité , huit eu dix Vers
ou Nymphes de fon Eipece.
}^'^.=^-^ — ■^'::io -.■ ^ ' ■ - ^"^
OBSERVATION X L î V.
Sur les Vers niineiirs de la Jnfquiame.
L
Es Infedes mineurs de feuilles (^O font pouf
la plupart des animaux bien petits 5 car ils peu-*
vent fe loger commodément dans l'épailTeur
d'une ilmple feuille d'herbe ou d'arbre, fouvent
très-mince. Ils fe gHifent entre les deux mem-
branes qui en forment le deifus & le deffous,
& en détachent adroitement la fubftance paren-.
chymateufe qu'elles renferment , & dont ils fà
. C) ^^e''«. M les Inf. Tome ÎII, Mém. L
D d 2,
420 OBSERVATIONS
noiirrifTent. Les uns minent tout autour d'eux
dans des aires plus ou moins grandes , & ce
font des Mineurs en grand : les autres creufent
dans répailieur' de la feuille des efpeces de
boyaux plus ou moins longs & plus ou moins
tortueux y & ce font des Mineurs en galerie,
Ainfî, en m.ème temps que nos Infecftes mineurs
travaillent à fe loger , ils travaillent à fe nourrir.
La plupart des Mineurs ne fortent jamais de
la mine qu'ils fe font creufée : ils y palfent
toute leur vie ; & beaucoup d'Efpeces y fubif-
fent leur transformation. Ils ne favent pas même
y rentrer lorfqu'on les a forcés à en fortir : ils
périifent fur la furface de la feuille & s'y def-
féchent.
Il n'en eft pas de même des Mineurs de la
Jufquiame, ils fortent au befoin de leur mine.
Se s'en creufent une autre à volonté. Si on les
retire de celle qu'ils fe font nouvellement creu-
fée , ils ne tarderont pas à fouiller dans l'épaif-
feur de la feuille , & à fe creufer une nouvelle
retraite.
Il en eil des Infedes mineurs de feuilles
comme des Infedes qui s'élèvent dans l'inté-
rieur des fruits ^ les uns & les autres vivent
SUR LES INSECTES, 421
pour rordinaire- dans la plus parRiite folitudâ
On ne trouve ordinairenicîit qu'un feul MineuL
dans chaque nv-ne. Les Mineurs de la Juiquiamc
nous oiïrent encore une exception à cette forte
de règle. Ils minent en grand &, très en grand v
& il n'ei-fc point rare d^en trouver fept à huit
dans la même mine. Ils font bien plus gros que
la plupart des Mnieurs de feuilles , & rellem^
blent beaucoup aux Vers de la viande. Leur
bout poftérieur eft gros & arrondi : leur bout
antérieur eft effilé & garni de deux crochets en
manière de pioches. C'eft avec ces crochets
qu'ils creufent dans le parenchyme de la feuille.
Ils y trouvent une fubftance très-abondante Se
très-fucculente qui cède facilement à leurs eilorts,
8c leur permet de miner en trè&-grandes aires..
On fait que les feuflles de Jufquiame font
grandes, épaiifcs, molles <& charnues.
Apres avoir retiré un Mineur de la Juf-
quiame de rintérieur de fa mine, je le pofai fur
iè deifus d'une feuille verte de la même plante.
Je voulois voir par moi-même comment il par-
viendroit à fe creuier une nouvelle mine. Je
m'armai d'une loupe pour ne rien perdre de-
toutes fes manœuvres. Bientôt il commença à
entamer la furficc de la feuille. Sa tète fe don-
noit des mouvenieus très-prompts; elle s'ap-oro-.
ad i.
42'^ 0 B'S s Ti V AT r 0 N S
êhoit & s'éloi?-noi^ alternativement du deifouS'
du ventre , Fans abandonner la lurface de la
feuille , contre laquelle les crochets agifloient'
contimïellement. On juge facilement de l'effet
que les petites pioches produifoient fur la peau
tendre de la feuine. E^les en ratiiToimit la fur-
face comme nous la ratiiferions avec Tongle. A
niefure que les crochets ratilfoient ainfi la
feuille, elle prenoit à cet endroit une teinte de
verd plus f )ncé ••, c'cft que les crochets en enle-
Voient répiderme , & nvettoient le parenchyme
à découvert. Ce parenchyme eft d'un beau verd .
Se répi-derme eft blanchâtre ou grifatre. Non-
feulement l'endroit que les crochets att;iquoie:.t
devenoit verd , mais il paroiiioit encore un peu
îiumide , apparemmeiit parce que les vaiiieaux
qui étoicnt déchirés par les crochets , laiiToient
épancher le fuc qu'ils contenoient.
Mon Mineur n'eut pas bsfnn d'agir long-
temps fur la furface de la feuills pour parvenir
à y raire une ouverture capable de recevoir fa
partie antérieure. A peine cette ouverture eut-
elle été pratiquée , que je le vis introduire ft
tète entre les deux membranes de -la feuille.
La membrane fuperieure étoit ailez tr^uiiparente
pour me permettre d'obferver ce qui fe paiîbit
dans l'intérieur de la mine. JufQu'alor^ les cro-
SUR LES INSECTES, 425
thets avoient agi perpendiculairement à la fur-
face de la feuille ; mais dès que le Mineur eut
incioduit fà tète entre les deux membranes , il
donna une autre diredlion à rinfttum3nt ; il le
dirigea parallèlement aux deux membranes ;,&.
tandis qu'il s'en fervoit à détacher le paren^
chyme , il fe donnoit bleu de garde de toucher
aux membranes : elles dévoient demeurer bien
entières pour mettre le Mineur à l'abri du con-
taél de l'air & lui fournir un logement convc-.
nable. Il piochoit avec une extrême vîtelfe : je;
ne perdis pas un feul de fes mouvemens , car
la membrane qui le couvrait prenoit une tranf-.
parence égale à celle du. talc. En fort peu de
temps il parvint à fe loger. Il minoit tantôt en
avant , tantôt fur les côtés i & peu-^à-peu il f^
trouva en poifeffion d'une mine où il étoit logé,
très à l'aife.
En parlant des Mineurs de la Jufquiame >
qui habitent dans la même mine, quelquefois
au nombre de fept à huit , d'autrefois au nom-
bre de trois à quatre j M. de PvE A UMUR. remar-
que 5 qy^ils 7ie ^aroijjhievit, ni Je chercher les uns
les autres , 7ii craindre de fe rencoiitrer (*) : on
pouvoit pourtant douter avec quelque ibnde-
3^-ient , fi malgré ces apparences, ils ne le mi-
O Tome UI, pa§e 15.^
Dd 4. -
4^4 OBSERVATIONS
foient point îa guerre quand ils venoieiit à fe
rencontrer dans rintérieur de la mine. Les
Mineurs- font de petits ïnfedes appelles à vivre
en folitude , & qui ne travaillent point en com-
mun à fe loger. Ils relîeniblent à cet égard aux
Infec1:es qui vivent dans-, l'intérieur des fruits ,
comme je Pai déjà frit remarquer i & nous avons
eu de bonnes preuves (Obf XIX.) que ces
derniers fe livrent de cruelles guerres , quand
on veut les forcer de vivre enfemble dans le
ïuènie logement. Il me parut donc curieux de
favoir s'il en feroit de même des Mineurs de
îa Jufquiame. Pour m'en ailiirer , je tentai une
expérience qui ne pouvoit manquer d'être très-
déciiîve. J'mtroduifis un fécond Miiieur dans la
mine que venoit de fe creufer fous mes yeux
celui dont je parlais il n'y a qu'un moment.
