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Full text of "Oeuvres d'histoire naturelle et de philosophie de Charles Bonnet .."

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ii^iif: 


MAY31t955 

ST  VIROIMIA  UNIVERSiîY 
DiC^  SCUOOl  Ll^ÂBY 


WVU  -  Médical  Center  Library 

Locked  Cage  QH  45  B64o  cl  v.2  WVMJ 

Oeuvres  d'histoire  naturelle  et  de  /  Bonnet,  Char 


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Lyrasis  IVIembers  and  Sloan  Foundation 


http://www.arcliive.org/details/oeuvresdliistoi02bonn 


COMFLETTE 

DES    ŒUVRES 

DE    CHARLES  BONNET. 


^  .  .      _-=^aO°; 


TOME    SECOND. 


ŒUVRES 

'HISTOIRE 
NATURELLE 

ET     DE 

jp  jarx  jzi  os  ojp  jbczje: 

DE  CHARLES  BONNET, 

De  P Académie  Impériale  Léopoldine ,  ^  de  celle 
de  St.  Pétenboiirg  ;  des  Académies  Royales 
des  Sciences  de  Londres ,  de  Montpellier  ,  de 
Stockholm  5  de  Copenhague ,  de  Lyon  y  des 
Acad.  de  Phijîitnt  de  Bologne,  de  Harlem,  de 
Munich ,  de  Sienne ,  des  Curieux  de  la  Nature 
de  Berlin  ,*  Correspondant  de  l Académie  Royale 
des  Sciences  de  Taris. 

TOME     SECOND. 

Observations  diverses  sur  les  Insectes. 

g^^^^^ -^-^m^^^ ^ 

A     N  E  U  C  H  A  T  E  L, 
Chez   Samuel   Fauche  ,  Libraire  du  Roi. 


M  D  C  C  L  X  X  I  X. 


r-   ; 


^^r/^^,L^^.^^.}J^^^jMrr^^^, 


PP«.ÉFACE, 

UAND   j'annoncoh    en    1744  >   dans 
h    Préface   de    mon    Traité  dlnfedologie , 
une  fuite  d'obfervations  fur  les  hifecks  qui 
devoit  compofer  un  troljieme  Volume  de  cet 
Ouvrage,  je  n'ij^iagimis  pas  qu'il  s'écoule^ 
roit  plus  de  trente-deux  ans  avant  que  mes 
tircoftfîances   me  permiffent  de  publier  cette 
fuite.  J'ai  même  lieu  de  penfer  ,  que  je  ne 
raurois  jamais  publiée  ,  ji  timprejfion  gériez 
raie  de  ynes   Oeuvres  ne  îjfavoit  acheminé  à 
le  faire.     Il    m'a    paru  ,     que   puifque  ^  le 
Libraire  fe   déterminoit   à    raffembler    tous 
mes  Ecrits  ,  je  devais  placer  immédiatement 
après    /infeclologie  ,    les    Obfervations    qui 
m  étoient  comme  tme  dépendance.  Jai  donc 
extrait  de    mes   Journaux  ^   de   quelques^ 
nnes  de  mes  Lettres,  à  feu  M.  de  Reaumur, 
Tmm  IL  3 


I  Préface. 

les  faits  que  fat  jugés  les  plus  dignes  de 
tattention  des  Obfirvateurs»  Je  les  ai  racon^ 
tés  dam  le  jlyk  le  plus  jîmple  ,  ^  tel  Cu 
peu -près  que  celui  de  mon  adolefcence  au 
de  ma  première  jeuneffe.  J'ai  préfumé  que 
cette  forte  de  cofiume  ne  déplairoit  pas  au 
l'ublic ,  ^  quHl  aimer  oit  à  me  voir  croître 
fous  fes  yeux.  J'ai  fupprïmé  les  détails  trop 
minucieux  :  mes  Journaux  en  fourmilloient^ 
If?  //  y  en  avoit  trop  encore  dans  mes 
Lettres  à  mon  illufîî'e  Maître  ;  77jais  fcc 
tendre  amitié  pour  fou  jerme  Difciple  le 
portait  à  les  lui  pardonner  ,  &  il  vouloit 
bien  ne  fe  plaindre  jamais  de  ta  longueur 
de  ces  détails.  Je  ne  pouvois  efpérer  la  même- 
indulgence  de  la  part  du  Fublici  &  peut^ 
être  anrai'je  trop  compté  encore  fur  celle 
qu'ail  a  daigné  me  témoigner  à  légard  des 
âeux  premier s^  Folumes^  de  /'Iniectoiogie. 

Fmd'ant  k  long  intervalle  de  temps  qui 


PRÉFACE.  ÎÎJ 

s'efl  écoulé'  depuis  la  publication  de  ce  Livret 
des  Natural^ftes  célèbres  m'ont  prévenu  fur 
quelques-unes  des  Obfervations  que  je  publie 
aujourd'hui.  Je  ne  leur  contejlerai  point 
l'honneur  des  découvertes  :  il  n'e^lï  pas  difficile 
d'en  faire  en  ce  genre  ;  il  ne  faut  que  des 
yeux ,  de  la  confiance  Sf  un  grand  dejîr  de 
découvrir.  Mais  les  dates  de  mes  ObfervOr-^ 
fions  prouveront  au  moins  que  j'avois  vu 
avant  eux  les  mêmes  faits  ;  &  je  le  confir-^ 
merois ,  s'il  en  étoit  befoin ,  par  les  origi^ 
maux  des  réponfes  dont  M.  de  Reaumur 
m'avoit  honoré  ,  &  qui  compofent  un  aJJ'e^ 
gros  in-quarto.  On  ne  trouvera  donc  pas 
mauvais  que  je  revendique  ce  que  je  crois 
m' appartenir.  On  ne  me  reprochera  pas  non 
plus  de  n'avoir  poiîtt  cité  ces  Naturalijies , 
puifinHls  n'aiment  rien  publié  lorfque  je 
faifois  mes  Obferzmtions  &  que  je  les  con^ 
jîgnois  dans  les  Journaux ,  dont  ce  nouvel 
Ecrit  n'ejl  proprement  qu'un  extrait.  Mais: 


et  PRÉFACE-, 


f.  » 


fi  pavois  ete  appelle  à  les  citer ,  ce  n'auroit 
fas  été  affurément  fans  leur  payer  le  tribut 
d'éloges  qu'ils  ?néritent. 


A  Genthod  près  de  Genève  > 
k  17  de  Mai  1777. 


OBSERVATIONS 


OBSEP^VATIONS 

DIVERSES 

S    U    R      L   E    s 

X  M  ^  M  c  T  je:  S''^ 

OBSERVATION    PREMIERE. 

Sur    tme  Chryfalide    qui    77iontoît    ^  defcendoip 
dans  fa  Coque, 

JLj  A  grande  Chenille  velue ,  à  feize  jambes,  qui  Te 
transforme  dans  la  Chryialide  dont  il  s'agit  dans 
cette  Obfervation-,  a  été  très-bien  décrite  par 
M.  de  ReaUx^iur  (i).  Eile  eft  repréfentée,  Flan. 
XXXV  5  Fig.  I ,  du  Tome  I  de  fes  Mémoires.  Je 
Fobrervai  pour  la  première  fois  en  Mai  1737, 
&  je  vis  alors  tout  ce  que  M.  de  Reaui^iur 
l'aconte  en   détail  des    diverfes  attitudes  il  re- 

(l)  Mémoires  pour  fervir    à    l'Ut 'loir e   des  Infères.    T.   I^ 
Mém.  XII,  page  516,  &c.  iu-^.^^.  tr^miere  Edition. 
Tome  IL  A 


Z  0  B  s  E  R  r  A  T  1  0  N  S 

marquables,  que  la  Chenille  £iit  prendre  à  fou 
corps  pour  donner  à  fa  Coque  une  forme  à- 
peu-près  cylindrique.  Le  corps  de  Plnfede  eft 
ainfî  le  moule  qui  détermine  la  forme  &  les 
proportions  de  la  Coque. 

Cette  Chenille  eft  de  celles  qui  fivent  fe 
fcrvir  de  leurs  propres  poils  pour  fortifier  ou 
épaiffir  le  tiifu  foycux  &  très-mince  de  leur 
Coque.  La  Chenille  que  j'obfervois  en  Mai 
1737 ,  employa  quatre  jours  à  conitruire  fou 
petit  édifice.  Lorfque  je  le  crus  à -peu -près 
achevé ,  je  fus  curieux  de  l'ouvrir  pour  obfer- 
ver  l'état  de  la  Chenille.  Si  je  n'avois  pas  été 
prévenu  par  la  ledure  du  Mémoire  de  M.  de 
Reaumur  ,  j'aurois  été  bien  étonné  de  ce  qui 
s'offrit  alors  à  mes  yeux.  Au  lieu  d'une  Che- 
nille très-grande  &  très-velue,  je  ne  vis  dans 
la  Coque  qu'une  Chenille  de  moyenne  taille  & 
à-peu-près  rafe.  Elle  avoit  fî  bien  couché  les 
poils  qu'elle  s'étoit  arrachée  de  delfus  le  corps  , 
entre  les  £ls  ou  les  mailles  du  tiifu  foyeux  , 
qu'ils  ne  fornioient  qu'un  tout  avec  ce  dernier. 
Ils  paroiifoient  diftribués  par-tout  d'une  ma- 
nière uniforme.  L'intérieur  étoit  d'un  gris  de 
fouris  fort  luilré. 

Au  mois  de  Juin  1738  5  une  Chenille  de  la 


SUR    LES   INSECTES.  3 

même  Efpece  ,  q^e   i'avois  renfermée  dans  un 
de  ces  vafcs  de  verre  que  les  NaturaliPces  nom- 
ment Poudriers  [Pi.  I.  P.]  ,  y  conflruifit  une  fera^ 
blable  Coque  mi-parti  foie  &  poi's.  Mais  cette 
Coque,  C,  m'oiîrit  une  iîngulanté  remarquable. 
Se   qui    contredifoit   ce   que   M.  de  REAUrûus, 
rapporte    dans   fou  Mémoire.   "  La   Coque    de 
55  cette  Efpece  de  Cheuifle ,  dit-il,  noiis  donne 
53  occaiîon  de  faire  remarquer  une  féconde  fois  y 
„  que  la  grandeur  de  ia  Coque  n'eft  pas  tou- 
35  jours   proportionnée  à  celle  de  la  Chenille; 
„   qu'il   y    a   des    Coques    fi    petites   qu'on    ne 
,3  conçoit  pas  trop  comment   une  grolfe  Che- 
33  nille  a  pu  fe  renfermer   ^.ans  une  fî  petite 
53  enceinte  qu'elle  a  été  obligée  de  fe  filer;  car- 
33  il  iemble  .  .  .  que  la  Chenille  étant  maîtreiîe 
^3  de  prendre   ce  qu'elle  veut  de  terrein ,  elle 
35  en    doit   prendre    allez   pour   fe    mettre   ai* 
35  large.  Il  y  en  a  pourtant  beaucoup  d'Efpeces, 
33  &  entr'autres  celles  dont  nous  voulons  par- 
,3  1er,  qui  fe  mettent  très  à  l'étroit  dans  Icui; 
3,   Coque  33.  Celle   que  ma  Chenille  (i)  s'étoit 

<^i}  Il  cfl;  diftîcile  de  bien  tiiTLinguer  les  Efpcces  de  ce 
Genre  :  elles  font  aifez  nombreufes.  En  comparant  cie  nouv-eiii 
\â  Defcription  &  la  Figure  que  M.  de  Rlalmur  d^nne  de 
fa  Cii.:nille  ,  je  fuis  vent!  à  douter  lî  la  mienne  étuit  préci- 
fcnjent  c'c  la  mènie  Efpece.  Ce  qui  m'a  fait  naître  ce  d'Kîte, 
ce  font  prir.eipalr'.'nent  les  poils  qui  rec;tuv;ent  !e  dos  Ue  U 
laieune.  Us  ^q  s'abailîent;  pas  fur  îe^  côtés»  comme  dans  celî^ 

A  2, 


4  OBSERVATIONS 

conftruite  ctoit  pourtant  Ci  grande,  &  fur-tout 
fi  longue ,  qu'elle  auroit  pu  facilement  contenir 
deux  Chrylalides  pareilles  à  celle  dans  laquelle 
la  Chenille  fe  transforma  bientôt.  Elles  y  au- 
loient  même  été'  fort  au  large.  J'ignore  ce  qui 
avoit  déterminé  l'Infecle  à  travailler  fur  de  fî 
grandes  proportions.  Le  tiffu  de  la  Coque  ne 
différoit  point  d'ailleurs  du  tiifu  propre  aux 
Coques  de  cette  Efpece. 

La  Chryfalide  ,  A ,  dans  laquelle  cette  Che- 
nille s'étoit  transformée  ,  étoit  en  général  d'un 
noir  luftré  :  on  voyoit  feulement  une  teinte  de 
rouge  dans  la  jondlion  des  anneaux.  Elle  étoit 
de  forme  conique. 

Cette  Chryfalide  m'oiFrit  des  procédés  cu- 
rieux 5  &  qui  me  paroiiTent  dignes  d'être  ra- 
contés. On  fait  que  les  Chryfalides  ne  fe  don- 
nent en  général  que  très-peu  de  mouvement. 

lie  M.  de  Reaumur.  La  grandeur  de  la  Coque  que  ma  Che- 
nille avoit  conftruite  ,  eft  un  autre  caraftere  qui  paroît  la 
tlifFévencier  ,•  car  cette  Coque  fi  grande  n'étoit  pas  probable- 
irient  un  accident:  j'ai  eu  depujs  une  antre  Chenille  fembla- 
ble  ,  qui  a  conftruit  fous  mes  veux  une  ai)ffi  grande  Coque.  Cette 
Chenille  n'eft  pas  rare  en  Aiitomjie:  on  la  voit  aflez  fuuvent 
ramper  fur  l'herbe  ou  ie  long  des  grands  chemins.  Elle  paflTe 
l'Hiver  d^ns  quelque  retraite,  &  fe  métsmorphofe  au  Prin- 
temps. Je  h  rionimerois  VOurJine ,  à  caufe  de  la  couleur  &  de 
la  longueur  de  f«s  poils.  De  loin  elle  paroît  toute  noire. 


SUR    LES   INSECTES.  % 

Pour  l'ordinaire  elles  ne  changent  point  de 
place  ,  &  ne  donnent  de  figne  de  vie  qu'en 
agitant  un  peu  leur  partie  poftérieure.  C'ell  ce 
qui  a  donné  lieu  de  comparer  l'état  mitoj^en  de 
Chryralide  à-  un  étdt  de  mort.  11  n'e.n.  étoit  pas 
de  même  de  la  Chryfalide.  dont  je-  crayonne 
i'Hiilroire.  Lorfque  je  me  mis  à  robferver ,  elle 
étoit  placée  de  manière  que  fa  partie  antérieure 
occupoit  un  des- bouts  de  la  Goque.  [PLl^a.] 
Là  paroiiroit  une  ouverture  ^  o  ,.  pratiquée .  dans 
îe  tilTu  même  de  la  Coque ,  &  qui  fembloit  y  a\w 
été  ménagée  par  la  Chenille ,  pour  faciliter  la 
fortie  du  Papillon.  La  Coque  avoit  été  conf- 
truite  obliquement  à  l'horizon ,  ^  c'étoit  au 
bout  le  plus  élevé  que  la  Chryfahde  s'étoit; 
placée.  Sa  partie  poftérieure ,  f ,  appuyoit  fur 
le  côté  inférieur  de  la  Coque. 

M'ÉTANT  avifé  de  la  toucher  du  bout  dit 
doigt ,  je  fus  bien  fiirpris  de  la  voir  auffi-tôt 
quitter  fi  place  ,  &  defcendre  à  reculons  jufqu'à 
l'extrémité  inférieure  de  la  Coque..  Elle  élevoit, 
&  abaiifoit  alternativement  fi  partie  antérieure. 
&  fa  partie  poil:érieure ,  en  leur  fnfant  toucher 
tour  à  tour  les  deux  parois,  oppofées  de  la. 
Coque  i  &  c'étoit  par  de  fcmblables  mouve- 
mens  qu'elle  parvenoit  à  fe  tranlporter  d'ii'i 
Meu  à  un  autre.  Ce  procédé  ne  reifembloit  pai; 

A3 


&  0  B  s  'E  R  V  A  T  I  0  N  S 

mal  à'  celui  au  moyen  duquel   les   Ramoneurs 
îiionteiic  ^&  defccndent   dans  le   canal  des  che- 

niinécs. 

QuoiQjJE  Pinclinaifon  alTez  confîdérable  de 
îa  Coque  dut  aider  beaucoup  à  la  defcente  de 
ïa  Chrylalide  ,  la  marche  etoit  cependant  lente 
&  allez  lourde  :  il  lui  failoit  un  temps  aiTez 
îong  pour  parcourir  refpace  vuide  de  la  Coque. 
Parvenue  enûn  au  bout  oppofé  ,  elle  fembla 
faire  effort  pour  aller  plus  loin.  Elle  s'agitoit  & 
preifoit  le  bout  de  la  Coque  de  ia  partie  pof^ 
térieure  ,  comme  pour  s'aiTurer  qu'elle  ne  pou- 
voit  reculer  d'avantage.  Après  quelques  tenta- 
tives inutiles,  elle  parut  fe  fixer  à  cet  endroit,- 
&  s'y  étendit  de  fou  long.  [Fl.  /,  b.]  Mais, 
quc'le  ne  fut  point  ma  furprife  quelques  mo- 
mens  après ,  lorfque  je  la  vis  remonter  vers  le 
Iiauf  de  la  Coque  avec  une  merveilleufe  agilité, 
^  reprendre  ainfî  fli  première  pofltion  ! 

Frappé  de  cette  agréable  nouveauté ,  ie  ré« 
pétai  plufieurs^  fois  la  même  expérience  ,  8c 
toujours  avec  le  même  fuccès.  Elle  defceudoit 
chaque  fois:  aiTez  lourdement  &  avec  une  forte 
de  lenteur  ,.  qui  indiquoit  la  répugnance  avec 
iaquelie  elle  abandonnoit  la  place  que  je  Pavois 
déterminée  à  quitter  en  la  touchant  du   doigt  ^j 


SUR    LES   INSECTES.  7 

8c  c'étoit  coiiftamment  avec  tant  d'agilité  &  de 
promptitude  qu'elle  remontoit  vers  le  bout 
fupéricur  de.  la  Coque  ,  que  je  ne  pouvois  nie 
méprendre  fur  le  but  de  fa  marche  &  le  feiiti- 
ment  qui  la  dirigée  it. 

Ordinairement  elle  parcouroit  d'une  feule 
traite  toute  la  longueur  de  la  Coque  ;  mais 
quand  il  lui  arrivoit  de  s'arrêter  à  moitié  che-» 
min  ,  j'étois  toujours  fur  de  la  voir  reprendre 
fa  courfe  pour  regagner  la  pofitioa-  qu'elle 
préféroit. 

Je  fuivis  cette  finguliere  Chryfalide  pendant 
environ  quinze  jours ,  c'eft-à-dire  jufqu'au  temps 
où  elle  fe  transforma  en  Papillon.  J'eus  donc 
bien  des  occafions  de  revoir  les  mêmes  ma- 
nœuvres ,  &  je  les  revis  plufieurs  fois  par  jour. 
Il  y  avoit  de  temps-en-temps  quelque  variété 
dans  fes  procédés.  Quelquefois  elle  tardoit  k 
reprendre  fa  place  ordinaire  :  elle  demeuroit 
fixée  au  bout  inférieur  de  la  Coque  pendant  un 
temps  plus  ou  moins  long.  D'autrefois  elle  re- 
montoit vers  le  bout  oppofé  prefqu'auiFi- tôt: 
après  que  je  Pavois  invitée  à  defcendre, 

A  4. 


8  0  Ê  S  E  R   V  A  T  I  0  N  S 

^^^^_^  _j — ,_^^^^^,,,,^^ ^'^- 

OBSERVATION    IL 

Sur  des  œufs  de  Papillon  qui  choqnoienf  une  régie- 
indiquée  par  Mal  PI  G  HI. 


^N  Août  17385  on  m'apporta  deux  Papillons 
de  la  Chenille  dont  j'ai  parlé  dans  rObfervation 
précédente.  On  les  avoit  furpris  accouplés.  Le 
Piipillon  femelle  pondit  une  vingtaine  d'œuis. 
Ces  œufs  étoient  fort  jolis  ,  de  figure  femblable 
à  celle  du  commun  des  œufs  ,  &  dont  la  couleur 
étoit  un  brun  marbré  fort  iuftré.  Au  bout  de 
quelques  jours  je  remarquai  ,  que  la  plupart 
de  ces  œufs  avoient  fouifert  un  enfoncement 
Gonfidérable  :  ils  avoient  perdu  partie  de  leur 
rondeur  ;  ils  étoient  devenus  très-concaves  d'un 
côté  y  &  leur  couleur  n'avoit  éprouvé  aucun 
GÎtangement.  Je  jugeai  donc  que  de  tels  œufs 
ne  feroient  pas  léconds.  Je  me  fondo  s  fur  ce 
que  dit  là-deifus  M.  de  Reaumur  ,  d'après  fes 
propres  oBfervations  &  celles  de  Malpighï. 
^'  Il  faut  favoir  ,  remarque  cet  illuPcre  Acadé- 
^,  niicien  (^)  ,  qu'on  peut  diftinguer  les  ceufs 
„  du.  Papillon  du  Ver  à  foie  qui  ont  été  fécon- 

(^)  Mêm,  purferrjtr-  H  ÏHiJloire  des  Inf.  T.  II.  Mém^Ulh 


?'' 


;:> 


SUR    LES   INSECTES.  9 

dés  ,  de  ceux   qui  ne   Pont   pas  été  ,   long- 
temps  avant   que    le    temps   foit   arrivé    où 
une  petite  Chenille  doit-  fortir  de  chacun  des 
,5  premiers.  Les  œufs  ont  d'abord  une  couleur 
d'un  jaune  qui  tire  fur  celui  du  foufrcj  ils 
„  font  arrondis  ;    ceuit  dans  lefquels   des   em- 
„  bryons  de  Chenilles  ne  croiiîent  point ,  ceux 
„  qui  n'ont    point   été    fécondés  ',    confervent 
„  leur  premier  jaune  j  mais  ils  perdent  partie 
55  de  leur  rondeur  i  il  s'y  fait  d'un  côté  un  petit 
„  creux*,   un    petit    enfoncement.     Les    œufs 
„  fécondés  au   contraire  ,  confervent  leur  ron- 
,5  deur ,  &  leur  couleur  jaune  ne  duregUeresf 
„  à  cette  couleur  il    en  fuccede  une  qui  tire 
55  fur   le   vifblet  ,5.   Cependant   de   ces    mêmes 
œufs    qui  avoient  fouffert  un  enfoncement  Ci 
coniidérable    &  dont   la    couleur  n'avoit  point 
changé ,  je  vis  fortir  de  petites  Chenilles  bien 
vivantes  ;  les  œufs  ,  au  contraire ,  qui  avoient 
coiifervé  toute  leur  rondeur  &  dont  la  couleur 
étoit  devenue  violette ,  ne  produifireiit  rien. 

Je  me  pliis  beaucoup  à  obferver  le  travail  que 
fe  donnoient  mes  petites  Chenilles  pour  percer 
la  Coque  de  l'œuf  Se  venir  au  jour.  Elles  ron- 
gerient  cette  Coque  avec  leurs  dents ,  &  j'étois 
un  peu'  furpris  qu'elles  pulTent  y  réuffir  dans 
ni    temps    où    leurs    petites    dents   n'avoieiit 


16         OBSERVATIONS 

pas  pris  encore  le  degré  de  cionfiftence  qui  cil; 
propre  à  ces  parties.  C'étoit  à  un  des  bouts  de 
FoeuF  qu'elles  pratiquoient  l'ouverture  ;  &  je  re- 
marquai ,  qu'elles  l'agrandiiïbieiit  plus  qu'il  u'é- 
toît  néceflaire  pour  donner  ua  libre  pailage  au 
corps  de  l'Infecle.  Elles  fembloient  prendre  goût 
à  lîianger  la  Coque  de  l'œuf.  Elles  la  dévoroient, 
en  effet,  car  je  ne  pus  découvrir  aucun  frag- 
ment de  la  Coquille. 

Au  refte  ;  quoique  j'aye  dit  que  les  œufs 
dont  ces  petites  Chenilles  éitoient  éclofes  ,. 
avoient  confervé  leur  première  couleur  -,  cela 
ne  doit  pas  être  pris  tout-à-fait  à  la  lettre  :  il 
s'y  étc)it  bien  fait  un  léger  changement  :  le  brun 
«toit  devenu  un  peu  plus  clair,  &  la  marbrure 
moins  t  orte  i  mais  ce  changement  de  couleur 
n'étoifc  rien  en  comparaifon  de  celui  qui  étoit 
furvenu  aux  œufs  demeurés  inféconds.  Dans 
ces  dentiers  ,  la  marbrure  avoit  entièrement 
difparu,  A  une  couleur  violette  lai  avoit  fuccedé. 

Comme  la  Coque  de  ces  œufs  avoit  une 
forte  de  tra  nfparence  ,  les  couleurs  de  la  Che- 
nille perqoie.at  au  travers-  &  aiioient  à  la  faire 
reconnoltre  ,  avant  qu'elle  eût  commencé  à 
venir  au  jour,  il  étoit  aifé  de  s'affurer*  que  ces 
feouleuis  ii'ap  partenoient  point  à  l'œuf 


SUR   LES    INSECTES.         ir 

Vers  la  fin  de  Juillet  1740 ,  j'eus  occafioîi 
de  répéter  la  même  Obfervation  fur  des  œufs 
de  Papillon  fort  feniblables  à  ceux  dont  je  viens 
de  parler ,  &  qui  avoient  été  dépofés  en  grand 
nombre  les  uns  auprès  des  autres.  Tous  avoient 
fur  un  de  leurs  côtés  un  enfoncement  ,  &  il 
ny  eut  aucun  de  ces  œufs  dont  il  ne  fortit 
une  petite  Chenille.  J'ajoute  que  ces  œufs  n'a-- 
voient  point  non  plus  changé  de  couleur. 

D'autres  œufs  de  Papillon  m'ont  oifert  encore 
les  mêmes  particularités.  Amfî  il  eft  bien  dé- 
montré que  la  règle  de  Malpighi  n'eft  point 
du  tout  générale. 

^  ^  , ^^-^i:!;^—  ==^^g^' 

OBSERVATION     III. 

Sur  les  Chenilles  républicabtes  nommées  Livrées  y 
^  en  particulier  fur  le  procédé  an  moyen 
duquel  elles  favsnt  retrouver  leur  nid,  lorf- 
qu'elles  s'en  font  le  plus  éloignées. 


G 


''Est'  la  diftribution  des  couleurs  de  cette 
Efpece  de  Chenille  ,  qui  n'imite  pas  mal  celle 
de  ces  touffes  de  rubans  qu'on  porte  aux  noces 
de  village  ,  qui  a  déterminé  M.  de  Reaumur 
à  lui  donner  le  nom  de  Livrée.  Il  a  publié  une 


ta         OBSERVATIONS 

hiftoire  de  cette  Chenille  dans,  le  Mémoire  IIÎ 
du  T.  II  de  fon  Hiftoire  des  Infedes  ,  pag.  i6i 
&  fuivantes  ,  &  Ta  repréfentée  PL  V ,  Fig.  7 
du  T    I.  Il  Fa  rangée  parmi  les   Chenilles  qui 
ne  vivent  en  fociété  qu'une  partie  de  leur  vie  ^ 
8c  il   remarque  ,  que  depuis    leur    naijfcmce  juf- 
qu'au  temps  de  leur  feparation  ,  elles  fournijfent- 
peu  de  faits  Jinguliers.  J'ai  été  plus  heureux  à 
cet  égard   que  cet  illuftre  Obfervateur  ,  &  nos 
Livrées  m'ont  offert  des  particularités  qui   me 
parohfent   mériter   de   trouver   place  ici.  D'ail- 
leurs j'ai  du  beaucoup  à  ces  Chenilles ,  Se  je  ne 
me  le  rappelle  point  fans  plaifir  :  ce  furent  les 
Obfervations  qu'elles  me  donnèrent  lieu  de  fiire 
en    1738  5    qui  me    mirent   en    commerce    de 
Lettres    avec  M.    de  Reaumur  ;  commerce  fî 
glorieux  pour    moi ,   &  qui  a  duré  fans  inter- 
ruption pendant  plus  de  dix-neuf  ans  ;  je  veux 
dire,  jufqu'à  la   mort   de  cet  excellent  Natura- 
Hfte .  le  modèle  des  Obfervateurs. 

Vers  le  2^  d'Avril  1738  ?  je  rencontrai  un 
nid  de  nos  Chenilles  Livrées  ,  qui  paroiiîbit  nou- 
vellement conftruit.  Il  étoit  formé  de  pîufieurs 
couches  de  foie  très -minces  ,  &  qui  relicm- 
bloient  aux  toiles  des  Araignées.  Ce  nid  avoit. 
été  conftruit  dans  les  ang'es  que  quatre  à  cinq 
petites  branches  d'Aubépuie  formoient  avec  la 


EUR    LES    INSECTES.         15 

l)raiiche  principale.  Les  toiles  qui  le  compofoient 
étoient  fi  tranfparentes ,  qu'elles  ne  déroboient 
pas  à  mes  yeux  les  petites  Chenilles  logées  dans 
Tintérieur. 

Ces  Chenilles  me  parurent  n'être  éclofes  que 
depuis  peu  de  jours.  Elles  étoient  fort  jolies. 
Vues  d'un  peu  loin ,  elles  femhloient  dorées  ; 
mais  quand  on  les  regardoit  de  près  ,  on  recon- 
noilToit  que  leur  couleur  n'étoit  qu'un  beau 
jaune  ou  un  jaune  très-vif.  Obfervées  de  plus 
près  encore ,  le  jaune  paroilToit  diftribué  par 
petites  raies  ,  qui  s'étendoient  de  la  tète  à  la 
queue  ,  &  qui  étoient  féparées  par  de  petites 
raies  noires.  Elles  avoient  cà  &  là  de  longs  poils 
roux ,  qu'on  n'appercevoit  bien  qu'en  les  regar- 
dant de  côté.  Elles  fembloient  avoir  deux  tètes , 
l'une  à  un  bout  du  corps  ,  l'autre  au  bout 
oppofé.  Deux,  petites  taches  noires  placées  près 
de  la  tète  &  près  de  la  queue  produifoient  cette 
apparence.  L'illufion  ne  duroit  pas  long-temps  : 
la  tète  fe  faifoit  bientôt  diitinguer  par  fa  grof- 
feur  5  par  fon  poli  -&  fon  brillant. 

Je  coupai  la  branche  principale  qui  portoit 
le  nid  ,  &z  j'en  fichai  le  bout  inférieur  dans 
un  des  montants  d'une  des  fenêtres  de  mon 
cabinet,  La  branche  étoit  ainfi  dans  une  fituation 


14         OBSERVATIONS 

horizontale  ,  &  au  dehors  de  la  fenêtre.  Mon 
but  étoit  de  laifler  amfi  mes  petites  Chenilles 
en  pleme  liberté ,  &  de  les  liiivre  comme  je 
Pauruis  fait  en  pleine  campagne.  Je  confldérois , 
qu'en  renfermant  les  Infedes  dans  des  poudriers 
comme  les  Naturaiiftes  ont  coutume  de  le 
faire,  on  gênoit  plus  ou  moins  leur  manœuvre ^ 
parce  qu'on  les  plaqoit  ainfî  dans  des  circonf- 
tances  qui  les  éloignoient  plus  ou  monis  de  leur 
genre  de  vie  ordinaire. 

Pendant  la  nuit ,  mes  Chenilles  fe  tenoient 
ordinairement  dans  l'intérieur  du  nid ,  mais  le 
jour  elles  fe  rendoient  fur  fa  furface  ,  &  s'y 
arrangeoient  les  unes  rai-deiîus  des  autres  , 
comme  fur  une  terralFe  pour  y  prendre  Pair. 
S'il  venoit  à  pleuvoir  fur  le  nid,  elles  fwoient 
très-bien  fe  retirer  fous  la  furface  oppofée. 

Un  jour  qu'elles  étoient  attroupées  au-deffus 
du  nid ,  &  que  le  (oleil  dardoit  avec  force  fes 
rayons  fur  la  toile ,  je  vis  fe  former  fubiteniinfc 
un  VLiide  au  milieu  de  la  troupe  5  &  plufîeurs 
Chenilles  s'en  féparerent  avec  vitelTe.  D'autres 
branloient  la  tète  à  pluiieurs  reprifes  ,  elles  en 
frappoient  Pair  à  coups  réitérés  5  d'autres  fe 
cachoient  fous  le  nid  ou  reatroient  dans  fon 
intérieur.  Le  tumulte  ne  fut  pas  de  durée. 


SUR   LEH   INSECTES.        Kry 

M.  de  Reaumur  avoit  remarqué  ces  coups 
de  tète  dont  je  vie?.is  de  parler.  "  Ce  que  ces 

„  Chenilles  ,  dit-il  (  *  )  ,  font  voir  de  plus  re- 

„  marquable  dans  ce  temps  de  repos,  fur-toat 

„  lorfqu'il  fait  chaud ,  &  ce  qui  ne  leur  eft  p;as 

35  commun  avec  beaucoup   d'autres  Chenilles., 

33  ce  font  des  efpeces   de  coup  de  tète,  extrè- 

53  mement  brufques  qu'elles  donnent  en  i'aiir, 

55  tantôt  à  droit  &  tantôt  à  gauche,  tantôt  Cii- 

55  haut  &  tantôt  en-bas;  :  il  fembletoit  qu'elks 

55  feroient  en  colère  &  c^u'elles  voudroient  fraip- 

55  per:  ce  n'eft  pourtant  que  l'air  qu'elles  frap- 

55  pent  y  la  partie  antérieure  de  leur   corps   fe 

j5  meut  alors  avec  la  tète.  55 

Lorsque  je  venois  les  obferver  la  nuit  à  ïa 
lumière  d'une  bougie  ,  elles  fembk>ient  fe  };é- 
veiller  auiTi-tôt,  &'  plufieurs  fe  niettoient  en 
mouvement  &  commenqoient  à  marcher.  Rcîti- 
rois-je  la  bougie  ?  elles  celTbient  de  le  mouvonr, 
<&  paroiifoient  fe  rendormir. 

Je  remarqiî:ii  encore  qu'elles  étoie  nt  fenfibKîS 
à  des  fons  un  peu  forts  :  lorsqu'on  battoit  1  a 
caiife  dans  la  rue ,  celles  qui  étoient  en  marche*, 
s'arrètoient ,  &  faifoient  faire  à  leur  partie  an--. 


C)  Tome  ÎI ,  page  \66. 


I^         OBSERVATIONS 

térieurc  des  vibrations  très-promptes ,  comme  fi 
ce  bruit  leur  eut  été  très-ijicom.mode. 

Une  Guêpe  étant  venue  voltiger  au-deifus 
du  nid ,  toutes  les  Chenilles  qui  étoient  attrou- 
pées fur  la  toile  ,  fe  mirent  à  agiter  brufque- 
ment  la  partie  antérieure ,  8c  par  ces  coups  réi^ 
térés ,  elles  écartèrent  le  volatil  dangereux. 

QUAISC  je  toucliois  du  doigt  le  derrière  d'une 
de  ces  Chenilles  ,  elle  y  portoit  brufquement  la 
tète   comme  pour  me  mordre. 

Deux  jours  s'écoulèrent  fans  que  nos  peti^ 
tes  républicaines  s'écartailent  de  leur  habitation. 
Mais  le  troiiieme  jour,  j'en  vis  une  compagnie 
qui  avoir  commencé  à  fe  mettre  en  marche ,  8c 
qui  montoit  le  long  de  la  fenêtre.  Leur  marche 
étoit  lînguliere.  Elles  alloient  en  proceiîion  à  la 
file  les  unes  des  autres.  Les  rangs  n'étoient 
pas  égaux  :  il  y  en  avoit  de  quatre  ,  de  trois  , 
de  deux  Chenilles  ^  &  la  plupart  n'étoient  que 
d'une  feule.  Toutes  marchoient  d'un  pas  égal 
<&  tranquille ,  en  promenant  la  tète  alternati- 
vement à  droit  &  à  gauche.  On  croyoït  voir 
WùQ  colonie  qui  alloit  chercher  ailleurs  un  éta^ 
jbliifement. 

Souvent   la   proceffiou    étoit   interrompue 

dans; 


SUR   LES    INSECTES.  17 

dans   fa  marche  par   des  Chenilles  qui  retour-^ 
noient  au  iiid ,  ou  par  d'autres  qui  faifoient  halte. 

Après  avoir  fait  un  certain  chemin  ,  la  pro^ 
cefîion  s'arrètoit,  &  les  Chenilles  s'attroupoient  ; 
enluite  ,  les  unes  retournoient  au  nid  par  le 
même  chemin  ,  les  autres  continuoient  /  leur 
route.  Ainiî ,  une  partie  de  la  proceifion  mon- 
toit ,  &  l'autre  defcendoit ,  iiuis  la  moindre 
confufion  :  je  veux  dire  ,  que  celles  qui  rcga- 
gnoient  le  nid ,  paiîbient  immédiatement  à  côté 
de  celles  qui  s'en  éioignoient  ,  fans  que  la 
marche  des  unes  &  des  autres  en  fût  le  moins 
du  monde  troublée. 

Elles  marchoient  d'un  pas  affez  lent.  Ce 
ne  fut  qu'environ  trois  à  quatre  heures  après 
qu'elles  eurent  commencé  à  forcir  du  nid  &  à 
défiler  en  proceiïïon  ,  qu'elles  parvinrent  au 
haut  de  la  fenêtre  ,  011  je  les  vis  fe  ralTembler* 
Cette  fenêtre  avoit  fix  à  fept  pieds  de  hau- 
teur ,  fur  trois  à  quatre  de  largeur  ,  &  le  nid 
n'étoit  qu'à  demi-pied  au-delTus  de  la  tablette. 

Les    Chenilles   qui    avoient   gagné   ainfi   le 

haut    de.  la    fenêtre  ,   étoient    en    ulïez  ■  grand 

nombre ,    &    j'obfervois     d'autres    compagnies 

moins  nombreufes  qui  fe  difpofoient  à  aller  les 

Touîe  IL  B 


18         0  B  S  E  R  V  A  T  I  0  N  S 

joindre ,  &    qui  fuivoient  exactement  la  route 
des  premières. 

Je  commenqai  à  craindre  que  mes  Chenilles 
ii'abandonnalTent  pour  toujours  leur  habitation , 
8c  j'avois  déjà  regret  à  la  liberté  que  je  leur 
avois  laiîTée.  Mais ,  je  fus  bientôt  raliUré  :  après 
avoir  fait  une  petite  ftation  au  haut  de  la  fenê- 
tre ,  elles  fe  remirent  en  marche  ,  &  reprirent 
3e  chemin  du  nid  ,  en  fuivant  précifément  la 
jnème  route  qu'eiko  avoient  fuivie  pour  s'en 
éloigner» 

J'ÉTOîS  fort  furpris  de  les  voir  fuivre  fî 
conilamment  &  avec  tant  de  précifion  la  même 
toute,  foit  en  montant,  foit  en  defcendant.  Je 
traqai  même  une  ligne  parallèle  à  cette  route , 
pour  m'afTurer  mieux  fi  elles  ne  s'en  écarte- 
ïoient  point.  Mais ,  elles  la  fuivirent  toujours 
avec  une  égale  conftance.  Je  faVois  bien  que 
les  Chenilles  n'etoient  pas  privées  de  la  vue  : 
je  connoiiroîs  leurs  yeux ,  &  je  les  avois  ob- 
fervés  à  la  loupe.  J'avois  encore  remarqué  qu'el- 
les paroifToient  fenfibles  à  la  lumière  :  j'ai  rap- 
porté ci-delîus  un  fait  qui  paroiiîbit  le  prouver. 
Mais  ,  malgré  tout  cela ,  je  n'avois  pas  grande 
opinion  de  la  vue  de  nos  Chenilles  ,  &  je  ne 
pouvais  me  perfuader  que  ce  fulTent  leurs  yeu^ 


SUR    LES   INSECTES.         î9 

<5iil  les  c-uidalTent  Ci  bien  dans  leurs  diiFérenteâ 
couufes.  Je  redoublai  donc  d'attention  &  de 
vigilance,  &  je  les  obfervai  d'auiîi  prés  qu'il 
étoit  pofîiblc.  Enfin ,  j'appercus  qu'elles  tiroient 
des  fils  fur  leur  route  ,  &  je  découvris  fur  le 
montant  de  la  fenêtre  ,  en  y  regardant  fort  obli-i 
quement  un  petit  fentier  blanchâtre  d'environ 
une  à  deux  lignes  de  largeur,  que  le  brillant. 
de  la  foie  rendoit  reccnnoilfable.  Je  compris 
alors  pourquoi  chaque  Chenille  portoit  la  tète 
à  droit  &  à  gauche  ,  tandis  qu'elle  marchoit. 
Elle  recouvroit  ainfi  de  foie  le  chemin  qu'elle 
parcouroitj  &  celles  qui  h  fuivoient  exécutante 
la  même  manœuvre,  il  fe  formoit  peu-à-peu  dé 
tous  les  fils  réunis  une  forte  de  ruban  ou  dô 
tapis  de  foie  ;  dont  le  tiifa  fe  fortifioit  de  plus 
en  plus ,  &  déteriîiinoit  toujours  mieux  la  route; 

La  première  route  tracée  par  nos  ptoceffioii-; 
naires  étoit  la  plus  fréquentée  :  mais  elles  eu 
tracèrent  d'autres  plus  ou  moins  irrégulieres^ 
ou  plus  ou  moins  obliques  ,  qui  aboutiffoienç 
toutes  au  nid. 

Le  foir  du  même  jour ,  je  m'attendois  à  \ei 
Voir  regagner  le  gîte  :  mais  la  nuit  étoit  déjà 
allez  avancée ,  qu'elles  continuoient  encore  k 
proceffionner.  Pour  empêcher  qu'elles  ne  s'éear^ 


20         OBSERVATIONS 

taiTent  d'avantage  ,  je  plaçai  fur  leur  route  des 
feuiiies  fraîches  d'Aubépine  :  elles  s'y  ralfemble^ 
xent ,  &  après  en  avoir  mange  ,  elles  retournè- 
rent au  nid. 

A  voir  nos  petites  Chenilles  marcher  tou- 
jours en  grande  procefîion  ,  on  auroit  jugé 
qu'elles  n'ofoient  s'écarter  feules  du  nid.  Je  vis 
pourtant  bien  des  fois  une  de  ces  Chenilles 
qui  faifoit  feule  toute  la  route  qui  avoit  été 
tracée  par  une  procefîion.  De  petites  compa- 
gnies de  fix  à  fept  Chenilles  alioient  à  la  quête 
à  une  grande  diftance  du  nid. 

Je  prenois  quelquefois  plaifir  à  toucher  légè- 
rement du  doigt  la  Chenille  ou  les  Chenilles 
qui  marchoient  à  la  tète  d'une  procelîion  :  elles 
fécouoient  auffi-tôt  la  tête  à  pluiîeurs  reprifes 
&  rebrouiïbient  chemin  avec  viteife  ,  fans  être 
arrêtées  dans  leur  fuite  par  celles  qui  fuivoienfr 
d'un  pas  tranquille  la  première  route.    ^ 

Je  m'arrêtois  fouvent  à  confidércr  la  petite 
trace  de  foie  qui  dirigeoit  mes  Chenilles  dans 
leurs  différentes  courfes,  &  les  empèchoit  de 
s'égarer  ;  je  la  comparois  au  fil  d'Ariadne  ;  mais 
je  ne  favois  pas  encore  combien  cette  compa- 
i'aifon  étoit  jufte.  M'étant  avifé  un  jour  d'en- 


SUR    LES   INSECTES.         2î 

lever  avec  le  doigt  un  peu  de  îa  foie  qui  tapif-- 
foit  le  chemin  de  nos  proceffiorinaires  ,  je  re- 
marquai avec  une  agréable  furprife   que  ,  lorf. 
que  la  Cheniile  qui  conduifoic  la  procelTion  fut 
arrivée  à  l'endroit  où  la   trace   étoit  interrom- 
pue 5  elle  rebrouifa  chemin  auiîr-tôt ,  comme  fi 
elle  eut  été  effrayée:  celle  qui  la  iuivoit  immé-. 
diatement  en  fit  de  même ,  &  elles  furent  fui- 
vies  de  plufieurs  autres.  Toutes  fembloient  fc 
hâter  de  regagner  le  nid.  L'effroi  ne  fe  répan- 
dit pas  cependant  dans  toute  la  proceffion  :  elle 
continuoit  à  défiler  en  bon  ordre  d'un  pas  égal 
8c  tranquille  :  mais  à  mefure  que  les  Chenilles 
qui  précédoient  arrivoient  à  l'endroit  où  j'avois 
rompu  la  trace  ,  elles  interrompoient  leur  mar- 
che ,  &  paroifToient  plus  ou  moiîis  embarraffées. 
Je  voyois  ,  à  ne  pouvoir  m'y  méprendre ,  qu'el- 
les n'ofoient  hafarder  de  continuer  leur  route. 
Elles    reiloient   à   la   même    place ,  tâtoient  de 
tous  côtés  avec  leur  tère  >  Se  héiltoient  toujours, 
de  franchir  le  pas.  Enfin ,  une  des   Chenilles  , 
plus  hardie  que  les  autres  ,  ofa  le  franchir.  Le 
fil  qu'elle  tendit   en    paiHuit   rétablit  la  route- 
D'autres  Chenilles  la  fuivirent ,  qui  tendirent  de 
même  de  nouveaux  fils  ,  &  au  bout  de  quelque 
temps  je  ne  vis  plus  d'interruption  dans  la  trace 
de  foie.  Je  dois  dire  néanmoins ,  que  ,  jufqu'à 
ce  que  la  voie  eût.  été  entièrement  réparée ,  mss 

B  3 


&i         OBSERVATIONS 

ÇKenilles  montrèrent  toujours  quelqu'inquiétuds 
m  traverlanc  l'endroit  où  elle  avoit  été  rompue^ 

Je  profitai  de  cette  découverte  pour  âmgex- 
à  mon  gré  les  courfes  de  nos  proceflionnaires. 
Quand  elles  enfiloient  des  routes  qui  ne  ré^ 
pondoient  pas  à  mes  vues ,  ou  qu'elles  en  tra- 
^oient  de  nouvelles  en  trop  grand  norabre ,  J9 
rompois  tous  ces  chemms  en  enlevant  qà  &  là 
la  foie  qui  les  tapiiîbit,  Ja  repétois  donc  ainu 
jna  première  Obfervation  fur  Tuf  ge  des  traces 
de  foie,  &  je  ne  me  lalfois  point  de  la  repéter» 

Un  matin ,  ç'étoit  far  les  fept  heures,  t:oute$ 
lues  Chenilles  fe  rendirent  en,  prpceffion  aii 
haut  de  la  fenètrç  j  Sç  quelque  temps  après  je 
^'çn  découvris  plus  ni  dans  les  chemins,  ni  dans 
le  nid.  Impatient  de  favoir  quelle  nouvelle 
route  elles  avoient  enfilée  5  &  craignant  de  les 
perdre  pour  toujours,  je  courus  à  la  fenêtre  voi- 
fîne  j  &  je  les  découvris  au  haut  de  cette  fenè.- 
tre  3  marchant  dans  le  meilleur  ordre  ^  à  la  file 
les  unes  des  autres  ^  &  formant  ainli  un  cordon 
iion-interrompu  depuis  le  haut  de  la  fenêtre 
Jùfqu'au  bas.  Elles  s'étoient  donc  frayées  une 
route  très-nouvelle ,  ^  une  route  qui  les  éloi- 
gnoit  beaucoup  plus  de  leur  habiteîtion  ,  que 
joutes  çeiles  qu'elles  avoient  tracées  jufqu'alor^» 


SUR    LES   INSECTES,  %% 

Je  balançai  quelque  temps  entre  les  divers 
partis  qu€  j'avois  a  prendre  :  je  foiigeai  d'abord 
à  renfermer  toutes  mes  Chenilles  dans  un  pou- 
drier pour  éviter  de  les  perdre 5  mais  enfin,  jtî 
me  déterminai  à  les  îaiifer  à  elles-mêmes ,  pour 
voir  Çi  elles  regagneroient  leur  nid.  Elles  conti- 
nuèrent à  s'en  éloigner  en  defcendant  le  long 
de  la  fenêtre.  Elles  pouiTerent  même  jufqu'à  la 
corniche  qui  féparoit  le  fécond  étage,  où  je 
logeois  ,  de  l'étage  inférieur.  Parvenues  fur  la 
corniche,  elles  firent  halte  quelque  temps 5  puis 
elles  fe  remirent  en  marche ,  &  continuèrent  à 
s'éloigner.  J'étois  fort  inquiet  ,  &  j'avois  plus 
de  regret  que  jamais  à  la  trop  grande  liberté 
que  je  leur  avois  laiifée.  Mais  ,  je  les  vis  enân 
i^venir  fur  leurs  pas  ,  reprendre  la  route  du  ni4 
par  le  nouveau  fentier  qu'elles  venoient  de  tra- 
cer ,  continuer  leur  route  fans  s'arrêter ,  &  arri- 
ver toutes  fur  le  midi  à  leur  habitation.  Je  mtî 
bâtai  de  leur  fcrvir  des  feuilles  vertes ,  &  je  me 
promis  bien  de  ne  leur  permettre  plus  de  faire 
de  0  longs  voyages.  Elles  s'étoient  ainfi  éloi- 
gnées du  nid  par  divers  détours  de  plus  de 
quarante  pieds.  C'étoic  un  bien  long  pèlerinage 
pour  de  fi  jeunes  Chenilles  ,  &  qui  n'avoieitc 
guère  que  trois  à  quatre  lignes  de  longueur. 


i 


E  ue  pouvois  me  laifer  d'admirer  la  pOiicu 


y  4 


è4         OBSERVATIONS- 

de  mes  petites  Chenilles.  Il  n'y  avoit  rien  de  fî 
joli  que  les  cordons  qu'elles  formoient  par  leurs 
évoiutioîis  diverfes.  lis  paroliFoient  à  une  cer- 
taine diftance  ,  des  traits  d'or  tracés  fur  la 
pierre  ^  mais  ces  traits  étoient  tous  en  mouve- 
ment,. &  les  uns  étoient  tirés  en  ligne  droite, 
tandis  que  les  autres  repréfentoient  des  courbes 
à  plufieurs  inflexions.  Ce  qui  rendoit  le  fpec- 
tacle  plus  agréable  encore ,  c'étoit  que  le  cordon 
d'or  formé  par  le  corps  des  Chenilles  placées 
immédiatement  à  la  file  les  unes  des  autres  & 
au  nombre  de  pluiieurs  centaines ,  fembloit 
couché  fur  un  ruban  de  foie  d'un  blanc  vif  Se 
argenté  ;  &  l'on  voit  bien  que  ce  ruban  étoit  ce 
petit  fentier  tapiifé  de  foie  que  les  Chenilles 
luivoient  fi  conftamment.  Ces  Princes  de  l'Orient, 
dont  les-  voyageurs  nous  vantent  la  magnifi- 
cence ,  ne  marchent-ils  jamais  que  fur  des  tapis 
de  foie  ?. 

Il  étoit  aiïez  remarquable ,  qu'un  refroidilTe- 
ment  confidérable  de  l'air  n'empêchât  point  nos 
petites  républicaines  de  fe  mettre  en  campagne. 
Un  jour  qu'un  vent  de  Nord  tres-lroid  iouf- 
fibit  avec  force  fur  le  nid ,  je  les  vis  fe  difpofer 
à  fortir  en  proceiEon  ,•  &  quoique  j'euiTe  rompu 
tous  les  chemins,  de  foie  qui  ab  utillbien.t  au 
nid  .V  elles  fe  feroient  probablement  fort  écartées 


SUR.LES    INSECTES,  2Ç 

fi   je    les    eulfe  abandonnées    à  elles-mêmes. 

Dans  la  première  feniaine  de  Mai,  elles  chan- 
gèrent de  peau  pour  la  première  fois.  Elles  fu- 
birent  cette  opération  dans  le  nid.  Leurs  cou- 
leurs devinrent  plus  vives  &  plus  variées ,  leurs 
poils  plus  nombreux  &  plus  colorés  ^  &  elles 
parurent  avoir  plus  augmenté  en  groileur  qu'ea 
longueur.  Je  fupprinie  d'autres  détails  comme 
moins  intéreirans. 

Apres  la  m'-Mai ,  elles  fe  dépouillèrent  pou;: 
1.1  féconde  fois.  La  plupart  étoient  demeurées 
dans  le  nid ,  pour  y  pailer  le  temps  critique  de 
la  mue  :  quelques-unes  néanmoins  qui  avoient 
gagné  auparavant  le  haut  de  la  fenêtre ,  y  fubi- 
rent  le  changement  de  peau,  8c  revinrent  au 
nid  après,  la  mue. 

Cette  féconde  mue  les  embellit  encore  da- 
vantage que  la  première  :  leurs  couleurs  parurent 
plus  vives  ou  plus  éclatantes ,  vS;  les  nouveaux 
poils  5  plus  longs  que  les  anciens  :  ceux  qui 
étoient  ^fifués  fur  les  côtés  du  corps  s'abaiifoient 
fur  les  jambes  de  façon  qu'ils  donnoxent  à  la 
Chenille  Pair  d'un  Mille-pied. 

Entre  les  deux  mues ,  mes  Chenilles  avoient 
agrandi  leur    nid  par    de   nouvelles    toiles   de 


^6         0  B  S  E  R  V  A  T  I  0  N  S 

foie ,  &  en  faifant  entrer  dans  fa  conftru(îlioîi 
une  partie  des  feuilles  que  je  leur  avois  don- 
nées pour  nourriture.  Elles  avoient  tendu  des 
£ls  fur  ces  feuilles  ,  &  en  les  multipliant  de 
plus  en  plus  elles  s'étoient  procurées  de  nou- 
veaux appartemeias. 

Dès  que  mes  Chenilles  fe  furent  dépouillées 
pour  la  féconde  fois  ,  elles  n'obferyerent  plus 
la  même  difcipline.  Elles  ne  marchèrent  plus  en 
proceiîion ,  &  ne  fuivirent  plus  les  fentiers  de 
foie  qui  avoient  fervi  à  les  diriger  dans  leur 
entance.  Elles  erroient  de  cgté  &  d'autre  fans 
aucun  ordre,  &  je  les  aurois  toutes  perdues  ^ 
fi  je  n'avois  pris  la  précaution  de  les  renfermer 
<^ans  un  poudrier.  Mais  c'étoit  bien  aifez  de 
les  avoir  obfervées  en  pleine  liberté  pendant 
environ  un  mois, 

Dans  le  mois  de  Juin  ,  elles  fe  renfermè- 
rent dans  des  Coques  de  foie  pour  y  fabir 
leur  métamorphofe.  M.  de  Reaumur  a  décrit 
ces  Coques  :  je  n'en  dirai  donc  qu'un  mot. 
Elles  font  de.  foie  blanche  ou  blanchâtre.  Le 
tiiîu  en  eix  fi  foible  ,  fi  lâche  ,  qu'il  ne  fauroit 
dérober  aux  yeux  la  Chryfalide  >  mais  la  Che~ 
mile  fut  le  rendre  opaque ,  en  introduifant 
dansj  les  mailles  une  forte  de  bouillie  aifez  épaiife-y 


SUR  LES   INSECTES,  27 

de  couleur  jaune  ,  &  qui  eu  fe  deHcchant  de^ 
vient  une  poudre  friable  &  tres-nne.  Elle  poudre 
ainil  fa  Coque  ,  comme  nous  poudrons  nos 
perruques  i  mais  pour  vue  fia  plys  importante. 

Lk  Livrée  donne  à  fa  Coque  ,  comnie  le 
Ver-à-foie  ,  une  enveloppe  de  foie  de  forme 
irréguliere  :  c'eil  une  efpece  d^  bourre  au  milieu 
de  laquelle  la  Coque  elt  logée.  Mais  ,  j'ai  vu 
des  Livrées  qui  donnoient  à  cette  enveloppe  une 
forme  alfez  régulière  ,  &  qui  imitoit  celle  de  la 
Coque  j  enforte  qu'il  fembloit  qu'elles  euifent 
Èlé  deux  Coques  renfermées  l'une  dans  l'autre. 

Au  refte  >  la  Coque  de  nos  Livrées  eft  beau- 
coup  plus  alongée  que  celle  du  Ver-à-foie ,  & 
tient  un  peu   de  la  forme  d'un  fufeau. 

Peu  de  temps  après  s'être  renfermées  dans 
leur  Coque  3  mes  Livrées  fe  changèrent  en 
ChryfLtlides  ,  de  forni,e  conique ,  &  qui  ne  m'of- 
frirent rien  de  remarquable.  Le  Papillon  parut 
au  commencement  de  Juillet.  On  peut  en  voir 
ia  dçfcnption  dans  M.  de  Reaumur.  (*) 

Cet  habile  Obfervat^ur  s'eft  trop  étendu 
fur  les  œufs  de  ce  Papillon  &  fur  Part  admira- 

C)  Mém,  fur  les  hif.   Tome  II.  pag.  ^z. 


28         0  B  s  E  RFA  T  I  G  K  S 

ble  avec  lequel  il  les  arrange  en  manière  de 
bralTelet  autour  des  menues  branches  des  Ar- 
bres 5  pour  ne  me  diipenfer  pas  d'en  parler 
ici.  Je  renvoie  donc  là-deifus  à  fon  intérefFante 
Hiftoire  C^). 

^^ a^y^  '  .    -    --         -^'^ 

OBSERVATION  IV. 

Sur  les  Chenilles  nommées  Communes  ,  qui  viveyip 
en  fociété  pendant  une  partie  de  leur  vie. 


C: 


£tte  Efpece  de  Chenille  ,  eft  en  effet  la 
plus  commune  dans  nos  campagnes  ;  c'eil  ce 
qui  a  porté  M.  de  K.EAUMUR  à  lui  donner  le 
nom  de  Commune,  Il  en  a  publié  une  hilloire 
fi  détaillée  (*^)  qu'il  feroit  fuperflu  de  m'étendre 
lur  les  Obfervations  qu'elle  m'a  donné  lieu  de 
£\iie  :  aiiifi  je  ne  toucherai  guère  qu'aux  par- 
ticularités dont  notre  ilîu[îre  Académicien  n'a 
pas  parlé.  J'ai  vu  tous  les  faits  qu'il  s'eft  plu  à: 
détailler ,  &  mon  témoignage  n'ajouteroit  rien 
à  celui  d'un  tel  Obrervateur.. 

Ce  fut  au  milieu  d'Avril  1738  5  qi^e  ]^  fis. 

(*)  Tome  lï.  Mém.  Il  ,  pag.   9^. 

(**)  Mém.  fur  les  Jnf.  Tome  î  ,    png,  187  y  PI  VI,  Fig.s- 
&  io.  Tome  li,;pag.  ii22  &  fuivant^js. 


SUR    LES   INSECTES^         29 

îïies  premières  obfervations  fur  les  Chenilles 
Communes.  Je  les  pris  dans  leur  état  d'enfance, 
&  je  plaqai  un  de  leurs  nids  à  la  fenêtre  de 
mon  cabinet,  comme  je  l'ai  raconté  du  nid  des 
Chenilles  Livrées  dans  rObfervation  précédente. 
Ce  nid  compofé  de  feuilles  ,  recoiivertes  de 
plufieurs  couches  de  foie  blanche  ,  étoit  attaché 
à  une  branche  de  Poirier  -,  de  manière  à  le 
laiiTer  mobile.  Les  très-petites  Chenilles  qui  y 
logeoient  ,  paroilfoient  au  premier  coup  d'œil 
de  couleur  rouife  j  mais  regardées  de  près  ,  on 
appercevoit  une  raie  jaune  ,  formée  par  des 
points  de  cette  couleur  ,  qui  s'étendoit  le  long 
du  milieu  du  dos.  Deux  de  ces  points,  plus 
colorés  que  les  autres  ,  fe  montroient  près  des 
derniers  anneaux.  D'autres  points  bruns  fe  fai- 
foient  auflî  remarquer.  Sur  le  quatrième  &  le 
cinquième  anneau  étoit  une  élévation  rouge, 
fort  vifible  ,  femblable  à  une  houppe  ,  &  qui 
fembloit  compofée  de  poils  fort  courts  &  fort 
prelTés.  Tout  le  delfus  du  corps  étoit  femé  de 
longs  poils  roux.  La  tète  étoit  noirâtre  & 
luifante.  Je  viens  de  crayonner  une  légère  def- 
cription  de  mes  petites  Communes  ,•  parce  que 
M.  de  Reaumur  ai'a  décrit  cette  Efpece  de 
Chenille  que  telle  qu'elle  fe  montre  lorfqu'elie 
a  pris  tout  fon  accroiiTement. 


30         OBSERVATIONS 

On  juge  afe,  que  les  diiférens  plis  des 
feuilles  dont  le  nid  écoit  comparé  &  les  inter-- 
Vallès  plus  ou  moins  grands  qu'elles  laifîbient 
entr'elles  ,  étoient  pour  nos  petites  républicai- 
nes autant  de  logemens  dans  lefquels  elles  ia- 
voient  fe  retirer  au  befoin.  La  toile  de  foie 
qui  recouvroit  les  feuilles ,  &  qui  étoit  une  forte 
de  tente  ^  étoit  percée  qà  &  là  de  plufieurs 
trous  ,  qui  étoient  comme  des  portes  ménagées 
pour  l'entrée  &  la  fôrtie  des  Chenilles.  C'étoît 
par  ces  portes  qUe  je  le^  voyois  fortir  pour 
venir  jouir  fur  la  toile  de  l'air  &  du  foleil  ;  & 
c'étoit  par  le's  mêmes  ouvertures  que  je  lesj 
Voyois  rentrer  dans  Tinte deur  du  nid  à  l'ap^ 
proche  de  la  nuit  ou  du  mauvais  temps. 

Ce  nid  paroilToit  avoir  été  détaché  de  là 
branche  par  un  accideut  :  j'ai  dit  qu'il  étoit 
mobile ,  le  Vent  le  faifoit  baîotter.  (^land  les 
balottemens  n'étoient  pas  trop  forts ,  les  petites 
Chenilles  ne  fembloient  pas  s'en  mettre  en 
peine  j  elles  alloient  Se  venoient  à  leur  ordi- 
naire ',  mais  lorfqu'ils  augmentoient ,  elles  de- 
ïneuroient  immobiles  ,  &  ne  fe  remettoient  en 
mouvement  que  lorfqu'ils  commençoient  à  di- 
minuer. J'eus  lieu  néanmoins  de  préfumer  que 
ces  balottemens  ne  leur  étoient  pas  agréables  t 
elles  travaillèrent  bientôt  à  aifujettir  le  nid  plus 


SUR   LES   INSECTES.  31 

foiidement ,  en  multipliant  les  liens  de  foie  qui 
rat'tachoient  à  la  branche. 

Mes  Chenilles  fe  promenoient  chaque  jour 
fur  la  toile  qui  recouvroit  le  nid  ,  &  elles  y 
prenoient  leur  repas.  Qiielques  unes  ne  tar- 
dèrent pas  à  prolonger  la  promenade ,  &  je  les 
obfervai  s'éloigner  du  nid  de  toute  la  longueur 
de  la  branche  qui  le  portoitj  mais  elles  n'ofe- 
rent  poulTer  plus  loin.  Je  remarquai  fur  la  fur- 
face  de  cette  branche  des  traces  de  foie  fem- 
blablcs  à  celles  des  Livrées  :  nos  petites  Com- 
munes fuivoient  ces  traces  conime  les  Livrées , 
&  ne  pouiToient  pas  la  promenade  au-delà  de 
l'endroit  où  ces  traces  fe  terminoient.  M.  de 
Reaumur  ,  qui  ignoroit  que  les  Livrées  ta- 
piflbient  leur  chemin  ,  Pavoit  très-bien  obfervé 
chez  nos  Communes  ,  niais  il  n'avoit  pas  ap- 
perqu  tous  les  ufages  dé  cette  manoeuvre.  Il 
croyoit  que  les  Communes  tapiifoient  leur 
chemin  ,  parce  qti'il  leur  étoît  plus  facile  de 
vïiarcher  ^  de  fe  crâmpo?mer  fur  des  feuilles  @ 
fur  des  tiges  tapijfées  de  foie ,  que  fur  des  tiges 
^  des  feuilles  nues  (*).  On  a  vu  dans  TObfer- 
vation  précédente  que  les  traces  de  foie  dont 
il  s'agit ,  rendent  aux  Chenilles  républicaines 
des  fervices  plus  importans. 

O^ém-faries  Inf.  T.   II,  pag.  159. 


3^         Ol^SERVATIONS 

Mes  Communes  ne  marchoient  pas  en  pro« 
cefîion  comme  les  Livrées ,  &  n'obfervoient  pas 
une  11  grande  police.  Elles  n'étoient  pourtant 
pas  fans  difcipline.  Elles  ne  manquoient  point 
de  rentrer  dans  leur  habitation  à  l'approche  de 
la  nuit  ,  &  lorfque  le  temps  fe  rafraîchijffbit  ou 
qu'il  venoit  à  pleuvoir  ,  alors  je  n'en  Voyois 
aucune  hors  du  logis.  J'étois  (ï  content  de  leur 
difcipline  &  du  bon  ufage  qu'elles  favoient 
faire  de  leur  liberté  ,  que  je  m'alFermis  de  plus 
en  plus  dans  la  peniée  de  les  abandonner  à  elles- 
mêmes  &  de  ne  les  renfermer  point  dans  un 
poudrieri 

Pendant  la  première  femaine  de  leur  éta- 
blilfement  au  dehors  de  la  fenêtre  de  mon 
cabinet ,  elles  ne  s'écartèrent  jamais  du  nid  que 
de  la  longueur  de  la  branche  à  l'extrémité  de 
laquelle  il  étoit  attaché.  Tous  les  matins  fur 
les  fept  heures  ,  lorfque  le  foleil  commençait 
à  darder  fes  rayons  fur  le  nid  ,  elles  fortoient 
en  grand  nombre  ,  &  commenqoient  à  fe  pro- 
mener fur  la  toile  &  le  long  de  la  branche. 
Qiielquefois  on  eût  dit ,  qu'elles  abandonnoient 
pour  jamais  leur  nid  ,  &'  pourtant  elles  y  reve- 
iioient  toujours.  Je  plaçois  chaque  matin  fur  Li 
toile  du  nid  à  l'extrémité  du  promenoir  des 
feuilles    fraîches  :    elles     alioient    v    pâturer , 


SUR    LES    INSECTES,        33 

c^  après  s'être  rafladées  ,  elles  rentroieiit  dans 
îe  nid  ou  le  reporeient  fur  fa  furface  ,  &  le 
îiiettoient  enfuite  à  tirer  de  nouveaux  fils  qui 
en  fortifioient  &  en  agrandiifoient  de  plus  eu 
P'us  les  enveloppes  ou  fenceinte. 

CÉTOIT  un  fpedacîe  très-amufant,  que  de 
voir  ces  petites  Chenilles  aller  &z  venir  ,  les 
Uîîes  d'un  côté,  les  autres  d'un  autre  iàns  con- 
iuiion  5  •&  s'entrebaifer  comme  les  iburnais  5, 
quand  elles  ib  rencontroienL 

J'ÉTOIS  à  la  campagne  pendant  que  je  faifois 
ces  obfervations  :  obligé  quelque  temps    après 
de   regagner  la   ville,    je  renfermai    le   nid  de 
îiics  Communes   dans  un  paudrier  ,   &  les  em,^ 
portai  avec  moi.   Mais  comme   je  ne  pouvois 
me  procurer  en  ville    les  mêmes    commodités 
pour  les  obferver  en  liberté  ,  je  fus  contraint 
cie  les  laiifer  clans  le  poudrier ,  que  je  recouvris 
d'une  plaque  de  verre.  Ainil  plus   de  liberté  ni 
de  promenades  :  auili  ii'obrerverent-elies  plus  la 
même  difcipline.  Elles  ne  r entroient  plus  dans 
le  nid  à  l'approche  de  la  nuit  ni  dans  les  jours 
froids ,  comme  elles  faifoient  auparavant.  Lorf- 
que-  le   ioleil  échauJîbit    le    poudrier  ,  elles   fe 
mettoient  à  courir  de  côté  &  d'^autre  dans  font 
incéiicar  ,    cherchant  des  ouvertures  poux  St'é* 
2lmj  IL  Ç 


34         OBSERVATIONS 

chapper.  C>Licîques  unes  y  réuiîirenti  parce  que 
la  plaque  de  verre  ne  s'ajuftoit  pas  exadement 
fur  les  bords  du  poudrier.  Elles  ne  s'écartèrent 
pas  néanmoins  3  mais  elles  ne  rentrèrent  pas 
dans  le  vafe. 

Mes  Chenilles  tapilTerent  de  foie  toutes  les 
parois  du  poudrier  ,  ce  qui  leur  donnoic  plus 
de  facilité  pour  fe  cramponner  contre  le  verre. 
De  temps  en  temps  elles  s'attroupoient  ,  & 
s'arrangeoients  les  unes  à  côté  des  autres  de 
manière  que  la  tète  de  toutes  étoit  tournée  jdans 
ie  même  fens.  Dans  cette  fituation  ,  elles  de- 
nieuroient  immobiles  5  niais  11  je  venois  à  les 
toucher  du  bout  du  doigt,  elles  fe  difperfoient 
à  Finftant. 

Les  vapeurs  qui  s'exhaloient  des  Chenilles 
8c  des  feuilles  dont  je  les  nourriifois  ,  s'atta- 
choient  aux  parois  du  vafe  ,  Se  craignant  que 
cette  liumidité  ne  fïit  nuiflble  à  la  petite  fa- 
mille ,  j'enlevai  la  plaque  de  verre  qui  couvroit 
ie  vafe.  Je  vis  avec  plaifîr  qu'elles  n'abufoient 
pas  de  la  liberté  que  je  leur  laiifois  ,  &  qu'elles 
fe  contentoient  de  fe  promener  autour  des 
bords  du  poudrier  :  mais  bientôt  elles  tentèrent 
de  s'échapper  en  defcendant  le  long  des  côtés 
extéiieurs  du  poudrier.  Je  les  pris  donc  une  à 


''SVK    LES    I  N  S  E  C  TES.       3f 

Tine  5  &  les  remis  dans  ie  vafe  5  Se  pour  les  y 
retenir  captives  ,  je  plongeai  ie  pied  du  vafe 
dans  une  terrine  pleine  <l'eau,  après  avoir  pris 
Va  précaution  d'enlever  tous  les  £ls  de  foie  qui 
tapiifoient  l'extérieur  du  poudrier.  Toutes  ces 
précautions  ne  lurent  pourtant  pas  fuffirantes  : 
j-ios  Chenilles  tentèrent  de  paiTer  ie  petit  lac 
à  la  nage  ,  &  plufieurs  s'y  noyèrent.  D'autres 
attaclioient  un  fil  aii  bord  extérieur  du  poudrier, 
le  dévaloient  en  -  bas  à  l'aide  de  ce  fil ,  & 
{"d  noyoient.  J'ai  obfervé  ce  même  amour  pour 
lii-iiberté  dans  les  Chenilles  qui  vivent  en  grande 
fociété  fur  les  Pins,  dont  je  parlerai  ailleurs» 

Au  commencement  de  Mai ,  mes  petites  Com^ 
munes  fubirent  leur  première  mue.  Elles  ea 
acquirent  des  couieurs  plus  vives  :  leurs  poils 
devinrent  p'-us  nombreux  &  d'un  roux  plus 
vif.  Les  côtés  fe  parèrent  de  deux  raies  blan- 
ches ,  formées  par  de  très-petites  houppes  de 
poils  courts  j  &  deux  points  d'un  rouge  écla- 
tant fe  montrèrent  fur  la  partie  poftérieure  5 
dans  la  ligne  du  milieu  du  corps. 

Une  quinzaine  de  jours  après  ,  nos  Corn- 
rnuues  changèrent  de-  peau  pour  la  féconde 
fois  :  mais  je  fupprime  le  refte  de  ieur  hiftoire, 
parce    qu'il  n'ajoutercat  rien   à   ce  que  M.  dç 


3^         OhSERVATION  S 

Keauiviur  en  a  rapporté.  Je  ferai  feulement 
Hiention  de  quelques  autres  particularités  que 
cette   Efpece  m'a  oifertes. 

En  Mai  1739  ,  pafTant  près  d'une  haie  fur 
inquelle  étoit  un  nid  de  Chenilles  Communes  j 
dont  les  unes  venoient  de  fubir  la  première 
'  îrue  5  &  dont  les  autres  étcient  près  de  la 
fubir  ;  je  remarquai  que  le  fon  de  ma  voix 
paroiiToit  leur  être  incommode  ,  &  que  tandis 
que  je  parlois  elles  agitoient  brufquement  &  à 
plufieurs  reprifes  leur  partie  antérieure.  Je  ne 
luppofai  pas  qu'elles  iulTënt  douées  de  Torgane 
de  l'ouïe  :  je  ne  connoiiTois  aucune  obfervation 
qui  prouvât  que  les  Infedes  font  pourvus  de 
ce  fens  ;  mais  je  conjedurai  avec  plus  de  fon- 
dement ,  que  le  fon  de  ma  voix  fe  communiquoit 
à  ces  Chenilles  par  l'organe  du  toucher  j  ce 
qui  pruuveroit  qu'elles  ont  le  toucher  très-dé- 
licat. Je  fiS  à-peu-près  dans  le  même  temps  une 
expérience  aifez  femblable  fur  des  Chenilles 
d'une  autre  Efpece  qui  vivent  aufîî  en  fociété 
une  partie  de  leur  vie.  Tandis  qu'elles  étoient 
cxpofées  à  un  folcil  affez  ardent  ,  &  qu'elles 
couroient  avec  viteffe  de  côté  &  d'autre,  je 
m'avifai  de  faire  fonner  une  petite  cloche  à  une 
fort  petite  diftance  dp  nid  :  quelques  unes  s'ar- 
rêtèrent à  Finflant ,  &  agitèrent  brufquement 


1 


SUR    LES    INSECTES,       37 

îeur  partie  antérieure ,  comme  (1  le  fou  de  cette 
cloche  leur  eût  été  très-defagréabie. 

La  Chenille  commune  préfente  une  parti- 
cularité qui  n'a  pas  échappé  a  fon  Hiftorieu 
M.  de  Reaxjmur  :  elle  a  fur  le  neuvième  &  le 
dixième  anneau  un  petit  mamelon  de  couleur 
rouge  &  charnu  ^  qui  tantôt  s'élève  en  pyra- 
mide au-delfus  de  la  peau,  &  qui  tantôt  ren- 
tre dans  l'intérieur  en  revêtant  la  forme  d'un 
très-petit  entonnoir.  On  ignore  encore  l'ufage 
de  ces  mamelons.  Pour  parvenir  à  le  découvrir  > 
je  fis  en  Juin  1739  l'expérience  de  couper  ces 
deux  mamelons  à  plufieurs  Communes  quel- 
ques jours  avant  qu'elles  conftruiiiiîent  leur 
Coque.  Cette  opération  ne  les  empêcha  point 
de  la  conftruire  ni  de  fe  métamorphoser  en 
Chryfalides ,  &  ces  ChrylaHdes  ne  me  parurent 
pas  diliérer  le  moins  du  monde  de  celles  des 
Chenilles  à  qui  je  n'avois  point  fait  fubir  la 
même  opération.  Il  étoit  fortiparles  plaies  une 
quantité  confidérablc  de  cette  Hqueur  verdàtre, 
qui  tient  Heu  de  fang  aux  Chenilles.  J'ajoute- 
rai néanmoins  que  quelques-unes  des  Chenil- 
les que  j'avois  ainfi  mutilées  périrent  des  fuit-  s 
de  l'opération  ,  &  que  celles  qui  y  réfift.crent 
parurent  un  peu  languillantes.. 

G    3 


3§         OBSERVATION  S 

Le  24  d'Août  de  la  même  année  ,  ayan^> 
trouvé  fur  une  branche  de  Prunier  fauvage  un 
peur  md  de  nos  Communes  ,  je  coupai  cette 
branche,  &  j'allai  l'attacher  fur  un  Prunier 
qui'  étoit  plus  à  ma  portée  ,  &  où  je  pi>uvois 
fiiivre  facilement  tous  les  procédés  de  nos  jeu- 
nes républiadnes.  Ce  nid  de  forme  très-alongéa  ^ 
étoit  compofé  comme  à  l'ordinaire ,  de  feuilles 
dont  les  Chenilles  avoient  rongé  Pépiderme  & 
le  parenchyme  ,  qu'elles  avoient  couchées  les 
unes  fur  les  autres  &:  le  long  de  la  branche  ,  & 
îecouvert  de  plufieurs  toiles  de  foie.  Ces  toiles 
étoient  percées  qà  &  là  de  petits  trous  oblongs  ,. 
qui  étoient  les  portes   de  l'habitation. 

Environ  deux  jours  après  leur  étab'iiTement 
fur  mon  Prunier ,  mes  petites  Communes  m'of- 
frirent un  fpedacle  très-agréable  ,  <Sc  que  je  ne 
me  laîfois  point  de  contempler.  Elles  étoient 
âefcen'dues  en  grand  nombre  le  long  de  la  branche 
qui  portoit  le  nid  ,  &  elles  étoient  allé  s'arran- 
ger les  unes  à  côté  des  autres  fur  le  dclïus  d'une 
feuille  du  Pruiiier  auquel  la  branche  étoit  atta- 
chée. J'admirai  le  bel  ordre  dans  lequel  elles 
V  s'étoient  difpofées  pour  fourrager  la  feuille ,  & 
quoique  j'euife  déjà  lu  une  femblable  Obfer- 
Vation    dans  les  Mémoires  fur    les  Inje&es  C'^)  ^■ 

C^j  Tora.    îï-,  pag.  î2^6 


SUR   LES    INSECTES,        3^ 

le  fpefecle  ne  m'en  parut  pas  moins  intéref-. 
fant.  Toutes  étoient  rangées  exactement  fur 
une  même  ligne  ,  en  ave  de  cercle ,  &  fi  fer^ 
ré-es  les  unes  près  des  autres ,  qu'il  n'y  aiiroit 
pas  eu  de  la  place  entre  deux  Chenilles  pour  eu 
recevoir  uue  troifieme.  Toutes  les  têtes  des  pe- 
tites Chenilles  regardaient  vers  le  haut  de  la 
feuille  ,  8c  les  dents  de  toutes  travailloient  eii 
même  temps.  Elles  ne  détachoient  que  l'épiderme 
&  le  parenchyme  ,  compris  entre  les  nervures. 
Les  dents  n'étoient  pas  encore  aifez  fortes  pour 
entamer  la  feuille  par  la  tranche. 

J'aurois  paiTé  des  heures  à  jouir  de  cet 
amufant  fpedacle  ;  mais  ,  il  arrivoit  conftam- 
ment  que  ma  préfence  déterminoit  les  petites 
Chenilles  à  abandonner  la  feuille  qu'elles  atta-. 
quoient ,  &  à  regagner  le  gitc.  J'évitois  cepen- 
dant avec  grand  foin  d'occafionner  aucun  mou- 
vement dans  les  environs  de  leur  demeure ,  ou 
dans,  les  feuilles  fur  lefquelles  elles  s'étoient 
établies.  * 

Après  qu'elles  avoient  rongé  toute  la  furface 
fupérieure  d'une  feuille  ,  elles,  commencoienr  à 
tendre  des  fils  d'un  bord  à  l'autre  de  la  feuille, 
C'étoit  une  forte  de  tente  fous  laquelle  elles  fe 
rçpofoicnt.  Je  crus  d'abord  que  c'étoit  un  nou-^ 

C4 


4à         0  B  S  É  k   t^  A  T  I  0  N  .^ 

veau  nid  qu'elles  s'ctoient  conrtruit  -,  mai^  iiné" 
petite  pluie  qui  vint  à  tomber ,  m'apprit  quelles 
iie  jugeoient  pas  cette  tente  fulRfante  pour 
les  en  mettre  à  l'abri  :  je  les  vis  fe  retirer  toutes 
dans  l'ancien  nid. 

Le  "hâfard  m'ayant  fait  tomber  entre  les  main« 
tin  bon  nombre  de  Coques  de  nos  Communes 
dont  les  Papillons  n'étoient  pas  encore  fortis  ^ 
j'imaginai  de  les  fufpendre  par  des  fils  à  un 
cordon  tendu  horizontalement  dans  un  endroit 
fort  éclairé  ,  pour  tâcher  de  faifir  le  moment 
©ù  les  Papillons  perceroient  la  Coque  pour  ve- 
inir  au  jour.  Je  fa  vois  que  c'étoit  ini  petit 
problême  à  refondre  ,  que  la  manière  dont  les: 
Papillons  percent  leur  Coque.  M.  de  Reaumur 
avoit  conjeduré  ,  que  c'étoit  à  l'aide  de  leurs 
yeux  k  rezeau  ,  comme  à  l'aide  d'une  lime  , 
que  les  Papillons  logés  dans  des  Coques  de  foie 
bien  clofes  ^  parvenoient  à  limer  les  fils  &  à  fe 
faire  jour.  Je  jettois  donc  fréquemment  les  yeux 
fur  les  Coques  fufpendues  à  mon  cordon  -,  mais 
je  ne  fus  pas  afiëz  heureux  pour  faifir  le  mo- 
lî  defiré.  Cependant  un  Papillon  que  je  furpris 
dans  l'inftant  qu'il  venoit  de  fortir  ,  fe  montra 
^  moi  dans  une  attitude  &  une  pofition  qui  me 
firent  conjeelurer  qu'il  s'étoit  fervi  des  pinces 
êf  {mi  demeîe  ptiu^r  brifer  les,  fils  de  la  Coque* 


SUR   LES   IKSECTES,         41 

Je  ne  rapporte  ici  cette  Obfervation  que  pour 
exciter  les  Naturalises  à  la  répéter  &  a  fe  ren- 
dre plus  attentifs. 

Le  derrière  du  Papillon  femelle  de  la  Com-i 
inune  eft  garni  d'une  grofTe  touffe  de  poils» 
très-courts  d'un  roux  ardent  :  grâces  aux  re- 
cherches de  M.  de  Reaumur  (^)  ,  on  fait  que 
cette  toulfe  de  poils  lui  a  été  accordée  pour  en. 
conftruire  un  nid  à  fes  œufs ,  &  qu'il  a  au  der- 
rière une  efpece  de  petite  main  très-agile  au 
moyen  de  laquelle  il  détache  fes  poils  &  les 
arrange  proprement  autour  de  chaque  œuf, 
dont  il  enveloppe  tout  l'amas  d'une  pareille 
couche  de  poils.  Enfin,  après  avoir  pourvu  avec 
tant  d'art  &  de  foins  à  la  confervation  de  fa 
chère  famille  ,  Pinduftrieux  Papillon  meurt  collé 
fur  fes  œufs ,  qu'il  recouvre  de  fes  ailes  comme 
d'un  toit. 

(*)  Ibjd.  Mém.  II  ,  pag.  loo  &  fuivantes. 


42         OBSERVATIONS 

^^-=r=:^=^ ^^:^ „_^ ?^^. 

OBSERVATION    V. 

Sur  des  Chenilles  qui  vivent  en  fociété  une  partie 
■     de    leur  vie  ,   ^    qiCon  pourrait    nommer  à 
dentelles. 


j 


i  £s  connoifîance  avec  ces  Chenilles  le  9  de 
Mai  1739.  J'en  trouvai  un  nid  fur  TAubépine, 
Les  Chenilles  qui  l'habitoient  étoient  jeunes 
encore:  toutes  étoient  au-delfous  de  la  gran- 
deur médiocre. 

Elles  paroifloient  au  premier  coup  -  d'œil 
entièrement  noires  ,  &  d'un  noir  qui  imitoit 
celui  de  l'encre  de  la  Chine.  Mais  lorfqu'on 
les  rcgardoit  de  plus  près  ,  on  leur  voyoit  fur 
les  côtés  ,  au  -  deifus  ic  la  ligne  des  ftigma- 
tes  ,  une  forte  de  bordure  très  -  fine  ,  de  cou- 
leur blanche  ,  affez  femblable  à  une  dentelle 
étroite ,  qui  s'étcndoit  depuis  le  fécond  anneau 
jufqu'au  derrière.  Cette  bordure  aiïez  remar- 
quable m'engagea  à  leur  donner  le  nom  de 
Chenilles  û  dentelles  ,  au  défi-mt  d'une  déflgna- 
tion  plus  caradériftique.  Sur  les  deux  premiers 
anneaux  étoient  placées  deux  hpuppes  de  poils  ^ 
rouges  fort  courts ,  fort  femblables  à  celles  qu'oa 
voit  à~peu-près  au  même  endroit  fur  la  Che- 


SUR    LES    INSECTES.         ^i 

iiille  commtme.  [Obf.  IV.  ]  Tout  leur  corps 
étoic  encore  parfemé  de  longs  poils  roux.  EHcs 
avoient  feize  jambes  :  les  écaiUeures  éioieut 
noires  ;  les  membraneufes  rougeatres. 

Je  ne  pus  détacher  le  nid.  Il  tenoit  trop 
aux  principales  branches  de  FarbrilTeau.  Il  fallut 
jne  borner  à  en  enlever  les  Chenilles  ,  que  je 
renfermai  dans  une  boîte.  Elles  en  tapiilerent 
de  foie  l'intéiieur.  Elles  demeuroient  crampon- 
nées fur  la  tapilTerie  ;  leur  partie  antérieure 
courbée  du  côté  du  ventre.  Elles  ne  fe  don- 
noient  que  peu  ou  point  de  mouvement. 

4 

Cette  fituation  &  leur  attitude  me  jBrenÈ 
juger  qu'elles  alloient  changer  de  peau  s  ce 
qu'elles  firent  bientôt  après. 

La  mue  changea  un  peu  leur  extérieur.  Elles^ 
parurent  beaucoup  pius  velues  ,  &  leurs  longs 
poi's  roux  furent  remplacés  par  des  poils  d'un 
blanc  argenté  ,  mêlés  avec  d'autres  moins  longs 
&  de  couleur  rouge. 

Dans  le  mois  de  Juin ,  plufieurs  de  mes 
Cher. il i es  fe  conftruifirent  des  Coques  que  je 
ccîilîdérai  avec  plailir.  Elles  ne  reifembloient 
pas  mal  par  leur  couleur ,  par  leur  forme  &  par 


44         OBSERVATIONS 

leur  grandeur  ,  à  des  glands  de  Chêne  y  il  ne 
leur  en  manquoit  prel'quc  que  le  poli  ou  le 
luifcUît.  Le  fond  de  leur  conlii- action  é-toit  de 
l'oie  i  mais  les  adroites  ouvrières  avoient  fait 
pénétrer  dans  les  mailles  du  tiiFu  foyeux  une 
matière  graiTe  ,  d'abord  jaune  j  mais  qui  fe  rem- 
brunit peu-à-peu  ,  &  qu'elles  avoient  fu  étendre 
très-proprement  fur  la  furface  intérieure  &  ex- 
térieure du  tifTu.  Cette  matière  grafle  fe  delTé- 
choit  promptement  à  l'air. 

Une  maladie  qui  furvint  aux  autres  Che- 
nilles les  fit  toutes  périr. 

A-PEU-PRÈs  dans  le  même  temps ,  un  de  mes 
amis  trouva  un  nid  de  Chenilles  de  la  même 
Efpece  5  mais  dont  les  couleurs  offroient  queU 
ques  légères  différences.  La  bordure  en  dentelle 
de  celles-ci  étoit  d'un  jaune  citron. 

Le  nid  étoit  de  pure  foie.  Il  y  avoit  qà  &  là 
des  ouvertures  par  lefquelles  les  Chenilles  for- 
toient  &  rentroient  à  certaines  heures.  Elles 
en  fortoient  pour  aller  prendre  leurs  repas  fur 
les  feuilles  des  environs ,  &  y  rentroient  après 
les  avoir  pris. 

Toutes  fembloient  fortir  à -peu -près  à  la 


SUR    LES  INSECTES.  4c 

laiême  heure  ,  &  rentrer  dans  le  même  temps. 

Lorsque  le  foleil  dardoit  fes  rayons  fur  le 
3iid ,  elles  étoient  dans  une  grande  agitation  & 
«ouroient  fort  vite  de  tous  côtés. 

Elles  augmentoient  chaque  jour  les  dimen- 
fions  du  nid  par  de  nouveaux  fijs ,  qui  formulent 
des  toiles  fuperpofées  &  plus  ou  moins  epaiifes. 

Elles  changèrent  deux  fois  de  peau  3  &  ce 
fut  après  le  dernier  changement  qu'elles  com- 
mencèrent à  abandonner  le  nid  &  à  fe  féparer. 

Plusieurs  de  ces  Chenilles  que  j'avois  ren- 
fermées dans  un  poudrier ,  après  qu'elles  eurent 
abandonné  leur  nid  ,  nie  parurent  pourtant  fe 
plaire  à  fe  ralfembler  les  unes  auprts  des  autres. 
En  es  étoient  de  grandes  ma'igeufes ,  &  j'avois 
peine  à  les  raifailier.  J'avois  couvert  le  poudrier 
iivec  un  couvercle  de  papier  :  lorfque  j'enlevois 
ce  couvercle ,  mes  Chenilles  me  faifoient  fentir 
une  odeur  de  foin  très-agréable  ,  mais  un  peu 
forte. 

Vers  le  com.mencement  de  Juillet,  j'obfervai 
que  mes  Chenilles  ne  mangeoient  point,  qu'elles 
avoient  diminué  de  grandeur,  que  le  deifus  de 
leur  corps  paroiifoit  comme  pelé  ,  &  que  leurs 


4^         OBSE'RVATIONS 

couleurs  avoient  foufFert  des  altérations   fenfi- 
î)les.  Je  les  jugeai  malades,  &  je  ne  me  trompois 
pas  :  mais  ,  je  ne  pou  vois  deviner  la  caufe  ni  le    : 
genre  de  leur  maladie.  Elles  périrent    toutes  à 
l'exception  de  quatre  à  cinq. 

Pour  tâcher  de  m'éclairer  Tur  cette  maladie , 
j'eus  recours  à  la  diifedion ,  &  pour  la  faire  avec 
plus  de  fuccès  ,  je  fis  périr  dans  le  vinaigrç 
quatre  des  Chenilles  qui  me  reftoient. 

J'en  ouvris  deux  du  côté  du  dos  ,  en  diri- 
geant la  fedtion  en  ligne  droite  depuis  le  der- 
rière jufqu'à  la  tète.  J'écactai  de  chaque  côté 
les  tégumens  ,  Se  les  retins  en  place  par  de 
petites-  épingles  fichées  de  diilance  en  alliance 
dans  une  planchette, 

La  première  chofe  o^ui  fixa  mes  regards ,  fut 
un  amas  de  petits  vaiileaux  de  couleur  jaune  , 
entrelalfés  les  uns  dans  les  autres  à  l'extrémité 
du  canal  intéftinal.  On  les  auroit  pris  pour  des 
ovaires  ;  parce  qu'i's  paroifloient  compofés  de 
petits  grains  jaunes ,  femblables  à  des  œufs,  (i) 
De  cet  amas  de  vailTeaux  jaunes ,  partoient  des 
filets  de  même  couleur ,  qui  n'étoient  que  des 

(0  Ces  vaifTeanx  étoicnt  ceux  que  Malpighi  ,  &  aprfô 
lui  M.  de  REAU.MUja.  qlH  nommés  vuyîqueux. 


SUR    LES    INSECTES.         47 

'i-aiiTeaux  de  même  efpece,  plus  délies,  dont  les 
xms  fe  dirigeoieiit  vers  la  tète  en  traqant  diffé- 
rentes courbes  fur  le  canar  inteftinal ,  &  dont 
les  autres  fe  dirigeoient  fur  les  côtés.  Il  étoit 
facile  de  reconnoitre  ces  vaiffeaux  pour  les  ré- 
fervoirs  de  la  matière  ^raiiTeuCî  dont  la  Che- 
nille enduit  fa  Coque.  Qiiand  je  maniois  avec 
les  doigts  ces  vaiffeaux,  ils  devenoient  bientôt 
caifans  ,  de  fouples  qu'ils  étoient  auparavant  : 
c'eil;  que  la  matière  gralfe  qu'ils  contenoient,  fe 
delféchoit  trés-promptement  à  fair. 

Je  donnai  endiite  mon  attention  au  canal 
inteftinal  3  &  pour  l'obferver  mieux ,  j'enlevai 
délicatement  les  réfervoirs  de  la  matière  gralTe 
qui  le  recouvroient  dans  fon  extrémité  infé- 
rieure. Tout  Pextérieur  du  canal  me  parut  garni 
de  trachées  :  leur  nombre  étoit  prodigieux  :  elles 
fe  divifoient  &  fe  foudivifoient  prefqu'à  i'm^^nL 
On  n'ignore  pas  que  les  trachées  font  des 
Vai/feaux  d'une  ftrudure  très  -  particulière  ,  qui 
femblent  ne  contenir  que  de  Pair.  Tout  le  refte 
du  corps  étoit  rempli  &  comme  inondé  de  ces 
trachées. 

J'observai  encore  avec  beaucoup  de  pîaifir 
quantité  de  beaux  mufclcs ,  qui  recouvroient 
intérieurement  les  anneaux  5  &  qui  étoient  teii^ 


48         OBSERVATIONS 

dus  fur  leur  furf ace  comme  des  cordelettes.  Les 
attaches  de  ces  muicles  piiroilToieiit  être  duns 
h  jonction  des  anneaux. 

J'ouvris  les  deux  autres  Chenilles  du  côté 
du  ventre  ,  en    commençant   la  fédlion  par  le 
derrière.  Je  vis   là  le  même  amas  de  vailîeaux 
jaunes  que  j'avois  cblervés  du  côté  oppoie.  J'ef- 
fayai  de  les  dévider  en  quelque  forte  -y  &  je  n'y 
aurois    pas   mai  réiilfi ,  s'ils   n'étoient  toujours 
devenus  très-eaifans  a  Pair.  Je  ne  fais  comment 
je  ne  fcageai  pas  à  les  dévider  dans  Peau.  On 
peut  juger  de  la  prodigieule   longueur  de    ces 
vaiiTeaux  ,  par  ce   que  j'ai  dit    de  Pâmas  qu'ils 
foim oient ,  &  de  la  multitude  de  plis  &  de  re- 
plis divers  qu'ils  oUroient  à  ma  vue.  Mais  ,  je 
viens  à  Pobjet   principal  de   ma  recherche.  Je 
trouvai  dans  ces  quatre  Chenilles  Peilomac  plus 
c;u  moiîîs  dmphane  en  dillérentes  portio;:s  de 
ion  étcndiiQ.  Apres  Pavoir  ouvert ,  je  découvris 
dai.s  fon  iiitérieur  une  forte  de  gelée  fort  tranf- 
purentc.  En  prellàiit  le  vifcere  par  une  de  fes. 
extrémités,  je  faifois  ibrtir  par  Pautre  une  ccr- 
taïue  quantité  de  cette  gelée. 