Ce fécond Mineur eut bientôt pénétré jufqu'à
Fendroit où le premier étoit parvenu -, mais
celui-ci ne parut point du tout fe mettre en
peine de l'arrivée du nouvel hôte : il continua
ion travail comme auparavant , & ue £t aucune
tentative pour chaiTer le Mineur étranger. Ce
dernier n'étoit pas fort à fon aife : la mine où
je i'avois introduit n'avoit été pratiquée que
pour un feul Ver , & il en rempliifoit prefque
toute la capacité. Le Mineur étranger tâcha de
-ie gliiler enure les parois de la mine ik le corps
SUR LES INSECTES, 42v
de l'autre Mineur. Mais comme le Mineur étran-
ger étoit fort gène , fes crochets ne pouvoient
agir commodément contre les parois de la mine :
auiîîne paroifToient-ils pas Télargir^ & ce n'étoit
qu'autant que le premier Mineur gagnoit du
terrein dans l'épaiireur de la feuille , que le
fécond avanqoit dans la mine. Bientôt néan-
moins il y fut entièrement à couverts & dès
qu'il fe fut porté un peu en avant , j'introdui-
fis dans la mine un troifîeme Mineur , puis un
quatrième. On voit bien qu'ils y dévoient être
tous fort mal à l'aife 5 & pourtant il ne leur
arriva jamais de s'attaquer les uns les autres. A
mefure que le premier avanqoit , les autres le
fuivoient & élargiifoient de plus en plus la
mine, (i)
(i) Je vûiilois placer à la fuite de cette Obfervation fur les
Vers mineurs de la Jufquiame , les Obfervations que j'avois
faites eia 1741 , fur l'œuf lingulier de la 3'Iouche-Araignée ;
mais je dois renvoyer fur ce fujet à l'article 924 de mes
Coyrjîdé-- Citions fur les corps organifés , où ces Obfervations font
rapportées en de'tail. M. de Reaumub. en avoit donné un
précis dans îe dernier Mémoire du Tame VI de fon Hilloire
des Initdes.
426^ OBSERVATIONS
OBSEPvVATION XLV.
Sur une petite Araignée qui faifoit fuir tine-
Araignée domejliqne de la plus grande taille.
J £ jettai un jour une Mouche au milieu de*
la toile d'une des plus groiTes^ Araignées. Ce-
toit de celles qu'on nomme domeftiqiies. Elle ne
tarda pas à fortir de fa niche pour accourir fur
la proie. Je crus que c'en étoit fait de la pau-
vre Mouche j lorfque je vis fortir de deiîbu&
l'extrémité oppofée de la toile , une autre Arai-
gnée , groiie tout au plus comme un petit
pois , qui s'avanqoit à grands pas vers celle qui
alloit emporter la Mouche. J'étois étonné du.
courage & de la témérité du champion. J'avois
fouvent cru remarquer que les Araignées qui
livrent combat à d'autres Araignées dans, leurs,
propres toiles , avoient de grands avantages f
parce que connoillaiit tous les détours de leur
labyrinthe , elles fe metteiit facilement en fiireté
par la fuite , quand le combat ne leur eft pas
avantageux , & qu'elles favent revenir enfuite
par des chemins détournés fondre fur l'ennemi,
au moment qu'il s'y attend le moins. Mais je
n'avois jamais obfervé , & je n'avois jamais îur
dans aucun livre d'Hilloire Naturelle ^ qu'une
SUR LES INSECTES. 427
petite Araignée vint difputer une Mouche k
une autre Araignée , beaucoup plus forte qu'elle ,
Se jufques dans fa propre toile. J'étois donc
extrêmement curieux de favoir comment fe ter-
mineroit un combat Ci inégal : je redoublai
d'attention ; & voici un nouveau fujet d'éton-
nement. La démarche de la petite Araignée ne
reifembloit point du tout à celle des Infe(fles de
Ton Efpeces elle ne marchoit qu'à reculons, <&
en ruant fans ceiTe des pieds de derrière. Ce-
toit ainfi qu'elle s'avancoit vers la groife Arai-
gnée. Celle-ci ne Peut pas plutôt appercue ,
qu'elle parût fonger à la retraite ; & quoique la
petite Araignée en fût encore à une allez grande
diftance , chaque fois qu'elle ruoit , la groiTe
Araignée lâchoit le pied, & s'éloignoit. un peu
plus. Enfin , ne pouvant apparemment plus fou-
tenir la préfence ou l'approche du valeureux
champion , elle tourna le dos , & courut fe
cacher dans fa niche , abandonnant honteufe-
nient & le champ de b?.tai!le & le butin. x\près
cette retraite G honorable pour la petite Arai-
gnée , je m'attendois que la Mouche , qui n'a-
yoit pu fe débarraffer d'entre les fils de h
toile , alloit devenir la récompenfe du courage
de notre héroïne : mais elle préféra la gloire
d'avoir vsincu aux avantages de la vicloire :
çile battit à fon tour en retraite j mais fa dé-
428 OBSERVATIONS
marche fut alors très-diiFéreiite de celle qu'elle
avoit eue eu allant au combat. Je la vis rega-
gner l'endroit dont elle étoit partie , en mar-
chant en avant comme les autres Araignées , &
d'un pas tranquille & allez lent.
Quelques momens après , la grolTe Araignée
fortit de nouveau de fa cellule pour revenir à
la charge : mais elle paroifToit prefque trem-
blante , & fembloit regarder de tous côtés ; &
ne découvrant plus l'ennemi , elle s'avanqa fur
la Mouche : mais au moment qu'elle alloit s'en
faifir , voilà la petite Araignée qui reparoit
comme la première fois , & s'avance à reculons
contre la groife Araignée , en ruant toujours
des pieds de derrière. La lâche Araignée ne
put foutenir la vue de fon antagonifte , je la
vis tomber prefque en défaillance , à mefure que
la petite Araignée s'approchoic. Enfin elle rega-
gna fon trou comme la première fois j & la
petite Araignée , contente de l'avoir forcée à
fuir , ne toucha point à la Mouche , Se fe re-
tira de fon côté. Ces fin^uliers alîàuts furent
o
réitérés trois à quatre fois , 3c toujours de la
même manière.
La petite Araignée étoît, comme je l'ai dit,
de la groiTeur d'un petit pois. Son ventre étoit
SUR LES INSECTEV. 4^9
fort arrondi. Elle paroinbic recouverte en entier
d'une écaille fort luifante , de couleur pourpre.
Les pieds dont elle ruoit, étoient extrêmement
aigus. Elle ne fe filoit point de toile : au moins
je ne lui en découvris point. Elle fe tenoit fous
celle de la grofîe Araignée.
g^^ : .:^:S^ - t- r^W^
OBSERVATION XLVL
Continuation du même fujet.
L:
lEs faits qu'on ne doit qu'à d'heureux ha-
fards , ne font pas de ceux qu'on peut fe pro-
mettre de revoir aufîi ibuvent qu'on le vou-
droit. On penfe bien que je defirois extrême-
ment de répéter l'obfervation que je viens de
raconter. L'occafion ne s'en préfenta qu'en
Juillet 1742. Jeus alors le bonheur de ren-
contrer une petite Araignée , qui me parut fem-
blable à celle dont j'avois admiré le courage. Je
la renfermai auffi-tôt dans un poudrier avec
une aiîez grofle Araignée domeftique. Je fermai
le poudrier avec un couvercle de papiers & je
me promis bien de ne pas perdre de vue mes
deux Araignées.
La petite Araignée fe tenoit çonftamment
430 OBSERVATIONS
vers le haut du poudrier, contre le couvercle:
l'autre relloit au fond du va le. Il fe paiîa plu-
fieurs jours avant que l'Araignée domeftique
commençât à tendre une toile. Mais la petite
Araignée tira bientôt quelques fils depuis les
parois du poudrier jufqu'au couvercle.
Sûr ces entreEiites , j'eiîiiyai d'introduire danâ
le poudrier une Mouche commune , par un
trou pratiqué dans le couvercle de papier , &
je fus très-attentif à obferver ce qui fe paflbit.
L'Araignée domeftique courut auiîî-tôt fur la
Mouche 5 fans que la petite Araignée fe mit eit
devoir de la lui difputer.
Quelques jours s'étant écoulés , je remar*
quai que la petite Araignée avoit pondu contre
le couvercle , & qu'elle avoit renfermé fes œufs
dans une bourfe de foie , de forme fphérique ,
& de la groiTeur d'un petit pois. La taille de
l'Araignée avoit diminué proportionnellement.
La groilc Araignée avoit tendu une toile. Se
elle s'y étoit pratiqué une niche comme les
Araignées de fon Efpece ont coutume de le
faire. Un jour une Mouche aheilliforme m'étant
tombée entre les mains , je la fis palîcr dans
le poudrier. Elle fut d'abord arrêtée par les fils
\
SUR LES INJECTES. 431
qui traverfoient le milieu de h hauteur du vafe.
Auffi-tôt les deux Araignées fe mirent en mou-
vement. La plus grofTe s'avanqa vers la Mou-
che , & fe jetta fur elle' pour l'emporter dans
fa niche : mais la grofleur de la Mouche 8c les
fils qui la retenoient , ne permirent pas à l'Arai-
gnée de l'emporter fur-le-cliamp. Une légère
impuîfion donnée par hafard au poudrier , £t
fuir l'Araignée. Dans le même temps , je vis la
petite Araignée s'avancer vers la Mouche -, puis
le retourner de foçon que fon derrière regar-
doit vers la groife Araignée. Elle repéta plu-
ficurs fois le même manège. Je l'obfervois de
fort près : j'apper<;us que fes manœuvres ten-
doient à Her la Mouche avec des fils de foie ,
dont elle arrêtoit une des extrémités au cou-
vercle. La Mouche ne fe donnoit aucun mou-
vement: elle avoit été blelTée à mort par la
groife Araignée. Celle-ci fortit bientôt de fa
niche , remonta vers la Mouche , la failit avec
fes pinces , & fit des eiforts pour la tirer à
elle. La petite Araignée , nullement intimidée
de la préfence de l'autre , continuoit fes ma-
n<KUvres. Elle s'approchoit même fi fort de la
Mouche , qu'elle fembloit fe difpofer à la faifir.
Ce n'étoit pas néanmoins fon deifein 5 car elle
ne la faififfoit point. L'Araignée domeftique
réitéroit fes efforts, Sç fentant qu'ils étoieiit
43^ OBSERVATIONS
inutiles , & qu'elle ne parvenoit point à déta^
cher la Mouche, elle tenta de s'y prendre de
plus haut 5 & d'arriver à l'endroit où tcnoient
les fils de foie qui arrètoient la Mouche. Il me
parut mènae qu'elle les brifoit avec fes pinces j
& bientôt elle auroit emporté la Mouche. Mais
la petite Araignée revnit à la charge avec plus
de promptitude Se d'activité : elle fembîa même
un moment ruer contre la grofle Araignée ^
qui fe mit à fuir à Finltant. Aufîi-tôt après ,
la petite Araignée tira à elle la Mouche ^ & la
remonta peu-à-peu avec fes fils , coipme avec
de petits cables , jufqu'au haut du poudrier &
près du couvercle ; & là , elle fuca tranquille-
ment fa proie. Qiiand elle eut achevé d'en
tirer tout le fuc , elle la dépendit , en rompant
les fils qui la tenoient attachée.
OBSERVATION X L V 1 1.
Sur rAraigyiée qui renferme fes a-ufs dans une
hourfe de foie , qu'elle porte par-tout avec elle.
Wammerdam (^), Lister C**) & R eau-
mur (^*^) ont parlé de cette Araignée. ,fe ne
(*) Hijloria Itifecioritm generalis : Bihiict Natura^ ,^2g, 55.
(**) De Araneis.
(.***) 3Umoir6i deTAcadùnie Royale des Sciences , aimée 17 îo.'-
tranfcrirat
SUR LES INSECTES. 433
tranfcrirai pas ici ce qu'ils en rapportent ; je me
borne dans cet écrit à mes propres Obfer-^
vations.
Cette Efpece d'Araignée ^ que Lister a
nommée Araignée iotff , renferme fes œufs dans
une forte de fac ou de bourfe de foie blanche 5
d'un tiiUi fort ferré. On voit fouvent de ces
Araignées courir dans les allées des jardins : le
ilic aux œufs les fait remarquer , & on le prend
pour le ventre de l'Araignée , parce qu'elle le
porte par-tout avec elle. Cette Araignée ne £le
point de toile : elle bat la campagne , & s'élance
fur les petits Infedes qui lui fervent de ï]oin%
ritiire.
On fait que les Araignées ont au derrière de
petits mamelons qui font des amas de trés-pé-^
tites filières où fe moule une liqueur glutineufe
qui fe deiléche très-promptement à l'air. Cette-
liqueur eft la foie de l'Infede. C'eft de cette foie
que notre Araignée forme la bourfe dans laquelle
elle renferme fes, œufs. Cette bourfe eil de fi-
gure fphcnque. L'Araignée la colle au bout d^
fon derrière , à l'aide du fuc glutineux qu'elle!
exprime de fes mamelons. Elle y eft fi bien
.collée , qu'elle ne s'en détache point quelqiie$
mouvemens que fe donne i'^vaignée ^ & }qx^
Tome IL E^ ©
434 OBSERVATIONS
liième qu'elle court au milieu des herbes les
plus touffues.
L'EXTREME attachement de notre Araignée
pour fes œufs eft ce qu'elle oiïre de plusinté-
reRànt. Elle a cet air fauvage & prefque féroce
qu'on remarque dans la plupart des Araignées.