Il  ne  me  fut  pas  difficile  de  deviner  ce  <jué- 
toii  cette  matière  gel^Xineuf^.  Je  favois  que  les 

Clicn::.es  dcx%i:iit  j:ej.t:ci  la  membrane  une'  & 

t^aaiparentc 


SUR   LES  INSECTES:  49 

tnUTfpareiite  qui  revêc  intérieurement  le  canal 
jnteftinal ,  &  que  cette  réjeclion  étoit  un  des 
préliminaires  néceiîaires  à  la  transformation  en 
Chrylalide. 

J'eus  donc  lieu  de  préfumer  que  mes  Che-, 
îiilles  n'avoient  pu  parvenir  à  r-ejetter  la  mem-. 
brane  dont  il  s'agit,  que  cette  membrane  s'étoiç 
altérée ,  diil-bute  ou  réduite  en  cette  forte  de 
gelée  que  la  dtifedion  oirroit  à  mes  regards  ,-& 
que  cette  altération  finguliere  étoit  la  caufc  ou 
Pelfet  de  la  maladie  qui  avoit  fait  périr  nos 
Chenilles.  Je  favois  encore  que ,  dans  l'état  na-» 
turel ,  cette  membrane  étoit  toujours  rejettée 
par  petits  fragmens  ,  très  -  aifés  à  reconnoitre  , 
&  qui  recouvrent  les  excrémens  folides  de  l'în-. 
fede.  Or,  les  Chenilles  dont  je  parle,  avoient 
eu  quelques  jours  auparavant  une  diarrhée -, 
pendant  laquelle  elles  n'avoient  rendu  que  des 
excrémens  liquides.  La  membrane  à  rejetter  n'a- 
voit  donc  pu  s'attacher  à  de  tels  excrémens.  Je 
les  trou  vois  liquides  encore  dans  le  canal  ku 
teltinal  de  celles  que' je  diiféquois. 
» 

Les  nids    de  nos  Clienilles  a  dentelles    font; 

ordinairement  de  pure  foie  ,  &   cette  foie  eft 

très-blanche.  Elle  femble  inviter  à  la  mettre  ea 

œuvre.  Ces  nids  n'aâedent  point  de  forme  r^. 

Tome  IL  '       P 


fo         OBSERVATIONS 

guliere.  lis  font  conftruits  autour  des  tiges  eu 
des  branches ,  &  font  bien  plus  grands  que 
cetîx  des  Livrées  ou  des  Communes.  Auffi  les 
Chenilles  qui  les  habitent  font-elles  plus  gran- 
des &  plus  groffes  que  les  Communes.  C'eft 
dans  le  mois  de  Mai  qu'il  faut  les  chercher. 
Ils  ne  font  pas  rares  fur  les  haies. 

Après  avoir  tranfcr't  ces  Obfervations  ,  j'ai 
trouvé  vers  la  mi-Mai  ,  fur  une  haie  de  Pru- 
nier fauvage ,  un  très-grand  nid  [  Pi.  IL  N.  N.  ] 
de  nos  Chenilles  à  Dentelles.  Il  etoit ,  comme 
tous  ceux  que  j'avois  vus ,  de  pure  foie ,  &  de 
forme  affez  irréguliere.  La  fienne  étoit  déter- 
minée par  les  angles  des  branches  autour  def- 
quelles  il  avoit  été  conftruit.  On  voyoit  à  fa 
lurface  cinq  ouvertures  oblongues  ,  [Fl.  IL 
o  ^0  ^  0  .>  0  ^  0.]  d'inégale  grandeur ,  &  qui  étoient 
les  portes  de  l'habitation.^  L'mtérieur  du  nid, 
fur-tout  dans  fa  partie  inférieure ,  étoit  plein 
d'excrémens  de  couleur  noire» 

Deux  chemins  principaux ,  tapifles  d'une 
belle  foie  blanche ,  partoient  de  ce  nid ,  s'éten- 
doient  au  loin  fur  la  haie  ,  &  s'enfoncoient  en- 
fuite  dans  fon  intérieur.  On  croyoit  voir  les 
principales  revenues  d'une  bonne  ville.  L'un  fe  - 
-dirigeoit  en  ligne  droite  en  en-bas ,  &  aboutif- 


'SVTx    LES   INSECTES.  51 

ïoit  à  la  grande  porte  du  nid  ,  R  R.  L'autre  , 
!SSS,  ferpentoit  fur  le  deilus  de  la  haie-,  s'éle- 
voit,  s'abaiifoit ,  fe  reievoit  pour  s'abaiiîer  en- 
core &  fe  plonger  er.E.i  dans  Tépaiiieur  de  la 
Jiaie  à  une  certaine  dillance  du  nid. 

Ces  deux  chemins  principaux  étoient  fi  mar* 
qués  ,  &  leur  ufage  et  )it  fi  facile  à  reconnoi- 
tre,  que  je  n'ai  pu  réfiiler  au  defir  de  les  far© 
delîiner.  La  Figure  tres-exade  que  j'en  pré- 
fente ici ,  fervira  en  même  temps  à  faire  mieux: 
comprendre  ce  que  j'ai  raconté  des  Livrées  dans 
rObfervation  III ,  &  que  je  n'avois  pu  repré- 
fenter  par  une  figure  ,  parce  que  je  manquois 
de  defiinateur  quand  j'obfervois  ces  Chenilles. 

D'autres  chemins  moins  marqués ,  plus  tor- 
tueux ,  &  qui  étoient  comme  des  chemins  de 
traverfe  ou  des  routes  détournées  ,  venoient 
aboutir  à  l'habitation  par  divers  côtés.  Je  ne 
les  ai  pas  fait  repréfenter  dans  la  Fi^e  5  |)ouc 
«vitcr  la  confufion. 


%J? 


D  ^ 


^2^        OBSFRÎ^ATIONS 

OBSERVATION     VI. 

Sur   les    Chenilles  qui   vivent   en  fociété  fur  le^ 
Fins, 


N  trouve  une  Hiftoire  alTez  détaillée  de 
ces  Chenilles  dans  le  Tome  fécond  des  Mémoi- 
res fur  les  Infedes  (*).  Elles  vivent  en  grande 
fociété  dans  les  forêts  de  Pins ,  &  fe  conftruifent 
fur  ces  arbres  des  nids  de  foie  blanche ,  dont 
la  groifeur  égale  au  moins  celle  d'un  melou 
ordinaire. 

Je  n'avois  point  de  Pins  à  ma  portée  dans 
la  campagne  que  j'habitois ,  Se  j'avois  un  defir 
vif  d'obferver  ces  républicaines  ,  pour  lefquelies 
M.  de  Reaumur  avoit  fort  excité  ma  curioflté 
par  quelques  traits  de  leur  hiftoire  ,  qui  m© 
paroiîibient  exiger  un  nouvel  examen.  Je  favois 
que  les  montagnes  de  Savoie  qui  nous  avoifi- 
lient  abondoient  en  Pins  :  vers  la  mi-Décembre 
1738  5  je  chargeai  un  Payfin  de  ces  montagnes- 
de  nf  apporter  de  ces  nids  que  j'étois  iî  impa- 
tient de  voir.  Il  s'acquitta  promptement  de  ma 
commilTion,  &  je  me  trouvai  bientôt  en  pof^éf- 
fion  de  fix  nids  très-bien  conditionnés.  11  y  eii 

C)  Méni,  III ,  page  145?  &  fuivantcs. 


SUR   LES    INSECTES.         f^ 

«voit  d'aiFez  grands  :  d'autr?s  étoient  fort  petits 
encore.  Tous  étoient  revêtus  d'une  belle-  foie* 
blanche ,  plus  épailfe  dans  les  uns  que  dans 
les  autres ,  &  qui  enveldppoit  divers  paquets  de 
feuilles  couchées  la  plupart  fuivant  leur  lon- 
gueur, &  entre  lefquels  étoient  des  cavités  plus 
ou  moins  fpacieufes ,  dans  lefquelies  les  Che- 
nilles fe  tenoient  renfermées.  On  voyoit  fur 
chaque  nid  une  ou  plulîeurs  ouvertures  qui  en 
étoient  les  entrées.  Leur  forme  n'oiîroit  rien 
de  conftant  ni  de  régulier. 

Comme  je  ne  voulois  pas  perdre  de  vue  mes 
nids,  je  les  diftribuai  en  divers  endroits  de  la 
chambre  où  je  couchois.  Pluiieurs  furent  placés 
fur  la  tablette  de  la  cheminée,  à  quelque  dit 
tance  les  uns  des  autres. 

Un  jour  s'étoit  déjà  écoulé  fans  que  j'eufTo 
vu  fortir  des  nids  une  iéule  de  nos  Chenilles. 
Le  foleil  étoit  fort  brillant  &  alfez  chaud  pour 
la  faifon  :  je  crus  qu'eii  y  expoiant  quelques-uns 
de  mes  nids  ,  j'engageroi^  les  Chenilles  à  le 
montrer.  Un  Thermomètre  placé  à  côté  des  nids , 
m'indiquoit  que  la  chaleur  à  laquelle  je  les  ex- 
pofois,  égaloit  celle  de  nos  Étés  les  plus  çhau.s. 
Cependant ,  je  ne  v;s  paroître  que  quelques 
ÇhonillQS  5  &  c'éfeoient  de  celles  qiii  habitoien^. 

D  3 


f4         0  B  S  E  R  V  A  T  r  0  N  S 

le  nid  le  plus  petit  ou  le  moins  fourni  de  foie* 
Elles,  ne  fe  montrèrent  pus  même  en  entier  t. 
elles  ne.  firent  que  préfenter  leur  tète  aux  ou- 
vertures; &  bientôt  je  les  vis  rentrer  dans  l'in- 
térieur du  nid.  Ceiies  que  j'appercevois  au  tra- 
vers de  la  toîîe ,  paroiiibient  fort  fenfiblcs  à  la 
ehaleur  qu'elles  éprouvoient  :  elles  montroienfe 
Beaucoup  d'émotion. 

Je  îailîai  les  nids  expofés  pendant  deux  heu- 
res au  même  degré  de  chaleur  :  ce  fut  très-inu-* 
tilemeut  :  je  ne  parvins  point  ainfi  à  déterminer 
les  Che-iilies  à  fortir.  Je  reportai  donc  les  nids 
dans  ma  chambre ,  &  les  remis  à  la  même  place* 
Enfin  ,  fur  les  cinq  heures  eu  foir  du  même 
jour  ,  les  Chenilles  de  ces  nids  avoient  conv 
mencé  à  en  fortir  ,..  Se  elles  étoient  déjà  répan- 
dues en  grand  nombre  fur  la  toile ,  qu'elles 
cpaifîiifoient  par  de  nouveaux  fils  qu'elles  ten~ 
doient  de  côté  8c  d'autre.  Eies  marchoient  fort 
vite  ,  &  ne  s'écartoient  un  peu  que  pom*  aller 
ror-ger  quelques  feuilles  placées  dans  les  envi- 
rons. Quelques-unes  néanmoins  fe  dévalèrent 
fur  la  tablette  de  la  cheminée,  à  l'aide  d'un.fii 
de  foie  très  -  délié  :  mais  elles  fe  fervirent  du 
même  fil,  comme  d'une  échelle,  pour  remonter 
dans  le  nid.  E;'es  n'y  remontoie:it  pas  facile- 
ment 5  parce  que  k  hï  étoit  fi  délié  ,  que  leurs 


SUR   LES    INSECTES,  ^f 

jambes  avoient  peine  à  s'y  cramponner.  Elles 
ne  fe  fervoieilt  donc  pas  de  ce  ni  à  la  manière 
de  ces  Arpeiiteiifes  dont  M.  de  ivEAUMUR  a 
décrit  le.  procédé  (0  ,  &  que  j\u  obiervé  moi- 
même  chez  une  petite  Chenille  du  Figuier ,  qui 
n'étoit  point  de  la  claiFe  des  Aroenteufes.  Ce 
procédé  eft  alîurément  très  -  remarquable.  La 
Chenille  qui  s'ell  déva'ée  à  Taide  d'un  fil  de 
foie  extrait  de  fa  fi' iere  >.  remonte  alfez  vite  & 
avec  une  adreife  admirable  ,  en  faifiifant  "/ec 
fes  premières  jambes  uno,  portion  plus  élevée 
du  fil  qui  la  tient  fufpendue.  A  mefare  qu'elle 
s'élève  ,  le  fil  s'entortille  &  s'amoncelle  entre  fes 
premières  jambes  :  ainfi  lorfqu'elle  s'eft  élevée 
de  quelques  pouces, ,  on  conmience  à  apperce- 
voir  entre  fes  jambes  écailleufes  un  petit  amas 
de  foie  blanche  comme  pelotonnée  ,.  qui  n'eft 
autre  chofe  que  le  fil  de  foie ,  auparavant  étendu 
en  ligne  droite ,  &  que  la  Chenille  empaquette 
entre  fes  jambes  en  remontanc.  Ce  procédé  in- 
génieux n'étoit  point  celui  des  Chenilles  du 
Pin.  Il  ne  leur  auroit  pas  convenu.  Les  fils 
qu'elles  tendent  font  autant  de  communications 
qu'elles  pratiquent.  Ils  doivent  donc  relier  en 
place  :  ils  doivent  demeurer  tendus  ,  parce  que 
dans    l'inftitution    de   la    Nature ,  ils  dévoient 

(*)  Jllém.  f,.r  hs  Inf.  Tome  II ,  Mém.  IX.   PL  XXXI. 
Fis.  1,2,3»  4,  5- 

D4 


^ê       0  È  s  E  R  P^  A  T  I  0  ?r  s 

ferviir  à  nos  Chenilles  à  retrouver  leur  habitr?- 
tion  ,  quand  il  leur  arn'veroit  de  s'en  écarter. 
Mes  Chenilles  remontoient  donc  le  long  du 
fiiff  à-peu^près:  comme  elles  auroient  fait  le  long 
d'Un  plan  perpendiculaire  à  j'horifon.  Le  fil  étoit 
en  effet  tendu  perpendiculairement  depuis  le  nid 
à  la  tablette  de  la  cheminée  ,  &  formoit  ainfi  une 
feommunicat^'on  de  l'un  à  l'autre..  Je  voyois  nie3 
Cheniiles  defcendre  &  remonter  d'un  pas  égal 
&  tranquiHe  le  long  de  ce  fiU  d'abord  avec  alTe^ 
de  peine  ^  puis  avec  facilité  :  c'eft  qu'à  mefure 
Qu'elles  chemir  oient  le  long  de  ce  fil  y  elles  en 
augmentoient  répaiileur  par  la  nouvelle  foie  dons 
dles  le  recouvroient. 

Les  Chenilles  qui  avoient  commencé  à  for-^ 
tir ,  ne  tardèrent  pas  à  rentrer  :  elles  fembloient 
fuir  la  lumière,  de  la  bougie  qui  m'éclairoit. 
Mais*  quoiqu'el'es  paruiîent  fortir  plus  volontiers, 
îa  nuit  que  le  jour,  &  qu'elles  femblaifent  fuir 
là  lumière  de  la  bougie  ,  j'en  vis  néanmoins  les 
jours  fuivans  qui  fortoient  en  plein  jour  &  à 
toutes  les  heures  du  jour,, &  s'éloignoient  alfez 
du  nid» 

Je  remarquai  que  ces  Chenilles  avoient  deux 
manières  de  m^ircKer  trèsraifées  à  diftingucri 
L'une  q.iie  J€  nomnierois  naturelle  ,  étoit  fem- 
Blable   à  celle  de.  la   plupart   des   Chenilles    à 


SUR    LES    INSECTES.  57 

feize  jambes:  l'autre,  qui  me  frappa  beaucoup, 
fe  faifoit  par  petites  fecouires  de  tout  ie  corps  i 
&  ceile-ci  étoit  plus  lente  que  Tautre.  Cétoiî 
fur-tout  quand  je  les  obfervois.  à  la  lumière 
d'une  bougie  ,  qu'elles  me  faifoi^nt  voir  cette 
finguliere  démarche  j  mais  je  l'obfervois  auffi 
pendant  le  jour  ,  fons  que  je  puife  dikouvric 
ce  qui  i'occafionnoit. 

Elles  marcîioient  comme  les  Livrées ,  en  pro- 
eeffion  ,  à  la  file  les  unes  des  autres ,  &  dans  le 
plus  bel  ordre.  Elles  défiloient  toutes  une  à 
une  ,  d'un  pas  très-égal  &  aiïez  lent  i  &  les 
longues  files  qu'elles  formoient,  étoient  bien  plus 
co.îitinues  encore  que  celles  des  Livrées  s  je  veux 
dire ,  que  la  tète  de  la  Chenille  qui  fuivoit ,  tou-^ 
choit  le  derrière  de  la  Chenille  qui  précédoit.  Elles 
ne  marchoient  pas  toujours  en  Hgne  droite  :  fou- 
vent  elles  traqoient  une  multitude  de  courbes  dif- 
férentes ,  &  ces  courbes  repréfentoient  quelque- 
fois des  feftons  ou  des  guirlandes ,  dont  le  coup- 
d'œil  étoit  d'autant  plus  agréable,  que  toutes  les 
parties  de  la  guirlande  étoient  en  mouvement  & 
changeoient  fans  ceife  de  fituation  refpedive  ,  ce 
qui  varioit  d'inftant  en  inftant  la  figure  de  la 
guirlande.  En  un  mot,  je  ne  faurois  dire  combien 
le  fpeclacle  de  ces  proceffions  parties  de  dinérens 
nids  5  &  qui  fuiv oient  différentes  diredions ,  étoic 


^S         0  B  S^E  R  FA  T  T  0  N  S 

intéreflant.  Elles  s'éloignoient  fouvent  à  ct'alTe^ 
grandes  tliftances  du  nid  :  les  files  de  Chenilleât 
étoient  alors  fort  longues.  Tandis  qu'une  procel- 
lion  fuivoit  la  même  ligne  droite  ,  d'autres  fe 
détournoient  en  diiférens  fens.  Les  unes  mon- 
toient ,  les  autres  defcendoient.  Les  murs,  les 
planchers  ,  les  meubles  de  ma  chambre  étoientC 
les   théâtres    de    leurs    différentes    évolutions- 
Toutes   les    Chenilles    d'une   même    proceflloii 
marchoient   d'un  pas    uniforme  :  aucune  ne  fe 
preiToit  de  devancer  les  autres  :  aucune  ne  de- 
iiicuroit    en  arrière   dans,  l'intérieur   de  la  file- 
Qiiand  celle  qui  marchoit  à  la  tète  de  la  procelîioa  1 
s'arrètoit ,  celle  qui  la    fuivoit  immédiatement 
s'arrètoit  auffi  s  puis  la  troifieme,  la  quatrième,    i 
la  cinquième ,  &c.  &  fi  la  file  étoit  fort  longue  %   1 
on  juge    bien   que  les  Chenilles    qui   en  occu- 
poient  le  miheu  ou  la  queue ,  cheminoient  encore ,,   j 
tandis  que   celles  qui  en  occupoient  la  tète  ne 
cheminoient  plus.  Il  fe  palToit  donc  ici  précifé-    * 
m.erit  ce  qui  fe  paife  dans   des  troupes  qui  dé-  j 
filent  en    bon   ordre.    Chaque   Chenille  gardoit 
fa  place  ,  &  dirigcoit  fa  marche  fur  celle  de  la 
Chenille  qui  la  précédoit  immédiatement.  Elles 
n'avoient    pas  proprement   un  Chef  .;    mais  la 
Chenille  qui  marchoit  à  la  tète  de  la  procefTion 
en  tenoit  lieu ,  &  toutes  les  Chenilles  fuivoient 
fcs  pas. 


SUR    LES   INSECTES..  ^§ 

Lorsque  les  premières  Chenilles  d'une  pro» 
ceffion  faifoient  halte ,  elles  le  raHeriibloient  les 
unes  auprès  des  autres ,  &  les  unes  fur  les  au- 
tres en  monceau  ,  &  fe  renfermoient  dans  une 
efpece  de  poche  à  claires  voies  ,  aiîez  fembîal>'e 
à  un  filet  à  prendre  le  poiiTon.  S'il  arrivoit 
que  cette  poche  fut  fort  fréquentée  ,  elle  deve- 
iioit  en  quelque  forte  un  fécond  nid  y  car  les 
Chenilles  f  agrandiiToient  Se  la  fortifioient  de  plus 
en  plus  par  de  nouveaux  fils.  Cette  poche  les 
empèchoit  de  tomber  ,  lorfqu'elles  s'étoieiit 
fixées  fur  la  partie  inférieure  d'une  poutre, 
d'une  corniche  ou   de  queiqu'autre  appui. 

Lorsque  nos  Procefîionnaires  revenoient  aa 
nid  ,  c'étoit  par  la  même  route  qu'elles  avoient 
fuivie  en  s'en  éloignant.  Mon  Ledeur  devine 
aifément  le  procédé  au  moyen  duquel  elles  re- 
trouvoient  toujours  le  chemin  de  leur  habita- 
tion :  les  Livrées  l'en  ont  déjà  inftruit.  Comme 
.  elles  ,  nos  Proceilionnaires  du  Pin  tapiffent  de 
foie  tous  les  chemins  qu'elles  parcourent.  Peu- 
à-peu  ces  chemins  deviennent  très-reconnoiifa- 
bles  par  une  trace  de  foie  blanche  aifez  bril- 
lante 5  &  qui  a  une  ou  deux  Hgnes  de  lon- 
gueur. Un  correspondant  de  M.  de  Reaumur 
avoit  appercu  ce  fliit  Ç^)  s  mais  il  ue  l'avoit  pas 

C)  Ment,  fur  Us  Inf,  T.  II,  pag.  ISJ. 


60         OBS^TxVATIOKS 
obfervé  avec  toute  l'attention  qu'il  méritoit» 

Je  remarquai  une  dilïerence  bien  fenfiblfr 
entre  la  manière  dont  nos  Chenilles  du  Pin 
tapiifoient  leurs  chemins  ,  &  celle  dont  les... 
Livrées  tapiiîent  les  leurs.  Qiiand  ces  dernières, 
marchent  procelîîonnellement  ,  elles  promènent 
ia  tète  à  droit  &  à  gauche  alternativement  ;. 
&  pendant  qu'elles  exécutent  ce  mouvement , 
la  filière  laille  fortir  le  fil  qui  trace  la  route. 
Il  n'en  étoit  pas  de  même  de  la  manœuvre  des 
ProceiTionnaires  du  Pni  :  au  lieu  de  porter  la 
tète  alternativement  à  droit  &  à  gauche,  elles, 
i'élevoient  &  l'abaiiToieut  alternativement.  Quand: 
elles  rabaiiToient  ,  la  filière  coUoit  le  fil  fur  le 
plan  le  long  duquel  défiloit  la  proceffion  :  quanci 
elle  l'élevoit  ,  la  filière  laiiToit  couler  le  fil ,  & 
il  continuoit  à  couler  tandis  que  la  Chenille 
faifoit  quelques  pas  :  la  tète  s'abailToit  enluite 
de  nouveau ,  &  le  fil  étoit  collé  fur  le  plan. 

On  préfume  bien ,  que  je  fis  fouvenl:  l'expé- 
rience  de  rompre  les  chemins  de  nos  Procell 
fionnaires  ,  comme  je  Pavois  pratiqué,  à  Pégard 
des  Livrées  :  le  iuccès  en  fut  le  même.  J'ar- 
rètois  ainfi  à  volonté  la  marche  des  proceffion  s,. 
Je  me  fervis  même  plus  d'une  fois  de  cet  expé^ 
dient   pour  les    détourner  de  certains  endrQit% 


SUR   LES   INSECTES.  6l 

âe  ma  chambre ,  &  en  particulieur  du  lit  oii 
je  coiichois.  J'étois  pourtant  obligé  de  revenir 
•aiTez  fou  vent  à  rompre  les  mêmes  chemins  ,  car 
il  fuififoit  qu'une  feule  Chenille  traverfit  d'un 
bord  à  l'autre  de  l'endroit  rompu  pour  rétablir 
la  route.  Qiielquefois  ,  au  lieu  de  retourner  fur 
leurs  pas  ,  mes  Proceilionnaires  tiroient  fur  la 
droite  ou  fur  la  gauche  ,  &  fe  fray oient  une 
nouvelle  route  ,  que  j'étois  appelle  à  rompr© 
comme  la  première. 

En  parlant  de  la  foie  des  nids  de  nos  Che- 
nilles du  Pin  ,  M.  de  Reaumur  obferve ,  qu'elle 
devient  caiTante  dans  l'eau  chaude  s  &  que  fi 
Ton  vouloit  eifayer  "  de  la  mettre  en  œuvre, 
33  il  faudroit  bien  fe  donner  de  garde  de  la  faire 
33  bouillir  pour  la  teindre  ;  qu'il  fmdroit  l'em- 
33  ployer  avec  fa  couleur  naturelle  ou  la  teindre 
33  prefque  à  froid  ,3,  Il  ajoute  j  "  il  femble  donc 
33  que  l'eau  diiTolve  cette  foie  •  ce  qui  nous 
33  invite  à  faire  de  nouvelles  expériences  ,  pour 
33  voir  fi  dans  la  nature  il  y  a  une  foie  que 
33  l'eau  bouillante  peut  diiToudre.  Une  pareille 
33  foie  auroit  peut-être  des  utilités  pour  la  com- 
33  pofition  de  vernis  flexibles  (^) ,  kc.  ,3  Pour 
entrer  daiiis  les  vues  pratiques  de  notre  il'uftre 
Naturalifte  ,  je  fis  bouillir  quelques  ini;jas  dans 

Q)  2hid,  j)ag.  151. 


fô         0  B  s  E  R  V  A  T  1  0  N  S 

l'eau  commune  des  nids  de  nos  Chenilles  du 
Pin.  Ils  s'enflèrent  beaucoup  par  îa  dilatation 
de  Pair  qui  y  étoit  renfermé  j  ils  fe  réduifirent 
enfuite  en  un  très-petit  volume  ,  &  la  foie  de- 
vint caiiante. 

Je  tentai  une  autre  expérience  :  j'elTayai  d'ex- 
traire du  corps  même  de  ces  Chenilles  la  ma- 
tière foyeufe ,  après  en  avoir  mis  les  réfervoirs 
à  découvert.  Pendant  l'opération ,  j'obfervai  avec 
plaifir  i  que  je  tirois  cette  matière  en  Êls  auffi 
longs  &  auiîî  déliés  que  je  le  voulois.  Je  pris* 
aulFi-tôt  une  feuille  de  papier  blanc ,  que  j'ima- 
ginai d'enduire  de  cette  matière  :  j'efpérois  que  , 
je  la  couvrirois  ainli  d'un  beau  vernis  :  mais 
le  fuccès  ne  répondit  pas  pleinement  à  mes 
efpérancps  :  les  endroits  vernis  ne  devinrent 
pas  aiiiîi  brillans  que  je  Pavois  préfumé. 

Je  recourus  enfuite  à  un  autre  procédé  ,  à 
celui  dont  les  Mexicains  font  ufage  pour  retirer 
la  matière  de  leurs  admirables  vernis  du  corps 
de  certains  vers  ,  &  dont  M.  de  Reaumur  avoit 
fait  me'ition  ('*^):  je  fis  bouillir  dans  de  Peau 
commune  une  bonne  quantité  de  nos  Chenilles  j 
je  les  y  fis  cuire  en  quelque  fnte  :  il  en  fortit 
une  liqueur    de  couleur   canelie  i  mais  qui  ne* 

C)  Menu  Swf  lêi  14,  Tome  L 


^UR    LES  INSECTES,         €3 

^le  parut  pas  avoir  de  la  vifcofité.  Je  fis  éva- 
porer Peau  fur  le  feu  61  eu  plein  air ,  pour  don- 
ner lieu  au  rapprochement  des  particules  foyeu- 
les.  Il  me  refta  une  forte  de  grailTe  de  couleur 
brune  ,  qui  me  donna  quelques  efpérances  , 
quoiqu'elle  n'eût  pas  une  vifcofité  bien  fenfi- 
ble  y  mais  un  accident  imprévu  brifa  le  vafe  de 
verre  qui  la  contenoit. 

J^  n'indique  ces  expériences  que  pour  exci- 
ter les  Naturaliftes  à  fuivre  aux  vues  ingénieufes 
de  M.  de  Reaumur  j  &  je  regrette  de  n'avoir 
pas  pouiTé  moi-même  ces  expériences  auiîi  loin 
qu'il  auroit  été  à  defirer. 

Les  nids  font  pleins  de  feuilles  &  d'excré* 
mens.  Ils  demandent  à  être  bien  nettoyés  pour 
qu'on  puiife  travailler  fur  leur  foie.  Ceux  que 
î'avois  dégagés  de  toute  matière  étrangère  ,  & 
que  je  mettois  enfuite  fur  ma  peau  ,  me  fai- 
foient  éprouver  une  chaleur  douce  qui  fembloit 
aller  toujours  en  augmentant.  J'en  conclus 
avec  fondement ,  que  ces  nids  feroient  admira- 
bles pour  la  fabrique  des   ouates. 

J'ai  eu  dans  la  fuite  d'sutres  occafions  dob- 
ferver  les  manœuvres  des  Chenilles  du  Pin  ;  8c 
parce   que  j'avois   expérimenté  qu'elles  étoient 


^4         0  B  S  E  R  V  A  T  I  0  -N  S 

de  grandes  vo3^ageures^  je  plantois  dans  un  alTe^Z 
grand  vafe  plein  de  terre  la  branche  qui  por- 
toit  le  nid  ,  &  je  mettois  le  pied  du  vafe 
dans  une  terrine  pleine  d'eau.  La  marche  des 
proceiîions  étoit  ainfî  *fort  circonfcrite  :  elles 
fuivoient  long -temps  les  bords  circulaires  du 
Tafe  ,  qui  étoient  bientôt  recouverts  en  entier 
d'une  épaiiie  couche  de  foie  :  mais  peu-à~peu 
les  Chenilles  defcendoient  fur  les  côtés  du  vafe 
&  en  gagnoient  le  pied.  Ce  vafe  étoit  pourtant 
de  terre  vernilîee  ,  &  les  Chenilles  ne  s'y  cram- 
ponnoient  d'abord  que  difficilement  :  mais  la 
foie  dont  elles  tapiifoient  leur  chemin  ,  leur 
donnoit  auffi-tôt  la  facilité  de  fe  porter  par 
tout.  J'étois  force  de  revenir  très-fouvent  à 
enlever  toute  la  foie  qui  tapiifoit  les  côtés  du 
vafe  ,  pour  les  empêcher  d'atteindre  au  pied. 
Un  jour  néanmoins ,  malgré  toute  ma  vigilance 
&  mes  précautions,  j'en  trouvai  un  grand  nom- 
bre qui  s'étoient  noyées  en  vouhmt  traverfer 
l'eau  de  la  terrine  *,  plulieurs  avoient  même 
xéuiîi  à  traverfer  le  petit  lac  ,  8c  marchoient 
en  proceffion  fur  les  bords  de  la  terrine.  Je  fus 
réduit  à  les  prendre  une  à  une  avec  la  maiiî 
&  à  les  pofcr  fur  la  toile  du  nid.  Je  ne  m'é- 
tois  pas  aiTez  défié  de  leurs  poi  s  :  je  fentis  au 
bout  de  quelque  temps  une  forte  d'engourdif- 
iiment  dans  mes  doigts  3  puis  des  démangeaifons 


:§uR    LES   I2>^SE-€TES.  6X 

Sr  i:!es  cuifoiis  très-fortes  qui  furent  fuivies  cl^eii*. 
€ure.  On  lait  que  ce  n'ei-f:  que  par  leurs  poils 
-Tue  les  Chenilles  font  à  craindre  :  celles  qui  eu 
ont  dépourvues  peuvent  être  maniées  impu* 
iiément, 

.Je  ne  parie  point  ici  à-c  mes  ïechm'ches  ftt 
les  Fauxrjîigmates  de  ces  Chenilles  :  on  en  trou- 
vera ailleurs  le  détail.  I  s  oiiroient  des  parti* 
Cfilarités  qui  méntoient  bien  un  examen  plus 
approfondi  • 

ON.pei^t  voir  la  fuite  de  Fîiiftoire  des  Che>^^ 
ndlles  du  Pin  dans  l'ouvrage  que  j'ai  cité.  Elles 
«ntrent  en  terre  en  Mars  ou  Avril  (i) ,  &  sy 
=€onftrmfent  des  Coques  de  pure  {o\q  ,  qui  ne 
répondent  pas  à  ce  qu'on  attendoit  de  û  gran-. 
des  fileufes. 

(0  Je  trouve  dans  une  de  mes  lettres  à  M-  de  Keaumus. 
■dû  25  de  Juin  1743  ,  que  j'obfervois  encore  1^  "Chenilles 
da  Pin  driiîs  îe  milieu  de  Mai  de  la  n'Cnne  année  ,  &  beau- 
coup de  ces  Chenilles  n'avojent  point  encore  atteint  alors  leur 
.parfait  accroiiTement.  Il  n'eft  donc  point  généralement  vrai  , 
que  ces  Chenilles  n'avent  plus  à  croître  dès  le  mois  de  Dé= 
«eînbre  ,  comme  M.  de  ReaOmur  le  p-ni^oit.  La  di"^eiÊ£« 
><΀  ciiinat  peut  devenir  ici  une  Tource  de  vaii^tésc 


^6         OBSERVATIONS 

OBSERVATION    VIL 

&r  des  Cbenilles  qui  vivent  en  fodété ,  ^  qui 
fe  confiruifent  des  nids  qiCon  pour r oit  nouu 
îner  en  pendeloques  ,  dans  lefqnels  elles  pajfenP 
PHiver. 


E 


N  Odobre  173 S  5  "Un  de  nies  amis  qui  aimoit 
l'étude  des  Infectes  ,  m'apporta  une  petite 
branche ,  aux  boutons  de  laquelle  étoient  fuf- 
pendus  par  des  fils  de  foie  de^  petits  paquets 
de  feuilles.  [  PL  III:,  Fig.  /,  //.  ]  La  manière 
dont  ils  étoient  fufpendus  favoit  d'abord  frappé. 
Il  avoit  ouvert  quelques-uns  de  ces  paquets  ^ 
8c  avoit  trouve  conftamraent  dans  chaque  pa- 
quet deux  efpeces  de  très-petites  Coques  d'une 
foie  blanchâtre  ,  adoifées  Tune  contre  l'autre  , 
8c  qui  renfermoient  inie  très  -  petite  Chenille 
de  couleur  grife  <,  à .  feize  jambes.  Bien  fâr  que 
fon  Obfervation  piqueroit  ma  curiofité  ,  il  s'é- 
toit  empreifé  à  mettre  fous  mes  yeux  quelques- 
uns  de  ces  nids.  Je  n'en  fus  pas  moins  frappé 
qu'il  i' avoit  été  lui  même.  Ces  paquets  de  feuilles 
étoient  en  effet  fufpendus  à  la  branche  par 
un  fil  de  foie,  &  ce  fil  ctoit  fi  bien  entortiiié 
autour  du  bouton  de  la  branche  5  qu'on  n'auroift 


'SUR   Lis   INSECTES.  6 


]pTa    faire    mieux    pour    empêcher  ^ue  le   Yeni 
'ii'emportàt  le  petit  nid. 

J'ouvris  en  préfence  Hè  mon  ami  quelq^jes* 
tins  de  ces  paquets  de  feuilles  5  &  j'y  trouvai 
comme  lui  de  petites  Coqu-es  qui  renferm oient 
chacune  une  petite  Chenille  grife  ,  demi-velue 
&  de  la  première  clalTe.  Je  préfumai  dabord  ^ 
que  ces  Chenilles  s'étoient  ainfi  renfermées  pour 
paifer  plus  en  fareté  la  mauvaife  faifon.  Je 
connoilfois  les  nids  que  d'autres  Kfpeces  de  Che- 
nilles fe  conftruifent  fur  la  fni  de  l'Eté  ou  an 
commencement  de  l'Automne  ,  pour  une  fem- 
^blable  fin  :  mais  je  ne  iais  ce  qui  m'empêcha 
alors  de  donner  aux  petites  Chenilles  dont  je  parle 
toute  Pattentxon  qu'elles  me  paroiiloient  mériter^ 

Ce  ne  Rit  qu'en  Janvier  de  WnnéQ  fuivantC;, 
qu'ayant  rencontré  par  hafard  de  ces  nids  fur  les 
haies ,  je  pris  la  réfolutioii  de  m'inftruire  plus  à 
fond  4e  l'hiftoire  des  Chenilles.  Dans  cette  vue ,  je 
•coupai  quelques  branches  auxquelles  pcndoient 
de  ces  paquets  de  feuilles.  Je  les  emportai  dans 
îuon  cabinet  5  &  les  rangeai  tous  fur  une  même 
ligne ,  en  £chant  l'extrémité  des  branches  dans 
une  planche  que  j'avois  percée  à  deiîein.  Tqîî'^ 
tes  étoient  ainii  dans  \m^  (ituation  horifonn'le^ 
&  contimieiiement  fous  mes  yeux. 


^8         0  B  S  E  t  V  A  T  I  0  H  S 

Ces  nids  font  compofcs  la  plupart  cl'un« 
feule  feuille  féche  ,  pliréc  en  deux.  [  Fi  III , 
Fig.  I.  N  :,  N ,  N.  ]  Tantôt  ce  font  des  feuilles 
d'Aubépine  ,  tantôt  de  Pomier  ,  de  Poirier  ou 
de  Prunier.  Un  £1  de  foie  aifez  fort,  /,  /,  /, 
paroît  tenir  au  pédicule  de  chaque  feuille.  Ce 
fil  va  s'entortiller  autour  d'un  des  boutons  de 
la  branche.  Là  ,  il  femble  plus,  épais  3  il  l'eft 
eifedivement ,  parce  que  les  diiférens  tours  du 
fil  fe  recouvrent  en  partie  les  uns  les  autres. 
■Qiielquefois  on  parvient  à  défentortiller  le  fil , 
&  à  faire  defcendre  le  nid  qu'il  tient  fufpendu  ; 
niais  fou  vent  les  ditférens  tours  du  fil  font  telle- 
înent  collés  les  uns  aux  autres  &  à  l'écorcc  de 
la  branche  ,  qu'il  efl:  inipoffible  de  les  féparer 
fans  rompre  le  fil.  Quoiqu'on  puilfe  dire  de 
ces  nids  ce  qu'on  dit  de  la  vie  humaine ,  qu'elle 
lie  tient  qu'à  un  fil  -,  ils  font  cependant  fi  bien 
fujpendus  ,  que  le  plus  grand  vent  ne  fauroife 
les  détacher. 

La  fcîqon  finguliere  dont  ces  nids  font  fuf- 
pendus  ,  me  porte  à  les  nommer  des  nids  en 
pendeloques. 

J'ai  dit  que  j'en  avois  rafTemblé  un  bon 
nombre  dans  mon  cabinet.  Mon  premier  foin 
fut  de  m'alîurer  -s'il  n'y  avoit  conftamment  dan$ 


SUR    LES    INSECTES:.         6^ 

ôhaqiie  nid  que  deux  Cheiiilies, ,  comme  mes 
premières  obrervations  &  celles  de  mou  ami 
fembloient  l'indiquer.  Dans  le  premier  que, 
j'ouvris ,  au  lieu  de  deux  Coques  ,  j'en  trouvai 
plus  d'une  douzaine.  Elles  étoient  diftnbuées  par 
paquets  en  ditFérens  endroits  de  l'intérieur  du 
nid.  J'en  trouvai  à-peu-près  un  pareil  nombre 
dans  un  fécond  nid.  Je  détachai  ces  Coques». 
&  les  renfermai  dans  une  boite. 

En  mettant  à  découvert  l'intérieur  de  nos. 
nids  en  pendeloques  ,  je  m'étois  rendu  attentif 
à  leur  conftrudion  ,  &  je  reconnus  que  je  m'é- 
t;ois  trompé  fur  une  particularité  elfentielle.  Je. 
remarquai  que  le  fil  de  foie  qui  les  tenoit  fuf- 
pendus  ,  n'étoit  pas  fimplement  attaché  par 
une  de  fes  extrémités  au  pédicule  de  la  feuille, 
comme  le  premier  coup  -  d'œil  me  Favoit  fait 
croire  j  mais  qu'il  pénétroit  dans  l'intérieur- 
même  du  nid,  &  qu'il  n'étoit  aind  qu'un  pro- 
longement de  la  doublure  de  foie  qui  tapiilbit 
les  parois  du  logement. 

Au  bout  de  quelque  temps  ,  mes  petites 
Chenilles  commencèrent  à  fortir  de  leur  nid  , 
&  à  fe  promener,  foit  fur  les  branches  ,  foit  aux 
environs.  L,a  tem},érature  douce  de  l'air  de 
jûiou  c:ibinet  les  avoit  détermui'5es  à  fortir ,  bien 


70         0  B  S  E  R  F  A  T  I  0  N  S: 

avant  ie  temps  où  les  Arbres  de  la  campagnis; 
commencent  à  ouvrir  leurs  boutons.  Je  ne  puîi: 
donc  leur  donner'  de  la  nourriture  ,  &  elles. 
périrent  enfin  d'inanition.  Quelques-unes  néan- 
moins tirèrent  des  fJs  de  foie ,  depuis,  la  fur-, 
face  du  nid  jufqu'à  la  branche  qui  le  portoit. 
On  auroit  dit  qu'elles  vouloient  empêcher  qu'il; 
jiQ  fût  fans  celle  balotté-* 

Quelques  Chenilles  fortirent  aufîi  des. 
Coques  que  j'av.ois  renfermées  dans  une  boîte,, 
8z  malgré  leur  extrême  folbleife  ,  elles  ne  laif. 
fcrent  pas.  de  changer  de  peau.  La  mue  les  £t 
paroit'-e  plus  velues  ,  &  les  nouveaux  poils 
étoient  d\m  roux  cdatant  >  qu'on  ne  voyoit 
pas  aux  anciens.. 

Au  mois  d'Avril  î7;^9 ,  j'appercus  un  de  nos 
"iiîds  617  pendeloque  qui  pendoit  à  u*ic  branche 
V  ^  Pommier.  Je  coupai  la  branche,  &  j'en 
fich..i  ie  bout  inférieur  dans  un  des  montants 
de  la  fenêtre^  de  mon  cabinet.  Ce  nid  étoit 
beaucoup  plus  gros  que  tous  ceux  que  j'avois 
vus  jurqu'alors.  Il  étoit  formé  de  l'aiTemblage 
de  plufieurs  feuilles  féches ,  ou  fi  l'on  veut ,  de 
Ja  réunion  de  plufieurs  nids  particuhers.  Les 
peti:es  Chenilles  ne  tardèrent  pas-  à  fortir  de 
leur  nia  ^.  &  je  les  viS;  chaque  jour  fe  pronieuei  fur 


SUR    LES    INSECTES.       71 

îa  branche  &  aux  environs.  J'obfervai  qu'elles 
tiroient  des  fils  fur  le  terrein  qu'elles  par-, 
couroient,  &  ces  fils  leur  aidoient  à  retrouver 
le  chemin  de  leur  nid  ,  iorfqu'elles  s'en  étoient 
un  peu  éloignées.  Ce  procédé  revient  à  celui 
des  Chenilles  Livrées  dont  j'ai  parlé  dans 
rObf.  III.  Elles  fe  retiroicnt  de  temps  en  temps 
dans  leur  habitation ,  &  s'y  arrangeoient  les» 
unes  à  côté  des  autres  ,  de  manière  que  la  tète 
de  toutes  regardoit  vers   le  même   endroit. 

'  Elles  changèrent  de  peau  ;  mais  des  occu^ 
pations  qui  me  furvinrent  ne  me  permirent 
pas  alors  de  continuer  à  les  fuivre ,  &  elles  pé- 
rirent faute  de  nourriture,  j'ouvris  leur  nid , 
ou  plutôt  je  féparai  les  petits  nids  particuUers 
dont  il  étoit  compofé  ,  &  j'en  obfervai  l'inté- 
rieur. Dans  le  premier  que  j'ouvris ,  je  trouvai 
beaucoup  de  très-petites  dépouilles  blanchâtres , 
&  je  remarquai  avec  furprife  qu'elles  n'étoient 
pas  complettes  ,  comme  le  font  ordinairement 
les  dépouilles  des.  Chenilles.  La  tète  ou  le  crâne 
manquoit  à  toutes  :  elles  reifembioient  a  un  très- 
petit  fourreau  ouvert  par  un  bout.  Cette  Ob- 
fervation  me  rappella  ce  que  j'avois  lu  dans  la 
Préfice  du  Tome  II  des  Mémoires  de  M.  do 
Reaumur  ,  fur  une  Erpece  de  Chenille  obfer- 
yée  par  M.  Bazin  ,  qui  fort   de  fa  dépouille 

E  4 


^f         0  B  s  E  R  r  A  T  T  O  K  S: 

par  l'ouverture  qu'elle  s'y  pratique  eu  en  faifânt 
tomber  le  crâne.  J'ignore  fi  la  Chenilîe  de  cet 
Obfervateur  étoit  de  même  Efpece  que  celles, 
dont  je  par] Ce  Quoi  qu'il  en  foit ,  cette  parti- 
cularité me  fit  bien  regretter  de  n'avoir  pu  fui- 
%a'e  mes  Chenilles  autant  qu'elles;  le  méiitoient. 

Un  autre  de  mes  petits  nids  m'offrit  un(g 
forte  de  poche  ou  de  lac  qui  étoit  entièrement 
rempli  d'excrémens  ;  ce  qui:  me  fit  juger  quo 
mes  Chenilles  avoient  loin  d'aller  dépofer  leurs; 
excrémens  daiis  un  lieu  à  part.  Mon  ami  m'af- 
fura  qu'il  avoit  vu  une  de  ces  Chenilles  fortiij 
de  ia  Coque  ,  le  derrière  le  premier ,,  pour  jetter 
au  dehors  un  grain  d'excrément  Dans  tous  les 
petits  nids  que  j'ouvris  enfuite  ,.  je  trouvai 
conftamment  les  excrémens.  ralfemblés  dans  un 
lieu  féparé.  Je  trouvai  encore  dans  l'intérieur 
de  ces  nids  de  ces  petites  Coques  de  foie  blan- 
che ,  dont  j'ai  frtit  mention  ^  &  qui  imitoient 
très  bien  en  petit  la.  Coque  du  Ver-à-foie.  Je 
île  connoiiTois  encore  aucune  Efpece  de  Che- 
nille qui  fe  filât  une  Coque ,  pour  y  pafler 
l'Hiver  pendant  fou  enfancei. 

Enfin,  je  trouvai  dans  un  des  nids  les  plus 
volumineux  une  multitude  d'autres  Coques  auffi. 
petites  5  &  de  la  même  forme  3  mais  qui  uvoici;Ç 


SUR    LES    INSECTES.         73 

été  filées  par  des  Vers  mangeurs  de  Chenilles. 
Je  renfermai  ces  Coques  dans  une  .boîte  ,  & 
vers,  la  mi-Mai ,  il  en  fortit  de  petites  Ichneii-^ 
mones  ,  femblables  à  celles  dont  M.  de  Reaumqr 
9  donné  la  defcriptiou,  page  243  du  Tome  II 
de  fes  Méuioirçs. 

Il  me  vint  en  penfce  de  renfermer  une  de 
nos  Chenilles  des  nids  en  pendeloques  avec  ces 
Ichncumones.  Je  voulois  voir  fi  elles  ne  la  pi^ 
queroient  point  poyr  dépcfer  leurs  œufs  dans 
fon  intérieur.  Mais  cette  curieufe  expérience  ne 
réuiîit  point:  Les  petites  Ichneumones  palToienfe 
&  repaiToient  fur  le  corps  de  la  Chenille  fans 
jamais  s'y  fixer.  Peut-être  que  les  femelles  n'a- 
voient  point  été  fécondées  par  les  mâles.  La 
Chenille  tiroit  des  fils  de  tous  côtés  :  fouvent 
1-es  petites  Ichneumones  s'embarraiToient  dans 
ces  fils  comme  dans  les  filets  de  l'Araignée  ,  & 
je  m'amufois  à  voir  içs  efforts  qu'olles  faifoient 
peur  fe  dégager. 

Nos  Chenilles  des  nids  en  pendeloques  font 
du  nombre  de  celles  qui  ne  vivent  en  {odho 
qu'une  partie  de  leur  vie.  Quelque  temps  après 
la  féconde  mue  ,  elles  abandonnent  le  nid  &  fe 
difperfent.  J'en  ai  vu  cependant  qui  n'abandon- 
noient  pas  entièrement  leur  habitation  3  ou  qui 


'74         OBSERVATION  S 

du  moins  ne  s'en  éloignoient  pas  beaucoup.  Ls 
féconde  mue  apporte  divers  changemens  a  leurs 
couleurs  ,  &  les  rend  plus  vives.  Ces  change- 
mens  fe  foiit  fur-tcut  remarquer  dans  les  poils  : 
ils  deviennent  d'un  roux  p'us  ardent.  Parvenues 
à  leur  parfait  accroiiFement ,  ces.  CHenilles  n'ex- 
cédert  que  peu  la  grandeur  que  M.  de  Reau- 
KUR  a  rc  .nniée  moyenne.  Le  fond  de  la  couleur 
du  delllis  du  corps  eft  noir.  Les  poils,  qui  font 
fort  courts  ,  tnvcent  deux  raies  d'un  roux  ar- 
dent ,  qui  régnent  tout  du  long  du  dos.  Les 
côtés  &  le  deiîLi^  du  ventre  font  d'une  couleur 
qui  tire  fur  le  gris  de  pj:de  ,  &  ils  font  parfe- 
mes  de  petits  poils  blanchâtres.  La  tête  &  les 
jambes  écaiileufes  font  r.oires  ,  Se  les  membra- 
neufes  de  même  couleur  que  le  ventre. 

Pour  fe  préparer  à  la  metamorphofe  ,  ces 
Chenilles  ne  fe  cor%uifent  point  de  Coque  $ 
mais  elles  fe  lient  ovec  une  ceinture  de  foie, 
La  Chryfàlide  eft  angulaire.  Elle  olfre  une  efpece 
d'arrêté  vive  qui  s'étend  le  long  du  milieu  du 
dos,  &  qui  eft  très  faiilante  fur  le  corcelet.  Là, 
e'Ie  eft  bordée  de  noir.  Le  fond  de  la  couleur 
du,  corps  eft  d'un  beau  jaune  parfcmé  de  points 
noirs. 

Au  bout  c?une  dixaine  de  iours ,.  le  Papillon 


SUR   J^ES    INSECTES.         7f 

a  tarifé  rétui  de  Chrynilide  ,  &  s'eft  mis  en 
■  liberté.  Il  eft  prerque-  tout  blanc  ,  &  facile  k 
jrcconncitre  par  la  couleur  noire  qui  teint  tou- 
|tes  les  nervures  de  Tes  ailes.  C'eft  encore  celle 
I  de  la  tète  ,  des  yeux ,  des  antennes  &  des  jam- 
jbes.  Le  corcelet  &  le  ventre  font  d'une  couleur 
i  qui  tire  fur  le  gris  de  fâr.  Ce  Papillon ,  qui  eft 
îairez  commun  ,  appartient  à  la  première  claiTe 
î  des  Papillons  diurnes ,  feloii  la  divifioii  de  M» 
jde  ReaumuRo 

On  eft  averti  de  la  fortie  pirochaine  du 
I  Papillon  par  le  changement  de  couleur  qui  fur- 
I  vient  à  la  Chryfaîide.  Sa  belle  couleur  jaune 
s'altère  peu-à-peu  ,  &  fe  change  infenfiblcment 
en  gris  de  perle.  Un  autre  figne  annonce  en- 
core la  fortie  prochaine  du  Papillon  :  il  f  oa 
preiTe  un  peu  la  Chryfilide  entre  deux  doigts , 
on  entendra  un  petit  bruit  femblable  à  celui 
que  rendroit  en  pareil  cas  un  morceau  de  par- 
chemin :  c'eft  que  le  corps  du  Papillon  étant 
alors  entièrement  détaché  de  l'enveloppe  cruf- 
tacée  de  Chryfaîide  ,  les  anneaux  de  celle-ci 
frottent  légèrement  les  uns  contre  les  autres. 

Il   ne  me  refte  plus   pour  achever  de  faire- 
€onnoitre  la  Chenil'] g  dont  il  eft  ici  quettion  y 
«ju'à  ajouter  ,  qu'elle  eft  précifément  celle  que 


7^         OBSERVATIONS, 

M.  de  REiVUMUP.  a  reprcTeiitée ,  PI.  II,  Fig.  f  ;. 
du  Tome  II  de  fcs  Mémoires  ^  Se  qu'il  a  décrite, 
page  73.  Mais  ce  grand  Obfervateur  ignoroit, 
fans  doute  ,  que  cette  Efpece  vit  en  fociété  ;  car 
il  ne  dit  rien  du  tout  des  procédés  que  je 
viens  de  raconter ,  &  fe  borne  à  la  fimple  def- 
criptioîi  de  lTnfec1:e. 

r    OBSERVATION     VIII. 

Suite  de  rhifioire  des  Chenilles  qui  habitent  dans 
des  nids  en  pendeloques^. 

IvJLes  Obfervations  m'ont  procuré  la  fuite  alTez 
compiette  de  Phiftoire  de  nos  Chenilles  des 
nids  en  pendeloques  :  je  n'en  préfenterai  ici  quc- 
les  particularités  les  plus  intéreifantes. 

Sur  la  fin  de  Juin  1739  ,  j'apperqus  fur  une 
feuille  de  Prunier  fiuvage  un  petit  amas  d'œufs, 
qui  excitèrent  mon  attention.  Leur  forme  ne 
reiiembloit  point  du  tout  à  celle  des  ojufs  les 
plus  connus  :  elle  étoit  pyramidale.  Chaque  py- 
ramide repoîbit  fur  ia  bafe  ,  &  toutes  écoient 
arrangées  adroitement,  les  unes  à.  coté  des  au- 
tres dans  un  efpace  circulaire.  Elles  étoient  can- 
nelées ,  &  leur  bafe  étoit  arrondie  en  maniera, 
i^s  porcc.  Ces   œufs   fi  jolis ,  pai'oiilbient  pluS:, 


\ 


SUR    LES    INSECTES.        77 

jolis  encore  coiifidéres  à  la  loupe.  J'y  comptai 
fept  cannelures.  Le  fommet  de  la  pyramide  pré- 
fentoit  une  furface  plane  ,  où  les  fept  cannelu- 
res tracoient  la  figure  d'une  petite  étoile  à  fept 
rayons.  On  voyoit  au  centre  de  l'étoile  un 
point  brun  bien  marqué.  L'extrémité  fupérieure 
des  cannelures  étoit  de  couleur  blanchâtre  ,  & 
le  corps  de  l'œuf  d'un  beau  jaune.  M.  de  Reau- 
MUR  a  décrit  des  œufs  de  Papillon  fort  fem- 
blables  à  ceux-ci ,  Tome  II  de  fon  Hiftoire  des 
Infedes ,  page  89,  &  les  a  reprefentées  PL  III. 
Fig.  12,  13,  14. 

Qi^AND  je  découvris  ces  jolis  œufs  ,  j'igno- 
rois  qu'ils  eulTent  été  pondus  par  le  Papillon 
de  la  Chenille  des  nids  en  pendeloques  ;  mais  la 
faifon  &  le  lieu  où  je  les  a  vois  découverts  me 
le  firent  aufîi-tôt  fcupqonnèrj  &  l'expérience 
confirma  mon  foupçon.  Au  bout  de  quelques 
jours  je  les  vis  changer  de  couleur  ,  &  leur 
beau  jaune  s'altérer  de  plus  en  plus.  Ce  change- 
ment de  couleur  m  annonqoit  aflez  que  les  Che- 
nilles ne  tarderoient  pas  à  éclorrej  &  en  elFet, 
les  plus  diligentes  parurent  bientôt  au  jour.  Je 
ne  pus  les  méconnoltre  ;  elles  étoient  bien  de 
l'Efpece  de  celles  dont  les  nids  m'avoient  déjà 
tant  occupé, 


n         0  B  s  Ë  R  V  A  T  î  ô  N  s 

Les  premières  qui  fortirent  des  œufs  ,  tiîè 
rendirent  très -attentif  à  épier  le  moment  oà 
les  autres  cclorroient.  Je  voulus  affifter  à  leur 
iiaiirance.  Il  me  parut  ,  que  Pcnveloppe  ou  la  I 
coquille  de  l'œuf  devenoit  plus  mince  ou  plus 
tranfparente  vers  le  haut  de  la  pyramide.  La 
petite  Chenille  ,  non  encore  éclofe  ,  rongeoit  in- 
térieurement la  partie  de  Fenveloppe  comprifô  1 
entre  les  cannelures  ^  &  les  difpofoit  ainiî  à  fe 
prêter  plus  facilement  à  fa  fortie.  Je  compareis 
les  cannelures  à  ces  gros  fils  de  ioie,  qui  for^ 
ment  l'entonnoir  en  naiTe  de  poiiTon^  que  la 
belle  Chenille  à  tubercules  du  Poirier  j  pratique 
à  une  des  extrém  tés  de  fa  Coque  j  &  que  le 
Papillon  n'a  qu'à  écarter  pour  fe  faire  jour  (^) , 
&  je  crus  reconnoître  que  ma  comparailbn  étoit 
aflez  j Lifte.  Le  point  brun  placé  au  centre  de 
la  petite  étoile  que  les  cannelures  traqoient  au 
fcmmst  de  la  pyramide  ,  fe  rembruniflbit  de 
plus  en  plus ,  &  devenoit  enfin  d'un  noir  "àUct. 
foncé.  Alors  paroiilbit  à  découvert  la  tète  de  la 
Chenille  naiilante.  De  moment  en  moment  une 
plus  grande  portion  de  fon  corps  fe  montroit 
hors  de  fœuf 

Je  remarquai  que  mes  petites  Chenilles  ret 

(*)  Mcm.  pmirfcrvh'  à  VHiJl,  des  hif.  T.  ï,  p.  62€ ,  627^ 
ï?i.XLViU,Fi§.  4,<î,7. 


SVR   LES   INSECTES.         ^;9 

Coient  pofees  fur  l'amas  d'œufs  c  imrne  (î  elles 
n'avoient  ofé  s'en  éloigner.  J'obii^rvLU  encore 
que  leur  tète  étoit  ramenée  vers  :cs  prcmrj.^s 
jambes.  Cette  attitude  excita  moi  attei^tion  ;  ja 
ne  la  jugeai  pas  indirférente  ;  mais  j  j  n'en  péaé- 
trois  pas  la  rarfon ,  &  je  ne  Paurois  afTurément 
pas  devinée.  J'en  fus  bientôt  hiùrmi  Mes  peti- 
tes Chenilles  dévoroient  la  coquille  des  œufs 
dont  elles  venoient  de  fortir  (i)  ,  &  ce  qui  me 
furprit  bien  d'avantage  ,  après  avoir  dévoré  leurs 
propres  œufs  ,  elles  alloient  encore  ronger  la 
coquille  des  œufs  dont  les  Chenilles  n'étoient 
pas  éclofes.  On  eut  dit  qu'elles  vouloient  les 
aider  à  éclorre  ;  &  je  ne  doute  pas  que  des 
NaturaUftes  amoureux  du  merveilleux  ,  n'euifent 
attribué  à  nos  Chenilles  cette  bonne  intention, 
ïl  eft  bien  évident  néanmoins  ,  qu'elles  n'a- 
voient que  celle  de  fatisfaire  leur  goût.  Elles  fe 
plaifoient  apparemment  à  manger  la  coquille  des 
ccufs ,  &-  cette  Hnguiiere  riourriturc  pouvoit  leur 
être  alors  d'une  utilité  particulière  que  nous  ne 
devinons  pas ,  &  qui  entroit  fans  doute  ,  dans 
ies  vues  de  la  Nature.  On  voyoit  allez  que  cet 

(l^  iM.  cïe  Maupertuis  ,  qui  fe  plaifoit  à  obferver  les 
înfedes,  &  favoit  1er,  obferv;:r,  avoit  f^it  avant  'noi  une  rem* 
blable  Obfervation  fur  des  Chenilies  d'une  antr.  Efpece  ,  &. 
que  M.  de  Reaumue.  a  rapi^ortéc,  page  i6s  du  'romc  il  de 
fes  Ménaires. 


8o         0  13  S  E  k  y  A  T  I  0  K  ^ 

aliment  un  peu  dur  excrqoit  fort  leurs  petites- 
dents   encore   tendres  ,    &  que  ce  n'étoit  que    i 
kntenient  &  avec  peine  qu'elles  parvenoient  à 
la  broyer. 

Quoique  nos  Chenilles  nouvellement  cclo- 
fes  ne  fe  propofairent  pas  d'aider  à  leurs  corn* 
pagnes  à  venir  au  jour,  il  eft  pourtant  vrai 
que  celles  dont  les  œufs  étoient  ainfi  rongés 
par  dehors  ,  écloibient  plus  facilement  :  elles 
avoient  moins  d'ouvrage  à  fiïre. 

Il  s'écoula  quelqiies  jou-Ps  avant  qtie  toute 
la  nichée  fut  écloie.  Bientôt  je  ne  vis  plus  fur 
la  feuille  que  des  veftiges  des  bafes  de  quelques-^ 
unes  des  pyramides.  La  plupart  avoient  été  dé- 
vorées en  entier» 

Je  donnai  a  mes  Chenilles  nouvellement  nées 
de  jeunes  feuilles  de  Prunier  fauvage.  J'obfer- 
vai  conftamment  qu'elles  n'en  rougeoient  que 
l'épiderme  &  la  portion  du  parenchyme  com- 
prife  entre  les  nervures.  Elles  fe  mirent  enfuite 
à  tendre  des  fils  fur  ces  feuilles  ,  comme  pour 
jetter  les  fondemens  d'un  nid.  Mais  je  préférai 
de  futvre  les  manœuvres  de  nos  Chenilles  en 
pleine  campagne^*  j'étois  plus  alfuré  ainfi  de  me 
procurer  la  fuite  de  leur  kiftoirc.  Un  nid  de  ces 

Chenilles 


SUR    LES    îKShCTEl        8t 

Chenilles  cclofes  depuis  peu  de  temps  ,  qus 
j'avois  découvert  fur  uae  haie ,  me  parut  ré- 
pondre bien  à  mes  vues. 

Je  vis  que  les  petites  Chenilles  rapprochoicns 
avec  des  £îs  de  foie  les  jeunes  feuilles  dont  elles 
avoient  dévoré  le  parenchyme ,  &  qui  s'étoient 
ainfi  defféchées.  Elles  les  lioient  comme  t:rat 
xi'autres  Efpeces  de  Chenilles  lient  les  feuilles 
de  diiférentcs  plantes.  Ainfi  ,  les  premières: 
feuilles  dont  le  parenchyme  a  été  dévoré ,  & 
•qui  font  ordinairement  celles  fur  lefquelles  les 
oeufs  ont  été  dépofés  j  ces  premières  feuilles  ^ 
dis-je  ,  doivent  être  regardées  comme  les  fon- 
démens  du  petit  édifice.  C'eft  ordinairement  dii 
côté  du  pédicule  que  nos  j .unes  Chenilles  com^ 
mencent  à  ronger  le  deifus  de  la  feuille.  Elles 
font  alors  rangées  les  unes  auprès  des  autres 
fur  une  même  ligne  dro:'te  ou  courbe  ,  &  s'a- 
Vancant  peu-à-peu  comme  en  ordre  de  bataille 
vers  l'autre  extrémité  de  la  feuille -,  elles  ea 
fourragent  ainfi  toute  la  furface. 

Le  nid  que  ces  Chenilles  fe  conCtrUifent  peu. 
de  temps  après  leur  naiifmce ,  n'efl:  pas  celui 
où  elles  paiîent  l'Hiver.  Je  me  fuis  allure  qu'ellef 
en  conftruifent  pluileurs  lucceilivenlent. 

DÈS   qu'elles  ont  dévoré   toutes  les  feuilles 
Tome  IL  ^ 


82         0  B  S  E  R  V  A  T  I  0  N  S 

.foities  du  même  bouton  ,  elles  vont  rougèf 
celles  d\m  autre;  &  telle  eft  Porigine  de  ces 
diiférens  nids  qu'elles  habitent  iucceirivement. 
Le  paquet  de  feuilles  qu'elles  ont  rongé  le  der- 
nier 5  compofe  le  dernier  nid ,  ou  celui  dans 
lequel  elles  paiTeront  l'Hiven 

J'ÀI  encore  obfervé  que  ^  lôrfqu'elles  aban- 
donnent le  nid  qu'elles  ont  conftruit  le  pre- 
mier, elles  commencent  à  fe  divifer  en  fociétés 
plus  petites  ou  moins  nombreufes ,  qui  fe  fouf- 
divifent  elles-mêmes  dans  la  fuite  en  fociétés 
moins  nombreufes  encore.  Et  c'eft  ainfi  qu'il, 
arrive  que  lorfqu'on  ouvre  de  ces  nids  pen- 
dant l'Hiver ,  on  les  trouve  fî  inégalement  peu- 
plés ;  enforte  que  les  uns  ne  renferment  que 
deux  Chenilles  ,  tandis  que  d'autres  en  renfer- 
ment quatre  ,  fix  ,  douze  ,  quinze  ,  &c. 

Ce  n'cft  apparemment  qu'à  la  fin  de  l'Au- 
tomne que  nos  Chenilles  filent  ces  petites 
Coques  de  foie  dont  j'ai  parlé  ,  &  où  elles  fe 
renferment  jufqu'au  retour  du  Printemps. 

Mais  comment  le  nid  fe  trouve-t-il  fî  adroi- 
tement fufpendu  à  une  branche  par  un  fil  de 
.foie,  &  comment  ce   fil  eft-il  fi  bien  entortillé 
autour  de  la  branche  ?  C'cil;  ici  un  petit  pro* 


SUR    LÈS    ïKSËCTE^.      8j 

fciènie  dont  mon  Leclôur  attend  impatieni nient 
la  folution.  Je  puis  la  lui  fournir  j  "mais  j^ai  à 
regretter  qu'elle  ne  réponde  pas  mieux  à  Pidée^ 
lans  doute  trop  avantageufe  ^  qu'il  s'ëft  déjti 
formée  de  rinduftrie  de  nos  -Chenilles.  Cette 
furpenfion  qui  lui  paroit  receler  un  art  fecret  ? 
îi'en  exige  point ,  &  n'eft  qu'un  pur  eliet  d<? 
certaines  circonil:ances  accidtnLelle^.  Je  l'avois 
même  d'aboi'd  préiumé  iur  la  fimple  inTpection 
de  ces  nids.  Voici  donc  comment  la  choi^  fê 
jpaiîe. 

J'ai  dit  que  'nos  ClièniUes  tirent  èes  fib  àû 
foie  fur  tous  les  chemins  qu'elles  parcourep.t:. 
Elles  ies  tapifTent  donc  de  foie.  On  fe  rappelle 
^e  procédé  des  Lfî;re>j  [Obi.  lil,  ].  Lorfque  nc3 
Chenilles  des,  nids  en  pendeloques  oi:t  palTé  6^ 
repafle  bien  des  fois  fur  la  branche  qui  porté 
le  nid  ^  on  voit  fur  cette  branche  miQ  trac^ 
blanche  ,  une  efpecc  de  rt-iban  de  fme  d'une 
certaine  largeur,  qui  va  aboutir  au  nid  &  pe-^ 
netre  dans  fon  intérieur.  Ce  nid  eft  formé  d'um 
t)u  de  plufieurs  feuilles  féches  -,  qui  partgjit^  d^ 
même  bouton.  Le  vent  ,  qui  les  détache  vers 
-la  fin  de  l'Automne,  fie  iauroit  les  emporter.^ 
parce  qu'elles  font  retenues  par  ie  ruban  (b 
foie ,  col'é  plus  ou  moins  fortement  à  l'-écorc^ 
-de  la  branche.  Mais  fi  le  vent  ne  peut  emportv^ 


84         OBSERVATIONS 

le  nid  ,  il  peut  au  moins  détacher  de  la  brart-." 
che  une  portion  plus  ou  moins  longue  du  ru- 
ban. Le  nid ,  qui  auparavant  tenôit  immédiate- 
ment au  bouton ,  demeurera  donc  fufpendu  à  la 
branche  par  un  ruban  de  foie.  Les  fréquentes 
agitations  de  Pair  tordront  de  plus  en  plus  le 
ruban ,  &  le  convertiront  en  un  fimple  fil.  De 
nouveaux  coups  de  vent  entortilleront  ce  fil 
autour  de  la  branche.  Les  pluies  ou  l'humidité 
de  Pair  colleront  les  uns  aux  autres  ,  &  à  la 
branche ,  les  diiférens  tours  du  fil  :  mais  un  plus 
long  détail  feroit  fuperllu. 

}^^- s^fyr^ . — -^^ 

OBSERVATION     IX. 

Découverte    d'une    norruelle    partie    commime    k 
fhifieurs  Efpeces  de  Chejiilles. 


ANS  les  premiers  jours  de  Juillet  1739, 
on  me  remit  une  Chenille  trouvée  fur  la  Chi- 
corée fauvage.  Sa  grandeur  étoit  au-delTus  de  la 
moyenne.  Elle  étoit  parfaitement  rafe ,  &  à  feize 
jambes.  Du  jaune,  du  noir  &  du  blanc,  diffé- 
remment combinés ,  paroient  fa  peau  ,  qui  avoit 
un  œil  fatiné.  Le  jaune  formoit  trois  bandes  , 
dont  deux  étoient  fur  les  côtés  ,  &  la  troilicme 
moins  large  ,  régnoit  le  long  du  dos.  Le  noir 
étoit  diftribué  par   plaques  ou  par  taches,  de 


SUR    LES   INSECTES,  8f 

deux   manières  différentes.   La  plaque    la   plus 
large,  de  forme  à-peu-près  quarrée ,  occupoit  la 
partie  fupcrieure  de  chaque  anneau.  Deux  ..au- 
tres  de  ces  taches  noires  étoient  placées  l'une 
à  droit ,  l'autre  à  gauche  de  la  ligne  du  dos.  La 
plus  étroite  occupoit  la  jonction  des  anneaux'. 
Là ,  elle  étoit  environnée  d'une  hgne  blanche , 
qui  lui  formoit  une  forte  de  cadre.  Les  iligma- 
tes  fe  voy oient  dans  la  bande  jamie ,  qui  régnoit 
fur  les  côtés.  Ils  étoient  noirs  ,  &  paroiifoient 
doubles  à  caufe  d'une  petite  tache  noire  placée 
au-delfous  de  chacun  d'eux.  On  n'appercevoit  pas 
d'abord  les  deux  premiers  ftigmates ,  parce  qu'ils 
IV étoient   pas    noirs    comme  les  autres,  Se  que 
V^is  à  la  loupe  ,  ils  ne  fe  montroient  que  comm.e 
une  iSmple  fente.  Cette  Chenille  fembloit  donc 
n'avoir  tru-  feize  ftigmates  au  lieu  de  dix-huit. 
La  tète  ,  les^  jambes  écailleufes  &  les  membra- 
neufes  étoient  r^oires.  C'étoit  encore  la  couleur 
du  ventre.   Les  jaii~?bes  membraneufes   avoient 
un   air    écailleux  ;   parr^e    qu'elles    étoient  d'un 
aiTez   beau  noir  &    très-iuftré.   La   tète,  affez 
petite  proportionnellement  au   corps  ,  étoit  tail- 
lée en  manière  de  cœur.  Le  petiCUiangle  placé 
iiir  le  devant ,  étoit  formé  par  trois  jlgnes  blan- 
ches ,  qui  le  faifoient  aifénient  diftingu^^îi*- 

Jl  me  fuis  un  peu  arrêté  à  décrire  cette  CSq- 

F  a 


Z^:        0  B  S  E  R  V  A^  T  I  0  N  S 

4nUe,  parce  qu'elle  a  qté  la  première  qui  m'.^c 
offert  la  particularité  rem.rc^uable  qui  fait  le 
i-ujet  de  cette  Obfervatioii,  Tandis  que  je  1^ 
tenois  entre  mes  doigts ,  je  vis  Tortir  entre  hi 
Içvre  mlénetire  &  la  première  paire  des  jambes 
çcailleuies ,  une  cfpece  de  petit  bec  oucle  troippe 
çharnije  [Pi  lil .  fig.  3  ,  i/,J  ,  de  cQuleur  rou-. 
geatre.  Cette  forte  de  trompe  étoit  aiiez  {àiU^ 
Jante  pour  me  frapper  ^  exciter  beaucoup  moa 
attention,  LTiilîeurs ,  je  n'avois  rien  obrervé  de 
femblable  dans  aucune  Efpece  de  Chenilles  ,  & 
je  ne  çonnoiiioîs  aucun.  Naturalilte  qui  eut  parié 
de  quelque  chofe  qui  fe  rapprochât  de  ce  qu(^ 
je  VLna)is,J\kois  au.  moins  très-,aifuré  ,  que  mon 
iUùltre  Maître  vM  de  Reaumur  ,  qui  a  voit  plus 
obicrvê  ces  Inlect-s.,  qu'aiiçun  des  Natursliftes, 
qui  favoient  précédé  ,  rfavoit  point  ûpperqu 
cette  nouvelle  partie  qui  fe  montryit  à  moi.  Si 
te  découverte  d^w^a:^  nouvelle  partie  dans  le 
çc»tps  humain  ou  dans  celui  d^S  grands  animaux, 
a  ton  jours  droit  d'intéreirér  la  curiofit.é  de  TAna-- 
tomitîe  ,  on  juge  coiy/oien  la  découverte  d'une 
Itouvelie  partie  d^^ns  les  Chenilles  ,  devoit  pi- 
quer la  curiofjiîé  d'un  jeune  Obfervateur ,  que 
la  Nature  favorifoit  aifeï:  pour  lui  dévonvrir  ce 
qu'elle  ly/ôit  caché  à  iés  Maîtres. 


.CEPENDANT  j  je  ne    pus  ilitisfure  au  men 


SUR    LES   INSECTES.  87 

Inftant  Tardent  defir  que  j'avois  de  coniioitre 
mieux  cette  partie.  J'en  fus  détourné  par  uu 
obftacle.  Qiielques  jours  ciprès  ,  je  remarquai 
que  la  Chenille  avoit  commencé  à  tendre  des 
lîls  dans  la  boîte  où  je  Pavois  renfermée.  Je 
jugeai  qu'ils  annonqoient  les  préparatifs  de  la 
niétamorphofe.  Cette  Chenille  étoit  d'une  grand® 
vivacité.  Quand  je  la  touchois  du  doigt,  elle 
agitoit  brufquement  &  à  plufieurs  reprifes  la 
partie  antérieure  &  la  poltérieure ,  puis  elle 
reftoit  quelques  momens  immobile ,  Se  fe  met- 
toit  enfuite  à  courir  avec  beaucoup  de  vlteife^ 

Tandis  que  je  la  tenois  fur  la  paume  de  ma 
main  pour  mieux  l'obferver ,  elle  me  faifoit 
entendre  un  petit  bruit  femblable  à  celui  que  forié 
entendre  diverfes  efpeces  de  Mouches  lorfqu'oii 
les  tient  entre  les  doigts.  Eile  me  le  faifoit  en- 
core entendre  quand  je  fermois  la  main.  Elle 
tâchoit  alors  de  fe  gUlTer  entre  mes  doigts  pour 
s'échapper ,  &  me  mordoit  fi  cruellement  que 
j'avois  de  la  peine  à  fupporter  la  douleur  aigus 
qu'elle  me  faifoit  relfentir. 

Dans  la  vue  d'examiner  de  plus  près  cette 
nouvelle  partie  dont  l'apparition  m' avoit  Ci  fort 
furpHs ,  je  faifis  entre  mes  doigts  les  premiers 
anneaux  de  la  Chenille ,  &  je  tâchai  de  l'y  rc~ 

F  4 


S§         OBSERVATIONS 

tcjiir  dans  la  pofition  lu  plus  favorable  :  mak,. 
elle  fe  doniioic  tant  de  mouvemens  8c  de  cou- 
toriions,  quq  je  ne  pus  réulîir  a  la  placer  d'une- 
riianiere  convenable.  Je  ne  parvins  donc  point 
à  revoir  la  partie  qui  cxcitoit  ma  curioiité. 
Mais  en  revanche,  j'apperçus  une  autre  fingu- 
îarité  au-deiibus  de  la  lèvre  iniérieure,  &  beau- 
coup plus  près  de  la  nliere  ou  du  mamelon 
dans  lequel  elle  eft  fituée  ^  que  ne  l'étoit  l'ef- 
pece  de  trompe  que  je  ehercliois  j  j'obrervai 
qu'il  parroit  comme  un  petit  aiguillon  [  PL  III ^ 
Fr^.  3  ,/  1  écailleux ,  d\m  noir  luifant ,  qui  faiL 
loit  tout  à  fait  au  dehois  *,  en  forte  qu'il  ne  pa-.. 
roiîioit  pas  ramena  v:rs;  le  deifous  de  la  tètç 
pour  s'y  coucher  comme  uii  aiguillon  ou  une 
trompe  en  repos  s  mais  ii  y  étoit  implanté  comrn^ 
un  aiguillon  prêt  à  piquer,. 

Aï'BÈs  avoir  ciré  des  fils  de  côté  &  d'autre 
dans  la  boite  ^  fans  s'être  fixée  nulle  part  pour  y 
eonfiuire  une  Coque  ,  ma  Chenille  fe  changea 
en  t hryfuUde  conique ,  d'un  rouge  marron  j  & 
de  forme  un  peu  plus  aîongée  que  ne  le  font 
d'ci'dinaire  les  Chryialides  de  cette  clalTe.  La 
trompe  du  Papillon  étoit  jogée  dans  un  four- 
reau rebouclé.  On  fait  que  la  Nature  replie  ainlî 
csrtames  trompes  de  Papillons ,  parce  que  fi  elle 
les  éteadoit  en  ligne  droite  fur  le  ventre  de  ia 


SUR   LES    INSECTES.  m 

Chrylalide  ,  leur   longueur  exceiTive   les   feroi^ 
outrcpaîîer  rextrémité  du  ventre. 

Je  revis,  fur  la  dépouille  de  la  Chenille  refpece 
d'aiguillon  écivilleux  dont  j'ai  parlé.  Il  étoit  dans 
la  même  iituation  que  j'ai  décrite.  Je  dois  le 
répéter  3" il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  la  nou-» 
velle  partie  dont  il  s'agit  dans  cette  Oblervation. 

Au  refte  ,  j'ai  lieu  de  penfer  que  cette  Che- 
nille étoit  de  celles  qui  entrent  en  terre  pour 
s'y  conftruire  une  Coque ,  &  q'avoit  été  ,  fans 
doute ,  parce  que  je  Pavois  laiifée  manquer  de 
terre ,  qu'elle  n'avoit  fiiit  que  tirer  qà  &  là  des 
fils  ir réguliers. 

J'OMETTROïS  une  chofe  affez  eiTentielle  ,  & 
qui  eft  une  autre  forte  de  nouveauté  dans  Phif- 
toire  des  Chenilles ,  fi  j'omettois  de  dire  ,  que 
dans  le  temps  que  celle  dont  je  parle  comuienqa 
à  tendre  des  fils ,  elle  rendoit  une  odeur  de 
rofe  très-agréable. 

Je  crus  que  je  ferois  plaifir  à  M.  de  Reaumur, 
en  lui  envoyant  la  Chryfalide  de  ma  Chenille  & 
i'à  dépouille  :  c'eft  ce  qui  ne  me  permet  pas  de 
donner  ici  la  defcription  du  Papillon  que  je  n'ai 
jamais  vu. 


$0         OBSERVATION  S 

OBSERVATION     X, 

Continuation  du  même  Sujet, 


L 


!E  27  d'Août  1739  ->  on  m'apporta  une 
Chenille  trouvée  fur  l'herbe.  Sa  grandeur  étoit 
un  peu  aii-delTus  de  la  médiocre.  Elle  étoit 
rafc  &  pourvue  de  feize  jambes.  La  couleur  du 
delliis  du  corps  étoit  un  bel  olive  ,  &  celle 
du  ventre  un  beau  gris  ardoifé.  La  tète  ,  de 
même  que  les  jambes  écailleufes  ,  étoient  noires. 
Mais  ce  qui  peut  le  plus  fervir  à  faire  recon- 
iioitre  cette  Chenille  ,  ce  font  deux  petites 
particularités  que  je  vais  indiquer.  Le  pied  dcî 
chaque  jambe  membraneufe  étoit  de  couleur 
blanche ,  &  le  refte  de  la  jambe  étoit  d'un  noir 
luifant,  il  femblabie  à  celui  de  l'écaillé,  qu'on 
auroit  dit  que  ces  jambes  étoient  réellement 
écailleufes.  L'autre  particulariré  étoit  une  petite 
raie  d'un  vcrd  jaunâtre,  placée  près  du  derrière, 
piécifément  à  l'endroit  où  fe  voit  la  petite 
corne  dans  les  Chenilles  qui ,  comme  le  Ver-à- 
foie  ,  font  pouvues  de  cette  partie ,  <Sc  qui  niii- 
toît  très-bien  la  figure  d'une  pareille  corne  ,  telle 
qu'elle  fe  montreroit  il  elle  étoit  apphquée  ou 
plutôt  collée  de  fon  long  fur  l'anneau.  J'ajoute 
que  lorfqu'on  regardoit  de  plus  près  cette  Che-^_ 


s  UR    LES    I NS  E'C  TES^  9X 

Bille  011  découvroit  quatre  points  noirs  rangé? 
à-peu-près  quarrément  fur  la  partie  fupérieure 
de  chaque  anneaLi. 

Après  avoir  confidéré  quelque  temps  la 
Cheiiille  dont  je  parle  ,  il  me  fembla  que  tout 
fon  corps  avoir  cç  mêine  oeil  fatine  que  j'avois 
remarqué  dans  la  Chenille  de  la  Chicorée  Tau- 
vage.  Qiielque  léger  que  fut  ce  rapport ,  il  ne 
laiila  pas  de  mç  faire  foupconner ,  que  les  deux 
Chenilles  pouvoient  fe  reifembler  encore  par 
des  caradleres  plus  remarquables.  Plein  de  ce 
foupqon  5  je  renfermai  la  Chenille  dans  ma 
main  :  je  ne  tardai  pas  à  entendre  le  même 
petit  bruit  qui  m'avoit  frappé  dans  la  Cheiiille 
de  la  Chicorée.  Je  dois  pourtant  faire  remar- 
quer ici ,  que  ce  if  étoit  pas  tant  un  bruit  qqi 
fe  fit  appercevoir  par  Touïe  ,  qu'une  forte  de 
frénnifenleiit  qui  fe  faifoit  fentir  dans  la  paume 
de  ma  main.  Ces  petits  frémiifemens  rcdou- 
bloient  ,  &  l?t  Chenille  tentoit  en  mkmQ  temps 
de  s'échapper  en  fe  giiilant  entre  mes  doigts 
&  me  pinçoit  très-vivemsnç  avec  fes  dents.  Ce 
nouveau  trait  de  reifemblançe  entre  cette  Che- 
nille &  celle  -de  la  Chicorée  ,  me  fit  fur  le 
champ  préiumer  qu'elle  étoit  pourvue  comme 
cette  dernière  ^  de  cette  nouvelle  partie  inçon- 
iiue  aux  NaturaUires.  Je  me  mis  donc  à  prelfer 


92:         OBSERVATIONS 

ma  Chenille  près  de  la  tète  ,  &  je  vis  paroître 
auiPi  -  tôt  la  partie  que  je  cherchois.  Mais  , 
comme  la.  Chenille  s'agitoit  beaucoup  entre  mes 
^  doigts  ,  que  fes  mouvemens  continuels  nuifoient 
à  rôbfervation  ,  &  que  j'avois  toujours  à  crain- 
dre de  la  blelTer  en  la  prelîant  trop  ,  je  m'a- 
vifai  d'un  expédient  qui  m'avoit  très  -  bien 
réuili  en  d'autres  occafions.  Je  plongeai  dans 
l'eau  ma  Chenille  ,  &  je  l'y  laifîai  un  certain 
temps.  L'expérience  m'avoit  appris  que  cette 
petite  épreuves  ne  nuifoit  point  aux  Chenilles 
8c  qu'elle  donnoit  beaucoup  de  facilité  à  l'Ob- 
fervateur  de  les  manier  &  de  les  confidércr  à 
fon  aife.  L'eau  ramoUit  tout  le  corps  de  t'In- 
fede  ,  &  permet  de  le  manier  comme  un  gant: 
elle  le  prive  encore  de  tout  mouvement  ,  8ç 
peut-être  de  tout  fentiment.. 

Lorsque  ma  Chenille  eût  été  expofée  quel- 
que temps  à  l'épreuve  dont  je  parle  ,  je  la 
preliai  de  nouveau  fort  près  de  la  tète.  Elle 
cédoit  comme  la  peau  la  plus  molle.  Au  même 
inftant  je  vis  s'élever  de  la  partie  iiiférieure  & 
du  milieu  du  premier  anneau  Tefpece  de  trompe 
ou  de  mamelon  charnu  que  j'ai  fait  connoître 
.dans  i'Obfervation  précédente.  Je  vis  diliinc- 
tement  qu'il  fortoit  de  l'intérieur  d'une  petite 
fente   [   iV,    ///  ,    J%.  ÏV.  /.  ]   tranfverikle  ,. 


SUR   LES   INSECTES,  93 

precifément  femblable  à  celle  que  j'avois  déjà 
apperque  dans  la  Chenille  linguiiere  à  cornes  du 
faule ,  [  Fig.  VI.  /  ]  &  iituée  dans  le  même 
endroit.  Après  avoir  confidére  fort  à  mon  aife 
à  l'œil  nud,  &  à  la  loupe  cette  nouvelle  partie 
que  j'avois  forcée  à  fe  reproduire  au  dehors  , 
je  vins  à  conjedurer  qu'elle  pourroît  bien  être 
commune  à  pluiieurs  Efpeces  de  Chenilles  de 
claiTes  très-difîérentes.  Dans  la  vue  de  vérifier 
ma  conjedure  ,^  je  mis  à  l'épreuve  de  l'eau 
froide  toutes  les  Chenilles  que  j'obfervois  alors , 
&  je  les  prelTai  toutes  près  de  la  tète.  Je  com- 
mençai par  les  Chenilles  noires  &  épineufes 
qui  font  il  communes  fur  Torde.  Je  les  trouvai 
pourvues  de  la  nouvelle  partie  ,  qui  me  parut 
relfembler  parfliitement  à  celle  que  les  deux 
premières  Chenilles  m'avoient  offerte  ,  &  qui 
fortoit  pareillement  de  l'intérieur  d'une  fente 
tranlverfe  ,  placée  fous  le  premier  annexai ,  à-peu- 
près  dans  le  milieu  de  l'intervaile  compris  en- 
tre la  lèvre  inférieure  &  la  première  paire  des 
jambes  écailleufes. 

Le  28  d'Août ,  je  répétai  Fobfervation  fur 
une  de  nos  Chenilles  noires  &  épineufes  de 
l'ortie  qui  approchoit  du  temps  de  la  métamor- 
phofe.  Mon  deifein  étoit  de  m'affurer  ,  Çi  la 
nouvelle  partie  feroit  encore  vifible  dans  cetts 


$4         0  B  S  E  R  P^  A  T'I  0  N  'S 

'circonftance.  Je  l'obrcrvai  très- nettement  a  h 
Vue  finiple  ;  &  lorfqiie  je  me  fus  muni  d'un  s 
loupe  ,  je  crus  appercevoir  à  rextrémité  fupé- 
heure  une  petite  cavité  ,  qui  relîembloit  aifez 
à  celle  qu'on  voit  foiivent  au  n'iilieu  de  Tem- 
pâtement  du  pied  dans  lés  jambes  mcmbra* 
ncufes  des  Chenilles  ,  ou  (î  l'on  veut ,  à  celle 
qu'on  voit  à  l'e.^trémité  des  cornes  du  Limaqon  -, 
quand  il  commence  à  les  retirer  dans  fon  in-^ 
térieur.  Cette  comparaifon  eft  même  très-exaclc  ; 
car  en  preifant  plus  fortement  la  Chenille ,  je 
fis  difparoitre  la  petite  cavité  jdont  je  parle  , 
&  je  fis  fortir  en  même  temps  Une  autre  por- 
tion de  la  nouvelle  partie  qui  s'étoit  tenue 
cachée  juiqu'alors.  J'obfervai  donc  à  ne  pou- 
voir m'y  méprendre  ,  que  la  C2\nté  dont  il 
s'agit  ,  ii'étoit  formée  que  par  la  portion  fupé» 
heure  du  manielou  charnu ,  retirée  dans  i'in^ 
térieur  de  celle  qui  la  précédoit ,  préciiément 
comme  on  robferve  dans  le  bout  des  cornes  diï 
Limae^on.  Cette  portioil  du  mamelon  que  j'avois 
forcée  à  paroltre  au  dehors ,  étoit  de  forme 
conique ,  &  fembloit  hériifée  de  petites  afpéri- 
tés.  La  nouvelle  partie  que  je  confidérois  5 
avoit  alors  toute  la  grandeur  à  laquelle  elle 
pouvoit  atteindre.  J'eus  beau  préiTer  davantage 
la  Chenille ,  je  ne  parvins  point  à  donner  plus 
d'étendue  à  la.  partie.  Je  l'ai  défignée  par  lai 


SVR    LIS   INSECTES.         9t 

tlifFcreiis  noms  de  bec ,  de  trompe  ou  de  ma- 
ineloii  charnu  :  tous  ces  noms  réveillent  alTez 
ridée  de  la  chofe  ,  quoiqu'ils  ne  la  repré Tentent 
pas  comme  je  le  voudrois.  Je  n'empioyerai  défor- 
mais que  le  dernier  ,  comme  le  moins  impropre. 
Le  mamelon  entier  me  parut  ainfi  compofé  as 
trois  parties  fort  diftindes.  La  première  qui  en 
€toit  comme  la  bafe  ,  étoit  la  plus  large  ou 
celle  dont  la  circonférence  avoit  le  plus  d'éten- 
due. Elle  tenoit  immédiatement  à  la  peau  de 
la  Chenille ,  &  la  peau  qui  la  revètoit  paroiffoit 
être  une  continuation  de  celle  du  ventre  ou 
plutôt  du  col.  La  féconde  pièce  étoit  bien  auffi 
longue  que  celle  qui  lui  fervoit  de  bafe  s  mais 
elle  avoit  moins  de  diamètre.  La  troifieme  ou 
la  plus  élevée ,  plus  effilée  encore  ,  fe  terminoit 
en  manière  de  pointe  mouife.  Ces  trois  pièces 
fembloicnt  conftruites  pour  s'emboîter  les  unes 
dans  les  autres  ,  &  l'on  appercevoit  l'endroit 
des    emboîtemens. 

J'appellai  le  microfcope  à  mon  fecours.  Il 
ne  changea  rien  à  la  forme  extérieure  du  ma- 
melon. Elle  continua  à  me  paroître  conique  , 
&  l'extrémité  ou  le  fommet  du  cône  me  fem- 
bla  aifez  effilé.  Miis  les  trois  pièces  que  la 
ioupc  m'avoit  montrées  ,  difparoiiîoient  prefqu'au 
iiticrofcope  5   le  mameiou  y  fembloit  plus  con- 


^ê         0  Ë  s  Ë  R  V  Â  T  ï  0  K  s 

tinii  8c  comme  formé  d'une  fciile  pièce.  S  oïl 
bout  fupérieur  offroit  de  petites  rides  ;  &  c'é- 
toient  appar-emment  ces  rides  ,  que  la  loupe 
ni'avoit  fait  appercevoir  ,  qui  m'avoient  paru 
de  petites  afpérités.  La  bafe  du  mamelon  étoic 
parfemde  de  points  noirs  ,  que  je  reconnus 
pour  de  très  -  petits  tubercules  fort  applatis. 
J'obfervai  même  un  poil  court  qui  partoit  de 
quelqucs-uïis.  Je  vis  de  ces  mêmes  tubercules 
femés  qà  &  là  fur  la  peau  des  environs. 

Je  pourfuivis  mes  recherches  fur  d'autres 
Efpeces  de  Chenilles  de  ]a  même  clalfe  ,  &  fur 
d'autres  dé  claiTes  différentes  :  on  en  trouvera 
ailleurs  les  réfultats.  Je  me  borne  a  dire  ici , 
que  plufieurs  de  ces  Efpeces  de  genres  &  de 
^laifes  très-diiférens  ,  fe  trouvèrent  pourvues 
de  la  nouvelle  partie ,  qui  dans  quelques-inies 
etoit  double,  [  P/.  ///,  Fig.  F.  m  m.]  &  dans 
d'autres  quadruple.  [  Fig.    VU ,  fn  m  m  m.  ] 

Je  ne  mis  pas  la  Chenille  de  cette  Obfer^ 
vation  à  autant  d'épreuves  que  je  l'aurois  fait 
il  j'en  avois  eu  plufieurs  de  fon  Efpcce.  Je  Vou- 
ius  la  ménager.  J'obfervai  pourtant  très-bieii 
fon  mamelon  ,  foit  à  la  vue  fimple  ,  foit  à  la 
loupe.  11  étoit  de  couleur  jaunâtre ,  &  reffem-^ 
jbloit  à  celui  de  la  Chenille  de  la   Chicorée. 

Lf. 


SUR   LES    IKSECTFS.         r} 

Le  28  a  Août ,  lelniyai  de  fervii*  à  ma  Che-^ 
niUe  des  feuilles  de  Chicorée  f =uvage.  Elle  vCf 
toucha  pas.  Elle  le  cachoit  fuuî:  ces  feuilles  5 
ce  qui  me  fit  juger  qu'elle  u'étoit  pas  éloignid 
du  terme  de  la  métamorphofe.  J'eus  foiu  de  ne 
pas  la  laiifer  manquer  de  terre  5  parce  que  J3 
préfumois  facilement  qu'elle  ctoi't  du  nombre 
des  Chenilles  qui  percent  la  terre  pour  s'y 
conftruire  une  Coque.  Tandis  qu'elle  étoit  en- 
core fur  la  ilirface  de  la  terre  ,  je  m'apperqus 
d'un  autre  trait  de  reiTemblance  de  cette  Che- 
nille avec  celle  de  la  Chicorée  :  elle  àvoit  une 
odeur  de  rofes  aiTez  forte  &  tres-agréable.  Il 
me  parut  remarquable  que  cette  odeur  ne  fé 
manifeftat  qu'à  l'approche  de  la  métamorphofe  1 
car  je  ne  l'avois  point  fentie  les  jours  précc-. 
dens. 

Au  reftc  ;  j'obfervai  fur  cette  Chenille  cette 
efpece  d'aiguillon  écaiilieux,  que  j'avois  obfervé 
dans  celle  de  la  Chicorée ,  &  que  j'avois  foup- 
<;onné  devoir  être  la  filière.  Je  m'aifurai  qu'il 
rétoit  en  eifet.  Ainli  ce  que  cette  filière  avoiti 
de  fingulier ,  c'étoit  fi  longueur  ,  &  la  maniera 
dont  elle  étoit  implantée  dans  la  lèvre  iiU 
férieure. 

Ma  Chenille    entra  en   terve  le    i9   d'Aoi\t>;' 
Tome  IL  Q    , 


98      onsERVATions 

Elle  s  y  conftruifit  une  Coque  de.  terre  &  de 
foie  ,  qui  iivoit  allez  de  coiiIj (lance  ,  &  de  figure 
femblable  à  celle  que  fe  conilruit  la  belle  Che- 
nille du  Bouillon  blanc.  Curieux  de  voir  la 
Chryfalide  ,  je  tirai  hors  de  terre  la  Coque  : 
je  l'ouvris  -,  mais  j'y  trouvai  encore  la  Chenille  : 
fa  couleur  étoit-  fort  altérée  ,  &  fon  corps  très- 
raccourci.  Je  la  renfermai  avec  fa  Coque  dans 
une  petite  boite  ,  que  je  couvris  d'une  plaque 
de  verre.  Au  bout  de  quelque  temps  ,  la  Che- 
nille fe  transforma  en  une  Chryialide  tout-à- 
fait  femblable  à  celle  de  la  Chenille  dé  la  Chi- 
corée. 

Tandis  que  je  maniois  la  Coque  de  notre 
Chenille  pour  en  obferver  mieux  la  conlfruc- 
tion  5  je  fus  bien  furpris  de  lui  trouver  la 
même  odeur  de  rofe  que  la  Chenille  m'avoit 
fait  fentir.  J'approchai  au  même  inftant  de 
mon  nez  la  Cryfalide  &  fa  dépouille  ;  mais  je 
ne  leur  trouvai  aucune  odeur.  L'agréable  odeur 
dont  je  parle  appartenoit  uniquement  à  la 
Coque.  Je  conjedurai  donc  avec  fondement  , 
qu'elle  étoit  due  à  •  la  foie  de  la  Chenille  ;  & 
fî  je  ne  l'avois  fenti  dans  la  Chenille  qu'à  l'ap- 
proche du  temps  de  la  métamôrphofe  ,  c'ed 
que  ce  temps  eft  celui  où  les  vailfeaux  à  foie 
font  les  plus  remplis  de  matière  foyeufe. 


SUR    LES    INSECTES.         $0 

J'ajouterai  pour  terminer  Phiftoire  de  mu 
Chenille  ,  que  le  Papillon  que  j'at^endois  périt 
foi?s  les  enveloppes  de  Chryfaiide- 

OBSERVATION     XL 

Sur  les  poils  en  forme  d^ épines  .des  Cbenilles 
noires  qui  vivent  en-  fociété  fur  l' Ortie  ,  ^ 
fur  la  manière  dont  ces  poils  font  logés  fous 
la  vieille  peau. 


L 


Zs  Naturaliftes  qui ,  avant  M.  de  Rè  AUMUR  ^ 
avoient  le  plus  obfervé  les  mues  dès  Chenilles  5 
n'avoient  point  eu,  comme  lui,  la  curiolîté  de 
favoir  comment  les    poils  de  la  nouvelle  peaiï 
étoient  difoofcs  fous  celle  que  rinfedle   va   re-i 
jetter.    Après    ^'ètre    convaincu    par  des    expé- 
riences   du'ectes  ,    que    les    nouvelles    jambc^ 
étcient  logées  dans  celles  de  la  dépouille  comm^ 
dans  autant  de  Fourreaux  5  il  étoit  allez  naturel 
de  ibupqonner ,  qu'il  en  étoit  de  même  des  poils ,; 
car  la  9meiiQ  des  poils  n'étoit  point  une  raifon 
de  rejetter  cette  conjec1:ure.  La  nature  travaille 
aulh  en  petit  qu'elle  veut ,    &  l'on    cormoilîbit 
da:is  les  Chenilles  des  parties  auiîî  déliées  quç 
les  poils ,  qui  n'en  étcient  pas  moins  emboîtées 
dans   celles    qui   leur   reilcmbloient  t  tels  font 

G  2 


îoo       OBSERVATIONS 

les  ongles  des  pieds  ,  dont  la  finelTe  égale  celle 
des  cheveux.  Il  convenoit  donc  de  tenter  auili 
des  expériences  dii-edcs,  pour  s'alTurer  de  îa 
manière  dont  la  Nature  opéroit  à  Tégard  des 
poils.  M.  de  Reau?.iur  ,  qui  avoit  fu  penfer 
à  ces  expériences  ,  nous  avoit  appris  ,  que  ce 
qu'il  étoit  11  naturel  de  foupco'nner ,  n'étoit 
point  ce  que  la  Nature  pratiquoit  ici.  Il  s'étoit 
aifurc  au  moyen  de  la  ttiiredion ,  que  les  poils 
de  la  nouvelle  peau  n'étoicnt  point  logés  dans 
ceux  de  l'ancienne  3  mais  qu'ils  étoient  rafTem- 
blés  par  paquets  entre  les  deux  peaux.  On  peut 
voir  le  détail  de  ces  Obfervations  dans  le  Mé- 
moire IV  du  Tome  I  de  fbn  Hiiloire  des  Infedes. 

J'avois  répété  nioi-mèm.e  ces  obfervations 
de  M.  de  Reaumur  ;  j'avois  auili  dilTéqué  des 
Chenilles  peu  de  temps  avant  la  mue  ;  j'avois 
vu  les  mêmes  cliofes  que  ce  grand  Obferva- 
teur.  Mais  ,  étant  venu  à  conlidérer  les  poils 
en  forme  d'épine ,  dont  les  anneaux  des  Che- 
nilles de  l'ortie  font  garnis ,  je  me  fentis  porté 
à  conjedurer,  qu'il  n'en  étoit  pas  de  ces  poils 
il  gros,  fi  courts  ,  Ci  pointus  &.  à -peu -près 
écailleux  (^) ,  comme  de  ces  poils  ordinaires , 
&   qu'au   lieu    d'être    couchés    entre   les    deux 

(*)  Voyez  la  fi^rure  île  ces  foils,  PI.  II,  Fig.  7  du  Tome  I, 

de&  Mm.  fur  les  Inf, 


SUR    LES   INSECTES,         lOi 

p^aiix  5  ils  étoient  emboîtés  dans  les,  anciens 
qui  leur  fervoieat  d'eLiû.  J'ayois  donc  un  fecret 
penchant  à  croire ,  Cjue  fi  je  coiipois  avec  des 
cifeaux  les  poils  de  ia  vieille  peau,  jp  couperois 
en  même  temps  ceux  de  la  nouvelle.  Pour  nVaf- 
furer  de  la  vérité  ou  de  la  fauireté  de  mon 
fcupçon  3  je  recourus  au  moyen  que  je  vieris 
d'indiquer.  (^)  Je  coupai  les  poils  du  deiTus  du 
corps  à  un  certain  nombre  de  nos  Chenilles 
dç  l'ortie  j  alTez  peu  de  temps  ayant  la  der- 
nière mue.  J'obfervai  en  faiiant  cette  opéra- 
tion ,  que  lorfque  je  coupois  un  poil  auiîi 
près  de  iii  bafe  qu'il  m'étoit  poijible  ,  il  for- 
toit  de  la  coupe  une  liqueur  lim_pide  &  ver- 
dàtre  ;  &  j'obfervois  en  même  temps  que  la 
Chenille  paroiUbit  fouffrir.  Mais  ce  qui  étoit 
bien  propre  à  me  confirmer  le  foupqon  que 
j'avois  conçu  j  c'eft  qu'immédiatement  après 
pQpération  ,  je  voyois  s'élever  au  -  delFus  do. 
la  petite  plaie  une  partie  charnue  qui  ref- 
fembloit  beaucoup  à  un  de  nos  poils  épineux, 
tels  qu'ils  Te  montrent  à  l'Obfervateur  dans  les 
premiers  inftans  qui  fuivent  la  rejeiftion  de  la 
dépouille.  Cependant  ,  je  ne  pouvois  compren-, 
dve  5  comment  en  fuppofant  les  poils  de  la 
nouvelle  peau  logés  dans  ceux  de  l'ancienne, 
je  n'avois  pas,  coupé  ceux-lbk  en  coupant   ceu:  ^ 

(*j  Eu  AjiK  1732- 

G  3. 


to%       OBSERVATIONS 

ci.  Je  fus  réduit  a  imaginer  que  les  nouveaux 
poils  étoient  plies  &  contournés  près  de  la  bafe 
des  anciens  en  maniera  de  vis  ou  de  tire- 
Tboiirre  ,  &  qu'i's  n'attendoient  pour  fe  déployer 
que  d'être  dégagés  de  leur  étui. 

Eîs^FiN  ,  dès  que  la  plus  diligente  de  m^es 
Chenilles  eût  rejette  fa  dé.oouuie  ,  je  fus  défa- 
bufé  de  mon  foupcon.  Elle  parut  à  mes  yeux 
parée  de  poils  auili  longs ,  &  même  plus  longs 
que  ceux  de  la  dépouillco 

Quoique  cette  expérience  fût  bien  décifive, 
la   partie    charnue    que   j'avois  vu   s'élever  au- 
deiTus  de  la  plaie  ,  me  laiiîoit  toujours  quelque 
doute  dans  l'efprit,  que  je  fouhaitois  de  diiliper 
par  de  nouvelles  expériences.  Je  me  mis  donc 
à  tondre  d'autres  Chenilles  de  la  même  Efpece , 
dont  la  mue  n'étoit  pas  éloignée.  Je  remarquai, 
qiie  tontes  fe  donnoient  pendant  &  après  l'o- 
pération  des  mouvemens   violens  ,   qui  paroif- 
fbient    contribuer    beaucoup   à    faire  ilûllir    au 
dehors  de  la  partie    charnue  dont  j'ai  parlé.  Il 
fcmbloit,  que  de  nouveaux  poils  pri/lent  à  l'inf- 
tant   la    place  de    ceux   que   je  mutilois.  J'eus 
lieu     penfer   que    l'opération    que    j'avois    fait 
fnbir  à  mes  Chenillt^s ,  leur  avoit  été  funefbei 
car  il  nV  en  eut  qu'une  ou  deux  qui  parvin- 
rent à  fe  dépoiûlier. 


SUR    LES    INSECTES.      Ï03 

J'aurois  pu  décider  la  quefiiio'ii  qui  m'oc- 
cupoit ,  en  recourant  au  moyen  que  M.  de 
Reaumur  avoit  fî  heureufement  pratiqué  iiir 
d'autres  Eipeces  de  Chenilles,  &  que  je  n'avois 
pas  pratiqué  moi-même  moins  heureufement 5 
je  veux  dire ,  que  je  n'aurois  eu  qu'à  dliFéquer 
quelques-unes  de  nos  Chenilles  épineufes  ,  un 
jour  ou  deux  avant  la  mue.  J'aurois  vu  fî  les  nou- 
veaux poils  étcie.it  couchés  entre  les  deux  peaux. 
Je  ne  faurois  dire  pourquoi  je  ne  tentai  pas 
cette  expérience  5  qui  étoit  d'ailleurs  il  déciiive. 
J'invite  donc  les  Obfervateurs  à  réparer  mon 
omiflîon.  Quelque  petit  que  ce  fujet  paroiile , 
il  ne  laiile  pas  de  préfenter  des  côtés  intérellans. 
On  peut  en  juger  par  ce  que  je  viens  d'en 
rapporter. 

Une  autre  chofe  qui  ne  contribuoit  pas  peu 
à  nourrir  mon  foupcon  fur  la  manière  dont  les 
nouveaux  poils  font  difpdfés  fous  la  vieille 
peau  j  c'étoit  ce  que  j'avois  obfervé  pendant  la. 
transformation  de  nos  Chenilles  épineufes  eu 
Chryfalides.  J'avois  fuivi  avec  foin  cette  trans- 
formation ,  &  voici  une  particularité  que  je 
trouve  là-deiTus  dans  mon  Journal  qui  a  bien 
du  rapport  au  fujet  que  je  traite  ici. 

Il  faut  favoir  que  la  Chryfalide  de  la  Che- 

G  4 


t04       OBSERVATIONS 

Bille  dont  il  s'arHt ,  cH  angulaire ,  &  qu'elle  a,' 
fur  le  dos  des  efpcces  de  piquans  (^).  Il  faut 
iavoir  encore ,  que  c'eft  la  partie  poftérieure  de 
3a  Chrylalide  qui  fe  dégage  la  première  du.  four- 
reau de  Chenille  :  el'e  n'en  fort  pourtant  pas  j 
ïiiais  elle  s'avance  vers  la  tète  de  la  dépouille. 
La  partie  antérieure  de  la  Ch'yfalide  devient 
ninfi  plus  groife  ,  &  agit  avec  plus  de  force 
contre  la  dépouille  ,  qu'elle  tend  a  ouvrir  au- 
dcillis  du  dos.  Tandis  que  j'avois  les  yeux  fixés 
fur  la  Chryfalide ,  loriqu'elle  commenqoit  à^|dé-. 
gager  fa  partie  polférieure  de  dedans  celle  de  la 
dépouille ,  je  voyois  les  poils  épineux  de  celle-ci 
le  donner  des  vibrations  très-feiifiblcs.  î:s  font 
pourtant  toujours  immobiles  fur  la  Chenille.  Je 
iie  tardai  ras  à  découvrir  la  caufe  de  ces  vibrq-, 
tions.  Je  reconnus  que  les  piquans  de  la  Chry- 
faiide  étoient  emboîtés  dans  les  poils  de  la  dé- 
pouille. Je  m'en  afîurai  en  enlevant  avec  les- 
doigts  quelques-uns  des  poils  de  la  dépouille 
correfpondans  aux  piquans  de  la  Chryfilide. 
J-avois  d'autant  moins  de  peine  à  y  réuiîir, 
que  dans  cette  circonftance  ,  les  poils  paroiifent 
terir  très-peu  à  la  dépoui'le.  A  mefure  que  j'en- 
}evots  ainfî  un  poil  ,  je  voyois  ibrtir  de  fon 
Intérieur  une   partie    charnue  fort    apparente , 

Ç)  Ccnfolt.z  les  Ç^ig.    Il  ,  12,   15  ,  de    la   PI.  XX,V   du, 
T-oirfe  I  des  Mémoires  A^  M»  de  Reaumuh. 


SUR  LES   INSECTES.        lof 

qur  Te  retiroit  auffi-tôt  vers  le  corps  de  la  Chry- 
fiiiide  ^  &  que  je  ne  pou  vois  méconnoitre  pour 
un  de  fes  piquans.  Je  '  iVobrervois  point  la 
niéme  choie  quand  j'enîevois  les  poils  placés 
fur  les  cotés  de  la  dépouille  :  il  ne  fortoit  rien 
de  leur  intérieur  :  c'elt  que  la  Chryfalide  n'avoit 
point  de  piquans  fur  les  cotés.  On  voit  donc  à 
pré  lent ,  pourquoi  les  poi's  de  la  dépouille  qui 
renfcrmoient  les  piquans  de  la  Chryfalide ,  fe 
dpnnoient  des^  vibrations  alternatives  pendant 
la  transformation.  Ces  mouvemens  étoient  oc- 
cadonés  par  les  eiibrts  que  faifoit  la  Chryfa- 
lide pour  défengrainer  fes  piquans. 

L'ortie  nourrit  une  autre  Efpece  de  Che- 
nille épineufe  (*) ,  iur  laquelle  je  tentai  en  Mai 
1740  5  la  même  expérience  que  j'avois  tentée 
l'année  précédente  fur  les  Chenilles  de  l'autre 
Efpece  :  mais  toutes  celles  auxquelles  j'avois 
coupé  les  poils  avant  la  mue  ne  parvinrent 
point  à  fe  défùre  de  leur  vieilli  peau.  Il  paroit 
donc  que  les  poils  en  forme  d'épines  font  d'une 
nature  très  -  différente  de  celle  des  poils  ordi- 
naires ,  &  que  leur  retranchement  intérelTe  plus 
ou  moins  la  vie  de  Plnfede. 

(*)  Elle  cft  repréfentée ,  PI.  XXVI ,  Fig.  I  du  Tome  I  des 
Mémoires  de  M.  Ue  Rlaumu^l. 


Jo^       0  B  s  E  K  VA  T  I  0  N  S 

OBSERVATION     XII. 

Sur  le  temps  où  la  dorure  de  certaines  Chryfa^, 
iides  commence  à  àifparoître. 


N  {.\\t  que  c'efl:  à  la  belle  couleur  d'or  à^ 
certaines  Chryfaîides ,  que  toutes  les  Chryfalides 
ont  dii  leur  nom.  Les  Chryfalides  de  nos  Che- 
nilles noires  &  épineufes  de  l'ortie  font  au  nom- 
bre de  ces  Chryfalides  fî  richement  vêtues.  Il 
a  voit  été  réfervé  à  M.  de  Reaumur  de  nous 
découvrir  l'art  fecret  que  la  Nature  emploie 
pour  opérer  à  peu  de  fraix  cette  brillante  déco- 
ration, li  a  prouvé ,  qu'il  n'entre  pas  la  plus 
petite  parcelle  d'or  dans  cette  dorure ,  &  qu'elle 
eft  due  -uniquement  à  une  pratique  analogue*  à 
celle  dont  nos  ouvriers  font  ufage  dans  la  fabri- 
que des  cuirs  dorés.  Une  membrane  mince, 
tranfparente  &  légèrement  colorée ,  appliquée 
immédiatement  fur  une  fubftance  d'un  blanc 
brillant,  fuffit  dan^'les  mains  de  la  Nature  pour 
produire  une  dorure  fort  fupérieure  à  celle  de 
nos  plus  beaux  cuirs  dorés  (*).  L'illuilire  Ob- 
fervateur,  qui  nous  a  dévoilé  ce  petit  myftere, 
n'avoit  pas  fuivi  la  Chryfalide  jufqu'au  moment 

C)    Coriiultez  ic    Mém.  X  du  Tome  I  de   Vllipire  des, 

Infeclcs. 


SUR    LES   INSECTES.        107 

uu  le  Papillon  fe  dégage  de  fes  enveloppes.  Il 
n'civoit  donc  pu  s'allurer  du  temps  où  la  do- 
rure de  la  Chryfi<Ji:1e  commence  à  dirparokre. 
''  Je  n'ai  pourtant  pas  obfervé ,  dit-il  (^0  5  ii  ce 
53  n'eft  précilëment  que  dans  Pinitant  que  le 
3j  Papillon  fort,  que  la  dorure  difparok ,  ou  li 
55  ce  n'eft  point  quelques  inftans  auparavant; 
5^  car  le  hafard  n'a  pas  voulu  que  j'en  aie  faifi 
„  dans  le  moment  de  la  fortie  de  ceux  qui 
33  avoient  été  emmaillotés  fous  des  enveloppes 
35  dorées  ',  mais  il  y  a  grande  apparence  que 
33  c'eil:  alors  préciféiuent  que  la  dorure  difpâroit.  „ 

J'avois  fuivi  en  Août  1739,  avec  la  plus 
grande  alnduité  ,  tout  ce  qui  fe  palfe  avaiit , 
pendant  &  après  la  transformation  de  nos  Che- 
nilles- de  Portie  en  Chryfalidesj  &  j'avois  eu  le 
p-aiiir  d'obferver  la  plupart  des  faits  par  lef- 
quels,  l'Hiftorien  de  la  Nature  a  voit  cherché  à 
intéreifer  la  curiofité  de  fes  Ledteurs.  MrJs  en 
le  lifant ,  je  n'avois  pu  un  inftant  adopter  fa 
pcnTee  fur  le  temps  où  la  dorure  de  la  Chiyfa-, 
lide  difpâroit.  Elle  me  fembloit  trop  contraire 
à  tout  ce  que  j'avois  moi-même  obfervé  fur 
d^autres  Efpeces  de  Chryialides  non  dorées. 
J'avuîs  toujours  vu  que  leurs  couleurs  corn-- 
mciicoient  à   s^iitérer  quelque  temps   avant  Id, 

C)  Ibid.  png.  459. 


ÎC8       OBSERVATIONS 

transformation  en  Papillon ,  &  que  cette  aitéra--^ 
tion  éioit  même  un  des  fignes  les  plus  certains 
d'une  transfornirition  prochaine.  En  continuant 
de  fuivrc  les  Chryfalides  des  Chenilles  noires 
de  Tortie,  je  m'ufTurai  que  je  ne  m'étois  point 
trompe  en  railonnant  ici  par  analogie.  Environ 
deux  jours  avant  le  temps  où  deux  Chryfalides 
de  cette  Efpece  dévoient  fe  transformer  en  Pa- 
pillons ,  j'obfervai  qu'elles  avoient  changé  de 
couleur.  Elles  s'étoient  rembrunies,  &  ce  qui 
étoit  plus  décifif  encpre ,  une  partie  de  leur 
belle  dorure  avoir  difparu.  Le  jour  fuivant,  les 
altérations  des  teintes  devinrent  plus  confîdé- 
rables  ,  &  on  commencoit  à  appercevoir  fur  les 
deux  plaques  des  ailes  deux  taches  brunes  en 
forme  d'yeux.  Je  n'eus  pas  de  peine  à  deviner 
ce  qu'étoient  ces  taches  :  il  étoit  aifez  évident , 
qu'elles  étoient  celles  qui  dévoient  parer  bien- 
tôt les  ailes  du  Papillon  &  qui  percoient  à  tra- 
ders la  peau  demi-tranfparente  de  ChryfaHde, 
Enfin  ,  pîufieurs  heures  avant  la  fortie  du  Pa- 
pillon ,  il  lie  reftoit  plus  aucun  velHge  de 
dorure  fur  l'enveloppe  de  Chryfalidco 


SUR  LÈS  în SE  crus,     i^^ 

OBSERVATION     XIÎI. 

Sttr  les  pironeUemens  qii^exéciite  la  Chryfalide  de 
la  Cheiiille  noire  &  épineiife  de  P  Ortie  pour 
faire  tomber  fa  dépouille. 


L 


S  s  Chenilles  dont  j'ai  fait  mention  dans  les 
deux  Obfervations  précédentes ,  ne  font  pas  de 
celles  qui  fe  conftruifent  des  Coques  pour  s'y 
métamorphof:r  en  Chiyfalides.  Elles  fe  fufpen- 
dent  alors  par  le  derrière ,  au  moyen  d'une  mon-^ 
ticule  de  Ibie  qu'elles  filent  fur  quelque  appui , 
&  dans  laquelle  elles  cramponnent  leurs  dernières 
jambes.  L'Infecte  eft  donc  ainfi  iufpendu  eu 
Pair  5  la  tête  en-bas.  Cette  fituation  finguliere 
préfente  à  l'Obfervateur  des  fcenes  intérciîàntes, 
<&  qui  lui  donnent  des  momens  d'inquiétude. 
La  Chryfalide  cachée  feus  la  peau  de  Chenille , 
doit  bientôt  fendre  cette  peau  au-deifus  du  dos, 
pour  s'en  dégager.  Mais ,  elle  n'eft  retenue  à  îa 
monticule  de  foie  que  par  les  dernières  jambes 
de  Chenille:  comment  donc  demeurera- t-elie 
fufpendue  en  l'air ,  lorfqu'elle  aura  achevé  de 
fe  dépouiller?  Comment  ne  tombera-t-elle  point 
à  terre  ?  On  fait  aifez  que  la  ChryfaHde  ]i'a  ni 
bras  ni  jambes ,  qu'elle  eft  un  Papillon  Ç\  bien 
emmailloté ,  qu'il  ne  peut  faire  aucun  ufage  de 


iio       0  B  s  E  R  V  A  T  I  0  R  S 

les  hieml>rcs.  La  Chryfalide  ne  prcfeiite  qu'une 
petite  mailè  conique  ,  aiiez  lourde  en  apparence  ^ 
8c  dont  Ton  n'attend  pas  des  tours  d'adreife.  Son 
derrière  ib  termnie  en  pointe ,  &  il  eil  garni  de 
petits  crochets  trts-propres,  à  la  vérité ,  à  le  cram- 
ponner dans  les  fils  de  Ibie.  Mai^   encore  une 
fois  ,  commeiit  la  Chryfiilide  ,  entièrement  déga- 
gée de  fa  dépouille  ,  le  Ibutiendra-t-elle  en  Pair  & 
ira-t-elle  s'attacher  par  fon  derrière  à  la  même 
place  qu'occupoirt  la  Chenille  ?  M.  de  Reaumur  , 
qui  pénétroit  avec  tant  de  liigacité  les  manœu- 
vres les  plus  feeretes  des  ïiiiécT:es  ,  &  qui  ré- 
pandoit  tant  d'intérêt  dans  le  récit  de  ces  ma- 
nœuvrcs ,  nous  a  appris  leS  tours  d'adreiîe^  que 
notre  Chryfilide  met  en  œuvre  dans  cette  cir- 
coiîfrance  fi  critique  pour  elle.  Qiiand  la  Chry- 
falide fort  de  fa  dépouille,  elle  cit  très -molle 
encore  i  (es  aniieaux  ont  beaucoup  de  foupleiTe, 
cSc    jouent    facilement  les    uns    fur  les  autres. 
Tandis  qu'avec  deux  de  fes  anneaux  elle  (àiijt 
une  portion  de  la  dépouille  &  s'y  cramponne , 
elle  iaiiit  avec  les   deux  anneaux   qui  fuivcnt 
une    portion   plus  élevée   de   la   dépouille  :  elle 
fait  lâcher  priié  aLilîi-iùt  aux  deux  premiers  s 
&  la  voilà  élevée  le  long  de  la  dépouille  d\iu 
petit   cran.  En  repétant  la   même  manœuvre  , 
elle  s'élève  d'un  iecond  cran.  Elle  atteint  eniin 
du  bout  de  fon  derrière  à  la  monticule  de  foie  , 


SVR    LES   INSECTES.      m 

&  y  engage  fortement  fes  crochets.  Elle  e(l 
maintenant  en  ftireté ,  &  n'a  plus  à  craindre 
de  chute  pédlieiire.  Elle  va  mcme  exécuter  une 
autre  manœuvre ,  qui  fuppofe  qu'elle  tient  bien 
fortement  à  la  petite  touffe  de  foie.  La  dé- 
pouille y  eft  encore  accrocliée ,  &  la  Chryfalide 
ne  fauroit  la  foufirir  fî  près  d'elle.  Elle  veut  fe 
débarraifer  de  ce  voifinage  incontmode ,  &  elle 
va  travailler  à  détacher  cette  dépouille.  Mais, 
je  dois  laiifer  parler  celui  de  qui  nous  tenons 
cette  curiéufe  hiftoire. 

"  Ce   n'efl:   pas    afTez  ^   dit  -  il    (  *  )  ,    pour 

53  notre  Chryfalide ,  de  s'être  tirée   de  la  peau 

„  de  Chenille,  elle   ne  veut  pas  *fouffrir  cette 

33  peau   auprès  d'elle  ,  elle  ne  s'eft  pas   plutôt 

55  accrochée ,  qu'elle  travaille  à  la  faire  tomber. 

^5  La  méchanique  qu'elle  y  emploie  a  encore  fa 

53  (ingulariùé  -,  elle  courbe  la  partie   qui  eR  au- 

53  deiToLis  de  fa  queue  en  portion  d'*S',  de  ma- 

55  niere  que  cette  partie  peut  embrafîer  &  faifir 

55  en    quelque  forte  le   paquet   fur   lequel  elle 

33  s'applique.  Alors  elle  fe   donife  une  fecoulfe 

55  qui  fait  faire  à  tout  fon  corps  une  vingtaine 

35  de  tours  de  pirouette  fur  fa  queue ,  &  cela 

55  avec  une  grande   viteife  :  pendant  tous    ces 

O  Mém,  fur  les  Inf,  {t.  I ,  psg.  434- 


•ÎÎ2       0  B  S  E  R  V  Â  T  î  Ô  N  S 

,3  tours  elle  agit  contre  ia  peau ,  les  crochets 
33  des  jambes  tiraillent  les  fils  ,  les  cafTent  ou  s'eiî 
35  dégagent  j  les  crochets  des  jambes  de  la  dé- 
53  pouille  font  plus  éloigi>;js  du  centre  du  pirouct-^ 
53  tement,  que  ne  le  font  les  crochets  de  lar 
53  queue  de  la  Chrylalidej  ainfi  les  fiîs  auxquels 
53  tiennent  les  premiers  crochets  ,  font  bien  plus 
53  tiraillés  que  ceux  auxquels  tiennent  les  fe- 
53  conds.  Si  les  premiers  pirouettcmens  n'ont 
53  pas  détaché  la  dépouille  ,  la  Chryfalide ,  aprcs 
33  s'être  tenue  un  inftant  en  repos  ,  recommence 
53  à  pirouetter  dans  un  fcns  contraire  ;  contc- 
33  nant  toujours  la  dépouille  dans  Pefpace  au- 
33  ,tour  duquel  elle  circule.  Il  eft  alfez  ordinaire 
33  que  la  dépouille  tombe  après  les  féconds 
33  pirouettemens  j  la  Chryfalide  eft  pourtant 
33  quelquefois  obligée  de  recommencer  à  pi- 
33  rouetter  quatre  à  cinq  fois  de  fuite.  Enfin 
33  j'ai  vu  quelquefois  la  peau  de  Chenille  fi  bien 
33  accrochée ,  que  la  Chryfalide  ,  après  s'être 
33  laifée  inutilement  pour  la  faire  tomber ,  dé- 
33  fefpéroit  d'y  pouvoir  parvenir ,  elle  prenoit 
33  le  parti  de  la  laiiTer  en  une  place  où  elle  étoit 
33  trop  cramponnée.  3, 

Le    defir  de  faire  admirer   les  procédés  hx- 
duilrieux  des  Infedes  à  ceux  même  qui  favent 
le  moins  admirer  ,  a  quelquefois  porté  leur  cé- 
lèbre 


SUR   LES  ÎNSECTÎ:S        té 


t 


fsbre  Hiftorieii  à  leur  prêter  des  vues  ,  8c  preC 
«jue  liiie  intelligence ,  qu'ils  ne  (auroient  avoir. 
Ceft  ce  qu'il  fait  ici  à  l'égard  de  notre  Chry« 
falide  ,  &  ce  que  je  ne  foifois  poiiit  lorfque  je 
revoyois  après  lui  la  petite  manœuvre  dont  it 
s'agit.  Qii'on  fe  rappelle  ,  que  la  dépouille  eft 
garnie  de  piquants  allez  durs  &  très-aigus  y  que 
l'on  veuille  bien  confidérer  encore ,  que  dans  le 
temps  qui  fuit  la  réjeclion  de  la  dépouille  ,  la 
peau  de  la  Chryfalide  eft  très-m.olle  ,  très-déli- 
cate ,  &  très-fènfîble  5  &  l'on  comprendra  fasi- 
iemenc ,  qu'cile  ne  piroiiette  que  pour  fe  foui- 
traire  aux  pièottemens  continuels  dé  la  dé-^ 
pouille.  Ses  pirouettemens  n'ont  donc  pas  pro- 
prement un  but  I  ils  ne  tendent  pas  à  décram-i 
ponner  la  dépouille  :  mais  ils  décramponnent' 
la  dépouille  ,  parce  que  la  Chryfalide  la  heurte 
en  pirouettant  ;  &  elle  pirouette ,  parce  que  la 
dépouille  la  bleife  ou  l'irrice,  La  Chrylalide  ne 
cherche  pas  à  contenir  la,  dépouille  dans  PeCpacQ 
autour  duquel  elle  circule  j  mais  elle  y  eft  con- 
tenue par  une  fuite  naturelle  de  la  manière  dené 
elle  eft  fufpendue ,  &  dont  la  Chryuilide  tourne 
fur  elle-même.  Je  ne  puis  m'emoêcher  de  tranf- 
crire  ici  mot  à  mot  ce  que  je  lis  là-deiTus  dans 
mon  Journal  de  1739  ,  à  la  fuite  de  mes  pro- 
près  Obfervations  fur  la  Chryfalide  dont  il  efî 
queftion. 

Tome  IL  ÎJ 


Jî4       OBSERVATIONS 

Par  rapport:  aux  pirotiettenieyis  de  la  Chryfà-^ 
liàe  s  dijois-je  ,  qui  tendent  à  faire  tomber  la  peau 
de  Chenille  ,  ]e  crois ,  que  ce  n'eji  pas  tant  une 
adrejfe  de  la  Chryfalide  ,  que  l'effet  que  prodiii- 
ftnt  Jîir  la  peau  les  poils  piquans  ^  aigus  de  la 
dépouille.  Dans  ces  premiers  momens ,  la  peau 
tendre  de  la  Chryjalide  eji  blejjce  par  ces  poils  ^ 
ce  qui  force  la  Chryfalide  à  tourner  autortr  de 
la  dépouille  pour  en  éviter  les  frottemens.  Aujfî 
voyons-nous  que  d^ abord  Cjue  la  Chryfalide  a  pris 
tin  certain  degré  de  confftance  ^  qui  la  met  à 
Pabri  des  frottemens  ^  des  piquures ,  elle  cèjfe 
de  s\igiter. 

Depuis  que  j'ai  tranfcrit  ceci  de  mon  Jour- 
nal, j'ai  affifté  au  dépouiilemeiit  de  deux  Chry* 
lalides  de  nos  Chenilles  épineuft^s  de  l'ortie, 
de  l'Efpece  ^e  celle  qui  eft  repréientée  PL  II, 
Fîg.  4 ,  du  Tome  I  des  Mémoires  de  M.  de 
REAUMUk  fur  les  Infedes.  Une  de  ces  Chryfa- 
iides  venoit  de  fe  dépouiller  ,  &  elle  commen- 
(;oit  à  fe  donner  des  contorfions  de  tout  le 
corps ,  qui  fembloient  tendre  à  faire  tomber  la 
dépouille.  Mais  cette  dépouille  fe  trouvoit  fuf- 
pendue  par  hafard  à  un  fil  de  foie  très-délié  & 
prefqu'invifible  ,  d'environ  trois  hgncs  de  lon- 
gueur,  qui  tenoit  à  la  monticule  de  foie ,  &  qui, 
dans  doute ,  en  a  Voit  été  détaché.  Tandis  que  la 


SUR    L  ES    INS  ÈC  TES.     Uf 

ChryCiîide  contournoit  fa  partie  poftérieure  en. 
diiîerens  feus  ,  &  le  plus  fouvent  en  maniéré 
d\9,  qu'elle  paroiiToit  tourner  en  même  temps 
fur  elle-même  ,  fans  pirouetter  ncanm.oins  ,  je 
voyois  la  dépouille  courir  fur  la  Chrjfaîidè 
comme  une  Chenille  :  elle  alloit  &  Venoit,  mon- 
toit  &  defcendoit  ,  parcoiiroit  avec  viteiie  lé 
devant  &  le  derrière  de  la  CL^yfalide  fans  la- 
bandonner  jamiais.  L'illuiion  éroit  même  d'au- 
tant  plus  complette  à  une  certaine  diftance 
qu'on  n'appercevoit  point  le  fil  délié  qui  tenoit 
la  dépouille  fufpendue  ,  c^  qu'elle  préfentoit 
toutes  les^  parties  extérieures  d'une  Clienille 
épineufê  fort  raccourcie.  La  Chryfalide  a  eu 
beau  continuer  fes  contorfi  )ns  aufli  long-temps 
que  fon  état  de  foupleife  le  lui  a  permis ,  elle 
n'eft  point  parvenue  à  détacher  la  dépouille  i 
elle  étoit  trop  bien  fufpendue  :  mais  j'ajouterai 
que  la  Chryialide  n'a  jamais  pirouetté  3  &  q'd.u-i 
roit  été  bien  inutilement. 

L'autre  Chryfahde  venoit  de  fe  remonter 
fur  la  dépouille  ,  &  d'accrocher  fa  queue  à  la 
monticule  de  foie ,  lorfque  la  dépouille  eit  tom- 
bée comme  d'elle  -  mèmeo  Cependant ,  j'ai  vu 
avec  furprife  la  Chryialide  continuer ,  pendant 
un  temps  alfez  long  ,  à  fe  donner  des  mouve- 
mens    d'ondulation    précifément    femblabies    h 

H  :? 


ïi^       OBSERVATIONS 

ceux  de  la  Chryralide  précédente  ,  &  qu'eîi«^ 
exécutoit ,  comme  el]e ,  avec  une  grande  fou- 
plelfe  &  une  agilité  mcrveilleufe.  J'ai  cru  re-^ 
connoître  ,  que  ces  mouvemens  tortueux  ten- 
doient  à  faire  pénétrer  les  petits  crochets  de  fa 
queue  dans  les  mailles  de  la  monticule  de  foie. 
Ainfî,  quoique  notre  illuftre  Hiftorien  des  In- 
fectes ait  fi  bien  obfervé  les  manœuvres  adroi- 
tes de  ces  Chryfalides  ,  &  que  je  les  aie  beau- 
coup obfervées  après  lui ,  elles  méritent  encore 
de  l'être  5  &  très -probablement,  nous  n'avons 
pas  vu  tout  ce  qu'elles  ont  à  offrir  d'intérelfant. 
On  pourroit  même  tenter  des  expériences ,  qui 
€u  plaçant  ces  Chryfalides  dans  des  circonf- 
tances  où  la  Nature  ne  les  place  pas  ,  donne- 
xoient  lieu  à  des  procédés  que  nous  ne  devi- 
lîbns  point.  On  ne  fauroit  imaginer  trop  de 
moyens  pour  déterminer .  les  Inièdles  à  varier 
leurs  manœuvres  :  c'eft  la  manière  la  plus  fûre 
de  juger  de  la  portée  de  leur  inftinâ:. 

Au  refte ,  j'ai  obfervé  que  nos  Chenilles  épi- 
ai eu  fes  ne  lailfent  pas  de  fe  transformer  en 
Chrylalides  ,  lors  même  qu'elles  ne  peuvent  fe 
fufpendre  :  mais  apparemment  qu'il  en  périroit 
un  grand  nombre  ,  û  elles  n'avoient  pas  été  in{l 
truites  à  fe  fufpendre.  C'eft  encore  ici  une  de 
ces  chofes  qui  mériteroit  d'être  plus  approfoit. 


SUR    LES    INSECTES,        jty 

^ie  par  de  nouvelles  expériences  :  car  il  feroit 
bon  de  s'aiî'urer  juCqu'à  quel  point  les  procédés 
de  chaque  Efpece  font  néceiiàires  à  fa  confer- 
vation. 

O  B  S  E  R  A^  A  T  I  O  N     XIV. 

Sur  une  Cbeinlle  qui  ^  cojinm  la  belle  du  Fenouil, 
porte  nne  corne  branchue  fur  fa  partie  antéy 
rieiire, 

\^  EST  une  {ingularité  bien  remarquable  que. 
celle  que  préfente  une  Chenille  qui  vit  fur  le 
Fenouil,  &  dont  M.  de  Reaumur  nous  a  donne 
une  defcription  exade  (^^.  Cette  Chenille ,  qui 
€fl;  alfez  belle  ,  porte  fur  fa  partie  antérieure 
une  corne  charnue  &  mobile  en  tout  iéns , 
formée  de  deux  branches  qui  s'implantent  dari:-^ 
une  tige  commune ,  &  qui  compofent  avec  cette 
tige  un  tout  dont  la  figure  imite  celle  d'un  T. 
Cette  corne  flnguliere  rclfemble  fort ,  par  ia. 
confiftance  &  par  fes  mouvcmcns ,  à  celles  du 
Limaçon.  La  Chenille  la  tient  ordiimirement  ca- 
chée fous  fa  peau  5  mais  elle  peut  l'en,  faire 
{ortir  quand  il  lui  plait.  Oii  peut  même  l'obliger 
à  la  montrer,  en  prelfant  un  peu  la  partie  au- 

C*)  Mém.  fur  les  Inf.  T.  ï,  pag.  4^2,  4<î? ,  &c. 

Hb 


'|i3       OBSERVATIONS 

térieure.  On  vo^t  alors  fortir  ruîie.ou  Fautr© 
des  deux  branches ,  &  fouvent  les  deux  bran-r 
ches  à  la  fois.  Si  l'on  pouile  plus  loin  la  pref- 
fion  ,  on  fera  fortir  encore  la  tige  commune» 
Cette  corne  û  lemarquable  ,  a  environ  demi- 
pouce  de  longueur:  les  brandies  paroiiTent  airez 
déliées  quand  elles  s'aîongent  le  plus.  Elle  fort; 
d'une  fente  tranlverfe  placée  dans  le  milieu  de 
la  partie  fupéricure  du  premier  anneau.  Cha- 
que branche  rentre  en  elle-même  comme  une 
corne  de  Limaqon ,  &  toutes  deux  rentrent 
dans  la  tige  dont  elles  i  artont.  Lorfque  je  pref^ 
fois,  cette  Chenille  près  de  fa  partie  antérieure, 
elle  dardoit  fa  corne  comme  fi  elle  eût  voulu 
s'en  fervir  pour  me  piquer  :  elle  la  dirigeoit  vers 
mes  doigts  ;  mais  el-e  la  retiroit  bien  vite  dans 
fon  intérieur  dès  que  je  ceifois  de  la  preifer.  Je 
remarquois  que  cette  corne  avoit  une  odeur  très- 
forte  de  Fenouil ,  que  le  corps  de  la  Chenille 
nie  fliifoit  auffi  fentir  ^  mais  moins  fortement. 

On  ignore  encore  les  ufages  de  cette  corne 
fourchue.  A  en  juger  par  fa  grandeur  ,  par  fa 
flexibilité  Se  par  fon  jeu  ,  elle  doit  en  avoir 
d'importans.  Entre  ces  uîages  cft  peut-être  celui 
de  chaiier  les  Mouches  iclmevrnones ,  qui  tente- 
roient  de  piquer  la  Chenille,  pour  introduire 
leurs  œufs  dans  fon  intérieur. 


SUR    LES    IN  SE  crus.        119 

Il  faudroît  elTayer  de  couper  cette  conie 
avec  des  cifeaux  :  on  s'airureroit  par-là  fi  elle 
peut  recroître ,  &  Ci  elie  importe  à  îa  vie  de 
Chenille  ou  à  celie  de  Chryraiide.  (i) 

M.  de  Reaumur  ne  connoUroit  apparem- 
ment qu'une  ieule  Eipece  de  Cheaiiie  à  coriies 
en  Y.  Dans  TEié  de  1737,  j'en  trouvai  une 
autre  Efpece  moins  grande  &  nioi;is  groire,  & 
dont  la  forme  &  l'attitude  me  frappèrent. -Elles 
donnoient  à  la  Chenille  de  Pair  d'une  Limace. 
La  partie  antérieure  étoit  fort  grolie ,  propor- 
tionnellement au  refte  du  corps ,  ik  la  partie 
pofténeure  étoit  très-efïiiée.  Cecte  Chenille ,  qui 
ne  reilembloic  ni  par  fa  grandeur  ,  ni  par  fcs 
couleurs ,  à  la  belle  du  Fenouil ,  avoit  pourtant 
comme  elle  une  corne  en  Y,  qui  m'offrit  les 
mêmes  chof:^  que  j'avois  obfervées  dans  la 
corne  de  cette  dernière. 


(l)  C'eft  ce  que  je  fis  le  K  d'Août  174?  ,  comme  je  le  vois  paï 
un  article  ik  mon  JonrnaL  La  Chenille  ,  fur  laquelle  je  ten- 
tai l'expe'rience  ,  étoit  parvenue  à  ion  parfait  accroiffsment.  Je 
coupai  la  corne  près  de  fa  bafe.  II  fortit  par  la  plaie  des  gout- 
tes d'uiie  liqueur  verdâtrc.  Le  jour  fuivisnt,  fur  les  cinq  heu- 
res du  matin,  elle  s'étoit  liée  pour  fe  transformer.  Le  17,  fur 
les  neuf  heures  du  matin  ,  la  Chryfalide  rejetta  fa  dépouille. 
Rien  ne  paroiiToit  lui  manquer,  &;  elle  donna  en  moins  t'''m 
mois  i.n  Papillon,  qui  paroifToit  très-com.plet.  J'avois  accéléré 
fa  fartic  ta  reiii-ei.'.i»ant  ia  Chrylalidj  dans  un-  étuve,- 

H  4 


%%0       OBSERVATIONS 

L'esi^ECE  dont,  il  s\;git ,  fe  rapprochoit  encorg, 
de  celle  du  Fenouil  par  irne  autre  particuiarité; 
clic  avoil;  la  mènis  od^ur ,  &  cette  odeur  étoit 
auîîi  plus  forte,  dans  la  corne  qu'ailleurs.  Il  efl 
probable  qu'elle  vit  pareiilemeut  fur  le  Fenouil 
&  fur  la  Carotte  fiiuvage. 

Ceti'Ç  Chenille ,  que  je  npmmerois  Chenille^ 
I^iniaçe  à-  corne  hranchue  ,  eft  d'un  jau'.ie  ver-^ 
dâtre  j  fur  lequel  font  femés  des  points  d'un, 
jaune  plus  vif,  mèlqs  de  traits  bruns.  Elle  e{^ 
ïafe  &  à  feize  jambes. 

J'ai  eu  à  la  fois  deux  de  ces  Chenilles ,  qui 
i;ôUtes  deux  étoient  parvenues  à  leur  parfait 
açcroiiTement.  Elles  fe  filèrent  une  ccmture  pour 
le  métamorphofer.  Leurs  Chryfalides  furent  an- 
gulaire? 5  &  Jeurs  couleurs  ne  diiféroient  pa^ 
"beaucoup  de  celles  de  la  Chenille.  Les  Papillons 
périrent  fous  Penveloppe  de  Chryfalide.  Ils  au- 
roient  été  probablei^ient  des  Papillons  à  queue, 

J'avois  déjà  écrit  ceci ,  lorfqu'en  parcourant 
une  de  mes  Lettres  à  M.  de  Reaumur  ,  j'y  ai 
1^  ce  qui  fuit, 

CeUe  Ifpece  de  Chenille  qui ,  comme  la  belle 
4u  Fenouil  i  porte   une  corne   charnue 'en  Y  fuif 


SUR    I^SS    INSECTES^        12% 

ift.  partie  antérieure  ,  if?  dont  fai  eu  ,  Afonjienr , 
rhonneiir  de  vous  parler  dans  une  de  tnes  Let^^, 
très  en  vous  envoyant  la  Chryfalide  ,  donne  bien 
fin  Papillon  à  q;(eue  femhiable  à  celui  qui  efl 
repréjenté  PL  II,  Fig.  3  &?  4  ,  du  Topie  I  de 
vos  Ménwires.  Deitx  Chenilles  ds  cette  nouvelle 
Efpece  ,  qui  s^étoient  transformées  en  Chryfalides 
le  9  d'AoUt ,  n'oyit  paru  fous  la  forme  de  Papil-, 
(on  ^  que  vers  la  mi- Juin  de  l' année  fuivante. 


g^o^^====:^_^      ,  i^Cl<^- 


OBSERVATION    XV. 

Efpeces  d.e  faux-figrnates  découverts  dans  queL 
ques  Chenilles. 


t 


£  s  Naturaliftes  ont  donné  le  nom  de  flig- 
mates  [PL  IV,  pig.  i.  j]  à  de  petites  ouvertu- 
res oblongues  mrorimées  en  creux  dans  la  peau 
des  Chenilles  ,  &  qui  fervent  à  introduire  Tair, 
dans  leur  intérieur.  Toutes  les  Chenilles  ont 
dix-huit  de  ces  bouches  ou  iti^mr.tes  ,  neuf  de 
chaque  côté  du  corps.  Ils  y  font  placés  un  peu 
au-deifus  de  la  ligne  des  jambes  (/).  Ordinai- 
rement ils  font  reconnoiiiabîes  par  leur  cou- 
leur ,  qui  ditfere  plus  ou  moins  de  celle  de  la 
peau.  La  forme"  &  la  Itruclure  de  ces  organes 
de  la  refpiration  offrent  une  multitude  de  par- 


122       OBSERVATIONS 

ticrJarites  intéreiTantes  que  je  ne  rappellerai  pas 
ici  (*).  J'ai  aduellemcnt  un  autre  objet  en  vue. 

Au  commencement  d'Août  1740,  tandis  que 
j'obfervois  la  grande  Chenille  nommée  Sphinx^  (|) 
j'apperqus  au-delîus  &  à  peu  de  diftance  de 
chaque  ftigmate  ,  un  petit  enfoncement,  qui 
avoit  tout-à-£tit  l'air  d'un  véritable  itigniate. 
Il  étoit  feulement  beaucoup  plus  petit,  [FI.  IV> 
Fi^.  J.  t.]  &  de  même  couleur  que  la  peau. 
Comme  les  vrais  ftigmites  il  étoit  oblong,  &  le 
grand  diamètre  de  l'ovale  perpendiculaire  à  la 
longueur  du  corps. 

Considérant  la  forme  ellyptique  &  la  po- 
fition  fi  régulière  de  ces  petits  enfoncemens; 
confidérant  encore  que  leur  nombre  étoit  pré-, 
cifément  le  même  que  celui  des  vrais  ftigmates  ; 
je  ne  pus  m'empècher  de  foupqonner  qu'ils 
étoient  des  parties  elfentielies  à  la  refpiratiou 
de  PInfede.  Je  connoillois  l'appareil  prodigieux 
des  organes  qui  fervent  à  introduire  l'air ,  8c  à 
ie  répandre  dems  tout  l'intérieur  des  Chenilles , 
Se  je  n'étois  point  étonné  de  l'accroiiTement  de 
cet  appareil  dans  la  fuppofition  allez  naturelle 

(*)  Confuîtcz  là-iîefius  le  Mém.  ÎII,  du  Tome  I  de  r-juvrage 
de  M.  de  Reaumur  fur  les  Inficies. 
(t)    Jhicl.  T.  îl ,  PJ.  XX  ,  F iiT,  1 ,  a. 


SUR    LES   INSECTES.        12^ 

que  les  enfoncenieîis  eu  queftion  étoient  de 
nouveaux  ftigmates.  Cela  même  contribuoit  un 
peu  à  m'affermir  dars  mon  foupçon.  Pour  tâcher 
de  îe  vérifier  ,  j'eus  recours  à  rexpérience  qui 
nie  fembloit  la  plus  déciiive  :  je  plongeai  ma 
Chenille  dans  Feau  froide  ;  je  Vy  tms  plongée 
plus  de  cinq  heures  *•&  je  fus  très-attentif  à 
obferver  s'il  s'échappoit  quelques  bulles  d'air  de 
ces  efpeces  de  ftigmates  que  je  venois  de  décou- 
vrir. Je  n'en  vis  for  tir  aucune  i  mais  j'en  ob- 
fervai  de  très-groifes  qui  fortoient  des  vrais 
ftigmates  ,  &  fur-tout  de  ceux  de  la  première 
paire ,  ou  des  deux  antérieurs.  Je  remarquai 
même  qu'elles  étoient  comme  dardiées  au-dehors 
avec  une  certaine  force  -,  auiTi  gagnoient-elies 
promptement  la  furface  de  l'eau.  J'obiervai  en- 
core ,  &  à  piuGeurs  reprifes  ,  une  de  ces  bulles 
qui  fembloit  prête  à  fe  détacher  d'un  des  ftig- 
mates antérieurs ,  qui  y  rentroit  &  en  fortoit 
aiterniitivement  :  elle  étoit  donc  alternativement 
afpirée  &  expirée.  C'étoit  fur  ^  tout  iorfque  la 
Chenille  s'agitoit ,  que  je  voy jis  fortir  des  builcs 
des  ftigmates  -,  mais  je  m'aifurai  qu'un  mouve- 
ment à  peine  fenfible  fuffifoit  à  produire  cet  eifet; 
fi  remarquable.  Je  parlerai  ailleurs  plus  au  long 
de  la  refpiration  des  Chenilles. 

Cette  expérience  me  donna  lieu 'de  réitérer 


124       OBSERVATIONS 

rObrervatioii  que  j'avois  faite  rannée  précét 
dente,  fur  l'eifet  (îngulier  que  l'eau  produit  dan^^ 
les  Chei-iilles  qu'où  y  tient  plongées  (*).  L^ 
peau  du  Sphbix  eft  forte  &  conipade  :  elle  ienir 
ble  avoir  plus  d'épaiiTeur  que  n'en  a  ia  peau  des 
grandes  Chenilles  de  fa  claife.  Elle  réfifte  d'une 
manière  bien  fenfible  aux  doigts  qui  la  preifent. 
Cependant ,  lorfque  je  retirai  de  l'eau  celle  que 
j'y  avoi§  tenue-  plongée  ,  elle  étoit  aufTi  fouple 
que  le  gant  qui  l'eft  le  plus  :  elle  ne  donnoit 
aucun  ÇignQ  de  vie  ,  &  fe  laiiToit  manier  eii 
tout  fens,  comme  fi  elle  eut  été  morte.  Il  y  a 
plus  :  je  la  ferrai  entre  mes  dofgts  au  point  de 
lui  faire,  perdre  fa  forme  cylindrique,  &  de  lui 
en  donner  une  auffi  applatie  que  Ml  celle 
d'une  fimple  peau  ou  d'une  membrane  charnue. 
Comment  eût-on  imaginé  qu^xnie  Chenille  que 
je  traitois  ainlî  confervoit  encore  quelque  prin,. 
cipe  de  vie?  Rien  n'étoit  plus  vrai  néanmoins,* 
&  au  bout  d'une  heure,  ma  Chenille  parut  aulïi 
ferme ,  auiîi  compacte ,  auffi  arrondie  ;  en  un 
mot ,  aulfi  bien  portante  ,  que  ^i  je  ne  l'euiTe 
point  mifc  à  une  épreuve  Ç\  rude  en  apparence. 

Cette  Chenille,  qui  eil;  une  des  plus  grandes 
&  des  plus  groiTes  de  nos  contrées  ,  me  donne 
occafion  de  dire  un  mot  d'une  particularité  très- 

(")  Voy.  robf.  X. 


ïlTJt    LES    INSECTES,        ^3? 

remarquable  de  fon  Papillon  (^).  Sa  trompe  ,  qu'il 
tient  roulée  en  fpirale  au-delTous  de  fa  tète  ,  eft 
fi  démefurément  longue  ,  que  ,  Payant  mefurée 
exadement,  je  lui  ai  trouvé  trois  pouces  quatre 
lignes  de  longueur  ,  quoique  le  corps  entier  du 
Papillon  n'eût  qu'une  longueur  d'un  pouce  neuf 
lignes.  Ce  Papillon  offre  une  autre  particularité  ; 
je  veux  parler  de  la  groiFeur  de  Tes  yeux  :  ils 
font  prefqu'aufîi  grès  qu  un  petit  pois,  de  cou- 
leur noire  &  fans  poils.  Ce  feroit  fur  de  tels 
yeux ,  qu'il  faudroit  étudier  au  microfcope  la 
ftrudure  admirable  de  ces  milliers  de  facettes, 
qui  font  autant  de  petites  cornées  ,  8c  qui  mul- 
tiplient Cl  prodigieufement  les  objets.  Ce  feroit 
encore  fur  une  trompe  auffi  démefurément  lon- 
gue que  celle  de  ce  Papillon ,  qu'il  fiudroit 
tâcher  d'approfondir  la  ftrudure  de  cet  organe 
qui  a  déjà  offert  des  cliofes  Ci  curieufcs.  M.  de 
Reaumur  n'a  pas  Riit  mention  des  deux  par- 
ticularités dont  je  viens  de  parler.  Il  dit ,  que 
les  ftigmates  de  la  Chenille  font:  ajjez  petits  : 
mais  je  trouve  dans  mon  Journal ,  qu'ils  m'a- 
voient  paru  aufîi  grands  qu'ils  ont  coutume  de 
fêtre  dans  les  Chenilles  de  la  taille  du  Sphinx, 
Ils  font  bordés  de  noir ,  &  cette  bordure  fem- 
ble  leur  former  une  forte  de  cadre. 

C)  Voy^  PI.  XX ,  Fig.  4 ,  dH  Tom.  II  des  Mhn.fur  Us  Inf, 


î2^       àESERVATIONS 

Je  demeurai  donc  indécis  fur  la  nature  & 
î'ufage  de  ces  fortes  de  cicatrices  que  j'ai  nom- 
mées des  Faux-Jii^mates  y  mais  j'étois  averti  de 
les  chercher  dans  d'autres  Chenilles  de  la  même 
claiTe  ,  &  de  c!a(îes  différentes.  Je  ne  fus  pas 
long-temps  à  répéter  mon  Obfervation.  Peu  de 
jours  après  ,  on'  me  remit  une  grande  Chenille 
rafe ,  à  feize  jambes ,  &  qui  portoit  fur  le  der- 
rière une  corne  courbée  en  arc.  Le  fond  de  îa 
couleur  du  delfus  de  fon  corps  étoit  un  olive 
foncé ,  dans  lequel  entroit  une  teinte  de  café 
clair.  Le  deffous  du  ventre  offroit  un  olive  clair 
&  fatiné.  L'efpace  compris  entre  les  lligm.ates 
&  les  jambes ,  étoit  d'un  blanc  de  lait.  Sur 
chaque  anneau ,  excepté  fur  les  quatre  premiers 
&  fur  les  deux  derniers  ,  fe  voyoient  deux 
taches  ,  dont  la  couleur  imitôit  celle  du  parche- 
min.  Trois  raies  de  cette  mèmie  couleur ,  &  qui 
partoient  du  quatrième  anneau ,  alloient  de  cet 
anneau  vers  la  tète.  La  forme  de  celle-ci  étoic 
applatie  &  obîongue ,  &  l'on  y  remarquoit  des 
traits  noirs.  La  corne  étoit  d'un  noir  luifmt: 
c'étoit  encore  la  couleur  des  jambes  éeailleufes  : 
celle  des  membraneufes  étoit  la  même  que  celle 
du  ventre. 

Ce  qui  me  frappa  le  plus  dans  cette  Chenille , 
^e  fut  la  grandeur  de  les  ftigmates.  Ils  étaient 


SUR    LES    INSECTES.      127 

é'xin  noir  foncé  j  mais  ce  qui  çontribuoit  en- 
core à  les  faire  paroitre  plus  grands  ,  c'étoit 
une  bordure  de  même  couleur  dans  laquelle 
ils  étoient  encadrés.  Comme  je  confidérois  atten- 
tivement ces  ftigmates  ,  j'appe:  eus  un  peu  au- 
deifus  de  chacun  d'eux  une  tache  noire ,  beau- 
coup moins  apparente ,  mais  qui  imitoit  bien 
un  ftigmate.  Je  ne  doutai  pas  que  ces  taches  ne 
fuifent  de  même  nature  que  celles  que  j'avois 
découvertes  dans  le  Sphinx  ,  &  qu'elles  ne  fuC 
fcnt  aufîî  des  Efpeces  de  Fanx-Jtigmcîtes.  Je  me 
.munis  auflî-tôt  de  ma  loupe,  êc  je  m'aillirai 
qu'elles  étoient  toutes  imprimées  en  creux  dans 
îa  peau  de  la  Chenille.  Elles  avoient  une  figure 
exactement  elîyptique  ,  très  -  bien  terminée  ,  & 
très-femblable  à  celle  qui  eft  propre  aux  ftigma- 
tes de  la  plupart  des  Chenilles. 

J'ai  dit  quT  y  avoit  une  de  ces  taches  au- 
delfus  de  chaque  ftigmate.  Je  ferai  pourtant  re- 
marquer 5  que  le  grand  diamètre  de  la  tache  ne 
répondoit  pas  précifément  au  grand  diamètre 
du  ftigmate  correfpondant  :  la  tache  ou  le  Faux- 
ftigmate  fe  rapprochoit  tant  foit  peu  plus  du 
derrière  de   riafede. 

Je  répétai  fur  cette  Chenille  l'expérience  que 
j'avois  tentée  fur  Iq  Sphinx:  je  la  plongeai  dans 


r^B       6  Ë  s  E  R  V  Â  t  î  6  N  s 

Téau  froide  ,  &  je  l'y  lailfai  quelque  temps.  Jte 
vis  de  même  fortir  beaucoup  de  bulles  d'air  de^ 
ftigmates ,  &  principalement  des  deux  antérieure. 
Toutes  les  fois  que  la  Chenille  s'agiîoit  un  peu , 
je  voyois  diftinclement  les  ftigmates  tourner 
de  mon  côté  ,  s'ouvrir  &  lailTer  échapper  l'air 
contenu  dans  l'intérieur  de  l'Infedte.  Mais  je 
ii'obfervai  rien  d'analogue  à  l'égard  des  taches 
ou  faux-ftigmates  dont  je  recher chois  la  natUre 
&  l'ufage. 

Environ  quinze  jours  après  cette  féconde 
expérience  ,  on  m'apporta  une  autre  Chenille 
de  la  même  Efpece,  &  plus  grande  encore,  filr 
laquelle  je  ne  manquai  pas  de  répéter  mes  pre- 
mières Obfervations  au  fujet  des  taches  eh 
forme  de  ftigmate.  Je  les  examinai  attentit^é- 
nient  à  la  loupe  ,  &  à  diverfes  reprifes  ;  mais! 
quelqu'attention  que  "j'apportaiTe ,  &  quoique  le 
verre  dont  je  me  fervois  fiit  excellent,  je  ne 
pus  jamais  parvenir  à  découvrir  au  milieu  du 
faux-ftigmate  une  fente  femblable  à  celle  qu'on 
découvre  (î  ficilement  dans  les  vrais  ftigmates. 
Je  crus  feulement  y  appercevoir  un  petit  point 
qui  paroiifoit  défigner  une  ouverture.  Ce  fut 
même  inutilement  que  je  préfentai  les  taches 
ou  faux-ftigmates  à  un  bon  microfcope  :  il  n'a- 
jouta rien  à  ce  que  j'avois  déjà  apperçti. 

Forcé 


rsVR   LES  INSECTES.       129 

Forcé  de  me  tourner  d'un  autre  côté  ,  j'eC- 
"îliyai  de  préienter  la  pointe  d'une  épiijgle  £ne  à 
la  ïente  d'un  des  vrais  fligmates  :  elle  s'y  enfonça 
xuiîî-tôt.  Je  l'en  retirai,  k  je  "tâchai  de  Pintto- 
duire  pareillement  dans  un  des  iaux-itigmates- 
Elle  n'y  pénétra  point  :  mais  en  frottant  d^  la 
pointe  de  l'épingle,  le  milieu  an  faux-fligmate. 
K'  fentis  une  réfiftance  fenibiabie  à  celle  que 
'an'auroit  fliit  éprouver  en  cas  pareil  uuq  petite 
Irane  de  cerne  ou  d'écaillé.  Il  me  parut  donc 
que  j'étois  en  droit  d'inférer  de  cette  expé- 
rience que  les  taches  dont  il  -«'agit,  n'étoient 
riîn  moins  que  de-  fimples  'taches.  D'ailleurs 
leur  figure  régulière  ,  leur  pofition ,  leur  nom- 
bi  e  ,  toujours  égal  à  celui  des  ftigmates  ,  cou- 
a-Kroient  encore  à  me  ^perfuader  la  mènis. 
vérité.  Je  penfai  bien  à  recourir  à  ia  difTediion 
pour  tâcher  de  découvrir.,  Ci  quelque  paquet  un 
:;pcu  conGdérable  de  trachées  fe  rendoit  à  ces 
efp  eces  de  faux-ftigmatcs  j  mais  je  ne  pré  fumai 
.pas  allez  de  ma  dextérité  en  ce  genre  pour 
tenter  cette  forte  de  diiiectiono 

Au  refte  ,  la  Chenille  dont  je  viens  de  patlsî, 

efi  celle  qui  donne  le  Papillon  repréfenté  dans 

le  To.ne  I  des  ?viémoires   fur  les   Infedes  ,  Pi, 

XIII ,  Fig.  8  ,  &  dont  l'iJluIlre  Auteur  n'av4>i£ 

7^0.11^  Il  l 


igd       OBSERVATIONS 

point  vu  la    Chenille ,  que   je    lui   fis   enfuit^ 
parvenir  par  la  pofte. 

On  fait  que  les  fatijfes  Chenilles  (*)  fo^it  des 
Infectes  dont  l'extérieur  fe  rapproche  beaucoup 
de  celui  des  Chenilles  :  elles  fe  transforment 
auflî  en  des  Mouches  (**)  ,  qni  ont  quelques 
traits  d'analogie  avec  les  Papillons.  Une  fauife 
Chenille  qui  vit  fur  le  Saule  ,  &  qui  eft  repré- 
f entée  N<^.  77  de  Goëdaert ,  Edit.  de  Lifter  , 
m'a  offert  de  ces  taches  en  forme  de  ftigmates , 
que  j'aVois  découvertes^  dans  les  Chenilles.  Elles 
y  étoient  placées  de  la  même  manière ,  &  leur 
nombre  égaioit  de  même  celui  des  ftigmates. 


(*)  Voy.  Mêm.  fur  les  Inf.  Tome  V ,  Mém.  III ,  PL  X  , 
Fig.î,  12.  PL  XIV,Fig.3. 

C^)  Ibhl  PL  X,  Fig.  5,14. 


SUR    LES   INSECTES.        î^t 

OBSERVATION    X  V  I. 

Tarticiihmtés  anatonriques  de  la  peau  de  la   Che* 
mile  qiti  donne  le  Fapilloyi.  à  tète  de  mort. 


u. 


Ne  des  plus  grandes  &  des  plus  belîes  CheniU 
les  de  ncs  contrées  ,  e{t  fans  contredit ,  celle  qui 
donne  la  fameux  Papillon  à  tète  ie  mort.  On 
peut  voir  la  figure  de  cette  Cheniiîe  &  de  ion 
Papillon  dans  le  T.  Il  des  Alémoires  pour  fervir 
À  PhïjiOire  des  L^feîhs  \  PL  XXIV,  Fig.  1,4,  S" 
La  peau  de  la  Chenille  efl  de  la  plus  gr:inde 
douceur,  &  Ton  n^y  apperçoit  pas  un  fcut  poil. 
Un  beau  jaune  citron  forme  le  fond  de  fa  cou- 
leur ,  fur  lequel  font  jettées  obliquement  en 
iTianiere  de  boutonnières  des  bandes  vertes  & 
bleues.  Ces  bandes  comm.encent  au  quatrième 
anneau  ,  !^c  fe  terminent  à  la  bafe  de  la  corne. 
Elles  vont  à  la  rencontre  les  unes  des  autres , 
&  tracent  ainfi  fur  le  dos  diiférens  angles,  dont 
îe  fommet  eft  dans  Panneau  qui  fuit  celui  àowt 
e'ies  partent.  Aind  la  peau  de  cette  Chenille 
re  reiiemble  pas  mal  à  Un^taifetas  chiné.  Les' 
iiitervaiics  compris  entre  les  b.mdes  font  femés 
de  points  de  même  couleur  que  les  bandes. 

Je  viens  d'ébaucher   la  defcription  de  cette 
"belle   Chenille  ,    parce    qu'elle    ét-oit    nécei&ii\^ 


.*?^       0  B  s  £  Ê  rJTirjNS 

pour  rintelligence  de  ce  que  j'ai  à  erl  rappof^ 
ter.  Ge  fut  le  24  de  Juillet  1737 ,  que  je  là 
Vis  pour  la  première  fois.  Un  de  mes  pour^ 
voyeurs  d'Infedes  m^eii  apporta  trois  ,  qui 
avojent  été  trouvécxS  fur  le  Fufain  ,  &  dont 
une  avoit  quatre  pouces  fix  lignes  de  loilgueuf 
jur  un  pouce  trois-quarts  de  circonicrence. 
Elles  entrèrent  en  terre  quelque  temps  après , 
&:  s'y  conftruiiîrent  une  Coque  dont  la  grolTeur 
iurpalToit  celle  d'un  œuf  de  Poule.  Les  grains 
de  terre  qui  la  compoloient  ,  n'étoient  point 
Hés  par  des  fiis  de  foie  ;  ils  ne^'étoient  qu'au 
moyen  d'une  humeur  vifqueufeou  d'une  forte  de 
colle.  La  terre  paroilîbit  avoir  été  fort  humedée 
p^r  îa  Chenille.  J'ouvris  Une  de  ces  Coques  &je 
lui  trouvai  une  ligne  &  demie  d'épailTeur.  Un 
grand  art  ne  brille  pas  dans  la  conftrudioii 
de  cette  groife  Coque  :  peut-être  néanmoins 
<^ue  fi  là  terre  au  milieu  de  laquelle  la  Ch-e- 
nille  travaille  ,  perniettoit  de  l'obferver  facile- 
ment ,  oii  découvriroit  daïis  foii  travail  de 
petits  procédés  qui  né  feroient  point  à  méprifer. 
Ce  n'eft  pas  peu  pour  elle  ,  que  de  pratiquer 
au  fein  d'un  maffif  de  terre  une  auffi  grande 
cavité  que  celle  qu'exige  la  conftrudion  d'une 
Coque  aulFi  grodè  que  la  fienne. 

yERS  la  rai-Juillet  1739  5  j'eus   encore  trois 


SUR    LES    INSECTES.      135 

Chenilles  de  la  même  Efpece ,  &  qui  avoient 
auili  été  prifes  fur  le  Fufain  ,•  mais ,  je  dois 
avertir  qu'où  trouve  encore  cette  Efpece  fur 
le  Jafmiu.  Je  rais  une  de  ces  Chenilles  dans 
un  mélange  d'efprit-de-vin  ^  d'eau  commune 
&  de  fucre  ,  pour  la  conferver  dans  mon  ca- 
Ipinet.  Mais  au  bout  d'environ  trois  femaines , 
elle  y  étoit  devenue  prefque  meconnoilïable. 
Ses  belles  couleurs  avoient  entièrement  difparu^ 
&  elle  n'otîroit  plus  que  du  noir  ^  ce  qui  fem- 
bloit  indiquer  ,  que  la  liqueur  avoit  trop  agi  . 
fur  fa  peau  ,  qu'elle  l'avoit ,  en  quelque  forte  , 
brûlée.  Quoi  qu'il  en  foit  ;  je  crus  devoir  mettre 
à  proiit  cet  accident  pour  m'éclairer  fur  la 
ftiudure  des  Chenilles,  par  la  diiibdion  d'un 
individu  de  fi  grande  taille.  Mais  avant  que 
d'en  venir  à  l'ouverture ,  je  jettai  un  coup- 
d'œil  fur  Texte  rieur.  Tout  le  corps  de  la  Che- 
nille ,  à  l'exception  du  pénultième  anneau  , 
étoit  Goupé  par  des  rides  ou  plis,  circulaires^ 
parallèles  les  uns  aux  autres  ,  &  qui  fembloient 
ibnner  autant  d'anneaux  diftinds.  Je  comptai 
huit  de  ces  plis  traniverfaux  fur  chaque  anneau. 
Les  pHs  des  deux  premiers  anneaux  étoient 
ieulement  moins  profondément  gravés  dans  la 
peau  que  ceux  des  autres  anneaux.  La  tète 
«voit  peu  changé  ,  &  fa  couleur  étoit  à-peu- 
l\i^:^.    iiaLUieliÇ.    Lu   jon.çUQ4\    des     aiu\e'4UX  >. 


*34       OBSERVATION  S 

le  dcirous  du  ventre  &  le  derrière  montroieiit 
eiicore  quelques  velhges  de  leurs  piemicres 
teintes.  Dans  cet  étut ,  la  Chcaille  tcnoit  aiibz 
de  la  corfitlance  d'un  cuir  mouilié  s  elle  en 
avoit  prefque  la  foupleiïe. 

Je  l'ouvris  le  long  du  dos  en  commençant 
îà  feclion  à  la  bafe  de  la  corne ,  &  je  la  pouilai 
juFques  près  de  la  tète.  Ce  qui  s'oiirit  à  mes. 
yeu'f  de  plus  remarquable,  &  qui  me  parut, 
en  effet  ,  bien  digne  d'attention  3  ce  fut  une 
féconde  peau  beaucoup  plus  mince  que  celle  qui 
formoit  l'extérieur  de  la  Chenille  ,  &  qui  étoifi 
appliquée  fous  celle-ci  comme  une  doublure. 
Cette  peau  n'étoit  pas  une  fimple  membrane  : 
elle  étoit  différemment  colorée  ,  &  fes  couleurs 
étoient  aifces  à  Jiftinguer.  Le  fond  en  étoit  une 
forte  de  gris  de  perle ,  ilir  lequel  étoient  éten- 
dues en  forme  de  boutonnières  des  raies  d'un 
pônceau  pale ,  mais  dont  les  nuances  étoient 
admirables.  Ces  raies  répondoient  précifément 
par  leur  pofition  ^  par  leur  longueur  &  par  leur 
largeur  à  celles  qui  paroient  auparavant  l'exté- 
rieur de  rinfede.  Les  efpiîces  que  ces  raies 
laiiïoient  entr' elles  étoient  pariemés  de.  points 
fcleus",  ziiez  fcmblablcs  à  de  petits  itigmates. 
Cette  peau  intérieure ,  cette  forte  de  doublure 
ne.  paroiffoit  tenir  pair  aucun  ligament  ou   pai' 


SUR    LES   INSEC'TES,        135: 

aucun  vaifleau  à  la  première  peau  ,  ou  à  la  peau 
extérieure  :  elle  fembloit  fimplement  appliquée 
ou  couchée  fous  celle-ci  j  enforte  que  pour  lé- 
parer  les  deux  peaux  dans  toute  leur  longueur, 
il  Tuffifoit  que  j'introduidife  entre  deux  le  man- 
che très-applati  de  mon  fcalpeî.  Je  fixai  mon 
attention  fur  le  côté  intérieur  de  la  première 
peau  j  &  j'y  découvris  les  bandes  en  manière 
de  boutonnières  ,  mais  dont  les  couleurs  étoient 
altérées.  Je  n'y  apperqus  point  les  mufcles  qui 
fervent  aux  mouvemens  des  anneaux  :  je  n'y 
obferyai  que  les  plis  dont  j'ai  parlé.  Revenant 
.enfuite  à  la  féconde  peau  ,  je  découvris  un  grand 
nombre  de  trachées  qui  alioient  s'y  rendre. 

On  peut  demander  maintenant  ce  qu'étoit 
cette  forte  de  doublure  if  Je  crus  dabord  ,  que 
c'étoit  la  peau  de  la  Chryfalide  ;  &  cette  idée  étoit 
bien  naturelle  j  car  je  n'avois  rien  lu  nulle  part 
fur  cette  (înguliere  doublure.  Mais  j'abandonnai 
bientôt  cette  idée  ;  parce  que  j'avois  fuivi  avec 
la  plus  grande  exactitude  tout  ce  qui  fe  paife 
avant  ,  pendant  &  après  la  transformation  de 
îiotre  grande  Chenille  en  Chryfalide  i  &  que  je 
aii'étois  ailuréaintî>  que  les  couleurs  de  la  Chry- 
falide ne  reifembloient  dans  aucun  temps  à  celles 
de  la  Chenille.  Au  moment  que  la  Chryfalide  vient 
de  rejcttqr  la  dépouille  de  Chenille  ,  elle  eft  d'un 

14 


13^      0  E  S  E  R  V  A  T  I  0  N  T 

}.raiie  tendre  &  uniforme  :  un  marron  clair  Im 
fuccede  ,  -qui  fe  rembrunit  infenfiblcmeiit.  Si 
la  Chenille  a  voit  ,eu  encore  une  mue  à  fubir  ^ 
il  ne  nxauroit  pas  été  difficile  de  deviner  ce 
qu'étoit  la  féconde  peau  dont  il  s'agit  ;  mais 
elle  étoit  parvenue  a.  fon  parfait  accroifîement  > 
8c  n'avoit  plus  qu'à  fe  transformer  en  Chryfa- 
lide.  Cette  expérience  nous  apprend  donc ,  que 
la  peau  des  Chenilles  a  de  nouvelles,  particula- 
rités- à  nous  offrir.  El'e  nous  rriontre  que  cette 
peau,  n'eft  point,  iimple  ,  &.  ce  fait  a  bien  des 
ûnaiogues.. 

Je  palTe  fous  fîlence  les  obfervations  que  ja 
£s  fur  le  canal  inteftinal ,  fur  les  trachées,  fur 
les  vaiiTeaux  variqueux ,  &c.  parce  qu'ils  ne 
im'olïrirent  à-pci^. -près  rien  que  je  n'euifei 
dcja  lu.  dans,  les  Naturalifles,  qui  m'avoie^t. 
fvAcédé, 


SUR    LES  INSECTES.        1^7 

-j^ff     -:■ — - — '^^cii^^ j^y^-. 

OBSERVATION     X  V  ï  L 

Sur  différentes  Efpeces-  de  Cheiiilles  qui  dévorenû 
leur  dépouille  après   ravoij-  rejejtée. 


L 


S  mues  des  Chenilles  font  connues  de  tout, 
îe  monde  :  à  qui  le  Ver-à-foie  y  qui  ett  une  vé- 
ritable Chenille  ,  ne  les  a-t-il  point  fait  connoî- 
tre  ?  Ceux  qui  élèvent  cet  Infèdle  ,  devenu  iî, 
précieux  ,  nomment  fes  mues  des.  maladies  , 
&  elles  en  font  en  effet.  C'eft  même  une  opé- 
ration confidérable  pour  une  Chenille ,  &  bieu 
plus  grande  qu'on  ne  le  penfe  communément , 
que  celle  de  changer  de  peau.  On  commence  à 
le  fentir  ,  des  qu'on  vient  à  apprendre  ,  q^-'e 
la  Chenille  ne  rejette  pas  fimpiement  fa  peau,- 
mais  qu'elle  fe  défait  en  même  temps  de  toutes 
les  parties  extérieures  grandes  &  petites  qui 
tenoient  à  cette  peau.  Ainfi  toutes  les  parties 
de  la  tête  ,  le  crâne ,  les  mâchoires  ,  la  filière  , 
les  yeux  ,  (^c.  font  rejettes  avec  la  peau.  Les 
jambes  écailîeufes  ,  les  membrane ufes  &  tous 
les  petits  crochets  qui  les  terminent ,  font  re- 
jettes pareillement.  Toutes  les  parties  qui  les 
remplacent  étoient  emboîtées  dans  les  ancien-. 
3a.es  >  c'eft-à'dire  ,  dans  les   parties  cpnelpoii-- 


'I3S       OBSERVATIONS 

dautcs  ,    comme    dans   autant   de    fourreaux. 

IMMÉDIATEMENT  après  la  mue ,  les  Che-. 
nilles  font  tres-foibles ,  &  elles  demeurent  au 
moins  quelques  heures ,  quejquefois  un  jour 
entier  dans  cet  état  da  foibJeiie.  Tous  leurs 
iiouveaux  organes  font  mois  encore  ;  &  ce  n'eft 
que  par  degrés  qu'ils  prennent  îa  confiftance 
qui  eft  propre  à  chacun  d'eux.  Cctf'  remarque. 
ne  paroitra  pas  in ditfé rente  quand  on  aura  îu 
ipe  que  j'ai  à  raconter, 

J'OBSERVOîs  en  Septembre  1738»  les  belles 
Chenilles  du  Tithymale  à  feuilles  de  Cyprès  , 
dont  M.  de  Reaumur  a  beaucoup  parlé  (f)  5 
&  que  je  me  difpenfe  de  décrire  ,  parce  qu'il 
les  a  fait  aflez  connoltre.  Celles  que  je  fuivois 
alors  n'avoient  pas  encore  fubi  le  dernier  chan- 
gement de  peau  ,  &  je  me  préparai  à  i'obferyer. 
Pour  cet  effet,  je  mis  à  part  dans  va\  poudries 
deux  de  mes  Chenilles  dont  la  mue  me  paroiifoit 
la  plus  prochaine.  Mais  ayant  été  appelle  ail- 
leurs ,  je  les  trouvai  à  mon  retour  parées  d'un 
nouvel  habit.  Je  cherchai  de  l'œil  la  dépouille  5 
&  je  fus  bien  furpris  de  ne  la  point  voir.  Je 
founqonnai  auiîi-tôt  qu'elles  l'avoient  mangée  j 
&  ce  foupqon  étoit  ailez  étrange  ;  car  les  Che- 
nilles   ont  coutume    de  faire  diere  un  jour  ou 

.     O  Jlém.  fuY  les  Inf,  Terne  I,  pag.  298  ,  PI.  XUI,-Fis  i. 


SUR    LES    INSECTES.       159 

deux  après  la  mue  :  leurs  nouveaux  organes 
font  alors  fi  foibies  qu  elles  ne  Hmroient  encore 
en  faire  ulage  :  leurs  dciits  en  particulier  ,  font 
hors  d'état  de  broyer  les  feuilles  ',  il  leur  faut 
toujours  un  temps  plus  ou  moins  long  pour 
acquérir  le  degré  de  confiftance  propre  à  cette 
fubftance  écailleufe  dont  elles  font  formées. 
Cedendant  ,  quelques  recherches  que  je  fiife^ 
je  ne  pus  parvenir  à  découvrir  aucun  veftige 
de  la  dépouille  :  elle  avoit  entièrement  difparuj 
tout  avoit  donc  été  dévoré,  &  jufqu'aux  par- 
ties les  plus  dures,  comme  le  crâne  ,  les  mâ- 
choires ,  les  jambes  écaiileufes  &  la  corne  que 
ces  Chenilles  portent  fur  le  derrière. 

Un  fait  fi  nouveau,  &  auquel  je  n'avois  été 
préparé  par  aucune  obfervation  ni  par  aucune  lec- 
ture ,  méritoit  bien  que  je  ne  uégKgeaile  rien  pour 
nvaiTurer  de  fa  réalité  d'une  manière  plus  directe. 
Il  me  reftoit  encore  une  de  nos  Chenilles  du 
Tithymale  qui  n'avoit  pas  changé  de  peau  pour 
la  dernière  fois  ,  &  qui  paroiifoit  très-près  de 
la  mue.  Je  l'avois  renfermée  feule  dans  un 
petit  poudrier  bien  net,  &  j'attendois  avec  im- 
patience le  moment  où  elle  acheveroit  de  fe 
dépouiller.  J'écois  alors  à  la  campagne  :  je  fus 
obligé  de  me  rendre  en  ville  le  même  jour ,  & 
pour  ne  pas  manquer  une  pbfervation  qui  pi^ 


^ï4o       OBSEKVATiaNS 

quoit  tant  ma  curiollté ,  je  mis  dans  ma  poche 
Je  poudrier  qui  rcnfermoit  ma  Chenille  ,  &  je 
montai  à  cheval.  De  temps  à  autre  ,  j-e    fortois 
de  ma  poche  le  poudrier  pour   voir  ce  qui  s'y 
pallbit.  Au  bout  de  quelques  heures ,  je  trouvai 
ma  Chenille  dépouillée  en  grande  partie  :  il  n'y 
avoit  plus  que  les  jambes  poftérieures  qui  fuf- 
fent  encore  engagées  dans  la  dépouille.  La  Che- 
nille  étoient  courbée   fur    cette   dépouille  ,   & 
elle  la  rongeoit  déjà  avec  avidité ,  en  Tembraf- 
fant  avec  fes  premières  jambes.  Je  fatisfis  donc 
pleinement  ma  curiofité  ,   &  j'eus  le  plailir  de 
me  convaincre    par   mes   propres  yeux    de   la 
vérité   de   mon   premier    Ibupqon.   En  fuivant 
avec  attention  ma  Chenille  tandis  qu'elle  dévo- 
roit  ainii   fa  vieille   peau  ,  je   reconnus  facile^ 
ment   que   cet  aliment  li  coriace   &  fi  étrange 
donnoit  beaucoup  d'occupation  à  fes  nouvelles 
dents  ,  qui  n'avoient  pas  eu  encore  le  temps  d'ac-^ 
quérir  le  degré   de  dureté  qui  leur  eft  propre. 
Au  milieu  de  mon  obfervation  ,  je  fus  forcé  de  re- 
monter à  cheval  pour  retourner  à  la  campagne:  je 
n'abandonnai  point  mon  poudrier  ,  &  des  que  je 
fuîs  defcendu  de  cheval ,  moii  premier  foin  fut 
de  reprendre  mon  obfervation.  La  Chenille  avoit 
abandonné  fa   dépouille  à  demi  rongée  :  appa-. 
remmène  que  le  mouvement  du  cheval   Favoit 
forcée  d'iuterrompre.  ion  éumige  rejpas;.  Je  m'a.-* 


SUR   LES  IKSÈCTES.        141 

ViFai  de  lui  en  prénjiiter  les  reftes  :  elle  les  dé- 
Tora  en  entier  fous  mes  yeux  ,  à  l'exception 
de  la  corne  ,  qu'elle  n'auroit  pas  manqué  fans 
doute  de  dévorer  ,  (î  elle  n'avoit  été  dérangé© 
par  ma  courfe. 

Cette  OLfervation  me  fit  naître  la  penfée, 
que  les  Chenilles  du  Tithymale,fe  dévoreroient 
fort  bien  les  unes  les  autres',  Ci  certaines  cir- 
conil:ances  favorifoient  un  peu  l'humeur  carna- 
dere  que  je  veneis  de  leur  découvrir.  Pour  véri- 
fier ce  nouveau  foupqon  ,  je  plaçai  auprès  de  la 
Chenille  qui  avoit  dévoré  fa  dépouille,  &  à 
laquelle  je  n'avois  point  encore  donné  de  nour- 
riture,  une  Chenille  de  fon  Efpece  qui  étoit 
fur  le  point  de  fe  transformer  en  Chryfalide. 
Je  choifîs  pour  mon  expérience  une  telle  Che- 
nille 5  parce  que  dans  les  momens  qui  précé- 
dent immédiatement  la  transformation  en  Chry- 
falide ,  les  Chenilles  font  dans  un  état  de  foi- 
bleiTe  qui  ne  leur  permet  gUere  de  fe  défendre 
contre  les  attaques  de  leurs  ennemis.  La  Che- 
nille dont  je  voulois  éprouver  ainfi  la  voracité» 
ne  manqua  point  de  porter  la  dent  fur  celle 
que  j'avois  placée  auprès  d'elle  :  elle  la  blelfa  ; 
mais  celle-ci  fe  fentant  bleîfée ,  fe  retourna  (î 
bmfquement  qu'elle  fit  làchsr  prife  à  l'autre, 
j&ie  revint  plufieurs  fois  à  la  charge,  8c  tou- 


Hi      0  B  §^  E  R  V  A  T  ï  0  N  § 

jours  elle  fut  repoiiiTée  par  les  mouvement 
brurqiics  de  celle  qu'elle  attaquoit.  Il  me  fut 
donc  bien,  démontré  ,  qu'il  ne  manquoit  aux 
Chenilles  du  Tithymale  pour  exercer  les  unes 
fur  les  autres  la  plus  grande  cruauté ,  que  d'en 
avoir  des  occafioiis  favorables.  M.  de  Reaumur 
iious  avoit  déjà  fait  connoître  une  Chenille  qui 
dévore  celles  de  fon  Efpece  -,  mais  il  n'avoit  vu 
que  cette  feule  Chenille  à  qui  cette  barbarie  put 
être  reprochée.  Il  faut  l'entendre  lui-même: 
i'Obfervation  qu'il  rapporte  diffère  des  miennes 
à  plufieurs  égards. 

*'  La  maxime  fi  foùvcnt  citée  contre  nous, 
dit  notre  célèbre  Obfervateur  P)  ,  qu'il  n'y 
a  que  l'homme  qui  £iiîe  la  guerre  à  l'homme  ^ 
que  les  animaux  de  même  Efpece  s'épar- 
gnent,  a  aifurément  été  avancée,  &  adoptée 
par  gens  qui  n'avoient  pas  étudié  les  Infedles. 
Leur  hiftoire  nous  fera  voir  en  plus  d'un 
endroit ,  que  ceux  qui  font  carnaciers  en  man- 
gent fort  bien  d'autres  de  leur  Efpece  quand 
ils  le  peuvent.  Mais  ce  qui  ell  pis  Si  parti- 
culier à  quelques  Chenilles  ,  c'eft  que  ,  quoi-^ , 
que  faites  ,  ce  femble ,  pour  vivre  de  feuilles, 
quoiqu'elles  les  aiment  &  qu'elles  en  falfent 
leur  nourriture  ordinaire ,  elles  trouvent   la 


(*)  Mém.  fur  ies  Inf  T.  II ,  fag.  4i3. 


SUR   LES   INSECf^ÉS:        143 

^  chair  de  leurs  compagnes  un  mets  préféra- 
53  ble  ,  elles  s'entremangent  quand  elles  le  peu- 
55  vent.  Il  n'y  a  pourtant  qu'une  feule  Efpecô 
„  de  Chenilles  qui  vit  fur  le  Chêne ,  qui  m'ait 
j,5  encore  donné  occafion  de  faire  cette  remar- 
„  que  ',  elle  n'a  d'ailleurs  rien  qui  la  Ht  juger 
55  d'un  Cl  mauvais  naturel  ;  elle  paroît  aufli 
„  douce  qu'aucune  Chenille  que  ce  foit ,  elle  n'a 
53  ni  air  de  férocité  ,  ni  grande  adivité.  Elle  eft 

55  à  feize  jambes  &  très-rafe.  (*) J'avois 

53  mis  une  vingtaine  de  Chenilles  de  cette  Ef- 
33  pece  dans  un  poudrier  5  on  avoit  le  m:rnie 
53  foin  de  les  nourrir  ,  que  de  nourrir  celles  de 
53  pîufieurs  autres  Efpeces  ,  c'eft-à-dire ,  de  leur 
33  donner  des  feuilles  de  Chêne  nouvelles ,  des 
33  que  celles  qu'elles  avoient  commenqoient  à 
33  fe  faner.  On  remarqua  que  le  nombre  de  ces 
33  Chenilles  diminuoit  journellement  :  on  ns 
53  trouvoit  pas  cependant  les  cadavres  des  mor- 
33  tes.  Cette  obfervation  rendit  plus  attentif  à 
33  les  examiner  ,  &  l'on  vit  que  lorfque  quel- 
53  qu'une  d'elles  rencontroit  une  de  fes  compa- 
53  gnes  ,  elle  tâchoit  de  la  faifir  avec  fes  dents, 
53  vers  les  premiers  anneaux  j  qu'elle  lui  fiifoit 
53  des  b'eiiures  mortelles  ,  Ci  l'attaquée  ne  fe  déga- 
55  geoit  par  de  prompts  eliorts ,  avant  que  d'à- 
„  voir  requ  des  coups  de  dents.  Les  Chenilles 

C)  Mi.  PI.  XXXlII,Fis.  f. 


4-44      'e  J^  S  E  K  r  J  T  I  0  N  S 


qui  ont  été  percées  quelqlie  part  périfFe-iit» 
&  Cl  elles  ne  périfFent  pas  fur-le-champ .,  bien- 
tôt au  moins  elles  deviennent  trcs  ^  foibles  ,* 
ainfi  l'attaquante  ,  la  meurtrière  fe  trou  voit 
bientôt  maitrelTe  de  fa  proie.  Qiiand  elle  ne 
pouvoit  p;us  lui  échapper ,  elle  la  fu^oit  & 
la  rongeoit  tranquillement.  Celles  qui  atta- 
quoi^ent ,  paroiiToient  toujours  les  plus  fortes , 
elles  ne  s'adrelToient  apparemment  qu'à  celles 
dont  elies  connoiiroient  l'état  de  ibibleire., 
peut-être  qu'à  celles  que  l'approche  de  la  mue 
rendoit  languilFantes.  Ce  qui  eft  de  fur ,  c'eft 
que  de  mes  vingt  Chenilles  8c  plus ,  il  ne 
m'en  refta  qu'une  ,  qui  fut  deiîinée  pendant 
qu'elle  raangeoit  la  dernière  de  fes  camarades. 
Elle  y  étoit  fi  acharnée  ,  qu'elle  fe  laiila  tirer 
du  poudrier  fans  abandonner  fa  proie,  à  la- 
quelle elle  refta  attachée  s  elle  cojitinua  de 
fucer  &  de  manger  pendaîit  tout  le  temps. 
qui  fut  employé  à  la  deffiner.  Ce  ne  font 
pourtant  que  les  parties  intérieures  qu'elles, 
mangent ,  elles  laifient  non-feulement  la  tète 
^'  les  jambes ,  elles  lailfent  même  toute  la 
peau.  Le  cadavre  alors  eft  réduit  à  peu  de 
chofe  5  &  c'eft  ce  qui  empèchoit  de  trouver 
dans  le  poudrier  ceux  des  Chenilles  qui  avoient 
été  mangées  ,  parce  qu'on  croyoit  devoir  y 
trouver  des  Chenilles  mortes .,' ayant  la  forme 


SVR  LES    INSFCTF'S.       j^^ 

^„  '^  "la  grandeur  des  vivantes.  Celle  qui  m'étoic 

-.,5  reftée  périt  fans   fe  transformer  en  Chryfa- 

yy  lide.  Mademoifelle  Mérian  aiTure  qu'elle  a  va 

-„  auin    des   Chenilles   à    tubercules ,  qui  font 

•>,;,  celles  que  nous  avons  fait  repréfenter  Tome 

■„  I,  PL  XLIX,î'ig.  I ,  ou  celles  de  la  PL  L, 

.„  Fig.  I ,  qui  s'entremangeoient  j  mais  j'ai  nourri 

.,)  de  ces  dernières  'Chenilles  fans  les  avoir  v^ 

.,  fe  traiter  avec  une  pareille  barbarie. ,.     ^ 

Je  repris  en  Juillet  1739  ,  les  'Obfervation?; 
'que  j'avois  commencées  PEté  précédent  fur  les 
Chenilles  du  Tithymale.  Je  defîrois  uir-tout  d^ 
•les  voir  de  nouveau  -manger  leur  dépouille.  Ta 
fis  donc  chercher  de  ces  Chenilles  fur  les  Titny,- 
-maies.  On  m'en  apporta  de  différentes  gran- 
deurs. Les  unes  avoient  atteint  leur  parfuit 
accroiifement  5  les  autres  en  étoient  plus  ou 
moins  éloignées.  Les  couleurs  des  plus  jeunes 
étoient  fort  tendres.  Un  jaune  très-agréable  en 
failbit  îe  fond.  J'en  vis  piufieurs  fe  dépouiller 
fous  mes  yeux,  &  jnanger  enfuite  leur  dé- 
pouille. 