Elle court & faute avec agilité , & l'on a de la
peine à la faifir. Mais Ci on lui enlevé le pré-
cieux dépôt qu'elle porte par-tout avec elle ^
on fera furpris du changement qui s'opérera
chez elle. Cette Araignée , auparavant Ci fau-
vage, paroîtra s'apprivoifer fur le champ : on
la verra refter immobile à la même place : puis
Ce mettre à marcher d'un pas lent , & à
chercher de to,us côtés la bourfe qui lui a été
enlevée. Elle rappellera à l'efprit l'idée d'une
Poule qui a perdu fes Pouilins. Elle ne fuira
pas même quand on viendra à la toucher. Mais
Cl rObfervateur ému de compaiîion, lui rend
le précieux fac ou qu'il le mette à fa portée ,
elle s'en faifira à l'inftant avec fes pinces & s'en-
fuira aulli-tôt. Qiielquefois néanmoins elle pa-
roîtta moins prelfée de fuir , fur - tout fî elle
n'ett point inquiétée j & au lieu de fe borner
à Hiifir & à emporter le fac avec fes pinces , elle
fe donnera le temps de l'attacher folidement à
fon derrière ; & l'opération faite , on la verra,
l'éprendre fon premier naturel.
SUR LES INSECTES. 43^
DâNS la vue de»mcttre à une épreuve n«u-,
Velk rattachement fingulier de cette Araignée
pour fes œufs , il me vint un jour en penfée
d'en jetter une des plus fauvages dans la folTe
d'un grand Fourmilion. Elle fe tira bientôt du
précipice & remonta avec agilité au haut de la
folle. Je l'y précipitai de nouveau : le Fourmilion
plus lefte cette fois que la première , faifit avec
fes cornes le fac aux œufs , 8c l'entraînoit fous
le fable pour en faire curée. De fon côté l'A-
raignée s'clfor(^oit de tirer à elle le fac & dç
l'enlever au raviUeur invifible qui s'en empa-*
roit. L'efpcce de glu qui colloit le fac au der-
rière de l'Araignée , ne put tenir contre des
fecoulfes auflî violentes : le fac fe fépara du
derrière : mais l'Araignée le reprit aulîi-tôt avec
fes pinces , & redoubla fes eiforts pour i'ar-*
racher au Fourmilion. Ce fut en vain : le
Fourmilion continua à entraîner le fac fous le
fable : l'infortunée mère pou voit au moins dé-.
rober fa vie à l'ennemi : elle n'avoit qu'à lâchée
le fac & à regagner le haut de la folïe. Mais
chofe étonnante ! elle préféra de fe laiifer qiu
terrer toute vive.
Comme le fable me cachoit ce qui fe paiToitg
je voulus en retirer l'Araignée , pour m'aifurer Ci
elle tenoit encore le fac aux œufs : mais je m'y
Ee 2^
43^ 0 B S E R V A T I 0 KS
"pris , {ans doute avec trop peu de ménagement :
le fac demeura au Fourmilion. La tendre mcre
privée de fes œufs , ne voulut point quitter
la fofle où elle venoit de les perdre. J'avois beam
la piquer à plufieurs repriies avec le bout d'un
brin de bois pour l'obliger à Ibrtir de la foiTe-,
elle s'opiniâtroit toujours à y demeurer. Il fem-
bloit que la vie lui fat dé venue à charge , &
qu'il n'y eût plus pour elle de plaifirà efpérer.
Que de mères nous pourrions renvoyer à l'école
de cette Araignée î
Une autre Araignée de la même Erpece m'é-
tant tombée, entre les mains , je la renfermai
dans une petite boite vitrée , pour l'obferver
plus à mon aife. Elle étoit de la plus grande
taille, & le lac aux œufs étoit un des plus gros
que j'euiTe encore vus. Je prenois fouvent plai-
llr à enlever le fac à l'Araignée. Je me fervois
pour cet eifet d'un petit bâton. Elle fe difpo-
Toit d'abord à le foultraire par la fuite ; mais
lorfque je la ferrois de trop près pour qu'elle
pût s'échapper, elle mettoit tout en œuvre pour
nr empêcher de lui enlever Ion fac. Elle fe cou-
choit deiTns , le couvroic de fon corps , l'em-
bralïbit avec fes jambes , le faifiiîbit adroite-
ment avec fes pinces , & tâchoit d'écarter le
petit bâton eu le repouifant avec fes pieds»
SUR LES INSECTES, 4B7
Enfin , quand j'ctois. le plus fort , & que je
venois à bout de tirer le fac de deiTous les
pattes de l'Araignée ,. & que je rentraînois vers,
moi , je voyois. la pauvre Araignée faire les
plus grands elibrts pour retirer le fac de ion
côté ; elle fe renverfoit fur fes dernières jam-
bes , & fe mettoit dans toutes les poifures qui
pouvoient lui être les plus avantageufes. Si je
continuois à ufer de force > fi je me faifiifois du
fac , l'Araignée demeuroit immobile & confter-
née*, mai-s revenant bientét à elle ,, jo la. voyois
rôder dans la boite pour y chercher ce Cic qui,
hii étoit Cl cher : k lui rendois-je ?, elle fe pen-
choit auflî.tôt deffus , le faifîifoit avec fes pin-
ces ou le. coiloit à fon derrière y & fe mettoit à
courir.
Je m'arrètois fou vent à confidérer mon Arai- y
gnée à travers les parois tranfparentes de fa.
pdfon. Je l'obfervois quelquefois promener fon
derrière fur la furface de la petite boule de fois.
Cétoit toujours après que je la lui avois enle-
vée , & que je la lui avois rendue. Comme pa-
vois fans doute endommtigé un peu le tiifu »_
elle travailloit à le réparer & à le fortifier par
de nouveaux fils. Je voyois la foie fortjr des,
filières , & recoirvrir de fils cert.iincs portions.
de h fuperÉcie du, fac,
E.e 3'
43é OBSERVATIONS
Mon Araignée ne fe donnoit que peu dô
fnouvemens dans fa prifon. A Tordinaire , elle
demeuroit tranquille à la même place j & quoi-
que j'introduidire dans fon domicile une Mou-
che vivante , loin de lui donner la cliaffe , elle
fe mettoit à fuir toutes les- fois que la Mouche
venoit à la toucher. Toute fon occupation fem-
bloit confifter à garder précieufement fes œufs 5
à les couver en quelque forte.
Au bout de quelque temps ^ je vis avec fur-
prife que l'Araignée avoit abandonné ce même
fac qu'elle avoit défendu fi fouvent avec tant
de courage & d'adreife y & qu'elle s'en tenoit
éloignée. Je fus pi us furpris encore , lorfque
l'ayant placé auprès d'elle jufqu'à le lui faire
toucher , je la vis s'en éloigner de nouveau. Je
xii'appercus en môme temps , qu'elle n'étoit plus
auiîï agile ; elle paroilfoit malade ou languif.
fante. Je ne fa vois à quoi attribuer l'abandon
dp précieux fac , & je réfléchiifois là-delfus ,
quand je commentai à découvrir dans la boîte
de très-petites Araignées , dont le nombre aug-
Mentoit par degrés. Elles étoient récemment
édofes des œufs dont l'Araignée avoit pris tant
de' foin.. Toutes alloient fe -rendre auprès de
]eur mère ., & toutes grimpoient fur fon corps :
les unes fe plaçoient fur la poitrine , les- autres
SUR LES INSECTES. 439
fur le Centre , d'autres fur la tête , d'autres fur
les jambes , de faqon que l'Araignée eu étoit
toute couverte : elle fembloit plier fous l^e poids.