J'essayai  de  faire  jeûner  deux  de  -ces  Che- 
nilles. L'une  n'écoit  encore  parvenue  qu'à  la 
moitié  de  fon  accroiifement  *. .  l'autre  n'avoit 
prefque  plu-s  à  croître.   Je  les  tins  renfermée^ 


i4^     ùbseèvationS 

dans  la  même  boite  vitrée  :  je  voulois  voir  fi  k 
plus  grande  attaqueroit  la  plus  petite  -,  mais  ce 
f  Jt  ce  qui  n'arriva  point.  Elles  fe  bornèrent  à 
ronger  une  vieille  dépouille  d'une  Chenille  de 
leur  Efpece  qui  s'étoit  transformée  en  Chryfalide 
quelque  temps  auparavant.  J'imaginai  enfuite 
de  leur  fervir  la  dépouille  d'une  grande  fauj]} 
Chenille  du  Saule  :  mais  elles  n'y  touchèrent  pas. 

Dans  le  même  temps ,  m'étant  mis  à  diïTé- 
quer  une  de  ces  Chenilles  ,  j'enlevai  tout  le 
canal  intclHnal  ,  je  veux  dire ,  ce  long  fac  qui 
contient  l'œfophage ,  l'eftomac  &  les  inteftins  j 
&  après  l'avoir  détaché  en  entier  de  l'intérieur , 
je  rétendis  fur  une  planchette.  Je  plaçai  tout 
auprès  la  grande  Chenille  que  je  faifois  jeûner 
depuis  quelques  jours  ,  &  je  la  vis  dévorer  tout 
ce  vifcere.  Elle  le  tenoit  ferré  entre  fes  pre- 
mières jambes ,  pour  que  les  dents  ne  manquaf- 
fent  point  leurs  coups. 

Un  autre  jour,  je  mis  à  part  dans  une  boite 
vitrée  deux  autres  Chenilles  du  Tithymale  qui 
n'avoient  pas  encore  fubi  le  dernier  change- 
ment de  peau.  Elles  ne  tardèrent  pas  à  fc  dé- 
pouiller; &  quoique  je  les  lailiaife  fans  nourri- 
ture ,  elles  ne  mangèrent  point  leur  dépouille ., 
cSc  ne    s'attaquèrent   point   l'une  l'autre.  Elles 


SÏJÈ    LES    1  N  s  E  C  TE  s.      HT 

lîérirent  toutes  deux  au  bout  de  quelque  temps  . 
après  avoir  beaucoup  diminué  de  grandeur.  Ces 
Chenilles  ne  mangent  donc  pas  conftammenÉ 
leur  dépouille  ,  8c  ne  s^ittaquent  pas  toujours 
les  unes  les  autres  ,  lors  même  qu'on  les  prive 
de  nourriture. 

En  Mai  1739  ,  j'avois  reiiFemié  dans  Un 
poudrier  une  grande  Chenille  très-veliie  ,  a  feize 
jambes ,  qui  vit  im  le  Charme ,  &  j'avois  logé 
avec  elle  une  de  ces  Chenilles,  que  la  longueur^ 
la  roideur  &  la  diredion  de  leurs  poils  ont  fait 
nommer  Herijjonne  (^j.  Au  mois  de  Juin  fui- 
vaut  3  la  Chenille  du  Chariiie  me  parut  inlmo- 
bile  au  fond  du  poudrier.  Je  la  pris  entre  mes 
doigts ,  &  je  reconnus  qu'elle  ne  vivoit  plus. 
En  Pexaminant  de  plus  près  ,  je  remarquai  qus 
fa  peau  étoit  comme  déchiquetée ,  8t  que  par- 
tout où  je  pottois  le  doigt  j'en  enlevois  quel- 
que fragment.  Il  fortoit  en  même  temps  de  l'in- 
térieur du  corps  une  matière  jaunâtre  &  médio- 
crement épailfe.  Je  conjecturai  qxîe  la  Chenille 
avoit  été  réduite  dans  ce  pitoyable  état  par 
THérilTonne  ,  qui  Pavoit  apparemment  trouvée 
tin  mets  à  fon  gré.  J'eus  lieu  de  me  confirmer 
dans  ma  conjedurejorfqûe  je  vis  bientôt  apfè^ 
PHériifonne  enfoncer   fa  tète  &  fes  première^ 

C)  Méw.  fur  ies  Inf.  Tome  ï,  PI.  XXXVI,  Fig.  u 


J48       OBSERVATIONS 

jambes  dans  le  cadavre  ,  y  fouiller  très-avants 
&  en  fouîever  la  peau  qà  &  là.  Elle  demciiroit 
immobile ,  &  paroiifoit  toute  occupée  à  iucer 
la  matière  grailTcufc  que  renfermoit  le  cadavre. 
Sa  partie  antérieure  étoit  recourbée  vers  les 
premières  jambes.  Elle  ne  fembloit  faire  que 
fucer  j  car  je  ne  lui  voyois  point  remuer  les 
mâchoires  comme  une  Chenille  qui  ronge  une 
feuille.  Elle  refta  quelque  temps  dans  la  même 
attitude  ,  la  tète  toujours  enfoncée  dans  le  ca- 
davre"3  &  lorfqu'elle  vint  à  l'en  retirer ,  elle  étoit 
toute  couverte  de  la  matière  grailfeufe  :  les  pre- 
mières jambes  en  avoiént  auili  une  bonne  tou- 
che. La  Chenille  fit  enfuite  quelques  pas ,  8c 
j'obfervai  qu'elle  promenoit  fes  mâchoires  fur 
fes  premières  jambes  ,  qu'elle  en  enlevoit  ainil 
la  matière  graiifeufe  qui  les  recouvroit ,  &  qu'elle 
ia  faifoit  palTer  dans  fon  intérieur. 

Lorsqu'en  fe  promenant  dans  le  poudrier^ 
notre  Hériffonne  venoit  à  rencontrer  le  cadavre.^ 
elle  y  pîongeoit  de  nouveau  fa  tète  &  fes  pre- 
mières jambes ,  comme  la  première  fois.  Elle 
continua  la  même  manœuvre  pendant  toute  la 
journée  ;  mais  l'action  de  l'air  ayant  peu-à-pcu 
deiféché  la  matière  graiifeufe  dont  le  cadavre 
ctoit  rempli,  l'HérilTonne  n'y  toucha  plus.  Elle 
aifecl;oit  même  de  s'en  tenir  toujours  à  quelque 
djftance. 


SUR   LES   INSECTES.         149 

JoMETTROîS  une  choie  eiTentielle ,  fî  je  ne 
difois  point ,  que  je  n'avois  pus  privé  cette 
Chenille  des  feuilles  dont  elle  failbit:  m  nour- 
riture ordinaire  ,  qui  étoient  celles  du  Prunier. 
Mais  cette  Eij^ece  vit  encore  de  celles  du 
Charme  &  du  Poirier.. 

Instruit  par  cette  expérience  de  rétrange 
goût  de  mon  Hérlifonne  ,  je  pcnfai  à  ne  la 
nourrir  plus  que  de  Chenilles  vivantes  ou  mor- 
tes. Je  commençai  par  Iid  en  fervir  une  vivante 
demi-velue ,  &  de  grandeur  au-deiius  de  la  mé- 
diocre. L'HériiTonne  ne  l'attaqua  point.  J'expofai 
cnfuite  le  poudrier  à  un  folcil  très -ardent, 
parce  que  j'avois  remarqué  en  d'autres  occa- 
fions  que  la  chaleur  de  cet  aPrre  animoit  beau- 
coup certaines  Chenilles  ,  &  qu'elle  les  rendoit 
prelque  furieufes.  Notre  Hérifibnne  ne  manqua 
point  de  l'éprouver:  dès  qu'elle  eiit  commencé 
à  fentir  les  impreiîio'^is  de  la  chaleur  ,  elle  fè 
mit  à  courir  avec  une  grande  vitelTe  ;  elle  pa- 
roiiToit  toute  en  feu.  Cependant  elle  n'attaqua 
point  la  Chenille  que  j'avois  renfermée  avec 
elle  ,  &  qui  étoit  bien  moins  affeâée  de  la 
chaleur.  Au  bout  d'une  heure  ,  j'obfervai  que 
rHériiîbnne  faifoit  d'inutiles  efforts  pour  mar- 
cher :  elle  tâchoit  de  fe  traîner  fur  fes  premières 
jambes  5  mais  les   mcmbraneufes  refnfoient  de 

K  3 


ïf^       OBSERVATIONS 

s'acquitter  de  leiv's  fondions.  Je  jugeai  taci- 
lemcnt  que  cet  accident  avoit  été  caiifé  par 
Pcxcès  de  la  clialetir.  Je  fortis  la  Chenille  hors 
du  vafe,  Sç  en  la  maniant,  je  remarquai  qu'elle 
étoit  devenue  tres-flalque ,  &  que  fes,  jamhes 
membraneufes  ,  qui  étaient  très-flafques  auflî , 
étoient  plus  aîongées  que  dans  Pétat  naturel. 
Les  poilg.  avoient  changé  de  couieur  ,  &  fem- 
bloient  avoir  été  légèrement  brûlés.  La  chaleur, 
avoir  occafioné  fans  doute  un  excès  de  tranfpira- 
tioii ,  qui  avoit  prcdiiit  un  affoibliirement  généraL 
Je  mis  la  Chenille  dans  un  autre  vafe  ,  &  la  portai 
dans  mon  cabinet.  Je  la  crus  mourante.  Je  fus 
donc  aiîeîz  furpris  le  lendemain  matin  de  la  re- 
troîiyer  à-peu-pres  dans  ion  état  naturel,  &  de. 
la  voir  marcher.  Je  lui  donnai  des  feuilles  de 
prunier  dont  elle  mang  a.  Mais  elle  ne  paroiffoit 
plus  auffi  vigourcufe  ^  &  fes  jambes  membra- 
neufes. ne  g'acquittoient  pas  auiîi  bien  de  leurs 
fon étions  qu'auparavant.  Elle  ne  fit  que  languir 
pendant  quelques  jours   &  mourut  enfuite. 

.Dans  le  même  temps  (*) ,  je  trouvai  fur  un 
Prunier  fauvage  cinq  jeunes  Chenilles  rafes  ,  à 
feize  jambes ,  de  FEfiiece  de  celle  qui  eft  repré-* 
fentée  PI  XVIÏT ,  Fig^r  ,  du  Tome  I  des  Mé^ 
nioirét  de,  M.  de  Reaumur  ,  &  dont  je  ferai 
d6nnp!tre  ailleiir$  i'induftrie.  Je  renfcrniai  tiicB 

C)  Mai  îm- 


SUR    LES   INSECTES.         l'ff 

jiinq  Chenilles  dans  la  même  boite.  Au  bout  de 
quelques  jours  ,  elles  me  parurent  annoncer  une 
mue  prochaine.  Sur  ces  entrefaites ,  un  de  mes 
amis  5  qui  noumifoit  de  ces  Chenilles  ^^  m'apprit 
que  les  fiennes  s'étoient  dépouillées  ,  &  qu'il 
n'avoir  point  retrouvé  les  dépouilles  dans  le 
vafe  où  il  les  avoit  renfermées.  Il  en  inféroit 
qu'elles  avoient  mangé  leyr  dépouille.  Ce  fait 
n'avoit  plus  de  quoi  me  furprendre.  Les  Che- 
nilles, du  Tithymale  m'en  avoient  déjà  fourni 
un  exemple  ,  &  j'avois  préiumé  facilement  que 
je  le  reverrois  dans  d'autres  Efpeces.  J'avois  de 
plus  obfervé  que  s  lorfque  mes  petites  Chenilles 
venoient  à  fe  rencontrer ,  elles  s'attaquoient 
l'une  l'autre ,  &  fe  donnoient  des  coups  de  dents . 

J'attendois  avec  iraratience.  le  moment  de 
ia  mue.  Il  arriva  biei  tôt.  La  plus  diligente  de 
mes  Chenilles  s'étant  dépouillée  ,  je  trouvai  fo 
dépouille  arrêtée  contre  les  parois  de  la  boitç 
par  des  £ls  de  foie.  La  C/ienille  en  étoit  à 
quelque  diftance,  &  ne  paroiiToit  point  fe  ôÀi'-- 
pofar  à  la  manger.  Elle  n'y  toucha  point  en 
efFet.  Mais  je  fus  furpris  de  ne  trouver  dans  la 
boîte  que  quatre  Chenilles  au  lieu  de  cinq  que 
j'y  avois  renfermées.  J'étois  très -fur  que  la 
boite  avoit  toujours  été  bien  clofe.  Je  jugeai 
i^mic  que  la  Chenille  qui  me  roanquoit  avoit  été 


r^z       O  B  S  E-  R   V  A'  r  ï  0  N  ô 

éévorée  par  les  autres.  J^  .jercîmi.  les  rcilc^ 
du  cadavre ,  &.  je  ne  découvris  que  ie  crâne.  Il 
ifétoit  point  celui  de  la  dépouille  dont  je  viens 
de  parler  ;  car  cette  dépouille  en  avoit  un  bien 
complet. 

Mes  quatre  Chenilles  changèrent  de  peau  à 
diiférens  intervalles.  Elles  avoient  fait,  diète 
pendant  les  deux  ou  trois  jours  qui  avoient, 
précédé,  'la  mue.  J.e  ne  les  vis  point  manger 
leur  dépouille. 

Quelque  temps  après,  elles  fubirent  un  fé- 
cond changement  de  peau.  Diftrait  par  d'autres 
occupations.,  je  ne  pus  les  fuivre.  pendant  cette 
eirconPcaiice  :  mais  n'ayant  point  retrouvé  de. 
.dépouille  dans.' la  boite  ,  je  ne  doutai  pas  que 
ehaque  Chenille,  n'eût  mangé  la  fienne.  Elles 
n'avoient.  point  touché  à  celle  qui  écoit  'rete- 
nue contre  les.  parois  de  la.  boite  par  des  nls 
de  i^ok.  Cette  dépouille  s'étcit,  fans,  doute,  trop 
deiiéchée  pour  être  au  gode  de  nos  Chenilles.   ,, 

Il  me  rettoit  une  Chenille ,  qui  moins  dili- 
gente que  les  autres ,  n'avoit  pas.  encore  changé 
de  peau.  Elle  ne  tarda  pas  à  fe  dépouiller ,  Se 
ayant  ouvert  la  boite  ,  je  la  vis  parée  d'une 
.nouvelle  peau,   La  dépouille   qu'elle  vcnoit  dt 


SUR   LES   INSECTES^        îf3 

l'ejetter  étoit  placée  toiit  auprès  de  foii  derrière  >, 
eni'brte  que  la  tète  de  la  dépouille  touchoit 
prcrque  le  deniere  ^le  la  Chenille.  Les  couleurs. 
de  ceiie-ci  étoient  fort  tendres  encore  i  mais  au 
bout  d'une  heure  &  demie  y  elles  parurent  auiîi 
foncées  qu'elles  dévoient  le  devenir.  La  Che-> 
nille ,  qui  jufqu- alors  écoit  demeurée  immobile  ^ 
fe  retourna  bout  par  bout  >  &  amena  Cn  tèta 
vers  celle  de  la  dépouille  qu'elle  commença  à 
dévorer..  Jamais  je  n'avais  vu  aucune  Chenille 
dévorer  des  feuilles  avec  autant  d'avidité  que_ 
celle-ci  dévoroit  fa  dépouiUe.  Elle  ne  s'y  prenoit 
pas  comme  elle  auroit  fait  pour  ronger  une- 
feuille  :  elle  dévoroit  fa  vieille  peau  comme  un 
Loup  affamé  dévore  une  charogne.  En  moins 
d'un  quart  d'heure  il  n'QH  relia  pas  le  moindre 
veftig-e. 

Tandis  que  ma  Chenille  dévoroit  fa  dé^ 
pouille  avec  tant  d'avidité  ,  &  qu'il  n'en  reftoit 
plus  que  les.  deux  dernières  jambes ,  je  m'avifai 
de  placer  tout  auprès  de  ces  reftes  de  la  dé- 
pouille une  petite  Chenille  vivante ,  de  \EipecQ. 
qui  vit  en  fociété  fur  le  Fufain  :  je  vouldls 
voir  il ,  après  avoir  achevé  de  dévorer  fa  dé- 
pouille 5  notre  Chenille  voracc  poiteroit  la  dent 
lur  la  petite  Chenille  que  je  lui  préfentois ,  & 
que  je  retenois  avec  une  pince  pour  qu'elle  ne 


ïT4       0  n  S  E  R  V  A  T  I  0  K  S 

pût  lui  échapper.  Après  avoir  décoré  la  dernière 
jambe  de  la  dépouille  ,  la  Chenille  avança  ft 
tète  fur  celle  que  je  dcftinors  à  lui  fervir  de 
pâture  i  elle  fenibla  même  vouloir  y  porter  la 
dent  :  mais  des.  qu'elle  l'eût  touchée,  elle  retira 
fa  tète  fous  fes  premières  jambes  ,  &  fe  mit  à 
tâter  la  place  où  avoît  été  la  dépouille ,  comme 
pour  y  chercher  quelques  reftcs  de  cette  vieille 
peau.  Elle  en  trouva  en  effet  5  &  de  fi  petits 
que  je  pouvois  à  peine  les  difcerner  :  elle  s'en 
faiiit  à  rinftant,  &  les  dévora  avec  la  même 
avidité.  Je  m'opiniâtrai  à  lui  préfenter  toujours 
la  petite  Chenille  :  ce  fut  toujours  en  vain.  Elle 
ne  l'attaqua  jamais  Elle  en  détournoit  la  tète 
très-brufquement  quand  je  la  lui  faifois  toucher , 
ou  fe  mettoit  à  fuir. 

Le  Bouillon  blanc  nourrit  une  Chenille 
rafe  (^)  ,  un  peu  au-deifus  de  la  grandeur  mé-- 
diocre  5  dont  les  couleurs  font  agréables,  &  qui 
eft  remarquable  par  l'induftrie  avec  laquelle  elle 
conftruit  fa  Coque.  J'en  parlerai  ailleurs.  Quatre 
de  ces  Chenilles  que  je  nourriifois  en  Juin 
1739  ,  mangèrent  leur  dépouille  après  l'avoir 
rejettée.  (j) 

(*^  Reaumur,  Tome  î,  PI.  XLÎÎT,  Fig.  5. 
(i)  Je  m'étois  hâté    de   communiquer  à  M.  de  REAUMUJEt. 
incs  Obfervations  fur  ies  Chenilles  qui  mangent  leur  tlépouillci 


3WR    LES    INSECTES,     i<yf 

On  trouve  fur  le  Savile  une  aiTez  grande 
Ghenille,  qui  n'y  eft  pas  commune,  &  dont  la 
forme  eft  très-Unguliere,  Eile  eft  parfaitement 
rafe,  &  a  quatorze  jambes.  Son  derrière  fe  ter- 
mine par  deux  tuyaux  écailleux ,  qui  renfer- 
meiit  une  corne  charnue  que  rinfefte  en  fait 
fortir  à  volonté.  On  peut  voir  la  Figure  de 
cette  Chenille 3  PL  XXI ,  Fig.  i,  2 ,  3  du  Tome  II 
de  l'ouvrage  de  M.  de  Reauivïur.  Je  fuis  peut- 
être  de  tous  les  Naturaliftes  celui  qui  a  le 
plus  obfervé  cette  finguliere  Chenille ,  &  auquel 
elle  a  oftert  des  faits  plus  intérelfans  &  plus 
dignes  d'être  approfondis.  Le  répit  de  mes  Ob- 
fei" varions  forme  un  cahier  de  près  de  cent 
pages  dans  mon  Journal.  J'en  ai  donné  un  court 
extrait  dans  un  Mémoire  qu'on  trouvera  à  la 
fuite  de  cet  écrit.  Le  i^  de  Juillet  1740,  tan- 
dis que  je  cherchois  de  ces  Chenilles  fur  un 
Ozier ,  j'en  découvris  une  qui  venoit  de  changer 
de  peau.  Elle  repofoit  fur  le  deifus  d'une  feuille , 
qu'elle  a  voit  eu  f^in  de  tapiiiér  de  foie.  Sa  dé- 
pouille étoit  auprès  d'elle  ,  &  je  remarquai 
qu'elle  fembloit  frotter  de  fa  tète  l'extrémité 
des  tuyaux  écailleux  de  la  dépouille ,  qui  étoient 

&  ii  m'avoit  répondu  qu'un  de  fes  amis  ,  M.  Bazin  ,  avoit 
fait  les  méiv.cs  Oblervations  ,  foit  fur  les  Erpeces  que  j'r.vois 
obferve'es ,  foit  fur  d'autres  j  mais  il  ne  m'en  donnoit  point 
de  détail. 


1^^       0  B  s  E  R  V  AXIONS 

élevés  prefque  perpendiculairement  au-deiTus  de 
la  feuille.  Ce  petit  manège  me  fit  foi;pqonne/ 
que  la  Chenille  le  diipofoit  à  manger  la  dé- 
pouille. Je  me  déterminai  donc  à  demeurer  fur 
la  place,  &  à  ne  point  perdre  de  vue  ma  Che* 
ïiille.  Il  faifoit  une  chaleur  prefqu'infupporta- 
ble  :  je  m'uiîis  à  l'ombre ,  &  tenant  d'une  main 
ma  loupe  &  de  l'autre  la  feuille  fur  laquells 
étoit  la  Chenille ,  je  continuai  d'obferver  ave^î 
la  plus  grande  attention, 

La  Chenille  commença  par  ronger  les  tuyaux 
écaiîleux  :  elle  les  attaquoit  par  le  bout  fupé^ 
rieur  5  &  quand  elle  avoit  rongé  une  certaine 
portion  d'un  des  tuyaux,  elle  palfoit  à  l'autre. 
Se  revenoit  enfuitc  au  premier.  Elle  les  dévora 
ainfi  jufqu'à  la  bafe ,  &,  au  point  qu'il  n'en  refta 
pas  le  moindre  VQikïge.  Je  m'attendois  qu'après 
avoir  achevé  de  manger  les  tuyaux ,  elle  coiiti- 
luieroit  à  manger  la  partie  poftérieure  de  la  dé-- 
pouille  ,  &  qu'elle  en  dévoreroit  fucceiîîvement 
les  autres  parties ,  en  allant  de  fuite  des  ujics 
aux  autres  ,  &  en  finilTant  par  la  tète.  Ce  fut 
pourtant  ce  qui  n'arriva  point  :  après  avoir  dé- 
voré  en  entier  les  deux  tuyaux  écaiîleux,  elle 
alla  attaquer  la  partie  antérieure.  Il  fembloit 
qu'elle  n'Gïi  voulut  d'abord  qu'à  ce  qu'il  y 
avoit  de  plus  dur  ou  de  plus   coriace  dans  la 


's  un    LES    INSECTES.      rv7 

vieille  peau.  La  partie  antérieure  lui  préfentoic 
des  pièces  qui  n'étoient  pas  moins  propices  que 
les  tuyaux  à  donner  bien  de  roccupation  à  fes 
nouvelles  dents  :  telles  étoient  les  fîx  jambes 
écaineufes  ,  &  tels  étoient  encore  deux  tuber- 
cules d'une  fubftance  peu  différente  de  la  corne 
ou  de  récaille,  placés  près  de  la  tète  ,  &  qui 
Semblent  donner  à  la  Chenille  des  oreilles  de 
Chat.  Je  ne  parle  point  de  la  tête  de  la  dépouille; 
parce  que  je  ne  la  vis  points  &  que  j'ignore  ce 
qu'elle  ctoit  devenue;  La  Chenille  fe  mit  donc 
à  , dévorer  les  fix  jambes  écailleufes  s  puis  les 
deux  tubercules  ou  appendices  cornés  j  &  ce  ne 
fut  qu'après  qu'elle  les  eût  engloutis  en  entier ^ 
qu'elle  dévora  les  parties  charnues  de  la  dé- 
pouille. .  .        ,- 

L'ordre  que  notre  Chenille  obfervoit  dans 
fon  étrange  repas  ,  paroitra  plus  (înguKer  en- 
core ,  fi  l'on  fe  rappelle ,  que  pendant  les  pre- 
mières heures  qui  fuivent  la  mue  ,  les  dents  de 
i'Infedle  n'ont  point  encore  le  degré  de  dureté 
qu'elles  acquerreront  dans  la  fuite.  Je  le  faifois 
remarquer  en  commençant  le  récit  de  ces  Ob- 
fervations.  K  y  a  donc  lieu  de  s'étonner  que 
la  Chenille  attaquât  d'abord  les  parties  les  plus 
dures  de  la  dépouille.  En  moins  de  demi-heure  3 
elle  eût  dévoré  fous  mes  yeux  toute  cette  vieille 
peau. 


i$8       d  B  S  E  R  V  A  T  I  0  N  S 

Je  ferai  connoitre  encore  deux  autres  Efpfc 
ces  de  Chenilles  qui  mangent  leur  dépouille  :  là 
première  eft  celle  dont  j'ai  parlé  Obf.  XIV ,  & 
qui ,  comme  la  belle  du  Fenouil ,  porte  une 
'coriie  en  Y  à  fa  partie  antérieure  :  la  féconde 
"eft  celle  qui  eft  repréfentée  N^  XXIV  dii 
Goedaert  de  Lifter ,  qui  porte  une  corne  fur  le 
derrière  ,  &  dont  la  peau  eft  chagrinée.  Elle  eft 
rafe  &  à  feize  jambes.  Elle  vit  fur  le  Saule; 
On  la  trouve  en  Juillet  &  Août, 

OBSERVATION     XVIIL 

Eiir  une  petite  Chenille  qui  vit  dans  P intérieur 
des  grains  de    Kaifin. 


E 


N  Odobre  1740,  le  bruit  fe  répandit  dans 
nos  environs  que  les  raifins  étoient  rongés  in- 
térieurement par  des  Vers.  Cette  nouvelle 
n'auroit  pas  fort  excité  ma  curiolité ,  fl  je  n'a- 
vois  point  lu  les  Mémoires  fur  les  Infe&es. 
Combien  d'efpeces  de  fruits  qui  font  attaqués 
par  des  Infedes  !  Combien  en  eft-il  fur-touft 
qui  nourriffent  dans  leur  intérieur  un  Ver  ou 
une  Chenille  î  Mais  l'illuftre  Hiftorien  des  In- 
fedes  avoit  dit ,  aucun  Infe3e  ,  que  je  fâche  , 
ne  s'élève  dans  rintérieur  des  grains  de  raifin,  (*) 

C;  Tome  II,  pag.  47g. 


SVR    LES   INSECTES,        j<^'f 

je  me  rapellois  ce  mot  de  mon  maître  ,  &  je 
fus  cV abord  porté  à  en  inférer  ,  que  'les  gens 
de  ia  campagne  ,  qui  n'y  regardent  pas  de  fort 
près  ,  prenoient  pour  des  Vers  logés  dans 
l'intérieur  des  grains  de  raifins  ,  des  Infedes 
nichés  dans  les  intervalles  que  les  grains  laiîTent 
entr'eux.  Je  connoiiTois  des  Infecles  qui  fe 
logent  ain fi  ,  &  qui  ne  font  pas  rares.  On  fe 
plaignoit  beaucoup  alors  de  la  récolte.  Une 
gelée  extraordinaire  furvenUe  dans  le  milieu  du 
mois  ,  avoit  furpris  les  raifins  avant  leur  ma- 
turité &  dépouillé  la  vigne  de  toutes  fes  feuil- 
les. Et  comme  les  payfans  ont  coutume  de 
dire  ,  qu'un  malheur  en  attire  toujours  un 
autre  ,  le  bruit  de  la  nouvelle  calamité  occa- 
fionée  par  les  Vers  n'eut  pas  de  peine  à  s'accré- 
diter parmi  eux.  On  m'en  parla  d'une  manière 
il  pofitive  ,  que  je  me  déterminai  à  m'aiîiirer 
du  fait  par  mes  propres  yeux.  Dans  cette  vue , 
je  fus  cueillir  moi-m^ème  bon  nombre  de  grappes 
de  raifins.  Je  choifis  de  préférence  toutes  celles 
où  j'appercevois  des  grain.s  qui  fembloient  liés 
les  uns  aux  autres  par  des  fils  de  foie.  P.endu 
dans  mon  cabinet  ,  je  me  mis  à  examiner 
avec  le  plus  grand  foin  toutes  les  grappes  que 
je  venois  de  cueillir.  L'étoient  des  raifins  rou- 
ges j  mais  dont  ia  couleur  avoit  été  fort  altérée 
par  la  gelée. 


ï^o       0  B  "5  E  R  V  A  T  I  0  n  S 

J^OïSSERVAi  tP abord  que  les  grains  qui  paioif* 
îoient  liés  enfemble  à  l'aide  d'un  tilTii  foyeux  ^ 
étoient  percés  d'un  petit  trou  rond.  J'ouvris 
tous  ces  grains  >  &  ce  fut  dans  le  cœur  de  deux 
ou  trois  feulement  ,  que  je  découvris  un  petit 
Ver  ,  que  je  reconnus  bientôt  pour  être  une 
véritable  Chenille.  Elle  étoit  de  la  grandeur  de 
celle  qui  vit  dans  l'intérieur  des  grains  de  bled. 
Sa  couleur  étoit  rongeàtre.  Elle  avoit  feize 
jambes  ,  dont  les  membraneufes  étoient  à  cou- 
ronnes complettes  de  crochets.  Elle  étoit  r^.fe  "; 
mais  vue  à  la  loupe ,  elle  montroit  qk  &  là  quel- 
ques petits  poils.  La  tète  &  les  jambes  écail- 
leufes  étoient  d'un  rouge  marron.  Le  premier 
anneau  étoit  recouvert  d'une  plaque  écailleufe 
d'un  rouge  plus  foncé  que  celui  de  la  tète.  De 
petits  tubercules  luifans  &  applatis ,  d'un  rouge 
plus  vif  que  celui  de  la  peau  ,  &  qui  ne  pa- 
roiiîbient  que  comme  des  taches  de  figure  ovale, 
étoient  diftribués  avec  ordre  fur  les  autres  an- 
neaux ,  &  y  traqoient  fix  ligues  parallèles  à  la 
longueur  du  corps. 

Je  renfermai  dans  une  boîte  vitrée  trois  à 
•quatre  grains  de  raifîn  ,  dans  l'un  defquels  je 
m'étois  bien  alTuré  que  logeoit  une  Chenille  ; 
car  tandis  que  je  maniois  ce  grain  ,  la  petite 
hermite  avoit  avancé  fa  tète  au-dehors  du  petit 

trou 


1 


SUE    LES    INSECTES,        16i 

trou  rond  percé  -d  h  furface.  Je  plaqai  ce  grain 
de  manière  que  la  petite  fenêtre  fût  toujours 
cxpofée  à  mes  regards  ,  mais  quelques  jours 
j^pres ,  la  CheniHe  tendit  au  devant  de  rouver- 
ture  une  toile  de  foie  qui  me  déroboit  entiè- 
rement la  vue  de  l'intérieur  de  fa  celluîe. 

Une  autre  Chenille  de  la  même  Efi3ece ,  que 
j'avois  renferniée  dans  la  boite  avec  celle  dont 
je  viens  de  parler,  fe  nicha  entre  deux  grains ^ 
dans  une  forte  de  cavité  qui  fe  trou  voit  à  la 
furface  d'un  de  ces  grains.  Elle  le  rongea  dans 
toute  la  longueur  de  cette  cavité.  Elle  tendit 
au-delTus  une  toile  de  foie  fous  laquelle  elle  fe 
tenoit  cachée.  De  temps  en  temps  iiéinnupins; 
elle  avanqoit  au  dehors  fa  partie  antérieure.  La 
toile  lioit  deux  grains  l'un  à  l'autre  :  je  les  ié- 
parai  avec  précaution  ,  8c  j'obfervai  que  le 
grain  qui  n'étoit  pas  habité  ,  étoit  pourtant 
percé  à  l'endroit  où  la  toile  le  lioit  à  l'autre.- 
Cette  obfervation  m'apprit  que  notre  Chenille 
des  raifins  ne  fe  contente  pas  d'un  feul  grain 
pour  fa  nourriture ,  comme  celle  qui  vit  dans 
rmtérieur  des  grains  d'orge  -,  mais  que  fa  ma- 
nière de  vivre  fe  rapproche  beaucoup  de  celle 
de  la  faîïjje  teigne  du  bled  ,  qui  lie  enfembie 
pluiieurs  grains  &  les  ronge  fuccefTivement, 
Tome  IL  l 


J62       OBSERVATIONS 

Je  ne  dois  pas  oublier  de  faire  remarquer  ^j 
que  parmi  les  grains  de  raifin  que  j'ouvris , 
y  en  trouvai  pluficurs  dont  les  pépins  avoient 
été  rongés  par  la  petite  Chenille  qui  les  avoit 
habités.  Amfi  cette  Eipece  fait  aux  raifins  tout 
le  mai  qu'elle  peut  leur  faire. 

.  Je  ne  trouve  ni  dans  mon  journal  ni  dans 
mes  lettres  à  M.  de  Reaumur  ,  la  fuite  de  l'iiif- 
toire  de  notre  petite  Chenille  des  raifins.  Mais 
je  vois  par  un  paragraphe  d'une  de  ces  lettres 
à  l'illuftre  Naturalifte  ,  que  je  lui  avois  envoyé 
la  Chenille  en  perfonne  ,  pour  qu'il  pût  la 
fuivre  de  l'on  côté.  îl  m'apprit  en  réponfe  5  que 
M.  Bazin  l'avcit  auili  obfervée  ,  &  qu'il  s'étoit 
aiTuré  ,  ôomme  moi ,  qu'elle  en  vouloit  aux  pé- 
pins. Mais  il  n'ajoutoit  là-delTus  aucun  détail. 
Il  me  parloit  à  cette  occafion  d'une  autre  Che- 
nille 5  qui ,  me  difoit-il  ,  s^  prend  de  meilleure 
heure  pour  nous  empêche}-  de  faire  des  récoltes 
de  vin  :  elle  a  faàt  cette  amiée  1740  ,  ajoutoit-il  , 
d'étran.^es  ravages  dans  des  vimobles  d'une 
grande  étendue.  On  dit  ,  cpCelle  commence  par 
ronger  les  bourgeons  de  la  vigne  ,  ^  enfuite  les 
raifins  long-temps  avant  ipûiis  faient  a  maturité. 
J'ai  eu  les  Papillons  de  ces  Chenilles  &  les  Che- 
nilles  elles-mêmes  ,  mais  en  jnauvais  état.  Je,  crains 
de  ix' avoir  que  trop  d'occafions    d'en  fuivre  rhif* 


SUR    LES    INSECTES.         163 

foire  j    cm'    PEfpece    s'efl    p-odigieiifernent   7niiU 
tipiiée. 

M.  de  R'eaùmur  ne  revient  plus  dans  fes 
lettres  a  me  parler  de  ma  Chenille  des  raiiiiiSo 
il  y  a  bien  de  l'apparence  qu'elle  entre  en  terre 
pour  s  y  métaniorphofer  ,  comme  tant  d'autres 
Chenilles  qui  vivent  daîis  l'intérieur  des  fruits, 

OBSERVATION     XIX. 

Hiftoire  de  la  petite    Chenille  qui   vit    dans  PiU" 
térieur  de  la  îste  du  Chardon  à  bonnetier. 

JLjE  Chardon  a  bonnetier  eft  ce  grand  Chardoii 
qui  porte  fiir  une  tige  longue  &  droite  une 
tète  oblongue  ,  hériilee  de  piquans ,  dont  l'art 
fait  faire  un  emploi  utile  pour  la  perfection  de 
nos  Draps.  Cette  tète  eft  creufe  ,  &  c'eft  au 
centre  de  fa  cavité  que  loge  la  petite  Chenille 
dont  j'écris  l'hiftoire.  Là';  elle  vit  dans  la  plus 
parfaite  folitude  &  dans  l'obfcurité  la  plus  pro- 
fonde. Elle  y  eft  mieux  défendue  par  l'écorce 
dure  &  par  les  piquans  du  Chardon ,  que  nous 
ne  le  fommes  par  les  remparts  dé  nos  forterenes. 
Une  Chenille  il  bien  cachée  n'étoit  pas  f^icile 
à   découvrir.  M,  de  Villars  ,  Médecin   de  b 

L  2, 


16-4       OBSERVATIONS 

Rocheîîe  ,  cil  le  premier  qui  l'ait  découverte  ; 
&  c'eft  à  lui  que  M.  de  Reaumur  eu  dut  la 
coniiGiiTaucc.  11  iui  a  donné  place  dans  le  Mé- 
moire fur  les  Chenilles  qui  vivent  dans  l'in- 
térieur des  fruits  ,  &c.  (*)  ;  mais  ce  qu'il  en 
dit  ié  réJuit  à  quelques  lignes.  Cette  Chenille 
m'a  fort  occupé  ,  Se  m'a  offert  des  faits  qui 
m'ont  paru  affez  intéreflans  :  peut-être  le  paroî- 
tront-ils  à  mon  lecleur  &  l'engageront-ils  à  me 
pardonner  la  longueur  des  détails  dans  lefquels 
je  vais   entrer. 

Ce  f?it  en  Février  1739  ,  que  je  commençai  à 
minftruire  un  peu  à  fond  de  fhiifoire  de  notre 
petite  Chenille.  [PL  1J\  Fig.  IIL]  Je  Pavois 
obfervée  l'année  précédente  s  rnais  je  ne  lui 
avois  pas  donné  toute  l'attention  qu'elle  nié- 
litoit.  Elle  n'a  que  cinq  à  fix  lignes  de  lon- 
gueur. Eile  eft  rafe  ,  de  couleur  blanche  ou 
blanchâtie  ,  Se  a  feize  jambes  ,  dont  les  mem- 
braneufcs  font  à  couroinies  complettes  de  cro- 
chets. Examinée  à  la  loupe  ,  on  découvre  fur 
chaque  anneau  huit  points  rougeâtres  diilribués 
avec  ordre  ,  &  qui  font  de  très-petits  tuber- 
cules fort  applatis  &  arrondis.  La  loupe  fait 
voir  encore  qà  Se  là  de  petits  poils  blanchâtres 
Se  médiocrement  longs.  La  tète  eft  ciblée  près 

0  Mém.  fui'  /ff  I?f  T.  II  ,  Mém.  XII ,  pag.  474- 


SUR  LES    INSECTES.        î6<; 

des  mâchoires  &  va  en  s'élargiiHint  par  le  haut. 
Sa  forme  eil  apphitie.'  Sa  couleur  eft  un  marron 
qui  a  cîe  l'éclat.  Le  premier  aimeau  auquel 
tieiit  immédiatement  la  tète  ,  eft  recouvert  d'une 
plaque  écailleufe  de  même  couleur.  Cette  cou-, 
kur  eft  encore  celle  des  jambes  écailleufes  , 
les  membraneufes  font  de  même  couleur  que 
le  corps.  J'ajouterai ,  que  toute  la  peau  de 
cette  Chemlle  a  une  forte  de  luifant ,  &  que 
la  tète  eft  parfemée  comme  le  corps  de  petits, 
poils  blanchâtres.  Ces  poils  font  plus  abondans- 
fur  le  derrière  de  flnfede.  Ceux  du  refte  du 
corps  partent  la  plupart   des  tubercules. 

Je  me  fuis  un.  peu  arrêté  à  décrire  notre 
petite  Chenille  du  Chardon  ,  p^rce  que  la  def- 
cription  quen  donne  M.  de  Reaumur  eft. 
incompletce' ,  &  qu'il  a  été  mal  fervi  par  le. 
deilînatear  (^). 

Il  n'eft  pas  facile  de  diftinguer  au.  premier 
fvoup  d'œil  les  Chardons  qui  font  habités  de 
ceux  qui  ne  le  font  pas.  On  eft  réduit  pour 
Fordinaire  à  ouvrir  au  hafard  les.  tètes  des 
Chardons  qu^on  vient  à  rencontrer.  M.ais  lorf- 
qu'on  s'eft.  beaucoup  exercé  dans,  cette  petite 
recherche  ,  on  parvient  jufqu'à  un  certain  pointa 

C)  Ihid..  PI.  XXXIX  ,.  Fig.   7- 

h  3 


i^^       OBSERVATIONS 

difcerner  à  la  (inip'le  vue  les  Chardons  qui  font- 
îiabi'cés  ,  &  Ton  ne  s'y  trompe  pas  fouvent. 
Dans  Fendroit  où  la  tige  du  Chardon  s'im- 
plante dans  la  tète  ,  eft  une  forte  de  fente  ou 
de  crevalie  ,  qui  annonce  que  cette  tète  eft  ha- 
bitée par  une  Chenille.  On  ne  voit  pas.  cette 
crevafle  dans  les  Chardons  qui  ne  font  pas, 
habités.  Mais  je  ne  dirai  pas  que  tous  les 
Chardons  qui  logent  une  Chenille ,  montrent 
cette  crevaifeo 

La  première  chofe  qui  s'offre  aux  regards  de- 
rObfervateur  ,  quand  il  ouvre  une  tète  de? 
Chardon  qui  renferme  une  Chenille  ,  eft  un. 
amns  plus  ou  moins  confidérable  d'excrémens 
noirâtres  &  de  petits  grains  blanchâtres  ,  liés, 
eJîfemble  par  des  fils  de  foie.  Cet  amas  occupe 
ordinairement  uîie  grande  partie  de  la  cavité 
de  la  tète.  Cette  cavité  eft  de  figure  ellypfoïde. 
En  y  regardant  de  plus  près  ,  on  reconnoit  que 
les  excrémens  &  les  grains,  recouvrent  une 
forte  de.  fourreau  [PL  IV ,  Fig.  IV ,  ff-]  aifez 
alongé  ,  fait  d'une  foie  fine  &.  blanche  ,  & 
couché  fuivant  la  longueur  de  la  cavité.  Les 
parois  de  cette  cavité  font  formées,  par  une 
écorce  mince  g  mais,  aifez  dure.  Dans  cette 
écorce  3.  tantôt  vers, un  des  bouts  du  fourreau, 
tantôt  vers  le  milieu,  de   fa  longueur,  fe  voit 


SUR    LES   INSECTES.        167 

nn  petit  trou  rond  ,  t ,  d'environ  trois-qnarts 
de  ligne  de  diamctre  ,  qui  traverfe  répaiileur 
de  récorce.  On  s'en  afllire  facilement  en  in^ 
troduiilint  dans  le  trou  la  pointe  d'une  épingle  ; 
&.  fi  on  la  pouile  plus  avant ,  on  la  verra  pa- 
roitre  à  Textérieur  de  la  tète ,  entre  les  piquans, 
La  poiition  du  petit  trou  rond  n'a  rien  de  bien 
confiant,  comme  je  viens  de  l'infinuer.  Elle  eft 
en  général  déterminée  par  celle  du  fourreau , 
à  un  des  bouts  duquel  le  trou  eft  le  plus  fou- 
vent  percé.  Il  arrive  quelquefois  qu'on  ouvre 
des  tètes  de  Chardon  dans  lefquelles  le  trou  ne 
traverfe  pas  Tepaitreur  de  l'écorce  :  il  n'y  pénè- 
tre qu'cà  une  petite  profondeur ,  ou  plutôt ,  il  n'eft 
.que  tracé  fur  la  furface  de  l'écorce.  On  recon- 
310ÎC  qu'il  n'eft  qu?  commencé  ,  &  que  l'ouvrage 
refte  à  finir.  D'autres  fois  ,  mais  ce  cas  n'eft 
pas  fort  commun  ,  on  obferve  plufieurs  trous 
percés  dans  les  parois  de  la  même  cavité.  Tous 
ne  font  pas  achevés.  Il  en  eft  qui  ne  font  qu'à 
demi  percés.  Un.  ou  deux  feulement  le  font 
en  entier.  Enfin ,  &  ce  qu'il  importe  beaucoup 
de  remarquer  5  on  ne  voit  de  ces  trous  ronds' 
que  dans  les  tètss  de  Chardons  habitées  par 
une  Chenille  qui  n'eft  pas  éloignée  du  terme 
4e  foii  parfait  accroiffement. 

Je   fus    fort  intrigué  pendant  long-temps  à 

L4. 


ï<^3       OBSERVATION  S 

à  chercher  ce  que  je  devois  penfcr  de  cette- 
petite  ouverture.  Elle  étoit  Ci  bien  terminée  , 
û  exactement  circulaire,  que  je  jugeois  alFcz- 
qu'elle  n'étoit  pas  là  fans  deiîein.  J'imaginai- 
d'abord  qu'elle  fervoit  de  porte  à  la  Ghenille- 
pour  fortir .  au  befoin  de  l'intérieur  de  la  tète 
du  Chardon.  Mais  une  petite  expérience  que 
je  fis  prefque  fur  le  champ ,  me  perfuada  que 
ma  Gonjedure  n'étoit  point  fondée.  Avec  la 
pointe  d'un  piquant  je  touchai  légèrement  ,  à 
plufieurs  reprifes  ,  une  Chenille  logée  dans 
fbn  fourreau  :  je  voulois  favoir ,.  fî  elle  enfileroit- 
la  petite'  porte  pour  s'échapper  î-elle  ne  parut, 
point  du  tout  difpofee  à  profiter  de  roG\^rture. 
Je  continuai  a  la  harceler  jufques  à  ce  que  je 
FeuiTe  forcée  à  v  introduire  Cii  partie  antérieure, 
8c  je  -reconnus  alors  que  l'ouverture  étoit  trop 
petite  pour  lui  permettre  de  s'échapper  :  elle  ne 
put  y  introduire  que  fa  tète  &  fes  premiers 
anneaux.  J'eus  donc  une  preuve  direde,  que 
îa  petite  porte  dont  je  cherchois  l'ufage  ,  n'é- 
toit point  pour  la  Chenille  une  porte  de  fortie. 
D'ailleurs  ,  j'avois  très-bien  remarqué ,  qne  tan- 
dis que  je  harce-ois  la  Chenille  ,  elle  n'avoit 
jamais  paru  chercher  cette  iiîue  pour  fe  foiif- 
tr.ine  à  mes  pourfuites.  Une  autre  coniidéra- 
tion  me  prou  voit  encore  la  fauHèté  de  ma 
conjedure  y  c'eft  que  comm.e  je  l'ai  dit  ei-delîus , 


SUR    LES    INSECTES,       169 

cni  ne  trouve  point  la  petite  porte  dans  la  tète 
des  Chardons  habités  par  de  jeunes  Chenilles  : 
il  pourtant  elle  c-toic  une  liiue  (ecrete  que  la 
Chenille  dût  fe  ménager  pour  s'échapper  au 
bcibin-,  elle  lui  aufoit  été  néceiîaire  à  tout  âge. 

J'abandonnai  donc  entièrement  ma  con- 
jecture &  lui  eu  fubftituai  une  autre  que  je 
jugeai  être  la  vraie.  Je  penfai  que  la  petite  porte 
ronde  étoit  ménagée  de  loin  par  la  prudente 
Cheniiic  pour  le  fervice  du  Papillon.  Je  {avois 
qu'elle  fe  métamorphofe  dans  fon  fourreau  ,  & 
que  le  Papillon  eft  abiblurnent  dépourvu  d'or- 
ganes propres  à  lui  frayer  une  iilue  au  travers 
de  récorce  dure  du  Chardon.  Je  comparai  le 
procédé  induftrieux  de  notre  Chenille  à  celui 
de  cette  petite  Chenille  des  grains  d'orge  dont 
M.  de  Reaumur  n.ous  a  donné  l'intéreirante 
hiftoire  (^).  Cette  Chenille  vit  de  la  fubftance 
larineufe  que  renferme  le  grain.  Un  feul  grain 
lui  fuRit  pendant  tout  le  cours  de  fa  vie  ,  8c 
c'ell  dans  l'intérieur  même  de  ce  grain  qu'elle 
change  de  iorme.  Quelque  temps  avant  la 
métamorphofe  ,  elle  coupe  avec  fes  dents  dans 
répaiifeur  de  l'écorce  une  pièce  exacT:cment  cir~ 
cul'iiire  ,  qu'elle  a  la  précaution  de  laiiiér  en 
place.  C'eft    une  porte    qu'elle   ménage    au  Pa> 

i")  T.  il,  ra^',  4S(î  &  iuivantes ,.  Pi.  XXXiX ,  Fig.  9 ,  10. 


570       OBSERVATIONS 

pillon  ,  8c  qu'il  n'aura  qu'à  pouiTer  avec  la 
tète  pour  fe  mettre  en  liberté.  Je  jugeiii  donc 
que  le  procédé  de  notre  Chenille  du  Chardon 
reiîembloit  à  celui  de  la  Chenille  de  FOrge ,  & 
quHl  avoit  préciféraeiit  la  même  fin.  Et  en 
effet  y  récorce  du  Chardon  ,  beaucoup  plus  dure 
encore  que  celle  de  l'Orge  ,  n'exigeoit  pas 
moins  que  la  Clienille  fut  chargée  de  la  percer 
pour  aiiurer  une  fortie  au  papillon. 

Mais  en  préparant  ainfi  une  porte  au  Pa-- 
pillon  &  en  la  laiifant  ouverte  ,  la  Chenille  ne 
facilite-t-elle  pas  l'entrée  de  fa  cellule  à  quantité 
d'Iiifedes  malfaifans  ,  qui  en  veulent  à  fa  vie 
ou  à  celle  de  la  Chryfalidc  plus  incapable  en- 
core de  leur  oppofer  aucune  réfiftance.  La  Che- 
niile  recourroit  -  elle  donc  à  quelque  moyen 
fecret  pour  obvier  à  ce  fâcheux  inconvénient  , 
&  ce  moyen  auroit-il  quelqu'analogie  avec  celui 
que  la  Chenille  de  l'Orge  fait  mettre  en  œuvre? 
Les  Lfifedes  m'avoient  fort  accoutumé  à  pré- 
lumcr  beaucoup  de  leur  prévoyance  ,  &  je  ne 
doutai  pas  que  je  ne  découvrilfe  quelque  chofe 
qui  feroit  honneur  à  celle  de  notre  Chenille. 
Il  eft  vrai ,  que  les  piquans  dont  la  tète  du 
Chardon  eft  hérilTée  ,  font  en  fi  grand  nombre , 
&  fi  ferrés  les  uns  près  des  autres ,  qu'il  me  fem- 
bia  d'abord   qu'ils  pou  voient  fuifire  à  hiterdire 


SUR  LES   INSECTES,        171 

Fientrée  de  la  porte  aux  Infecfles  rôdeurs.  Je 
ne  laiBai  pas  néanmoins  de  préfumer  ,  que  la 
Cheiiilic  ne  fe  repofoit  pas  entièrement  fui* 
cette  forte  de  défenie  dont  la  Nature  feule 
avoit  fait  tous  les  fraix  :  je  me  perfuadai  ,  que 
rinfede  y  ajoutoit  encore  quelque  petit  ou^ 
Yiage  de  fi  façon  ,  qui  rendoit  les  approches, 
plus  difficiles  ,  fur-tout  à  certains  Infedes  car- 
naciers ,  affez  petits  pour  fe  gliiîer  facilement 
entre  les  piquans.  Je  cherchai  donc  aufli-tôt  à 
vérifier  ma  conjecture  j  &  dans  cette  vue  ,. 
j'examinai  avec  la  plus  grande  aitention  le 
dedans  &  le  dehors  de  la  porte.  Je  ne  tardai; 
pas  à  découvrir  au  dehors  de  petits  corps 
[PL  IV,  Fig.  V.  c  c]  longuets,  durs  &  can- 
nelés ,  plantés  tout  autour  des,  bords  de  fou-. 
verture  ,  &  qui  la  bouchoient  exaclement.  J'ob- 
fervai  enfuite  le  dedans  de  l'ouverture  ^  &  je 
remarquai  qu'il  étoit  tapilfé  de  foie  ,  &  que 
les  fils  de  la  tapiiferie  tcndoient  à  retenir  en 
place  les  corps  cannelés.  Je  remarquai  encore , 
que  la  tapiîferie  n'étoit  qu'un  prolongement 
de  celle  qui  revètoit  l'intérieur  du  fourreau.  Ce 
prolongement  me  parut  donc  avoir  un  double 
uvâge  5  celui  de  maintenir  en  place  les  corps 
cannelés  ,  en  les  aifujettiifant  les  uns  aux 
autres  &  autour  de  Pouverture  5  &  celui  de 
diriger  le    Papillon,  dans,  fa  route  ,  &   le  cou- 


172       OBSERVATIONS 

duire    ainiî  plus    fûrement  vers   la   porte  pré- 
parée pour  fa   fortie. 

Mais  les  corps,  cannelés  fermoient  ii  exacte- 
ment  îa  porte  de  l'habitation ,  qu'il  me  reftoit 
à  favoir ,  s'il  étoit  bien  facile  au  Papillon  de  fe 
faire  jour  au  travers.  Une  expérience  fort  fim-« 
pie  pouvoit  m'en  inftruire.  Une  épingle  que 
j'introduiiis  de  dedans  en  dehors  entre  les 
corps  cannelés  ,  me  prouva  qu'ils  s'écartoient 
ailëz  facilement- les  uns  des  autres  pour  n'op- 
pofer  que  la  plus  petite  réfiftance  à  la  fortie 
du  Papillon.  Il  en  étoit  donc  de  nos  petits 
corps  cannelés  comme  de  ces  gros  fiis  de  foie 
difpofés  en  nalfe  de  Poilfon  ,  que  la  grande 
Chenille  û  tubercules  du  Poirier  place  à  l'ou- 
verture de  fa  Coque  (*)  ,  &  qui  ont  précifé- 
ment  la  même  fin., 

On  préfume  bien  que  je  fus  curieux  de 
découvrir  ce  qu'étoient  ces  corps  cannelés  pofés 
fi  artiftement  à  l'ouverture  de  la  cellule  ,  & 
deftinés  manifeftement  à  en  défendre  l'entrée. 
Il  ne  me  fut  pas  difficile  à'y  parvenir  ,  &  je 
reconnus  bientôt  qu'ils  n'étoicnt  autre  chofe 
que  les  graines  même  du  chardon.  On  fait 
qu'elles  font   diiféminées  partout   entre  les   pi-. 

C;  lllcm,  fur  Je:  înf.  T.  ! ,  Pi.  XLVliï ,  Fig.  ^,6,  7" 


SUR    LES   INSECTES.        173 

quans  ;  mais  il  vient  un  temps  où  elles  fe  dé- 
tachent d'elles-mêmes  de  Técorce  :  &  notre 
Chenille  ienible  fe  conduire  comme  il  elle  le 
iavoit  puifqu'elle  prend  la  précaution  de  les 
aifujettir  autour  de  fa  porte  avec  des  liens  de 
foie. 

Je  n'avois  encore  obferve  cette  porte  &  fes 
défenfes  que  par  dedans ,  &  en  ouvrant  la  tète 
du  Chardon  fuivant  fa  longueur.  Je  voulus 
Pobferver  par  dehors,  &  fans  faire  aucune  ou- 
verture à  la  tète  du  Chardon.  La  chofe  n'étoit 
pas  Cl  facile.  Pour  y  parvenir ,  il  ne  fulïifoit  pas 
de  couper  les  piquans  avec  des  cifeaux ,  le  plus 
près  de  leur  origine  ou  de  leur  bafe  qu'il  feroic 
pofîible  :  j'aurois  couru  le  rifque  de  couper  en 
même  temps  les  corps  cannelés  ,  ou  au  moins 
de  déranger  beaucoup  leur  portions  &  il  im- 
portoit  de  les  ménager.  J'avois  même  déjà 
tenté  ce  moyen ,  &  il  m'avoit  très-mal  réuiîî. 
En  coupant  ainfi  les  piquans  avec  des  cifeaux, 
j'avois  eu  occafion  de  remarquer  qu'ils  étoient 
plus  ferrés  encore  les  uns  près  des  autres  vers 
leur  bafe  qu'à  leur  extrémité  fupérieure  :  ils  y 
étoient  très-preiîes.  Ainfi  pour  parvenir  à  ren- 
contrer l'endroit  où  la  porte  de  la  cellule  ré- 
pondoit ,  j'étois  obligé  de  fonder  qà  &  là  avec 
h   pointe   d'une    épingle  5  car  cette  porte   ne 


Î74       OBSERVATIONS 

s'annoncoit  point  par  dehors.   C'eût  donc  été 
un  grand  hafard  fî  je  Tavois  rencontrée.  Forcé 
de    chercher  un   autre  expédient ,  je  penJai  à 
dépouiiier   un  Chardon  de  tous  les  piqiians  ,  à 
les  enlever  délicatement  les  uns  après  les  au- 
.  très  ,  fans  Oitenler  le  moins  du  monde  i'écorce 
dans  laquelle  i!s  font  implantés.  Ce  n'étoit  pas 
une  petite  aifaire   que  de  dépouiller  ainii  une 
tète  de  Chardon  de  tous  fes  piquans  :  la  choie 
exigeoit  de  la  patience  &  un  temps  allez  iorig. 
De  plus ,  je  ne  pou  vois  m'alFurer  que  le  hafcd 
me  ferviroit  atièz  bien  ,  pour   que  je   ne   fuile 
pas  obligé    d'épiler  bien    des   tètes    avant  que 
d'en  rencontrer  une  qui  fiit  habitée ,  &   dont 
l'habitante  eût  déjà  conftruit  fa  porte.  Mais  ,- 
comme    j'avois   déjà  ouvert  un   grand  nombre 
de  tètes  de  Chardons  ,  &  que  j'avois  remarqué 
que  plus  des  trois  quarts  de  ces  tètes  étoient 
habitées  ,  je  pris  courage  ,  &  je  ne  défefpérai 
pas  de  fatisfaire  ma  curiofité.  Je  me  mis  donc 
à  détacher  un  à  un  tous  les  piquans ,  en  conw 
mençant  à  la  bafe    de  la  tète  ,  ou  à   l'endroit 
par  lequel  elle  tient  à  la  tige.  Il  falloit  y  pro- 
céder  bien    déhcatement  j  car    à    mefure    que 
j'avanqois    vers   l'extrémité    fupérieure  ,  je  re- 
marquois  que  la  confKlance  de   I'écorce  dimi- 
iiuoit   tellement  ,  que   pour  peu   que  je  préci- 
pitaiie  l'opération ,  j'en  enlevois  ct'aiièz  grands 


SUR    LÈS   INSECTES,        17? 

îamoeaux ,  qui  mettoient  à  découvert  l'intérieur 
de  la  cavité.  Ce  n'étoit  pas  là  ce  que  je  me 
propofois  dans  ma  petite  manipulation  :  je  vou- 
lois  avoir  la  tête  du  Chardon  bien  confervée 
&  dépouillée  en  entier  de  fes  piquans.  J'y 
parvins  enfin  5  &  plufieurs  des  tètes  que  j'avois 
réuffi  à  mettre  entièrement  à  nud ,  étoient  ha- 
bitées par  une  Chenille  qui  avoit  déjà  prati- 
qué cette  porte  qui  faifoit  l'objet  de  ma  re- 
cherche. Je  dois  ajouter  que  les  Chardons  que 
je  dépouillois  ainfi  de  leurs  piquans  ,  étoient 
parfaitement  fecs  j  car  ce  n'eft  pour  l'ordinaire 
que  dans  de  tels  Chardons  qu'on  trouve  des 
Chenilles  qui  ont  pris  tout  leur  accroillèment. 

Quand  on  eft  parvenu  à  dépouiller  la  tète 
du  Chardon  [Fi.  IV,  Fig.  F.]  de  tous  fes  pi- 
quans fans  offenfer  i'éccrce  ,  on  voit  à  l'œil 
nud ,  que  cette  écorce  eft  lui  tiiTu  en  forme  de 
natte  ,  compofé  de  fibres  longitudinales ,  entre 
lefqueiîes  fe  voient  des  rangées  de  petits  enfon- 
cemens  deftinés  à  recevoir  l'extrémité  inférieure 
ou  la  bafe  des  piquans.  Près  de  l'endroit  où  la 
tige  communique  avec  la  tète ,  on  ne  didingue 
point  auffi  bien  les  fibres  longitudinales  de  l'é- 
corce  :  là  ,  fon  tiifu  eft  plus  ferré  i  auffi  ert-il 
plus  facile  de  détacher  les  piquans  de  cet  en- 
droit de  l'écorce  fans  la   déchirer.  La  tète  du 


Î7^       OBSERVATIONS 

Chardon  mife  entièrement  à  niid  par  ce  pro- 
cédé ,  reifemble  beaucoup  à  un  fufeau  :  elie  lui 
rcfîemblel'oit  parfaitement  fi  elle  n'étoit  pas  plus 
large  à  fa  bafe  qu'à  fon  extrémité, 

A  mefure  que  j'épilois ,  fi  je  puis  parler  ainu, 
une  tète  de  Chardon  ,  je  rencon trois  de  temps 
en  temps  un  ou  deux  de  nos  petits  corps  can- 
nelés, lis  étoient  épars  qà  &  là  ,  &  tenoient  (î 
peu  à  récorce ,  que  je  les  voyois  fe  détacher 
d'eux-mêmes  dès  que  j'enlevois  les  piquans  qui 
les  envu'onnoient.  Il  n'en  alloit  pas  de  même  de 
ceux  qui  étoient  implantes  au-deflus  de  la  petite 
porte:  [Fig.  V^  c  c]  ils  y  étoient  Ci  bien  arrê- 
tés ,  que  quoique  je  détachafle  tous  les  piquans 
qui  les  entouroient ,  ils  n'abandon noient  point 
leur  place.  J'obfervai  encore  ,  qu'ils  étoient  raf- 
femblés  en  alîez  grand  nombre  autour  de  l'ou- 
verture de  la  porte ,  adoiles  les  uns  aux  autres  , 
&  pofés  perpendiculairement  au-dellus  de  l'ou- 
verture. 

Parmi  quatre  tètes  de  Chardons  que  je  dé- 
pouillai de  leurs  piquans  ,  &  dont  deuxétoient 
habitées  ,  il  y  en  eut  une  qui  m'offrit  à  fon 
extérieur  deux  de  ces  amas  de  corps  cannelés 
ou  de  graines  ,  aifujettis  par  des  fils  de  foie  , 
&  qui  défendent  toujours  l'entrée  de  la  petite 

porte 


SUR   LES   INSECTES.         177 

:porte  dont  j'ai  parlé.  Un  de  ces  amas  étoit  plus 
petit  que  Pautre.  J'ai  déjà  remarqué  que  la 
Chenilie  pratique  quelquefois  pluficurs  portes  : 
le  Chardon  dont  il  s'agit  en  avoit  donc  deux, 
■tk  toutes  deux  étoient  défendues  ou  barrica- 
'dées  par  un  amas  de  nos  corps  cannelés. 

J' A  VOIS  donc  eu  le  plaiilr  de  fatisfaire  ma 
curiofité  fur  le  procédé  induPrrieux  de  notre 
Chenille  du  Chardon  s  &  j'avoue  qu'il  m'avoit 
d'autant  plus  intérelTé  ,  que  je  n'avois  point  été 
préparé  à  le  voir  par  ce  que  M.  de  Reaumu?^ 
avoit  rapporté  de  cette  Chenille.  Je  ne  voudrois 
p  is  néanmoins  iaiilér  penfer  que  Pindulhieufe 
Chenille  raiFemble  à  delTein  ,  autour  de  fa  porte  , 
îis  graines  de  Chardon  qui  en  ferment  fi  bien 
feutrée  :  mais  en  tapiifant  de  foie  le  dedans  &  le 
dehors  de  la  porte,  elle  retient  par  cela  même 
•en  place  les  graines  qui  répondent  à  l'ouverture» 

Cependant  ,  malgré  les  piquans  Ci  nom« 
Ibreux ,  fi  roides ,  Ci  aigus  ,  Ci  ferrés  les  uns  près 
des  autres  dont  la  tète  du  Chardon  eft  arm.ée , 
ë:  malgré  Fefpece  de  barricade  placée  au-devant 
de  la  porte  de  la  cellule  ,  il  ell  des  Infecles 
earnaciers  qui  favent  pénétrer  jufqucs  dans  fon 
intérieur.  J'en  ai  eu  des  preuves  qui  ne  font 
pas  équivoques ,  &  que  je  dois  rapporter.  Diiis 
Touis  IL  11 


178       OBSERVATIONS 

quelques  Chardons  que  j'avois  ouverts,  fuivanS 
leur  longueur ,  je  trouvai  u;ie  Mouche  Ichmiu 
moue  5  longue  d'environ  quatre  lignes  ,  de  cou- 
leur brune ,  dont  les  jambes  étoient  rougeâtrcs , 
les  antennes  à  filets  grenés  ,  &  dont  le  corps, 
termine  par  une  longue  queue  à  trois  filets , 
étoit  joint  au  corceîet  par  un  fil  délié.  Dans  la 
tète  d'un  autre  Chardon ,  qui  n'avoit  point 
encore  été  percé  par  la  Chenille ,  &  où  fe  trou- 
voit  une  Ichneumone  fembîable  à  la  précé- 
dente ,  j'obfervai  une  efpece  de  fourreau  de  foie ,. 
différent  de  celui  que  file  la  Chenille ,  &  qui 
avoit  plutôt  l'air  d'une  Coque  très-aîongée 
que  d'un  véritable  fourreau.  Le  tiifu  de  ce 
fourreau  ou  de  cette  Coque  étoit  ferré ,  &  fort 
fembîable  à  celui  qui  tapiife  l'intérieur  des  cel- 
lules des  Mouches  maçonnes.  Son  extérieur  étoit 
légèrement  recouvert  d'excrémens.  Une  autre 
fois  ,  en  ouvrant  le  fourreau  filé  par  la  Chenille, 
ie  trouvai  au  centre  un  autre  fourreau  moins 
long ,  d'une  foie  blanche ,  mais  d'un  tiifu  beau- 
coup plus  ferré  que  celui  de  la  Chenille.  Il 
renfermoit  apparemment  un  Ver  ou  une  Nym- 
phe d'îchneumone  j  mais  ayant  blellé  l'Infccts 
en  ouvrant  le  fourreau  qui  le  renfermoit ,  je 
lie  pus  i'obferver  diftin dément.  Enfin,  dans  un 
autre  Chardon  je  rencontrai  encore  une  efpeca 
de  Coque ,  d'euviroii  deux  Hgnes  de  longueur . 


SUR    LES    INSECTES.      179 

8c  qui  étoit  de  même  logée  au  centre  du  four- 
reau, filée  par  la  Chenille.  A  l'extrémité  de  ceiui^ 
ci ,  vers  la  bafe  de  la  tète  du  Chardon ,  j'apper^ 
eus  un  petit  corps  de  couleur  brune  ,  que  je 
reconnus  à  la  loupe  pour  être  la  tète  de  la 
Chenille.  Ce  iut  la  feule  partie  de  cette  der-. 
niere  que  Je  parvins  à  retrouver. 

Mais  quel  eft  à-peu-près.  le  teniDS  où  les 
Ichneumones  ou  leurs  Vers  parvieniieiit  à  s'in- 
troduire dans  la  cavité  de  la  tète  du  Chardon  ? 
Je  n'ai  là-deiriis  aucune  Obfervation  direcle.  Je 
conjecture  feulement  que  ce  temps  eit  celui  où 
le  Chardon  végète  encore.  Ce  feroit  donc  vers 
la  fin  de  l'Eté  ou  au  commencement  de  l'Au- 
tomne ,  que  richneumone  pondroit  dans  la  tête 
du  Chardon  ou  fur  fa  furface  :  car  il  feroit 
poifible  que  ce  ne  fut  pas  la  Mouche  qui  s'iu- 
troduiiit  dans  le  Chardon  ,  &  que  ce  fut  le 
petit  Ver  éclos  de  fon  ceiiF ,  qui  parvint  à  Te 
gUifer  dans  la  cavité.  Cette  fuppoiitioia  me 
paroît  même  plus  probable  que  la  première. 

C'est  auiïi  pendant  que  le  Chardon  végète 
encore  ,  que  la  jeune  Chenille  fe  loge  dans  fa 
cavité.  Il  ne  lui  cil  pas  difficile  alors  d'y  péné- 
trer :  elle  n'a  à  percer  qu'une  écorce  molle  a^iv; 
qui  u'oppofe  que  peu  de  réiillance.  Elle  trou 


ve 


«go       OBSERVATIONS 

dans  la  fubftimce  médullaire  de  la  plante  une 
nourriture  appropriée,  &  elle  s'en  nourrit  en- 
core lors  même  qu'elle  s'efl  le  plus  dciréchcc. 
Je  me  luis  afiiu-c  par  une  Obfervation  dirccflc 
de  la  vérité  de  ce  que  je  viens  de  dire  du  temps 
où  les  Chardons  commencent  à  être  habités  par 
notre  Chenille.  Le  28  de  Juillet ,  j'en  trouvai 
une  très -jeune  dans  une  tète  de  Chardon  qui 
ctoit  en  fleur.  Dans  une  autre  tète ,  pareille- 
ïnent  en  Heur,  je  reuGontrai  une  Chryfalide. 

M.  de  ReA-UMUR,  qui  avoit  tant  approfondi 
rhiftoire  des  Infedes  qui  vivent  dans  l'intérieur 
des  fruits  ,  &  qui  nous  a  donné  fur  ce  fujet 
un  Mémoire  très  -  curieux  ,  a  beaucoup  infifté 
fur  un  fait  qui  lui  a  paru  fort  Inigulier  :  c'eft 
qu'on  ne  trouve  jamais  ,  ou  prefque  jamais , 
dans  le  même  fi'uit  qu'un  feul  Ver  ou  une 
feule  Chenille  ,  quoiqu'il  y  ait  des  fruits  qui  en 
pourroient  nourrir  à  la  fois  un  alfez  bon  nom- 
bre, "  Les  mères  Papillons,  demande  à  ce  fujet 
55  notre  célèbre  Obfervateur  (*)  ,  portent-elles 
33  l'attention  jufqu'à  ne  laiifer  qu'un  feul  œuf 
55  fur  chaque  pomme  ?  Veulent-elles  donner  un 
55  fruit  tout  entier  à  chacun  de  leurs  petits? 
55  Craignent- elles  que  deux  jeunes  Chenilles 
55  qui  auroient  à  fe  partager  une  pomme  3  ne 

i    0  ullém,  fur  les  Lif,  Tome  II ,  pag.  485. 


SUR    LES   INSECTES.        i8i 

35  le  fiiTent   pas  en  bonnes    fœurs  :  qu'elles  ne 

35  fc  fiirent  la  guerre ,  ou  au  moins  qu-elles  ne 

55  s'incommodïiiient  mutueliemeiit  ?  Ce  n'eft  pas 

^5  même  aifez  de  l'attention  de  la  mère ,  dont  nous 

55  venons   de  parler  ^  il   faut    encore    celle   des 

35  autres    mères  Papillons   de  la  même  Efpece. 

35  Pourquoi  une  autre  femelle  ne  feroit-elîe  pas 

35  invitée  par  la  pomme  bien  conditionnée,  fur 

35  laquelle  la  première  a  laiifé  un  o^uf ,  à  y  venir 

35  placer  un  des  fiens  ?  Le  Papillon  commence- 

35  t-il  par  examiner  s'il  n'y  a  pas  déjà  un  œuf 

33  fur  cette  pomme  ?  Tout  cela  a  pourtant  Pair 

35  très-vraifsmblable  ,  &  je  fuis  bien  diipofé  à 

55  le  croire  vrai ,  par  rapport  à  quelques  Infec- 

55  tes ,  mais  il  ne  l'eft  pas  par  rapport  à  tous. ,, 


Notre  Auteur  cite  à  cette  occafion  la  petite 
Chenille  des  grains  d'orge  ,  dont  j'ai  dit  un  mot 
ci-dclfus  i  &  il  remarque  que  le  Papillon  laiifc 
fur  un  feul  grain  d'orge  un  paquet  de  vingt  à 
trente  œufs  -,  &  puis  qu'on  ne  trouve  dans 
chaque  grain  qu'une  feule  Chenille  ,  il  faut  que 
celle  qui  a  pris' polTeiuon  d'un  grain  fâche  en 
défendre  l'entrée  aux  autres.  M.  de  Reaumur 
ajoute  à  ce  fujet  :  "  Qj.i'il  y  a  grande  appa- 
55  rence  que  dans  certaines  circonfranccs  il  y  a 
'A  <^cs  guerres,  8c  des  guerres  très-meurtriercs, 
55  pour  s'aiiurer  la  paiiible  poirefllofi  d'un  giain 

M  3 


18:^       OBSERVATIONS 

,5  d'orge ,  plus  important  pour  chacune  de  nos 


55  Chenilles,  que  ne  le  font  pour  nous  les-  plus 

33  riches  héritages;  &  je  puis  avoir  fait  naître 

3,  beaucoup  de  pareilles  guerres Peut-être 

33  y  auroit-il  moyen  de  voir  de   tels  combats  , 

33  quelque  petits  que  foient  les  Inledes  qui  (e 

3,  les    livrent  ;   mais   j'ai    négligé    de   faire   les 

33  Obfervations  qui  auroient  pu  m'apprendre  Ci 

33  une   Chenille   qui  s'eil:  rendue   maitreiïe    du 

33  grain  ,  peut  s'y  maintenir ,  ou  fî  une  autre 

33  Chenille  ne  pénètre  pas  dans  fon  habitation, 

3,  ou  ne  vient  pas  à  bout  de  l'y  égorger.  ,3 

Notre  petite  Chenille  du  Chardon  eft  bien 
du  nombre  de  celles-  qui  vivent  d.nis  la  plus 
parfaite  folitude  Parmi  une  quantité  confidéra- 
ble  de  têtes  de  Chardons  que  j'ouvris  en  ditie- 
rentes  années  ,  depuis  1738  jafqu'en  Mai  1742, 
je  n'en  trouvai  pas  une  feule  qui  renfermât 
phîs  d'une  Chenille,  Comme  mes  Obfervations 
fur  ce  fujet  ne  fe  démentoient  point  ,  il  me 
vint  en  penfée  de  tenter  diverles  expérieneesi 
qui,  en  m'iiii-iruifant  plus  à  Çond  du  naturel  de 
îîotre  Chenille  ,  pulfeiit  répandre  quelque  jour 
fur  la  partie  la  plus  intéreifante  de.  l'hiftoire 
des  înfedes  qui  vivent  dans  l'intérieur  des 
fruits.  Je  ibuhî^itois  de  fiippiéer  amfi  à  ce  qui 
n-iauquoit  aux  cuneufes  Obiervations  de  M.  de 


SUR    LES    INSECTES.      183 

Reaumur  j  &  ce  qii'il  avoit  néglige  de  faire, 
Fut  piécifémcnt  ce  que  je  me  proporai  d'exé- 
cuter. J'ai  encore  à  demander  grâce  pour  les 
nouveaux  détails  dans  lelquels  je  vais  entrer. 

Après  avoir  tracaiTé  afTez  long- temps  unj 
Chenille  du  Chardon,  &  l'avoir  Forcée  pluGeuis 
fois  à  fortir  de^fon  fourreau,  '&  à  y  rentrer 
alternativement,  je  la  fis  tomber  fur^me  feuille 
de  papier  blanc.  Elle  y  demeura  quelque  temps 
immobije,  portant  feulement  fa  tête  de  côté  & 
d'autre  comme  pour  chercher  Ion  fourreau.  Ses 
niouvemens  étoient  fort  lents  :  on  auroit  dit 
qu'elle  fe  trouvoit  mal.  Je  la  touchai  légère- 
ment près  de  la  tète  avec  la  pointe  d'un  ]3i- 
quant,  elle  recula  aulïl-tôt  avec  une  grande 
Vitcife ,  &  ce  qui  me  parut  digne  de  remarque , 
c'eft  que  ce  fut  en  ligne  droite ,  &  précifément 
comme  elle  l'atiroit  fait  (i  elle  eût  été  encore 
dans  fon  fourreau.  J'obfervai  même  que  la 
ligne  qu'elle  traça  en  reculant  étoit  à-peu-pres 
égale  à  la  longueur  du  fourreau.  Je  répétai  l'ex- 
périence, &  le  réfu'tât  en  fut  toujours  le  même. 
L'eipace  que  la  Chenille  parcourut  chaque  fois 
à  reculons  ,  me  parut  toujours  à-peu-pres  égal 
à  la  longueur  de  k  cellule.  Je  la  laiiïài  enfin  à 
e;le-mème,  mais  Cms  la  perdre  de  vue.  Elle 
demeura  à  la  même  place  ,  îk  porta  la  tète  à 

M  4 


•iS4       OBSERVATIONS 

droit  &  à  gauche  ,  mais  avec  plus  de  lenteiar 
encore  que  la  première  fois.  Qiiand'elle  eut 
demeuré  quelque  temps  dans  cQtte  forte  d'ui- 
adion ,  je  m'avifai  de  placer  auprès  d'elle  la 
tète  du  Chardon  que  je  Pavois  forcée  d'aban- 
donner.  Je  Pavois  ouverte  fuivant  fa  longueur. 
Elle  en  reprit  aulîi-tôt  polfeffion ,  &  il  me  fuc 
aifé  de  reconnoitre  que  je  Pavois  fervie  comme 
elle  le  defiroit.  Un  moment  avant  que  d'y  ren- 
trer 5  elle  paroilfoit  fort  languiifante  &  ne  fe 
donnoit  prefiju'aucun  mouvement  :  mais  dès 
qu'elle  fut  rentrée  dans,  fa  cellule  ,  elle  fembla 
fc  ranimer  &  prendre  une  nouvelle  vie.  Tous- 
fes  mouvcmens  étoient  incomparablement  plus 
vifs.  Je  la  vis  recuJer  dans  la  cavité  du  Chardon 
avec  une  merveilieufe  viteiîë  ,  mais  elle  fe 
donna  bien  de  garde  d'outrepailer  Pextrémité 
de  la  cavité  :  elle  ne  Peut  pas  fi-tôt  atteinte  du 
bout  de  fon  derrière ,  qu'elle  s'arrêta.  Je  la  pi- 
quai alors  près  de  la  tète  pour  voir  fi  je  la  dé- 
terminerois  à  reculer  d'avantage  ,  &  à  fortir  de 
la  cavité  :  mais  je  fus  bien  fiirpris  de  la  voir 
£iifir  fortement  avec  les  dents  la  pointe  du 
piquant  dont  je  me  fervois  :  elle  la  faifit  même 
fi  fortement  qu'elle  y  demeura  fufpendue.  Dans 
cette  attitude,  elle  fe  mit  à  pirouetter  en  Pair, 
&  après  quelques  tours  de  pirouette ,  elle  lâcha 
le  piquant  &  retomba    dans  la  cavité.  Je  réi- 


SUR   LES   INSECTES.         igf 

tcrat  rexpériencc ,  &  le  fuccès  en  fut  le  même. 

Cette  expérience  m'apprit  donc  ce  que  je- 
devois  peiifer  du  naturel  de  notre  Chenille  j  & 
elle  me  montroit  aiTez  qu'elle  n'étoit  point  en-- 
durante.  J'en  inférai  qu'elle  ne  feroit  point 
d'humeur  de  partager  Ton  domicile  avec  une 
autre  Chenille  de  fon  El]3ece ,  &  que  ,  Ci  je 
tentois  de  faire  vivre  enfemble  deux  ou  plu- 
ficurs  de  ces  Chenilles,  j'occaiionnerois  entr' elles, 
bien  des  combats.  Je  ne  tardai  pas  à  l'entre- 
prendre. Il  convenoit  encore  de  m'aiTurer ,  Ci  je 
ne  pourrois  point  parvenir  par  des  moyens  ap- 
propriés .  à  les  forcer  de  travailler  en  commun 
dans  la  même  habitation.. 

Pour  cet  effet,  je  commençai  par  renfermer 
trois  de  nos  Chenilles  avec  quelque  fragment 
de  Chardon ,  dans  une  boite  cylindrique  de 
verre  ,  d^environ  un  pouce  de  diamètre ,  fur 
à-peu-près  autant  de  profondeur,  à  l'ouverture 
de  laquelle  étoit  adaptée  une  loupe  de  dix  à 
onze  lignes  de  foyer  ,  qui  lui  fervoit  de  couver- 
cle. Mes  Chenilles  tirèrent  un  grand  nombre  de 
fils  de  foie  ,  qui  ail  oient  d'une  paroi  à  l'autre , 
&  qui  fe  croifoient  de  mille  &  mille  manières. 
De  tous  ces  fils  fe  forma  peu-à-peu  une  forte 
de  toile  ou  une  façon  de  tente ,  qui  recouvroit 


ïS^       OBSERVATIONS 

les  Chenilles.  Au  bout  de  quelques  jours  ,  je  \\\\\ 
trouvai  que  deux  qui  ïihient  vivantes:  la  troi- 
fienie  étoit  morte ,  &  Ton  verra  bien. tôt  qu'il 
i\'y  avoit  pas  liou  de  peu  fer  que  fa  mort  eut 
été  naturelle.  Son  attitude  étoit  remarquable  : 
elle  avoit  la  tète  élevée  dans  la  toile  :  un  fil 
fortoit  de  fa  filière  ,  &  elle  fembioit  filer  en- 
core. Son.  corps  s'étoit  fort  raccourci ,  &  fd 
couleur  tiroit  fur  le  jaune. 

Mes  deux  autres  Chenilles  le  tenoient  conf- 
tamment  à  une  certaine  diftance  Tune  de  l'autre. 
Les  fragmens  du  Chardon  ,  qui  occupoient  le 
milieu  du  logement,  fembloient  faire  à  leur 
égard  rolnce  d'un  mur  de  féparation.  Ils  ne 
ks  fcparoient  pourtant  pas  entièrement  :  elles 
pouvoient  quelquefois  fe  rencontrer  3  &  lorfque 
cela  arrivoit ,  je  vojois  une  de  ces  Chenilles , 
ou  toutes  les  deux  enfemble ,  s'éloigner  à  recu- 
lons avec  beaucoup  de  vitelfe.  Il  n'étoit  pas 
même  néceiïaire  qu'elles  parvinilent  à  fe  tou- 
cher l'une  l'autre  pour  fe  fuir  réciproquement. 
Je  les  voyois  s'éloigner  promptement  ,  quoi- 
qu'elles fuifent  encore  à  une  diftance  alîcz  con^ 
lidérable  l'une  de  l'autre.  Les  fils- tendus  de 
tous  côtés  les  avertiifoient  fans  doute  de  Leur 
approche  ,  oc  les  plus  légers  ébranlcmens  de  ces 
fils  les  déterrainoient  à  s'éloigner.  Elleç  perilîl 


SUR    LES   INSECTES.        i87 

tcrwit  donc    à    vivre   féparées ,  Se    à  travuiileF 
chacune  à  part. 

J'ÉTOis  très-attentif  à  obferver  leurs  moin- 
dres démarches.  Un  jour  qu'une  de  mes  Che- 
nilles étoit  montée  vers  le  haut  de  la  boite  où 
elle  s'occupoit  à  tendre  de  nouveaux  fils ,  il  lui 
prit  envie  de  defcendre  vers  le  fond.  Elle  ne 
tarda  pas  à  rencontrer  l'autre  Chenille ,  qui  s'y 
étoit  établie.  Cette  fois ,  ni  l'une  ni  l'autre  ne 
VGu'ut  reculer  ,  &  à  l'inftant  commenqa  un 
furieux  comb;;t.  Je  ne  {aurois  mieux  le  rendre  ,^ 
qu'en  rappellant  à  l'efprit  de  mon  Ledcur 
Pniiage  de  deux  Chiens  acharnés  l'un  contre 
l'autre.  Elles  fe  mordoient  a  outrance  ,  &  je  les 
voyois  engager  réciproquement  leurs  mâchoires 
l'une  dans  l'autre  ,  &  taire  tous  leurs  eilorts 
pour  fe  porter  quelque  coup  mortel.  Elles  n'y 
parvenoient  pas  n.éa  mioliis  :  leur  tète  &  leur 
premier  anneau  écoienc  trop  bien  cuiraifés.  Le 
combat  dura  quelque  tem^rs  avec  !e  même  achar- 
nement. Elles  làchereiit  prif.  e  ihn  ;  mais  elles 
refcerent  en  prélénce  &  à  la  mèine  place. 
Toutes  deux  détournoient  un  peu  la  tête  en 
fens  oppofé  ,  comme  deux  Coqs  qui  font  aux 
pnfes  ,  &  qui  ibiit  prêts  à  recommencer  le  com- 
bat. Elles  revinrent  en  eifet  à  la  charge  ,  &  fe 
livrèrent  pludcurs  autres  combats   dont  je  fus 


188       OBSERVATIONS 

Ipc dateur.  Mais  il  rae  parut ,  que  la  partie 
lî'ctoit  pas  tout-à-fait  cgalc  ,  &  que  la  Chenille 
qui  occupoit  îe  fond  de  la  boite  avoit  ordiîiai- 
reinent  l'avantage  ,  quoiqu'elle  ne  fut  pas  fen- 
liblement  plus  grande  que  l'autre.  Au  bout  de 
quelques  femaincs ,  mes  deux  champiojines  pé^ 
rirent  :  je  ne  faurois  dire  Ci  ce  fut  des  fuites 
de  quelqu'autrc  combat  qu'elles  fe  fuifent  livré 
à  mon  infu.  Tout  ce  que  je  puis  affirmer,  c'eft 
qu'elles  ne  fe  rencontroient  jamais  fans  en  Tenir 
aux  prilcs ,  &  toujours  avec  un  nouvel  achar- 
nement. Je  faifois  ces  Obfervations  dans  le  mois 
de  Février. 

A-PEU-PRÈs  dans  le  même  temps  (*)  ,  je  ren- 
fermai une  de  nos  Chenilles  dans  une  petite  boite 
ronde  ,  avec  une  portion  de  fon  fourreau  & 
quelques  fragmens  de  Chardon.  Elle  s'étabht 
entre  les  parois  de  la  boite  &  la  portion  de 
fourreau.  Bientôt  elle  aiTujettit  celle-ci  aux  pa- 
rois par  des  fils  de  foie  qu'elle  tira  de  l'une  à 
l'autre.  Elie  parvint  ainfi  à  fe  faire  une  forte 
de  cellule  qu'elle  laiiTa  ouverte  aux  deux  bouts. 
Mais  apparemment  que  ce  logement  lui  parut 
trop  étroit  :  elle  fe  mit  à  l'agrandir  en  prolon- 
geant les  deux  bouts  de  la  celîde.  Elle  fila 
donc  aux  deux  extrémités  une  toile   légère  qui 

O  Février  Î759, 


SUR   LES    INSECTES.       î89 

nt3  ca choit  l'Iiifccle  qu'en  partie.  Je  fis  une 
ouverture  à  cette  toile ,  par  laquelle  j'introduifis 
dans  le  logement  une  autre  Chenille  de  même 
âge.  J'eus  de  la  peine  à  Pobliger  à  entrer  dans 
ce  logement.  Il  fembloit  qu'elle  prévit  le  fort 
qui  l'y  attendoit.  Elle  ne  fut  pas  plutôt  entrée, 
que  la  maitrelfe  de  la  loge  lui  courut  deiTus  & 
la  forqa  à  regagner  la  porte.  Je  la  contraignis 
de  rentrer  en  la  piquant  près  du  derrière.  J'en- 
gageai aiufi  un  fécond  combat  entre  les  deux 
Chenilles.  Il  fut  très-vif  Tandis  qu'elles  étoient 
2UX  prifes  à  l'entrée  de  la  loge  ,  &  que  l'ha- 
bitante faifoit  les  plus  grands  eiforts  pour  s'en 
conferver  la  poifefFion  ,  je  piquai  fi  fortement 
l'étrangère  que  je  la  mis  dans  la  ncceflité  de 
franchir  le  palfage  &  de  pénétrer  jufques  dans 
l'intérieur  de  l'habitation  s  ce  qu'elle  exécuta 
avec  une  promptitude  qui  indiquoit  alTez  com- 
bien elle  defiroit  d'efquiver  les  coups  de  dents 
de  fon  ennemie.  Celle-ci  fe  retourna  à  l'inf- 
tant ,  bout  par  bout ,  pour  courir  de  nouveau 
fur  l'étrangère  qui  étoit  déjà  parvenue  à  l'autre 
extrémité  de  la  loge  ,  8c  qui  cherchoit  à  s'y 
faire  jour  :  mais  ayant  été  obligé  de  m'abfen- 
ter  5  je  ne  pus  continuer  à  fuivre  nos  cham- 
pionnes. Elles  fe  livrèrent  fins  doute  un 
plus  furieux  combat  y  car  je  trouvai  le  lende- 
main une  des  combattantes  morte  k  l'extrémité 


Î90       OBSERVATIONS 

de  kl  loge.  Le  genre  de  Hi  mort  ne  paroilToit 
pas  équivoque  :  elle  avoit  rejette  par  la  bouche 
une  liqueur  qui  avoit  fali  le  fond  de  la  boite  , 
&  qui  prouvoit  aflez  qu'elle  avoit  péri  de  mort 
violente.  Je  ne  pus  m'aiTurer  li  c'étoit  Tétran- 
gere  :  les  deux  Chenilles  étoient  (1  lemblables 
qu'il  n'étoit  pas  poffible  de  ks  diftiiiguer  fiire- 
ment:  mais  il  y  a  bien  de  Tapparence  que  Fha- 
bitante  avoit  égorgé  Fétrangere  :  ce  qui  s'étoit 
pafîé  fous  mes  yeux  dans  les  divers  combats 
qu'elles  s'étoient  livrés  &  où  l'étrangère  avoit 
eu  conftamment  le  dellbus,  l'indique  aiïez. 

Je  voulus  obliger  la  Chenille  qui  étoit  de- 
meurée en  poilelîîon  de  la  cellule  à  fe  montrer 
au  dehors  :  je  la  contraignis  donc  de  fortu'  ; 
&  je  remarquai  ,  que  lorfqu'elle  fe  fut  avancée 
près  de  Fendroit  ou  l'autre  Chenille  avoit  été 
niifs  à  mort ,  &  qui  avoit  été  lali  par  la  Hqueur 
qui  avoit  été  répandue  ,  elle  s'arrêta  tout  d'un 
coup  &  refufa  de  palier  outre.  J'eus  beau  la 
piquer  fortement  près  du  derrière  :  ce  fut  en 
vain. 

Je  tentai  enfiiite  deux  autres  expériences , 
dont  je  jugeai  que  les  réiultats  feroient 
plus  décififs  encore.  J'introduifis  dans  la  tète 
d  LUI   Chardon    que  je   favois  être  habitée   par 


SUR    LES    INSECTES.        191 

Xine  de  nos  Chenilles  ,  deux  autres  Chenilles  de 
h  même  Efpece.  Au  bout  de  quelques  jours  ,  je 
trouvai  deux  de  ces  Chenilles  mortes  à  une 
des  extrémités  de  la  cellule.  Mais  parée  qu'elles 
étoient  toutes  de  même  taille  ,  il  ne  me  fut 
pas  plus  poflîble  cette  fois  que  l'autre ,  de  m'aC 
furer  Ci  c'étoit  Fhabitante  qui  étoit  demeurée 
en  poirefîion  de  la  cellule.  ASn  donc  de  tâcher 
ûy  parvenir  ,  je  fis  une  féconde  expérience, 
J'avois  une  tête  de  Chardon  habitée  par  une 
•jeune  Chenille  :  j'introduifis  dans  cette  tète  une 
Chenille  de  même  Efpece ,  mais  plus  âgée.  Quel- 
ques jours  s'étant  écou'és  ,  j'ouvris  la  tête  du 
Chardon  ,  &  je  vis  la  jeune  Chenille  privée  de 
vie  à  l'extrémité  de  la  cellule.  L'habitante  ne 
parvient  donc  pas  toujours  à  égorger  l'étran- 
gère s  &  il  paroit  bien  probable  que  la  cellule 
demeure  le  plus  fouvent  à  celle  qui  a  le  plus 
de  force  ou  de  vigueur.  Ceci  n'eft  pourtant  pas 
conftant.  J'ai  vu  une  de  nos  Chenilles  du 
Chardon  ,  qui  avoit  fait  un  long  jeûne  ,  Se  qui 
fembloit  très  -  afioiblie ,  donner  la  chalTe  à  une 
autre  beaucoup  plus  vigoureufe  en  apparence. 
Je  l'obfervai  même  la  faifir  fî  fortement  avec 
fes  dents ,  qu'elle  ne  pou  voit  ni  avancer  ni 
reculer.  Je  revis  le  môme  fait  dans  une  autre 
circonftance  :  cette  fois  l'habitante  faifit  au  corps 
l'étrangère  &  lui  fit  une  profonde  bleifure ,  dont 


IS>^       0  B  s  E  R  V  ui  T  I  0  N  S 

il    fortit  une  liqueur  limpide   &  prefquc  {îiiis 
couleur. 

Je  rapporterai  encore  une  expérience  bien 
propre  à  faire  juger  du  naturel  infociable  ds 
notre  Chenille  du  Chardon.  Après  avoir  par- 
tagé en  deux  fuivant  {^d  longueur,  une  tète  de 
Chardon  habitée  par  une  de  nos  Chenilles  , 
j'introduifis  dans  le  fourreau  une  autre  Che- 
nille de  même  Efpece,  mais  beaucoup  moins 
îîvancée  en  âge.  Au  bout  d'une  heure  &  demie , 
l'habitante  du  fourreau  l'abandonna  à  ma 
grande  furprife  ;  car  je  n'avois  point  du  tout 
préfumé  que  l'étrangère  la  forceroit  à  déloger. 
Le  lendemain  j'obfcrvai  ,  que  la  petite  Che- 
nille qui  s'étoit  emparée  du  fourreau  ,  avoit 
pris  la  précaution  de  le  fermer  de  toutes  parts  , 
êc  qu  elle  l'avoit  fait  comme  fî  elle  y  eût  habité 
toute  fa  vie.  J'ouvris  le  fourreau  par  un  bout, 
&  j'y  fis  rentrer  la  Chenille  qui  en  avoit  été 
délogée.  L'opacité  du  fourreau  ne  me  permet- 
toit  pas  de  voir  ce  qui  fe  paiToit  dans  fon  in- 
térieur :  mais  fans  doute  que  l'étrangère  livrois 
combat  à  la  maitrefTe  de  la  cellule  >  puifquo 
celle-ci  rabandcnna  de  nouveau.  Quelques 
heures  après ,  je  la  furpris  qui  changeoit  de  peau. 
L'ancien  crâne  étoit  déjà  tombé  &  la  dépouille 
ne  tenoit  plus  qu'à  la  partie  poflérieure  de  la 

Chenille. 