Ce n'étoit pourtant pas qu'elle en fut furchar-
gée : mais , comme je l'ai dit , elle paroiifoit
depuis quelques jours alTez languiifante s fe&
jambes au lieu d'être étendues fur les côtés du
corps , comme elles le font dans les Araignées
qui fe portent bien , étoient ramenées vers la
poitrine, comme elles le font dans les Araignées
qui fouffrent ou qui font près de périr. Mon
Araignée finiifoit donc fes jours après avoir
donné naiffance à une nombreufe poftérité.
Les petites Araignées demeurèrent encore
attroupées fur le cadavre de leur mère , & ne
l'abandonnèrent qu'au bout de quelques jours.
En confidérant ces petites Araignées pendant
qu'elles étoient attroupées fur leur mère , il
me vint à l'efprit un foupqon que JTTi'ofe pref-
qu'indiquer dans la crainte de gâter ce que j'ai
raconté à la louange des mœurs de cette Efpece
d'Araignée : je foupconnai que les Araignées
nouvellement éclofes , ne fe r-nJoient fur le
corps de leur mère oc ne s'y arrangcoient lî
bien , que pour en fucer la fubftance. On vou-
dra bien me pardonner cet odieux foupqon ,
E e 4
'^0 0 B s E k V A T I 0 N s, ^d.
(jue je n'indique que pour inviter les Obferva-^
leurs à ci^aminer la choie de plus près.
A leur naiffance , mes petites Araignées étoient
iVune couleur qui tiroit fur le blanchâtre , mais
elles fe rembrunirent dans la fuite. Les yeux
Gtoient kl partie qui fe faifoit le plus remar-
quer. Elles tendirent dc»s fils de côté & d'autre ,
de la boite : mais comme je n'ignorois pas que
les Araignées fe dévorent les unes les autres,,
alibz peu de temps après leur naiilance , je ne
tentai pas d'élever celles qui étoient. éclofes
fous mes. yeuxo
ut
je: :k :jp :jlz c ^:t X o N
DES FIGURES..
F LANCEE L
JLfA Figure
îgure de cette Planche eft repréfentée
au iiatursL
P , eft un de ces vafes de verre connu des
Naturaliftes fous le nom général de poudrier,
C , eft une grande coque de foie & de poils ,.
que s'étoit conftruite une groife Chenille velue»
Cette coque eft alfcz tranfparente.
A , eft la Chryfalide dans, laquelle cette Che»
nille s'étoit transformée.
« y eft la partie antérieure de cette Chryfa-
Hde , placée au bout fupérieur de la coque, j
0 , eft une ouverture qui paroilToit avoir été
n-îiiia^ée à ce bouu par h Cheaille, La paLtie
442 EXPLICATION
antérieure de la Chryfalide répond à cette
ouverture.
p^ eft la partie poftérieuro de la Chrylalide^
qui appuyé fur la paroi inférieure de la coque.
^ , eft la Figure pointillée de cette même
ChryRilide couchée de fon long fur la paroi
inférieure de la coque , vers le bout inférieur.
J, eft la dépouille de Chenille.
PLANCHE IL
Cette Planche repréfente au naturel un nid
de ces Chenilles que j'ai nommées à dentelles ^
& qui vivent en fociété une partie de leur vie»
N N , ce nid de forme affez irréguliere ,
d'une foie blanche & aifez luftrée. Il eft conf-
truit dans les intervalles de quelques branches
de Prunier fauvage.
0000 0, font cinq ouvertures oblongues , les
unes plus grandes , les autres plus petites, qui
font autant de portes de l'habitation.
R R , eft un chemin tapiifé de foie qui va
DE S FIGURE S, ^n
aboutir en ligne droite à la principale poi..
du. nid.
S S S S ,- efl: un autfe chemin de foie qûî va
en ferpentant autour du nid , & fe rend pa-
reillement à une des portes du nid.
FLANCHE I I L
Les Figures t ^ 2 , repréfentent au naturel
deux petites branches d'Aubépine , auxquelles,
font fufpendus de ces nids de Chenilles , que-
j'ai nommés en pendeloques,
N N N N N 5 font ces nids. Il en eft quatre
qui ne font compofés que d'une feule feuille r
le cinquième fuipendu à la branche de la Fig-
2 , eft compofé de deux feuilles , dont le pé-
dicule eft en vue.
J
fffff, El de foie qui tient le nid fufpenduâ
& qui étoit auparavant une de ces traces de
foie qui recouvroient la branche , & qui en a
été détachée.
t tt 1 1, endroits de la branche autour def-
quels le fil qui tient le nid fufpendu, eft di^
tortillé plus ou moins^-
444 EXPLICATION
Les Figures , 3 , 4 , ^ , 6", 7 , font reprefen-
técs un peu groffies à la loupe.
La Figure 3 , efl: celle de la tète & du pre-
mier anneau d'une Chenille dans laquelle fe
voit cette nouvelle partie que j'ai découverte
dans plufieurs Efpeces de ces Liiedes.
M , cette nouvelle partie qui a la forme d'un
mamelon un peu alongc , & qui elt placée
entre la lèvre inférieure , & la première paire
des jambes écailîeufes.
/ 5 la lèvre inférieure.
/, la filière , qui relTemble à un petit aiguillon.
il, h première paire des jambes écailîeufes.
La Figure 4 repréfente la Chenille renver-
fée fur le dos , pour mettre en vue la petite
fente de laquelle fort le mamelon charnu dç
h Figure 3.
/, cette fente.
La Figure f repréfente une autre Chenille,
ou plutôt fa tète ou fou premier amicau.
DES F 1 C U R E S. 44Î
reiiveiTc fur le dos , pour montrer les deux
mamelons charnus que j'ai découverts dans
cette Chenille.
?// m , ces mamelons , moins alongés que c^lui
de la Figure 5.
La Figure 6 eft celle du devant de la tête
de la grande Chenille à queue fourchue du
Saule 5 deltinée à faire voir la fente placée fous
le premier anneau , & dont on peut faire fortir
la nouvelle partie.
/, cette fente bien plus aîongée que ceUç
de la Figure 4.
La Figure 7 repréfente les quatre mamelons
qu'on a forcés de fortir de la fente/, de la
Figure 6,
m m m m , ces quatre mamelons plus longs
& un peu plus effilés que ceux des autres
Figures. lis font difpofés par paires.
La Figure 8 repréfente au naturel une coque
de foie , dont la forme imite celle d'un bateau
rcnverfé. En r , eft une fente oblongue , qui
isjidique l'ouverture ménagée pour la fortie du
44^ EXPLICATION
Papillon. 0 , eft une petite pointe placée dans
la partie la plus élevée de la coque, p , eft h
partie poftérieure de la coque.
PLANCHE I V.
Toutes les Figures de cette Planche , à
Pexccption de la féconde , ont été deiîinées au
naturel.
La Figure i repréfente un anneau d^une
grande Cheiiille rafe dont il a été parlé dans
îes Obfervations XV, XXXI, & qui montroit
ces efpeces de faux Jîîgmates que j'ai décrits.
A , Tan n eau.
S 5 le vrai ftigmate , qui eft fort apparent.
/, le faux fligmate qui ne paroît ici que
comme un point , pas trop facile à démêler. Le
Defîinateur Ta repréfente tel qu'il le voyoit , &
tel qu'on le voit en effet i mais , pour le bien
faifir , il faut une vue appropriée aux plus
petits objets. Le faux fligmate fe trouve placé
ici dans une raie blanchâtre ou jaunâtre en
forme de boutonnière. La Chenille a pluiieurs
de ces raies fur ies cotés.
DUS T I û vu I s. 447
5, une des jambes membraneufes.
Z , indique le côté du derrière : A , le côté
oppofé.
La Figure 2 repr-éfente , groflî au microfcope,
le fiiux fiigmate de la Figure l.
T 5 ce faux ftigmate. On apperçoit au centre
une très -.petite ouverture, d'où fort un petit
poil recourbé.
La. Figure-^3 eft- celle de la petite Chenille
qui vit dans l'intérieur de la tête du Chardon
À bonnetier. Elle avoit été très - mal exécutée
par le Deflînateur de M, de Reaumur,
La Figure 4 eft celle d'une tête de Chardo:i
À bonnetier ouvert fuivant la longueur , pour
en mettre l'intérieur à découvert.
f f ■> \q fourreau que la Chenille s'eft confl
truit, & qui occupe la plus grande partie de
la cavité. On voit aux environs des grains
d'excrémens. Le fourreau en e(l lui-même aifez
iouvent entièrement recouvert.
t y trou rond percé par h Chenille dans
U% EXPLICATION
répaiiTcur dé î'ecorce pour ménager une Iffuê
îiu Papillon. Il faut fc repréfenter la tète du
Chardon non ouverte , & alors on concevra que
le petit trou rond répondoit au fourreau ; en-
forte que celui-ci commiiniquoit immédiate-
ment avec la petite jrorte avant qu'on eut ou-
vert la tète du Chardon.
La Figure ^ repréfente une tète de Chardon
dont on a enlevé tous ies-piquans pour mettre
eiitiéremePxt à découvert les petits corps canne-
΀S placés au-devant de la porte , & qui fer-
vent à en intecdire i'entr«e aux Infedes rô^
âeurs.
ce, ces corps cannelés. Les petites lofan-
ges qu'on apperqoit fur cette tète , & qui y
forment un travail agréable , indiquent les pla^
ces des piquans retranchés.
La Figure 6 efl: celle de la Chryfilide de la
Chenille du Chardon.
Je n'ai pu encore me procurer le Papillon
peur le faire deiîiner. Je l'ai vu plus d'une
fois : il eft fort joli.
TLANCHE
jD J^ ^ FIGURES, 44^
FLANCHE V.
(i) La Figure i repréfente au naturel uil
poudrier au haut duquel une Chenille à hrojfeç
a conftruit une manière de double coque de
foie j dans laquelle elle a fait entrer fes poils.
e f , la coque extérieure , dont la forme dit
fere peu de celle d'une véritable coque.
///, &c. aflez gros fils en manière de pétitg
cables qui vont aboutir à la coque extérieure ,
& qui paroiflent deftinés à la fixer au corps
voifin. Ils font tirés en ligne droite. La piu^
part vont s'attacher aux parois du poudrier 5
niais il en eft un qui s'attache aux feuilles qui
font au fond du vafe.
a , endroit où le petit cable paroit divifé &
former une forte d'empattement. D'autres fils,
qui ne font pas reprifentés ici , montroient M
pareils empattemens. .
h b b , taches foyeufes Se brillantes qu'où
(i) NB. Le Leéleur cft prie de confnlter rExpîîcation <fçs
Fig^ures de cette Planche & de h fuivaiste , parce que !e9
renvois à ces Figures ont été omis par oubli dans le T?xt«rf
On y a fuppléé dans VEmita,
Tome IL f f
4^^cy explication:
Voyoit fur les parois du verre , à rendroit oiî
les petits cables alloiciit s'attacher, & qui étoieiit
produites par des fils extrêmement fins repliés
en zig-zag.
f, la coque intérieure, bien moins grande
que i'cxtérieure , & d'une forme plus régulière.
Le tiifu en eft moins tranfparent que celui de
la coque extérieure,
C , la Chryfalide , qu'on voit très - bien au
travers du tiliu.
V dih dépouille de Chenille.
La Figure 2 repréfente au naturel une
grande Chenille rafe , couchée fur le dos , pour
mettre en vue un trait brun, très-marqué, qui
rogne le long du ventre , & qu'on peut con-
iedurer avec quelque fondement n'être pas un
'flmple trait i mais ^ bien un grand vailfeau , qui
eit probablement le principal tronc des veines»
V V V , ce vaiiTeau qui n'efl; vifible que de-
puis le derrière jufques vers la dernière paire
des jambes écailleufes. On voit qu'il cil par-^
tout d'un diamètre à-peu-près égal.
DES FIGURES, 451
1^5 la dernière paire des jambes écailleufes.
PLANCHE V I.
Toutes les Figures de cette Planche , à
Tex-ception de la 10, font repréfentées beaucoup
plus grandes que dans le naturel.
La Figure i eft celle d'une Mouche du
genre de celles qui dépofent leurs œufs dans
différentes parties des Plantes , & dont les
piquures y occafion-ent différentes protubéran-
ces ou tumeurs , connues la plupart fous 1^
nom de Galles,
La Figure 2 eft celle du ventre de cett?
Mouche , tel qu'il s'offroit aux yeux de l'Ob-
fervéïteur , lorfque l'Infecte eût enfoncé fa ta-
rière ou fon aiguillon fort avant entre ks
feuilles de la Plante.
0, défigne le côté du ventre de la Moucha
qui regarde le corcelet.
q , efpece de queue , qui dans la fituatiûiî
ordinaire de la Mouche eft recourbée en em*-
bas 3 & qui eft ici relevée.
Ff^
4P EXPLICATION
f, renflement que préfcnte ce côté du ventre
de la Mouche. On voit qu'il a pris une forme
triangulaire , par une fuite de mouvemens que
]a Mouche s'efc donnés pour faire pénétrer fon
aigiïillon dans l'intérieur de la Plante.
La Figure 3 eft celle de ce même venî/re
obfervé dans le temps que Paiguillon étoit le
plus enfoncé entre les feuilles. Il a pris une
forme plus exadement triangulaire ; & le petit
renflement r de la Figure Z , a entièrement
difparu.
Ces trois Figures ont été deffinées d'après
jdes defîins très-groffiers que j'en avois faits.