■SUB.   LES   INSECTES.         193 

Ghèiiilie.  Je  fijs  attentif  à  la  ibivre  :  je  voizlois 
favoir  fî  la  Chenille  du  Chardon  eit  du  nom- 
bre de  celles  qui  dévorent  leur  dépouille  ('). 
Prefque  toute  la  journée  fe  paila  fans  qu'elle 
pût  parvenir  à  achever  de  fe  dépouiller.  Enfin , 
elle  vint  à  bout  de  fe  débarralier  entièrement 
de  fa  vieille  peau.  Comme  elle  n'y  touchoic 
point  5  j'elfayai  de  la  lui  mettre  -fous  la  dent  > 
mais  cette  tentative  fut  inutile.  Je  n'en  con^ 
clurois  pas  néanmoins  que  cette  Eipece  ne 
mange  pas  fa  dépouille  :  celle  de  ma  Chenille 
pouvoit  s'être  trop  delféchée. 

Je  ne  fus  donc  plus  furpris  que  l'étrangère 
■eût  donné  la  chaife  à  la  maitrellë  de  la  loge  : 
la  circonifance  de  la  mue  privoit  celle-ci  de  la  • 
plus  grande  partie  de  fes  forces.  Luriqu^  je 
jugeai  qu'elle  avoit  repris  fa  vigueur  naturelle, 
je  la  fis  rentrer  dans  la  loge  ^  mais  elle  en  ref- 
fortit  encore  au  bout  d'une  heure.  Qiieiques 
jours  après  je  l'y  introduifis  pour  la  trojiîeme 
fois.  Les  fuites  de  cette  nouvelle  tent^itive  fu- 
rent différentes  :  la  victoire  fut  tres-balancée. 
Les  deux  combattantes  fortirent  en  partie  du 
fourreau  i  l'une  par  une  des  extrémités,  l'autre 
par  l'extrémité  oppofée.  Elles  y  rentrèrent  & 
en  fortirent  alternativemsnt  à  pluQeurs  repriiés. 

C^;  Voy.  ObC  XVIL 

Tome  IL  N 


194       OBSERVATIONS 

Enfin  ,  la  vicloire  fc  déclara  pour  ]a  maîtrelfe 
du  logis  ,  &  rétrangcTè  fe  vit  contrainte  de 
Fabandonner  entièrement.  Je  l'y  fis  rentrer. 
Elle  y  demeura  quelques  jours  pendant  lefquels 
les  deux  Chenilles  travaillèrent  Tune  à  un  bout 
du  fourreau  ,  Pautre  au  bout  opporé.  La  paix 
fembloit  avoir  lucccdé  à  la  guerre  ;  mais  ce 
if  étoit  quame  trêve  j  car  l'habitante  du  fourreau 
l'abandonna  de  nouveau  à  l'étrangère. 

Toutes  les  expériences  que  je  viens  de  rap- 
porter prouvent  d'une  manière  bien  démonf- 
trative  ,  que  la  Chenille  du  Chardon  ne  fauroit 
foulîrir  dans  fa.  cellule  une  autre  Chenille  de 
fon  Efpece  ,  &  que  lorfqu'une  telle  Chenille 
s  y  introduit  ou  qu'on  l'y  introduit  ,  il  eft  en- 
tre les  deux  Chenilles  une  guerre  prefque  per- 
pétuelle (*).  On  ne  peut  guère  douter  après 

(*)  Comme  je  voulois  fiire  exéciTter  ks  lîeffins  relatifs  à 
Thiftoire  de  notre  Chenille  du  Chardon  ,  j'ai  fait  ramalTer 
clans  le  Printemps  de  cette  année  1777,  un  bon  nombre  de 
têtes  de  Chardons  ,  ce  qni  m'a  fourni  pins  d'une  occafion  de 
îevoir  des  combats  fmguliers  entre  nos  Chenilles  ,  dont  Tha- 
fcile  DelBnatear  a  été  témoin  oculaire.  Le  4  Avril  ,  ayant  ren- 
fermé dans  la  tête  d'un  Chardon  habité  par  une  de  nos  Che- 
nilles ,  trois  autres  Chenilles  de  fon  Efpece  5  le  9  ,  trois  de 
ces  Chenilles  ne  vivoient  plus.  L'espéiiencc  ayant  été  répétée 
encore  le  12,  ic  fnccès  en  a  été  préciréiner.t  le  même.  Je 
îi'avois  introduit  cette  fois  dnns  le  Chardon  que  deux  Che- 
jgiliws  :  toutes  étoicnt  d'égale  grandeur.  Cinq  à  fix  jours  après  il 


:SUR    LES    INSECTES.     I9f 

•cela  ,  qu'il  n'en  fût  de  même  des  Chenilles  & 
des  Vers  qui  vivent  folitaires  dans  rintérietir 
de  quantifee  de  fruits  ,  û  l'on  tentoit  fur  ces 
Chenilles  &  (ur  ces  vers  des  expériences  iern- 
l^lables  à  celles  qiïe  j'ai  tentées  fur  la  Chenille 
du  Chardon.  De  pareilles  expériences  ne  ieroient 
pas  à  négliger  ,  &  pourroient  offrir  des  réful- 
tats  intéreffans  qu'on  ne  prévoit  pas  ,  &  qui 
différeroient  plus  ou  moins  de  ceux  que  mes 
expériences  m'ont  donnés.  On  peut  facilement 
imaginer  en  ce  genre  des  combinaifons  aux- 
quelles je  n'ai  point  fongé ,  &  qui  en  placan.t 
les  Infecles  dont  il  s'agit  dans  des  circoni-!:ance3 
trés-éloignées  de  celles  où  la  Nature  les  place, 
donneroient  lieu  à  des  réfultats  rrès-noiiveaux. 
On  ne  fauroit  trop  vraier  les  expériences  dn 
genre  de  celles-ci,  puiiqu'elles  lont  fi  propres 
à  répandre  du  jour  iur  l'hiff^oire  de  nos  pérîtes 
Iblitaites. 

Je  ne  m'étois  pas  encore  alfez  inftruit  du 
travail  de  notre  petite  Chenille  du  Chardon  : 
l'induflrie  des  Lifedes  étoit  toujours  ce  qui 
piquoit  le  plus  ma  -curiodté.   Il  me    vint  donc 

n'en  reftoit  ^ii'ime  feule  de  vivante.  J'ai  dit  que  m-on  Deffi- 
natcur  avoit  été  témoin  oculaire  dos  combats  de  nos  petites 
CheiK-Iles  ;  je  ponrrois  ajouter  auriculaire  i  car  il  entendoit 
ferès.biea  le  cHiiuctis  de  leurs  mâthgires. 

N  ^     ■ 


19^       OBSERVATIONS 

dans  PeTprit  de  tenter  quelques  cxpéncnccs  re- 
latives à  cet  objet.  Après  avoir  tiré  de  leur 
habitation  bon  nombre  de  Chenilles  de  cette 
Efpece  ,  je  les  renfermai  dans  de  petites  boites , 
en  obfervant  de  ne  mettre  dans  chaque  boîte 
qu'une  feule  Chenille  ,  afin  qu'elle  ne  fut  point 
troublée  pendant  le  travail.  Je  donnai  aux  unes 
des  rognures  de  piquans  ;  aux  autres  ,  des 
fragniens  plus  ou  moins  confidérables  de  la  tète 
du  Chardon  ;  à  d'autres  des  portions  plus  ou 
moins  longues  du  fourreau  qu'elles  s'étoient 
condruit  dans  leur  ancienne  habitation  :  enfin 
j'en  iaiilài  d'autres  dépourvues  de  tous  matériaux. 

Le  travail  de  m2s  folitaires  fe  diverfifia  en 
raifon  des  circonftances  dilférentes  où  je  les 
avois  placées.  En  général ,  je  remarquai  ,  que 
les  Chenilles  qui  avoient  à  leur  difpofition  une 
portion  de  fourreau ,  s'étoient  mifcs  à  l'ouvrage 
plutôt  que  les  autres  ,  8c  qu'elles  avoient  bien 
puis  travaillé  en  temps  égal.  On  devine  bien 
que  celles  que  j'avois  privées  de  matériaux  ., 
avoient  été  les  moins  diligentes  &  les  moins 
iaborieufes.  Parmi  ces  dernières  ,  il  ny  en  eut 
qu'une  feule  qui  parvint  à  fe  faire  un  alfez^bon 
fourreau  de  pure  foie.  Les  autres  fe  bornèrent 
à  tirer  des  fils  de  côté  &  d'autre  ,  qui  n'oifroient 
rien  qui  eut  le  moins  du  monde  l'air  d'un  four- 


\ 


SUR    LES    INSECTES.      197 

reau.  Plufieurs  périrent  :  mais  ce  qui  me  parut 
allez  remarquable  ,  c'eft  qu'il  y  en  eut  qui  vé^ 
curent  julqu'à  la  fin  d'Avril,  quoiqu'elles  eulTent 
été  privées  de  toute  nourriture  depuis  le  mois 
de  Février.  Lear  taille  avoit  fort  diminué  ,  & 
pourtant  elles  ne  lailfoient  pas  de  filer  fans  celle 
comme  les  autres ,  &  ne  fembioient  pas  s'en 
porter  moins  bien. 

Entre  les  Chenilles  que  j'avois  renfermées 
dans  mes  boites  ,  il  y  en   avoit  une  à  qui  j'a-. 
vois   livré    en  entier   le   fourreau  qu'elle   s'écoit 
conflruit  dans  la  tète  du  Chardon  dont  je  Pavois 
tirée.  Ce  fourreau  avoit  plus  d'un  pouce  de  lon-r 
gueur.  Je  Pavois  placé  précifément  dans  le  milieu 
de  la   boite  j  enforte  quii  étoit  partout  à  égale 
diftance  des  parois.  J'étois.  fort  curieux  de  voir 
comment  la  Chenille  s'y  prendroit   pour   tirer 
parti  de    ce  fourreau.  Il    ne    me   lembioit  pas 
qu'elle  pût  jamais  réuiîir  à  y  rentrer.  Comme  il 
n'a  voit  pas  de  confiftance,  il  s'étoïc  aiiaiiié  fur 
lui-même  ,    &    n'avoit  pu   conferver   ia   forme 
de  tuyau  3   &   parce  qu'il  n'écoit  point  retenu 
fur  le  fond  de  la  boîte ,  il  n'étoit  guère  polîible 
que  la    Chenille    pût    parvenir  à  introduire   fa 
partie     antérieure    dans    une     des    ouvertures 
placée    aux    extrémités.    Ce    ne    fut  point  non 
plus  ce  que  ia  Chenille  entreprit  :  Elic  ic  con- 

N  3 


Ï93       0  E  S  E  R  V  A  T  I  0  .V  ^• 

tenta  des  dehors  du  fourreau  fur  lefquels  dla: 
s'établit.  Elie  les  revêtit  en  entier  d'une  tapif- 
ferie  de  foie.  Elle  fit  plus  y  elle  fila  des  deux 
càtQFy  du  fourreau  une  toile  qui  raiTujettiiroit 
aux  parois  de  la  boite.  Les  fils  de  cette  toile 
ii'étoient  pas.  tous  dans  le  même  plan  y  mais 
tO'US  étoient  à-peu-pres  perpendiculaires  à  la: 
longueur  'du  fourre^iu.  Cétoit  fur  cette  toile: 
que  iG  Chenille  fe  tenoit  ordinairement.  Elle- 
employa  tout  le  mois  d'Avril  à  la  tendre.  Sur 
la  fin  de  ce  moiS:  ,  tandis  que  je  Tobfervois 
avec  beaucoup  d'attention  ,  je  remarqu^^j  qu'elle- 
retiroit  là  tète  entre,  fes  premières  jambes  ,  & 
qu'en  même  temps  elle  i'appuyoit  fortement: 
fiir  la  toile.  ,f^  cru^  pénétrer  fon  delfein  :  je- 
foiipqonnai  qu'elle  vouloit  exécuter  fur  cette 
toile  ce  qu'elle  auroit  exécuté  fur  l'écorce  du 
Chardon  >  je  veux  dire  ,  y  pratiquer  un  de  ces: 
trous  ronds  dont  j'ai  beaucoup  parle.  Je  ne 
me  trompois.  poinc>  &  c'étoit  en  eiiet  à  quoi 
elle  étoit  occupée.  Elle  n'eut  pas  grand'peinc  ^ 
comme  ou  le  juge  bien  ^  à  percer  un  tiiïu  auiE 
foible.  Elle  n'y  eut  pas.  fitôt  appliqué-  la  dent  ^ 
qu'il  s'y  fit  une  ouverture  bien  plus  grande 
que  la  Chenille  ne  s'étoit  fans  doute  propolée 
de  Ja  faire.  Le  tiifu  avoit  une  certaine  teniion  , 
&  le  rejSbrt  des.  fils  tendoit  neiturelîement  à 
agrandir  fouverture.  Mais  fait  que  la  Chenille 


SUR    LES    INSECTES:         199 

trouvât  trop  de  facilité  à  percer  le  tiiTii ,  -foit 
qu'elle  fut  déterminée  par  que' qu'autre  caufe  à 
interrompre  fon  epératiou,  je  la  vis  abandonner 
le  dciliis  de  la  toile  ,  defcendre  fur  le  fond  de 
la  boite  &  aller  filer  ailleurs.  Après  qu'elle  eut 
ainfi  abandonné  la  toile  ,  j'apperqus  une  cliofe 
qui  m'avoit  dabord  échappé  :  je  vis  que  la  Che- 
nille avoit  fait  dans  le  tiilu  beaucoup  d^^utres 
ouvertures  ,  les  unes  plus  grandes  ,  les  autres 
plus  petites."  Elle  ne  s'étoic  pas  même  bornée  à 
cribler  de  trous  le  tlifu  de  la  toile  ;  elle  en 
avoit  ufé  de  même  à  Pégard  du  fourreau.  Elle 
y  avoit  aulii  pratiqué  une  multitude  de  trous 
d'inégale  grandeur.  Je  ferai  néanmoins  obfer- 
ver  ,  qu'elle  avoit  épargné  toute  la  partie  de  la 
toiiC  qui  ne  touchoit  pas  au  fourreau.  On  ne 
peut  guère  douter  que  ces  trous  n'eulfent  quel- 
que rapport  avec  ceux  que  la  Chenille  pratique 
dans  récorce  du  Chardon  i  &  cette  obfcrvatioii 
me  donne  lieu  de  préfumer  ,  que  fi  l'on  répé- 
toit  mes  expériences  ,  on  verroit  la  Chenille 
attaquer  le  fond  même  de  la  boite  ou  fes  parois , 
&  entreprendre  de  les  percer.  Elle  y  réuiru-oit 
probablement ,  fi  la  boite  étoit  d'un  bois  tendre 
8c  très-mince. 

Quoique    je   me    fu/Te  bien  aiTuré  ,  que  la 
CIiGuilie  du  Chardon  ne  feiiroit  vivre  en  ii^ciété, 

N  4. 


200       0  B  s  E  R  V  A  T  l  0  N  S 

je  ne  lailîai  pas  en  Mars  1739,  de  renfermer 
fcpt  à  huit  Chenilles  de  cette  Efpece  dans  une 
.même  hoite  ,  dont  Ja  capacité  étoit  telle  qu'elles 
pouvoient  y  être  toutes  très-à  Paife.  Je  ne  leur 
livrai  que  des  rognures  de  piquans.  Elles  filè- 
rent beaucoup  ^  mais  les  fJs  qu'elles  tendirent 
de  tous  côtés  ne  préfentoient  rien  de  régulier. 
Il  n'y  en  eut  qu'une  feule  qui  réulfit  à  fe  conf- 
truire  un  fourreau  de  pure  foie.  Toutes  péri- 
îcnt  au  bout   d'un  temps,  plus  ou  moins  long. 

C'est  dans  la  cavité  même  de  la  tète  du 
Chardon  que  notre  Chenille  fe  transforme  en 
Ciiryfalide.  J'ai  eu  des  preuves  qu'avant  cette 
mcciimorphofe ,  la  Chenille  change  au  moins 
deux  fois  de  peau.  Elle  ne  file  pas  toujours  une 
Coque  ou  une  enveloppe  particulière,  pour  y 
fubir  plus  en  fureré  fa  transformation.  Il  m'eft' 
arrivé  d'ouvrir  un  Chardon  dans  lequel  une 
Chryialide  de  notre  Chenille  étoit  renfermée ,. 
&;  cette  Chryfalîdc  étoit  eiitiéiemcnt  à  dé- 
couvert. Elle  repofoît  fur  un  lit  de  moelle , 
ëc  i'â  partie  pofténeure  étoit  fmiplement  arrêtée 
par  quelques  fils  de  foie  tendus  transverfaie- 
me.it.  La  tète  de  la  Chryfalide  regardoit  vers 
le  petit  trou  rond  percé  dans  l'écorce  de  la 
cavité.  Le  fourreau  n'étoit  recouvert  que  de 
q.uciquGS  grains    d'excrémens.  La  couleur  de  la 


SUR    LES   INSECTES,        20î 

ChryPalide  [PL  IV,  Fi^.  VL]  étoit  un  rouge 
aiTez  vif:  elle  paroiiToit  s'être  dépouiliée  récem-. 
ment  de  h  peau  de  Chemlie.  Quand  ou  ia 
touchoit ,  elle  agitoit  fa  partie  poftérieure  avec 
allez  de  viteiîe.  Je  Fexaminai  à  la  loupe  :  elle; 
étOit  conique  ;  &  je  crus  reconnoitre  que  le 
Papillon  portoit  des  antennes  à  filets  coniques , 
&  qu'il  était  dépourvu  de  trompe.  Je  me  rap- 
pelle d'avoir  eu  ce  Papillon  :  il  étoit  allez  joli: 
mais  je  iren  retrouve  point  la  delçription  dans 
mon  Journal. 

Le  fourreau  de  pure  foie  que  notre  Che» 
»  nille  fe  conftruit  dans  la  tète  du  Chardon, 
P'  ii'eft  pas  toujours  recouvert  (irnplement  d'une 
couche  plus  ou  moins  épaiile  d'excrémens  :  il 
ell:  quelquefois  recouvert  plus  proprement  & 
mieux  défendu.  Il  l'eft  par  une  forte  de  fur- 
tout  fait  entièrement  de  la  moelle  du  Chardon. 
Dans  un  femblable  fourreau,  je  trouvai  en  Mai 
1742  ,  une  Chenille  qui  avoit  pris  à-peu-près 
tout  ion  accroiifcment.  Vers  le  milieu  de  fa 
longueur  ,  &  dans  fa  partie  inférieure ,  le  four- 
reau étoit  percé  d'un  trou  qui  répondoit  di- 
redoment  à  celui  que  la  ChenllFe  avoit  prati- 
que dans  récorce  du  Chardon.  Celui-ci  étoit 
plus  petit,  &  rentrée  en  étoit  défendue,  comme 
à  l'ordiiiaire ,  par  un  amas  de  ces  petits  corps, 


.202       0  B  S  E  R  V  A  T  I  0  N  S 

cannelés ,  que  j'ai  dit  être  les  graines  même 
du  Chardon.  Mais  ici  j'obfervai  une  particula- 
rité que  je  n'avois  pas  encore  vue  :  plufleur^ 
des  corps  cannelés  étoienE  rongés  eu  partie 
prés  de  leur  bafe. 

Dans  un  autre  fourreau  ,  recouvert  pareille-- 
ment  de  moelle ,  &  percé  comme  le  précédent 
d'un  trou  qui  communiquoit  avec  celui  de  Té- 
corce  ,  je  ne  rencontrai  point  de  Chenille , 
quoique  la  doublure  de  foie  parût  avoir  été 
filée  récemment.  En  examinant  l'extérieur  du 
fourreau ,  je  découvris  une  tête  de  Chenille. 

Si  un  grain  d'orge  fufFt  à   nourrir  pendant 

toute  fa  vie  la  Chenille  qui  l'habite,  la  tète  du 
Chardon  à  bonnetier ,  incomparablement  plus 
grande ,  doit  à  plus  forte  raifon  contenir  aifeZ' 
de  moelle  pour  entretenir  toute  fa  vie  la  Che-. 
iiille  qui  sy  renferme.  Il  eft  même  prouvé 
qu'elle  le  nourrit  encore  de  la  moelle  contenue 
dans  la  tige.  Je  n'oferois  pourtant  alïiirer  que 
notre  Chenille  ne  forte  jamais  du  Chardon  dans 
lequel  elle  s'eft  établie.  J'ai  ouvert  des  têtes  de 
cette  plante  >  dont  Pécorce  montroit  le  petit 
trou  rond,  &  dont  fliahitante  ,  parvenue  à- 
peu-près  à  fon  pariait  accroiifement  ,  n'avoit 
pref(|ue  point  travaillé.   On   ne   voyoit  même 


SUR   LES    INSECTES,        20^ 

imcuii  veftige  de  fourreau ,  &  tout  fembloit 
indiquer  que  ces  tètes  n'étoient  habit&es  que 
depuis  peu.  Je  foupqonnerois  volontiers ,  qu'il 
arrive  quelquefois  à  la  Chenille  de  palTer  d'un 
Chardon  dans  un  autre  ,  à  qu'elle  s'y  intro- 
duit par  la  tige  comme  par  un  canal.  J'ai  ren- 
contré un  pied  de  Chardon  qui  portoit  trois 
tètes:  la  tète  du  milieu  étoit  placée  à  l'extré- 
mité de  la  principale  tige  :  les  deux  autres  ,  à 
Textrémité  de  deux  tiges  fecondaires ,  qui  par- 
toient  de  la  tige  principale  ,  &  ces  deux  tiges 
étoient  percées  ou  vuidées  dans  toute  leur  lon- 
gueur. Je  ne  me  rappelle  pas  qu'aucune  de  ces 
tètes  fût  aduellement  habitée. 

Voila  ce  que  j'avois  à  dire  fur  îa  petite 
Chenille  qui  vit  dans  l'intérieur  de  la  tète  du 
Chardon  à  bonnetier.  Je  laiife  fon  hilbire  bien 
imparfiite  j  car  malgré  l'étendue  des  détails  dans 
lefquels  '^e  fuis  entré  ,  je  me  perfuade  facile- 
ment que  je  ne  l'ai  que  grofîîérement  ébauchée. 
Mais  quel  eft  l'înfecle  dont  le  Naturaliiie  le 
plus  patient  &  le  plus  laborieux  puiiTe  fe  flatter 
d'épuifer  Phiftoire  î  Ce  que  nous  connoilfons 
des  produdions  de  la  Nature  ,  fe  réduit  tou- 
jours à  un  certain  nombre  de  faits  plus  ou 
moins  particuliers ,  &  ce  nombre  peut  accroître 
fans  ceife ,  parce  que  les  combinaifons,  font 
diverfifiables  à  l'mdéfini. 


204       OBSERVATIONS 

Au    refie ,  notre    Chenil ie    n'ctl   pas  le  feiil 
Infede   qui  vive    dans   la   tète    du   Chardon   â 
bonnetier^:  elle    efl;    encore    habitée   quelquefois 
par  un  Infede  de  genre  très-ditiéren: ,  que  je 
n'ai  pas  fuivi ,  mais  que  je  ferai  connoitre.  U 
n'eft  pas  plus  grand  qu'une  mitte.  Il  eft  extrê- 
mement agile.  Sa  couleur  eft  un  rouge  pâle.  Sei 
tête    eft    groife   proportionnellement   au   corps. 
Elle  a  de  chaque    côté  un  gros  œil   noir,  du 
deffous    duquel    part    une   antenne    à-peu-près 
conique  ,  compofée  d'une  fuite  de  vertèbres ,  & 
garni  de  poils  d'un  bout  à  l'autre.  La  bafe  eft 
formée    de    deux   articulations    en    manière  de 
boutons.    Le  devant   de   la   tête  imite  un  peu 
celui  de  la  tece  des  Sauterelles  ;  il  eft  feulement 
moins  alongé.  Au  corcelet  tiennent  fix  jambes , 
garnies  à  leur  extrémité  de  deux  crochets.  Le 
corcelet  fournit    encore    des   attaches  à  quatre 
efpeccs  d'ailes  longuettes  &  étroites ,  &  qu'on 
diroit  n'avoir  pas  encore  pris  tout  leur  accroif- 
fement.   Elles   reifemblent   afîéz  ,  mais  très    en 
petit ,  à  celles  de  ces  nymphes  aquatiques  qui  ie 
transforment  en  Denioifelles  de  la  plus   grande 
efpece.  Le  corps  eft  alongé  ,  &  de  forme  coni- 
que, li  eft  compofé  au  moins  de  neuf  anneaux. 
J'ai  trouve  pluileurs  de  ces  Lifedes  ralfemblés 
dans  la  même  tète  de  Chardon.  Probablement 
ils  muitîpliejic  beaucoup  ;  car  à  Fordinaire  les. 


SUR    LES   INSECTES.        205 

plus  petits  Infedes  font  ceux  qui  multiplient  le 
plus.  Sans  doute  que  loiTque  leur  multiplication 
devient  exceirive  ,  elle  force  la  Chenille  à  délo- 
ger &  à  aller  chercher  une  autre  retraite. 

^^  — r-- —  ^^::^ =  ^g^ 

OBSERVAT!  ON     XX. 

Sur  rms  petite  Chenille  qui  roule  en  cornet  les 
feuilles  du  Frêne ,  ê^  qui  fe  conjlruit  au  centre 
du  cornet  une  Coque ,  qiion  fourroit  nommer 
en  grain  d'Avoine. 

JLjE  18  de  Juillet  1740,  tandis  que  je  cô-- 
toyois  un  bois ,  j'appercus  des  feuilles  de  Frêne  , 
qui  étoient  roulées  très-artilfement  en  manière 
de  cornet.  J'ouvris  auflî-tôt  quelques-uns  de 
ces  cornets  ,  dans  chacun  defquels  je  trouvai 
une  petite  Coque  de  pure  foie  de  couleur  blan- 
che ,  dont  la  forme  me  parut  remarquable.  Elle 
étoit  très-alongée,  &  fe  terminoit  en  pointe 
aux  deux  extrémités.  De  petites  cannelures  très-- 
applaties  ,  qui  imitoient  les  côtes  d'un  Melon , 
régnoient  fur  toute  la  longueur  de  la  Coque, 
&  partageoient  la  furface  en  pluiieurs  fegmens. 
Au  premier  coup-d'œil ,  cette  Coque  ne  reircm- 
bloit  pas  mal  à  un  grain  d'Avoine  ?  &  ce  fut 


20^       OBSERVATIONS 

cette  forte  de  refTemblance  qui  me  détermina  à 
jui  donner  le  nom  de  Coque  en  grain  d'Avoine, 
M.  de  Reaumur  avoit  déjà  fait  connoitre  une 
Coque  de  pure  foie >,  dont  la  forme  lui  avoit 
paru  finguliere ,  &  qu'il  avoit  comparée  à  celle 
d'un  grain  d'Orge  (*).  Cette  Coque  en  grain 
d'orge  étoit  aulTI  divifée  par  côtes  j  mais  elle 
n'étoit  point  renfermée  dans  une  feuille  :  la 
Chenille  qui  l'avoit  conftruite  l'avoit  attachée 
contre  une  tige  de  Gramen.  L'adroite  fîleufe  fê 
nourrit  des  feuilles  de  cette  plante. 

Notre  Coque  en  grain  d'Avoine  me  parut 
bien  plus  finguliere  que  celle  en  grain  d'orge. 
Elle  me  le  parut  fur-tout  par  la  manière  ingé- 
nieufe  dont  elle  étoit  fufpendue  au  miheu  du 
cornet.  Elle  ne  tou choit  à  aucune  de  fes^  parois  : 
elle  étoit ,  en  quelque  forte ,  fufpendue  en  l'air 
à  l'aide  d'un  fil  de  foie  aifez  délié  ,  qui  tenoit 
par  uwQ  de  fes  extrémités  au  fommet  du  cornet, 
&  par  l'autre  à  Çà  bafe.  Ce  fîl  étoit  donc  comme 
l'axe  du  cornet ,  &  la  Coque  occupoit  à-peu> 
près  le  milieu  de  la  longueur  du  El ,  dont  elle 
fembloit  n'être  qu'un  renflement.  ^ 

Voila   déjà   une    particularité    bien  remar» 

(*)  Mém.  fur  les  Inf,  Tome  I  ,  Mém.  VI ,  page  279  , 
PL  XII,.  Fis.  14. 


SUR    LES   IKSECTES.        207 

pliable  de  la  conftrudioii  de  notre  Coque  :  mais 
ce  n'écoit  pas  là  tout  ce  que  Piiidultrie  de  la 
Fileufe  avoit  à  m'offrir.  En  Êxant  mes  regards 
fur  la  bafe  du  cornet ,  préciiement  à  Peiidroît 
où  le  fÀ  de  foie  étoit  attaché  ,  j'obfervai  un 
efpace  exadenient  circulaire  ,  d'environ  trois 
quarts  de  ligne  de  diamètre  ,  tracé  fur  l'cpi- 
derme  de  la  feuille  &  parfaitement  bien  terminé. 
Cétoit  près  du  bord  de  cet  efpace  circulaire 
que  le  ti  étoit  attaché.  Il  ne  me  fut  pas  difficile 
de  deviner  ce  qu'étoit  ce  petit  cercle  H  b^eii 
décrit;  car  il  l'étoit  auffi  régulièrement  que  s'il 
Favoit  été  avec  un  compas.  Je  me  rappellai  fur- 
ie-champ la  petite  porte  ronde  que  pratique  la 
Chenille  de  l'orge  &  celle  du  Chardon  à  bon- 
netier ,  dont  j'ai  parlé  dans  FObfervation  pré- 
cédente ,  &  qui  eft  ménagée  de  loin  pour  aifu- 
rer  la  ibrtie  du  Papillon.  Je  ne  pouvois  m'y  mé- 
prendre :  l'analogie  entre  les  procédés  étoit  trop 
parfaite.  Je  jugeai  donc  ,  que  le  petit  efpace 
circulaire  que  j'avois  fous  les  yeux ,  étoit  la 
porte  que  la  prévoyante  Rouleufe  avoit  prépa- 
rée à  Ion  Papillon.  Je  reconnus  qu'elle  l'avoit 
taillée  dans  l'épaiffeur  de  la  feuille  ,  &  qu'elle 
avoit  eu  foin  de  lailfer  en  place  la  pièce  circu- 
laire 5  pour  tenir  la  porte  fermée ,  &  interdire 
l'entrée  du  cornet  aux  Infecles  mal-faifans. 


^o8       OBSERVATIONS 

Mais  le  cornet  dont  il  s'agit ,  eft  un  viifte 
appartement  en  comparaifon  de  la  petite  cavité  5 
que  rcnterme  l'nitéricUL  d'un  grain  d'orge  ha- 
bité par  une  Chenille.  Le  Papillon  de  notre  Rou- 
Jeufe  s'égareroit  facilement  dans  un  fi  grand 
appartement,  &  ne  parviendroit  jamais  à  trou- 
ver l'iiiue  qui  lui  a  été  ménagée,  fi  rindultricure 
ouvrière  ne  lui  mettoit  en  main  un  fil  deftiné 
a  le  diriger  vers  la  porte  qui  lui  a  été  préparée, 
&  qu'il  n'a  qu'à  pouiler  avec  fa  tète  pour  la 
faire  tomber.  On  voit  donc  à  pré  lent ,  pour- 
quoi le  fil  qui  tient  la  Coque  fufpendue  ,  eft 
attaché  par  fon  extrémité  inférieure  près  du 
bord  de  la  petite  porte.  Dès  que  le  Papillon  cif 
éclos  &  qu'il  a  percé  fa  Coque ,  il  n\i  qu'à  fuivre 
le  fil  pour  parvenir  à  la  poite  du  cornet,  &  s'y 
faire  jom\ 

La  Rouleufe  ,  dont  je  viens  de  faire  admi- 
rer rindull;rie  ,  eft  une  petite  Chenille  rafe  ,  de 
couleur  verte ,  Se  qui  appartient  à  la  claife  des 
Chenilles  à  quatorze  jambes ,  dont  la  première 
paire  des  membraneufes  n'eft  féparée  de  la  der- 
nière paire  des  écailleufes  ,  que  par  deux  an- 
neaux. Ainfi,  elle  ne  dément  point  ce  que  M.  de 
Heaumur  a  dit  des  Chenilles  de  cette  cl  aile  y 
qu'elles  font  la  plupart  remarquables  par  quel- 
que trait  d'iuduftrie. 

C'est 


SUR    LES    INSECTES.        209 

■Cest  de  delfus  en-deirous  que  notre  petite 
Rouleuie  cGJitotime  les  feuilies  du  Frèîie  ,  & 
qu'elle  dirpcfe  peu-à-peu  celle  fur  laquelle  elle 
s'eft  établie,  à  revêtir  h  forme  de  cornet.  Deux 
de  ces  Chenilles  que  j'avois  tirées  de  leur  cel- 
lule ,  &  pofées  fur  les  feuilles  d'une  branche  de 
Frêne  dont  l'extrémité  étoit  plongée  dans  un 
vafe  plein,  d'eau ,  me  donnèrent  le  plaifir  d(j 
voir  de  mes  propres  yeux  les  procédés  fi  inté- 
reifans ,  que  rHillorien  des  Infedes  a  il  bien  dé- 
•crits  (^)  ,  &  au  moyen  defquels  les  adroites 
ïlouleufes  façonnent  leur  cornet.  Ceux  que  mes 
■Chenilles  s'étoient  conftruits  ,  &  donc  je  les 
avois  tirées,  n'oiîroient  point  encore  la  petite 
porte  ronde  dont  j'ai  parlé.  Leur  travail  dura 
environ  deux  jours. 

Pendant  que  jViiois  à  la  chaiTe  de  nos 
Roule ufes  ,  je  fis  une  remarque  que  je  ne  dois 
pas  palier  fous  filence ,  &  qui  pourra  aider  les 
curieux  à  les  retrouver  :  ce  n'etoit  jamais  que 
fur  de  jeunes  Frênes  que  je  parvenois  à  ren- 
contrer des  cornets  habités  par  des  Chenilles 
.de  cette  Efpece  :  j'en  cherchai  inutilement  fur 
.de  grands  Frênes. 

Ces  cornets  ne  font  pas  bien  communs.  Sur 

C)  Mém^  pourfervirà  VHiJl.  des  Inf.  Tom.  II ,  Mcm.  V. 

Tome  IL  -  Q 


210       OBSERVATIONS 

environ  une  douzaine  que  je  parvins  à  raffem- 
bler  5  il  y  en  avoit  pluiieurs  qui  ctoient  percés 
d'un  trou  rond,  près  de  leur  bafe.  Ce  trou  ne 
doit  pas  être  confondu  avec  la  porte  ménagée 
pour  le  Papillon  :  celle-ci  eft  toujours  percée 
dans  la  partie  de  la  feuille  qui  fert  de  bafe  au 
cornet.  Dans  ces  cornets  ain(î  percés  près  de 
leur  bafe  ,  je  ne  trouvai  ni  Chenille  ni  Coque; 
mais  je  vis  feulement  des  excrémens  de  Che- 
nilles &  quelques  petits  Perce-oreilles.  C'étoient 
probablement  ces  Perce-oreilles  qui  avoient  fait 
périr  l'habitante  de  la  cellule  ,  ou  qui  Pavoient 
forcée  de  déloger.  Dans  un  autre  cornet  je 
trouvai  une  forte  de  Punaife  noire  :  dans  un 
autre ,  une  petite  FauiTe-Chenille  verte ,  à  vingt- 
deux  jambes.  D'autres  cornets ,  qui  n'étoient 
point  percés  ,  m'offrirent  la  petite  Chenille  elle- 
même  immobile ,  &  qui  paroiffoit  fur  le  point 
de  changer  de  peau.  Un  autre  cornet ,  percé 
près  de  la  bafe  ,  ne  renfermoit  ni  Infede  ni 
excrémens.  Un  autre  renfermoit  une  Coque, 
dont  le  Papillon  n'étoit  pas  encore  forti.  Enfin , 
dans  un  autre  cornet ,  dont  la  petite  porte 
ronde  étoit  ouverte  ,  je  trouvai  une  Coque  en 
grain  d'Avoine,  qui  renfermoit  une  ChryfaHde 
bien  vivante.  Un  accident  à  moi  inconnu  , 
avoit  fans  doute  flût  tomber  la  petite  porte, 
«somme  ou  ie  voit  arriver  quelquefois  à  celle 


SUR    LES    INSECTES.       2ii 

^Ttc  pratique  la  petite  Chenille  des  grains 
d'orge. 

Je  me  propofai  de  reprendre  l'année  Suivante 

mes  Oblervations  fur  cette  induftrieufe  Clie- 
îiille  :  d'autres  occupatiojis  m'en  détourjierent  i 
mais  j'en  ai  dit  aiîez  pour  exciter  h  curioiité 
des  Obfervateurs. 

OBSEPvVATION     XXI, 

Sur  une  Chenille  qui  ^  comme  la  grande  Cbeniih 
à  tubercules  ,  fe  conftriiit  une  Coque  en  nm- 
niere  de  Najje  de  Poijjon. 


N"  ne  peut  s'empêcher  d'admirer  ie  pro- 
cédé induftrieux  de  la  grande  Chenille  à  tuber- 
cules  du  Poirier  (*).  La  groi΀  Coque  ("**)  qu'elle 
fe  conftruit ,  eft  d'une  foie  très  -  forte  ,  très- 
gommée  ,  &  d'un  tiifu  ferré  &  fort  épais.  Le 
Papillon  y  demeureroit  infailliblement  prifon- 
nier,ii  la  Chenille  ne  prenoit  la  précaution , de 
ia  laiifer  ouverte  par  une  de  fes  extrémités. 
Cette  extrémité  eft  effilée  :  l'autre  eft  grolfe  8c 
arrondie.    Si  l'on  regarde    de  près   l'extrémité 

C)  Mém.  fur  les  Inf.  Tome  I ,  PI.  PCLVIII,  Fig,  i. 
CO  PI.  XLVIIÏ  ,  Fig.  4' 

Q  Z 


212     observations: 

effilée,  &  mieux  encore,  lî  Ton  ouvre  la  Coque 
fuivant  fa  longueur  (^)  ,  on  reconnoitra  que 
tous  les  fils  vont  fe  réunir  vers  Touverture  à  la 
manière  des  baguettes  qui  compofent  les  nalTes 
dont  on  fe  fert  pour  prendre  le  Poiifon.  Les 
fils  de  la  Coque  formant  donc  là  une  forte 
d'entonnoir  :  ils  y  font  plus  forts  ,  plus  roidcs 
qu'ailleurs.  L'adroite  ouvrière  ne  fe  contente 
pas  même  d'un  fcul  entonnoir  :  elle  en  conftruit 
lin  fécond  fous  le  premier  5  &  les  fils  de  celui- 
là  font  encore  plus  fériés  que  les  fils  de  celui- 
ci.  On  voit  aifez  l'ufage  de  ces  entonnoirs  :  ils 
fervent  à  interdire  l'entrée  de  la  Coque  aux 
Infedes  rôdeurs  &  mal-faifins.  Ils  font  pour 
ces  Infectes  ce  que  font  les  iiaiîès  pour  les 
PoifTons  qui  veulent  en  for  tir  j  &  ils  font  pour 
3e  Papillon  ce  que  font  ces  mêmes  naUes  pour 
les  PoiiTons  qui  s'y  préfentent. 

Je  ferai  connoître  ici  une  Chenille  dont  le 
procédé  a  du  rapport  à  celui  de  la  grande  Che- 
nille à  tubercules.  Elle  eft  de  grandeur  nioyenne , 
demi-velue ,  à  feize  jambes ,  dont  les  membra- 
sieufes  n'ont  qu'une  demi  -  couronne  de  cro- 
chets. Le  fond  de  la  couleur  du  deifus  du 
corps  eft  un  violet  fort  pâle ,  fur  lequel  font 
jettées  trois  raies  jaunes ,  qui  s'étendent  depuis 

O'àJbid,  Fig.  6, 


^UR    LÏS   INSECTES.        21^ 

îe  fécond  anneau  iLifqu'environ  le  onzième.  Aux 
deux  extrémités  de  ces  raies  s'obrervent  deux 
éminences  ou  tubercules  charnus ,  d'où  partent 
de  longs  poils  :"  ceux  qui  partent  des  tubercules 
antérieurs  font  jaunes  5  ceux  qui  partent  des 
poilérieurs  ,  font  bruns.  Les  tubercules  anté- 
rieurs font  de  même  couleur  que  les  raies  5  les 
poitérieurs  y  violets  comme  le  dos.  Ces  tuber- 
cules poftérieurs  n^en  forment  proprement  qu'un 
feul ,  mais  refendu,  en  quelque  forte,  au-deiliis 
de  {^d  bafe.  Sur  chaque  anneau  fe  voient  d\iu- 
tres  tubercules ,  où  s'implantent  de  longs  poils 
bruns  :  ceux  qui  partent  des  tubercules  laté- 
raux ,  font  blanchâtres.  Des  taches  jaunes  font 
femécs  fiir  les  côtés.  La  tète  eft  de  couleur 
violette.  Les  jambes  écailleufes  font  d'un  noir 
luifaut  ',  les  nicmbraneufes  jaunes  ,  &  cette 
couleur  eft  encore  celle  du  chaperon. 

Cette  Chenille  me  fut  remife  dans  les  pre- 
miers jours  d'Oclobre  1740  :  j'ignore  de  quelles 
feuilles  elle  fe  nourrit.  Vers  le  milieu  du.  -mois 
elle  fe  conftruifit  une  fort  jolie  Coque  de  foie 
blanche ,  alongée  par  les  deux  bouts  ,  mais  plus 
aïongée  par  le  bout  antérieur  que  par  le  pof- 
çé rieur.  Ce  bout  antérieur  réifembloit  aife?  au 
bout  antérieur  de  la  Coque  de  la  grande  Che- 
nille à  tubercules  ,  &  paroiiibit  être  fait  à-peu- 

O  ; 


214       OBSERVATIONS 

près  fur  le  même  modèle  :  tous  les  fils  alloienr 
s'y  réunir  pour  y  former  une  forte  d'entonnoir 
ou  de  nafle.  Cependant  le  tiifu  de  la  Coque 
étoit  tbrble  ,  &  laiifoit  voir  la  Chenille  :  auiiî 
avoit-elie  pris  la  précaution  de  pjacer  fa  Coque 
ibus  une  feuille.. 

Il  y  a  lieu  de  préfumer  que  le  procédé  de 
la  Chenille  à  tubercules  du  Poirier  eil  commun 
à  plufieurs  autres.  Efpeces  de  Chenilles ,  &  qu'il 
n'efl:  pas  propre  uniquement  à  celles  qui  fe 
filent  des  Coq^ues  de  foie  d'un  tiffu  fort  ferré. 

^^=.==. —        sg:s(^  - ^  !g^ 

OBSERVATION    X  X  1 1. 

Sur  tim  Chenille  qui  fe  confiriiit  mie  Coque  dont 
la  forme  imite  celle  à^mi  Bateau  renverfé. 


\s 


['Historien  des  Infedes  ,  qui  avoit  donné 
beaucoup  d'attention  à  la  Chenille  dont  je  vais 
parler ,  &  s'étoit  plîi  à  nous  faire  admirej:  l'art 
qui  brille  dans  fes  procédés  ,  en  trace  dans  fes 
Mémoires  la  defcription  fuivante  (*). 

"  Cette  Chenille  ,  dit-il  ,  eft  de  grondeur 
3,,  médiocre  ,  &  a  feize  jambes  >   elle  sft  rare  ; 

0)  Tome  I,  pag,  %6(x 


T»B 

tE    IL    Obs.   X.    P» 

RT 

H. 

P.ige  2ir. 

8vo 

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j        r'ylBLE  dt,  Uféramm  fMe:  à  fix  Vir,  ,«  d,J,.Te„i  mm  &  m  Jifiniuif  nnmjlmim .  pm„-  l'njimr  fi  le  pymcp!  L  repy,JuA,i^lf^,xlr«mé'i  ,"jï  o,r,l-,/p,,,     "^ 
1                                                                                                                          m:piiîf,xUe  daii,  k  mémi  InJixjUu 

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SUFx    LES  INSECTES.        2iç 

„  fa   peau    eft  d'un  beau  verd ,   fur  lequel  ou 

33  démêle    des   raies    obliquement    tranfverfales 

„  d'un  verd   un  peu   plus  jaunâtre.  Sa    partie 

„  poftérieure  eft  plus  déliée  que  fa  partie  anté- 

„  rieure.   Sa   tète    eft  fouvent  retirée  fous   les 

53  premiers    anneaux  ,    de   façon    qu'on   ne  la 

,3  voit  point;  le  corps  de  cette  Chenille  a  alors 

j3  quelque  chofe  de  celui  du  PoilTon.  Ceft  même 

33  par  le  nom  de  Chenille  à  forme  de  Poijjbn  que 

53  je    la   défignois  ,  avant    que    je  fufie  qu'elle 

,3  étoit  l'ouvrière  de  la  belle  Coque  en  bateau.  ,5 

Il  manque  quelque  chofe  à  cette  dêfcription  : 
pour  la  rendre  plus  complette  ,  j'ajouterai  que 
les  jambes  membraneufes  font  à  demi-couronne 
de  crochets  ,  &»que  fur  la  partie  lupéiieure 
du  iecoiid  anneau  ,  on  voit  deux  mamelons  char- 
nus 3  pofés  foit  près  l'un  de  l'autre  ,  &  qui 
fe  terminent  en  pointe  comme  deux  petites 
cornes.  Ces  mamelons  font  exprimés  dans  la 
figure  (*)  que  notre  illuftre  Auteur  a  fait  gra- 
ver de  cette  Chenille  ;  quoiqu'il  ne  les  ait  pas 
fait  entrer  dans  fa  dêfcription.  Je  dirai  néan- 
moins à  cette  occallon  s  que  cette  figure  n'eft 
pas  exade.  J'en  trouve  les  traits  obliques  à  la 
longueur  du  corps  ,  trop  gros  ,   trop  marqués  ; 

C)  PI.  XXXIX  ,  Fig.  10. 

O  4 


^2^6       0  B  ^  E  R  V  A  T  I  0  K  S 

&  la  partie  antérieure  m  y  parolt  plus  larg.e 
qu'elle  ne  i'eft  dans  le  naturel. 

•  On  rencontre  cette  Chenille  fur  le  Chêne 
dans  les  mois  de  Mai  &  de  Juin.  Ce  fut  le  3  do 
Juin  1740  ,  que  je  fobfervai  pour  la  première 
fois.  On  me  remit  alors  deux  Chenilles  de  cette 
Eipece  qui  avoient  pris,  tout  leur  accroiifement. 
Au  premier  eoup-d^œii ,  je  les  crus  de  la  même 
Efpece  que  cette  Chenille ,  qui  porte  une  corne 
charnue  en  ÊDrnie  d'Y  fur  fa  partie  antérieure, 
&  dont  j'ai  fait  mention  dans  l'Obfervation  XIV- 
Je  ne  parvins  même  à  me  détromper  ,  qu'en 
prellant  aiTez  fortement  mes  deux  Chenilles  près 
de  la  tête  :  je  m'aifutai  ainiî  qu'elles,  n'avoient 
point  la  corne  branchue  que  leur  torme  exté- 
rieure m'avoit  paru  annoncer.  Je  reconnus  donc 
qu'elles  étoient  bien  de  la  même  Efpece  que 
celle  dont  je  lifois  la  defcription  pag.  5:^0  des 
Mémoires  fur  ks  hijechs.  J'étois  par  coriféquent 
préparé  à  leur  voir  conftruire  une  de  ces  Co- 
ques d«  forme  très-recherchée  ,  <x  que  l'Auteur 
avoit  comparée  a  celle  d'un  bateau  renverié. 
Et  comme  il  avoit  témoigné  des  regrets  de 
n'a'^oir  pu  fiifir  l'ouvncre  daits  le  temps, 
qu'elle  commeiiçoit  à  exécuter  ion  ouvrage , 
je  n'en  eus  q;ue  plus  de  deiir  de  fatiit  ce  mo- 


SUR   LES    INSECTES.       217 

nient    intéreiTant    &    de    fuivre  toutes  les  ma- 
nœuvres de  PInfede. 

Jai  die,  que  mes  deux  Chenilles  avoient 
pris  tout  leur  accroiirement  :  le  terme  de  leur 
transformation  étoit  même  aiTez  prochain  : 
autli  ne  toucherent-elles  point  aux  feuilles  de 
Chêne  que  je  leur  donnai.  Le  lendemain  4  de 
Juin,  fur  les  cinq  heures  du  matin,  je  trouvai 
une  de  mes  Chenilles  6xée  contre  le  couvercle 
de  la  boite  dans  laquelle  je  Pavois  renfermée. 
Elle  étoit  immobile  ,  &  fembloit  environnée 
depuis  la  tète  jufqu'environ  le  fepticme  anneau 
d'un  £1  de  foie ,  qui ,  s'il  eut  été  prolongé  des 
deux  côtés  fuivant  la  même  dired:ion  ,  auroit 
tracé  un  véritable  ovale  ,  dont  le  corps  de  la 
Chenille  auroit  été  le  grand  diamètre,  j'eus 
d'abord  quelque  penchant  à  foupqonner  que 
c'étoit  là  les  préparatifs  ,  non  d'une  Chenille 
qui  vouloit  fe  conftruire  une  Coque  ;  mais 
d'une  Chenille  qui  vouloit  fe  ceindre  par  un 
lien  de  foie  ,  qui  devoit  l'emb 'aller  à-pcu-près 
par  le  milieu  du  corps.  Il  me  fepiblii  que  ma 
Chenille  n'avoit  plus  qu'à  faire  palTer  le  fil  par- 
delTus  fon  dos  pour  fe  trouver  liée  à  la  ma- 
nière de  (.liverfes  Efpeces  de  Chenilles  qui  fe 
filent  des  ceintures  pour  fe  métamorpholer* 
Mais  elle  ne  tarda  pas  à  me  défabufer ,  &  à  me 


218       OBSERVATIONS 

prouver ,  que  l'ouvrage  auquel  elle  commenqoit 
à  travailler  étoit  d'un  tout  autre  Genre.  Bien- 
tôt je  la  vis  fe  détourner ,  &  porter  fii  tète  du. 
côté  oppofé  à  celui  vers  lequel  elle*  étok  d'a- 
bord dirigée.  Elle  me  parut  alors  s'occuper  à 
fortifier  le  fil  de  foie  qui  l'environnoit.  Ce  fil 
îie  me  fembla  plus  un  fimple  fil  defriné  finiple- 
«lent  à  former  une  ceinture  :  je  reconnus  évi- 
demment qu'il  étoit  le  fondement  d'une  vérita- 
ble Coque  ,  &  qu'il  devoit  en  déterminer  les 
contours.  La  Chenille  ramena  enfuite  fa  tète 
vers  l'endroit  du  fil  ou  de  l'enceinte  fur  lequel 
elle  l'avoit  d'abord  tenue  appliquée.  Je  m'armai 
d'une  loupe  ,  &:  j'obfervai  diftindement  ,  que 
ce  que  j'avois  d'abord  pris  pour  un  fimple  fil , 
étoit  une  forte  de  petit  mur  de  pure  foie  ,  que 
Pouvriere  s'occupoit  à  élever  ,  en  y  ajoutant 
facceilivement  de  nouveaux  fils.  Voici  com- 
ment elle  s'y  prenoit.  Elle  appliquoit  fa  filière 
fur  un  point  du  bord  fupérieur  du  petit  mur  : 
elle  l'cloignoit  enfuite  de  ce  point ,  &  en  l'en, 
éloignant,  elle  tendoit  à  lui  fiire  parcourir  une 
certaine  étendue  du  bord  fupérieur  du  mur. 
L'efpace  parcouru  pouvoir  être  d'environ  une 
ligne.  Tandis  que  la  filière  parcouroit  cet  efpace 
elle  laiiToit  couler  le  fil  de  foie  qu'elle  étoic 
deftinée  à  mouler.  Il  fortoit  donc  de  la  filière 
un    fil   d'une    ligne   de  longueur.    Après   avoir 


SUR  LES   INSECTES.        219 

tire  ce  fil ,  la  Chenille  rapproclioit  fli  filière 
du  bord  lupécieur  du  tnurj  elle  l'y  appliquoit 
de  nouveau ,  &  colloit  à  cet  endroit  l'extré- 
mité  du  fil.  Elle  répétoit  la  même  manœuvre 
de  diftance  en  diftance  ,  jufques  à  ce  qu'elle 
fut  parvenue  à  l'extrémité  de  la  petite  muraille 
de  foie.  Parvenue  enfin  à  cet  endroit ,  elle  re- 
venoit  en  quelque  forte  fur  fes  pas  j  elle  repaf- 
foit  far  les  bords  du  mur  ,  &  y  ajoutoit  ainji 
de  nouveaux  fils.  Elle  élevoit  donc  de  plus  en 
plus  le  mur  par  faddition  de  ces  fils.  Elle  exécu- 
toit  fes  manœuvres  avec  une  grande  vîtelfe  :  elle 
fembloit  preflee  de  finir  fon  ouvrage  ,  &  n'avoir 
pas  un  feul  moment  à  perdre.  Si  pourtant  quel- 
que mouvement  fe  communiquoit  à  la  boite  , 
elle  fufpendoit  fon  travail  >  mais  elle  le  reprenoit 
un  inftant  après  avec  une  nouvelle  ardeur. 

Par  tout  ce  que  je  viens  d'expofer  fur  la 
conilrudion  du  petit  mur  de  foie  ,  on  pour- 
roit  croire  qu'il  n'étoit  compofé  que  d'une  luite 
de  fils  couchés  parallèlement  les  uns  aux  autres 
&  à  la  longueur  du  mur.  On  fe  repréfente  , 
fans  doute  ,  ks  fils  ou  la  chaîne  iVixne  toile. 
Ce  n'étoit  pas  néanmoins  fur  un  femblabîe 
modèle  que  notre  Chenille  travaiîloit  :  fimags 
ne  feroit  point  du  tout  exacls  j  inais  c'eil  que 
je  ne   me    fuis  pas    exprimé    moi-même    avec 


220       0  B  S  E  R  V  A  T  I  0  N  S 

aiïez  d'exaditudc  i  je  ivai  pas  encore  alfez  de- 
taillé  les  procédés  de  Touvriere.  Chaque  foi-s 
qu'elle  droit  un  fil  d\?n  point  à  un  autre  -  elle 
élevoit  fà  tête  au-delTus  du  mur  ;  elle  Téloignôit 
un  peu  du  bord  iupérieur  en  la  faifant  rentrer 
dans  Teipace  ovale.  Pendant  ce  mouvement ,  le 
fil  continuoit  à  couler  de  la  filière  ;  la  Che- 
nille rapprochoit  en  fuite  fa  tète  du  bord  du 
iîiur  ;  elle  y  appliquoit  fa  filière ,  &  y  colloit 
le  bout  du  fil.  Elle  avoit  donc  filé  ainfi  une 
petite  boucle  ;  &  c'étoit  d'une  fuite  de  pereilles 
boucles  qu'elle  formoit  fon  tilîii.  On  a  pris  à 
préfent  une  idée  plus  jufte  de  fon  travail. 

Je  prie  qu'on  fe  repréfente  l'adroite  fiileufe 
placée  entre  deux  murs  de  foie  ,  qu'elle  ne 
faifoit  que  commencer  à  élever.  Qiîand  elle 
avoit  travaillé  quelque  temps  à  l'un  des  murs . 
elle  paifoit  à  Tautre  ,  &  revenoic  enfuite  au 
premier.  Ces  murs  n'étoient  pas  perpendicu- 
laires au  plan  de  pofition  :  quoique  la  Chenille 
ne  leur  eût  donné  encore  que  fort  peu  d'élé- 
vation ,  on  ne  laiifoit  pas  d'appercevoir  qu'ils 
tendoient  à  fe  rapprocher  par  le  Iraut  ,  «Se  à 
former  ainfi  une  faite  de  berceau  ou  de  voiite. 
On  diitinguoit  déjà  la  naii]ance  de  la  courbure 
qu'ils  dévoient  prendre  à  m-efure  qu'ils  s'élcve-= 
roient. 


SUR    LES   INSECTES,        221 

On  fe  rappelie  ce  que  j'ai  dit  de  la  longueur  de 
ces  murs  :  i!s  ne  s'étendoient  que  depuis  la  tète 
de  la  Chenille  jufques  vers  le  feptieme  anneau: 
i-ci,ils  étoient  interrompus.  Ils  l'étoient  encore 
à  l'extrémité  de  l'ovale  qui  répondoit  à  la  tète 
de  l'ouvrière.  On  doit  fe  fouvenir  ,  que  fou 
corps  étoit  étendu  parallèlement  au  grand  diamè- 
tre de  l'ovale.  Il  y  avoit  donc  à  l'extrémité  dont 
)e  parle  ,  un  intervalle  égal  à  la  largeur  du  corps 
de  la  Chenille  ,  qui  n'étoit  point  enceint  par 
les  murs.  Je  ne  voyois  point  encore  pourquoi 
l'ouvrière  n'avoit  pas  prolongé  l'enceinte  à 
cet  endroit ,  &  pourquoi  elle  y  avoit  lailfé  une 
ouverture  j  mais  je  jugeai  bien  qu'elle  avoit 
eu  quelque  bonne  raifon  pour  eu  ufer  ainfi. 
Sa  tête  palfoit  au-delà  de  cette  ouverture  ;  & 
comparant  alors  h  longueur  de  la  Chenille  avec 
celle  de  l'enceinte ,  telle  qu'elle  s'ofFroit  dans  ce 
moment  à  mes  yeux ,  j'avois  peine  à  compren- 
dre ,  comment  l'Infecle  pourroit  fe  loger  dans 
luie  Coque  en  apparence  fi  difproportionnée  à 
fa  taille. 

Ma  curiofité  redoubloit ,  &  j'étois  très-atten- 
tif à  fuivre  toutes  les  manœuvres  de  notre  in- 
dultrieufe  ouvrière.  Quand  elle  eût  travaillé  un 
certain  temps  à  exhauifer  les  murs  du  côté 
antérieur  de  la   Coque  ,  elle  fe  retourna  bout 


222       OBSERVATIONS 

par  bout  pour  aller  travailler  au  côté  poflérieur. 
Ici ,  il  s'agiflbit  d'achever  l'enceinte  &  d'élever 
les  murs  qui  dévoient  la  former.  On  comprend 
hlcn  ,  que  ces  murs  ne  dévoient  être  que  le 
prolongement  de  ceux  qui  étoient  déjà  élevés , 
&  qu'ils  dévoient  aller  à  la  rencontre  l'un  de 
l'autre  vers  le  bout  poftérieur  de  la  Coque ,  où 
ils  étoient  deftniés  à  s'unir.  La  Chenille  con- 
tinua foai  travail  de  la  même  manière  qu'elle 
î'avoit  commencé.  Elle  traça  le  relie  de  l'en- 
ceinte ou  de  refpace  ovale  par  des  fils  de  foie , 
qui  déterminoient  la  direction  qu'elle  devoit 
faire  prendre  aux  murs  en  les  prolongeant.  Ce 
prolongement  fut  exécuté  par  une  fuite  con- 
tinue de  petites  boucles  de  foie ,  liées  les  unes 
au:c  autres  &  couchées  les  unes  fur  les  autres  ? 
comme  je  l'ai  raconté. 

Cependant  la  Chenille  ne  prolongea  pas 
les  murs  jufqu'à  l'extrémité  de  la  Coque  :  elle 
îaifla  à  cette  extrémité  une  ouverture  pareille 
à  celle  qu'elle  avoit  laiffée  à  Fextrémité  oppofée. 
Sa  tête  paifoit  par  -  delà  cette  ouverture  ,  & 
fon  derrière  ,  par-delà  l'ouverture  placée  à  l'au- 
tre bout.  La  longueur  de  la  Coque  étoit  donc 
bien  inférieure  à  celle  de  la  Chenille  ,•  &  cette 
dernière  n'auroit  pu  y  être  renfermée  de  fou 
long  5  fans  être  forcée  de  fe  contrader  beaucoup 


SUR    LES   INSECTES.      223 

&  fans  être  fort  gênée  dans  toutes  fes  manœu- 
vres. Je  découvris  alors  pourquoi  elle  avoit  pris 
la  précaution  de  ne  prolonger  point  d'abord 
les  murs  autant  qu'ils  dévoient  l^tre  pour  for- 
mer l'enceinte  ,  &  pourquoi  elle  avoit  ménagé 
une  ouverture  aiTez  confidérabie  aux  deux 
extrémités  de  l'enceinte.  Elle  n'avoit  donc  pas 
été  appellée  par  la  Nature  à  travailler  comme 
le  Ver-à-foie  &  tant  d'autres  Chenilles  ,  qui 
font  renfermées  en  entier  dans  leur  Coque  tandis 
qu'elles  la  conftruifent ,  &  dont  le  corps  con- 
tourné ,  tantôt  en  manière  d'anneau  ,  tantôt 
en  manière  d'S ,  devient  ainfî  l'efpece  de  moule 
qui  détermine  la  forme  &  les  proportions  de 
la  Coque.  Notre  Chenille  travailloit  fur  un  mo- 
dèle bien  différent ,  &  fans  doute  que  la  forme 
aifez  recherchée  qu'elle  devoit  donner  à  fa 
Coque  5  exigeoit  qu'elle  n'y  fut  pas  renfermée 
en  entier  pendant  qu'elle  étoit  occupée  à  la 
conftruire. 

Il  arrivoit  quelquesfois  que  les  murs  fe 
renverfoient  en  dehors,  par  une  fuite  des  mou- 
vemens  divers  que  la  Chenille  étoit  obligée  de 
fe  donner  pendant  le  travail.  Elle  ne  manquoit 
point  de  remédier  à  cette  accident  &  de  forcer 
les  murs  à  fe  redreifer  en  les  tirant  à  elle  avec 
fes  dents.  Elle  le  faifoit  même  aifez  rudement. 


224       OBSERVATIONS 

&:  fans  paroître  ménager  beaucoup  le  tilTu 
foyeux.  Mais  elle  favoit  proportionnel:  la  force 
à  la  réfiftance  qu'il  s'agiifoit  de  furmonter  ,  & 
rien  n'étoit  dérangé  dans  le  tiifu.  Je  remarquai 
même  dans  fa  manœuvre  un€  chofe  qui  me 
frappa  :  elle  ne  faililîbit  pas  ks  mues  par  leur 
bord  fupérieur  ;  ce  qui  lui  auroit  donné  bien 
plus  d'avantage  pour  les  redreffer ,  &  auroit  exigé 
moins  de  force  :  elle  les  failiifoit  ,  au  contraire  ,  à 
xme  certaine  didance  du  bord.  Si  elle  en  eût  uTé 
autrement,  fi  elle  eût  appliqué  fcs  dents  aux  bou- 
cles qui  bordoient  les  murs  par  le  haut ,  elles 
îi'auroient  pu  réfitler  à  l'eitort  y  elles  auroient 
cédé ,  &  le  tiifu  en  auroit  foutfert  plus  ou  moins. 
Il  n'en  alloit  pas  de  même  des  boucles  qui  fe 
trou  voient  placées  dans  le  corps  du  tiiTu  : 
comme  elles  étoient  étroitement  liées  à  toutes 
celles  qui  les  environnoient  immédiatement  ^ 
elles  étoient  plus  capables  de  ibutenir  les  plForts 
réitérés  de  la  Chenille. 

Notre  Architede  n'élevoit  pas  les  murs  par- 
tout à  la  même  hauteur.  Depuis  environ  le  mi- 
lieu de  la  longueur  du  petit  édifice  jufques 
près  de  Textrémité  poftérieure ,  Is  alloient  gra- 
duellement en  s'abaiifant.  Ils  étoient  donc  peu 
élevés  à  cette  extrémité  j  &  ils  fétoient  beau- 
coup proportionnellemeut  vers  l'extrémité  oppo- 


SUR    LÈS    INSECTES,        22f 

fée.  Le  plan  fuivant  lequel  Px'^rcliitede  bâ-; 
tiilbit,  luppoibit  eirentiellement  ces  diflérences 
de  proportions.  Quand  la  Chenille  ajoutoit  de 
iiouvelies  boucies  aux  parties  les  plus  élevées 
du  mur,  fes  premières  jambes  étoient  appliquées 
contre  le  mur ,  &  accompagnoient  la  tète  dans 
tous  fes  mouvemens. 

A  mefure  que  les  murs  prenoient  plus  de 
hauteur  ,  ils  tendoient  à  fe  courber  davantage  ou 
à  fe  rapprocher  par  leur  bord  fupérieur  ,  &  à 
former  une  forte  de  voûte.  On  n'a  pas  oublié 
qu'ils  lainoient  une  ouverture  affez  coniidérable 
à  chaque  bout  de  Penceinte.  Cette  ouverture 
ifétoit  que  pour  un  temps  &  ne  devoit  pas 
fubfiller.  Aulfi  la  Chenille  travailla-t-elle  à  la 
boucher  i  foit  en  forçant  les  murs  à  le  rappro- 
cher à  cet  endroit  s  Ibit  en  y  ajoutant  de  nou- 
veaux fils  ou  de   nouvelles  boucles. 

Lorsque  les  deux  murs  eurent  été  bien  réu- 
3iis  au  bout  antérieur  de  la  Coque  >  leur  rcunian 
fe  trouva  marquée  par  une  forte  de  cordon 
[  PL  ///,  F/>.  VIII,  r.  ]  qui  avoit  du  relief, 
&  qui^defcendoit  en  ligne  droite,  depuis  fen- 
droit  le  plus  élevé  de  la  Coque  juiques  fur  le 
plan  où  elle  repofoit.  Le  cordon  étoit  donc  per- 
pendiculaire' à  ce  plan.  La  Coque  n'étoi,  pa^ 
Tome  IL  .V 


22^       OBSERVATIONS 

coupée  quarrcment  à  ce  bout  :  les  nnirs  avoien?; 
été  prolongés  conformément  aux  contours  de 
refpace  ovale  :  le  cordon  en  étoit  la  partie  la 
plus  faillante.  L'endroit  le  plus  élevé  de  la 
Coque  ou  celui  qui  répondoit  au  bout  fupé- 
îieur  du  cordon ,  étoit  marqué  par  une  petite 
pointe  3  0 ,  dont  la  faillie  étoit  fenfible.  Cette 
petite  pointe  fembîoit  imiter  ces  aiguilles  que 
nous  plaçons  au  fommct  de  nos  édifices.  Je 
Fai  déjà  fait  remarquer  :  les  murs  s'abaiflbient 
Leaucèup  en  s'approchant  du  bout  potlérieur ,  p , 
de  la  Coques  &  en  s'y  réuniiTant,  ils  donnoient 
à  ce  bout  un  air  tres-effilé  :  l'ovale  étoit  donc 
là  très-alongé  &  beaucoup  plus  qu'il  ne  l'étoit 
à  l'autre  bout. 

On  vient  de  voir  que  la  réunion  des  murs 
fur  le  devant  de  la  Coque  étoit  marquée  pi^r 
un  rebord  ou  cordon  faïUant ,  qui  ne  permet- 
toit  pas  de  la  méconnoitre.  Par-tout  ailleurs 
cette  réunion  étoit  invifible  ou  à-peu-près.  La 
Chenille  l'avoit  exécutée  d'une  manière  fort 
fimple  &  qui  ne  m'avoit  rien  offert  de  paiticu-  : 
lier.  Elle  avoit  tiré  des  fils  de  l'un  à  l'autre  ' 
nniï  ,  en  promenant  fa  filière  de  l'une  à  l'autre 
extrémité  des  deux  murs  :  elle  avoit  ainfi  rem- 
pli l'intervalle  par  un  nouveau  tiifu  de  foie  , 
CjUi  ne  formoit  plus  qu'un  iéul  tout  avec  le 
relie  (ie  l'édifice. 


SUR    LES    INSECTE  S.      22f 

AîNSi  la  Coque  avoit  pris  peu-à-peu  la  forme 
d'un  bateaurenverié ,  ou  il  Pou  veut,  celle  d'un 
fabot  ',  car  je  lui  trouvai  quelque  reileaiblaricô 
avec  cette  chauiîuTe  ruftique.  L'ouvrage  était 
allé  (1  vite  qu'en  moins  de  deux  heures  ,  il 
îivoit  acquis  la  forme  &  les  dmienfions  requi- 
fes  ,  &  qu  il  ne  reiloit  plus  à  l'ouvrière  qu'à 
fortifier  intérieurement  fon  tiifu^  par  de  nou- 
velles couches  de  loie.  La  coult-ur  de  la  Coque 
étoit  un  jaune  de  paille  j  mais  elle  n'en  avoié 
pas  le  luifant  ou  le  poli. 

Il  faut  que  je  ram.ene  encore  mon  Ledeur 
à  ce  cordon  (i  remarquable  placé  au  devant  du 
gros  bout  de  la  Coque  ,  &  qui  marque  la 
réunion  -  des  deux  murs  ou  des  deux  grandes 
pièces  dont  la  Coque  eft  formée.  En  confidé- 
rant  ce  cordon  de  plus  près  8c  avec  plus  d'at- 
tention ,  je  reconnus  que  la  réunion  des  deuk: 
raurs  n'y  étoit  pas  parfoite  ,  &  qu'il  étoit  refté 
à  cet  endroit  une  fente  fort  étroite ,  qui  régnoic 
le  long  du  cordon  ,  &  dont  celui-ci  détermi- 
noit  les  bords.  Je  crus  découvrir  là  un  petit 
artifice  de  la  Chenille  :  je  préfumai  qu'elle  avoit 
ménagé  cette  fente  pour  faciliter  la  fortie  du 
Papillon.  On  verra  bientôt  que  je  ne  me  trom- 
pois  pas  p  &  que  cette  partie  de  la  Coque  ren^- 
ferme  une  particularité    très-iiitéreflante.    Mais 

P   7. 


Î228       OBSERVATIONS 

comme  Ton  pourroit  foupqonner ,  que  je  n'a- 
vois  apperqii  la  fente  dont  il  s'agit  que  parce 
que  la  Chenille  n'avoit  pas  encore  achevé  de 
réunir  à  cet  endroit  les  deux  grandes  pièces 
de  la  Coque ,  je  dois  ajouter  que  cette  ouver- 
ture fubfiiia  toujours.  La  Chenille  l'a  voit  donc 
pratiquée  à  delTein  -,  car  il  lui  auroit  été  bien 
facile  de  la  fermer  -,  quelques  fils  de  foie  auroient 
fuffi  pour  un  iî  petit  ouvrage.      /  .       , 

Le  s  ^^  même  mois  ,  fur  le  foir,  mon  autre 
Chenille  fe  mit  auffi  à  conftruire  fa  Coque.  Je 
îa  fuivis  comme  '  la  première ,  pendant  le  tra- 
vail. Elle  ne  me  montra  rien  de  nouveau.  Je 
n'en  inférerai  pas  néanmoins  que  j'ai  vu  tout 
€e  que  la  conftrudion  de  notre  Coque  en  ba- 
teau a  de  plus  curieux  à  noiis  offrir.  Mes  ob- 
fervations  m'ont  aifez  appris  ,  que  les  procédés 
des  Lifedes  fe  diverliEent  dans  le  rapport  aux 
nouvelles  fituations  dans  lefquelles  l'Obferva- 
teur  fait  les  placer. 

Le  30  de  Juin ,  le  Papillon  fortit  de  fa 
Coque  :  M.  de  Reaumur  Fa  décrit  -,  je  n'en 
parlerai  pas.  Il  dit  à  cette  occalion  ;  que  Ici 
Chenille ,  la  Chryfdlide  '^  le  Papillor  jotit  verds. 
Je  n'obfervai  pas  ce  rapport  fingulier  de  cou- 
leur dans  la  Chryfaiides  car  ayant  ouvert  une 


SUR    LES   INSECTES.        229 

âes  Coques  long-temps  avant  la  métamorphofe 
en  Papillon  ,  8c  dans  la  vue  d'examiner  la 
Chryfaîide  ,  je  là  trouvai  d'un?  couleur  bien 
différente  :  elle  étoit  blanche  ,  &  on  voyoic 
une  aiîez  large  bande  d'un  beau  noir ,  qui  ré- 
gnoit  le  long  du  dos. 

C'ÉTOïT  par  le  gros  bout  de  la  Coque  que 
le  Papillon  étoit  forti  ,  comme  j'avois  eu  lieu 
de  m'y  attendre  :  mais  ce  qui  me  furprit  extrê- 
mement &  que  }e  n'avois  point  du  tout  prévu  > 
c'eft  qu'après  fa  fortie  la  Coque  paroiifoit  auili 
bien  clofe  ou  à-peu-près  qu'avant  fa  fortie. 
La  fente  dont  j'ai  parlé  étoit  feulement  un  peu 
plus  fenfible.  [  PL  IIÎ  ,  Fïg.  VIII ,  0  ,  r.  ]  Il 
y  a  donc  encore  plus  d'art  qu'on  ne  le  penfe 
dans  la  conftrudion  de  notre  Coque  en  bateau  > 
&  il  femble  qu'il  faille  conclure  du  fait  dont 
il  s'agit  i  que  les  deux  murs  ou  les  deux  gran- 
des pièces  dont  la  Coque  eil  compofée  ,  font 
deux  efpeces  de  reiîbrts  fiqonnés  de  manière 
qu'ils  fe  rapprochent  d'eux-mêmes  l'un  de  l'au- 
tre ,  au  moment  que  la  force  qui  tendoit  à  lefc 
écarter  a  ceifé  d'agir. 


p  3 


^3-0       0  n  S  E  R  V  A  T  I  0  N  S 

O  B  S  E  R  V:A  T  ï  O  N     X  X  III. 

Tartictdarités  fur  finâiiftrie  de  la  grande  Chenille 
à  tubercules  du  Foirier. 


I 


Ai  eu  p^us  d'une  fois  occaiion  de  parler  de- 
i'induftrie  de  cette  belle  Chenille.  J'ai  rappelle 
dans  rObfcrvation  XXI ,  ce  que  £i  Coque  oJire 
de  plus  admirable.  On.  ne  peut  vou  en  efiet , 
fans  admiration  ,  ces.  deux  entonnoirs  il  bien 
façonnés  ,  qu'elle  fait  pratiquer  au  bout  ouvcit, 
de  fa  groile  Coque,  &  dont  l'ufage  eft  h  mx li- 
fefte.  Je  rappellerai  encore  ici  que  cette  Coque 
eft  entièrement  de  pure  foie  ,  &  d'un  tlifu. 
épai^  3  ferré  &  luftré.  Albin  avoit  vu  le  pre- 
mier l'entonnoir  extérieur  y  &  avoic  comparé 
notre  Coque  à  une  nafle  de  FoilLn.  Mais  c'é- 
toit  à  M.  de  Reaumur  qu'il  avoit  été  réfervé 
de  découvrir  tout  l'art  qui  brille  dans  la  conf. 
trudion  de  cette  Coque  :  il  n'avoit  pas  néan- 
moins furpris  l'habile  Fileufe  tandis  qu'elle 
exécute  la  partie  la  plus,  intérelfante  de  (on  tra- 
vail, je  veux  dire  les  entonnoirs.  La  difpofitioii 
8c  l'arrangement  des  fils  qui  les  compofent ,  ne 
reffemblent  point  du  tout  à  ceux  des  autres; 
fils  de  la  Coque  ,  &  fuppofent  manifcltement 
iiue  tout  a^^ue  manière  (j'o_gérer.  Ç'étoit  ccttQ 


SUR    LES   INSECTES,      231 

iTiankre    qui   reftoit    à    découvrir  5.  &   que  j'ai 
tâché  de  pénétrer. 

Mes  premières  Obferyations  fur  notre  grande 
Chenille  à  tubercules^  datent  du  mois  d'Août 
1737:  je  ks  repris  en  Juillet  1739  :  mais  dans 
ces  deux  années  je  ne  vis,  guère  que  ce-  que 
M.  de  Reaumur  avoit  rapporté.  Je  le  vis  feu-, 
lenient  plus  en  détail  ,  &  j'apperc.us  quelques 
petites  partiGularités.  dont  il  n'avoit  pas  fait 
mention.  Je  ne  les  indiquerai  pas  ici  :  elle^ 
n'auroient  rien  d'intéreirant-  pour  m.on  Lecteur., 
Mais  pendant  que  je  compolbis  cet  Ecrit ,  lo 
hafard  m'ayant  procuré  une  Chenille  de  cette 
Efpece  parvenue  à  fon  parfait  açcroilTement,  j'ai 
faifi  avec  empreirement  cette  occaiion  de  ré- 
pandre quelque  jour  fur  la  conilruclion  ds 
notre  Coque  en  entannpir.  Dans  cette  vue ,  j'ai 
eu  recours  à  une  expérience  dont  les,  réililtats 
m'ont  paru  devoir  être  mftructifs.  Voici  le  précis. 
de  ces  nouvelles  Obfervations. 

Ma  Chenille  s'étoit  ét.iblie  contre  le  couver^ 
de  du  poudrier.  Ce  couvercle  étoit  de  papier. 
La  Coque  y  étoit  appliquée  fuivant  fa  longueur , 
&  elle  y  étoit  retenue  par  de  forts  liens  de  Ibie 
tres-mujtipliés.  Elle  avoit  déjà  acquis .  la  formq 
&  les  proportiaus:  qu'elle  devoit  avon-  :  l'enton^ 

P4. 


ni       OBSERVATIONS 

noir  extérieur  ctoit  bien  faqonné  3  &  il  ne  rcf- 
toit;  plus  à  la  Fileufe  qu'à  fortifier  de  plus  en 
plus  Ton  tiiTu  par  de  nouvelles  couches  de  foie  i 
car  i!  étoit  fi  mince  encore ,  qu'il  cédoit  à  une 
légère  prelîion- 

Je  viens  de  le  dire  :  c'étoit  fur-tout  la  ma- 
nière dont  la  Chenille  s'y  prend  pour  exécuter 
fon  entonnoir ,  que  je  defirois  le  plus  de  dé- 
couvrir. J'étois  arrivé  trop  t:^rd  :  il  étoit  déjà 
conftruitj  &  je  ne  pouvois  plus  efnérer  de  rien 
découvrir  d'intéreifant  au  travers  d'un  tiiîu  de^ 
venu  prefqu'entiérement  opaque  ,  &  qui  le  de^ 
venoit  davantage  de  moment  en  moment.  J'ai 
donc  elTayé  de  mettre  l'ouvrière  dans  la  néce{l 
fité  de  conftruire  fous  mes  yeux  un  autre  en- 
tonnoir. Pour  cet  effet  ,  j'ai  coupé  circulaire,. 
ïnent  avec  des  cifcaux  le  bout  pointu  de  la 
Coque  ,  précifément  à  l'origine  de  l'entonnoir. 

Peu  de  momens  après  ,  j'ai  vu  la  Chenille 
avancer  fa  tète  vers  la  brèche ,  la  porter  enfuite 
en  avant  &  hors  de  l'ouverture ,  l'appliquer 
contre  ie  papier  auquel  la  Coque  étoit  aiiujct- 
tie ,  y  coller  un  ni  de  foie  ,  rameiier  f  i  tète  en 
ligne  droite  ,  mais  dans  une  direcPdon  oblique ,. 
vers  le  bord  de  la  brèche  ,  8c  y  attacher  le  fil 
qu'elle  venoit  de  tirer..  Ce  fil  étoit  aifez  gros.> 


SUR    LES    INSECTES.        235 

très-brillant ,  &  long  crenviroii  cinq  lignes.  La 
Chenille  avoit  donc  parce  fa  tète  a  cinq  ligne» 
des  bords  de  rouverture.  Il  étoit  aile  de  recon- 
nokre  que    ce    premier  fil  déterminoit  la  lon- 
gueur  que    devoit    avoir  le    nouvel   entonnoir 
que  la  Chenille  entreprenoit  de  coadruire.  Après 
avoir   tiré    ce   premier   fil  ,   elle   en   a   tiré  un 
fécond  ,  qui   lui    étoit    à-peu-près'  parallèle  ,  & 
dont  elle  a  collé  de  même  Textrémité  au  bord 
de  la  brèche.  L'ouvejfTîire  de  cette  brèche  étoit 
prefque  circulaire  j  c'étoit  à-pcu-près  le  fommet 
d'un  cône  tronqué  :  pour  y  pratiquer  un    en- 
tonnoir 5  ou    ce   qui    revient   au    même ,  pour 
prolonger  le  cône  d'environ  cinq  Ugncs  ,  il  ne 
s'agiiToit  que  de  tirer  du  plan  de  pofition  aux 
bords  de  l'ouverture  ,  ou  des  bords  de  l'ouver^- 
ture  au  plan  de  poiition  ,  des  fils  dont  les  plus 
longs    eufient  au  moins  cinq  lignes ,   &  de  les 
coucher  en  ligne  droite  les  uns  près  des  autres, 
de  manière  qu'ils  fe  touchaiiënt  tous ,  &  qu'ils 
convergealTent  tous  vers  le  même  point.  Ça  été 
précifément  ce  que  ma  Chenille  a  exécuté  fous 
mes  yeux.  Elle  a  tiré  en  ligne  droite  ,  &  fous 
un  certain  angle ,  une  fuite  de  fils  fort  gros  & 
fort  tendus,  prefque  parallèles  les  uns  aux  au- 
tres ,  ou  du   moins   peu    divergens  ,  inclinés  à 
Taxe  de  la  Coque ,   &  qui  ont  embraiié  exade- 
iiient  tous  les  coJitours.de  l'ouverture.  Ainû , 


234       OBSERVATION  5 

tous,  ces  fils  droits  ,  femblables  à  de  très-petites 
baguettes,  ont  été  collés  par  leur  extrémité  in- 
férieure tout  autour  des  bords  de  la  brèche ,  & 
par  l'extrémité  oppolée  ils  Pont  été  au  plan  de 
polition  ,  ou  les  uns  aux  autres:  on  comprend 
alîez  que  le  plus  grand  nombre  a  dû  l'être  de 
cette  féconde  manière  y  puifque  la  Coque  ne 
touchoit  au  plan  que  par  une  afTez  petite  por- 
tion de  fa  furface.  La  foie  de  notre  Chenille 
abonde  en  fubilance  gommeufe  ,  &  c'eft  princi- 
palement à  cette  fubttance  qu'elle  doit  fon  îuitre  : 
elle  lui  doit  encore  une  partie  de  fa  confîttance. 
Les  fils  de  cette  foie  ont  donc  beaucoup  de 
difpoiition  à  fe  coller  les  uns  aux  autres ,  &  au 
plan  de  pofition.  Ils  font  de  plus  prefqu'aulîî 
gros  que  des  cheveux  y  &  ceux  qui  forment 
Fentonnoir  font  les  plus  gros  de  tous.  De-là , 
leur  aptitude  à  repréfenter  les  baguettes  qui  en- 
trent dans  la  conftrudion  des  naiîcs  à  prendre 
le  Poilîbn^ 

Ici  je  ne  puis  m'empêcher  de  fixer  l'attention 
4e  mon  Lecteur  fur  la  diverfité  fi  remarquable 
des  procédés  de  notre  adroite  Fileufc,  relative- 
ment à  la  fabrique  des  différentes  parties  de 
fon  tiifu.  Lorfqu'elie  jette  les  fondemens  de  la 
Coque ,  ou  qu'elle  en  façonne  le  corps  ,  elle 
trace,  avec  fa.  filière  une-  multitude  de  zigzags, 


SUR   LES    INSECTES,        23f 

cntrelafrés  les  uns  dans  les  autres  ,  &  formés 
par  les  plis  &  replis  ,  ou  par  les  circonvolutions 
prodigieuiement  multipliées  d'un  même  £1.  J'ai 
vu  de  ces  zigzags  traces  avec  autant  de  préci« 
fion  &  de  grâce  que  ceux  qu'une  main  habile 
traceroit  fur  le  papier  avec  une  plume  ou  un 
pinceau.  Mais  quand  elle  vient  à  s'occuper  de 
}a  conftrudion  des  entonnoirs  ,  elle  change  eu^ 
tiércment  de  procédé  :  ce  ne  font  plus  alors 
des  zigzags  qu'elle  trace  :  une  pareille  difpofi- 
tioii  des  fils  ne  conviendroit  point  à  cette  par- 
tie de  l'ouvrage  :  elle  tire  donc  des  fils  droits  , 
forts  5  alfez  courts  &  bien  tendus ,  qu'elle  cou- 
che prcfque  parallèlement  les  uns  aux  autres, 
&  qu'elle  incline  vers  l'axe  de  la  Coque  de 
manière  qu'ils  convergent  toUs  vers  le  même 
point. 

Notre  ouvrière  s'eft  montrée  aufïï  diligente 
qu'induftrieule  :  en  moins  de  trois  quarts  d'heure, 
le  nouvel  entonnoir  étoit  déjà  très-reconnoilîa- 
ble.  Elle  l'a  perfedionné  de  plus  en  plus  pair 
l'augmentation  du  nombre  des  baguettes  s  & 
bientôt  j'ai  vu  un  entonnoir  auiîî  grand  8c 
aufîi  parfait  que  le  premier.  On  juge  bien  qu'il 
ne  m'a  pas  été  poffible  de  la  fuivre  dans  la 
conftrudion.  de  l'eiitonnoir  -intérieur  :  l'opacité 
çlu  tiifu  ne  me  l'a  pas  permis  :  mais  ce  que  j'ai 


23(5*       OBSERVATIONS 

dit  de  h  conllruclion  de  rentonnoir  extérieiir, 
ne  laiile  rien  à  defirer  ici  relativement  à  l  ei- 
ientiel  de  la  manœuvre. 

Je  ne  l'ai  pas  dit  encore  ;  il  eft  temps  que 
je  le  dife  :  je  ne  m'étois  pas  borné  à  enlever 
les  entonnoirs  :  j'avois  encore  ouvert  la  Coque 
parallèlement  à  Taxe  ,  &  fur  une  longueur  de 
plus  d'un  pouce.  Les  bords  de  la  brèche  s'é- 
toient  aufTi-tôt  écartés  Tun  de  l'autre  ,  &  l'ou- 
verture en  étoit  devenue  bien  plus  grande.  Elle 
laiiîbit  à  découvert  une  partie  allez  confldéra- 
ble  du  corps  de  la  Chenille.  Après  avoir  tra- 
vaillé à  la  reconftrudion  de  Pentonnoir  ,  elle 
s'eft  occupée  à  réparer  la  grande  brèche  longi- 
tudinale. Ici  encore  elle  a  varié  fes  procédés. 
Elle  a  commencé  par  tirer  des  fils  de  l'un  à 
Fautre  bord  de  la  brèche.  La  plupart  étoient 
plus  ou  moins  obliques  à  l'axe  de  la  Coque  : 
quelques-uns  lui  étoient  perpendiculaires.  Les 
fils  obliques  fe  croifoient  de  plus  en  plus  y  Se 
tous  tendoient  à  rapprocher  infenliblement  les 
bords  oppofës  de  l'ouverture.  Je  la  voyois  dimi- 
nuer peu-à-peu.  Et  comme  le  tifTu  de  la  Coque 
n'avoit  pas  pris  encore  toute  fa  confidance , 
radioii  des  fils  tranfverfiux  n'en  étoit  que  plus 
efficace.  Mais  j'ai  cru  obferver  que  la  Chenille 
recuuroit  à   un  moyen  beaucoup  plus,  efficace 


I 


^    SUR    LES   INSECTES,      2t37 

pour  forcer  les  deux  bords  de  la  brèche  à  ie 
rapprocher  de  plus  en  plus  :  j'ai  vu  aiîèz  dif- 
tin  dément ,  qu'elle  faifiifoit  avec  fes  premières 
ïambes  les  fils  tranfverfaux ,  &  qu'elle  les  tiroit 
à  elle  :  elle  fembloit  pefer  delTous  de  tout  ie 
poids  de  fon  corps.  On  conçoit  facilement  quel 
grand  effet  devoir  produire  cette  nouvelle  ma- 
nœuvre. Auffi  les  bords  de  Fouveirture  fe  rap- 
prochoient-i1s  beaucoup  plus  ,  &  bien  pkis 
promptement.  La  Chenille  continuoit  toujours 
à  tirer  des  fils  de  Pun  à  l'autre  bord ,  &  à  for- 
tifier fon  tilîu.  Tout  cela  a  été  exécuté  fî  vite 
&:'Ci  bien,  qu'au  bout  d'environ  deux  heures,  la 
Coque  s'eft  trouvée  parfaitement  clofe.  On  ne 
voyoit  plus  à  la  place  de  la  brèche  qu'un  léger 
trait,  qu'une  petite  rainure  tres-peu  profonde, 
qui  ne  régnoit  pas  même  dans  toute  la  lon- 
gueur de  la  brèche  :  les  deux  bords  avoient  été 
réunis  avec  une  précifion  Se  une  propreté  que 
}e  n'ai  pu  me  iaifer  d'admirer. 


238       0  B  S  E  R  V  A  T  I  0  K  S 

O  B  S  E  Pv  V  A  T  ï  O  N     XXIV. 

S//r  mie  Chenille  qui  fe  conjtruit  une  jolie  Coque 
avec  de  la  joie  ,  j^s  plus  petits  poils  ^  ^  une 
matière  graijfeiije. 


V. 


Armi  les  Chenilles  qui  fe  cônflniifent  des 
Coques ,  il  en  eft  beaucoup  qui  ,  n'ayant  pas 
une  alTez  grande  proviiion  de  foie  pour  donner 
à  leur  tillii  la  conliitance  &  Topacité  qu'elles 
veulent ,  lavent  y  fuppléer  par  des  matières 
étrangères.  Les  unes  introduifent  dans  les  mail- 
les leurs  propres  poils  j  d'autres  y  font  péné- 
trer nue  matière  plus  ou  moins  gralfes  d'autres 
emploient  à  la  fois  une  femblable  matière  & 
leurs  propres  poils  j  d'autres  enfin  rendent  leur 
ouvrage  plus  folide  encore  en  y  inférant  des 
fragmens  de  bois  ou  des  grains  de  fible.  Rien 
ii'eil;  plus  propre  à  intéreiièr  la  curiofité  d'un 
Obfervateur  Philofophe  que  ces  variétés  ii  re- 
marquables dans  l'architedure  des  Infedes  de 
la  même  clafle ,  &  nous  avons  à  regretter  que 
des  Naturaliftes  célèbres  fe  foicnt  plus  occupés- 
de  la  clalFification  de  ces  petits  Animaux  ,  que 
de  leurs  mœurs  &  de  leur  induftrie.  Non-feu- 
lement on  oblérve  des  différences  frappantes 
dans  la  manière  de    bâtir    des   Infectes  d'une 


SUR    LES   INSECTES,       -239 

îîième  clafTe  ;  mais  on  peut  encore  en  occafion- 
lier  de  nouvelles  chez  les  individus  d'une  même 
Elj)ece ,  foit  en  les  privant  de  matériaux  dont 
ils  ont  coutume  de  fe  fervir  ,  foit  en  leur  en 
fubltituant  qu'ils  n'ont  pas  accoutumé  de  met- 
tre en  œuvre  5  foit  enfin  en  les  plaçant  dans 
des  circondances  où  ils  ne  fe  feroient  pas  trou- 
vés s'ils  avoient  été  ialifés  à  eux-mêmes.  J'en 
donnerai  des  exemples  dans  les  Obfervations 
qui  fuivront  immédiatement  celle-ci. 

Le  26  de  Juin  1737,  je  trouvai  une  gv-ànàQ 
Chenille  velue,  à  feize  jambes,  dont  les  poils 
aifez  épais  ae  partoient  point  de  tubercules.  Ils 
étoient  courts ,  &  d'un  roux  un  peu  argenté. 
La  féparation  des  anneaux  écoit  marquée  par 
des  raies  tranfverfes  de  couleur  noire ,  féparées 
par  de  plus  petites  taches  de  couleur  blanche. 
On  voyoit  fur  chaque  anneau  fix  taches  noires 
aHgnées  avec  ordre.  Quand  on  touchoit  cette 
Chenille  ,  elle  fe  recourboit  ou  fe  replioit  fur 
elle-même  en  manière  de  cerceau  ou  en  fpirale , 
&  demeuroit  long-temps  dans  "  cette  litiiation. 

Le  premier  de  Juillet ,  fur  les  dix  heures  du 
matin  ,  elle  commença  à  travailler  à  fi  Coque. 
La  foie  qu'elle  tiroit  de  fa-  Eliere  étoit  d'un 
jblanc  jaunâtre.  Tandis  qu'elle  mettoit  cette  foie 


240       OBSERVATIONS 

eu  œuvre ,  j'obn^rvai  qu'il  fortoit  de  Ton  der- 
rière une  matière  grailleufe  un  peu  plus  jau- 
nâtre que  la  foie  ,  qui  {Iiiit  le  tiilu.  Mais  il  ne 
ibrtic  qu'une  très-petite  quantité  de  cette  ma- 
tière 5  &  elle  fe  deirécha  peu-à-peu.  Pour  donner 
la  forme  à  fi  Coque,  pour  la  niouler,  fi  je  puis 
parler  ainfi  ,  la  Chenille  difpofoit  fon  corps  le 
plus  fou  vent  en  manière  d'anneau  applati.  Cette 
Coque  n'étoit  point  recouverte  d'une  forte  de 
bourre  ,  comme  celle  du  Ver-à-foie  :  elle  étoit 
parfaitement  à  nud.  Sa  grandeur  ne  répondoit 
point  du  tout  à  celle  de  la  Chenille  ,  &  c^cft; 
une  Obfervation  que  bien  d'autres  Efpeces  de 
Chenilles  donnent  heu  de  faire  (*).  Ma  Chenille 
travaiiloit  avec  beaucoup  de  diligence  :  au  bout 
de  quelques  heures ,  la  Coque  étoit  déjà  fa- 
çonnée ,  &  fon  tiifu  étoit  aifez  ferré  ;  mais  il 
étoit  néanmoins  aifez  tranfparent  pour  permet- 
tre de  voir  diftinclenicnt  la  Chenille.  Une  heures 
s'étant  écoulée  ,  quelle  fut  ma  furprife  de  voir , 
au  lieu  d'une  Coque  blailchâtre  Se  tranfparente , 
une  Coque  jaune  &  partiutement  opaque  î  L'ou- 
vrière y  avoit  répandu  une  abondante  dofe  de 
fa  matière  graiifeufe ,  qui  avoit  pénétré  toute 
répailfeur  du  tiifu  ,  &  en  aVoit  rempli  toutes 
les  mailles.  L'extérieur  de  la  Coque  en  avoit 
pris  un  œil  luiiànt.  A  mefure  que  fenduit  fe 

C)  Voy.  robf.  I. 

deifécha. 