La. Figure 4 repréfente une corne de Four-
milion vue par deiîbus.
d d cl ,^ font trois dents dont la corne eft
garnie. On voit entre ces dents de petits poiis
gros & alfez courts , qu'on diroit des dents
plus petites.
pp p ^ la cannelure qui règne le long de la
corne , & que l'obfervation apprend être une
forte de pilion.
DES FIGURES. 4^3
La Figure 5 eft deftinee à montr-er com-
ment la cannelure ou le piftoii p peut être
détaché du corps de la pompe ou de la corne
-à l'aide d'une épingle e..
r, rainure dans laquelle eft couché le pifron,
8c qui règne dans toute la iongueur du corps
de la pompe.
i, rextrémité fupérieure dit pifton ,. qui le
termine en pointe très- déliée.
K , rextrémité fupérieure du corps de la
poiape qui fe termine auin eu pointe très-fii^e.
Il iemble donc que d'une feule corne l'on eii
ait fait deux.
d d â ^ les dents de la corne.
^5 la bafe de la corne ou l'endroit par ieque
elle s'infère dans la téce..
Les deux Figures précédentes ont été co-
piées d'après les Figures 5 & 7 de la Planche
XXXIII du Tome VI des Mémoires de M. de
Reaumur. Mais ces Figures ont divers dé--
fauts que j.e ne relèverai pas ici, & qui ieront;
facilement apperq^us. par tous œux qui compa-
"^ f ::^
4h EXPLICATION
rcront ces Figures avec la Nature elle-même,
C'eft ce qui m'a engagé à faire ckfliner exac-
tement fur le naturel mie corne de Fourmilion.
La Fissure 6 cft donc celle d'une de ces
cornes oblervées par - delfous , pour mettre en
vue la principale pièce ou le piil:on p p p-
Cette Figure efl de la plus grande exaditude,
d cl d, les dents.
e, la pointe très-cflilée de la corne.
L^ Figure y eil celle du derrière du four-
îmlion commun.
/, !e bout du derrière où fe trouve la filière
qui n'eft pas ici en vue , parce qu'elle cft reti-
rée dans rintérieuL" du corps.
q q , couronne de poils courts qu'on pren-
droit pour des filières , parce qu'ils n'imitent
pas mai par leur forme les. filières des Araignées.
rr, autre couronne de fcmblables poils. On
ioit fur le refte du- derrière des- tubercules
arrondis , d'où partent de petits poils;.
DES FIGURES. 4^f
La Figure 8 eft celle du derrière du Four-
milion de la nouvelle efpece.
q q ., eft la couronne de poi!s analogue à
celle du Fourmilion commun repréfentée dans
îa Figure 7 -, mais dans la couronne du Four-
milion de la nouvelle eipece , les poils font
placés plus près les uns des autres , & ne rc-
préfentent pas mal par leur réunion un fipict
de Chauderonnier j c'eft que les poils feniLlent
réunis dans une petite plaque commune.
La Figure 9 eft encore celle du derrière da
même Fourmilion vu fous une autre face, qq^
les plaques de poils.
Les trois, dernières Figures ont été prifes
dans le Tome VI des Aléjioires de M. de
il EAU MUR.
La Figure 10 reprefènte beaucoup plus petit
que le nacurel Papparcil dont j'avois fait ufigc
pour obferver dans mon cabinet de petites
Fourmis qui s'étoient établies dans la tèce
d'un Chardon à bomieticr.
V, verre à boire plein de terre daii'^ îaauclic
eu plantée ia tige au. Chardoii T.
Fi'é' -
4s ^ EXPLICATION DES FIGUFxES.
P 5 grand poudrier de verre dans lequel le
pied du verre à boire eft engagé iufqu'en o.
L'intervalle de o en a e(i: plein de terre. / , eft
h partie du poudrier qui étoit demeurée vuide.
C, cuvette pleine d'eau dans laquelle Je pied
du poudrier eft plongé , pour que les Fourmis
UQ puiiîent s'échapper.
1 1 ^ tiges de Tithjmalcs qui font la commu-
nication de la terraife fupérieure avec i'infé-
yieure a,
i> ^ petite boite où j'avois renfermé du fucre,
& q,ui eft recouverte d'une plaque d€ verre.
Mu du TonK féconde
4T'7
i;vi'.-^x^j»^^wt-..«^,wa^^«ss5ar— — rc-?r:
DES OBSERVATIONS
Contenues dans ce Volume.
S/P'RÊFACE. Page j
Observ. I. Sur une Chryfaltds qui montoit ^
defcendoit dans fa- Coque. î
Obs. II. Sur des œufs 'de Papillon qui choquoient
iine régie indiquée par Malfighi. -• 8
Obs. III. Sur les Chenilles républicaines nommées
Livrées ^ ^ en particulier fur le procédé au
moyen duquel elles favent retrouver leur nid ,
lorfqu^ elles s^en font le plus éloignées. 1 1
Obs. IV. Sur les Chenilles nommées Communes ,
qui vivent en fociété pendant une partie ds
leur vie. 28
Obs. V. Sur des Chenilles qui vivent en fociété
une partie de leur vie , ^ qiCon pourroit
nommer à dentelles. 42
Obs. VI. Sur les Chenilles qui vivent eit fociépé
fur les Fins. S 2
Obs. VII. Sur des Chenilles qui vivent en fociété ^
&. qui fe conjlruifent des nids qu'on pourroit
4T8 TABLE.
7iommer en pendeloques , dcms Icfqneh elles-
pLijJent rHher, 66
Obs. VIII. Suite de'PbiJîoire des Chenilles qui
habitent dans des nids en pendeloques. 7^
Obs. ÏX. Découverte d'une nouvelle partie coni-
7mme à plufieurs Efpeces de Chenilles, 84
Obs. X. Continuation du me^ne Sujet. 90
Obs. XL Sur les poils en for /ne d'épines des
Chenilles noires qui vivent en fociété fur l^ Ortie ,
ê? fur la manière dont ces poils font logés
fous la vieille peau. 99
Obs. XII. Sur le temps ou la dorure de cer-
taines Chryfalides commence à difparoître. \oG
Obs. XII l. Sur les pirouettemens qu'exécute la
Chryfalide de la Chenille noire 9§ épineufe de
r Ortie pour faire toinber fa dépouille. ro9
Obs. XIV. Sur une Chenille qui., comme la belle
du Fenouil^ porte une corne branchue fur fa
partie antérieure. I17
Obs. XV. Ej fèces de faux -Jtigmates découverts
dans quelques Chenilles. I2I
Obs. XVI. Particularités anatomiqu.es de la peau
de la Chenille qui donne la Papillo'u à tète de
mort. 131
Obs. XVII.-'^nr différentes Efpeces.de Chenilles
qui dévorent leur dépouille après l'avoir rf-
jettée. 137
Oes. XVilL Sur une petite Chenille qui vit dans
table: 4S9
Phîtérieur des grains de Raifin. 15g
Obs. XIX. Hijioire de la petite Chenille qui vit
dans l'intérieur de la tète du Chardon à bon-
netier. 163
Obs. XX. Sur une petite Chenille qui rovde en
cornet les feuilles du Frêne , ^ qui fe conjiruit
au centre du cornet tine Coque , qu'on pour-
roit Jîontrner en grain d'Avoine. 20 >
Obs. XXL Sur une Chenille qui , comme la grande
Chenille à tubercules , fe conjîruit une Coque
en ynmmre. de Najfe de Foijfon. 2 1 1
Obs. XZ^IL Sur tine Chenille qui fe confiruit
une Coque dont la forme imite celle d'uji
Bateau renverfé. 214
Obs. XXiiî. Particularités fur r indu f rie de la
grande Chenille à tubercules du Poirier. 23a
Obs. XXIV. Sur une Cheiiille qui fe co^ijiruit
une jolie Coque avec de la foie , fes plus patits
poils, ^ une matière graiffeufe. 23 S
0?.3. XX V^. Sîir les Coques de foie £=f de poils ^
que fe confiruifent quelques Ejpeces de Chenilles^
à broiTes.
Coque double qu'une de ces Efpeces paroît fe
conjtruire. 245'
Obs. XXV^Î. Divers faits relatifs a Part avec
lequel la he-le Chenille du Bouilloji-bLuic conf-
îruit fa Coque. 268
Oj&s. XXV^ii.. Sur les Coques que diverfe^ Che*
460 TABLE.
irilies fe coyijh'uifent avec de lœ terre ^ une
forte de colle. 285"
Obs. XXVTII. Sur deux Efpeces de Cbemlles qui
fe conjlrnifoieiit une Coque avec dijférens mor^
ceaux de papier. 2 88
Obs. XXIX. Irrégularités dans la conjlru&ion
des Coques des Chenilles. 298
Obs. XXX. Sur une Chenille qui avoit une forte
odeur de Fiaiaife , $^ fur tut Fapilion qui
fentoit le raufc. 3C0
Obs. XXXI. Nouvelles recherches fur ces Efpe-
ces de Faux-ftigmates , dont il a été parlé
dans rohfervation XV. 30 r
Obs. XXXII. Sur un grand vaiffeau couché le
long du ventre , qiCon a cru appercevoir dans
quelques Chenilles, 306"
Obs. XXXïII. Sur la grande Fauffe-Chenille de
l'Ofier^ ^ en particulier fur la conjlru&ioii
de fa Coque. Coque remarquable que fe file un
Ver 'mangeur de la Faujfe- Chenille. 313
Obs. XXXIV. Sur la flru&ure de la grande
fauffe-Chenille de POfier. 334
Obs. XXXV. .S:/r une faufe^ Chenille du Foi^
rier. 340
Obs. XXXVL Sur de très -petites Mouches-
Ichneumones qui avaient pris leur accroijfe^
ment dans des œufs de Fapilion. 342
Obs. XXX\- il Sur une ptîite Mouche Ichiicu-
T A B L E: 4^1
fnone qui perçoit: tine galle du Chêne -pour y
dépofer [es mifs.^ 34 f
Qbs. XXXVIII. Sur une Mouche des galles qui
perçoit une feuille pour y dépofer [es œufs. 353
Obs. XXXIX. S:ir le Founnilion , êff e>^ p^^^^-
ticulier fur fa Jhu&ure, 3^4
Obs. XL. Sur le procédé induftrietix au moyen
duquel le Fourmilion tranfporte hors de fa fojfe
les corps trop pefans pour être lancés au loin
avec fa tête. 3ûO
Obs. XLÏ. Stir une nouvelle Efpece de Four-
milion découverte par r Auteur. 387
Obs. XLII. Sur de petites Fourmis qui s'étoient
établies dans la tète dhm Chardon à bonne-
tier. 398
Obs. XLIII. Sur un procédé des Fourmis. 417
Obs. XLIV. Sur les Vers mineurs de la Juf-
quiame. 419
Obs. XLV. Sur une petite Araignée qui faifoit
fuir tme Araignée domejîique de la plus grande
taille. 4.16
Obs. XLVI. Continuation du même fujet. 429
Obs. XL VII. Sur l'Araignée qui renferme fes
œufs dans une bourfe de foie , qu'elle porte
par-tout avec elle. 43^
Explication des Figures. 441
F I N de la Table.
errata:
Ze Ze^ieur ejl prié de confulter cet Errata ; farce que tes r envois
(tux Jr'lunches V ç^ VI ont été omis pir oubli dans le Texte,
On ne s'en ejl appcrçu qii' après Vimprcjfton du Volume.
droits , ajoutez , PI. V , Fig, i. ///.
endroit , a j. a.
taches ,. aj. h b b.
coque , aj. e e.
coque , aj. PI. V , Fi>. I , i «.
conique , aj. PI. V , Fij;. i , C.
PL V, Fig. I , aj. ///.
derrière , aj. PI. VI , Fig. 7»
mouj'e, aj.- /.
poils, 5). q q.
autres , aj. r r.
Microfccpe, aj. PI. VI, Fig. 7.
coniques , aj. q qr r.
derrière , aj. f.
cancU, aj. PI. VI, Fig. ^ , ^ , p p P*
dents , aj. Fii;. 4 , ^ , d d d.
conduit , aj. PI. VI, Fig. ^,6, ppp'
épin->;le,y). Fig. J , e.
pièce , aj p.
rainure , aj. PI. VI, Fig. 5 , n
extrémité , aj. Fig. <5 , e.
pièce, aj. PI. Vî , Fig. 4, ^1 f P f'
derrière, aj. PI. VI , Fig. 8 , 9.
commune , nj. q q.
à boire , aj. Pi. VI , Fig. 10 , V.
toute la partie , aj. Fig. 10,0.
du Chardon , aj. PI. VI, Fig. lO , T.
petite boite , aj. PI. VI , Fig. lo , b.
Nli. Lifez au mafculin 1§ mot monijcuîe , qui a été mh
par coût au féminin.
P.ise
249 lig.
16. i\
. . .
2sO .
4-
. . .
ibid. .
. 15.
. . .
ibid. .
. 22.
• . .
2?? . .
II.
. . j
259 .
. ï9.
. . .
261 .
. 2?.
. . .
366 .
. 14
. . .
ibid. .
. 15.
, .
ibid. .
. 18.
, .
. ibid. .
n '»
, ,
. 367 .
. 6.
. ,
ibid. .
. 7.
, .
. ibid. .
• 19.
. .
. 570 .
• 9-
. .
371 .
. 6.
. .
. 572 .
. 15.
. ,
. ibid. .
. 28.
, ,
. ?75 .
. 8.
. .
. ibid. .
. 28.
. .
. 574 .
. 2Ô.
. .
. 376 .
. 5.
. ,
. 592 .
. ?.
. .
. ibi^i. .
. 7.
, ,
. 400 .
. 13.
• •
. ibid. .
. 18
. .
. 403 .
. 16.
. .
. 414 •
. 15.
To/77 U
Plmdie a
OÙj-: Jweiv j-w/gr.'/ar:
¥
Objerv: àiLtrj: jur uj oii.
rr.
Fù/.n
Fi^.JK
BM.-SaJf>. /— ,7
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ûh^:({ù<eny: surlest^.'
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KB— SÛtp.
(ïLerv 3,V.r^. .ur lej S,^
Ww^*^"
Fù>E.
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