^SUR    LES    INSECTES.       241 

ijefîecha ,  fa  couleur  fe  ternit ,  &  elle  le  rem- 
Ibrunit  ua  peu. 

Uke  quinzaine  de  jours  après,  je  remarquai 
(que  la  Coque  étoit  ouverte  par  un  de  fes  bouts , 
»&  qu'il  en  fortoit  quelque  choie  de  noir ,  que 
je  crus  d'abord  être  le  Papillon  :  maii,  Payant 
çobfervée  de  plus  près,  je  reconnus  ,  que  ce  que 
je  prenois  pour  le  Papillon  étoit  la  dépouille  de 
Chenille.  Je  regardai  au  fond  de  la  Coque ,  8c 
j'y  apperqus  deux  petits  corps  noirs ,  de  forme 
fphéroïde ,  qui  m'apprirent  que  ma  Chenille 
avoit  été  piquée  par  une  Ichneumone  qui  avoit 
dépofé  fes  œufs  dans  fon  intérieur ,  dont  étoienc 
fortis  des  Vers ,  qui  s'étoient  niétamorphofés 
^n  boule  alongée  (f) ,  ou  dont  la  Nymphe  s'étoit 
faite  une  Coque  de  la  peau  même  êm  Ver. 

Dans  le  milieu  de  Juin  1739  ,  on  me  remit 
îine  Chenille  de  l'Efpece  de  ia  précédente,  & 
^qui  me  fournit  l'occafion  d'obfeiver  mieux  en- 
core que  je  ne  Pavois  fait ,  la  n^aniere  dont 
cette  Efpece  conftruit  la  Coque.  Je  n'avois  jamais 
v\x  de  Ctienille  travailler  avec  plus  d'adivité 
que  celle-ci.  En  peu  de  temps ,  tous  les  contours 
de  la  Coque  furent  tracés  y  &  déjà  elle  avoit 
pris   fa   forme.   Elle  étoit  fort  tranfparente.  Je 

<*;  Mém.fur  les  Inf.   T.  IV,,  Mém.   VII. 

Toins  IL  «d. 


243       OBSERVATIONS 

voyois  la  tetc  de  la  Chenille  fe  promener  d6 
tous  côtés  dans  riiitéiieur  ,  la  filière  <>''alongcr 
comme  un  bec  ^  &  laiircr  cou!er  le  £1  de  foie 
dont  les  circonvolutions  fornKdcnt  le  tiifu  def- 
tiné  à  fervir  de  fondement  à  tout  l'ouvrage. 
J'étois  toujours  frappé  de  la  rapidité  de  Texé- 
cution  :  on  eut  dit  que  la  diligente  ouvrière 
fentoit  qu'elle  n'avoit  pas  Un  feul  infcant  à  per- 
dre. Qiiand  elle  eût  donné  à  fon  tiilii  un  cer- 
tain degré  de  confiftancc  ,  &  qu'il  fut  devenu 
aire2:  ferré  ,  j'apperqus  de  très-petits  poils  ,  fore 
courts ,  qui  s' ele  voient  fur  fa  fur  face.  Peu  de  .. 
niomens  après  ,  j'obfervai  que  la  Chenille  ré- 
pandoit  de  tous  côtés  une  matière  graife.  Cette 
matière  paroiifoit  fortir  de  la  bouche  ,  ou  au 
moins  c'étoit  la  bouche  qui  la  diflribuoit  de 
tous  côtés.  Elle  fe  répandoit  dans  le  tiiiu  foyeu^: 
comme  une  goutte  d'eau  ou  d'huile  dans  un 
papier  brcuillarâ.  La  ccmparaifon  ifétoit  pour- 
tant pas  parfaitement  exade  :  notre  matière^ 
graJifeufe  ne  fe  répandoit  pas  autant  en  lar- 
geur que  la  goutte  d'eau  ou  d'huile  :  elle  c(^u- 
ïoit  plutôt  comme  un  pe:it  ruiifeau  qui  va  en  ; 
ferpentant ,  3c  qui  près  de  fa  fource ,  ne  fe 
montre  que  comme  un  filet  ,  mais  qui  va  tou- 
jours en  croiilant  à  proportion  qu'il  s'en  éloi- 
gne. La  Chenille  diftiibuoit  fa  matière  grailfeufe 
avec  autant  de  céléilté  qu'elle  £ioit:  mais  après 


SUR    LES   INSECTES.        249 

j^u'elle  en  avoit  diftribué  une  certaine  quantité, 
ou  qu'elle  avoit  enduit  une  certaine  poftioii 
du  tiifu ,  elle  celToit  d'en  répandre  ,  &  je  ne 
voyois  plus  lortir  que  le  fil  de  foie.  îl  s'écouloic 
un-temps  avant  qu'elle  répandit  une  féconde 
dofe  de  fon  enduit  graiileux  j  &  je  ne  remar- 
quois  pas  qu'elle  oblervàt  un  certain  ordre  dars 
fa  diftributiOii  5  qu'elle  enduisit  d'abord  un  de;-; 
bouts  de  la  C;îque  ,  puis  le  bout  ODpofé  ,  &c.  : 
elle  diltribuoit  indiifércniment  ion  enduit  dî 
tous  côtés:  aullî  la  Coque  prit-elle  bierSbt  ui 
œil  marbré,  qui  la  fit  reiîcmbler  aux  œufs  di 
quelques  Oifeaux.  La  marbiure  étoit  produ:t.i 
par  le  mélange  de  la  couleur  de  la  foie  avec 
celle  de  t'enduit.  Mais  peu-à-peu  la  marbrure 
difparut,  8c  la  Coque  devint  entièrement  de  la 
couleur  de  l'enduit. 

Je  m'attendois  toujours  à  voir  ma  Chenille 
coucher  de  leur  long  les  petits  poils  qu'elle 
avoit  fait  pénétrer  dans  les  mailles  du  tiitli 
foyeux  ,  &  qui  s'élevoient  perpendiculuiremeîii; 
fur  fa  fur  Face.  J'avois  vu  d'autres  Chenilles 
coucher  ainfi  leurs  poils  ,  &  les  incorporer  iî 
bien  dans  le  tiifu,  qu'i's  compofoient  avec  lui 
une  forte  d'étolfe  alfez  unie  ,  mi- foie  8i  poi's. 
Mais  cette  pratique  ne  fut  point  celle  de  notii 
Chenille  :   elle  laiiia  les  pofîi*   dans  La  fituatioa 

O   2 


244       OBSERVATIONS 

qu'ils  avoient  pris  au  moment  qu'ils  avoieiit 
pénétré  le  tiHu  :  j'ai  dit  qu'ils  étoient  fort 
courts;  apparemment  qu'ils  i'étoient  trop  pour 
pouvoir  être  couchés  dans  les  mailles  ,  &  faire 
corps  avec  elles.  Ils  étoieut  roides  &  fort  pref^ 
fés.  Lorfque  j'appliquois  le  doigt  fur  la  Coque  :. 
elle  y  reftoit  attachée ,  &  je  la  faifois  ainfi 
changer  de  place  à  volonté.  Les  poils  s'enga- 
geoient  dans  la  peau  de  mon  doigt  ,  Se  y  rete- 
noienula  Coque.  Le  travail  de  la  Chenille  lui 
donna  beaucoup  de  confidance  :  elle  réfiftoit 
bien  à  une  affez  forte  prelîion.  Sa  forme  étoit 
agréable  :  elle  étoit  celle  d'un  cylindre  arrondi 
par  les  deux  bouts.  Elle  fembloit  vernie  ,  tant 
i'enduit  avoit  été  proprement  &  uniformément 
diftribué  3  mais  le  vernis  en  étoit  un  peu  mat. 

Au  refte  ,  la  Chenille  dont  je  viens  de  dé- 
crire les  procédés  ,  eit  la  même  qui  eft  repré- 
fentée  N^.  98  de  Goëdaert.  Je  n'en  ai  pas  eu 
îe  Papillon. 


^^ 


SUR   LES   INSECTES.        24f 

^^ ^^^:^ ^ ?^g^ 

OBSERVATION    XXV. 

Sur  les   Coques  de  foie  &  de  poils  ,  que  fe  conf- 
truifent  quelques  Effeces  de  Chenilles  à  brolTes. 

Coque   double    qu^une    de    ces    Efpeces  faroït  fe 
conjîruire. 

JLL  eft  quelques  Efpeces  de  Chenilles  velues  , 
de  grandeur  médiocre  ,  dont  les  poils  font  ar- 
rangés par  gros  paquets  en  manière  de  broffes , 
ce  qui  leur  a  fait  donner  le  nom  de  Chenilles 
À  broffes.  Cet  arrangement  fingulier  des  poils 
eft  bien  propre  à  caradérifer  ces  Chenilles ,  & 
à  leur  attirer  l'attention.  D'autres  poils ,  un  peu 
plus  longs  ,  placés  près  du  derrière  &  raffem- 
blés  de  même  en  paquets ,  imitent  aifez  la  forme 
d'un  pinceau.  Ces  Chenilles  paroilTent  ainfi  fort 
joliment  vêtues.  Je  ne  les  décris  pas  ;  je  ne 
fais  qu'indiquer  leur  principal  caractère.  Toutes 
appartiennent  à  la  nombreufe  claiie  des  Che- 
nilles à  feize  jambes. 

Au  commencement  de  Juin  1738  5  on  me 
remit  une  de  ces  Chenilles  à  brojfes  ,  qui  avoit 
été,  trouvée  fur  le  Noifettier.  Elle  étoit  de  la 
mênae   Efpece,  ou  du  moins   du  même  Genre 

0.3 


24^       0  B  s  E  R  V  A  T  I  0  N  S 

que  celle  dont  M.  de  Reaumur  a  fait  meiitioa 
clans  le  Tome  I  de  fes  Mén>oires  ,  page  88  ,  & 
qu'il  a  fait  repréfenter  Pi.  Il,  Fig.  2i  du  même 
'\^:>lunic.  Peu  de  temps  après  ,  elle  travailla  à  fa 
Coque.  Elle  y  lit  entrer  fcs  propres  poils  ,  &  je 
trouve  dans  rnon  Journal  ,  qu'elle  fe  les  arra- 
cha.- Elle  en  forma  une  Coque  de  figure  ovale  , 
un  peu  renflée  dans,  le  milieu  >  mais  dont  îe 
tilllî  mi-foie  &  poils  étoit  1j  mil, ce  ,  qu'il  ne  dé- 
roboit  point  la  vue  de  l'mtérieur.  On  voyoït 
très-bien  au  travers  la  Chryialide ,  qui  étoit  d'un 
liOir  luifant.  La  Chenille  avoit  recouvert  fa 
Coque  d'une  enveloppe  de  foie  blanche  ,  affez 
Jemblable  à  l'enveloppe  qui  recouvre  la  Coque 
du  Ver-à-foie. 

Vers  la  mi-Juillet,  le  Papillon  fortit  de  cette 
Coque.  Il  étoit  contrefait.  Il  portoit  fes  ailes  eu 
toit  arrondi.  Ses  deux  premières  jambes  étoient 
fi  groâes  &  fi  velues,  qu'elles  caclioient  toute 
la  tète.  Ses  antennes  étoient  en  plumes  ,  &  fa 
couleur  étoifc  un  gris  cendré.  Je  ne  pus  lui 
trouver  de  trompe.  C'était  une  fem-elle.  Elle 
pondit  des  œufs  de  couleur  grife  ,  de  figure 
ronde ,  mais  applatie ,  au  centre  de  chacun  def^ 
quels  on  appercevoit  uî.î  petit  trou  ou  plutôè 
iJiie  fc/rte  d'ejifoncement.  isotre  Fupillon  m'ap- 
prio  (^u'îi  écoit  du.  nombj:(i  d^  ceux  c^ui  preu- 


SUR    LES    INSECTES.       2^ 

n-ent  la  précaution  de   recouvrir  leurs  œufs  t^e 
leurs  propres  poils. 

J'EUS  dans  îa  fuite  d'antres  Cheni'.'es  /î  hrof- 
fes  ^  UU1  cpnrtruifirent  des  Coques  qui  reir.b'oicp.t 
faites  entièrement  de  poils ,  &  dont  la  forme 
étoit  auiîi  ova'e.  Cependant,  quoique  le  tiiih 
foyeiix  ne  fe  montrât  pas  dans  ces  Coques ,  je 
ne  pus  douter  de  Ton  çxiftence.  .Tous  les  poi's 
etoient  Ci  bien  liés  les  uns  aux  autres  ,  qu'ils 
ne  formoient  qu'un  tout  ,  Se  ce  n' étoit  qu'avec 
peine  que  je  parvenois  à  les  féparer  les  uns 
des  autres.  Cette  petite  opération  me  manifcft.i 
rexiilence  du  tiifu  foyeux.  Je  m'en  aflurai  mieux 
encore  en  déchirant  une  de  ces"  Coques  :  elle 
me  £t  éprouver  une  rcfiftance  qui  m'annouqa 
alTez  que  je  ne  féparois  pas  iiraplemcrit  d.^^ 
poi'S  5  mais  que  je  rgmpois  d'ailez  forts  liens 
de  foie. 

La  Chryfalide  de  ces  Cliéniîles  a  une  form& 
fingulicre.  Elle  eil  bien  de  la  elaif:?  des  coni- 
ques ,  quoique  fa  forme  femblât  devoir  l'en 
exclure.  Elle  va  infenfiblement  en  augmentant 
de  groiTeur  depuis  la  tète  jufques  vers  le  cin-^ 
quieme  anneau.  Là  ,  elle  diminue  tout-à-coup  de 
diamètre  ;  &  '  cette  diminution  accroît  de  plus 
en    plus    jufqirau    derrière.    Le    fixieme   &   b 

^4 


243       OBSERVATION  S 

feptieine  aiineau  rentrent  dans  le  quinzième^, 
au  point  de  ne  lailTer  appercevoir  qu'une  très- 
petite  portion  de  leur  contour.. 

Dans  le  curieux  Mémoire  C^)  où  M.  de 
Reaumur  traite  de  la  conftrudion  des  Coques 
de  foie  &  de  poils  ,  il  donne  la  deicription  d'une 
Chenille  à  hroffes  ,  qu'il  avoit  vu  fe  flùre  une 
Coque  de  ce  genre.  "  Lies  poils  de  cette  Che- 
^  nille,  dit-il,  ont  une  couleur  de  foie  blanche 
gg  immédiatement  après  la  mue  ;  enfuite  ils  de- 
35  viennent  blonds,  pourtant  tantôt  d'un  blond 
33  plus  blanc ,  &  tantôt  d'un  blond  plus  roux, 
35  Ceux"^  qui  font  employés  à  former  les  broffes, 
55  ont  quelquefois  leur  pointe  couleur  de  rofe«. 
33  La  Chenille  a  auiTi  fur  le  derrière  un  pin- 
55  ceau  de  poils  dont  le  bout  eit  couleur  de 
,5  rofe.  Ces  couleurs  tendres  y  &  la.  diftributioii 
.,  des  poils  ,  font  ini  fort  joli  habit  de  Che- 
^  nille.  Elle  paroit- encore  mieux  vêtue,  quand 
55  eHe  fe  ccurbe  \\n  peu  y  que  quand  elle  eft 
^  alongéc  j  alors  les  intervalles,  au  moins-  de 
55  trois,  anneaux ,  paroiiTent  >  ils  font  du  plus 
„.  beau  noir  velouté ,  &c.  ,5  J\ii  eu  cette  Che- 
nille tandis  que  i'écrivois.  ceci  v  &  l'attentioiî 
^ue  -  je  lui  ai  donnée  &  qu'elle   méritoit ,  m'a 


SUR    LES    INSECTES.        249 

valu  quelques   faits  qui  avoieiit  échappe  à  fon 
Hiftorien. 

Je  ne  coiinois  point  de  Chenille  de  cette 
clalfe  qui  foit  plus  tranquille  que  celle-ci  ne  m'a 
paru  Tètre.  Elle  fait  peu  de  chemin  ,  &  fa  mar- 
che eft  allez  lente.  Elle  fe  tient  ordinairement 
fous  les  feuilles  dont  elle  fe  nourrit.  Je  l'ai 
nourrie  de  celles  du  Prunier  :  M.  de  Reaumur 
avoit  nourri  les  fiennes  des  feuilles  du  Châ- 
taignier. J'ai  lieu  de  croire  qu'elle  mange  auilî 
celles  du  Charme  ,  &  probablement  celles  d& 
quelques  autres  arbres. 

Ça  été  le  26  de  Septembre ,  fur  les  fix  heu- 
res du  matin  ,  que  ma  Chenille  a  commencé  à 
travailler  à  fa  Coque.  Ce  qui  m'a  d'abord  frappé 
dans  fon  travail  ,  qa  été  de  longs  fils  droits  , 
incomparablement  plus  gros  que  les  fils  ordi- 
naires de  cette  Chenille  ,  qui  étoient  tendus 
depuis  les  parois  du  poudrier  jufqu'aux  bords 
extérieurs  de  la  Coque  commencée.  La  Chenille 
avoit  tendu  de  femblables  fils  des  deux  côtés 
oppofés  de  la  Coque.  La  longueur  d'un  de  ces 
fils  étoit  de  prrès  d'un  pouce  :  les  autres  avoient 
depuis  trois  lignes  jufqu'à  fix  ou  fept.  Il  fem- 
bloit  que  ce  fuifeiit  de  petits  cables  que  l'ou- 
vri-ere  eût  tendu  pour  aiErmer  Ion  petit  édifice. 


2^0       OBSERVATIONS 

Ils  ne  paroidoient  pourtant  pas  devoir  produire 
cet  effet.  En  .examinant  rcxtrcmité  inférieure 
de  ces  petus  cables ,  j'ai  remarqué  qu'ils  \c 
divifoient  à  cet  endroit,  comme  pour  embraffcr 
une  plus  grande  étendue  de  terrein ,  ou  former 
fur  le  verre  une  forte  d'empâtement.  Ces  fils 
en  manière  de  cables ,  m'ont  rappelle  ceux  de 
la  Moule.  Dans  ce  même  endroit  où  ces  £ls. 
s'attachoient  au. verre,  on  voyoit  une  niulti-' 
tu  de  de  fiis  très-fins  ,  très-ferrés  ,  dirpofés  en 
manière  de  zigzags  irréguliers  ,  qui  formoient 
fur  les  parois  irtérieurcs  du  vafe  ,  de  petites 
taches  blanchâtres  8i  brillantes  d'une  à  deux 
lignes  de  largeur.  La  divifion  des  gros  ùh  à  leur 
extrémité  înférit;ure-indîquoit  affez  qu'ils  étoient 
formés  de  la  réunion  de  pîufieurs  £ls.  Ces  efpe-. 
ces  de  cables  n'étoient  pas  Jiombreux  :  il  n'y 
en  avoit  guère  que  quatre  à  cniq  qui  fuifent 
fort  apparens  ,  mais  tous  étaient  tendus  eu 
ligne  droite. 

J'ai  été  furpris  de  la  grandeur  que  la  Chc« 
îiilie  donnoit  .à  fa  Coque  :  elle  n'étoit  point  du 
tout  proportionnée  à  celle  de  fon  cotps.  La 
Chenille  y  étoit  extrêmement  au  large.  La  forme 
de  cette  Coque  n'étoit  pas  bien  régulière.  Llle 
étoit  fort  large  proportionnellement  à  fa  lon^ 
gueur  >  &  relfembloit  plus  à  ojiie  forte  de  pochq 


SUR   LES    INSECTES.        2St 

«u  de  f!ic  qu'à  une  véritable  Coque.  Sa  largeur 
étoit  de  dix  iigncs  ;  fa  longueur  de  quatorze. 
Un  de  fes  bouts  étoit  coupé  quan;ément,  <Sc  la 
ligne  droite  qui  le  terminoit  avoit  une  longueur 
de  cinq  lignes.  Cette  Coqu^ ,  ou  Ci  l'on  veut 
cette  forte  de  poche ,  écoit  aifez  applatie  fur  les 
côtés, 

La  Fileufe  -,  comme  on  le  juge  bien ,  ne  fe 
fervoit  pas  de  fou  corps  comme  d'un  moule 
pour  donner  la  forme  à  fa  Coque.  Le  moule 
auroit  été  trop  difbroportionné.  Elle  portoit 
fon  corps  tantôt  d'un  côté  ,  tantôt  d'un  autre , 
&:  par-tout  je  la  voyois  promener  fa  tète  à  droit 
&  à  gauche  avec  aifez  de  lenteur.  Il  m'étoit 
aifé  de  reconnoltre  qu'elle  tiroit  des  £ls  de  foie 
de  tous  côtés.  Sa  filière  étoit  fouvent  en  vue. 

Ces  fils  ,  qui  étoient  d'une  grande  finelfe, 
n'étoient  pas  difpofés  comme  le  font  ordinaire- 
ment ceux  des  Chenilles  qui  ié  conftruifent  des 
Coques  de  Ibie  :  ils  ne  formoicnt  pr.s  des  zig- 
zags :  mais  les  uns  traqoient  des  lignes  droites  > 
les  autres  ,  des  courbes  plus  ou  moins  irrégu- 
Ueres.  Les  fils  droits  paroiiroient  les  plus  nom- 
breux lorfqu'on  rcgardoit  la  Coque  par-dehors. 
On  jugeoit  encore  de  cette  dircdtion  en  fuivanc 
les  mouvcmens  de  ia  tète.,  tandis  que  la  filière 


3T2       OBSERVATIONS 

îaiiïoit  couler  le  fil.  Ces  fils  droits  revenoient 
fouvent  -lur  eux-mêmes,  &  traçoient  des  lignes 
parallèles  à  la  première  ;  mais  qui  quelquefois 
divergeoient  plus  ou  moins.  Leur  couleur  dtois 
u.i  blanc  argenté  tirant  fur  le  grifàtre. 

Notre  ouvrière  ne  travailloit  pas  avec  beau- 
coup d^adivité  :  elle  fe  repofoit   fréquemment, 
8c    ces   intervalles    de   repos    étoient    plus    ou. 
moins  longs. 

Son  tilfu  demeuroit  Ci  tranfparent  qu'il  ne 
déroboit  aucune  de  fes  manœuvres.  Je  la  voyois 
s'occuper  à  le  fortifier  de  plus  en  plus  par  l'ap- 
plication luccefTive  de  nouveaux  fils.  Cependant 
il  ne  perdoit  rien  de  fa  tranfparence. 

I  Je  l'ai  dit  :  c'étoit  contre  les  parois  du  pou- 
drier que  ma  Chenille  s'étoit  établie  :  elle  ne 
pouvoit  donc  mieux  fe  placer  pour  fatisfaire 
rObfervateur.  Mais  ce  que  je  n'ai  pas  dit ,  c'eft 
qu'elle  avoit  recouvert  fa  Coque  d'une  feuille 
de  Prunier  qui  s'étoit  trouvée  dans  fon  voifi- 
nage.  Comme  cette  feuille  me  déroboit  une 
partie  des  manœuvres  de  l'ouvrière  ,  j'ai  tenté 
de  l'enlever  délicatement ,  fins  rien  déranger 
dans  le  tilTu  ,  &  j'y  fuis  parvenu. 

Tous  les  contours  de  la  Coque,  quoxqu'im   , 


SUR    LES    INSECTES,     1255 

peu  irréguliers  ,  étoient  parfaitement  bien  ter- 
minés ,  &  je  ne  pouvois  douter  qu'ils  ne  fufTcnt 
bien  ceux  d'une  Coque ,  &  non  d'une  fimple 
enveloppe  ,  telle  que  celle  que  le  Ver-à-foie  & 
beaucoup  d'autres  Chenilles  donnent  à  leur 
Coque.  Cette  dernière  me  paroilîbit  diiférer  par 
plus  d'un  caradgre  de  la  Coque  que  j'avois 
fous  les  yeux.  Je  n'ai  donc  pas  été  médiocre- 
ment furpris ,  lorfque  dans  l'après-midi  du  même 
jour  ,  j'ai  apperqu  les  commencemens  d'une 
féconde  Coque  beaucoup  plus  petite  ,  que  la 
Chenille  conftruifoit  dans  l'intérieur  de  ki 
grande.  Cette  féconde  Coque  étoit  de  la  cont 
truction  la  plus  régulière.  Sa  forme  étoit  ovale. 
Elle  avoit  onze  lignes  de  longueur  ,  far  cinq 
de  largeur  j  &  la  Chenille  la  conftruifoit  à-peu- 
prçs  au  milieu  de  la  grande  Coque  :  un  de  fes 
bouts  touchoit  le  bout  quarré  de  celle-ci. 

Quoique  cette  féconde  Coque  fût  confidé- 
rablement  plus  petite  que  celle  qui  la  renfer- 
moit ,  la  Fileufe  ne  laiffoit  pas  ày  être  alfez  au 
large  :  auffi  n'étoit-ce  point  en  contournant  fou 
corps,  tantôt  en  manière  à  S  ,  tantôt  en  manière 
d'anneau  applati ,  qu'elle  lui  donnoit  la  forme 
&  les  proportions  qu'elle  devoit  avoir,  Elle  alloit 
&:  venoit  dans  cette  féconde  Coque  ?  à-peu-pres 
comme  elle  avoit  fait  dans  la  pren:ûere.  Quand 


2T4       OBSERVATION  S 

elle  avoit  travaillé  quelque  temps  à  Tun  des 
bouts,  elle  paiibk  à  Taucie:  puis  elle  truvailloïC 
fur  les  côtés. 

J'ai  remarqué  qu'elle  prenoit  plus  d'adivité 
à  meiure  que  fon  ouvrage  avanqoit.  Les  iuter-  _ 
valles  de  repos  deveiioient  moins  fréquents  & 
moins  longs. 


! 


La  Coque  intérieure  n'étoit  pas  moins  tranf- 
parente  que  la  Coque  extérieure  ,  &  il  n  étoit 
pas  moins  facile  d'y  fuivre  à  Foeil  tous  les  mou- 
vemens  de  la  Chenille. 

Je  ne  doutois  pas  qu'elle  ne  fe  fervît  de  fcs 
poils  pour  épailîir  fon  tilfu  ,  Se  en  diminuer  la 
tranfparence.  Je  la  voyois  néanmoins  continuer 
fon  travail ,  fans  qu'elle  parût  fe  difpofer  à  y  i 
faire  entrer  les  poiis  dont  elle  étoit  il  bien 
fournie.  J'en  appercevois  bien  qà  &  là  quelques- 
uns  qui  s'étoiciît  détachés  du  corps  ,  &  que 
i'ouvriere  avoit  couchés  de  leur  long  dans  le 
tilTu  i  mais  ils  étoient  fort  clair-femés  j  &  je 
jugeois  facilement,  qu'elle  ne  fe  borneroit  pi  s 
à  inférer  entre  les  fils  une  Ci  petite  quantité  de 
poils.  Les  autres  Chenilles  ii  brcjfes  que  j'avoîs 
obfervées  ,  m'avoient  alfez  appris  qu'elles  n'ai- 
ment pas  que  leur  Coque  demeure  trop  tranf- 


SUR    LES   II^SECTES,        aff 

parents  ,  &  qu'elles  entendent  à  la  rendre  plus 
ou  moins  opaque. 

J'etoiS  extrêmement  curieux  de  faifîr  le 
moment  où  la  Chenille  mettroit  en  œuvre  cette 
grande  quantité  de  poils  dont  elle  étoit  vêtue , 
&  qui  me  paroiifoient  tenir  aifez  fortement  à 
fon  corps  3  car  la  tranrparence  du  tiiTa  me  per- 
mettoit  de  voir  diftindemenc  les  brofTes  ,  & 
même  de  les  compter  5  &  j'obfervois  fort  bien 
que  les  divers  mouvemens  que  la  Chenille  fe 
donnoit  en  promenant  ion  corps  de  côté  & 
d'autre ,  ne  détachoient  point  les  poils.  Je  n'ob- 
fervois  point  non  plus  que  la  Chenille  fe  mit 
en  devoir  de  les  détacher  avec  fes  dents. 

Pendant  tout  le  temps  que  j'avois  fuivi 
notre  ouvrière  ,  j'avois  été  frappé  d'une  parti- 
cularité que  je  ne  dois  pas  paifer  fous  filence. 
Ses  jambes  membraneufes  s'alongeoient  au  point, 
que  dans  certaines  circonftances  ,  on  les  auroic 
prifes  pour  de  petits  Vers  d'Ichneumones  qui 
fortoient  du  corps  de  la  Chenille.  J'étois  même 
obligé  d'y  regarder  de  fort  près  pour  n'y  être 
point  trompé  ;  car  ces  jambes  ont  une  cou^euc 
de  chair  qui  accroît  encore  filluGon.  Cet  alon^ 
gement  iî  coniidérable  des  jambes  membraneufes 
de  notre  Chenule ,  ell  très  -  remarquable.  Oa 


tlS'^       OBSERVATIONS 

îî'ignore  pas  que  ,  lorfque  les  Chenilles  travail- 
lent à  leur  Coque  ,  elles  approchent  fort  du 
temps  de  la  métamorphofe  ,  &  que  leurs  jam- 
bes membraneufes  ,  bien  loin  de  s'alonger  alors , 
fe  contradent  toujours  plus  ou  moins.  L'alon- 
gement  des  jambes  membraneufes  de  notre  Che- 
nille m'a  paru  lui  être  utile.  Il  lui  aidoit  mer- 
veilleufement  à  fe  cramponner  aux  parois  fupé- 
rieures  de  la  Coque ,  tandis  que  renverfée  ainfi 
fur  le  dos ,  elle  travailloit  à  en  fortifier  un 
des  bouts. 

Enfin  ,  le  moment  Ci  déliré  eft  arrivé  où  la 
Chenille  a  commencé  à  fe  défaire  de  lit  four- 
rure ,  &  j'ai  eu  le  bonheur  de  le  faifir.  Il  étoit 
environ  minuit.  Voici  comment  la  choie  s'eil 
paifée. 

Le  procédé  auquel  ma  Chenille  a  eu  recours 
n'a  reiîemblé  à  aucun  de  ceux  que  je  con- 
noiflbis  ,  &  que  M.  de  Reaumu^  a  décrits. 
Quand  je  fuis  revenu  l'obferver  &  que  je  l'ai 
furprife  dans  l'opération  ,  elle  étoit  renverfée 
fur  le  dos ,  Se  fes  jambes  étoient  tournées  vers 
ie  haut  de  la  Coque.  Mais  je  dois  faire  obfer- 
ver  ici ,  que  les  deux  Coques  avoient  été  filées 
de  manière  que  leur  grand  axe  coupoit  à  an- 
gles  droits   l'axe    du   poudrier  :  leur   longueur 

étoit 


SVR    LES   INSECTES.        2f7 

^toit  donc  parallèle  à  rhorifon.  Le  corps  de  ia 
-Chenille  étoit  étendu  eii  ligne  droite  dans  la 
Coque  intérieure ,  &  elie  étoit  dans  une  fitua- 
tion  renverfee  comme  je  viens  de  le  dire.  Dans 
cette  fituation,  je  Tai  vu  porter  brufquement 
ion  corps  en  avant  &  le  retirer  aulïi  brufque- 
ment en  arrière ,  Se  réitérer  cette  manœuvre  à 
plufieurs  reprifes ,  &  dans  des  ÏLiitervalles  de 
temps  extrèmeme:it  courts.  Eue  femb^oit  fe 
trémouirer  violemment  ou  être  ba'ottée  avec 
^iteife  de  devant  en  arrière  Se  d'arrière  en 
avant.  Cela  a  duré  un  temps  aifez  long.  Je  m'é- 
tonnois  même  que  la  Ch?:ii'ie  ne  le  lairat  pas 
plutôt  d'exécuter  des  mouvemens  en  appa- 
ïence  fi  pénibies.  11  n'étoit  pas  difEcilc  de  de- 
viner le  but  de  ces  mouvemens  finguliers  ,  fi 
diiïérens  de  tous  ceux  que  la  CherJîle  s'étoit 
donnés  jufqu'alors  :  ils  tendoient  manifcRcment 
à  détacher  les  poils.  Cependant  je  ne  les  voyois 
point  encore  fe  détacher,  quoique  la  Chenille 
eut  déjà  exécuté  fous  mes  yeux  piuueurs  balot- 
temens.  La  rranfparence  du  tifTu  ne  paroîiroit 
.  pas  s'altérer.  Mais  entm  ,  après  un  bon  nombre 
<de  pareils  balottemens ,  j'ai  vu  des  faifceaux 
entiers  de  poils  fe  décacher,  les  uns  d^un  en- 
droit ,  les  autres  d'un  autre.  Bientôt  le  tiifu  a 
perdu  de  fa  tranfparence  ,  &  d'inliant  en  inf- 
tant  elle  a  dimuiué  de  plus  en  plu..  £Ue  n'a 
Tume  IL  S. 


258       OBSERVATIONS 

-pourtant  pas   diminué  au  point  de  me  déroter 
entièrement  la  vue  de  la  Chenille. 

A  melure  que  les  poils  étoient  détachés  par 
les  babttemens  réitérés  de  l'Infede  ,  je  ne  les 
obfervois  pt)int  percer  le  tiflu  &  fe  montrer  au 
dehors  ,  comme  M.  de  Reaumur  l'a  raconté 
de  ceux  d'une  grande  Chenille  velue.  Il  reftoit 
même  un  intervalle  fenfible  entre  le  haut  des 
brolTes  &  les  parois  inférieures  de  la  Coque.  Je 
croyois  voir  afiex  diftindement ,  que  les  poils  ne 
fe  détachoient  que  parce  qu'ils  étoient  forte- 
ment fecoués  par  les  trémoulTemens  réitérés 
de  la  Chenille.  Je  ne  veux  pas  néanmoins  laif- 
fer  entendre  qu'ils  ne  frotaifent  point  contre  les 
parois  de  la  Coque,  &  que  ces  frottemens  ne 
contribuafTent  point  à  les  détaclier.  Les  mouve- 
mens  que  la  Chenille  fe  donnoit  étoient  ii  grands 
&  il  brufques,  qu'il  falloit  bien  que  les  poils 
rencontrairent  fréquemment  les  pnrois  de  la 
Coque.  Comme  j'obfervois  tout  cela  à  la  lumière 
d'une  bougie,  &  que  le  tiffu  étoit  déjà  devenu 
un  peu  opaque  ,  il  étoit  facile  que  bien  des 
petites  chofes  m'échappailent. 

Je  m'attendois  à  voir  l'ouvrière  diitribuer 
fes  poils  à-peu-près  également  dans  toute  l'é- 
tendue  du   tilTu  5  les   coucher   de  leur   long , 


SUR    LES    INSECTES.        2)9 

■£ler  par  deiliis ,  &  en  compoier  ainfi  une  forts 
d'étotîè  mi-foie  &  poiîs.  C'eft  pourtant  ce  qu'elle 
n'a  pas  fait.  Elle  m'a  paru  Jaiiier  les  poils 
comme  le  haiard  les  avoit  placés  :  aulli  en  re- 
nia rquoit-ou  d'aliez  gros  faiiceaiix  cpars  qà  & 
là  en  divers  endroits  de  la  Coque  ,  &  qui 
étoient  plus  ou  moins  engaj^és  (dans  le  tulu. 
On  juge  allez  ,  qu'une  diltnbution  il  niégale 
des  poils  à  du  produire  bien  des  inégalité^ 
dans  l'opacité  du  tiiib  j  je  devrois  dire  plutôt , 
dans  fa  demi-tranfparence.  Je  n'ai  pu  iuivre 
plus  long-temps  ma  Chenille,  parce  qu'il  étoit 
fort  tard  ,  &  que  mes  yeux  étoient  fatigués  par 
une  il  longue  oblérvation  &  par  la  lumière  de 
la  bougie.  Le  lendemain  matin,  j'ai  trouvé  la 
Coque  dans  le  même  état  où  je  l'avois  lailiée  : 
l'ouvrière  n'avoit  point  touché  à  ces  faifceaux 
de  poils  dont  j'ai  parlé.  Trois  jours  après  elle 
fi'eil  changée  en   Chryfaiide  conique. 

M.  de  Reaumur  a  tait  repréfenter  la  Coque 
de  cette  Chemlie  à  troifes  ("*")  i  &  il  a  déiigné 
par  les  termes  d'enveloppe  cotonneufe  (*^)  ce  que 
j'ai  nommé  la  Coque  extérieure.  Mais  je  puis 
dire  i  que  cette  enveloppe  ne  m'a  point  du  tout 
femblé   cotonneufe  :  la  ioîe  dont  elle  étoit  tuîuê 

D  Tom.î,   PI.   XXXÎÎÎ,  Fig.  6  &  7. 
(♦*)  Ibiii,  pag.    53^. 


:lGo       observations 

m'a  paru  ne  différer  point  de  celle  de  la  Coque 
intérieure  :  &  ce  cjui  n'eft  pas  équivoque  -,  les 
contours  de  l'enveloppe  étoient  aufïî  bien  ter- 
minés que  ceux  de  la  Coque  intérieure  :  ils 
n'en  différoient  qu'en  ce  qu'ils  n'étoient  pas  aufS 
réguliers.  Je  ferois  donc  porté  à  peu  fer  que 
cette  enveloppe  eft  moins  une  ilniple  enveloppe 
qu'une  véritable  Coque.  Aulîi  notre  illulbre  Ob- 
ier vateur  en  parle-t-il  ailleurs  (*)  comme  d'une 
véritable  Coque.  Qiielqîtefois  ,  dit-il  ,  le  tijfit 
extérieur  eft  plus  ferré  ,  il  eft  lui-même  une  pre- 
miere  Coque  qui  renferme  la  féconde  :  &  il  cite 
pour  exemple  la  Coque  même  de  notre  Che- 
nille à  brolTe.  J'indfte  là  -  deflus  ,  parce  qu'il 
n'eft  pas  indifférent  pour  un  Naturalifte ,  de  la- 
voir ,  qu'il  eft  des  Chenilles  qui  fe  conftruifent 
de  doubles  Coques.  On  connoit  des  fauffes 
Chenille^  qui  favent  fe  faire  de  doubles  Coques 
plus  remarquables  encore,  8c  dont  je  parierai 
ailleurs. 

Le  30  de  Septembre,  l'on  m'a  remis  une 
Chenille  de  la  même  Efpece  que  la  précédente , 
&  qui  avoit  atteint  le  dernier  terme  de  fon 
accroiffement.  Le  lendemain  matin ,  elle  avoit 
gagné  le  haut  du  poudrier  ,  &  s'étoit  cram- 
ponnée contre  le  couvercle  du  papier   qui  en 

i")  Ibîil  pag.  49Î- 


SUR    LES    INSECTES.      26f 

fermoit  l'ouverture.  Là  ^  elle  eft  demeurée  dans 
rimmobilité  la  plus  parfaite  /ufqu'r.u  6  Qdobre. 
Sa  partie  antérieure  étoit  courbée  en  arc  ,  & 
fa  tète  étoit  ramenée  vers  les  premières  jam-, 
bes.  Cette  attitude  a  peu  varié.  Cette  lon^e 
inadion  ne  m^a  pas  permis  de  douter  qu'elle 
ne  fût  malade  ;  j'ai  foupqonné  qu'elle  nourrif- 
ibit  dans,  fon  intérieur  des  vers  d'Ichneumones  ; 
&  je  n'efpérois  plus  de  la  voir  fe  mettre  au 
travail.  Je  me  trompois  néanmoins  i  &  je  n'ai 
été  défiibufé  ,  que  lorfque  j'ai  appercu  quelques 
fils  de  foie  qu^elle  venoit  de  tendre.  C'étoient 
de  ces  petits  cables  dont  j'ai  paxlé.  J'ai  donc 
été  averti  qu'elle  commenqoit  à  travailler  à  fi 
Coque ,  &  j'en  ai  été  agréablement  furpris.  Pen- 
dant la  longue  durée  de  fon  înacl;ion ,  j'avois 
fou  vent  jette  fur  elle  quelques  regards  ,  5c  j'a- 
vois toujours  été  frappé  de  falongement  exccl- 
fif  de  fes  jambes,  membraneufes  :  il  contribuoit 
encore  à  lui  donner  Pair  d'une  Chenille  qui 
foaiîre. 

Notre  fileufe  a  tendu  un  plus:  grand  nom- 
bre de  cables  [  PL  V ,  Fig.  i.],  &  de  cables, 
plus  longs  que  la  précédente.  Ils  m?ont  oiiert 
les  mêmes  particularités  elfentielles  que  ceux. 
quo  j'ai  décrits.  Ils  fe  divifoicnt  de  même  en 
piuiieuis.  fils  a  leur  extrémité  inr5ri:u.j:e ,  o". 


2^2       OBSERVATIONS 

celle  par  laquell*.^  ils  teiioient  aux  parois  cfiî 
poudrier  &  aux  feuilles  voiilnes  :  on  obfervoi" 
auffi  à  cet  endrott  de  petites  taches  blanchâtres 
&  brillantes  produites  par  des  fils  extrême- 
ment Êns  ,  qui  vus  de  fort  près,  paroiiroieut 
tracer  des   zigzags. 

Tous  ces  cables  alloient  aboutir  à  la  circon- 
férence de  la  Coque  dont  la  ii'eufe  venoit  de 
tracer  les  contours.  C'étoit  la  Coque  extérieure: 
fa  îbrrhe  étoit  aiiez  régu-iere,,  &  elle  étoit  bien 
arrondie.  Elle  tenoit  par  un  bout  aux  parois 
intérieures  du  poudrier,  &  par  wi  de  Tes  grands 
cordés ,  au  couvercie  de  papier.  Elle  -avoit  en- 
i/iron  dix- 1 mit  lignes  de  longueur  fur  onze 
îigrîes  de  largeur.  Sa  fituatton  étoit  horiforitale, 
Comme  celle  de  la  DréccJente ,  &  fon  tijfu  d'une 
franfparence  parfaite,  lî  étoit  par  tout  uniforme. 
Eli  iin  mot ,  tous  les  contours  en  étoient  iî 
éxaâ;ement  tefrainés,  qu'ils  re^  réfentoient  au 
mieux  ceux  d'une  véritable  Coque. 

Lê  travaiî  de  ncftre  Chenille  ne  nva  rien 
offert  de  nouveau.  Elle  s'y  étoit  prif?  potir 
taiîftruire  c^tte  grande  Coque  de  ia.  mème^  ma- 
ipièfë  préciiément  que  celle  que  j'avois  obfer- 
^ée  peti  de  jours  auparavant.  Elle  ne  montroit 
paS    p\m    d'a<Rivité  ^    é^    le  repoibit  Iréquem-» 


SUR    LES   INSECTES.        263 

ment  pendant  un  temps  plus   ou    moins  long. 

Ce  que  je  defirois  le  plus  de  revoir ,  c'étoit 
Popération  par  laquelle  elle  ie  déferoit  de  fes. 
poiis  pour  les  faire  pairer  dans  fou  tiifu.  J'en 
remarquois  de  longs  qui  étoient  diiréminés  qà 
&  là  dans  toute  retendue  de  la  Coque  :  ils  y 
étoient  même  en  alfez  grand  nombre  ;  mais 
leur  quantité  n'étoit  pas  telle  qu'elle  altérât  le 
moins  du  monde  la  tranfparence  du  tilfu. 

J'ai  dît  que  la  Chenille  avoit  commencé  fon 
travail  le  6  d'Odobre  :  c'étoit  fur  les  fept  heu- 
res du  matin^.  Sur  les  onze  heures  du  foir ,  elle 
n'avoit  point  encore  commencé  à  tracer  les  con- 
tours de  la  féconde  Coque  ou  de  la  Coque- 
intérieure.  Mais  je  dois  avertir  ,  que  dans  la 
crainte  qu'elle  ne  fe  défit  de  fes  poils  au  milieu 
de  la  nuit  &  dans  des  momens  où  je  ne  pour- 
rois  i'obferver ,  j'avois  tâché  de  retarder  [\u 
chev€ment  de  l'v)uvrage  ,  en  agitant  de  temps 
eîi  temps  le  poudrier  lorfqu'elle  fe  mettoit  au 
travail.  Ce  moyen  réu.iîîifoit  toujours  :  la  Che- 
nille fufpendoit  aulli-tôt  fon  travail  ,  &  ne  le 
reprenoit  qu'au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins 
long.  J'avois  alfez  obfervé ,  &  mes  yeux  com- 
mençaient à  fouifrir  :  avant  que  de  me  r  étirer  ^ 
j'ai    confié   ma   Chenille   à    mon    Deffinateur , 


2^4-       0  B  s  E  R  F  A  T  I  0  N  :^ 

].a!''i;ne  curieux'  Se  i-teiligent  ,  &  ce  iva  p.»» 
été  liins  lui  recommander  o'interrompre  le  plus 
f./Uvent  qu'il  nourroit  le  travail  do  la  £'euie  , 
par  le  même  moyen  que  j'avois  empioyti  ik 
qui  m'avoit  fi  bien  réufïi. 

Environ  demi-heure  après ,  c'eft-à-dire  ,  fur 
les  onze  heures  &  demi ,  la  Chenille  u  coin- 
înencé  à  conftruire  la  féconde  Coque.  Alors 
elle  a  montré  phis  d'aclivité ,  &  fon  adivité  a 
redoublé  de  plus  en  plus  :  elle  a  paru  pielTce 
de  hnir  fon  ouvrage.  On  a  voit  beau  agiter  le 
poudrier  ,  on  ne  parveuoit  que  rarement  à  in- 
terrompre fon  travail ,  &  quand  on  rinterrom- 
poit  3  ce  n'étoit  que  pour  quelques  ir.ftaijs:  elle 
ïeprenoit  aulli-tôt  le  travail  avec  une  nouvelle, 
ardetin 

J'ai  fait  remarquer ,  qu'il  y  avoit  de  longs 
poils  diiféminés  dans  le  tiifu  de  la  Coque  exté- 
rieure :  je  n'avois  pas  vu  com.meiit  ils  y  a  voient 
été  placés  ,  &  j'avois  fuppofé  (implement  qu'ils- 
s'étoient  détachés  de  la  peau  par  quelques 
irottemens ,  &  que  la  Chenille  n'avoit  eu  qu'à 
ks  recouvrir  de  foie.  Les  plus  longs  poils  font 
ordinairement  les  plus  expofés  aux  frotternens. 
Mais  mon  Defïiiiateur  ,  qui  n'avoit  pas  perdu 
de  vue  notre   Eleufe,   a  obfervé   en  ce   genre 


SUR   LES    INSECTES.       26% 

des  particularités  remarquables.  Tandis  qu'il 
fuivoit  au  milieu  de  la  nuit ,  à  la  lumière  d'une 
bougie ,  toutes  les  manœuvres  de  la  fileuie  ,  <Sc 
qu'il  s'aidoit  même  du  fccours  d'une  loupe , 
il  Ta  vu  porter  plufieurs  fois  fa  tète  vers 
Faigrette  de  poils  placée  fur  b  derrière.  Cette 
aigrette  qui ,  comme  l'on  fait ,  eft  compofée  des 
plus  longs  poils  ,  étoit  alors  dans  l'ombre ,  & 
rObfervateur  ne  pouvoit  appercevoir  ce  que  la 
tète  faifoit  près  de  cette  aigrette  :  mais  lorlqiie 
la  tète  étoit  ramenée  vers  la  lumière,  il  voyoit 
diftindement  un  poil  placé  entre  les  dents  de 
la  Chenille  ,  &  qu'elle  alloit  dépofer  dans  le 
tiHu  de  la  Coque  intérieure.  L'aigrette  a  dii^ 
paru  peu-à-peu.  Il  y  avoit  d'autres  poils  répim- 
dus  fur  les  parois  intérieures  &  inférieures  de 
la  Coque  :  l'Obfervateur  a  vu  encore  diftnidle- 
ment  l'ouvricre  faiiîr  ces  poils  avec  Tes  dents , 
&  les  appliquer  qà  &  là  contre  le  tilTu  foyeux. 

Le  7  iur  les  fix  heures  du  matin ,  je  fuis  re-. 
venu  obferver.  La  féconde  Coque  étok  bioii 
façonnée  ,  &  fon  tiflu  avoit  déjà  perdu  un  peu 
de  la  tranfparence.  Elle  étoit  couchée  à-peu- 
près  dans  le  milieu  de  la  longueur  de  la  Coque 
extérieure.  Elle  étoit  donc  ,  comme  celle-ci  j 
dans  une  iîtuation  horifontaîe.  Eiie  avoit  en- 
viron dix  lignes  de  longueur  fur  fix  ligues  de 


1^6       OBSERVATIONS 

largeur.  Le  p?iient  DcŒnateur  avoit  fuivi  Pou- 
vriere  pendant  toute  la  nuit  &  jufqu'au  point 
du  jour. 

Peu  de  momens  nprès ,  j'ai  vu  la  Chenille  fe 
donner  de  grands  mouvemens  de  tout  Ton 
corps ,  fe  balancer ,  en  quelque  forte  ,  de  de- 
vint  en  arrière  &  d'arrière  en  avant.  Elle  fe- 
contournoit  alternativement  en  divers  feus.  Elle 
abaiifoit  &  élevoit  alternativement  {ii  partie  an- 
térieure &  la  poil:érieure.  Eiîe  réitéroit  cela  à 
plulieurs  reprifes.  D'autrefois  elle  contournoit 
fon  corps  en  manière  d'S  ou  d'anneau,  &  lui 
faifoit  prendre  \u\  inftant  après  quelqu'autre- 
attitude.  D'autrefois  encore ,  elle  lui  iaifoit  exé- 
cuter une  forte  de  mouvement  ondulatoire. 
Pendant  que  ces  divers  mouvemens  s'éxécu- 
toient  ,  les  poils  des  broiTës  fe  détachoient  de 
plus  en  plus  ,  &  le  tiifu  devenoit  de  plus  en- 
plus  opaque.  Qiieiquefois  ,  il  fembloit  quç  la 
Chenille  fe  renverfât  fur  le  dos ,  pour  fe  remet- 
tre enfuite  dans  fa  première  pofition.  Je  n'ofe- 
rois  néanmoins  l'alfurer ,  parce  que  le  temps 
ctoit  fort  obfcur ,  &  que  le  tiifu  avoit  beaucoup- 
perdu  de  fa  tranfparertce.  .  . 

La  Chenille  a  continué  à  fe  donner  ces- 
grands  mouvemens  pendant  près  de  trois  qu^utb^- 


^UR   LES   INSECTES        scT^ 

J'heiirc  :  mais  j'ni  très-bien  remarqué  qirils  fe 
railentiiluient  peu-à-peii  :  ils  font  cnSii  devenus 
fort  lents  oc  de  plus  en  plus  ients.  Je  n'ai  pu 
méconnoitre  leur  effet.  La  Chenille  ne  pouvoic 
exécuter  de  fi  grands  mouvemeriS ,  fans  que  les 
poils  des  broiTes  froitalfent  continue! îemenc 
contre  les  parois  de  la  Coque.  On  voyoït  à  ne 
pouvoir  sy  méprendre  ,  que  les  frottcmens  de 
ces  poils  étoicnt  très-fréquens.  Et  ce  qui  nxtoit 
point  du  tout  équivoque  ;  on  appercevoit  un 
grand  nombre  de  très-petits  poils  qui  percoient 
au  travers  du  tiilii  &  qui  fe  niontroient  à  fi 
furface.  Des  faifceaux  de  plus  longs  poils  étoicnt 
épars  qà  &  là  vers  le  bas  de  la  Coque.  La  Che- 
nille les  a  iaiffés  où  le  hafard  les  avoit  placés, 
&  n'a  point  enti  épris  de  les  diftribuer  unifor- 
mément dans  le  tiiiu.  Ses  forces  étoieiit  appa- 
remment épuifées  par  les  mouvemeriS  violens, 
qu'elle  s'étoit  donnés  pour  faire  tomber  les 
poils.  Apres  leur  chirte  ,  le  dos  de  la  Chenille 
ji'oriVoit  pins  aucun  veftige  de  broiTes ,  &  il 
étoit  à-peii-pres  auiîi  ras  que  celui  des  Chenil- 
les rafes. 

Cette  Efpece  de  Chenille  à  broffes  mérite 
affurément  l'attention  des  Obfervateurs  j  & 
je  luis  bien  éloigné  de  penfer  qu'elle  m'ait 
moilUé  tout    fou  favoir-faue.   On  pourroit  la 


26^       0  È  S  E  R  V  A  T  I  O  N  s: 

déterminer  a  changer  ï-^'c  fes  manœuvres  en: 
la  plaçant  dans  des  circonftances  qui  lui  fe- 
roient  fort  étrangères ,  ou  en  la  dérangeant 
dans  fon  travail  en  lui  enlevant  une  partie 
plus  ou  moms  confiderable  de  fon  tiifu.  Il 
faudroit  encore  tenter  de  Pépiler  avant  qu'elle 
commençât  à  conllruire  fa  Coque  :  il  feroit 
curieux  de  favoir  ,  fi  après  avoir  fini  la  fé- 
conde Coque  ,  elle  fè  donneroit  les  mêmes  mou- 
vemens  que  les  Chenilles  de  fon  Efpece  fe  don- 
nent pour   faire  tomber  les  poils  des  brolFes. 

OBSERVATIONXXVI. 

Divers  faits  relatifs  à  l'art  avec  lequel  la  belle 
Chenille  du   Bouillon-hlanc    confriiit  fa  Coque. 


j 


E  àéCîgne  cette  Chenille  par  Pépithetetde  belle  ^ 
parce  que  le  Bouillon-blanc  en  nourrit  une  autre 
qui  ne  luirelTemble  ni  par  les  couleurs,  ni  par  la 
taille.  Le  Bouillon-blanc  eft  très-commun  le  long 
des  grands  chemins  &  n'eft  connu  des  gens  de  la 
Campagne  que  fous  le  nom  de  Bon-homme.  Cette 
Plante  porte  de  grandes  feuilles  très-velues  ou 
très-cotonneufes  ,  &  pouife  une  tige  droite  qui 
s'éleve  fouvent  à  deux  ou  trois  pieds  de  hau^ 
teur.  C'eft  fur  cette  tige  qu'on  découvre  plus- 
facilement   la  Cheuille   dont  je   vais  entretenit^ 


SUR    LES   INSECTES.        269 

amoii  ledeur.  Le  fond  de  fa  couleur  eft  un 
xilfez  beau  gris  de  p^rle  ,  fur  lequel  font  jettées 
■de  petites  taches  noires  ,  qu'environnent  d'au- 
tres taches  d'un  jaune  tendre.  Cette  Chenille 
a  feize  jambes  :  elle  ell  rafe ,  &  un  peu  au-deifus 
de  la  grandeur  médiocre.  Elle  eft  aifez  corn-- 
niune  fur  le  Bouillon-blanc  en  Juin  &  Juillet. 
M.  de  Reaumur  en  a  donné  l'Hiftoire  ('^)  ; 
&  quoique  les  faits  qu'il  en  rapporta  foient 
du  même  genre  que  ceux  qu'elle  m'a  offerts  , 
je  me  perfuade  qu'on  ne  fera  pas  fâché  de 
trouver  ici  le  récit  de  mes  propres  Obferva- 
tions.  Je  n'ai  pas  vu  précifément  les  mêmes 
chofes  que  ce  grand  Obfervateur ,  &  il  n'avoit 
pas  vu  précifément  les  mêmes  chofes  que  moi. 
D'ailleurs  ,  tout  ce  qui  tient  à  l'induftrie  des 
Infedes  eft  bien  plus  propre  a  piquer  la  cu- 
riofité  d'un  amateur ,  que  toute  autre  particu- 
larité de  rinfectologie. 

Notre  belle  Chenille  du  Bouillon-blanc  fut 
une  des  premières  Chenilles  qui  fixèrent  mon 
attention ,  quand  je  commençai  à  m'occuper  de 
l'étude  des  Infedes.  Je  connoifTois  fes  p».  jcédés 
induftrieux  ,  mais  je  vCcii  avois  pas  été  moi- 
même  le  fpedateur ,  &  je  defirois  fort  de  l'être. 
Je    ne  négligeai    donc   pas    de  chercher    cette 

(*)  Mém.  fur  Ui  hif,  T.  I ,  pag.  575  &  fuiv.  PI.  XLIIJ> 


270       0  Ë  s  E  R  V  A  T  I  0  M  S 

Chenille  fur  le  Bouillon -bîanc  :  j'en  trouvai 
trois  i\ii'  le  haut  de  la  tige  de  cette  plante  le 
6  de  Juin  1737  i  je  les  renfermai  dans  un 
poudrier  avec  quelques  feuilles  de  la  plante 
qu'elles  aimoient.  Elles  en  mangèrent  fous  mes 
yeux  ',  mais  ce  ne  fut  qu'après  qu'elles  eurent 
pris  la  précaution  d'en  écarter  le  duvet  coton- 
neux &  allez  épais  qui  les  recouvroit.  Il 
n'ctoit  pas  apparemment  un  aliment  qui  leur 
convint. 

Le  9  du  même  mois  ,  je  remarquai  qu'une 
de  mes  Chenilles  s'étoit  cachée  fous  les  feuilles 
&  qu'elle  tiroit  des  fils  de  foie  de  tous  les 
côtés.  Je  jugeai  aufîi-tôt  qu'elle  vouloit  fe  pré- 
parer à  la  métainorphofe.  Je  la  fis  paifer  fur  le 
champ  dans  un  autre  poudrier  où  j'avois  eu 
foin  de  mettre  une  certaine  quantité  de  terre 
féche ,  preiqu'auiîi  fine  que  du  iable  ordinaire. 
Elle  ne  tarda  pas  à  percer  cette  terre  &  à  s'y 
enfoncer.  Au  bout  d'environ  trente-ilx  heures  , 
curieux  de  favoir  (i  elle  avoit  beaucoup  avancé 
fon  ouvrage ,  j'inclinai  doucement  le  poudrier 
pour  en  faire  fortir  la  terre  qu'il  contenoit. 
Je  vis  paroitre  fur  le  fond  une  coque  de  terre 
de  la  fismre  &  de  la  ^^roifeur  de  celle  du  Ver- 
ïVfoie.  Elle  avoit  beaucoup  de  confilîance  ;  car 
quoique  je  la  preilaife  uifez  ent/re  mes  doigts  ^ 


SUR    LES   INSECTES.        271 

J-e  ne  la  fentois  pas  céder  à  cette  preffioii. 
J'en  conclus ,  que  fi  elle  n'étoit  pas  enticre- 
nient  achevée  ,  elle  étoit  au  moins  très-avancée  ; 
8c  je  préfumai  qu'elle  devoit  être  d'une  épaif- 
feur  confidérable.  Mais  cela  ne  fatisfaifoic  pas 
ma  curiofité  -,  je  regrettois  de  n'avoir  pu  dé- 
couvrir comment  la  Chenille  s'y  étoit  prife 
pour  conftruire  une  pareille  Coque.  Dans  la 
vue  de  m'inftruire  par  moi-même  de  fon  art , 
j'eus  recours  au  moyen  que  M.  de  Reaumur 
avoit  lui-même  pratiqué.  Je  fis  une  brèche  à 
la  Coque  :  je  l'ouvris  à  un  des  bouts.  Je  mis 
aiafi  l'intérieur  à  découvert.  Je  vis  alors  que 
Ja  Coque  étoit  un  compofé  de  terre  &  de  foie, 
très-bien  lié  dans  toutes  fes  parties  &  dont 
l'épaiiTeur  étoit  de  plus  d'une  ligne.  Je  pofai 
la  Coque  de  fon  long  fur  un  petit  tas  de  terre 
féche  5  &  j'attendis  avec  impatience  ce  qui  ré- 
fuîteroit  de'  ma  tentative. 

Le  bout  par  lequel  j'avoîs  ouvert  la  Coque 
fe  trouva  répondre  au  derrière  de  la  Chenille. 
Elle  ne  pouvoit  donc  venir  réparer  la  brèche 
qu'après  s'être  retournée  bout  par  bout.  Ce  fut 
aufïi  ce  qu'elle  ne  manqua  pas  de  faire ,  & 
qu'elle  exécuta  très  -  promptement.  Elle  étoit 
déjà  fi  raccourcie ,  qu'elle  n'avoit  guère  que  la 
moitié  de  fa  longueur ,  &  fes  jambes  membra^ 


272       OBSERVATIONS 

îieufes  ctoieiit  fi  coiitradées  qu'elle  ne  pou  voit 
plus  en  faire  ufage.  Quand  elle  eut  amené  ia 
tète  à  l'ouverture  de  la  brèche ,  elle  la  porta 
en  avant  &  tâta  de  tous  côtés.  Sa  partie  anté- 
rieure étoit  encore  fufceptible  d'un  certain 
alongement.  En  tàtant  ainfi  de  tous  côtés ,  elle 
rencontra  bientôt  la  terre  fur  laquelle  repofoit 
îa  Coque.  Elle  prit  entre  fes  dents  un  grain 
de  cette  terre  :  elle  alla  le  placer  contre  les 
bords  de  l'ouverture  j  &  pour  le  maintenir 
mieux  en  place  ,  elle  le  prella  avec  la  tète  j  elle 
s'ciForqa  de  le  faire  pénétrer  entre  les  grains  qui 
compofoient  les  bords  de  l'ouverture  ,  auxquels 
elle  le  lia  plus  étroitement  encore  par  des  fils 
de  foie.  Apres  avoir  mis  en  place  ce  premier 
grain ,  elle  porta  de  nouveau  fa  tète  hors  de 
îa  Coque ,  alongea  fa  partie  antérieure ,  8c  s'a- 
vanqa  même  il  fort  au  dehors  de  îa  brèche  , 
que  près  de  la  moitié  de  fbn  corps  étoit  à  dé- 
couvert. Elle  failit  un  fécond  grain,  le  tranf- 
porta  ,  le  plaça ,  le  preila  <Sc  l'aiiujettit ,  comme 
elle  avoit  fait  le  premier.  Elle  contiriua  fous 
mes  yeux  la  même  manoeuvre ,  &  l'on  voit  bien  \ 
qu'elle  tendoit  à  diminuer  de  plus  en  plus 
l'ouverture  de  la  brèche ,  mais  je  ne  fais  quel 
mouvement  elle  fe  doniia  pendant  le  travail , 
qui  la  jetta  hors  de  fa  Coque.  J'efpcrois  qu'elle 
y  rentrer  oit  :   elle   ne  fut    pas   parvenir  à  eu 

enuisr 


!SUR    LES    inSECTÈS.     275 

enElcr  rouveitiire.  Je  pris  donc  le  parti  de  la 
remettre  moi-niènie  dans  fa  Coque ,  mais  elle 
«n  reifoitic  (lias  avoir  repris  le  travail. 

Ma  curiufité  n'ayant  pas  été  entièrement 
!atisfi\ite ,  je  m'adreilai  à  une  autre  Chenille  qui 
étoit  entrée  en  terre,  depuis  alfez  peu  de  temps. 
J'enlevai  avec  précauticrli  toute  la  terre  qui 
recouvroit  fa  Coque  ,  &  je  la  hiis  ainli  entiè- 
rement à  découvert.  Elle  iVétoit  ni  auiîi  groiib 
m  auiîi  forte  que  la  précédente.  Je  n'eus  pas 
befoin  d'y  faire  une  brèche  comm-e  j'avois  £:it 
à  cette  dernière.  En  la  détachant  du  foiid  du 
poudrier  fur  lequel  elle  étoit  appliquée  de 
ion  long  ,  il  s'y  •  fit  une  ouverture  à  l'endroit 
qui  répoiidoit  au  fond  du  vafe.  Cette  ouver- 
ture qui  occupoit  le  mihcu  de  la  longueur  de 
îa  Coque  ,  n'étoit  pas  il  grande  que  celle  que 
-j'avois  faite  à  un  des  bouts  de  l'autre  Coque. 
Pour  réparer  la  brèche ,  ma  Chenille  ne  s'y  prit: 
pas  précifément  comme  celle  dont  j'ai  parlé. 
Elle  ne  porta  point  la  tête  hors.de  l'ouveiture  : 
jnais  elle  tendit  des  fils  de  foie,  d'Un  bord  à 
l'autre  de  cette  ouverture.  Ces  fils  fe  croifoient 
de  mille  &  miiie  manières  ,  &  de  la  réunion  de 
tous  ces  fils  fe  forma  peu-à^peu  une  toiîe  ou  une 
forte  de  voile  tendu  au  devant  de  l'ouverture, 
^  qui  ne  me  permcttoit  plus  de  voir  ce  qui 
To-Jie  IL  S 


374       OBSERVATIONS 

fe  paflbit  dans  Pin tcrieur  de  la  Coque.  J-obfer- 
vai  feulement  ,  que  la  Cheiuile  pouiroit  de 
temps  en  temps  la  toile  en  dehors  5  mais  je  ne 
pouvois  démêler  Ci  c'ctoit  pour  y  encliâirer 
des  grains  de  terre  dont  elle  pouvoit  avoir  une 
petite  provifion  ,  ou  Ci  c'ctoit  pour  forcer  la  toile 
à  prendre  une  convexité  relative  à  la  forme 
de  la  Coque.  Qiioi  qu'il  en  foit  y  h  brèche  fut 
parfaitement  rebouchée  à  l'aide  du  nouveau 
tilTu. 

Le  plaifir   que   j'avois    gouté    à  fuivre   de  fi 
près  le  travail  de  nos  deux  Chenilles  me   ren- 
dit prefque  dur  à  Tégard  de  celle  dont  je  parle, 
je  n'a  vois  pas  vu  encore  tout  ce  que  je  defirois 
devoir.  A  peine  eut-elle   achevé   de  réparer  le 
défordre  que  j'avois  occailoné    a   fon   petit  bà-  | 
timent,   que  je   lui  préparai  un    nouveau   tra- 
vail beaucoup  plus  confidérable  que  le  premier  5 
en  faifant  une  large  brèche  à  un  des  bouts  de 
la  Coque.    Qiioique  la    diligente    ouvrière    dût 
être  déjà  aifez  fatiguée    &  que  Ci  provifion    de    i 
foie  dût  être  fort  épuifée  ,  elle  ne  laiffa  p.^s  de   1 
fe    remettre   à   l'ouvrage    &   d'entrcprend*.     de 
réparer  fénorme  brèche ,  que  je  venois  de  iciire 
u  Cd  Coque. 

Son  premier  foin  fut  d'attacher  un  £1      .  .i 


SUR    LES    îJSiSECTES       27s 

des  bords  de  rouvercure  :  je  la  vis  enfuite  fe 
fervir  de  ce  £1  comme  d'un  petit  cabîe  pour 
forcer  le  bord  à  Te  courber  en  arc  &  à  repren- 
dre la  forme  convexe  que  je  lui  a  vois  fait  per- 
dre en  ouvrant  la  Coque.  Elle  tira  donc  à  elle 
le  petit  cable  ,  &  quand  elle  eut  donné  au 
bord  de  la  Coque  la  convexité  qu'elle  lui  vou- 
loit ,  elle  fixa  le  bout  du  cable  à  une  des  parois 
intérieures ,  &  parvint  ainfi  à  maintenir  le  bord 
de  la  brèche  dans  la  fituation  que  reqiiéroit 
la  nature  du  travail.  J'avois  comme  déchiré 
les  bords  de  l'ouverture  :  il  y  avoit  donc  des 
portions  qui  failloient  plus  en  dehors  les  unes 
que  les  autres  :  la  Chenille  attacha  de  petits 
cables  à  toutes  les  portions  qui  failloient  trop 
©u  qui  étoient  trop  renverfées  ;  &  à  l'aide  de 
ces  cables  ,  elle  les  redreiia  peu  -  à  -  peu  ,  les 
ramena  vers  l'axe  de  la  Coque ,  leur  fit  repren- 
dre le  degré  de  courbure  convenable  ,  &  les 
îliaintint  dans  cette  fituation  en  arrêtant  les 
extrémités  des  cables  aux  parois  intérieures  de 
la  Coque.  Quelquefois  c'étoit  avec  fes  dents 
qu'elle  forqoit  les  bords  de  l'ouverture  à  re- 
j  prendre  la  pofition  &  la  courbure  qu'exigeoit 
I  la  forme  de  cette  partie  de  la  Coque.  Par  ces 
'  divers  procédés,  elle  parvint  enfin  à  rendre 
l'ouverture  allez  exadement  circulaire  ,  d'irré- 
i  guliere  ou  d'échanerée  qu'elle  étoit  auparavant. 

S   2 


27^       OBSERVATIONS 

Il  lui  refloit  à  boucher  cette  grande  oiivef*. 
tiire ,  &  ce  n'étoit  pas  un  petit  travail.  E!le  s'y 
prit  d'abord  de  la  même  manière  que  la  Che- 
nille dont  j'ai  parlé  au  commencement  de  cette 
Obfervation  :  elle  s'avanqa  hors  de  fa  Coque , 
&  alongea  fa  partie  antérieure  ,  tâta  de  tous 
côtés  avec  fa  tète  jufques  à  ce  qu'elle  eut  ren- 
contré la  terre  féche  fur  laquelle  repofoit  foa 
'  petit  bâtiment.  Elle  faifit  avec  fes  dents  un 
grain  de  terre  ^  qu'elle  alla  enchâlfer  dans  les 
bords  de  la  brèche  ,  &  après  l'y  avoir  bien  en- 
châifé  ou  encadré ,  elle  £la  par  deffus.  Elle  réitéra 
pîuiieurs  fois  la  même  manœuvre.  Enfin  ,  comme 
fi  elle  fe  Rit  lalfée  de  tranfporter  un  à  un  les 
grains  de  terre  ,  &  de  les  mettre  en  place  les  uns 
après  les  autres  ,  je  la  vis  en  lier  pluneurs  en- 
femble  avec  des  fils  de  foie ,  en  former  un 
paquet  qu'elle  tranfporta  dans  fa  Coque  8c 
qu'elle  appliqua  aux  bords  de  la  brèche.  E:le 
l'y  arrêta  folidenient  à  l'aide  d'un  bon  nombre 
de  fils  de  foie  -,  puis  avec  i^à  tète  &  fcs  dents , 
elle  donna  à  ce  paquet  de  grains  de  terre  la 
forme  &  le  degré  de  courbure  requis.  Elle  tranf- 
porta ainfi  fous  mes  yeux  &  mit  en  place 
plufieurs  de  ces  paquets.  L'ouverture  de  la 
brèche  fe  rétréciifoit  de  plus  en  plus ,  &  îa 
réparation  étoit  déjà  allez  avancée,  lorfque  la 
Chenille  voulut  aller  travailler  à  l'autre  extré- 


SUR   LES   INSECTES.        277 

mité  de  !a  Coque.  Elle  11e  pouvoit  y  parvenir 
qu'en  fe  retournant  bout  par  bout  &  en  amenant 
fa  tète  à  Tendroit  où  étoit  auparavant  fon  der- 
rière. Ei!e  l'exécuta  fort  heureufement.  Après 
avoir  travaillé  quelque  temps  vers  cette  extré- 
iTiité  de  la  Coque  ,  elle  voulut  revenir  travailler  ît 
fermer  la  brèche.  Pour  cet  effet ,  elle  fe  contourna 
de  manière  que  la  tète  &  le  derrière  fe  trou- 
vèrent tous  deux  dans  l'ouverture.  Ils  ne  dé- 
voient pas  y  relier  :  elle  retira  le  derrière  dans 
l'intérieur  de  la  Coque  ,  &  porta  fa  tète  en 
avant  :  mais  ce  grand  mouvement  ne  fut  pas 
fans  doute  bien  calculé  :  dans  l'inftant  où  la 
Chenille  i'exécutoit ,  elle  fut  jettée  entièrement 
hors  de  l'ouverture.  Il  en  fut  de  cette  Che- 
i  nille  com.me  de  l'autre  ;  elle  ne  fut  point  ren- 
trer dans  fa  Coque  ',  Se  lorfque  je  l'y  eus  moi- 
même  replacée  ^  elle  refufa  d'y  travailler  &  en 
reifortit.  Elle  préféra  de  percer  la  terre  à  côté 
de  fa  Coque  ,  de  s  y  enfoncer  à  une  certaine 
profondeur  &  d'y  entreprendre  un  nouvel 
édifice  On  juge  bien  qu'il  fe  relTentit  beaucoup 
de  la  dépenfe  canlldérable  que  l'Architede  avoit 
faite  :  aufïi  n'eut-il  guère  que  la  moitié  de  la 
grandeur  du  premier ,  &  les  parois  en  étoient 
tvis-minces. 

\       Une  terre    réduite    en    poudre   très-fine  ne 

S  3 


278       OBSERVATIONS 

convient  pas  à  nos  Chenilles  du  Boniilon-bînnc: 
il  leur  f;iut  une  terre  dont  ies  grains  aienfe 
une  certaine  groiîcur  j  &  ce  qile  je  viens  de 
xaconter  de  leur  travail  Fmdiqueroit  allez  :  mais, 
j'ai  là-deiius  une  expérience  direde:  une  de  ces 
Chenilles  à  qui  j'avois  fervi  une  terre  tres-puU 
vérifee  ,  refufa  ày  travailler  &  en  rellbrtit  quel- 
que temps  après  s'y  être  enfoncée. 

Pour  mieux  juger  encore  de  la  conftrudion 
de  nos  Coques  de  terre  ,  j'en  plongeai  dans  de 
Feau  froide  5  je  les  y  détrempai,  &  je  reconnus, 
évidemment  qu'elles  étoient  formées  d'un  tilTu 
aiie2  épais  &  allez  ferré  ,  moitié  terre  &  moitié 
foie.  Chaque  grain  de  terre  renoit  à  des  fils 
de  foie  y  Se  tous  étoient  liés  les,  uns  aux  autres 
par  de  iemblables  fils. 

En  Juin  1739.  ,  m'étant  procuré  un  alTez 
bon  nombre  de  nos  Chenilles  du  Bouillon -blanc 
dans  la  vue  de  m'ailurer  Ci  elles  étoient  de  celles 
qui  mangent  leur  dépouille  ('^}  ,  j'en  pro- 
fitai pour  répéter  mes  premières  Oblervations 
fur  la  conilrudion  de  leur  Coque  &  pour  va- 
rier davantage  mes  expériences  fur  ce  fujefc 
intérePiant.  Je  commençai  par  renfermer  plu- 
fieurs  de  ces  CheniiJes  ,  les  unes  dans  des  ^on- 

C)  Ohf.  XVII. 


SUR   LES   INSECTES.        279 

driers ,  les  autres  dans  des  boites,  fans  leur 
donner  de  la  terre  ni  aucuns  autres  matériaux. 
Je  vouiois  favoir  il  elles  parviendroient  à  le  coni- 
truire  une  Coque  de  pure  foie.  Elles  n'y  réul- 
firent  point  j  &  après  avoir  tiré  des  fils  de 
côté  &  d'autre  elles  périrent. 

Parmi  les  Chenilles  que  j'avois  privées  de 
terre  ,  il  y  en  eut  une  qui  Te  trouva  par  ha- 
,fard  à  portée  de  quelques  relies  de  feuilles  du 
Bouillon-bianc.  Elle  elfaya  de  les  faire  entrer 
dans  la  conftradion  de  fa  Coque.  Avec  fes 
dents  elle  en  détacha  des  parcelles  ,  &  fe  mit  à  les 
arranger  autour  d'elle.  L'arrangement  qu'elle 
leur  donnoit  n'imitoit  pas  mal  celui  qu'un 
Maçon  donne  aux  pierres  avec  lefquelies  il  veut 
élever  un  mur.  Je  remarquai  que  le  petit  mur 
que  ma  CheniMe  avoit  commencé  à  élever  au^ 
tour  d'elle  ,  fembloit  deftiné  à  f^rvir  de  bafc  à 
une  forte  de  voâte.  li  me  vint  alors  en  penfée 
de  mettre  auprès  de  l'ouvrière  quelques  petits 
morceaux  de  papier  &  un  peu  de  terre  féche, 
pour  voir  (1  elle  entreprendroit  de  faire  ufage 
de  ces  diiFérens  matériaux.  Elle  l'entreprit  en 
eifet  ;  elle  lia  enfemble  quelques-uns  des  mor- 
ceaux de  papier,  &  fe  faifit  de  la  terre  dont 
elle  tenta  d'employer  les  grains  à  élever  fon 
mur  comme  elle  y  avoit  employé  djs  parcelles 

S  4 


^ga       OBSERVATIONS 

de  feuilles  :  mais  de  tout,  celii  il  ne  réfulta  rieii 
qui  eût  Pair  d'une  yéritalLe  Coque  :  elle  ne 
réuilit  proprement  qu'à  jetter  les  premiers  ton- 
démens  d'une  Coque  j  je  veux  dire  ,  à  tracer 
l'enceinte  qui  devoit  en  déterminer  la  grandeur,. 

Une  autre  Chenille  que  j'avois  logée  dan& 
un  poudrier  eu  partie  plein  de  terre  lèche  y  ne 
s'enfonça  point  dans  cette  terre ,  pour  s'y  pré- 
parer à  la  métamcfrphofe  :  elje  s'établit  à  la  iiar- 
face  ,  8c  contre  les  parois  du  vafe.  Elle  travailla, 
d'abord  fur  le  modèle  de  celle  dont  je  viens  de 
parler..  Elle  traça  autour  d'elle  un  efpace  ovale  ; 
ou  pour  parler  plus  exaclement ,  elle  éleva  au- 
tour d'elle  un  petit  mur  de  terre  Si  de  foie  ^ 
qui  formoit  une  enceinte  de  forme  ovale.  Elle- 
s'occupa  enfuite  à  exhauiler  les  murs  par  l'ad- 
dition fucceiFive  d'un  grand  nombre  de  grains 
de  terre,  que  je  la  voyois  failir  avec  fes  dents, 
tranfporter  dans  fon  domicile,  mettre  en  place,. 
8i  lier  les  uns  aux  autres  avec  des  fils  de  foie. 
A  mefure  que  les  murs  s'élevoient ,  ils  pre- 
noient  de  la  courbure,  &  tendoient  à  former 
une  voûte.  J'hélite  à  faire  honneur  à  l'intelli- 
gence de  î'Architecl:e  d'une  chofe  qui  me  frappa 
be.iucoup  j  c'eft  que  plus  elle  élevoit  les  murs,. 
&:  plus  elle  retranchoit  de  leur  épaiiïeur. 


^UR    LES    INSECTES.      28i 

Jâi  dit  ail'eurs  (^)  que  les  Chenilles  qui  fe 
conilruifent  des  Coques  de  forme  ovale  ,  telles 
que  celle  du  Ver- à -foie,  parviennent  à  leur 
donner  cette  forme  en  contournant  leur  corps 
en  divers  fens  ,  le  plus  fouvent  en  manière 
d'arineau  ,  ou  en  manière  d'S ,  &  qu'il  eft  ainfi 
une  forte  de  moule  qui  détermine  la  figure  8c 
les  dmieniions  de  la  Coque.  Les  Clienilles  qui 
travaillent  fur  un  pareil  modèle,  font  donc  ren- 
fermées dans  leur  Coque  tandis  qu'elles  la  conf- 
truifcnt.  Cette  manière  de  bâtir  eft  commune 
à  quantité  d'EfpeceS  de  Chenilles,  &  elle  eft  en 
particulier  celle  de  la  Chenille  du  Bouillon- 
blanc  :  la  terre  dans  laquelle  elle  s'eft  enfoncée 
pour  s'y  métamorphofer  ,  l'environne  de  toutes 
parts  ,  &  fon  corps  détermine  la  figure  &  les 
proportions  de  la  Coque  mi-foie  &  terre  ,  au 
centre  de  laquelle  elle  demeure  renfermée.  La 
Chenille  ,  dont  je  raconte  ici  les  procédés , 
m'offrit  à  cet  égard  une  particularité  bien  re- 
marquable :  elle  parvint  à  donner  la  forme  à  fa 
Coque ,  fans  y  être  renfermée  pendant  qu'elle 
la  conftru  foit.  Ordinairement  fa  partie  pofté- 
rieure  repofoit  fur  la  terre  du  poudrier  :  elle 
n'étoit  donc  point  renfermée  dans  l'enceinte  de 
l'édifice ,  tandis  que  la  tète  s'y  portoit  de  côté 

C)  Obf.  XXIi 


283       OBSERVATIONS 

8c  d'autre  pour  y  arranger  &  y  alTujettir  les  ma- 
tériaux. Mais  lorrqu'elle  fut  fur  le  point  d'ache- 
ver fà  Coque,  elle  s'y  renferma  en  entier.  Cette 
Coque  ,  conftruite  d'une  manière  il  nouvelle , 
avoit  bien  à-peu-près  la  forme  &  les  propor- 
tions qu'elle  devoit  avoir.  Cependant  je  ne  dif- 
limulerai  pas  qu'elle  fe  relfentoit  un  peu  de  la 
£içon  fîngulicre  dont  elle  avoit  été  travaillée. 
Elle  étoit  fort  mince  dans  le  milieu  >  on  y  ap- 
percevoit  même  un  petit  vuide  :  de  plus,  elle 
étoit  beaucoup  plus  large  proportionnellement 
à  fà  longueur,  qu'elle  n'aïu-oit  dû  l'être.  Elle 
reiîembloit  donc  plutôt  à  une  forte  de  nid  qu'à 
une  véritable  Coque.  Elle  étoit  appliquée  contre 
les  parois  du  vafe  ,  comme  les  nids  des  Mou- 
ches maçonnes  le  font  contre  les  murs  de  nos. 
niaifons.  Il  y  avoit  encore  une  ouverture  dans. 
la  partie  inférieure  de  la  Coque  :  la  tète  de  la 
Chenille  fortoit  par  cette  ouverture ,  &  quel- 
quefois près  de  la  moitié  de  fon  corps.  Elle 
périt  au  bout  de  quelque  temps  fans  avoir  bou- 
ché cette  ouverture. 

Plusieurs  de  mes  Chenilles  qui  s'étoient 
enfoncées  en  terre ,  s'y  étoient  conftruites  des 
Coques  auxquelles  rien  ne  manquoit.  L'occalion 
ctoit  bien  favorable  pour  répéter  mes  premières 
expériences  fur  l'art  avec  lequel  ces  Chenilles 


SUR    LES   INSECTES,       2S3 

travaillent  :  je  ne  la  îaiilai  pas  échapper.  Avec 
des  cifeaux  j'ouvris  les  Coques  eu  divers  en- 
droirs.  Les  unes  furent  ouvertes  fur  le  côté  :  les, 
autres  le  furent  dans  une  de  leurs  extrémités. 
Toutes  mes  Chenilles  ne  réparèrent  pas  la  brè- 
che de  la  même  manière:  les  unes  employèrent 
à  cette  réparation  la  terre  &  la  foie  :  d'autres 
n'y  employèrent,  ou  ne  parurent  y  employer 
que  la  foie.  Celles-ci  fe  bornèrent  donc  ù  tem^re 
ini  voile  devant  l'ouverture.  Je  ne  détaillerai 
pas  les  manoeuvres  de  ces  Chenilles  j  parce 
qu'elles  ne  différent  point  de  celles  que  j'ai  dé- 
crites dans  cette  Obfervation. 

Je  viens  de  dire  qiie  j'avois  ouvert  des 
Coques  par  une  de  leurs  extrémités  :  j'eifayai 
d'en  ouvrir  une  aux  deux  bouts  :  je  crus  que 
je  ne  poUvois  trop  Varier  mes  eilais  :  la  Coque 
que  j'avois  traitée  ainfî  n'étoit  plus  qu'une 
forte  de  fourreau.  La  Chenille  qui  s'y  étoit  ren- 
fermée n'entreprit  point  de  ré./arer  les  brèches  : 
elle  fortit  de  fi  Coque  fans  avoir  frit  aucun 
travail.  Je  la  forçai  d'y  rentrer  ;  elle  en  fortit 
pour  la  féconde  fois.  Je  l'obligeai  encore  à  ren- 
trer dans  fon  domicile  ;  &  pour  l'y  retenir , 
j'enfonqai  dans  la  terre  un  des  bouts  de  la 
Coque  :  je  la  plaçai  ainfi  dans  une  lituatioii 
verticale.  Cette  féconde  tentative  fut  auiîi  in- 


â£4       OBSERVATIONS 

fmclueiire  que  la  première  :  la  Chenille  aban- 
donna encore  fon  domici'e,  &  elle  fe  dirpofoit 
à  s'enfoncer  dans  la  terre  ,  lorique  J'imaginai 
de  taire  une  troiileme  tentative.  Je  la  ns-  rentrer 
dans  fa  Coque  ,  &  je  couchai  la  Coque  de  Ion 
long  dans  la  terre ,  de  fac^on  que  les  deux  bouts, 
ouverts  étoient  bouchés  par  la  terre.  Cette  der- 
nière tentative  ne  fut  pas  plus  heureiife  que 
les  précédentes  -,  la  Coque  avoit  été  ians  doute 
trop  maîtraitée  :  la  Chenille  refuia  confl:amment 
d'y  demeurer  c%.  de  la  réparer. 

Quelques-unes  de  mes  Chenilles  que  j'avois 
entièrement  privées  de  terre  ,  parvinrent  à  fe 
faire  de  fort  bonnes  Coques  avec  leurs  excré- 
mens  &  des  portions  de  feuilles ,  qu'elles  lièrent 
les  uns  aux  ancres  au  moyen  d'un  tilfu  fojeux. 
Toutes  fe  transformèrent  enfuite  en  Chryfali- 
des ,  qui  ne  parurent  fous  la  form.e  de  Papillon 
que  dans  les  premiers  jours  de  Juin  T740.  Ce 
fut  environ  fix  femaines  plus  tard  qu'à  l'ordi- 
naire. Ce  retard  remarquable  avoit  été  occa^ 
fioné  par  l'Hiver  fî  long  &  fi  rude  de  cette 
année.  On  connoît  les  curicufes  expériences  par 
lefquelles  M.  de  Reaumur  a  prouvé-,  (-^0  que  la 
durée  de  la  vie.  des  înfedes  eff  toujours  eu 
rapport    avec  le    degré    de    la   température    de 

C)  Mém,  JiL,-  les  Inf,  To.r.e  II,  Mém.  L 


SUR    LÈS  INSECTES,     2gf 

Pair ,  &  qu'on  peut  à  volonté  prolonger  oli 
abréger  la  vie  de  ces  petits  Animaux  ,  en  les 
tenant  dans  un  air  plus  froid  ou  plus  chaud 
que  celui  auquel  ils  ont  coutume  d'être  expofés. 

(g^^==^         ^^^cx^^ '^^"^^ 

OBSERVATION     XXVIL 

Sur  les  Coques  que  diverfes   Chenilles  Je  conjlriii' 
[ent  avec  de  la  terre  Jf?  une  forte  de  colle. 


N  fe  tromperoit  beaucoup  ,  fi  Ton  penfoit 
que  toutes  les  Chenilles  qui  entrent  en  terre  à 
l'approche  de  la  métamorpliofe,  s'y  conftruifcnc 
des  Coques  fur  le  modèle  de  celle  de  la  belle 
Chenille  du  Bouillon-blanc.  Il  en  efr  de  diver- 
fes Efpeces  ,  qui  n'ayant  point  de  foie  :\  met- 
tre en  oeuvre ,  ne  fauroient  her  enfemble  les 
grains  de  terre,  comme  le  pratique  Ç\  habile- 
ment la  Chenille  que  je  viens  de  nommer.  Elles 
ont  été  réduites  à  v^y  employer  qu'une  forte 
de  colle  plus  ou  moins  vifqueufe  ,  &  plus  ou 
moins  abondante.  Les  Coques  conftruites  de  la 
forte ,  n'ont  point  pour  l'ordinaire  le  degré  de 
Solidité  qui  eft  propre  à  celle  de  la  Chenille  du 
Bouillon-blanc.  Elles  ne  fauroient  être  maniées 
fans  fe  rompre ,  &  cèdent  aux  plus  petits  chocs. 
C'eil;  au  moins  ce  que  j'ai  vu  aniver  ie  plus 


n6       OBSERVATIONS 

fouvent.  La  colle  ne  lie  point  auffi  bien  îe^ 
grains  de  terre  que  le  Lit  la  foie  :  d'ailleurs  h 
manière  dont  la  Chenille  emploie  cette  colle  , 
ne  reifemble  point  à  celle  que  pratiquent  les 
Chenilles  qui  ont  de  la  foie  à  leur  difpoiltion. 
J'ai  parlé  ailleurs  (^0  d'une  grande  Chenille , 
que  Ton  attitude  la  plus  ordinaire  a  fliit  nom- 
mer le  Sphinx  :  elle  eft  au  nombre  de  celles  qui 
bâtiffent  avec  de  la  terre  &  une  forte  de  colle. 
Je  commenqai  à  Fobferver  en  Juillet  1737  ,  & 
j'eus  dès-lors  occafion  de  m'inftruire  par  moi- 
même  de  fd  manière  de  bâtir.  La  terre  dont 
j'avois  rempli  en  partie  le  poudrier  dans  lequel 
je  l'avois  renfermée  ,  étoit  très  -  féche  :  tous  les 
grains  en  étoient  friables.  Quand  j'inclinai  le 
vafe  pour  obferver  la  Coque  que  la  Chenille 
étoit  occupée  à  conftruire  ,  je  fus  bien  étonné 
de  trouver  la  terre  auiîi  humedéc  que  fi  l'on  y 
eût  verfé  de  l'eau.  La  Chenille  avoit  donc  ré- 
pandu dans  cette  terre  une  dofe  bien  abondante 
de  fa  liqueur.  Le  mouvement  que  j'avois  occa- 
fioné  en  inclinant  le  vafe  ,  fit  rompre  la  Coque  : 
il  s'y  fit  une  ouverture  fur  un  des  côtés.  J'en 
examinai  avec  foin  le  dehors  &  le  dedans,  Se 
je  m'alfurai  par  cet  examen ,  que  les  grains  de 
terre  n'étoient  liés    les   uns   aux  autres   qu'au 

C)      Obf.      XVe 


SUR    LES   INSECTES.        287 

moyen  de  la  liqueur  vifqueule  dont  ils  avoient 
été  humectés. 

La  conftrudion  des  Coques  de  terre  &  de 
colle',  ell:  donc  quelque  chofe  de  fort  limple ,  & 
qui  ne  fuppofe  pas  autant  de  travail  que  celle 
des  Coques  de  terre  &  de  foie.  Tout  Tart  de 
Fouvriere  paroit  conlifter  à  pratiquer  autour 
d'elle  une  cavité  proportionnée  à  fa  grandeur. 
Si  à  donner  aux  parois  de  cette  cavité  une  cer- 
taine coniiftance.  Pour  y  parvenir ,  elle  humecle 
la  terre  avec  fa  liqueur  ,  &  par  des  battemens 
réitérés  de  fon  corps  ,  elle  lui  fait  prendre  la 
forme  d'une  voûte.  La  même  manœuvre  qui 
produit  la  voûte  ,  en  lie  les  matériaux  &  les 
retient  en  place.  Le  deiféchement  de  la  colle 
fait  le  refte. 

A  rheure  que  j'écris  ceci ,  j'ai  fous  les  yeux 
ii!i  poudrier  plein  à  moitié  de  terre  de  jardin , 
au  fond  de  laquelle  une  de  ces  grandes  Che- 
nilles qui  donnent  le  Papillon  a  tête  de  mort  ^ 
a  conftruit  fa  Coque.  On  reconnoit  manifefte- 
ment ,  que  cette  Coque  n'eft  qu'une  fimple  ca- 
vité en  manière  de  voûte.  Les  parois  du  pou- 
drier forment  un  des  côtés  de  la  cavité ,  &  elles 
ont  confervé  aifez  de  tranfparence  pour  laiiTer 
Voir  la  Chenille.  Cette  cavité  a  deux  pouces  deux 


^88       OBSERVATIONS 

lignes  de  longueur  ^  fur  environ  dix  lignes  ^e 
hauteur  :  là  Forme  dl  donc  celle  d'un  ovale  aiiez 
alongé  i  mais  l'opacité  de  la  terre  ne  permet  pas 
de  juger  bien  des  vraies  dimenlions  de  cette 
Coque.  Avant  que  de  la  coiillruire ,  la  Chenille 
étoit  entrée  en  terre  ,  &  en  étoit  ibrtie  cinq  à  ^ 
fix  fois. 

OBSERVATION    X  X  \n  1 1.     ] 

Sm-  deux  Efpeces  de  Chenilles  qui  fe  confiruij oient 
une  Coque  avec  dijferens  ?norceaiix  de  papier. 


j 


£  ne  décris  pas  la  première 'Erpece  de  ces 
Chenilles  :  M.  de  REAur.fUR  en  a  donné  rHif- 
toire  &  la  Figure  (*J).  Il  n'en  avoit  pas  vu  la 
Chryfalide  ,  &  n'avoit  point  cherché  à  la  voir  j 
il  ne  préfumoit  pas  qu'elle  otîrit  rien  de  Sin- 
gulier. Elle  a  pourtant  une  forme  remarquable. 
On  en  jugera  par  ce  que  je  vais  en  rapporter. 

A  la  fin  de  Septembre  1738  5  on  me  remit 
une  Chenille  de  cette  Eipece  ,  parvenue  à  fon 
pariait  accroiiiement.  Peu  de  jours  après ,  elle  fe 
conftruilit  une  Coque   de  foie ,  d'un  tiifu  aiîez 

(*;  Mé^iu  fur  les  Inf.  Mém.  XIII ,  page  559  ,  PI.  XXXVIf , 
Fig.  II. 

ferré  , 


:SUR  LIS  Jn SECTES,        289 

ferré-,  de  couleur  gris  de  fouris  ,  qu'elle  recou- 
vrit en  partie  des  graines  .d'ortie  dont  elle  fe 
nourrit.  Curieux  de  voir  la  Cbryfalide.,  j'ouvris 
'la  Coque  au  bout  .de  quelque  temps  :  je  mis 
;ain{î  à  découvert  uiieChrvTalide,  dont  la  forme 
afTez  finguiiere  excita  mon  attention.  Elle  étoit 
bien  du  Genre  des  Chiyralides  coniques ,  m.-is 
au  lieu  d'aller  en  dimmuane  par  degrés  inieu- 
iibles  depuis  le  corcelet  juU|u'au  derrière  ,  elle 
confervoit  à -peu -près  le  même  diamètre  juf- 
vqu'au  tixieme  anneau.  Elle  était  donc  à-pcu- 
près  cylindrique  d.uis  toute  cette  partie  de  fon 
corps.  Mais  au  lixienie  anneau  elle  dimiuuoit 
lirufquemcnt  de  diamètre ,  &  formoit  un  cône 
-très-court  dont  la  bafe  étoit  dans  cet  anneau  j 
.&  le  iommet  à  la  queue  de  la  Chryiaiide. 

Je  remarquai  encore  que  les  fix  premiers 
:îmneaux  n'étaient  pas  conformés  à  la  manière 
'Ordinaire:  ils  n'alloient  pas  en  recouvrement 
les  uns  fur  les  autres  j  &  dans  l'endroit  de 
leur  jondiou  ,  on  obfervoit  un  rebord  arrondi, 
qui  avoit  allez  de  relief,  .&  qui  imitoit  fort 
^ien  une  moulure  de  menuiferie.  L'elpace  com- 
pris entre  deux  moulures  itoit  uni,  &  ne  pré- 
fentoit  point  cette  convexité  qui  eft  proprt? 
îuix  anneaux  >  &  qui  les  xaraclérife.  Les  jtrois 
;^2rnicrs  anneaux ,  ou  ceu^x  qui  comporoienl  le 
Toyue  IL  '£  ' 


Î2^90       OBSEVxVATIONS 

petit  cône  dont  j'ai  parlé ,  étoient  au  contraire 
fort  peu  marqués  :  ils  n'avoient  point  le  relief 
des  autres  ,  &  on  dillmguoit  à  peine  leur 
jondion. 

Le  26  Odobre  de  la  même  année ,  je  trou- 
vai  une  autre  Chenille  de  la  même  Efpece, 
qui  au.  bout  de  trois  à  quatre  jours ,  fe  mit  à 
travailler  à  fa  Coque.  Elle  s'étoit  établie  fur  un 
des  côtés  du  poudrier  ,  à-peu-pres  à  la  moitié 
de  fa  hauteur.  Elle  avoit  déjà  commencé  à  re^ 
couvrir  de  feuilles  fon  "petit  édifice ,  iorfque  je 
i^vins  l'obferver.  Je  renverfii  auiîi-tôt  tout  ce 
qu'elle  avoit  fait ,  pour  l'obliger  à  travailler  avec 
du  papier  que  je  coupai  avec  des  cifeaux  par 
petits  morceaux  ,  auxquels  je  donnai  toutes 
fortes  de  figures.  Il  y  en  avoit  d'oblongs  ,  de 
ronds ,  de  quarrés ,  de  triangulaires ,  &  d'autres 
figures  plus  ou  moins  irrégulieres ,  ou  plus  ou 
liioins  bifarres. 

Je  viens  de  dire  ,  que  j'avois  détruit  tout 
F-ouvrage  de  ma  Chenille:  je  dois  ajouter,  qu'il 
étoit  reil:é  fur  les  parois  du  vafe  de  verre  où 
je  Pavois  renfermée  ,  un  efpace  ellyptique  bordé 
&  tapilfé  de  foie  ,  qui  ctoit  le  fondement  de  la 
Coque  que  j'avois  détruite.  Je  m'attendois  à 
voir  ia  Chenille  reprendre  bientôt  fon  travaiU 


SVR    LES  71<^SECTES,       29T 

'car  ie  flivois  qu'en  pareille  circonftance  les  In- 
fectes ne  fe  découragent  pas  facilement.  Cepcn- 
•dant  ma  Chenille  abandonna  la  place  où  elle 
's'étoit  fixée  ,  &  ne  rh^  que  fe  ,promener  dans 
le  vafe  pendant  environ  une  heure.  Elle  revint 
néanmoins  fe  fixer  au  milieu  de  Pefpace  ovale, 
'tapiiîë  de  foie  ,  &  entreprit  d'élever  une  nou- 
^^elle  Coque  fur  les  fondemens  de  l'ancienne» 
IL'ouvrage  étoit  déjà  un  peu  avarice  quand  je 
-revins  l'obferver.  EHe  s'étoit  fervie  des  maté- 
riaux que  je  lui  a  vois  livrés  :  elle  avoit  poië  & 
^arrèté  fur  leur  tranche  piulieurs  des  petits  mor- 
ceaux de  papier  que  j'avois  jettes  au  fond  du 
vaië.  La  hauteur  de  ce  vafe  étoit  d'-enviroii 
■'trois  pouces  ,  &  c'étoit  ,  comme  je  l'ai  dit ,  à 
?îa  moitié  de  cette  hauteur  qu'elle  avoit  d'abord 
^tabh  fon  logemient. 

Elle  occupoi*:  le  milieu  de  -l'efpace  ovale ,  & 
^c'étoit  tout  au^our  d'elle  qu'elle  avoit  arrangé 
les  petits  morceaux  de  papier,  de  manière  qu'i-s 
formoient  une  e^pcce  de  clôcu.c.  Comme  i-s 
'étoient  pofés  &  arrêtés  fur  tranche,  il  me  parut 
■que  la  Chenille  n'avoit  plus  qu'à  les  rappro- 
cher par  le  huut,  à  les  forcer  de  fe  toucher, 
pour  donner  à  ion  petit  édifice  la  forme  d'un 
l^erceau.  Je  ne  jugeai  pas  à  propos  de  la  iaiifir 
fcire  :  je  n'avois  pas  V4ji  comment  elle  s'y  était 


292       OBSERVATIONS 

prife  pour  tranrporter  les  matériaux  depuis  le 
fond  du  poudrier  jufqu'au  lieu  où  elle  s'étoit 
fixée  5  &  je  voulois  le  voir.  J'eus  donc  refpece 
de  cruauté  de  détruire  pour  la  ieconde  fois  fon 
travail  :  j'enlevai  tous  les  morceaux  de  papier , 
à  l'exception  d'un  feul,  qui  étoit  le  plus  grand, 
&  de  forme  triangulaire.  Il  étoit  placé  fur  un 
des  côtés  de  l'efpace  ovale  ,  &  en  occupoit  la 
plus  grande  partie.  Je  laiifai  en  place  ce  mor- 
ceau de  papier,  pour  ne  pas  trop  décourager 
i'induftrieufe  Architecte.  Elle  me  parut  d'abord 
embarralTée  ,  elle  tàtoit  à  droit  &  à  gauche , 
comme  pour  chercher  les  morceaux  de  papier 
que  je  lui  avois  enlevé.  Après  avoir  long-temps 
tâté ,  elle  rencontra  le  morceau  de  papier  trian- 
gulaire 5  qui  occupoit  un  des  grands  côtés  de 
i'efpace  ovale.  Elle  le  faifit  avec  iés  dents  &  Cqs 
premières  jambes ,  &  en  le  tirant  à  elle  ,  elle  le 
forqoit  de  prendre  une  polition  plus  avanta- 
geufe ,  ou  plus  appropriée  au  but  de  fon  tra- 
vail 5  car  lorfque  j'^vois  enlevé  les  autres  mor- 
ceaux de  papier ,  j'avois  fiit  changer  de  pofi- 
tion  à  celui-ci  :  il  étoit  lié  aux  autres  par  des 
fils  de  foie ,  &  on  juge  afîez  que  je  ne  pouvois 
enlever  ces  derniers  ,  fans  déranger  plus  ou 
moins  la  pofition  du  premier.  Après  avoir  donné 
à  ce  morceau  de  papier  la  pofition  la  plus  con- 
venable 5  elle  fe  remit  à  tâter  de  tous  côtés  ?  & 


'fe: 


SUR    LES    INSECTES.      2,93 

ne  découvrant  rien ,  elle  defceiidit  vers  le  fond 
du  vafe  ,  mais  fans  abandonner  entièrement 
rcfpace  ovale ,  dont  le  grand  diamètre  étoit  pa- 
rallèle à  Taxe  du  vafe  :  elle  tenoit  toujours  à 
cet  efpace  par  fa  partie  poftérieure  ou  fes  der- 
nières jambes.  Elle  rencontra  bientôt  un  des 
morceaux  de  papier  qui  étoient  au  fond  du 
vafe  :  elle  s'en  faifît  auilî-tôt  'avec  fes  dents  & 
fes  premières  jambes  ,  à  la  manière  d'un  Ecu- 
reuil. Elle  releva  en  Pair  ,  en  fe  renverfant  en 
arrière  ,  &  en  rapprochant  ainfi  fa  tète  de  fou 
dos  :  elle  remonta  enfuite  à  reculons  vers  Pef. 
pace  ovale ,  mit  en  place  le  morceau  de  papier  , 
le  fixa  contre  les  parois  du  vafe  avec  des  fils, 
de  loie  ,  &  redefcendit  comme  la  première  fois 
vers  le  fond  du  vafe  pour  y  chercher  un  autre 
morceau  de  papier ,  s'en  faifir  &  le  mettre  en 
place  comme  le  premier. 

Je  fuivois  attentivement  toutes,  les  manœu- 
vres de  notre  adroite  &  laborieufe  ouvrière  y 
je  reconnus  facilement  qu'elle  ne  faifoit  point 
un  choix  des  morceaux  de  papier  qui  étoient 
à  fa  portée  :  elle  s'emparoit  du,  premier  qu'elle 
rencontroit  quelle  que  fût  fa  figure ,  &  alloit  auiîî-. 
tôt  le  pofer  à  côté  j.  ou  fort  près  de  ceux  qui 
étoient  déjà  en  place.  Ainfi  elle  pofoit  les  uns 
auprès  des  autres  des  mat;énu.ux  dont  [es..figu- 

T  3 


2:9f       0  B  S  E  K  r  A  T  I  0  K  3 

res  &  les  proportions  n'étoient  point  en  rap^.- 
port ,  ni  entrelles ,  ni  avec  la  p]uee  que  les, 
juateriaux  occunoient  :  par  ex:cmple  ,  un  mor- 
ceau de  papier  quarré-long  occupoit  u>ie  place  <, 
où  un  morceau  de  forme  triangulaire  auroit 
îîiieux  convenu.  Il  en  fut  à-peu-près  de  raèmc' 
des  antres  morceaux  que  h  Chenille  tranfporta 
fucceirivement ,  &  qu'elle  mit  eu  place.  On  fent: 
bien  qu'il  ne  pouvoit  réfuiter  de  tout  cela  qu'un 
ouvrage  afiz  informe ,  «Se  dont  l'extérieur  ne 
reirembloit  qu'imparfaitement  à  une  Coque.  Mais: 
Jk  Chenille  ne  pouvoit  guère  tliire  mieux  :.  elle; 
étoit  forcée  d'employer  des  matériaux,  dont  la 
nature  &  la  forme  différoient  fans,  doute  beau- 
coup de  celle  des  matériaux  qu'elle  auroit  trouvés 
dans  la  campagne.  Et  fi  l'on  demandoit  pour- 
quoi la  Chenille  ne  favoit  pas  foire  un  choix 
entre  les  morceaux  de  papier,  pour  les  adapter 
mieux  aux  différentes  places  qu'ils  dévoient, 
occuper,  je  demanderois  à  mon  tour,  fi  un 
femblable  choix  étoit  bien  fait  pour  une  tète 
d'Infede  ï  Quel  Maqon ,  quel  Menuiiier  conf- 
truirôit  un  ouvrage  propre  &  folide  avec  des 
matériaux  choifîs  &  taillés  par  un  homme  qui 
ignoreroit  p'-ofondément  l'art  du  Maqon  ^  ou 
celui  du  Menuilier  ! 

Lorsque  la  Chenille   eut   raifemblé   autour 


SUR   LES   INSECTES,        S95: 

d'elle  aiTez  de  matériaux  pour  former  renceinte 
de  fou  logement  ,  fon  grand  travail  fut  de 
donner  à  ces  matériaux  le  degré  de  courbure 
qu'exigeoit  la  forte  d'ouvrage  qu'elle  vouloit 
conitruire.  Le  papier  étoit  une  matière  bien 
ingrate ,  &  dont  la  roideur  oppofoit  beaucoup 
de  rédftance  à  la  Chenille  ,  &  d'autant  plus  qii'il 
étoit  coupé  en  morceaux  plus  petits.  Auiîî  fe 
donnoit-elle  des  peines  infinies  pour  forcer  le 
papier  à  plier  fous  fes  doigts.  Qiiand  le  mor- 
ceau qu'elle  attaquoit  étoit  de  forme  triangu- 
laire ,  c'étoit  par  l'angle  oppofé  à  la  bafe  qu'elle 
le  ftiliifoit  avec  fes  dents ,  comme  fî  elle  eût 
connu  cette  régie  de  méchanique,  qui  veut  que 
la  puillltuce  5  pour  agir  avec  plus  d'efficace ,  foit 
le  plus  éloignée  qu'il  eft  poiîîble  du  point  d'ap- 
pui. Si  le  morceau  de  papier  étoit  quadrilatère, 
elle  l'attaquoit  par  un  des  côtés.  Mais  il  arrivoit 
quelquefois  que  les  efforts  que  la  Chenille  fe 
donnoit  pour  courber  un  de  ces  morceaux  de 
papier ,  le  détachoit  de  fa  place  :  alors  elle  pre- 
noit  le  parti  de  le  fixer  de  nouveau  à  la  même 
place  ,  ou  elle  alloit  le  fixer  ailleurs.  Si  elle  ne 
parvenoit  point  à  fe  fitisfaire  par  l'un  ou  l'autre 
de  ces  deux  procédés  ,  elle  lallfoit  là  le  mor- 
ceau de  papier,  &  alloit  en  cherch-er  un  autre. 

Enfin  ,  à  fores  de  p.  tience  ,  de  foins  à  d'iu- 

T  4 


t9^      0  "è  S  Ë  K  r  A-  T  ï  0  K  ^ 

diiftrie ,  notre  Chenille  fe  trouva  en  poiTeffîoît 
é'un  logement  commode.  Elle  n'étoit  pourtant 
pas  parvenue  à"'  donner  aux  matériaux  la  cour^ 
fcure  propre  à  leur  faire  repréfenter  une  Coque  • 
mais  elle'  les  avoit  difpofés^  les  uns  à  côté  des 
autres  ,  &  les  uns  fur  les  autres  ,  de  faqon  qu'ils 
fecouvroient  très-bien  le  tiiTu  foveux  qui  l'en- 
"veUvppoit  immédiatement,  &  qui  étoit  comme 
le  doublage  de  Tédifice.  Je  remarquai  que  c'é- 
toicnt  les  plus  grands  morceaux  de  papier  qui 
©ccupoient  les  grands  cotés  de  l'édifice  •;  les  plus 
petits  étoient  aux  extrémités.  La  Chenille  fut 
trt:s  -  attentive  à  garnir  de  foie  tous:  les  petits 
vuides  que  les  morceaux  de  papier  lahfoient 
ciîrr'Vtix ,  &  que  l'irrégularité  de  leurs  figures 
îendoient  inévitables.  Eîle  épaiilît  &  fortifia  de 
plus,  en  plus  le  tiflu  foyeux  i  &  ce  fut  ainii 
qu'elle  réuiîit  à  donner  une  telle  folidité  à  tout 
]'oavrage  ,  qu'il  réfiftoit  tres-biert  à  une  aifez; 
forte  prefïion  du  doigt.' 

Une  autre  Cheiiille  ,  d'Efpece  très-difTérente  ^ 
m'a  oifert  à-peu-près  les  mêmes  procédés.  Cette 
Cheniuc  n'a  pi- s  été  inconnue  à  M.  de  Reaumur  : 
il  l'a  décrite  &  repréfentée  (*)  ;  mais  il  ne 
s'étoit  pas  attaché  à  la  fuivre  dans  fes  manœu- 

C}  Mém.  fur  les  Inf.  Tome  î,  page  507,  ?og,  PI.  XVIII, 


SVR    LES    INSECTES.      297 

vrcs.  Je  i'ai  vue  fe  conftruire  aiiilî  une  Cvjque 
avec  de  petits  morceaux  de  papier  v  les  traîil^ 
porter,  les  mettre  en  place,  les  y  retenir  d'a- 
bord par  des  fils  de  foie  peu  ferrés  ,  les  y  alTu-^ 
jectir  enfuite  par  des  fîîs  plus  ferrés  &  plus 
jriultipliés ,  &  donner  ainli  à  tout  l'ouvrage  une 
propreté  Se  une  folidité  bien  remarquables.  Les 
ditférens  morceaux  de  papier  qu'elle  alTcmbloit 
avec  tafit  d'induftrie  ,  étoient  même  fi  étroite- 
ment liés  les  uns  aux  autres,  qu'ils  fembloient 
plutôt  unis  avec  une  colle  fine ,  que  liés  avec 
des  fils,  de  foie.  L'aifemblage  étoit  fi  iblide  ,  (i 
parfait ,  que  lorfque  je  voulois  détacher  un  des 
morceaux  de  papier  qui  entroient  dans  la  conf- 
trliclion  de  la  Clique  ,  je  réuiîiiTois  mieux  à  le 
déchirer  ,  qu'à  le  iéparer  des  morceaux  avec  lef- 
quels  il  étoit  lié.  Ma  Chenille  ne  fe  contentoit 
pas  d'aflembier  &  d'unir  fi  proprement  entr'eux 
les  morceaux  de  papier  ;  elle-  ratiifoit  encore 
avec  fes  dents  la  furface  de  plufieurs  :  elle  en 
détaehoit  de  très-petits  fragmens  qu'elle  mèlan- 
geoit  avec  fa  foie  ,  &  dont  elle  garnilfoit  tous 
les  vuides  de  la  Coque.  Elle  remplaça  avec  le 
même  art  un  des  morceaux  de  papier  que 
j'avois  enlevé  à  deifein  ,  &  qui  recouvroit  une 
partie  confidérable  de  la  Coque.  Au  lieu  de  lui 
fubftituer  un  autre  m.orctau  de  papier,  elle  bou- 
cha la  brèche  avec  un  tiifu  de  foie   &  de  frag- 


298       OBSERVATIONS 

inens  de  papier.  Cette  Chenille  eft  la  même  dour 
j'ai  parlé  Obf,  XVIÎ,  &  que  j'avois  vu  dévorei 
fa  dépouille. 

OBSERVATION     XXIX. 

Irrégulm-ités  dans  la  C07ifiru3mi  des  Coqnes  des 
Chenilles^ 

JLl  arrive  quelquefois  que  les  îiifedles  fem- 
blent  commettre  des  méprifes  dans  rexécution 
de  leurs  ouvrages  j  &  ce  fait  bien  remarquable 
eft  un  de  ceux  qu'on  pourroit  alléguer  pour 
prouver  qu'ils  ne  font  pas  de  pures  machines. 
L'Infedlologie  nous  fournit  divers  exemples  de 
ces  méprifes  ou  de  ces  fortes  d'irrégularités, 
qu'on  croiroit  des  méprifes.  Je  n'en  indiquerai 
ici  que  deux ,  qui  m'ont  été  offerts  par  deux 
Chenilles  de  Genres  très-dilférens. 

En  Mars  1741 ,  j'envoyai  à  M.  de  Reaumur 

une  Coque  que  s'étoit  conftruite  une  de  ces 
Chenilles  à  ttiberctdes  ^  qui  donnent  le  Papi'ion 
qu'il  a  nommé  le  moyen  Paon  (*).  La  Coque 
de  cette   Chenille   reiîèmble  parfaitement  pour 

X")  Mém,  fur  les  Inf.  T.  î  ,  Mém.  XIV. 


SUR   LES    INSECTES.       293 

Felientiel  à  celle  de  la  grande  Chenille  du  même 
Genre  :  elle  eft  ,  comme  cette  dernière  ,  façon- 
née en  manière  d'entonnoir  ou  de  nailë  de- 
PoilTbn.  Un  de  fcs  bouts  eft  très^effilé  >  c^eft  le 
bout  ouvert  :  l'autre  eft  gros  &  arrondi.  La 
forme  de  cette  Coque  imite  donc  un  peu  celle 
de  certaines  Poires.  Le  tiiFu  en  eft  ferre  ,  très- 
hiftré  ,  &  d'une  couleur  qui  tire  iur  le  brun.  La 
Coque  dont  je  veux  parler ,  &  que  j'envoyai  à 
M.  de  Reaumur  étoit ,  au  contraire ,  parfaite-* 
ment  ronde ,  &  d'un  blanc  argenté.  On  n'y  dé- 
couvroit  aucune  trace  d'entonnoir ,  &  elle  étoit 
par-tout  exadement  clofe.  La  Chenille  qui  avoit 
conftruit  cette  (înguiiere  toque ,  avoit  fait  un 
long  jeune  avant  que  de  s'y  renfermer.  Ce  jeCnie 
n'avoit  pas  été  volontaire  ;  elle  avoit  manqué 
de  nourriture,; 

Dans  le  même  temps,  je  fis  parvenir  à  notre 
illuftre  Obfervateur  une  Coque  de  Ver-à-foie , 
dans  laquelle  trois  de  ces  Lniééles  s'étoient  ren- 
fermés 5  &  où  ils  avoient  fuhi  heurcufement  la 
métamorphofe  en  Chryfalide  8c  celle  en  Papil- 
lon. Je  difois  dans  ma  Lettre  d'envoi  :  "  Ll  fliu- 
„  droit  voir  fi  les  couches  de  foie  de  cette 
53  Coque  extraordinaire  y  font  multipliées  pro- 
55  portionnellement  au  nombre  des  Vers  qui 
35  ont  concouru  à  la  conftruire.  „ 


300       OBSERVATIONS 

Je  ne  trouve  rien  dans  les  réponfes  de  M.  dr 
ReaUiMUR  qui  foit  relatif  à  ces  deux  Coques. 
Il  étoit  fouvent  Çi  occupé  ,  8c  mes  Lettres  con- 
tenoient  tant  d'articles  différens  ,  qu'il  ne  lut 
étoit  pas  toujours  poffiblc  de  fatisftiire  à  tous. 

OBSERVATION     XXX. 

Sur  une  Chenille   qui  avoit  une  forte  odeur  de 
Funaife  ,   ^  fur  un    Papillon   qui  fentoit  le 


I 


miifc. 


'A  I  parlé  de  deux  Chenilles  qui ,  à  l'approche- 
de  la  métamorphofe  ,  avoient  une  odeur  de 
Rofcs  très-agréable  :  on  icra  moins  furpris ,  fans 
doute  ,  qu'il  y  ait  des  Chenilles  d'une  très-mau^ 
vaife  odeur.  La  Clématis  en  nourrit  une  ,  qui 
roule  fes  feuilles  ,  &  qui  a  une  odeur  de  Fu- 
naife ,  qui  ne  le  cède  point  à  celle  des  Punaifes 
les  plus  odorantes  :  auiîi  Pavois -je  nommée  la 
Funaife.  On  la  trouve  dans  le  mois  d'Août.  Elle 
eft  au-deflbus  de  la  grandeur  médiocre.  Je  n'ai 
eu  ni  fa  Chryfalidc  ,  ni  fon  Papillon  ,  &  je  ne 
trouve  qu'un  mot  fur  fon  hiil:oire  dans  Utie  de 
mes"  Lettres  à  M.  de  REAUMUR,fous  la  date 
du  II  Mars  1741.  Je  lui  avcis  envoyé  cette 
Rouieufe. 


SUR   LES    INSECTES.        301 

Je    lui    envoyai    encore    en    Mai    1741  ,  le 

Papillon  d'une  Chenille  qu'il  avoit  fait  repré- 
fenter  PL  XVI,  Fig.  8  ,  tlu  Tome  I  de  Tes  Mé- 
moires ,  &  qui  a  quelque  relTemblancç  avec  la 
Coiinmine.  J'avois  eu  cette  Chenille  en  Juin  de 
l'année  précédente  ;  elle  s'étoit  conftruite  alors 
une  Coque  pour  s'y  métamorphofer  ,  &  le  Pa- 
pillon en  fortit  au  commencement  d'Août.  Il 
avoit  une  afTez  forte  odeur  de  mufc.  Elle  fe 
feifoit  encore  fentir  dans  la  Coque  <Sc  dans  la 
dépouille. 

OBSERVATION    XXXI. 

Nouvelles  recherches  fur  ces  Ffpeces  de  Faux- 
ftigmates  ,  dont  il  a  été  parlé  dans-  /'  Obferva- 
tïon  XV. 

-Il  a  n  d  I  s  que  je  m'occupois  de  la  compo- 
fition  de  cet  écrit ,  le  hafard  m'a  fait  tomber 
entre  les  mains  deux  de  ces  grandes  Chenilles 
dont  j'ai  fait  mention  dans  l'Obfervation  XV , 
&:  fur  lefquelles  j'avois  découvert  ces  petites 
cicatrices  en  manière  de  taches  ,  que  j'ai  nom- 
mées des  Faiix-ftigmates.  Je  n'ai  pns  manqué  de 
profiter  de  cette  occafion  de  vérifier  les  Obfeti- 
yatioiu  que  j'avois  faites  trente-fix  ans  aupaja- 


$0^      V'B^ËnVATION^ 

Vant  fur  ces  Faiix-Jligmates.  J'ai  donc  eiï  k 
plaifir  de  les  revoir  au  bout  d'un  (î  long  incer- 
Valle  de  temps ,  même  ians  le  fecours  d'un 
verre ,  <k  malgré  ParFoibliiîement  fi  confidérable 
de  ma  vue  &  Pextrème  petitefre  de  ces  parties^ 
Voici  le  précis  de  mes  nouvelles  recherches. 

Ces  Fiinx-fligniates  [  Fi  IV,  Fig.  i.  t.]  font  fi 
petits,  fi  peu  appareils,  qu'iis  ne  fauroient  ècre 
apperqus  à  la  vue  fimple  ,  au  moins  dans  les 
Chenilles  dont  il  s\igit ,  que  par  ceu^e  qui  cher* 
cheront  à  les  voir ,  &  dont  les  yeux  feront  faits 
pour  CCS  fortes  d'objets.  Auiîî  ne  iuis-je  point 
éconné  qu'ils  n'euiiènt  pas  été  apperqus  par  les 
Katuraiiil-es  qui  m'av oient  précédé. 

Ils  ibnt  placés  environ  trois  quarts  de  ligne 
au-deifus  des  vrais  ftigmates  [*S].  Mais  je  ferai 
remarquer  ici,  que  le  faux-ltigmate  qui  corref- 
pond  au  dernier  des  vrais  (Hgmates,  en  eft  un 
peu  plus  diifant  que  les  autres  ne  le  font  de 
leurs  (tigmates  correfpondans.  ^ 

J'ai  dit  qu'il  y  avoir  un  de  ces  faux- ftig* 
mates  au-deiTus  de  chacun  des  vrais  ftigmates: 
mais  en  obf^rvant  avec  plus  d'attention  ,  j'ai 
douté  s'il  y  avoit  un  faux-ftigmate  au-defflis  du 
premier  des  vrais  ^  car  quelque  peine  que  j'aie 


SUR   LES  INSECTES,        %o^ 

pnTe  pour  le  découvrir  ,  je  n'ai  pu  en  venir  à 
bout.  C'a  toujours  été  inutilement  que  je  fuis 
revenu  à  l'y  chercher  :  je  n'ai  rien  pu  y  apper- 
cevoir  qui  eut  bien  l'air  d'un  faux-iHgmate. 

Ces  fcuix-ftigmates  obfervés  avec  une  loupe 
d'un  afiez  court  foyer  &  beaucoup  pkis  forte 
que  celle  que  j'avois  employés  dans  mes  pre- 
mières Obfervations ,  m'ont  bien  paru  de  form^ 
e-lyptique ,  &  comme  une  cicatrice  imprimée 
en  creux  dans  la  peau  de  l'Infecte.  Je  ne  m'en 
fuis  pourtant  pas  fié  à  mes  propres  yeux ,  quoi- 
qu'ils foient  encore  aiTez  bons  pour  me  les  faire 
appercevoir  diftindement  fans  le  feeours  des 
verres  ,  &  qu'ils  découvrent  même  des  objets 
bien  plus  petits  ,  tels  ,  par  exemple  ,  que  ces 
glandules  fî  petites  dont  la  furface  inférieure 
des  feuilles  de  la  Sauge  eft  parfemée  :  comme 
J'avois  le  bonheur  de  poiîeder  chez  moi  un 
habile  Peintre  (*)  en  miniature ,  doué  de  la 
plus  excellente  vue ,  je  lui  ai  montré  nos  faux- 
ftigmates  ,  &  nous  les  avons  obfervés  enfem- 
ble  ,  foit  à  la  vue  iîmple  ,  foit  à  la  loupe.  Il  a  vu 
précifément  les  mêmes  chofes  que  moi  ;  mais 
il  a  apperqu  le  premier  un  poil  [  PL  IV ^  Fig,  1 1.  ] 

(*)  iM.  Henri  Plotz  ,  de  Pinxcmberg  dans  le  Holftein^ 
qui  joint  à  une  ame  lenfible  &  vertueufe,  les  plus  rares  talens 
i?oui  le  Deffin  ik  la  Peinture ,  foit  en  miniature ,  foit  en  éaiùL 


304       OBSERVATIONS 

d'un  brun  noir  ,  un  peu  recourbe  ,  qui  partoît 
du  faux-lîigmate.  Au  centre  de  ce  dernier  nous 
avons  diitingué  une  très-petite  ouverture.  L'Ar- 
tifte  a  deiriiié  iiir-le-champ  ce  qu'il  voyoit,  & 
fes  dcillns  iont  d'une  grande  perfedion. 

Assez  peu  de  temps  après  ,  on  m'a  remis 
deux  de  ces  grandes  Chenilles  qui  fe  métiuiior- 
phofbnt  dans  ce  Papillon  llngulier  qui  a  été 
nommé  û  tète  de  mort ,  &  dont  j'ai  parlé  dans 
i'Obfervation  XVI.  J'ai  cherché  auiu-tôt  fur 
leur  extérieur  ces  faux-ftigmates  qui  ven oient 
de  m'occuper.  J'ai  cru  d'abord  en  appercevoir 
quelques-uns  à  la  vue  fimple  :  au  moins  ai-je 
uppercu  une  très-petite  tache  au-deiTus  de  quel- 
ques-uns des  vrais  lligmates ,  &  dont  la  poiitioii 
paroilîbit  lemblable  à  celle  de  ces  faux-ftigmatcs 
que  jcscherchois  à  voir. 

Je  me  fuis  armé  d'une  aflez  forte  loupe,  & 
ayant  obfervé  très  -  attentivement  ces  petites 
taches ,  leur  apparence  m'a  pai'u  reiîèmbler  moins 
à  celle  des  faux-ftigmates.  Je  ifai  pu  y  décou- 
vrir la  très -petite  ouverture  que  j'avois  vue 
dans  les  faux-ftigmates.  Seulement  ai-je  apperqu 
un  petit  poil  qui  ibrtoit  du  milieu  d'une  de 
ces  taches.  Les  yeux  perçans  de  mou  Artiftc 
n'ont  rien  découvert  de  plus- 


^UR    LIS    INSECTES.        3of 

Je  n'ai  pu  parvenir  à  appercevoir  de  c:s 
ttaches  au-deiTus  de  tous  les  vrais  ftigniates  : 
celles  n'étoient  vifibles  qu'au-deiTus  de  quelques- 
•uns.  Mais  ce  qui  achevé  de  rendre  probable  que 
les  taches  en  queftion  n'étoie^it  pas  pré::ifénie:;t 
•de  la  même  nature  ,  que  celles  auxquelles  j'ai 
.donné  le  nom  de  Faiix-jtigmiUes  ^  c'eft  qu'oa 
n'en  appercevoit  point  au-delFus  dis  deux  der- 
niers ftigmates  ou  des  ftigmates  pollérieurs.  Or, 
j'ai  remarqué  ci-delTus,  que  les  niux  -  ftigmates 
poftérieurs  font  les  plus  apparens  de  tous  j  & 
ils  auroient  dû  l'être  fur-tout  dars  la  Chenille 
où  je  les  cherchois,  parce  que  fa  peau  eft  très- 
oinie  à  cet  endroit,  &  qu'elle  y  eft  encore  d'uae 
couleur  jaune  très -uniforme.  D'ailleurs  ,  elle 
>étoit  une  des  plus  grandes  Chenilles  que  j'cu;ie~ 
encore  vues.  Elle  avoic  quatre  pouces  de  lon- 
gueur quand  elle  s'étendoit  ,  &  Hi  cuxonférence 
^toit  de  deux  pouces  deux  Hgnes.  Elle  pefoit 
lin  peu  plus  de  demi-once. 

Au  refte ,  ce  n'eft  pas  feulement  fur  la  Che- 
nille que  j'ai  apperqu  ces  efj^eces  de  faux-lng- 
mates  dont  il  s'agit  \  je  les  ai  découverts  encore 
fur  le  Papillon-,  comme  on  peut  le  voir  dms 
une  Lettre  que  j'écrivis  à  M.  de  EjeaUxIIUR  le 
23  de  Juin  1742  ,  &  que  j'avois  inférée  dans 
Tome  IL  "^'^ 


30(^       OBSERVATION  S 

un   Mémoire  fur   la  rerpiration   des   Chenilles, 
Tome  V  des  Savans  Etrangers  (i),  page  297. 

1^'^ --^Z^^'-^ — ^._.--^-g^ 

OBSERVATION     XXXII. 

S/fr  mi  grand  vaiffemi  couché  le  lon^  du  ventre , 
qtCon  a  cr^i  appercevoir  dans  quelques  Chenilles. 


N  connoit  ce  long  vailfeau  CGUché  le  long 
du  dos  des  Chenilles ,  &  qui  paroit  faire  chez 
ces  Infedes  les  fondions  de  cœur.  Il  a  des  mou- 
vemens  alternatifs  de  fyftole  &  de  dyaftole  ,  de 
contradion  &  de  dilatation  ,  qui  font  extrême- 
ment fenfibles  dans  les  Chenilles  rafes  ,  dont  la 
peau  a  de  la  tranfparence.  Ce  vaiiTeau  eft  uni- 
que :  fon  diamètre  eft  allez  égal  dans  la  plus 
grande  partie  de  fon  étendue  ,  mais  près  du 
derrière  &  à  la  bafe  de  la  corne  chez  les  Che- 
îiilles  qui  en  font  pourvues  ,  il  paroît  un  peu 
plus  large  qu'ailleurs ,  &  fes  battemens  y  font 
plus  apparens.  Il  diminue  fenfiblement  de  dia- 
mètre près  de  la  tète.  On  Pa  nommé  la  grande 
artère  ^  &  ce  nom  paroît  lui  convenir  mieux 
que    celui   de    cœur.  On    ne    découvre    aucune 

(1)  Mémoires    de  Mathématique    £f/    de   Phr/Ique    préfentés  à 
t   '^Acndêmie  Royale  des  Sciences  ^  far  divers  Savans ,  c9'  ^«^  ^^''^ 
,^es  ajfemhlies,  Paris ,  1768, 


SUR    LES    INSECTES.       $07 

xîimificatioîi  à  cette  grande  artère ,  quelque  loin 
qu'on  fe  donne  pour  les  trouver,  La  liqutui* 
que  ce  valifeau  lait  circuler  ,  oc  qui  tient  lieii 
de  fang  à  l'Infede  ,  eft  limpide  &  prefque  l;ins 
couleur.  On  ne  découvre  pas  même  comment 
elle  eft  apportée  dans  le  vailieaa.  On  voit  iëu- 
iement  que  le. principe  de  la  circulation  eft  vers 
îe  derrière-,  à  Pendroit  où  l'artère  a  le  plus  de 
diamètre  -,  car  la  liqueur  paroit  maniieftemeut 
chaifée  du  derrière  vers  la  tète. 

Cette  grande  artère  n'eft  point  propre  aux 
Chenilles:  elle  eft  commune  à  quantité  d'Inrec- 
tcs  de  clalies  différentes.  On  la  voit  toujours 
très -bien  chez  ceux  dont  le  corps  eft  long  8c 
ïin  peu  tranfparcnt.  Elle  eft  facilement  recon- 
nciifable  par  fes  mouvemens  alternatifs  de  con- 
trai dlion  &  de  dilatation.  Elle  offre  un  grand 
fpcdacle  chez  les  Vers-de-terre  &  chez  ces  Vers 
d'eau  douce,  que  j'ai  multipliés  en  les  coupant 
par  morceaux.  Je  l'ai  décrite  dans  mon  premier 
ouvrage.  (*) 

Une  maitreiTe  artère  femble  fuppofer  une 
rnaîtr€ffe  vciiie  j  &  l'on  ne  trouve  point  de  mai- 
treile  veine  dans  les  Chenilles  :  au  moiiiS  ii>' 
dccouvre-t-ou  rien  qui  puiife  être  regardé  uve^s 

C)  Traité  iClnfcclologk.^ui.  II,  Obf.  IL 

V  1^ 


308        OBSERVATIONS 

certitude  comme  le  principal  tronc  des  veines- 
Je  ne  fais  pourtant  s'il  eft  bien  fur  quïl  n^  ait 
point  à  roppodte  de  la  grande  artère ,  &  le  long 
du  ventre  ,  lui  grand  vaiiieau  parallèle  à  cette 
artère.  M.  de  Reaumuk  femble  l'avoir  apperqu  : 
c^eft  du  moins  ce  qu'on  peut  inférer  d'un  en- 
droit de  fes  Mémoires  (*).  "  Si  on  ne  voit  pas , 
„  dit-il,  les  artères  de  nos  Chenilles  ,  que  leur 
33  mouvement  pourroit  rendre  fenfibles ,  on  doit 
33  encore  moins  efpérer  d'y  voir  les  veines.  Je 
53  ne  fais  néanmoins  fi  on  ne  doit  pas  prendre 
55  pour  le  principal  tronc  des  veines ,  un  vaif- 
,3  fcau  conGdérablc  qui  eft  en-deilcus ,  &  tout 
55  du  long  de  l'eftomac  &  des  inteftins.  ,3 

Les  faulfes -Chenilles  ont  bien  des  rapports 
avec  les  Chenilles  j  &  lî  on  leur  découvroit ,  du 
côté  du  ventre  ,  un  long  ViiiiTeau  parallèle  à  la 
grande  artère ,  ce  feroit  une  nouvelle  raifon  de 
foupconner  un  femblable  vaiiieau  dans  les  Che- 
nilles. Or,  M.  de  Reaumur  lui-même  ne  nous 
permet  pas  de  révoquer  en  doute  l'exiftence  de 
ce  vaiiîeau  dans  une  Efpece  de  faulTe-Cheniile 
qui  vit  fur  le  Rofier,  &  qui  fe  transforme  dans 
cette  Mouche  pourvue  d'une  fcie  Ci  admirable, 
au  moyen  de  laquelle  elle  pratique  dans  les 
franches  de  l'Arbrilfeau  des  logettes  à  fes  œufs» 

(^)  Tome  I,  pa^e  16^, 


SUR  LES    INSECTES.        309 

^^  En  deifous  ,  tout  du  long  du  ventre  ,  dit 
33  notre  Obrervateiir  (*) ,  on  apperqoit  un  vaif- 
„  feau  femblabie  à  celui  qui  règne  le  long  du 
„  dos  ,  &  que  nous  avons  regardé  comme  le 
35  cœur  des  Chenilles ,  &  de  bien  d'autres  In^ 
35  fecles  ,  ou  au  moins  comme  leur  principale 
33  artère.  Le  vailfeau  qui  paroit  fous  le  ventre 
33  de  notre  fauire-Chenilîe  ,  a  un  mouvement  » 
33  mais  qui  femble  plus  lent  &  plus  foible  que 
33  celui  de  l'autre.  Eft-ce  que  ce  vaiiieau  feroit 
33  le  principal  tronc  des  veines  ?  ,.3 

Je  ne  prononcerai  pas  fur  l'exiftence  de  ce 
vaiiieau  dans  les  Chenilles  >  mais  je  dirai , 
qu'ayant  obfervé  bien  des  fois  &  en  divers 
temps  ,  le  deifous  du  ventre  de  quelques  Che^ 
iiilles  de  la  première  grandeur ,  j'ai  cru  y  apper- 
eevoir  au  travers  de  la  peau  ,  des  indices  plus 
ou  moins  apparens  d'un  long  vailîbau  qui  cou- 
roit  parallèlement  à  la  grande  artère.  Souvent 
j'ai  fixé  mes  regards  fur  des  portions  de  ce 
vaiifeau  plus  apparentes  que  les  autres  5  je  les 
ai  confidérées  très-att;entivement  pour  m'aifurer 
de  leur  véritable  nature  ,  &  pour  l'avoir  Ci  je 
n'y  découvrirois  point  de  légers  battemciis  j 
mais  quelques  foins  &  que^qu'attention  quj  j'aie 
apporté  à  cette   recherche ,  je  n'ai  jamaisL  pu 

(*)  Tome  V ,  page  105. 

V3- 


5T0       OBSERVATIONS 

réufllr  à  appercevoir  le  moindre  mouvenTerrr 
dans  ce  qui  s'ofFroit  à  mes  yeux ,  fous  l'appa- 
rence cFun  vaifleau  longitudinal.  Il  m'eû  bien 
arrivé  quelquefois,  de  croire  y  entrevoir  à\h 
mouvement  :  je  redoublois  alors  d'attention  ,  &' 
je  m'ailurois  toujours  que  ce  mouvement  tenoit 
à  celui  de  la  Chenille  y.  ou  à  certains  mouve- 
mens  mtelHns  occaiîonés.  dans,  les  parties, 
voiiines. 

J'ai  fait  mention  dans  l'Qbfervation  XV 
d'une  grande  Chenille  rafe  différente  du  Sphinx^ 
dont  je  parlois  dans  la  même  Obfervation ,  & 
fîir  laquelle  le  grand  vailfeau  en  queftion  eri: 
extrêmement  fenfible.  Je  ne  connois  aucune 
Chenille  où  il  le  foit  davantage.  On  n'a  qu'à  la 
regarder  du  côté  du  ventre  pour  appercevoir 
aufîi-tôt  un  trait  brun  bien  continu  &  biea 
terminé  ,  qu'on  fuit  facilement ,  lans  le  fecours 
d'un  verre  ,  depuis  le  derrière  jufques  vers  la 
dernière  paire  d.es  jambes  écailleufes.  Je  l'ai  fait 
repréfenter  dans  la  Fic^ure  II  de  la  Flanche  V. 
[^v  V  V.'].  Cette  Figure  eft  très-exade  ,  &  rend 
au  mieux  Tobjet.  Qiiand  le  fang  ne  fe  meut 
pas  dans  la  grande  artère ,  &  il  eft  des  moyens  de 
fu [pendre  fon  mouvement ,  comme  on  le  verra 
ailleurs  ,  ce  vaiifeau  a  précifément  la  même 
apparence  que  celui  de  la  Figure  que  je  viens 


SUR   LES    INSECTES,        31Ï 

d'indiquer.  On  ne  voit  plus  alors  qu'un  grand 
trait  brun  ,  dont  la  largeur  eft  par-tout  à-peu-pres 
égale.  Si  donc  le  trait  analogue  que  j'ai  obfervé 
du  côté  du  ventre  ,  offre  précifément  les  mêmes 
apparences,  n'elt-on  pas  fondé  à  en  inférer, 
que  c'eR  plutôt  un  maître  vaiiïëau  qu'un  iimple 
trait  ou  une  pure  coloration  de  la  peau? 

Si  Ton  venoit  jamais  à  appercevoir  dans  ce 
trait  quelque  mouvement ,  qu'on  pût  s'alTurer 
lui  être  propre  ,  la  queftion  feroit  décidée.  Je 
l'ai  confidéré  fouvent  avec  toute  l'attention 
dont  je  fuis  capable  s  j'ai  tenu  mes  yeux  fixés 
fur  différentes  portions  de  ce  trait  ;  &  ces  yeux , 
qui  à  riieure  que  j'écris  ceci  (i) ,  apperqoivent 

(i)  Le  9  d'Odobre  1776.  Je  fais  ici  cette  remarque,  parce 
que  bien  tJes  gens  dans  les  pnys  étrangers  ,  qui  avoient  lu  ce 
que  j'ai  dit  dans  quelques-uns  de  mes  écrits  de  l'état  de  mes 
■yeux,  ont  cru  que  j'étois  aveui^le.  Je  ne  le  fuis  point,  quoi- 
que j'aie  fait  dans  ma  jeuneiTc  tout  ce  qu'il  falloit  peur  le 
devenir.  Je  découvre  encore  jnfqu'aux  traits  les  plus  fins  & 
9UX  plus  petits  points  des  admirables  Planches  de  la  Cheiiilk 
du  célèbre  Lyonet.  Je  dccouvie  mê.re  des  objets  plus  diffi- 
•ciles  à  app-cicevoir  i  je  vois  à  la  vue  fimple  les  finieufes  an- 
guilles du  bled  Rc'.chitique ,  quoique  delféchées  ,  &  les  points 
ou  ftigmatts  da  Tcenia^  dont  la  petiteffe  furpaffe  celle  de  ces 
anguilles.  Je  pourrois  citer  à  ce  lujet-de  bons  témoignages, 
s'il  en  étoit  befoiu.  Dans  ce  moment  même,  j'ai  fous  les  yeux 
une  Puce  ;  je  vois  à  Pœil  nud  les  poils  de  fes  dernières  jam- 
bes j  je  les  compte,  &  mon  Deifinateur,  qui  a  la  vue  excel- 
lente, ne  jieut  les  compter  ;  iï  vient  de  prendre  une  luape  ^ 


sr2     observation:  s 

encore  les  p^us  petits  objets  que  la  mcillcurr 
vus  peut  découvrir  £ms  le  fecoars  des  verres  j,. 
CCS  yeux ,  dis  -  je  ,  n'ont  pu  découvrir  aucurt 
niouvemeiit  dans  aucune  des  parties  du  trait. 

ÀJl  refte ,  j'avois  déjà  apperqu  ce  vaiiTeai^ 
daiis  de  grandes  Chenilles  dès  Tannée  1740,. 
&  Yen  parle  dans  mon  Journal  à  i'occadon  de* 
celui  de  la  fauiie-Cheniîle  du  Rofler. 

Sz  il  recoTinoit-  que  le  nombre  des  poiis  en  vue  efl  bfeii  le" 
Tîiéine  qne  j'ai  npperqu.  Mais  ii  eft  vrai ,  que  je  ne  faurois- 
Bxer  quelques  momens  mes  yeux  fur  un  petit  objet  fans  éproii-- 
Ver  une  fatigue  plus^  ou  moins  (iouloiircufe.  Mes  yeux  man- 
quent d-onc  de  force  ,  &-  ils  fenteit  les  variations  de  l'atmof- 
phere.  Je  ne  puis  non  plus  lire  ou  écrire  moi-même  fans 
éprouver  bientôt  un  fentîoîcnt  plus  ou  moins  pénible  v&  l'on' 
fait  que  piefque  tous  les  écrits  que  j\ii  compK)fés  depuis  J744, 
ont  cré  diftes  les  uns  en  entier ,  les  autres  en  partie.  ,yen  dis^ 
autant  des  Lettres  que  j'ai  écrites  dans  Tétranger  ,  parmi  lef- 
<|iielles  il  en  eft  qwi  font  de  petite  volumes. 


0'% 


SUR   LES   INSECTES.         ^ij 

^^^..^^^ ,^^^^ _^,^^^^ 

OBSERVATION     XXXIIL 

Sur  la  grande  Fauffe-Chenille  de  l'Ofièr  ,   &   en 
particulier^ 

Stir  la  confiru&ion  de  fa  Coque.  Coque  remar- 
quable que  fe  fie  un  Ver  mangeur  de  la 
Faujfe- Chenille, 


L 


E  nom  de  Faujfes-Chenilles  paroît  convenii: 
pariaitement  à  des  Infectes  qui  reflembîent  beau- 
coup aux  Chenilles  par  leur  forme  ,  par  leur 
flrudure  &  par  leurs  inclinations ,  &  qui  n'en 
différent  principalement  que  par  le  nombre  de 
leurs  jambes  membraneufes.  Les  Clienilles  qui 
ont  le  plus  de  jambes  membraneufes  en  ont 
dix  :  celles  qui  en  ont  le  moins  n'en  ont  que 
quatre.  Toute  Chenille  doit  devenir  Papillon  : 
on  connoît  en  général  les  caractères  cîaiîiques» 
des  Papillons  :  on  connoît  auiîi  ceux  des  Mou- 
ches. La  Fauife-Chenille  devient  une  Mouche 
à  quatres  aiics  (*)  ,  très-aifée  à  diftinguer  du 
commun  des  Mouches  par  ceux  même  qui  ne 
font  pas  Oblcrvateiirs.  Elle  a  un  air  alfez  lourd  j 
elle  eft  peu  farouche  &  porte  fes  ailes  croifces 
fur  le  corps.  Le  tnV\x  de  fes  ailes  n'ell;  pas  auffî 

C)  Itlém.  fur  les  Inf.  Tom.  V,  PI.  X,  Fig.^tf  &  7- 


3X4       OBSERVATIONS 

lilTe  que  celui  des  ailes  des  autres  Mouches  : 
il  fembîe  un  peu  chifonné.  Je  ne  parle  que  de 
la  Mouche  femelle.  Elle  eft  devenue  célèbre 
depuis  que  deux  grands  Obfervatcurs  ('^)  lui 
ont  donné  l'attention  qu'elle  méritoit.  Ce  font 
eux  qui  nous  ont  fait  connoitre  cette  doublç 
fcie  (^~*)  d'une  {]:rue1:ure  Ci  admirable ,  au  moyen 
de  laquelle  l'indullrieufe  Mouche  pratique  dans 
les  branches  de  petites  loges  pour  fes  œui^  (^'*'^). 

Les  FaulTes-Chenilles  ne  diilcrent  pas  des 
Chenilles  uniquement  par  le  nombre  des  jam- 
bes ;  elles  en  diiï^érent  encore  par  la  forme 
de  la  tète  qui  eft  plus  arrondie ,  &  par  celle 
du  corps ,  qui  eft  plus  applati  fur  les  côtés  8c 
plus  relevé  fur  le  dos.  Je  me  borne  à  ces  traits 
généraux  :  je  ne  fais  pas  l'hiftoire  des  FaulTes- 
Chenilles  :  je  ne  veux  que  rapporter  les  Obfer- 
vations  que  j'ai  eu  occalion  de  faire  fur  ces 
•Infedes.  Elles  me  donneront  lieu  d'entrer  un 
peu  plus  dans  le  détail  fur  ce  qui  concerne  leur 
ftrudure. 

Ce  fut  en  Juillet  1738  ?  que  je  commençai 
à  obierver  les  Fauifes-Chcniiles.  La  première 
Efpece  qui  s'oifrit  à  mes  recherches ,  &  celle  à 

O  Vallîsnilri  &  Reaumur. 

C*)   IbiiL  PI.  XV,  Fig.   10,  II,    12,  15,  14. 

C^^O  Ibkl,  Pl>  XV  ,  Fig,  I  ,  s. 


SUR    LES   INSECTES,       3Tf 

laquelle  je  donnai  le  plus  d'attention  ,  eft  une 
grande  Efpeee  qui  vit  fur  l'Oiler.  On  ne  la 
trouve  poin^'t  dans  les  Mémoires  de  M.  de  Reau- 
MUR.  Elle  a  environ  dix-huit  lignes  de  lon- 
gueur lorfqu'elle  eft  étendue ,  &  elle  eft  grofle 
à  proportion.  C'eft  là  une  grande  taille  pour 
des  Fauilës-Cheniiles  ;  car  parmi  ces  Infedes 
on  ne  connoit  aucune  Efpecê  dont  la  taille  ap- 
proehe  de   celle  des  plus  grandes  Chenilles. 

J'ai  fous  les  yeux  mon  Journal  ,  &  je  ne 
ferai  guère  que  le  tranfcrire.  Lorfque  j'y  confia 
gîiois  mes  Obfervations  fur  la  grande  Faulfe- 
Chenille  de  l'Ofier  ,  le  Mémoire  de  M.  de 
Reaumur  fur  ce  genre  d'Infede  n'avoit  point 
encore  paru.  Ce  que  je  voyois  étoit  donc  tout 
nouveaiu  pour  moi ,  &  je  n'avois  été  préparé 
à  le  voir   par  aucune  ledure  préliminaire. 

Notre  Fauffe  -  Chenille  de  l'Oder  a  vingt- 
deux  jambes.  Les  membraneufcs  font  dépour- 
vues de  crochets  :  les  écailleufes  font  par  con- 
tre armées  d'une  petite  griife  noire  fort  aigué  , 
qui  fert  bien  la  Fauife-Chenille  &  lui  aide 
merveilieufemcnt  à  fe  cramponner.  Tout  le  corps 
de  l'Infccle  ell  jaune  ,  excepté  fur  le  dos  où 
règne  une  raye  d'un  beau  bien.  Il  eft  diviié 
tranfvcrfalcmcnt  par  une  multitude  de  rides  ou 


316-       0BSERVATI0  2\'S 

de  plis  circulaires  ,  parallèles  les  uns  aux  au- 
tres ,  &  qu'on  diroit  être  autant  d'anneaux.  Les 
vrais  anneaux  ne  font  point  du  tout  npparens. 
Les  ftigniates  font  noirs  ,  &  leur  nombre  égale 
celui  des  ftigmates  des  Chenilles.  Une  infinité 
de  très-petites  éminences  ,  en  forme  de  gaHes , 
font  dilféminées  dans  la  ligne  des  ftigniates  ,  & 
font  fur  le  doigt  la  même  imprefîîon  que  le  cha- 
grin. La  tète  eft  très-arrondie ,  on  n'y  voit 
point  comme  dans  celle  des  Chenilles  la  fcpa- 
ration  des  deux  calotes  écaiileufesi  Le  crâne 
eft  d'une  feule  pièce.  De  chaque  côté  on  ap- 
perqoit  un  point  noir ,  qui  paroit  un  véritable 
oeil  :  fa  forme  eft  fphérique   ou  à-peu-près. 

L'attitude  la  plus  ordinaire  de  cette  Faufle- 
Chenille  a  de  quoi  frapper  ceux  qui  n'ont  pas  ob- 
fervé  ce  Genre  d'Lafècles.  Elle  fe  tient  roulée  lur 
elle-même  ,  de  manière  que  fa  tête  appuie  fur  fou 
derrière  ,  &  que  les  jambes  écailleufes  le  faiffiflent 
fi  fortement,  que  leur  griife  fe  fiche  dans  la  peau, 
fans  néanmoiJis  que  PLafecte  paroiile  en  fourfrir. 
Si  Ton  tente  de  le  dérouler  ,  on  fentira  de  la 
réfiftance  ,  &  il  laut  faire  un  certain  effort  pour 
la  vaincre  ;  alors  il  fera  fortir  de  différents 
points  de  fon  corps  des  gouttelettes  d'une 
liqueur  limpide  qu'il  lancera  allez  loin.  Cette 
liqueur  n'eft  poi.;:t  de  nature  à  faire  élever  des 
ampoules   iur  la  pea.u.  Li   m'eft   fouvent  arrivé 


SUR    LES   INSECTES!.       317 

Û'en  recevoir  fur  le  vifage ,  &  jamais  je  n'en  ai 
éprouvé  aucun  mal.  Il  ell:  fort  ordinaire  de 
trouver  cette  Faulfe-Chenille  cramponnée  à  une 
menue  branche  d'Oficr  ;  &  la  manière  dont  elle 
y  eft  cramponnée  eit  encore  remarquable.  Elle 
€\k  roulée  autour  de  la  branche  comme  autour 
d'un  axe  :  la  branche  occupe  ainfi  le  centre  du 
rouleau.  Si  Ton  entreprend  de  détacher  de  la 
branche  la  Faufîe-Cheniile ,  il  faudra  ufer  de 
violence  &  Ten  arracher. 

GoEDAERT  a  connu  notre  FauiTe-ChemlIe  ,  8c 
la  repréfentée  N^  77  de  fon  Livre,  lî  en  parle 
comme  de  Plnfecle  le  plus  admirable  qu'il  eut 
obfervé.  Ce  qui  l'avoit  le  plus  frappé  dans  cette 
FaulTe-Chenille ,  c'étoient  la  fobrieté ,  fon  im- 
mobilité &  fi  je  puis  parler  ainfi  ,  fon  immuta- 
bilité. Il  affure  avoir  confervé  un  de  ces  In- 
fectes viv;;ins  pendant  deux  ans  &  viilgt-quatre 
jours ,  fans  lui  avoir  vu  prendre  aucune  nour- 
riture ni  l'avoir  vu  changer  de  place.  Il  ajoute , 
qu'il  n'y  obferva  aucun  changement  à  l'excep- 
tion d'une  diminution  fenfible  de  taille.  Je  ne 
fais  ce  qu'on  doit  penfer  de  ce  récit  de  GoE- 
DAERT  :  je  fais  mieux  ce  qu'on  doit  penfer  de 
l'Auteur.  Il  n'étoit  point  Oblérvateur  :  il  n'étoit 
que  Peintre  dlnfedes  ;  &  îe  célèbre  LiSTER 
lui  fit  beaucoup  d'honneur  en  commentant  fon 


3ï8       OBSERVATIONS 

livre.  Je  ne  iTi'infcrirai  pourtant  pas  en  faux  aU 
fiijet  de  rOblervation  de  Goedaert  :  il  n  étoit 
pas  befoin  d'être  grand  Obfervateur ,  pour  s'af- 
fiirer  fi  un  Infedle  de  ce  genre  vivoit  ou  ne 
vivoit  pas  :  mais  je  puis  dire  ,  que  parmi  les 
Fauires-Chenilles  de  cette  grande  Efpece  que 
j'ai  eues  en  ma  poiTelîion  ,  &  j'en  ai  eu  un 
affez  bon  nombre  ,  je  n'en  ai  rencontré  aucune 
qui  m'ait  rien  offert  de  femblable  à  ce  que  racoiite 
notre  Amateur.  Il  eft  vrai  qu'en  général  elles 
riiangoient  peu ,  ne  changeoient  pas  fou  vent  de 
place  5  &  que  lorfqu'elles  fe  mettoient  à  mar- 
cher ,  elles  n'alloient  pas  loin  Elles  mangeoient 
comme  le  commun  des  Chenilles  ,  en  embraf- 
faut  la-  feuille  avec  leurs  jambes  écailleufes ,  & 
en  en  maintenant  le  tranchant  dans  la  petite 
couHife  de  leur  lèvre  fupérieure.  Quand  elles 
marchoient ,  c'étoit  aifez  lentement  i  &  leur  corps 
étoit  alors  monis  étendu  que  celui  des  Chenilles  : 
la  partie  poftéricure  demeuroit  toujours  plus 
recourbée  du  côté  du  ventre. 

Les  premières  Faulfes-Chenilles  de  cette  Ef- 
pece que  j'obfervai  en  17385  avoient  été  trou- 
vées fur  l'Ofier  au  commencement  de  Juillet. 
Elles  n'étoient  pas  éloignées  du  dernier  terme 
de  leur  accroiilément.  Dès  le  2^  ,  elles  com- 
mencèrent à  changer   de   couleur  &  à  fe   ca- 


I 


1 


SUR   LES   INSECTES.        319 

elier  fous  les  feuilles.  Cette  inclination  à  fe 
cacher  nie  fit  foupconner  qu'eiies  étoient  du 
nombre  des  Infedes  qui  percent  la  terre  pour 
B'y  métamorphoier.  Je  me  hâtai  donc  de  met- 
tre de  la  terre  dans  le  poudrier;  mais  elles  ne 
la  percèrent  point.  Elles  fe  contentèrent  d'en 
creufer  un  peu  la  furface.  Là  ,  elles  fe  conf- 
truilirent  une  Coque ,  dont  la  forme  étoit  celle 
d'un  cylindre  arrondi  par  les  bouts.  Je  devrois 
dire  ,  que  la  forme  de  cette  Coque  n'étoit  qu'à 
peu-pres  cylindrique  ;  car  dans  le  milieu  de  fa 
longueur  elle  avoit  un  peu  moins  de  diamètre 
que  dans  les  extrémités.  La  couleur  de  cette 
Coque  étoit  un  beau  jaune  doré  qui  avoit  du 
brillant.  J'ai  vu  néanmoins  de  ces  Coques  d'un, 
brun  verdâtre  qui  étoient  aulîî  fort  iuftrées. 
Apparemment  que  ce  brun  luftré  tenoit  au 
mélange  de  quelque  fubftance  gommeufc  avec 
des  molécules  terreufes  :  ce  qui  porteroit  à  le 
préfumer  ,  c'eft  que  je  n'ai  vu  ce  brun  luftré 
qu'à  des  Coques  qui  avoient  été  conftruites  fur 
une  terre  tres-pulvénfée.  Celles  qui  avoient  été 
laites  par  des  FaulTësXhenilles  que  j'avois 
privées  de  terre ,   étoient  d'un  jaune   doré. 

Quoique  ces  Coques  n'aient  guère  que 
répaufeur  d'une  feuille  de  papier  un  peu  grof- 
Ccr  5    elles   font    cependant   d'un    tiifu  il  fort 


520       OBSERVATIONS 

qu'elles  plient  à  peine  feus  les  doigts.  Leur 
€Xtéricur  n'eft  pas  iiiie  :  on  y  apperqoit  des 
inégalités  j  &  en  quelques  endroits  il  reiîemble 
aifez  à  celui  de  la  colle  forte.  Il  n'a  point  du 
tout  l'air  d'un  tiiîu  foyeux  j  &  lors  même  qaon. 
robferve  à  la  loupe  ,  on  ne  parvient  pas  à  s'ai^ 
furer  de  Fexiftence  des  £ls  qui  le  compofent. 
J'ai  pourtant  vu  nos  Faulfes-Chenilles  filer  en 
ma  préfence  :  la  foie  qu'elles  tiroient  de  leur  filière 
etoit  même  extrêmement  groliîere  ,  &  relfembloit 
plus  à  de  la  gomme  qu'à  de  la  foie.  Qiioiqu'il  en 
foit,  les  Coques  filées  par  des  Faulfes-Chenilles 
qui  avoient  été  privées  de  terre ,  avoient  plutôt 
l'apparence  de  Coques  de  parchemin  que  de  Co- 
ques de  Ibie.  Aulli  leur  avois-je  donné  le  nom  de 
Coques   en  parchemin. 

Un  mouvement  de  curiofité  me  porta  à  ou- 
vrir quelques-unes  de  ces  Coques  :  c'étoit  en 
Oclobre.  Je  rie  fus  pas  médiocremeiu  furpris 
de  trouver  dans  toutes  ,  ians  exception  ,  une 
ieconde  Coque  qui  rempliîToit  exadcment  toute 
la  capacité  de  la  première  ,  &  dont  le  tilfu  ne 
reifembloit  point  du  tout  à  celui  de  la  Coque 
extérieure.  11  avoit  le  luftre  &  le  poli  des  plus 
beaux  vernis.  Il  étoit  d'une  fineiTë  extrême ,  & 
paroiffoit  être  plutôt  une  membrane  ou  uiie 
pellicule  foyeufe  qu'un   tiiili.    Entre   les    deux 

Coques' 


■SUR   LES  J:RSECTES.       321 

Coques  êtoit  rènferriiée  la  dépouille  de  FaulTe-. 
Chenille.  J'ouvris  une  des  Coqties  intérieures, 
&  j'y  trouvai  un  Ver  jaUnô  ■,  gras  &  dodu  , 
entièrement  dépourvu  de  jambes  ,  &  dont  la 
tête  écailleufe  étoit  fort  petite  proportionnel- 
lement au  corps.  Je  ne  pus  douter  que  cette 
féconde  Coque ,  dont  j'admirois  le  tiiFu ,  n'eût 
€té  filée  par  le  Ver  qui  y  étoit  logé.  La  dé- 
pouille de  Faufle-Chenilie  renfermée  entre  leg' 
deux  Coques  en  étoit  une  autre  preuve  biea 
démon ftrative.  La  Fauire-Chenille  avoit  donc, 
été  piquée  par  une  Mouche  Ichneumone ,  qui 
avoit  dépofé  un  œuf  dans  fon  intérieur  ,  dont 
étoit  forti  le  Ver  que  j'obfervois.  Une  chofe 
néanmoins  me  fûrprenoit  un  peu  \  c'ètoît  de 
trouver  dans  toutes  mes  Coques  en  parchemin 
une  féconde  Coque  de  Ver  d'Ichneumone.  Les 
piquures  des  Ichneumones  fônti  toujours  de 
purs  accident  ,  &  de  purs  accidens  font  rare- 
ment auiîi  communs.  A,  la  vérité  ,  nos  Fauifes-^ 
Chenilles  font  très -rares  &  prefque  toujours 
immobiles  j  ce  qui  donne  bien  de  la  facilité 
aux  Ichneumones  d'exécuter  leur  opération. 
La  Fauire-Chenille  a  cependant  un  moyen  na-^ 
turel  de  les  écarter  :  je  parle  de  cette  liqueut  \ 
en  réferve  fous  la  peau  &  qu'elle  fait  jaiHiC 
quand  on  la  touche.  Mai^s  la  Fauiîe-Chenill® 
n'a  apparemment  qu'une  eertame  -pi'ôvifion  d^ 
Tome  IL  X 


322.       OBSERVATIONS 

cette  liqueur,  &  il  lui  faut  un  temps  pour  répa- 
rer la  perte  dç  celle  qu'elle  a  fait  jaillir  :  car 
j'ai  obfervej  que  fî  Ton  touche  la  Faulie-Che- 
iiille  ou  que  même  on  Tirrite  pour  la  féconde 
oiji  la  troifienie  fois  après  qu'elle  a  fy.it  jaillir 
ia  figueur ,  elle  ne  peut  plus  en  répandre. 
Une "l clin eumone  qui  furviendroit  alors  auroit 
donc  une  grande  facilité  de  piquer,  la.  Fauile- 
Chenille  :  elle  la  trouveroit  délàrmée. 

Cette  féconde  Coque  da  Ver  mangeur  de 
îa  FauiTe-Chenille  mérite  bien  un  examen  par- 
ticulier. Sa  couleur  eft  un   brun  prefque  noir  ; 
mais    en    certains    endroits ,    8c,  ordinairement 
vers  Je  rpilieu  de  fa  longueur,  on  y  appercoit. 
un  œil  argenté  ou  cuivré.  On  remarque  même. 
4aiis    cet   endroit    une    forte  de   bande   ou    de 
pïaque  dont  Péclat  approche  de  celui  de  l'argent 
ou  du  cuivre.  Qu'on  fe  repréfente    un  papier 
siiarbré  très-fin ,.  très-fpyeux  ,  très-Iurrré  &    on 
aura -une  idée   de  l'extérieur  de  notre.  Coque., 
Elle  imite    encore  le   papier  par  le  petit   bruit 
qu'elje  fait,  entendre  quand  on  paiie  légèrement. 
le  doigt  fur  fa  furtace.  Cetta  furface  n'eG:  pas 
,  ]^eanmoins ,  auffi    parfaitement,  i^nie    que   Peft' 
celle  du  papier  auquel  ï\qus  venons  de  la  com- 
parer: en  y  regardant  de   plus  près,  on  y  ap- 
perqpit   de|  plis,  longitudinaux ,  qui  s'étendent 


I 

I 


St/i    L'ES  INSECTES,        3^3 

de  ruii  à  l'autre  bout  de  la  Coque.  Si  Ton  ma-» 
nie  la  Coqiie  ,  Se  qu'on  la  preiie  eu  même 
temps  entre  les  doigts  ,  bu  entendra  mieux 
encore  le  petic  bruit  dont  j'ai  parlé.  Les  plis 
longitudinaux  contribuent  fans  doute  a  ie 
produire.  L^  forme  de  cette  (inguliere  Coque 
eft  celle  d'un  ellypfoïde  très-alongé  :  elle  diifére 
donc  très  -  fenfiblement  de  celte,  de,  la  Cpqu^ 
qui  la  renferme.  Elle  n'affecle  pas  plus  l'aie 
d'un  tiifu  que  le  papier  ne  l'atiede  :  elle  n'a 
même  guère  plus  de  confiftance  que  le  papiei; 
suquel  je  continue  de  la  comparer  :  elle  a  feu- 
lement un  peu  plus  d'épaiiteur.  Cette  épameuc 
rcfuitc  d'u!ie  fuite  de  lames  ou  de  couches 
ïoycmcs  fuperpofées  les  unes  aux  autres  commet 
les  différentes  peaux  d'un  Oignon,.  Avec  un 
fcalpel  aifez  groiTier  je  parvins  facilement  a  eii 
détacher  quatre  j  &  j'en  aurois'  fûrement  dé^ 
taché  davantage  ,  (1  j'avois  .  eu  un  meilleur  inf- 
trument ,  &  que  j'eùile  voulu  exercer  ma  pa^ 
tience  fur  ce  petit  fujet.  J'obfervai  féparémentj 
ces  quatre  couches  foyeufes  que  j'avois  féparées 
il  facilement  -,  Se  voici  ce  qu'elles  m'oifrirent  de 
plus  remarquable  j  car  elles  n'étoient  pas  toutes 
uniformes,  &  il  vaut  îa  peine  que^je  diié  eii 
quoi  elles  diiîéroient. 

La  première  de  ces   couches,  étoit   extrême-; 


324       OBSERVATION^; 

nient  mince  ,  &  plus  mince  que  le  plus  fin 
papier  que  Part  peut  fabriquer.  Le  côté  inté- 
rieur ou  celui  qui  regardoit  le  dedans  de  la 
Coque ,  avoit  beaucoup  plus  d'éclat  que  le  côté 
oppolé.  La  couleur  de  cette  couche  étoit  un 
olive  foncé.  J'ai  pourtant  dit  ,  que  la  Coque 
étoit  d'un  brun  noir.  C'étoit  en  effet  la  couleur 
de  la  couche  de  foie  qui  fuivoit  immédiatement 
celle  que  j'avois  détachée  la  première.  Celle-ci 
ne  faifoit  donc  que  l'office  d'un  vernis  tranf- 
parent ,  qui  n'altère  pas  d'une  manière  fenfiblc 
la  couleur  du  corps  fur  lequel  on  Pétend.  Ceci 
me  rappella  auffi-tôt  le  petit  artifice  dont  la 
Nature  fe  fert  pour  dorer  fi  admirablement 
bien  certaines  Chryfalides  ,  &  dont  j'ai  fait 
mention  dans  l'Obfervation  XIL  II  me  vint 
donc  en  penfée  d'éprouver  ,  Ç\  ma  première 
couche  foyeufe  ,  appliquée  fur  une  pièce  d'ar- 
gent poli  ne  la  doreroit  point.  Je  tentai  fur  le 
champ  l'expérience  ;  &  je  vis  avec  plaifir ,  que  la 
pièce  d'argent  prenoit  un  œil  doré  dans  l'en- 
droit que  recouvroit  immédiatement  la  couche 
foyeufe.  Cet  œil  doré  devenoit  plus  fenfiblc 
quand  je  mouiîlois  un  peu  la  pièce  d'argent  :  la 
couche  foyeufe  s'y  appliquoit  alors  plus  exade- 
ment.  J'ai  lieu  de  croire ,  que  la  dorure  auroit 
été  plus  parfaite ,  &  qu'elle  auroit  peut-être  égalé 
^elle  des  Chryfalides ,  fi  la  couleur  de  la  couche 


S:UR    LES    INSECTES.       32S 

foyeufe  avoit  plus  approché  de  celle  de  la  pre-v 
îiiiere  peau  des  Chryfalides.  Ce  qui  me  le  per- 
fuaderoit,  c'eft  que  la  couleur  jaune  étoit  plus 
vive  par-tout  eu  la  couche  foyeufe  tiroit  fur 
cette  couleur.  J'ai  fait  remarquer  ,  que  notre 
Coque  de  Ver  d'Ichneumone  ne  paroît  point 
tiifue  :  cette  apparence  éft  trompeufe.  Elle  eft 
bien  formée  de  fils  de  foie  s  mais  ils  font  (i  fins 
Se  Cl  ferrés  qu'ils  échappent  au  premier  coup- 
d'œil.  Je  m'en  aifurai  en  obfervant  à  la  vue 
fimple  ,  vis-à-vis  le  grand  jour  ^  la  première  cou^ 
çhe  de  foie  que  je  venois  d'enlever.  J'y  apper* 
qus  qà  &  là  comme  de  très-longs  poils  bruns 
diiféminés  fans  ordre  :  c'étoient  des  fils  de  foie 
moins  fins  que  les  autres  ,  &  qui  en  devenoient 
plus  apparens.  L'exiftence  des  fils  n'étoit  pas 
douteufe  ,  lorfque  je  déchirois  la  couche  foyeufe-: 
je  voyois  très-diftindement  des  fils  de  foie  fort 
courts  qui  débordoient  la  déchirure  y  8c  qui 
examinés  à  la  loupe  paroiiToient;  d'inégale  grof- 
feur. 

La  féconde  couche  foyeufe  paroiifoit  tirer 
un  peu  plus  fur  le  brun  noir  que  la  première; 
probablement  parce  qu'elle  étoit  un  peu  plus 
épaiife.  En  la  détachant ,  j'avois  apparemment 
détaché  d'autres,  couches  qui  lui  étoient  demeu- 

X.  a 


'J2ô       0  B  S  E  B.  V  A  T  î  0  N-  S 

'lées  unies    AiiiTi  n'y  appercevoit-on  pas  fi  bien 
les  fils  en  manicre  de  longs  poils. 

La  troifierae  couche  ne  diiféroit  pas  de  h 
première  en  épaiiieur  ,  quoiqu'elle  parût  d'une- 
couleur  plus  foncée.  Les  fi!s  en.  manière  de 
poils  y  étoient  Fort  diftincts. 

Enfin  ,  la  quatrième  couche  qui  étoit  la 
Coque  eUe-mème  ,  monçroit  encore  allez  d'é-, 
paiiicur  pour  me  faiie  juger  qu'elle  contenoit 
d'autres  couches,  que  je  ferois  parvenu  à  dé- 
tacher en  partie  5  fi  j'avois  eu  un  in ftrupenfc 
beaucoup  plus  fin.  La  couleur  de  cette  dernière 
couche  étoit  la  pkis  foncée  ;  mais  je  dois,  ajou- 
ter que  tou^:s  les  couches  étoient  à-peu-près 
également  luftrées. 

Dans  le  Tome  îï  de  fes  Mémoires  ,,  pag  438  3t 
M.  de  Reaui^iur  parle  d'une  Coque  de  Ver 
mangeur  de  Chenilles*,  qui  a  bien  des  rapports 
avec  celle  que  je  viens  de  décrire ,  fi  elle  n'eft 
précifément  la  même.  "  Après  avoir  ouvert  , 
„  dit-il  5  une  Coque  de  terre  &  de  foie  ,  très- 
35  bien  conftitiite  par  une  Chenille-  qui  vit  fur 
35  le  Bouillon-blanc ,  au  lieu  de  la  Chryfalide 
33  que  j'y  chcrchois  ,  je  trouvai  dedans  une 
,3  Coque  5  qui  par  fa   couleur  de  marron  clair , 


^•ir^    LES    INSECTES.         52? 

"^  par  fà  forme  alongée  &  par  fa  grofleur , 
35  avoit  quelque  air  d'une  ChryPalide.  E!2e  étolt 
35  faite  d'une  foie  extrêmement  fine  &  tilTus 
35  très-ferré;  auffi  cette  Coque  avoit-elle ,  fur- 
■33  tout  dans  rintérieur  ,  un  éclat  pareil  à  celui 
33  des  vernis  ;  elle  étoit  compofée  d'un  nombre 
33  prodigieux  de  couches  ou  de  feuilles  de  foie 
33  étonnamment  minces  ,  que  pourtant  Je  fépa- 
53  rois  allez  facilement  les  unes  des  autres.  ,3 

Je  ferai  remarquer  néanmoins ,  que  la  Coque 
de  mon  Ver  mangeur  de  FauiTes-Chenilles  étoit 
beaucoup  plus  alongée  que  celle  dont  parle 
M.  de  Reaumur  ,  &  oui  eft  repréféntée 
Pi.  Z^XXV  5  Fig.  1 1  du  même  volume. 

Au  commencement  de  Juin  1739  ,  il  fortit 
d'une  de  mes  Coques  une  aifez  grande  ichneu- 
m^one,  de  couleur  canelle  ;  mais  dont  la  partie 
inférieure  du  corcelet  8c  l'extrémité  du  ventre 
étoient  d'un  brun  prcfque  noir,  de  même  que 
les  yeux,  je  ne  décris  pas  cette  Mouche  ;  parce 
qu'elle  reiiembloit  parfaitement  à  celles,  que  M. 
de  Reaumur  a  fait  repréfenter  dans  la  Planche 
que  j'ai  citée.  Ma  Mouche  avoit  une  odeur  très- 
forte  &  très-délagréable  ,  que  je  ne  faurois  com- 
parer à  aucune  autre.  Le  fond  de  la  Coque  dont 
elle  étoit  <lbrtie  étoit  plein  d'une  matière  grafle . 

X   4 


Il 

^28       ORSERVATTONS 

qui  avoit  la  ni^iie  odeur  que  la  Mouche  ,  & 
qui  étoit  Fans  doute  le  rélldu  des  vifcercs  du 
Ver.  '.es  vifceres  n^étoiént  pas  >  fans  doute  ^^ 
tombés  entièrement  en  pourriture  ;  car  je  trou- 
vai au  milieu  de  la  bouillie  une  forte  de  boyau  » 
qui  en  étoit  lui-même  trés-rempli. 

Dafs  les  premiers  jours  de  Juillet  1739  l 
je  trouvai  fur  TOfier  ime  de  nos  grandes  Fauifes^ 
Chenilles  qui  étoit  parvenue  à  fon  parfait  ac- 
çroiflement.  Je  ne  mis  point  de  terre  dans  le 
vafc  où  je  la  renfermai.  Je  m'étois  aifez  alTuré 
que  ces  Fauires-Çhenilles  favoient  très  -  bien 
5'en  paifer  ;  &  je  préfumoi»  à  bon  droit  que  je 
îî,'en  ferois  que  mieux  placé  pour  obferver  de 
plus  près  la  conftrudlion  de  leur  Coque.  Ma 
Fauiîe-Chenilie  fe  mie.  bientôt  à  l'ouvrage  ,  & 
îorfque  je  revins  Fobferver  ,,  la  Coque  avoit 
déjà  reçu  fa  forme  ;,  mais  elles  étoit.  encore  fore 
mince,  &  pour  peu  qu'on  la  prelfât,  elle  plioit  fous 
les  doigts.  Elle  étoit  d'un  jaune  doré.  Avec  des 
cifeaux  à  pointes  fines,  j'oirvris  un  des  bouts 
de  cette  Coque  :  j'y  fis  ainil  une  aifez  large 
"brèche.  Le  dos  de  la  F^uiiéXhenille  fe  trouvât, 
lépondre  à  l'ouverture.  Elle  étoit  immobile ,. 
J'attendis  alfez  long-temps  pour  voir  ce  qui 
arriveroit..  Enfin  ^  notre  ouvrière  çonimenqa  à 
ih    mettre    en    mo.uYem*ent  ,    mais    avec    uno 


SUR    LES   INSECTES,      329 

extrême  lenteur.  Elle  amena  fa  tète  à  Fouver- 
ture  de  la  brèche  ,  &  tira  des  fils  d'un  bord  à 
Tautre.  Cétoit  encore  avec  la  plus  grande  len^ 
teur  qu'elle  tiroit  ces  fils.  Ils  étoient  fort  grof- 
fiers.  Leur  couleur  etoit  un  blanc  argenté ,  dans 
lequel  il  entroit  une  teinte  de  jaune.   La  lente 
fileufe   ne    les   attachoit   pas    précifément   aux 
bords  de  la  brèche  :    elle  ne  foreoit   pas  ainfî 
ces  bords   à  s'abaiirer   pour  reprendre   la  cour- 
bure que  je  leur   avois  fait  perdre  en  ouvrant 
la    Coque.  J'avois    obfervé    des    Chenilles    qui 
exécutoient  une  pareille  manœuvre.  Ma  FaulTe^ 
Chenille  ne  fe  piqua  pas  d'une  pareille  préci>- 
fion  :  elle  laiiïà  les  bords   de  la  brèche  comme 
leur  reflbrt  naturel  les  avoit  difpofés  :  ils  étoient 
ini  peu  relevés  :  elle  fila  au-delFous   une  toile 
égale  à  l'ouverture.  Se  qui  la  bouchoit  exade- 
ment.    Cette    toile    nouvellement    filée    n'étoit 
donc  pas    au   nivau  des   parties  voifines  :  elle 
étoit   placée  un  peu  plus  bas.  Tout  l'art  de  la 
fileufe   fe  réduifit  donc  à  tirer  au-dedans  de  la 
brèche    des   fils    qui  fe   croifoient  en  diffère ns 
fens  Se  dont  la  réunion  forma  une  pièce  égale , 
&  à-peu-près  femblable  à  celle  que  j'avois  enle- 
vée. Elle  ne  fe  fervit  pas  plus  de  fes  dents  que 
de  fes   fils  pour  faire  reprendre  aux  bords  de 
la  brèche  leur  courbure  naturelle.  Auiîi  la  Co- 
que prçfentoit  ^  çIIq  à  cet  endroit  des  inégalités 


:>y 


OBSERVATIONS 


qui  aicloient  à  reconnoître  la  pkice  de  la  brèche. 
Elle  étoit  encore  reconnoilîiible  par  la  couleur 
de  h  toile  que  la  Faurfe-Chenille  venoit  de  filer  : 
elle  étoit  un  peu  plus  claire  qiie  celle  du  refte 
de  la  Coque, 

Le  j6  de  Mai  1740 ,  }e  trouvai  dans  le  vafe 
où  étoient,ies  Coques  de  mes  Faufles-Chenilles 
d'afTez  grandes  Mouches,  qui  étoient  provenues 
de  ces  FauHes-Chenilles.  '  Elles  montroient  plus 
de  vivacité  que  les  Mouches  de  cette  claiTe 
n'ont  coutume  d'en  montrer.  Elles  avoient  de 
Pair  des  Guêpes  ordinaires.  Leurs  couleurs  n'é- 
toient  que  du  brun  &  du  jaune ,  diilribués  à-peu- 
près  comme  fur  les  Guèpès.  Les  antennes  étoient 
entièrement  jaunes,  &  fe  terminoient  par  un 
bouton  ,  comme  celles  de  diiférens  Papillons 
diurnes.  La  tige  de  l'antenne  étoit  articulée  , 
comme  le  font  les  antennes  qu'on  nomme  à 
filets  grenés.  Le  devant  de  la  tète  étoit  auffî 
de  couleur  jaune.  Les  yeux  8c  les  dents  étoient 
d'un  brun  îuifant  ,  tel  que  celui  de-  l'écaillé. 
Les  ailes  préfentoient  qà  8c  là  des  taches  bru- 
nes qui  diminuoient  leur  tranfparence.  Les 
fupérieures  égaloient  la  longueur  du  ventre  ) 
mais  les  infédeures  étoient  plus  courte?  d'en- 
viron un  tiers.  Leur  port  étoit  en  toit  un  peu 
arrondi.  Elles  fe  recouvroient ,  en  même  temps 


SUR   LES   INSECTES.        a^i 

qu*elles    reccuvroie'it   le    corps.    A   l'end iroit  de 
leur  attache   dans  le  corcelet  fe  voyoient   deux 
taches  jaunes  de   figure  triangulaire ,  qui   peu- 
vent aider  à  faire  reconnoltre  ces  Mjuches.  Le 
ventre  qui  étoit  un    peu  plus  applati  &    moins 
effilé  que  celui  des  Guêpes  ,  étoit  compofé    de 
huit   anneaux.   La  longueur  de   ces  Mouches, 
depuis  la  tète    au  derrière ,    pouvoit  être  d'en- 
viron un  pouce.  Quoique  pourvues  de  grandes 
hambes  &  de  grandes  ailes  ,  elles   ne  la  voient 
prefque  pas  marcher  ni  voler  :  elles  paroilToient 
un  peu  lourdes  :  mais  elles  étoient  très-difpofées 
à  faire  ufage  de  leurs  dents  ,  lorfque  je  venois 
à  les    prendre    ou    fimplement    à   les    toucher. 
Qj-ielquefois  elles  s'incUnoient  fur   le  côté  ,   & 
fe  mettoient  dans  une  pofture  allez   plaifante  : 
elles  recourboient  leur  derrière  comme  fi  elles 
euiient  voulu- en  faire  fortir  un  aiguillon.  Quand 
elles    fe  laiifoient   tomber  fur  le  dos  ,  elies  ne 
réuiîiilbient  pas  toujours  à  fe  relever.  Elles  de- 
meuroient  un  certain  temps  dans  cette  fituatioii 
fans   fe  donner  aucun  raouvemcn.t ,  les  jambes 
repHées   iur  le    ventre  comme   fi   elles    eulTent 
été  mortes.  J'y   étois  même   trompé  ,  &  je  ne 
parvenois  à   me'défibufer  quVn    les   touchant 
du  d')i  t.  Elles  faifoient  alors  de  nouvelles  ten- 
tatives pour  fe  relever  ,   &  enfin  je  les  voyois 
marcher. 


k 


Î32       OBSERVATIONS 

Pour  oiivrtr  la  Coque  &  fe  mettre  en  liberté*» 
nos  Mouches  avoient  ^erné  avec  leurs  dents, 
un  des  bouts  j  elles  en  avoient  détaché  circu^- 
lairement  une  pièce  en  manière  de  calotte. 
Cette  pièce  tenoit  encore  à  une  des  Coques  par 
une  petite  portion  de  fa  circonférence  y  elle- 
pouvoit  y  jouer  comme  un  èouvercle  à  char- 
nière s  je  veux  dire,  quon  pouvoit  à  volonté 
ouvrir  &  fermer  la  Coque.  Ailleurs  la  pièce, 
avoit  été  entièrement  détachée  par  la  Mouche. 
Une  main  d'Homme  n'auroit  pas  mieux  réuffi 
à  couper  avec  des  cifeaux  une  telle  pièce.  Les 
dents  de  nos  Mouches  leur  avoient  tenu  heu 
de  cet  inftrument  ,  &  leur  ftudure  répondoit 
à  merveille  à  cette  foncflion.  Je  dois,  en  dire  un 
mot.  On  connoit  les  dents  des  Guêpes  :  les 
dents  de  nos  Mouches  leur  reiTemblent  aiTex, 
Elles  fe  terminoient  par  un  petit  crochet  fort 
aigu  5  fort  femblahle  à  celui  qui  termine  les 
pinces  des  Araignées..  Elles  n'étoient  pas  égales- 
en  longueur  s  &  le  crochet  de  la  plus  courte 
n'étoit  pas  fi  bien  façonné  ni  {{  aigu  que  celui 
de  la  plus  longue,  (^rand  les  deux  dents  Ç<s 
joignoient  pour  fermer  l'ouverture  de  la  bouche, 
le  crochet  de  la  plus  longue  recouvroit  celui 
de  la  plus  courte.  Ces  petites  particularités- 
méritent  plus  d'être  remarquées  qu'on  ne  l'ima- 
gineroit  d'abord.  On  le  fentira  '&  on  admirerai 


SUR    LES    INSECTFS,       333' 

avec  moi  cette  diverfité  dans  la  forme  des  deux 
dents  ,  fi  l'on  fait  attention  à  la  manière  dont 
la  Mouche  ouvre  fa  Coque.  Elle  eft  dans  la 
necelTIté  de  percer  un  tilfu  très-ferré  ,  une  forte 
de  parchemin.  Elle  doit  emporter  circulaire- 
ment  une  pièce  confidérable  de  la  Coque.  Il 
faut  donc  qu'elle  commence  par  feiire  quelque 
part  un  petit  trou  dans  les  parois  de  f  i  prifon  : 
n'importe  dans  quel  endroit  :  ce  point  fera  celui 
d'où  elle  partira  pour  tracer  la  ligne  circulaire 
qui  déterminera  l'ouverture.  Mon  ledeur  a 
déjà  deviné  que  le  crochet  de  la  plus  longue 
I,  dent  eft  deftiné  à  cette  première  opération  :  il 
travaille  en-dehors ,  tandis  que  le  crochet  de 
l'autre  dent  travaille  en-dedans  j  &  parce  que 
ks  deux  dents  font  d'inégale  longueur  ,  elles 
ne  font  pas  expofées  à  fe  heurter  dans  le  tra- 
L  vail.  Je  n'ai  pas  furpris  la  mouche  dans  fa  ma- 
'  Hœuvre  :  m.ais  il  eft  facile  de  fimaginer  quand 
on  fait  ce  qu'elle  flût ,  8c  qu'on  connoit  les 
inftrumens  avec  kfquels  elle  le  fait. 

Comme  je  n'avois  pas  lu  Vallisniéri  lorf-. 
que  j'obfervois  ces  Mouches  ,  &  que  le  Mé- 
moire de  M.  de  Reaumur  fur  les  FaulTes-Che- 
iiilles  n'avoit  point  encore  paru  ,  je  n'avois 
aucune  connoillance  de  cette  admirable  fcie  que 
k  feaieile  po-rte  au  derrière.  Je  ne  m'avifai  donc 


S34       O'B  S  E  k  V  A  T  I  0  n  S 

pas  de  Vy  chercheur  5  mais  ce  fcroic  fiir-tonfe 
dans  cette  Efj3ece  qu'il  faudroit  étudier  la  itruc^ 
turc  de  ce  bel  inlkument  j  car  la  Mouche  dé 
notre  FaulTe- Chenille  de  rOfier  eft  d'une  taille 
qui  furpaiîe  fort  celle  de  la  Mouche  à   icie  dô 

,1a  FauHe-Chcnille  du  Roficr. 

J 

OBSERVATION     XXXIV. 

S/fr   la  Jk'iicîure  d^    la   grande  fauj^e  -  Chenille 
de  l'Ofier, 


L 


A  taille  fi  avantageufe -de  notre  faufle-Ghe- 
mile  me  fit  naître  la  penfée  de  la  diiréquer.  Jd 
voulois  lavoir  h  Ton  intérieur  diriéroit  fenfible-- 
nient  de  celui  des  Chenilles.  Dans  cette  vue  i 
j'en  ouvris  une  du  côté  du.. dos  ,  après  l'avoir 
fait  périr  dans  l'eiprit  de  \'m':i  <&  voici  ce  que 
]Y  obicrvai. 

Le  grand  canal  inteftinal  étoit  plus  renflé 
proportionnellement  que  dans  les  Chenilles.  Ln 
membrane  ,  qui  en  revétoit  l'extérieur ,  étoit 
comme  chagrniée  :  oii  y:découvroit.à  l'œil  nud  , 
&  mieux  a  la  .loup©^-.  une.  infinité  .de  petits 
grains  de  couleur  verte  y^-heau-coup  plus  petics' 
que  ceux  du  plus  lia  cliagxin.  Le  caual.  .a-voit'. 


S^VR    LES    INSECTES,      33f 

fcteux  étranglemeiîs  principaux  &  très-marqués; 
Fuii  d'un  côté  de  la  tète  ,  l'autre  du  côté  du 
derrière.  Le  premier. déterminoit  l'extrémité  pof- 
térieure  de  i'œrophage  j  le  fécond ,.  la  naiiraace 
du  rectum.  L'œfophage  étoit  un  conduit  beau- 
coup plus  étroit  que  le  relie  du  canal,  &  dont 
le  diamètre  étoit  par-tout- aifez  égal.  îi  n'en  étoit 
pas  de  même  du  rectum  :  on  voyoit  dans  fon 
milieu  un  renflement  confidérable  en  manière 
de  poche. 

Je  coupai  le  redum  prè$.  de  l'anus ,  &  j'en- 
levai délicatement  le  canal  inteftinal  pour  ob- 
ferver  les  parties  qu'il  rccouvroit.  Les  premiè- 
res ^qui  s'oiirirent  à  mes  regards  me  frappèrent 
beaucoup  :  c'étoient  de  longs  vaiifeaux  d'un 
jaune  d'oç,  rangés  fur  deux  lignes,  &  dont  les 
tours  &  les  détours ,  les  plis  &  les  replis,  étoient 
il  nombreux  &  (i  variés  qu'il  m'étoit  impoffi- 
ble  de  les  fuivre.  Ces  beaux  vaiiîeaux  occu- 
poient  toute  la  longueur  du  corps.  Il  me  fut 
aile  de  les  reconnoitre  pour  les  vaiifeaux  à  foie. 
J'clfiyai  de  les  enlever  faiîs  les  rompre  ,  &  j'y 
réuifis  mieux  que  je  ne  Pavois  efpéré.  Je  les 
faills  près  du  derrière  avec  une  petite  pince. 
Là  ,  ils  étoient  beaucoup  plus  déliés  ,  moins 
remplis  de  matière  ioyeufe  &  de  couleur  blan- 
che. A  ïiielure  que  je  les  détaçhois,  je  les  voyoia 


B3^       OBSÈRVATIOKS 

fe  déplier ,  s'étendre  ,  &  fortir  de  dedans  une 
efpece  d'enveloppe  formée  par  les  parties  voi- 
fm-es ,  &  fur-tout  par  les  trachées.  En  dévidant 
ainfî  les  vailfeaux  à  foie,  je  m'^lfurai  qu'ils 
étoient  comme  dans  les  Chenilles  ,  au  nombre  ^ 
de  deux  ,  &  qu'ils  repofoient  précifément  fur 
les  deux  plans  de  mufcles  qui  fervent  aux 
mouvemens  des  jambes.  J'enlevai  les  deux  vaif- 
féaux  l'un  après  l'autre  :  je  commençai  par 
celui  de  la  gauche ,  &  en  l'enlevant ,  je  recou-' 
nus  que  je  n'apportois  aucun  changement  à 
celui  de  la  droite  :  il  refta  en  place  après  l'en- 
tière extradion  du  premier.  Je  les  mefurai  & 
leur  trouvai  à  chacun  environ  fept  pouces  de 
longueur.  Ils  étoient  fort  effilés  près  de  la  tète , 
&  beaucoup  pkis  que  dans  aucun  autre  endroit 
de  leur  étendue,  &  là,  ils  étoient  blancs  Comme 
vers  le  derrière.  Tous  deux. étoient  recouverts 
d'une  matière  graiifeufe  de  couleur  blanchâtre^ 
qui  fembloit  ternir  la  couleur  propre  des  vaif- 
îeaux.  Après  être  heureufement  parvenu  à  dé- 
tacher en  entier  ces  vaiileaux  à  foie  ,  je  les  mis 
dans  une  liqueur  appropriée  pour  les  y  confer- 
ver.  J'ai  dit,  qu'ils  étoient  placés  fous  le  canal 
inteftinal:  en  obfervant  le  côté  inférieur  de  ce 
canal ,  j'y  remarquai  une  forte  de  rainure  ou 
de  gouttière  ;  &  c'étoit  dans  cette  gouttière 
que  les  vaiffeaux  à  foi^  avoient  été  logés.  Ils  y 

étoient 


s  1/2?    lES    INSECTES.      337 

étoient  renfermés  comme  daas  une  efpece  d'étui 
ou  de  fourreau. 


Après  les  vailTeaux  à  foie  ,  rien  ne  s'attira 
plus  mon  attention  que  les  trachées  &  les 
mufcles.  Les  trachées  étoicnt  innombrables  ,  & 
fe  répandoient  par-tout  c9mQ.'.e  chez  les  Che-. 
ïiiiles.  Les  mufcles  étoient  trés-marqués  &  en 
grand  nombre  :  mais  il  nV  avoit  que  les  deux 
■plans  tendus  au-deifus  des  jambes  ,  qui  fuiFent 
dirigés  fuivant  la  longueur  du  corps.-  Tous  ceux 
qin  fervbient  aux  mouvemens  des  anneaux 
étoient  tranfverfaii^è.  Les-  miifcles  '  deftinés  à 
mouvoir  les  jambes  étoient  beaucoup  plus  mar^ 
qués  que  les  autres  •:  ils  formoient  deux  plans 
tres-diiHnds  ,  qui  répondoient  exac'lement  aux 
deux  lignes  des  jambes.  Les  mufcles  appropriée 
aux  mouvemens  des  anneaux  formoient  un^ 
multitude  de  petits  cerceaux  parallèles  les  uns 
aux  autres  •,  &  c'eft  apparemment  .cette  difpofi^ 
tion  de  ces  mufcles ,  qui  eft  caufe  que  no?' 
faulfes-Chenilles  fe  tiennent  ordinaiirement  rou^' 
lées  5  &  qu'il  ne  leur  arrive  jamais  d'avoir  le" 
corps  parfaitement  étendu» 

Le    defir  de   m'inftruire   me   rendit   cruel  à 
regard  de  nos  f^uifes  -  Chenilles  :  j'eus   la  bar- 
barie d'en  ouvrir  une  toute  vivante.' Je  luv  avois 
Tome  IL  Y 


338       OBSERVATIONS 

fiché  une  épingle  dans  le  crâne  ,  &  je  lui  en 
avois  fiché  une  autre  dans  le  derrière.  Je  Fou- 
vris  ,  comme  la  première  ,  du  côté  du  dos  ',  & 
cette  féconde  dilîedion  me  valut  quelques  nou- 
velles particularités  que  je  vais  indiquer. 

DÈS  que  j'eus  commencé  Pincifion  -,  il  fortit 
de  Pintcrieur  une  liquear  limpide  &  légèrement 
verdâtre ,  que  je  requs  fur  une  plaque  de  verre: 
elle  s'y  figea  à-peu-près  comme  de  la  gelée,  & 
je  remarquai  qu'elle  avoit  précifément  la  même 
odeur  que  celle  que  la  fauife-Chenille  fait  jaillir 
quand  on  la  touche.  Le  corps  graijfeux  ,  qui 
s'oiîrit  bientôt  à  ma  vue  ,  parolifoit  entière- 
ment formé  d'un  amas  de  très-petits  globules 
jaunes  ,  fembîables  à  ceux  qu'on  découvre  au 
microfcope  dans  la  graiife  des  grands  Animaux. 
Mais  ce  tjui  étoit  ici  aiTez  remarquable ,  c'eft 
que  ces  globules  fe  diilinguoient  tres-nettement 
à  la  vue  fimpte.  M'étant  avifé  de  mettre  fur 
ma  langue  un  peu  de  ce  corps  grailîèux,  je  lui 
trouvai  la  douceur  du  fucre  :  mais  la  peau  avoit 
un  goût  de  rancc  infupportable.  Swammerdam 
avoit  trouvé  le  même  goût  au  Ver  de  l'Abeille  ; 
&  c'étoit  à  fjn  imitation  que  j'avois  tenté  de 
goûter  de  la  peau  de  notre  fauife-Chenille. 

J'ai  dit ,  eue  pour  faire  ma  diffedion ,  j'avoig 


fiolié  deux  épingles  ,  rùne  dans  k  tète ,  l'autre 
dans  le  derrière:  j'avois  enfuite  dirigé  la  fec-» 
tion  dans  la  ligiïe  du  milieu  du  dos ,  en  coin- 
iniençant  par  le  derrière  :  &  afin  de  tenir  la 
peau  écartée  des  vifceres  ,  je  Pavois  renveifée 
de  côté  Se  d'autre  fur  ma  planchette  5  •&  j'y 
avois  encore  fiché  des  épingles,  de  diftance  en 
diftance.  Tout  étant  ainfi  difpofé ,  je  m'étois 
mis  à  enlever  en  entier  le.  canal  inteltinal,  les 
Vaiireaux  à  foie  &  la  plus  grande  partie  des 
trachées  :  &  le  croira-t-on  ?  mateé  tant  &  de  (î 
énormes  plaies,  ma  faulfe- Ghenilie  Vivoit  en- 
core ,  &  faifoit  des  efforts  pour  fe  détacher  8c 
marcher  en  avant.  Bien  plus  -,  après  l'avoir  cou-» 
pée  tranfverfalem.ent  par  le  milieu  du  corps,  la 
rxloitié  à  laquelle  teiioient  la  tète  &  les  pre^ 
mieres  jambes,  donnoife  encore  des  lignes  d^ 
Vie,  qui  n'étaient  point  éq^uivo^ueSo 


340       OBSERVATIONS 

.^  ^^  ^Ci(^ ^^?^' 

OBSERVATION     XXXV, 

Snr  7ine  faujj'e- Chenille  du  Poirier. 


Ma. 


On  SIEUR  de  Reaumur  ne  connoiiToie 
qu^uiie  feule  Efpece  de  fauire-Chenilîe  ^  k  qui  il 
eût  été  donné  de  faire  jaillir  une  liqueur  lim- 
pide à  Fattouchement  de  quelque  corps.  Cette 
faulîe-CKenille  eft  celle  du  Chevre-feuille.  Je 
viens  d'en  faire  connoître  une  autre ,  remar- 
quable encore  par  la  grandeur  de  fa  taille ,  qui 
offre  la  même  particularité.  J'en  joindrai  ici 
ime  troilieme  qui  me  Pa  ofFerte  aulîi.  Je  la 
trouvai  fur  le  Poirier  en  Juillet  1739.  Elle  eft 
de  la  claiie  des  faulf^s-Chenilles  à  vingt-deux 
jatnbes  :  les  écailleufes  fe  terminent  par  un 
crochet  noir  en  ongle  de  Chat  :  on  fait  que  les 
jambes  membraneufes  des  faulTes-Chenilles  font 
dépourvues  de  crochets:  au ^ moins  ne  connoif- 
3ons-nous  point  encore  d'Efpece  dont  ks  jam- 
Ibes  mera'braneufes  en  foîent  pourvues.  Notre 
£iuife-Chenille  du  Poirier  eft  de  grandeur  mé- 
diocre. Le  fond  de  fa  couleur  eft  un  blanc 
dans  lequel  paroit  entrer  une  légère  teinte  de 
"bleuâtre.  Sur  ce  fond  font  jettées  des  taches 
àrrégulieres ,  dont  une  moitié  eft  jaune  ,  l'autre 
noire.    Ces  taches    occupent   la    jonction    des 


SUR    LES    INSECTES.       341 

anneaux.  Elle  eft  encore  occupée  par  d'autres 
petites  taches  noires  ,  en  manière  de  traits  dé- 
liés. La  tète  eft  blanche  :  on  lui  voit  de  chaque 
côté  deux  yeux  noirs  fort  briîians  ,  fitués  l'un 
au-delTus  de  l'autre.  L'inférieur ,  qui  eft  le  plus 
petit ,  répond  à  l'origine  des  mâchoires.  Exa- 
miné à  la  loupe ,  il  paroit  être  plutôt  l'ouver- 
ture d'un  ftigmate  ou  d'une  oreille  qu'un  véri-^ 
table  œil  On  y  appercroit  une  cavité.  Je  con- 
figne  ici  cette  Obfervation  pour  inviter  les 
Naturalises  à  examiner  plus  attentivement  cette 
particularité  que  je  crois  nouvelle.  L'autre  point 
noir  5  au  contraire ,  préfente  une  convexité  très- 
fenfible ,  &  qu'on  ne  peut  s'cmpècher  de  re-. 
connoître  pour  celle  d'une  véritable  cornée. 

Cette  faufle^Chenille  fe  tient  ordinairement 
roulée  fur  elle-même  comme  celle  de  l'Ofier , 
&  fe  conftruit  une  Coque  fimple  ,  précifément 
femblable  à  la  Coque  de  cette  dernière.  Je  n'ai 
pas  eu  fa  Mouche. 


i^r'lfei 


Y? 


143       0  B  S  E  R  V  J  T  I  0  N  S 

OBSERVATION    X  X  X  V  I. 

Sur  de  très -petites  Mouches  Ichneumoiies  qui 
avaient  fris  leur  accroijfement  dans  des  œufs 
de  Papillon. 


Ers  la  mi -Juillet  1759,16  trouvai  fur 
^ine  feuille  d'Erpblç  des  œufs  de  Papillon ,  de  la 
forme  ordinaire  ,  &  dont  la  grolTeur  indiquoil 
allez  qu'ils*  ayoient  été  pondus  par  quelque 
grand  Papillon.  Ils  étoient  au  nombre  de  vingt, 
langés  fur  trois,  lignes,  à-peu-près,  parallèles.  Ils, 
repofoient  fur  la  feuille  par  un  de  leurs  bouts^ 
$c  ils  y  étoient  retenus  par  une  forte  de  colle.. 
Au  bout  fupérieur  de  chaque  œuF,  on  remar-, 
quoit  uit  point  brun  autour  ^  Se  à  une  petite 
diftance  duq^uel  étoit  tracé  uii  petit  cercle  dq 
couleur  un  peu  plus  foncée  que  le  refte  dç 
FœuF,  qui  droit  fur  la  coujeur  de  clair.. 

Tandis  que  je-  confidérois  ces  œufs  à  h 
îoupe  ,  j'appercus,  fur- \în  d'entr'eux  ,  près  des,, 
bords,  du  cercle  dont  je  yiens;  de  parler  ,  uii 
|)etit  trou  à-peu-près;  rond  ^  par  lequel  fortoit 
il  tête-  d'u.ne  très-petite  Mouche  Ichneumone^ 
^  co\ûçm  noire.   Je,  n'ignoroi-s  pas   q^ue    dans. 


SVB.   LES    INSECTES,        U^ 

cette  clafle  nonVoreufe  de  Mouches.  (  *  )  qui 
aiioient  dépofer  leurs  œufs  fur  le  corps  ou  dans 
le  corps  des  Chenilles  vivantes  ,  il  en  étoit  de 
très-petites  Efpeces  qui  dépofoienc  les  leurs  dans 
les  œufs  mêmes  des  Papillons.  On  juge  quelle 
doit  être  la  petitelTe  des  Vers  qui  éclofent  des 
œufs  de  ces  Ichneumones,  puifqu'ils  trouvent 
un  logement  fpacieux  &  une  abondante  nour-, 
riture  dans  l'étroite  capacité  d'un  çeuf  de  Pa-, 
pillon* 

En  même  temps  que  j'obfervois  une  petite 
Ichneumone  fortir  d'un  de  mes  œufs ,  je  décou- 
vris d'autres  petites  Ichneumones  de  la  même 
Efpece  ,  qui  couroient  avec  viteiîe  fur  l'amas 
d'œufs  y  &  promenant  ma  loupe  fur  cet  amas , 
je  vis  d'autres  œufs  qui  étoient  percés ,  comme 
le  premier  5  d'un  trou  à-peu-prts  rond.  Les.  peti^ 
tes  Ichneumones  qui  couroient  qà  &  là  fur 
l'amas  d'œufs  ,  n'avoie-nt  pas  plutôt  reucontré 
le  trou  rond  ,  qu'elles  l'enfiloient  pour  aller  fe 
cacher  dans  l'intérieur  de  l'œ:uf.  J'en  voyois 
d'autres  entrer  Se  fortir  alternaûvenient  par  la 
petite  porte.  Je  ne  faurois  dire  combien  ce 
fpecftacla  étoit  amufant  ;  je  ne  poiivois  détacher 
mes  yeux  de  deffus  cet  amas  d'œufs, 

(*)  Confultez  le  Mémoire  XI  du  Tome  U  Je  l'HiUoire  des, 
înfçcles  de  M.  dç  Reaumub. 

Y4 


|44       OBSERVATIONS 

Après  avvoir  joui  aiKz  long-temps  de  ce  joîi 
fpedtcicle  ,  j'euicvai  la  feuille  fur  laquelle  les 
oeufs  étoient  collés  ,  &  je  la  renfermai  dans  une 
boite.  On  préfume  bien  que  je  ne  tardai  pas  à 
réouvrir  cette  boite  ;  mais  quelle  ne  fut  point 
ma  furprife  tVy  trouver  une  quantité  prodigieufe 
de  ces  mêmes  ïchneumones  que  j'avois  vu  aller 
Se  venir  fur  nos  œuf^s  de  Papillon ,  rentrer 
dans  leilr  intérieur  ,  &  en  fortir  un  moment 
après  î  Je  l'ai  dit  ;  mes  œufs  de  Papillon  n'é^ 
toient  qu'au  nombre  de  vingt  :  il  falloit  donc 
que  les  mères  Ïchneumones  eUiTcnt  dépofé  dan^ 
chaque  œuf  un  bien  grand  nombre  de  leurs, 
propres  œufs  ,  pour  fournir  à  cette  quantité  fi 
confidérable  d'ïchneumones  que  renfermoit  ma 
boite.  Qiieile  ne  devoit  donc  pas  être  la  petiteife 
de  ces  œufs  &  celle  des  Vers  qui  en  étoient» 
fortis  ! 

Tous  les  œufs  de  Papillons  n^étoient  paS: 
percés  près,  du  cercle  dont  j'ai  parlé  :  j'en  re- 
marquai deux  qui  l'étoient  fur  un  de  leurs 
côte  s,  i  mais  je  ne  vis  qu'un  feul  trou  fur  cha-> 
^ue  œuf.  Au  reiie,tous  ces  œufs  avoient  fur 
le  çgte  \in  petit  enfoncement.. 


SUR    LES   INSECTES.        B4? 

OBSERVATION    XXXVII. 

Sur  une  petite  Mouche  Ichneumone  qui  ferçoiS 
une  galle  du  Çhène  four  y  dépofer  [es  œufs. 


O  U  R  peu  qu'on  ait  étudié  Les  Iiifedes ,  on 
n'ignore  point  qu'il  eft  des  Mouches  qui  piquent 
différentes  parties  des  plantes  ,  dans  lefquelles 
elles  introduifent  un  ou  pluiieurs  œufs  ,  &  qui 
y  font  naître  ainfi  diverfes  excroiffances  ,  qui 
ont  requ  le  nom  de  galles.  Les  galles  du  Cîiène 
font  les  plus  généralement  connues  ,  &  il  n'eft 
point  d'arbre  dans  nos  contrées  ,  qui  en  préfente 
un  plus  grand  nombre  d'efpeces.  Les  Vers  qui 
naiifent  8c  s'élèvent  au  centre  de  ces  galles 
fembleroient  devoir  y  être  fort  à  l'abri  des  en- 
trcprifes  des  Mouches  Icbneumones.  Des  Obfer- 
vations  multipliées  ont  pourtant  appris  aux 
Naturaliftes  modernes  ,  que  ces  Mouches  gtier- 
rieres  favent  percer  les  galles  les  plus  épaiiTes , 
&  introduire  dans  leur  cavité  un  ou  plufieurs 
œufs  ,  d'où  fortent  des  Vers  qui  vivent  aux 
dépens  de  l'habitant  ou  des  habitans  de  la  galle. 
Mais  on  n'avoit  pu  encore  s'affiircr ,  ^i  les 
Ichneumones  perqoient  les  galles  qui  ne  faifoient 
que  de  naître  ,  ou  fi  elles  perqoient  des  galles 
qiii  avoient  déjà  pris  im  certain  accroiffcmcnt. 


34<S'       OBSERVATIONS' 

Les  Obrervations  propres  à  décider  cette  quefl 
tiou  n'étoieiit  pas  faciles  à  faire ,  &  on  ne  poii-. 
voit  guère  les  attendre  que  d'un  heureux  hafard» 
C'a  été  aulîi  à  un  pareil  hafard  que  j'ai  dû. 
rObfervation  que  je  vais  tranfcrire ,  &  que  M. 
de  Reaumu^r  s'étoit  plu  à  raconter  en  détail, 
d'après  une  de  mes  Lettres.  (*) 

Le  17  de  Juillet  1740  ,  tandis  que  j'étois. 
occupé  à  chercher  des  Infedes  fur  un  Chêne ,, 
j'apperqus  au-delfous  d'une  des  feuilles  de  l'ar-. 
bre ,  une  galle  de  la  grolTeur  d'un  pois;  &  je 
remarquai  qu'une  petite  Mouche  étoit  pofée  fur 
cette  galle.  Comme  elle  reftoit  conftamment 
dans  la  même  place  ,  je  jugeai  qu'elle  s'acquit- 
toit  de  quelque  fonction  importante  :  la  branche 
étoit  un  peu  trop  élevée  ;  d'une  main  je  l'abaif-< 
£ii  pour  mettre  la  feuille  à  la  hauteur  de  mes. 
yeux  3  je  l'en  approchai  même  autant  que  je  le 
voulus  :  la  Mouche  me  lailfa  faire ,  &  toute 
occupée  de  fon  opération ,  elle  fouiïrit  que  je  la 
regardalTe  d'aufîi  près  qu'il  étoit  nécelfaire  pour 
la  bien  voir.  Elle  ne  parut  point  du  tout  s'in-. 
quiéter  de  mes  mouvemens  ,  ni  de  ma  préfence, 
Je  foupqonnai  d'abord,  &  ce  fuupqon  étoit  bien 
naturel ,  que  ma  i\Iouçhe  travailloit  à  introduire 
dans  la  galle  un  ou  pluiiciirs  œufs.  Je  n'en  fus 

(*}  lUém.  fur  ks  Inf.  T.  Yl,  Mém.  iX,  pag.  l\%  ^  fuiv. 


SUR   LES  INSECTES,        347 

donc  que  plus  excité  à  obferver  attentivement 
tout  ce  qui  fe  paiToit.  Tandis  que  je  tenois  la 
branche  d'une  main ,  je  tenois  de  l'autre  une^ 
loupe  d'un  aflez  court  foyer.  J'eus  le  plaifir  d& 
voir  que  l'Ichneumone  t  en  oit  fa  tarière  piquée 
dans  la  galle ,  &  tout  ce  qu'elle  faifoit  pour  l'y 
faire  pénétrer  de  plus  en  plus.  Cette  petite  Mou- 
che étoit  du  Genre  des  Ichneumones  qui  por- 
tent leur  tarière  couchée  fous  leur  ventre  j 
mais  elle  tenoit  alors  la  fienne  droite  :  fon  étui 
la  foutenoit  &  l'enveloppoit  jufqu'à  quelque 
diftartce  de  la  galle  :  entre  la  furface  de  celle-ci 
Se  le  bout  de  l'étui ,  il  y  avoit  toujours  une 
portion  de  l'inftrument  qui  demeuroit  à  nud. 
La  Mouche  étoit  pofée  fur  fes  iix  jambes  j  elle 
avoit  la  tète  baife  ,  8c  les  antennes  tranquilles 
&  inclinées  vers  la  galle  :  elles  étoient  peu  dif- 
tantes  l'une  de  l'autre  ,  &  recourbées  en  cro- 
chet à  leur  extrémité.  Tantôt  l'Ichneumone  pref. 
foit  du  poids  de  fon  corps  la  tarière  pour  la 
faire  pénétrer  plus  profondément ,  tantôt  elle 
éloignoit  un  peu  ion  corps  de  la  galle  ;  &  à 
nieiure  qu'elle  féloignoit  ou  qu'elle  l'élevoit , 
elle  retiroit  par  çonféquent  un  peu  fa  tarière 
en  dehors ,  mais  c'étoit  pour  l'enfoncer  davan- 
tage un  inftant  après  ,  en  appuyant  delius  le 
poids  de  fon  corps.  Notre  Mouche  ne  fe  bor- 
uoit  pas  à   douner  alternativement  à  la  tarierç 


348       OBSERVATIONS 

des  mouvemens  de  bas  eji-haut  &  de  haut  cu- 
bas ,  à  la  faire  agir  comme  nous  faifons  agir 
une  aiguille  d'acier  pour  percer  un  corps  dur  , 
dans  une  direction  perpendiculaire  à  Fhorifoni 
elle  lui  donnoit  encore  deux  mouvemens  alter- 
natifs plus  remarquables  :  elle  faifoit  tourner  fa 
tarière  fuccefïivement  fur  elle^-mème  en  deux 
fens  contraires  ;  elle  lui  faifoit  décrire  une  por- 
tion de  cercle  dans  un  fens ,  &  en.  la  ramenant 
cnfuite  du  côté  oppofé  ,  elle  lui  faifoit  décrire 
une  féconde  fois  la  même  portion  de  cercle.  La 
pofition  de  mes  yeux  étoit  telle  ,  que  la  lon- 
gueur d'un  des  côtés  de  la  Mouche  fe  préfen- 
toit  à  eux  en  entier  dans  les  temps  ordinaires; 
mais  lorfque  la  Mouche  faifoit  tourner  fa  ta- 
rière en  tournant  elle-même ,  la  pofition  du  côté 
devenoit  de  plus  en  plus  oblique  par  rapport 
à  la  ligne  de  mes  yeux ,  &  enfin  Pextrémité 
feule  du  corps  leur  étoit  préfentée  direclcment  2 
en  pirouettant  enfuite  dans  un  fens  oppofé  ;  la 
Mouche  ramenoit  le  côté  à  être  parallèle  à  la 
Hgne  de  mes  yeux. 

Malgré  les  divers  mouvemens  que  je  viens 
de  décrire ,  mon  Ichneumone  ne  parvint  qu'avec 
beriucoup  de  temps  à  faire  un  trou  fuHifamment 
profond  dans  la  galle  *,  elle  fcmbloit  être  pour 
la  Mouche  un  roc   dui%  J'avois   commencé   à 


SUR  LES   IN  SE  crus.       549 

îobferver  fur  les  fix  heures  du  foir ,  &  j'igno- 
rois  à  quelle  heure  elle  s'étoit  mife  au  travail. 
J'étois  aux  bords  d'un  bois ,  &  aifez  éloigné  de 
ma  demeure  :  à  (ept  heures  trois  quarts ,  je  fus 
forcé  de  mettre  nn  à  une  Obfervation  Ci  neuve 
&  il  intéreflante  :  il  falioit  me  retirer  chez  moi: 
j'étois  bien  plus  fatigué  que  je  n'aurois  pu 
l'Être  de  la  plus  longue  promenade  ,  par  la  né- 
ceffité  où  je  m'étois  trouvé  de  me  tenir  fur 
mes  jambes  pendant  une -heure  trois  quarts  à 
la  même  place  ,  ayant  eu  toujcurs  une  de  mes 
mains  occupée  à  retenir,  l.a  branche ,  &  l'autre 
à  tenir  la  loupe.  Mais  avant  que  de  partir ,  je 
crus  devoir  me  faifir  de  la  petite  Mouche  :  en 
la 'prenant,  il  me  fémbla  fentir  quelque  réfif- 
tance ,  à  mefure  que  je  faifois  fortir  fa  tarière 
du  trou  dans  lequel  elle  étoit  engagée. 

Je  me  propofois  d'examiner  à  mon  aife  la 
ftrudure  de  l'inftrument  de  mon  Ichneumone  : 
mais  cette  Mouche  qui  avoit  été  fi  tranquiiié 
fur  la  galle  ,  pajrut  d'une  vivacité  furprenante 
dans  la  boîte, où  je  la  renfermai:  elle  y  tenoit 
fes  antennes  dans  un  mouvement  continuel  : 
elle  fut  enfin  s'échapper  lorfque  pour  la  prendre 
Se  fobferver  au  microfsope  ,  j'ouvris  la  boite 
où  elle  étoit  prifonniere.  Elle  n'étoit  d'ailleurs 
remarquable  ni  par  £i  figure,  ni  par  ù  couleur. 


no      OBSERVATIONS 

Elle  n'avoit  guère  plus  d^une  ligne  de  longueurs 
•on  n'appercevoit  fes  ailes  inférieures  qu'au  tra^ 
vers  des  fupérieures.  Son  corps  étoit  court,  de 
forme  ovale  5  Se  terminé  par  uiie  petite  queue  î 
il  étoit  joint  au  corcelet  fans  aucun  étrangle- 
ment. Celui-ci  étoit  un  peu  relevé  ^  comme  l'eft 
le  corcelet  des  Couiins  &  des  Tipules.  La  tète 
étoit  fort  petite  ,  &  portoit  deux  longues  an^ 
tenues  formées  d'une  fuite  de  petites  vertè- 
bres. Les  jambes  étoient  d'un  marron  clair.  La 
couleur  du  refte  du  corps  étoit  d'un  noir  lui- 
iants  mais  celui  de  la  tète  &  du  corcelet  étoit 
mat» 

DÈS  que  j^eus  enlevé  la  Mouche  de  deîTus  h 
galle  ,  mon  premier  foin  fut  d'obferver  l'endroit 
de  cette  galle  où  j'avois  vu  la  tarière  piquée  fi 
long-temps.  Il  étoit  plus  reconnoiffable  par  fa 
couleur,  que  par  le  diamètre  d'un  trou  prefque 
imperceptible  5  il  étoit  brun.  On  préfiime  aiicz; 
que  je  ne  part^'s  pas  fans  avoir  pris  les  précau- 
tions nécelfaires  pour  retrouver  fur  le  lieu  mi 
petite  gai'e.  De  temps  en  temps  5  je  retournois 
l'obferver  ,  &  je  la  trou  vois  de  plus  en  plus 
grofie.  Je  Pavois  d'abord  )i\gée  une  galle  en 
Grofdlle  ^  ou  de  celles  dont  la  grolfeur  égaie  à^ 
peu -près  celle  de  ce  petit  fruit;  mais  le  2f 
d'Août  3  elle  étoit  parvenue  à  égaler  en.  groiibur 


SUR  LES  insectes:     371 

tîiie  noix  mufcade.  Malheureufement  je  fus  obligé 
de  quitter  la  campagne ,  &  de  renoncer  à  fuivre 
une  Obfervation  qui  m'intérelibit  beaucoup  :  je 
pris  donc  le  parti  d'emporter  chez  moi  le  bout 
de  la  branche  auquel  tenoit  la  feuille  qui  por- 
toit  la  galle  :  je  plongeai  le  bout  de  la  branche 
dans  Peau  d'un  vafe  ,  que  j'avois  foin  de  re- 
nouveller  de  temps  à  autre  :  mais  en  moins 
de  trois  femaines  ,  la  feuille  fe  fana.  Ce  ne  fut 
pourtant  que  le  24  de  Novembre ,  que  j'ouvris 
la  galle ,  pour  voir  fi  fon  intérieur  étoit  habité. 
L'endroit  que  la  Mouche  avoit  piqué  ,  étoit 
encore  reconnoiffabie  par  une  couleur  plus  brune 
que  celle  du  refte  de  la  galle  5  mais  il  n'y  pa- 
roiifoit  aucun  veftige  du  trou  :  on  appercevoit 
pourtant  dans  l'intérieur  une  trace  de  la  pi- 
quure  s  car  je  ne  pouvois  pas  ne  prendre  point 
pour  telle  une  petite  bande  brune  ,  qui  péné- 
troit  en  ligne  droite  jufqu'à  la  cavité  qui  eft 
au  centre  de  ces  fortes  de  galles. 

Ce  que  je  cherchois  fur-tout  dans  l'intérieur 
de  notre  galle ,  c'étoit  au  moins  un  Infede  forti 
de  l'œuf  de  i'Ichneumone.  Je  n'en  découvris 
point  néaiuiioins  :  je  trouv-ii  feulement  la  Mou- 
che habitante  naturelle  de  la  galle.  Elle  étoit 
fort  près  de  venir  au  jour  :  il  ne  lui  reftoit 
plus  qu'à  percer  une   couche  très-mince  pour 


3f^       ÙBSEtxVÀTIOnÊ 

être  en  état  de  prendre  TeiTor.  Mais  dans  îâ 
cavité  du  centre ,  je  vis  des  excrémens  qui  ne 
font  pas  laillés  dans  le  commun  des  galles  par 
les  Vers  des  Mouches  qui  font  naître  ces  galles  % 
je  vis  encore  près  du  pédicule  de  la  galle  dont 
il  s'agit ,  deux  trous  ouverts  à  fa  furface  ,  -& 
dans  lefquels  des  excrémens  étoient  reliés.  On 
peut  donc  foupqonner,  qu'un  ou  deux  ïchneu- 
mons,  parvenus  à  prendre  des  ailes  dans  la 
galle ,  en  étoient  fortis  ;  &  il  faut  fuppofer  en 
conféqUence ,  que  la  Mouche  qui  avoit  donné 
naiiTance  à  la  galle ,  avoit  pondu  plus  d'un  œuf  ^ 
&  que  les  Vers  fortis  de  quelques-uns  de  ces 
œufs  avoient  été  dévorés  par  les  Vers  de" 
i'Ichneumone. 

Quoiqu'il  en  foit  ,  il  ne  fauroit  refter 
aucun  doute  fur  la  fin  pour  laquelle  la  petite 
Ichneumone  perçoit  la  galle  5  &  ce  qu'il  y  avoit 
ici  de  plus  curieux  à  obferver  l'a  été ,  dès  qu'on 
eft  parvenu  à  furprendre  flchneumone  occupée 
à  percer  la  galle  ,  &  à  la  fuivre  dans  fes  prin-^ 
cipales  manœuvres. 


•^Â^ 


OBSERVATION 


:S'U'R   L'ES  INJECTÉS.       §^? 

OBSERVATION     X  X  X  V 1 1 L 

^;S?fr  une  Mouche  des  galles  qui  perçoit  une  feuille 
pour  y  dépofer  fes  œufs. 


L 


21  de  Mai  1738  ,  cherchant  a  obferver 

les  petites  Chenilles  qui  plient  &  contournent 

les  feuilles  du  Rofier  ,  j'apperqus  fur  une   des 

•petites  branches  de  cet  arbriffeau  une  Mouche  , 

:[  iV.  VI  ^  Fig.  I.]  que  je  reconnus    auffi  -  tôt 

'pour   être  du  Genre  .de  celles  qui  font  naître 

ies    galks.  Je   coupai  la  branche,  &  la  piquai 

xians  un  vafe   plein  de  ^erre.   Je   ne  pus  faire 

<:ette  opération   fans   agiter  plus    ou    moins  la 

branche  fur  laquelle  hi  Mouche  étoit  fixée  j  <Sc 

-pourtant,  je  remarquai  que  ces   divers  niouve- 

mens  ne  paroilToient  point  faire  impreiTiou  fut 

Ja  Mouche.  Je  n'en  fus  que  plus  excite  à  lui 

donner   mon    attention.   Je    jugeai    facilement 

qu'elle  étoit  occupée  d'un  travail  important.  Sa 

couleur  d'un  rouge  marron,  &  fon  ventre  taillé 

€n    quille    de   vaiireau  ,  me  rappel) erent  la  def- 

-cription  que  M.  de  Reaumur  avoit  faite  de  la 

Mouche   des   galles    en   Grofeille ,   fi  communes 

fur  les  feuilles  du  Chêne  ,  &  j'en  inférai  que  la 

Zvlouclie   que   je   venois    de    furprendre ,  éïoiç 

occupée  à  pondre, 

Tanie  IL  Z 


3H       OBSERVATIONS 

La  branche  que  j'avois  détachée  portait  h 
ion  extrémité  un  paquet  de  feuilles  qui  n'é- 
;toient  pas  encore  développées ,  &  c'étoit  fur 
ces  feuilles  mêmes  que  la  Mouche  s'étoit  fixée. 
Peu  de  temps  après ,  je  la  vis  changer  de  place. 
Elle  ne  paroilîbit  pas  fort  agile.  Sa  démarche 
-etoit  alTez  lente  ;  j'ai  prefque  dit  aifez  lourde. 
Elle  n'ailoit  pas  loin,  &  ne  faifoit  que  quelques 
pas  autour  des  feuilles  ;  puis  elle  revenoit  fe 
^xer  à  la  même  place,  ou  à  peu  de  diftance  de 
l'endroit  où  je  Pavois  furprife.  Qiielquefois  elle 
niarchoit  à  reculons  en  tâtant  du  bout  de  fou 
derrière  la  furface  des  feuilles  fur  lefquelies  elle 
paiToit.  Cette  petite  manœuvre  me  confirma 
dans  la  penfée  que  ma  Mouche  cherchoit  un 
lieu  propre  à  recevoir  les  œufs  qu'elle  étoit 
prête  à  pondre  ,  &  me  porta  à  redoubler  d'at- 
tention. Je  remarquai  que,  lorfqu'elle  tâtoit  du 
bout  de  fon  derrière  la  furfice  des  feuilles  ,  il 
iortoit  du  milieu  du  deifous  de  fon  ventre  ,  ou 
de  cet  endroit  taillé  en  arrête  vive  ,  une  cfpece 
d'aiguillon  ,  de  même  couleur  que  le  ventre ,  & 
qui  ne  reffembloit  pas  mal  au.  fabre  qui  ter- 
mine le  derrière  des  Sauterelles.  Il  n'étoit  pas 
.néanmoins  Ci  long  ,  &  il  étoit  plus  large  pro- 
portionnellement. Je  préfumai  bien  que  l'aiguil- 
lon de  notre  Mouche  avoit  beaucoup  d'analo- 
gie avec  ie  fabre  des  Sauterelles,  &  qu'il  étoit 


SUR   LES   IRSECTES,        a^ç 

deftiné  à  mettre  les  œufs  eu  phce.  Elle  le  diri- 
gcoit  tantôt  plus  ,  tantôt  moins  obliquement  à 
la  longueur  de  fon  corps.  Qirand  elle  le  diri- 
geoit  le  moins  obliquenrent ,  il  me  paroi llbit 
s'enfoncer  dans  les  feuilles:  je  nrairnrois  mèms 
qu'il  sV  enfoui^oit  un  peu  5  car  je  n'en  décou- 
vrois  plus  Cl  bien  l'extrémité.  Mais  il  ne  demeu- 
roit  pas  long-temps  aind  enrbncé  :  la  Mouche 
îe  retiroit  bientôt ,  fuit  pour  le  faire  rentrer 
dans  fon  ventre ,  ou  le  coucher  dans  la  petite 
coullile  pratiquée  dans  Tarrece  vive ,  &  l'y  ren- 
fermer comme  une  lancette  dans  fon  étui  j  foit 
pour  tâter  d'autres  endroits  de  la  feuille.  Pon- 
dant que  je  faifois  ces  obfervations  ,  m'étanC 
muni  d'une  loupe,  j'apperqus  une  pointe^ extrê- 
mement fine  qui  fortoit  de  l'extrémité  de  ce 
que  j'avois  pris  pour  raiguiilon  ,  &  qui  n'en 
étoit  ainfi  que  le  fourreau.  Cette  pointe  Ci  fine 
ne  fortoit  que  fort  peu  hors  du  fourreau ,  tan- 
dis que  la  Mouche  tâtoit  la  feuille.  Enfin,  après 
m'avoir  oîicrt  ces  divers  procédés,  ma  Mouche 
fe  fixa.  Elle  fit  fortir  ce  que  j'avois  d'abord  pris 
pour  l'aiguillon,  plus  qu'elle  n'avoit  encore  fait; 
elle  le  dirigea  prefque  perpendiculairement  à  la 
longueur  de  fon  corps,  &  j^e  le  vis  pénétrer 
entre  àcux  feuilles ,  qui  n'étant  pas  encore  épa- 
nouies demeurcieiit  *c!ppliquées  l'une  à  l'autre. 
Qj.iand  il  eut  pénétré  fort  avant  entre  les  deux 

Z    2, 


3S^       0  B  S  E  R  l^  A  T  I  0  N  S 

feuilles ,  &  qu'il  fe  fut  écoule  un  certain  tenlps? 
le  ventre  de  la  Mouche  changea  de  forme.  Au 
lieu  de  celle  qu'il  avoit  d'abord ,  il  en  prit  inie 
autre  [PL  VI,  Fig.  ii.]  qui  me  frappa  beau- 
coup. Il  s'élargit  cxtraordinairement  dans  {-à 
partie  inférieure  ,  parce  qu'à  mefure  que  l'ai- 
guillon s'enfonqoit  entre  les  deux  feuilles  ,  il 
tiroit  11  fort  à  lui  les  anneaux  du  ventre  ,  qu'il 
le  dciiguroit  entièrement.  Le  derrière  de  la  Mou- 
che le  terminoit  par  une  fort  petite  queue  [q~\ 
t;iil!ée  en  pointe  :  cette  queue  s'éleva  pcu-à-peu 
prefque  à  la  hauteur  des  ailes  ,  &  la  partie  du 
ventre  fituée  au-deflbus  ,  s'é!argit  tellement  en 
iuivant  l'aiguilion  ,  que  fa  largeur  vint  à  fur- 
palTer  la  longueur  du  ventre.  Celui  -  ci  en  prit 
une  forme  triangulaire ,  ou  pour  parler  plus 
exactement  aflez  bifarre.  La  partie  fituée  au- 
delfous  de  la  petite  queue  ,  n'étoit  pas  tirée  par 
l'aiguillon  perpendiculairement  en  en-bas  5  &  on 
appercevoit  fur  le  bord  ,  &  à-peu-près  dans  le 
miheu  de  fa  longueur  ,  une  forte  de  renfle- 
ment [>']  ou  de  coude.  Le  côté  oppofé  du 
ventre  [  0  ]  ,  celui  par  lequel  il  s'uniifoit  au  cor- 
celet,  nepréfentoit  point  de  renflement,  &  étoit 
terminé  par  une  ligne  droite  ,  qui  formoit  un 
d3S  côtés  du  triangle.  Qiiand  la  Mouche  faifoit 
pénétrer  fon  aiguillon  le  plus  profondément 
qu'il  étoit  polîîble..^  le  renflement   ou  le  coude 


SUR   LES   INSECTES.        3^)7 

clont  j'ai  parlé  ,  difparoiiroit ,  &  c'était  alors  que 
h  ventre  preiioit  une  forme  plus  exaclement 
triangulaire.  [PL  VI,  Fig.  J.]  Je  le  voyoïs.  s'e- 
krgir,  je  dirai  mieux,  salonger  de  plus  en  plus 
par  fa  partie  inférieure  5  au  paiuti  de  s'eni-oncev 
lui-même  allez  avant  entre  les  feuilles.  Il  s'é- 
couloit  Uji  temps  plus  ou  moins  long  pendant 
lequel  la  Mouche  continuoit  à  tenir  foix  aiguil-= 
loji  aulli  profondément  enfoncé  entre  leS:  fcuiU 
les  :  elle  le  retiroit  enfuite  peu-à-peu  ,  &  à  me-, 
fure  qu'elle  le  retu'oit ,  le  ventre  fe  rapprochoit 
davantage  de  fa  première  forme  ou  de  fa  forme 
naturelle. 

Pendant  'toute  la  durée  de  l'opération  ,  Il 
Mouche  paroiiToit  fort  tranquille  ;  elle  n'agitoit3 
que  fcs  antennes.,  &  même  afTez  foiblement.  Sa 
tète  étoit  inclinée  &  tendoit  à  fc  rapp  roc  lier 
des  premières  jambes.  Elle  étoit  Ci  occupée  de 
fon  travail ,  que  quoique  je  tran.fportalTe  le  va  le 
d'un  lieu  dans  un  autre  ,  elle  ne  fembloit  pas 
s'en  appercevoir  ;  &  qiiiind  je  la  touchois  légè- 
rement du  doigt,  elle  ne  iaifoit  que  retirer  un 
peu  fon  aiguillon  d'entre  les  feuilles  ,.  pour  l'y 
replonger  un  moment:  après  ,  auffi  profondément 
qu'auparavant. 

Les  yeux  armés  d'une  ioune  ^  je  tâchois  de 

z  3 


35S     observations: 

découvrir  les  œufs  à  leur  pafïiigc  par  le  cauaî 
que  renfermoit  l'aiguillo!!  -,  mais  ce  fut  en  vain. 
L'opacité  des  parties  ne  me  le  permettoit  pas. 
J'appcrqus  feulement  dans  l'intérieur  du  ventre 
ini  certain  mouvemciit  ,  que  je  ne  pou  vois 
comparer  qu'à  celui  d'ui  fluide  qui  fc  portoit 
tantôt  d'un  côté  >  tantôt,  d'un  r.utre.  Ce  fluide 
apparent  étoit  ds  couleur  brune  ,  &  rendoit 
ainfi  plus  opaque  le  côté  du  ventre  vers  lequel 
il  fe  portoit. 

Il  étoit  environ  midi  quand  une  Mouclie 
commença  à  enibnccr  fon  aiguillon  entre  les 
feuilles,  8i  elle  étoit  encore  fur  les  deux  heures  > 
dans  la  pcfture  que  je  viens  de  décrire.  Mais 
bientôt  je  la  vis  agiter  fes  antennes  avec  viva- 
cité ,  &  commencer  à  retirer  fon  aiguillon.  Je 
préfumai  affez  ,  que  dès  qu'elle  auroit  achevé 
de  le  dégager,  elle  m' échappe  roi  t.  En  effet,  elle 
çouroit  déjà  fur  la  branche  ,  &  elle  étoit  fur 
le  point  de  s'envoler  ,  lorfqu.e  je  la  faiiis  pour 
la  renfermer  dans  une  boite. 

CettF;  Mouche  n'avoit  pas  deux  lignes-  de. 
longueur.  La  couleur  de  fon  ventre  étoit ,  comme 
|e  l'ai  dit ,  d'un  rouge  marron  y  Se  cette  couleur 
étoit  encore-  celle  des.  jambes.  La  tète  y  les  an- 
Içiliiés  &  lé  QQXcéQtc  dtoient  noirs.  Les  anteu-». 


SUR    LES    I2s[SECTES.       3^-9 

lies  étoîent  affez  longues  &  à  filets  grenéc.  Les 
ailes ,  au  nombre  de  quatre ,  avoient  la  tranfpa- 
rence  ordinaire  :  on  appercevoit  feulement  dar.s 
le  milieu  de  chacune  deux  petites  taches  noirâ- 
tres. Les  fupérieures  recouvroient  les  inférieu- 
res ,  &  fe  croiibient  un  peu  :  leur  extrurn^té 
outrepafToit  un  peu  le  bout  du  derrière.  Leur 
port  étoit  parallèle  au  plan  de  pofition. 

On  penfc  bien  que  je  fus  très-foigneux  d'ob- 
fervcr  à  la  vue  (impie  &  à  la  loupe ,  Tendroit  oii 
l'aiguillon'  de  la  Mouche  avoit  pénétré  ;  mais 
je  ny  démêlai  rien  de  particulier.  Les  feuilles 
me  parurent  parfaitement  exemptes  de  cicatri- 
ces. Qiiatre  jours  après  ,  je  féparai  entièrement 
les  deux  feuilles  pour  les  examiner  plus  'atten- 
tivement &  plus  à  mon  aife  :  mais  quelque 
attention  que  j'y  apportaffe ,  je  ne  découvris  ni 
cicatrices ,  ni  œufs.  A  la  vérité ,  les  o:ufs  pou-, 
voient  être  Ci  petits  ,  que  ma  loupe  n'étoit  pas 
aiTez  forte  pour  me  les  faire  appercevoir. 

J'ai  rapporté  d'autant  plus  volontiers  cette 
Obfervatioii ,  qu'il  cPc  très-rare  qu'on  parvienne 
à  furprendre  leti  Mouches  des,  galles  tandis 
qu'elles  font  occupées  à  percer  les  feuilles  pour 
y  loger  leurs  œufs.  M.  de  Reaumuk  lui-même 
iiy   étoit   pas    parvenu.   Je    vais    tranlcriiç    là 

Z  4 


5^0       OBSERVAT  I  0  N  S 

defcription  de  la  Mouche  des  galles  y  elle  aiderij' 
mow  Lecteur  à  laifir  mieux  tout  ce  que  j'air, 
rapporte  dans  cet  article,. 

"  La  tète  de  cette   Efpece   de  Mouche ,  dil^ 

„  M.  de  ReaUxMUR   (^  ,  n'a  rien   de  fort  rc- 

33  marquable ,  elle   porte    deux   antennes  alTcz 

^3  longues  ....  elle  eft  muiiie  de  deux  dents . . , 

^  Le  corcelet   eft  allez  grand  par  rapport  à  la 

„  longueur  dû  corps  -,  il  eft  brun ,  inais  li  l'eft 

y^  moins  que  la  tête. .  .  .Le  corps  eft  d'un  brun 

35  très-luifant.  ...  Il  eft  court ,  mais  ce  qui  lui 

,^  donne  un  air  qui  lui  eft  propre ,  une  forme 

35  diiîérente  de  celle  du  corps,  des  Mouches  des 

33  autres  Genres  y  c'eft  qu'il  a  moins  de  diame- 

;j3  tre    d^un  côté  à  l'autre  ,  que   du  deifus  au^ 

53  dôlTous.  C'eft  fur-tout  le  dcifous  d\x  ventre , 

33  qui  a  une  forme  difFérente  de  celle  du  def- 

„  fous  du  ventre  des  autres  Mouches  j  il  a  en 

,;,  quelque  forte  celle  d'une  carène  de  vaiifeau,. 

^  Imaginons  le  vaiifeau  renveifè,  ou  ce  qui  eu 

J.3  la    même    chofe  y  que    nous    avo^is    mis    la 

53  Mouche  le  ventre  en-haut  ::  depuis,  le  corcc- 

yy  let  jufques,  vers,  la  moitié  de  la  longueur  du 

3.3  corps,  il  y  a  une  efpece  d'arrêté,,  ou  plutôt 

33  de  tranchant  v  le    mot  de   tranchant    ne    dit 

(*)  Mé,n.  fytir  Servir  à  l'Hifl.  des- Ivf-  Tom.  III ,  Mcm.  XI  j. 
%^%f  4.83  «S;  fi;i,v..  lie  la  gr.tnakrc  liduion  in-^-''^. 


SUR    LE^  IN  SECTE!-.       :^t 

55  rien  de  trap  ;  car  chaque  anneau  eft  couvert: 

5)  par  une  pièce  d'écaillé ,   qui  eft   une   elpeca 

53  de    ceinture    ou    d'anneau    ouvert ,  dont  les 

35  deux  bouts  viennent  s'appliquer  l'un  contre. 

35  Tautre  en  delTous  du  ventre ,  &  former  par 

2^  leur  rencontre  une  arrête  aiguë.  Là,  les  deux 

55  bouts    de  l'anneau  écailleux  ne    font   qu'ap- 

55  pliqués  l'un  contre  l'autre  ;  il  eft  aifé  de  le 

35  rcconnoitre ,  fi  on  tâche  de  les  écarter  avec 

33  une  pointe  fine.  S'ils  ne  pouvoient  pas  s'é- 

33  carter  de  la  forte,  le  ventre  de  l'Infeéte  ne; 

35  pourroit    pas    fe  gonfler    plus   dans    certains. 

33  temps  que  dans  d'autres  ,  &  il  lui  eft  néceC- 

35  faire  de  le  pouvoir.   Vers  le  niiheu  du  ven- 

35  tre ,  cette  arrête  manque ,  elle  femble  abattue 

55  depuis    cet    endroit    jufqu'à   l'anus  ;   c'eft-à- 

35  dire  ,  que  les  deux  bouts  de  chaque  écailler 

35  de  l'anneau  ,  lailfent  là  un   petit    intervalle 

35  entr'eux.  Là  auilî ,  ils  forment  une  efpece  de 

35  Goulilfe  où   font  logées   des  parties  qui  m5- 

„  ritent  d'être  connues  j  favair ,  une  efpece  de 

35  tarière  en  forme ,  d'aiguillon  ,  &  deux  pièces 

35  beaucoup  plus  groiles  ,  qui  lui  fervent  d'étui. 

35  II  ne  faut  que  preifcr  entre  deux  doigts  1@ 

53  ventre  de  la  Mouche  ,  &  augmenter  douce- 

55  ment  les  degrés  de  preirion  ,  pour  obliger  ces 

35  parties  de  fe  mettre  à  découvert,  &  de  mon- 

33  trer  d'où  leur  jeu  dépend.  Le  premier  degré 


3^2       OBSERVATIONS 


de  preffion  force  feulement  les  deux  pièces 
qui  compofent  Pétui  ,  à  s'écarter  l'une  de 
l'autre ,  &  aiïez  pour  permettre  de  diftinguer 
l'aiguillon  qui  eft  entr'elles  deux ,  &  contre 
lequel  elles  ne  font  plus  alors  auffi  exacfte- 
ment  appliquées  qu'elles  l'étoient  auparavant. 
Le  contour  de  l'anus  paroît  alors  s  il  eft  cir- 
culaire &  borde  de  poils.  Si  on  prelTe  en- 
fuite  ,  on  oblige  l'aiguillon  à  fortir  de  fon 
étui ,  à  s'élever  ;  on  reconnoît  qu'il  eft  d'une 
fubftance  analogue  à  la  corne  &  d'un  brun 
châcarn  ,  comme  le  font  les  aiguillons  ou  les 
inftrumens  équivalens  de  beaucoup  de  Mou- 
ches plus  groifes.  On  voit  qu'il  vient  de  Peu- 
droit  où  Parrètc  du  ventre  commence  à  être 
abattue ,  que  là ,  eft  une  pièce  écailleufe  qui 
avance  un  peu  fur  la  couliiTe ,  &  que  c'eft 
deifous  cette  pièce  que  palfc  Paiguillon.  Mais 
on  ne  le  voit  pas  encore  dans  toute  fa  lon- 
gueur ;  il  paroit  bientôt  plus  long  ,  fi  on 
33  preife  le  ventre  davantage  y  on  Poblige  de 
„  fortir  du  ventre  dans  lequel  il  eft  logé  en 
grande  partie.  La  prefîîon  augmentée  con- 
traint auffi  Panus  à  devenir' plus  éloigné  qu'il 
ne  Peft  dans  Pétat  naturel ,  de  Pendroit  où 
l'arrête  commence  à  manquer ,  &  où  eft  Pori- 
55  gine  de  la  coulifîe.  Les  bouts  de  chacune 
55  des  pièces  qui  compofent  Pétui ,  fe  trouvent; 


SUR    LES    INSECTES        3^3 

;,  cependant  toujours  à  même  diftance  de  l'anus , 
j3  d'où  il  fembieroit  que  ces  pièces  s'alongent, 
35  mais  ce  qui  ei^c  plus  vrai,  &  ce  qui  eft  plus 
33  remarquable ,  c'efi:  que  la  tige  ,  pour  ainlî 
53  dire,  de  chacune  de  ces  pièces  étoit  dans  le 
3,  corps,  &  que  la  preiPion  l'en  a  iait  fortir. 
„  Qii'on  pouiîe  plus  loin  la  preffion  ,  &  juf- 
53  qu'au  dernier  point  où  elle  peut  être  portée, 
33  tout  cela  devient  plus  fenfible;  Faiguilloii 
33  par  oit  plus  du  double ,  &  près  du  triple  plus 
3^3  long,  qu'il  ne  l'étoit  d'abord;  l'anus  s'éloi- 
53  gnc  davantage  de  l'origine  de  la  coulilTe , 
53  mais  ce  n'eft  pas  en  ligne  droite  qu'il  s'en 
53  éloigne,  il  paiTe  du  côté  du  dos,  &  la  partie 
33  de  chacune  des  pièces  de  la  couliife  qui  eft 
33  fortie  du  ventre ,  fe  recourbe  en  arc ,  &c.  ,> 

Si  l'on  compare  cette  defcription  de  M.  de 
REA.UMUR  avec  les  détails  que  mon  Obferva- 
tion  préfente ,  on  y  trouvera  bien  des  rapports. 
Ce  que  cet  habile  Obfervateur  opéroit  en  prel^ 
Tant  de  plus  en  plus  le  ventre  de  fa  Mouche, 
-s'opéroit  naturellement  dans  celle  que  j'avois 
furprifei  occupée  à  pendre.  Il  eût  été  a  fouhai- 
ter  ,  que  Malpighï  ,  qui  avoit  auffi  furpris  une 
Mouche  de  cette  Efpece  dans  la  même  fonc- 
tion ,  comme  on  peut  ri;ûerer  d'un  palfage  de 
fon  Hiftoire  des  galles ,  fut  entré  ià-delfus  dans 


3(^4       OBSERVATIONS 

quelque  détail.  Il  en  feroit  mieux  prouvé  en- 
core ,  que  le  ventre  de  la  Mouche  fubit  pendant 
l'opération  de  la  ponte  les  divers  changemens 
de  formes  que  /ai  décrits.  Au  refte,  je  me  ferois. 
exprimé  avec  plus  d'exaditude  &  de  clarté  ,  11. 
j'avois  eu  en  main  les  Mémoires  de  M.  de 
Reaumur  tandis  que  je  faifois  mon  Obier- 
vatioii. 

OBSERVATION     XXXIX. 

Sur    le    Founnilion ,    ^    en  particulier  fur  fa 
Jîru&ure. 


L 


iE  Fourmilion  ,  ce  petit  Ver  hexapode  que- 
ion  induftrie  a  rendu  Ci  fameux,  efl  un  des  In- 
fedes  qui  piquèrent  le  plus  ma  curiofité  dans 
ma  première  jeun  elfe.  Je  n'étois  encore  que 
dans  ma  dix-repticme  année,  lorfque  je  cem^ 
menqai  a  ToLfervcr.  J'en  avois  dû  la  première 
connoiirance  à  Fingénieux  Auteur  du  Speclacle- 
de  la  Mature  j  &  frappé  de  tout  ce  qu'il  qi\ 
racontoit  G  agréablement  ,  j'avois  defiré-  avec- 
ardeur  de  voir  par  moi-mèiiie  des  fiits  que  je 
foupqonnois  avoir  été  trop  embeiiis  par  THif- 
torien  y  car  je  ne  pouvois  me  pcriuader  encore 
qu'il  exi(i:àt  dans  la  Nature  un  petit  înfede  fi- 


SU:^   LES   INSECTES,        3^f 

jnduftrieux.  Je  ne  tardai  pas  à  me  fatisfaire  , 
&  dès  l'année  1737  ,  j'avois  vu  par  mes  propres 
yeux  les  particularités  les  plus  intéreiTantes  de 
rhiftoire  du  Fourmilion  ,  &  j'avois  été  forcé 
de  reconnoître  qu'elles  n'avoient  pas  été  exagé- 
rées par  l'Abbé  Pluche.  Cet  eftimable  écrivam, 
qui  n'étoit  pas  Obfervateur  de  profeiîîon ,  avoit 
puifé  les  matériaux  de  fon  agréable  Dialogue 
dans  un  Mémoire  du  favant  Poupart  ,  que 
l'Académie  des  fciences  de  Paris  avoit  publié 
-en  1704.  Je  crus  donc  que  je  de  vois  confulter 
fur-tout  ce  Mémoire  comme  l'Hiftoire  orginale 
du  Fourmilion  ,  &  comparer  mes  obfevations 
à  celles  de  cet  habile  Académicien.  Je  ne  favois 
rien  encore  des  obfervations  de  M.  de  Reau- 
MUR  :  fon  hiftoire  du  Fourmilion  ne  de  voit 
fe  trouver  que  dans  le  fixieme  volume  de 
fes  Mémoires  fur  les  Infe&es  ,  qui  ne  parut 
qu'en  1742.  Ce  que  je  vais  tranfcrire  de  mon 
Journal  eft  donc  antérieur  à  la  publication  de 
ce  volume  ,  dans  lequel  l'illudre  Auteur  a 
bien  voulu  inférer  pîufieurs  de  mes  obferva- 
tions fur  le  Fourmilion  Se  les  confirmer  par 
celles  qu'il  avoit  faites  lui-même. 

Je  ne  donnerai  pas  ici  la  defcription  détaillée 
du  Fourmilion  :  on  la  trouve  dans  le  Mémoire 
de  M,  de  Reaumur  :  je  me  bornerai  aux  par- 


3^S       OBSERVJTIOKS 

ticiilarités  de  fa  ftruclure .  qui  avoicnt  fait  l'ob* 
jet  des  recherches  de  M.  Poupart.  Ce  curieuse 
Obfervateur  s'étoit  contenté  de  dire  ,  que  le 
Fourmilion  file  avec  fon  derrière  à -peu- prés 
conhne  fait  P Araignée.  Il  eft  fingulier  qu'il  n'eût 
pas  cherché  à  voir  l'organe  au  moyen  duquel 
rinfec1:e  file  ,  &  qui  le  met  en  état  de  revêtir 
l'intérieur  de  fa  petite  Coque  d'une  jolie  tapif- 
ferie  de  foie  du  plus  beau  gris  de  perle.  C'eft 
en  effet  au  derrière  qu'eH  la  filière  du  Four- 
milion. C'eft  pareillement  au  derrière  que  font 
placées  les  filières  de  PjVraignée  ;  auiîi  M.  Pou- 
PART  fe  plaifoit-il  à  trouver  des  analogies  en- 
tre les  deux  Infedes.  Le  derrière  du  Fourmilion 
eft  terminé  par  une  pointe  mouiTe  :  en  obfer- 
vant  à  la  loupe  cette  pointe  ,  tandis  que  je 
tenois  l'Infede  renverfé  fur  fon  dos ,  jy  dé-  . 
couvris  ûx  petits  poils  ,  fort  courts  ,  de  couleur 
brune  ,  piqués  les  uns  à  côté  des  autres  ,  &  à 
'égale  diftance  ,  fur  un  même  arc  de  cercle.  Au- 
deflTus  de  ce  prem:er  rang  de  poils  courts ,  &  à 
une  petite  diftance  ,  j'en  découvris  encore 
quatre  autres  rangés  à-peu^pres  fur  une  ligne 
droite.  Ils  n'étoient  pas  tous  placés  comme  les 
premiers  ,  à  égale  diftance  les  uns  des  autres  ^ 
ils  étoient  difpofés  par  paires  ,  &  il  reftoit  un. 
vuide  entre  les  deux  paires  un  peu  plus  grap.d 
que  celui  qui  féparoit  les  poils  de  chaque  paire. 


SUR    LES    INSECTES,      3(^7 

Les  poils  de  la  première  rangée  ou  ceux  qui 
ctoieiit  difpolés  en  arc  de  cercle  ,  &  qui  étoient 
les  plus  prés  du  derrière  ,  fembloient  y  former 
une  forte  de  couronne  ,  ou  plutôt  de  demi- 
couronne.  Tout  devint  bien  plus  diftind  au 
microfcope  :  les  petits  poils  •  m'y  parurent  fous 
la  forme  de  mamelons  coniques  fort  alongés 
ou  fous  celle  de  petites  quilles ,  de  couleur 
rouge.  Je  fus  féduit  par  cette  apparence  trom- 
peufe  &  je  ne  pus  m'empêcher  de  les  regarder 
comme  autant  de  filières.  Je  les  comparois  ta- 
citement aux  mamelons  qu'on  obferve  au  der- 
rière des  Araignées  ,  &  qui  font  bien  de  vé- 
ritables filières.  Je  me  trompois  néanmoins  ;  & 
je  ne  fus  défabufé  que  par  une  lettre  de  M, 
de  Reaumur  ,  à  qui  j'avois  fait  part  de  mes 
obfervations  fur  la  ftrudure  du  Fourmilion.  Il 
m'affura  que  cet  Infecle  n'avoit  qu'une  feule 
filière ,  placée  au  bout  de  fon  derrière  ,  &  que 
cette  filière  étoit  précifément  ce  petit  corps  lon- 
guet &  charnu  que  j'avois  moi-même  obfervé , 
Se  dont  je  n'ai  pas  parlé  encore.  M.  de  Reau- 
mur ajoutoit  5  qu'il  avoit  fait  fortir  un  fil  de  foie 
de  cette  même  filière  ,  &  que  ce  fil  s'alongeoit 
autant  qu'il  le  vouloit.  C'avoit  été  fur  un  Four- 
milion prêt  à  conftruire  la  Coque  ,  que  M.  de 
Reaumur  avoit  réulîi  à  faire  c.  it :  petite  expé- 
rience. J'appris  donc    de    mon  iiluitre    maître. 


5^S       OBSERVATIONS 

«que  j'avois  vu  la  véritable  filière  de  notre  îit- 
fede  fans  l'avoir  reconnue  pour  ce  qu'elle 
€toit.  En  effet ,  après  avoir  beaucoup  examiné 
ces  petits  poils  que  je  prenois  pour  des  filières  > 
je  m'étois  avifé^  de  prelfer  un  peu  fortement 
le  derrière  de  PInfcc1:e  ,  Se  j'en  avois  fait  for- 
tir  un  petit  corps  charnu  en  forme  de  marne* 
Ion  très  -  alongé  ,  qui  reifembloit  fort  à  cette 
nouvelle  partie  que  j'avois  découverte  dans  les 
Chenilles^  &  que  j'ai  décrite  Obf.  IX  ^  X.  Ce 
corps  longuet  &  charnu  étoit  compofé  de  deux 
pièces  qui  paroiflbient  faites  pour  s'emboiter 
Fune  dans  l'autre  comme  les  tuyaux  d'une  hu 
nette  à  longue  vue.  Le  tuyau  inférieur  ou  la 
pièce  qui  fervoit  de  bafe  à  l'autre  ,  avoit  une 
forme  approchante  de  la  cylindrique  :  elle  s'é- 
largiflbit  pourtant  un  peu  vers  le  bas.  Elle 
étoit  la  plus  longue.  L'autre  pièce  ,  la  fupé- 
rieure  étoit  exadlenient  cylindrique  ^  mais  fon 
diamètre  étoit  beaucoup  plus  petit.  Les  deux 
pièces  prifcs  enfemble  n'avoient  pas  trois  quarts 
de  ligne  de  longueur  :  auiîi  pour  les  bien  voir 
falloit-il  recourir  à  la  loupe.  Leur  couleur  étoit 
blanchâtre.  Ce  fut  en  vain  que  je  prelfai  le 
derrière  d'un  Fourmilion  jufqu'à  le  faire  écla- 
ter ',  je  ne  parvins  point  à  forcer  la  filière  à 
•■s'alonger  davantage  ;  mais  je  vis  fortir  de 
rextrémité    fupérieure    une    gouttelette    d'une 

liqueur 


^UÏL    lÈS  INSECTES.        36^ 

ïîcjiieur  aflez  claire  qui-,  appliquée  fur   ma  lan- 
gue ,  n'y  fit  aucune  imprefHon  fenfible. 

Du  derrière  du  Fourmilion  je  remontai  à  fa 
tête.  M.  Pou  PART  avoit  dit  que  cet  Infecte 
n'a  qu'un  œil  placé  à  la  bafe  de  chaque  corne. 
S'il  eut  obfervé  plus  attentivement  &  avec  une 
bonne  loupe  ,  il  auroit  reconnu  qu'il  fe  trom- 
poit.  Le  FouLmilion  eft  mieux  partagé  à  cet 
égard  j  au  lieu  d'un  œil  à  la  bafe  de  chaque 
corne ,  il  en  a  réellement  ûx  ,  que  je  n'eus  pas 
de  peine  à  découvrir.  Cinq  de  ces  yeux  me  pa- 
rurent rangés  à-peu-près  fur  la  circonférence 
d'un  cercle  :  le  lixieme  en  occupoit  le  centre. 
Ils  étoient  d'un  noir  luifint  &  pofés  fur  une 
petite  élévation  fort  feniible  ,  qui  failloit  aux 
deux  côtés  de  la  tète  ,  à  la  bafe  de  chaque" 
corne.  Le  Fourmilion  eft  donc  pouivu  de  douze 
yeux  ,  qui  m'ont  paru  le  fervir  très-bien.  Il 
eft  encore  finguiier  que  M.  Poupart  ne  les 
eut  pas  apperqus  ;  car  il  nous  apprend  lui- 
même  ,  qu'il  avoit  obfe  vé  les  cornes  ave'c  un 
fort  microfcope  :  commeiU  donc  les  douze  yeux 
lui  avoient-ils  échappés  5  tandis  qu'une  loupe 
médiocre  fuftit  pour  les  faire  appercevoir  ? 

Ces   cornes  ,  que    notre   Obfervateùr  avoit 
«îxpolées  au  foyer  d'un  microfcope  à  liqueurs.' 
Toms  IL  h  a 


37®-      OBSERVATIONS 

lui  avoient  paru  comme  deux  feringues  ou 
deux  corps  de  pompe.  Il  nous  apprend  lui- 
même  ',  qu'il  y  avoit  apperçu  wi  corps  trcmfpa- 
rent  ^  membraneux  ,  qiii  alloit  tout  du  long  de 
la  cavité  de  la  corne  ,  qui  pouvait  Men  être  le 
pifion  de  la  feringue.  Sans  avoir  eu  recoujLS  à 
un  micro icope  aulîî  fort  que  celui  de  notre  cé- 
lèbre Académicien  ,  &  en  ne  me  fervant  que  d'une 
fimpie  loupe ,  j'avois  fouvent  obfervé  une  ef^ 
pecc  de  canal  qui  occupoit  le  milieu  de  chaque 
corne  ,  &  qui  régnoit  dans  toute  la  longueur 
de  celle-ci.  Mais  il  me  paroiUbit  au  contraire 
opaque  ,  «Se  de  couleur  rougeâtre.  Cétoit  fans 
doute ,  ce  que  M.  Pou  PART  avoir  pris  pour  le 
pifton  de  la  feringue.  Après  Tavoir  coniidéré 
à  la  loupe  ,  je  le  démèlois  très-bien  à  la  vue 
fimple. 

Ceci  m'engagea  à  poufTer  plus  loin  mes  re- 
cherches fur  la  ftrudure  des  cornes  du  Four- 
milion :  les  inftrumens  qui  ont  été  donnés  aux 
Infedes  pour  leur  confervation ,  méritent  bien 
d'occuper  un  Obfervateur  qui  fe  plait  à  ad- 
mirer ces  chef-d'œuvres  de  la  Nature. 

Les  cornes  du  Fourmilion  parvenu  à  fon 
parfait  accroiffement  ,  n'ont  guère  plus  d'une 
Jigne  &   demie  de   longueur.  Elles   font   d'une 


SUR    LES    INSECTES.      371 

Fui) (tance  qui  approche  de  celle  de  la  corne  ou 
de  Pécaille.  M.  PotJPART  les  avoit  comparées 
à  celles  du  Cerf- volant ,  &  cette  comparaifou 
•eft  aflez  jufte.  Elles  font  en  effet ,  dentées  fur 
leur  bord  intérieur  comme  celles  de  ce  grand 
Scarabé.  Les  principales  dents  font  au  nombre 
de  trois.  Elles  font  aiguës ,  de  forme  triangu- 
laire ,  &  inclinées  vers  la  pointe  de  la  corne. 
Celles  de  chaque  corne  font  placées  à-peu-près 
à  égale  diftance  les  unes  des  autres,  &  occupent 
ie  milieu  de  la  longueur  de  la  corne.  Leurs 
dimenfions  ne  font  pas  égales  :  îa  dent  la  plus 
voiiine  de  la  pointe  de  la  corne  efl  la  plus  lon- 
gue :  la  dent  la  plus  voiiine  de  la  bafe  eft  la 
plus  courte.  Leur  extrémité  eft  noire.  Si  la 
dent  la  plus  proche  du  bout  de  la  corne  eft; 
la  plus  longue  ,  c'eft  probablement  pour  qu'elle 
puiife  agir  avec  plus  d'avantage  fur  la  proie. 
Les  cornes  du  Fourmilion  ne  font  pas  rafes  & 
luifantes  comme  celles  du  Cerf- volant  :  elles 
font  affez  garnies  de  poils  noirs ,  dont  quel- 
ques-uns font  alfez  longs.  11  en  eft  de  fort  courts 
qui  font  placés  entre  les  dents  ,  &  qui  reffem- 
blent  eux-mêmes  à  de  petites  dents  j  car  ils 
ont  une  certaine  groifeur. 

On  peut  confidérer  les  cornes  de  notre  Li- 
ftde  fous   deux  faces    principales    &  oppofées, 

Aa  z 


372       OBSERVATIONS 

Je  nommerai  riine  îa  face  fupérieure  h  l'autre  ^ 
rinférieiire.  On  découvre  celle-ci  en  regardant 
FInfecle  du  côté  du  ventre  >  on  découvre  celle- 
là  ,  en  le   regardant  du  côté  du  dos.   Sous    la- 
quelle   de   ces    deux    iaces    qu'on    examine   les 
cornes  du  Fourmilion,  on  les  trouve  plus  larges 
qu'épaiiTes.  E!!es  coiifervent  à-peu-près  la  même 
largeur  depuis  leur  origine  jufqu'à  Tendroit  où 
elles  commencent  à  fe  courber  en  crochet.  Là  ^ 
elles    diminuent    confidérablement    de    largeur 
pour  fe  terminer  par  une  points  aiguë  &  très- 
fine.  Obfervées  par  la  face  fupérieure ,  elles  pa- 
roiifent    aiîez  liifes  &  un  peu  relevées  dans  le 
milieu  j  &  fi  dans  cette  pofition  on  les  examine 
au  grand  jour   &  par   tranfparence  ,  on  apper- 
cevra  dans  leur  intérieur  ,  cette  efpece  de  con- 
duit qui  s'étend  d'un  bout  à  l'autre  de  la  corne  ^ 
&  que  M.  PouPART  a  regardé  comme  le  piftoii 
de   la  feringue.  Mais  quand  on  vient   à  confi- 
dérer  la  corne  par  la  face  oppofée  ou  par  l'in- 
férieure ,  on  reconnoît ,  que  ce  qu'on  prenoit 
pour  un   conduit  intérieur  ,  n'en  eft  point  un , 
&  qu'il  eft  une  pièce  diftincle  ,  quia  du  relief, 
&  qui  fe    montre  fur  cette    face  de  la    corne 
ibus  l'afped  d'une  forte  de  cannelure.  Tandis 
que   je  conOdérois    attentivement   cette  canne- 
lure à  la  loupe  ,  il  me  parut ,  que  û  j'eifayois 
d'introduire  la   pointe   d'une  épingle  entre  la 


SUR   LES    INSECTES,       ^75 

tannelure  &  le  trou  de  la  corne ,  je  parviendrois 
peut-être  à  len  féparer  ,  &  que  par  ce  moyen 
ailez  fiinple  ,  j'ucquerrois  de  nouvelles  lumières 
fur  la  conftrudion  de  l'iuRrument.  J'en  fis  auiîî-, 
tôt  la  tentative  ,  qui  me  réulTît  au-delà  de  ce 
que  j'avois  ofç  efpérer.  Je  vis  avec  une  agréa- 
ble furprife ,  que  d'une  feule  corne  j'en  avois 
fait  deux  -,  car  la  pièce  qui  formoit  la  canne- 
lure paroilfoit  une  féconde  corne ,  plus  déliée 
que  celle  fur  laquelle  olle  etoit  auparavant  ap- 
pliquée. Cette  petite  pièce  qui  imitoit  (î  bien 
une  corne  ,  demeura  unie  par  fa  bafe  à  celle 
dont  je  i'avois  féparée  dans  le  refte  de  fa  lon- 
gueur :  mais  je  pouvois  à  volonté  l'en  écarter 
à  droit  &  à  gauche  ou  la  remettre  en  place. 
Cette  pièce  ,  qui  s'oifroit  à  moi  comme  une 
féconde  corne  ,  n'avoit  guère  que  le  tiers  de 
la  largeur  de  la  corne  principale  ,  qu'elle  égaîoit 
en  longueur.  Il  eft  prefqu'inutile  que  j -ajoute 
qu'elle  en  étoit  encore  diftinguée  par  la  priva- 
tion de  ces.  petites   dents  que  j'ai  décrites, 

Je  pourfuivis  un  examen  qui  devenoit  de 
plus,  en  plus  intérelîant,  &  muni  d'une  loupe, 
je  me  mis  à  obferver  l'endroit  de  la  corne  fur 
lequel  la  pièce  que  j'avois  détachée  avoit-  été 
auparavant  appliquée  dans  toute  fa  longueur. 
J'y  appercus  très  -  diftia&ment    une    rainure  , 

Aa  3. 


74       OBSERVATIONS 

ïiiie  forte  de  gouttière  ,  qui  diminuoit  de  lar- 
geur à  niefure  qu'elle  approchoit  de  la  pointe 
de  la  corne.  Le  long  des  bords  extérieurs  de- 
là rainure ,  la  corne  paroiflbit  fe  relever  ou  s'ar- 
rondir en  forme  de  moulure.  Il  ne  me  fallut 
pas  un  grand  effort  de  reflexion  pour  péné- 
trer Tufage  de  la  gouttière  :  il  étoit  alfez  évi^ 
dent  qu'elle  faifoit  partie  du  canal  deftiné  à 
conduire  dans  l'eftoraac  du  Fourmilion  les  fucs 
plus  ou  moins  déliés  dont  il  fe  nourrit.  Je 
n'eus  pas  plutôt  fiid  cette  idée ,  que  je  portai 
mon  attention  fur  la  face  inférieure  de  la  pe- 
tite pièce  ou  de  la  cannelure  que  j'avois  dé- 
tachée 5  &  je  vis  avec  admiration  qu'elle  étoit 
de  même  creufée  en  gouttière  dans  toute  fa 
longueur.  h.ii\Ç\ ,  de  la  réunion  des  deux  goût-- 
tieres  réfulte  un  canal  conique,  qui  s'étend  d'un 
bout  à  l'autre  de  la  corne. 

Telle  eft  donc  fadmirable  ftrudïure  des; 
cornes  du  Fourmilion.  Elles  font  manifeftement 
des  efpeces  de  chalumeaux  ou  pour  parler  plus, 
exaclement  ,  de  véritables  trompes,  à  l'aide  def- 
quefles  finfede  fe  nourrit.  Elles  font  en  même 
tempâ  de  véritables  pinces  au  moyen  defquelles  ii' 
faiiit  fi  proie  &:  la  perce.  Leur  extrémité  eft 
Il  déliée  y  que  je  n'ai  pu  parvenir  à  découvrir 
im  niicrofcope  fou  ver  tare  qui  y  a  été  pratiquée 


SUR    LES    INSECTES,       375- 

pour  donner  entrée  aux  liqueurs  nourricières 
dans  le  corps  de  la  trompe  :  mais  au  défaut 
d'obfervations  direcfles  fur  ce  fujet ,  je  rappor- 
terai un  fait  qui  démontre  rigoureufement 
Fexiftence  de  cette  ouverture.  En  preiîant  un 
peu  fortement  la  tète  d'un  Fourmilion  prés  de 
la  bafe  d^s  cornes  ^  je  vis  à  Pinftant  fortir  de 
leur  extrémité  une  gouttelette  d'une  liqueur 
limpide,  qui  acquit  bientôt  la  grolfeur  d'une 
tète  d'épingle.  Je  la  goûtai ,  &  ne  lui  trouvai, 
aucune  faveur  fenfible.  Cette  liqueur  a  fans 
doute  le  même  ufage  que  celle  de  la  trompe 
des  Mouches  &  des  Papillons  :  elle  rend  appa- 
remment les  alimens  plus  coulans.  Peut-être 
encore  qu'elle  les  aflaifonne  ,  &  qu'elle  prévient 
auiîi  un  trop  grand  delféchement   de  la  corne. 

Inutilement  chercheroit-on  une  véritable 
bouche  chez  le  Fourmilion  :  il  n'en  a  point  : 
mais  à  l'endroit  de  la  tète  où  l'on  croiroit 
qu'une  bouche  devroit  être  placée  ,  on  voit 
une  petite  échancrure  qui  a  peu  de  profon- 
deur, &  qu'on  prendroit  d'abord  pour  l'ouver- 
ture d'une  bouche.  Ce  n'cft  donc  réellement 
que  par  l'extrémité  (1  déliée  de  fes  cornes,  que 
ie  Fourmilion  fuce  les  alimens  qui  lui  font 
appropriés  ;  l'ouveiture  prefque  infinimeiit  petite 
qui  eïï  à  cette  extrémité ,  équivaut  pour  lui  à 

Aa  4 


37^       0  B  S  E  R  V  A  T  î  0  N  S 

lane  bouche.  Pendant  que  je  preiTois  la  tète  de- 
rinfede  &  que  j'obrcrvois  avec  attention  une 
des  cornes,  par  fa  face  inférieure  ,  j'appercus 
dittindement  un  mouvement  dans  la  pièce  en 
relief  ou  dans  la  cannelure  :  je  la  voyois  aller 
Se  venir  le  long  de  la  corne  ,  &  ce  jeu  duroit- 
quelques  inftans.  Mais  ayant  fouhaité  de  revoir 
ce  mouvement  Ci  remarquable  ,  je  ne  pus  y 
réuffir.  Je  m'étois  au  moins  allure  par  cette- 
obfervation ,  que  la  pièce  dont  il  s'agit  n'étoit 
pas  fimplement  imprimée  en  reiief  fur  la  corne;, 
Biais  qu'elle  en  étoit  réellement  diftincle ,  & 
qu'elle  étoit  bien  une  pièce  mobile  ,  ailemblée 
avec  la  corne  de  manière  qu'elle  pouvoir  gUlfer- 
en  avant  Se  en  arrieie  fur  celle-ci.. 

Je  ferai  encore  deux  ou,  trois  rembarques  fur- 
hs  cornes  du  Fourmilion.  Elles  ne  font  pas 
dans  un  même  plan  avec  le  corps ,  je  veux 
dire  que  leur  extrémité  s'élève  fenfiblement  au- 
delTus  du  plan  de  pofition  :  peut  -  être  pour 
donner  plus  de  facilité  à  I  Lifecle  de  faifir  f^ 
proie.  En  ferrant  un  peu  entre  deux  doigts  la, 
îète  du.  Fourmilion  ^.  on  oblige  les  cornes  à  s'ap- 
procher ou  à  s'éloigner  l'une-  de.  l'autre  à 
volonté.  On  peut  m.ème  les.  forcer  à  fe  crcifer 
par  leur  extrémité  ,  &  d'autan'c  plus  qu'on  aug- 
:ûXei^te  dayantage  la  preffion.  Zvïais  fans  y  être 


SUR    LES   INSECTES.      j^T 

forcé ,  le  Fourniilion  les  croife  quelquefois ,  ou 
les  éloigne  plus  ou  moins  Tune  de  Tautre  , 
félon  fes  befoins.  M.  PouPAKT  Tavoit  aufîî 
obfervé.  Mais  je  préfnme  qu'il  s'étoit  trompé- 
lorfqu'il  avoit  avancé,  fans,  pourtant  en  donner 
aucune  preuve  ,  que  les  cornes  de  notre  In- 
fecte repoulTent  après  avoir  été  coupées.  J'avois: 
tenté  cette  expérience ,  &  elle  ne  m'avoit  point 
réuiîî.  Elle  n'avoit  pas  mieux  réulîî  à  M.  de 
Reaumur.  Je  Youdrois  néanmoins  qu'on  la 
répétât  encore  ,  &  qu'on  la  variât  plus  que 
nous  ne  l'avons  fait.  Il  eft  des  phénomènes 
rares  dont  la  produdion  dépend  du  concours; 
de  certaines  circonilances  que  rObfervateur  doit 
tâcher  de  fdre  naître.. 

Après  m'ètre  occuné  des  cornes  du  Four- 
milion ,  j'examinai  fa  tète.  M.  Poupart  s'étoit 
contenté  de  dire  ,  qiCelle  étoit  menue  çf?  -plate  y 
&  ce  n'étoit  poir.t  allez  pour  en  faire  recon- 
noître  la  forme.  La  tète  du  Fourmilion  eft  aiTez 
petite  proportionnellement  à  fou  corps.  Elle  eft 
plus  large  qu'épaifle.  Sa  forme  tient  de  la  qua- 
drangulaire.  Elle  eft  néanmoms  un  peu  con- 
vexe tant  en  deifus  qu'en  deifous  j  elle  l'eft 
même  un  peu  plus  dans  fa  face  infé.'ieure ,  que 
dans  la  face  opnofée.  Sa  forme  n'eft  pas  celle 
îj'un  quarré  parfait  :  elle  a  plus  de  largeur  entre 


378       0  B  S  E  R  r  A  T  I  0  N  S'- 

les  deux  cornes  que  dans  Tendroit  où  elle  fe 
joint  au  col.  J'ai  parlé  de  la  petite  échancrure 
qu'on  y  obferve.  Tout  du^  long  du  milieu  de  la 
tète,  depuis  l'échancrure  jufqu'au  col,  on  ap- 
perçoit  à  la  vue  finiple,  &  mieux  à  la  loupe,, 
ime  forte  de  petite  rainure  ou  de  future ,  aiTez.. 
feniblabie  à  celle  qui  marque  fur  le  devant  de. 
Ja  tète  des  Chenilles  ,  la  réunion  des  deux  ca^ 
lottes  écailleufes  :  mais  cette  forte  de  rainure, 
eil;  moins  fenlîble  dans  la  tète  du  Fourmilioix 
que  dans  celle  des  Chenilles,  Elle  exiûe  dans. 
Tune  &  Taiitre  face. 


A  l'heure  que  j'écris  ceci,  j'ai  fous  les  yeux 
Tune  de  mes  Lettres  à  M.  de  Reau^iur  ,  datée 
du  23  de  Novembre  1740,  ou  je  lis  ces  mots. 
J^avois  eontinué  à  exannner  la  tête  du  Fourmi- 
lioit  ,•  ^  je  crois  y  avoir  apperçn  deux  ouvertu- 
res i  mais  dont  je  n'ai  pu  jufqiiici  bien  'ûiajjii- 
rer  j  parce  que  j\ti  été  obligé  de  [ufpendre  ces 
ObfervatioHS.  Je  ne  trouve  rien  de  plus  dans, 
mes  Lettres  fur  ces  deux  ouvertures  ,  &  je  ne 
faurois  à  préfent  me  rappeller  ce  qu'elles  étoient, 
ni  dans  quel  endroit  de  la  tète  je  les  avois  ap- 
perques.  Trente-fix  ans  qui  fe  font  écoulés  dès- 
lors  ,  ont  eificé  de  ma  mémoire  les  traces  de 
cette  Obfervation,. 


SUR   LES   INSECTES.        379 

IMMÉDIA.TEMEKT  à  côté  des  yeux  font  pla- 
cées les  antennes  ,  qui  ne  paroiifent  à  la  vue 
iimple  que  comme  deux  petits  poils  y  mais  qui 
obfervées  à  la  loupe  y  paroiifent  compofées  d'une 
fuite  de  vertèbres  raifes  bout  à  bout.  Elles  font 
rafes ,  &  leur  longueur  ne  femble  pas  être  la 
moitié  de  celle  des  cornes» 

Les  Hiftoriens  du  Fourmilion  nous  ont  vanté 
fa  patience  &  fa  fobriété.  Il  peut  en  eifet  fou- 
tcrir  de  très-longs   jeunes.  Caché  au  fond  de 
£on    entonnoir  y  il    attend  en  chaifeur  rufé  & 
patient  que  quelqu'Infede  rôdeur  tombe   dans 
le  piège  >   &  il  f e  paife  quelquefois  des  femai- 
îles  &  même  des  mois  fans  qu'il  lui  arrive  de 
faire  aucune  capture.  On  a  vu  des  Fourmilions 
vivre  plus  de  fîx  mois  dans  une  boîte  exad:e- 
nient  fermée ,  &  où  ils  avoient  été  privés   de 
toute  nourriture.  Mais  cette  fobriété  fi  remar- 
quable de  notre  chaileur  n'eft  que  l'eifet  de  la 
néceilîté ,   &  on  la  voit  fe  démentir  dès  qu'on 
jette   dans   l'a  folfe  deï  Infecles  fort  fucculens. 
On  eft  alors  étonné  de  fa  gloutonnerie.  Je  jettai 
un  jour    dans    la  folfe    d'un   Fourmilion    par- 
venu à  fon  parfait  accroiifement  ?  une  des  plus 
groifes  Araignées  domefîiques  y  après  avoir  pris 
la  précaution  de  la  fecouer  un  peu  fortement 
pour  diminuer  fa  trop  grande  agilité.  11  la  faifit 


no       OBSERFATIONS 

à  riîiitaiic ,  Teiitralna  fous  le  fable  ,  &  la  fuça 
au  point  qu'il  n'y  refta  que  la  peau.  Peu  de 
jours  après  ,  je  lui  fervis  une  autre  Araignée 
d'une  aufîi  belle  taille  que  la  première  ;  il  s'en 
faifit  encore ,  &  la  fuqa  en  entier.  A  la  fuite 
de  deux  repas  fî  copieux,  il  devint  d'une  grof- 
feur  prefque  monftrueufe.  Son  ventre  étoit  fi 
dillendu  qu'il  fembioit  prêt  à  éclater.  Il  pouvoit 
à  peine  fe  remuer.  Il  s'enfonça  peu  de  tempS: 
après  d:ms  le  fable,  &  y  conftruifit  fa  Coque. 
J'attendois  d'un  Fourmilion  Ci  bien  nourri  une 
Demoifelle  proportionnée  à  fon  énorme  corpu-^ 
lence  ;  <&  je  ne  fus  pas  médiocrement  furpris-, 
quand  je  vis  paroitre  une  Demoifelle  dont  la 
taille  n'avoit  rien  du  tout  de  remarquable. 

OBSERVATION    XL. 

Sur  le  procédé  hiânjlrieiix  an  citoyen  duquel  te 
Fownnîlion  tranyporte  hors  de  fa  fojje  les  corps 
trop  pejhis  pour  être  lancés  au  loin  avec  fa  tète. 

JLiE  Fourmilion  établit  fa  demeure  ibus  quel- 
qu'abri,  dans  une  terre  féche  &  fort  pulyéri- 
fée.  Il  ne  marche  qu'à  reculons:  il  ne  peut  donc 
aller  chercher  fa  nourriture.  Il  eft  Carnivore,  & 
ne  fe  nourrit  que  d'înfecles  vivans.   Il  cil  ré- 


f 


SUR    LES    ÎMSËCTES.       38i 

âuk  à  leur  tendre  un  piège.  Celui  qu'il  {lût 
leur  drelTer  ,  eft  une  foiîe  en  manière  d'enton- 
noir 5  au  fond  de  laquelle  il  fe  tient  en  embuf- 
cade.  La  Fourmi  eft  de  tous  les  Infedles  rôdeurs 
celui  à  qui  il  arrive  le  plus  fouvent  de  tomber 
dans  le  piège.  C'eft  ce  qui  a  fait  donner  h  notre 
chafTeur  le  nom  aifez  impropre  de  Foitrmilmu 
Celui  de  Fournii-rejiard  lui  auroit  mieux  con-* 
Venu  fans  doute  -,  mais  il  avoit  paru  trop  long. 

L'entonnoir  que  creufe  le  Fourmilion,  eft 
toujours  revêtu  intérieurement  des  grains  de 
terre  les  plus  fins  &  les  plus  xiifpofés  à  glilTer 
fous  les  pieds  de  TLifecte  qui  a  eu  le  malheur 
d'y  tomber.  11  fait  fouvent  de  vains  efforts  pour 
regagner  le  haut  de  l'entonnoir,  la  roideur  de 
la  pente  &  la  terre  qui  s'éboule  continuelle- 
ment fous  fes  pieds ,  oppofent  des  obftacJes  mul- 
tipliés à  fes  elîortf',  &  le  malheureux  Lifecle 
retombe  bientôt  au  fond  de  la  foiFe  ,  où  il  eft 
faiii  à  l'inftant  par  les  ferres  de  fon  ennemi.  Si 
pourtant  il  ne  retombe  pas  d'abord,  Se  s'il  re- 
double fes  efforts  pour  fe  tirer  du  piège ,  le 
Fourmilion  lance  au-delfus  de  lui  avec  fa  tète 
&  fes  cornes  des  jets  de  poufîiere  qui  fe  fiic- 
cédent  avec  une  grande  célérité  ,  &  qui  font 
pour  l'infortunée  viclmie,une  .grêle  qui  triom- 
phe enfin  de  fon  agilité  ou  de  fa  vigueur. 


3S2       OBSERVATIÛNS 

On  comprend  par  ce  qui  vient  d'être  dit , 
combien  il  importe  à  notre  rufé  chiiireur  que 
fbn  entonnoir  ne  foit  formé  que  d'une  terre 
très-fine  &  très-dirpofée  à  s'ébouler.  De  petites 
pierres  ou  des  moiécules  de  terre  un  peu  grof- 
fieres  donneroient  trop  de  flicilité  à  la  proie 
pour  fe  tirer  du  précipice  :  elles  lui  ferviroient 
d'échellons.  Si  l'on  parcourt  de  l'œil  les  endroits 
qui  abondent  en  folTes  de  Fourmilions  ,  on  re- 
marquera bientôt ,  que  l'intérieur  de  toutes  les 
folTes  n'offrira  qu'une  terre  extrêmement  pulvé- 
rifée ,  Se  telle  à-peu-près  que  la  poudre  des  clep- 
fydres.  On  remarquera  en  même  temps  autour 
des  foires  ,  8c  fouvent  fur  leur  bord ,  de  menus 
graviers ,  de  petites  pierres  ,  ou  d'autres  corps 
plus  ou  moins  groiîîers.  Quelquefois  ces  dilfé- 
rens  corps  fe  trouveront  en  li  grand  nombre 
autour  des  folles  ,  qu'on  n'en  fera  que  plus 
étonné  de  n'en  voir  aucun  dans  leur  intérieur, 
«Se  pour  peu  qu'on  ait  de  curiolité ,  on  délirera 
de  favoir  comment  le  Fourmilion  réuffit  Ci  bien 
à  débarraiîer  fon  piège  de  ces  corps  étrangers. 
On  n'aura  pas  à  le  fuivre  long-temps ,  pour 
découvrir  au  moins  fa  manoeuvre  la  plus  ordi- 
naire. 11  fuffira  de  le  mettre  dans  une  terre 
féche  &  fine  ,  mêlée  avec  de  menus  graviers. 
Tandis  qu'il  fera  occupé  à  creufer  dans  cette 
terre  fou  efpece  d'entonnoir,  on  le  verra  char- 


SUR   LES    INSECTES.        383 

g©r  fa  tète  des  menus  graviers ,  &  les  projetter 
d'un  mouvement  brufque  ,  mais  bien  calculé , 
afTez  loin  de  l'enceinte  de  l'entonnoir.  Il  réité- 
rera cette  manœuvre  chaque  fois  qu'il  rencon- 
trera de  nouveaux  graviers  ,  &  les  mouvemens 
fubits  de  fa  tète  &  de  fon  col  feront  toujourf; 
proportionnés  à  la  force  qu'exigera  le  poids  du 
corps  à  projetter ,  ou  à  la  hauteur  à  laquelle  il 
devra  être  projette. 

Mais  ,  comme  je  l'ai  dit ,  on  voit  fouvent 
fur  le  bord  des  entonnoirs  que  les  Fourmilions 
creufent  en  pleine  campagne ,  de  petites  pierres 
ou  d'autres  corps  plus  ou  moins  lourds  ,  qu'on 
reconnoit  avoir  été  déplacés  par  l'Infedle  ,  8c 
qu'on  juge  bien  qu'il  ne  lui  a  pas  été  poifible 
de  projetter  avec  fi  tête  &  fes  cornes.  Dès  que 
j'eus  commencé  à  obferver  ,  c'eft-à-dire ,  à  ad- 
mirer le  Fourmilion ,  je  fus  extrêmement  cu- 
rieux de  favoir  le  moyen  auquel  il  avoit  recours 
pour  fortir  de  fon  entonnoir  ces  corps  lourds 
qu'il  ne  pou  voit  lancer  au-dehors  avec  fa  tète. 
Je  ne  tardai  pas  à  le  découvrir  :  ce  fut  en 
1737.  M.  de  Reaumur  en  informa  le  public 
dans  fon  intérellante  Hilloire  du  Fourmilion.  (^) 
Je  ne  ferai  guère  que  tranfcrire  ici  ce  qu'il  en 

O  Mém.  fur  les  Inf.  T.  VI ,  Mém.  X,  pag.  551  ,  552. 


§84      0  S  S  Ë  R  V  4^^  ^  ^  i^  S 

a  rapporté  d'après  une  de  mes  Lettres ,  &  qiiè 
j'avois  cru  digne  de  Ion  attention-. 

Quand  le  Fourmilion ,  occupé  à  creufer  foit 
entonnoir ,  rencontre  Une  maiTe  incommode  qu'il 
ne  peut  projetter,  il  prend  le  parti  de  l'a  tranf- 
porter.  On  fait  que  pendant  le  travail  il  eft 
toujours  caché  fous  le  fable  :  il  ne  laiiTe  apper- 
eevoir  alors  que  fes  cornes  &  fa  tète  :  mais 
îorfqu'il  eft  dans  l'obligation  de  tranfporter  hors 
de  fa  folfe  un  corps  pcfmt ,  par  exemple  ,  une 
petite  pierre ,  il  fort  du  fable  &  ne  craint  plus 
de  fe  montrer  entièrement  à  découvert.  Il 
avance  enfuite  un  peu  à  reculons  s  il  fait  palfer 
le  bout  de  fou  derrière  fous  la  pierre  ,  &  va 
encore  un  peu  en  arrière  :  en  même  temps  qu'il 
exécuté  ces  mouvemen.s  ,  les  anneaux  en  exé- 
cutent qui  leur  correfpondent ,  &  qui  tendent 
à  con'diiire  la  pierre  vers  le  milieu  de  fon  dos , 
&  à  l'y  mettre  en  équilibre.  Mais  le  plus  diffi- 
cile eft  ici  de  la  conferver  dans  cet  équilibre 
pendant  le  tranfport ,  en  graviiî^uit  à  reculons 
le  long  d'une  pente  déjà  efcarpée.  De  moment 
en  moment,  la  charge  eft  prête  à  tomber,  foit 
à  droit  foit  à  gauche  ,  ou  même  à  rouler  par- 
deifus  le  dos  de  l'Infede  :  ce  n'eft  qu'en  aJbaif- 
fant  ou  élevant  à  propos  certaines  portions  de 
fes  anneaux ,  qu'il  parvient  a  la  retenir  fur  foit 

dos. 


SUR    LES    INSECTES.      38^ 

ûas.  Cependant  malgré  tous  fes  efforts ,  &  mal- 
gré tout  fon  favoir  faire  en  tours  d'équilibre-, 
ia  pierre  lui  échappe  quelquefois,  &  rou!e  juf- 
qu'au  fond  de  Pentonnoir.  Le  Fourmilion  ne  fe 
rebute  point;  il  reprend  fon  travail,  fe  charge 
de  nouveau  de  la  pierre  ,  redouble  d'adreiTe  & 
de  force  ,  &  parvient  enfin  à  atteindre  avec  fa 
charge  le  haut  du  précipice.  Il  ne  la  lailfe  pas 
précifément  fur  le  bord  de  l'ouverture  ,  elle 
pourroit  trop  facilement  retomber  au  fond  du 
précipice  :  il  la  pouiTe  un  peu  plus  loin  ,  fe  re- 
tourne à  l'inftant ,  revient  à  reculons  dans  fa 
foife  5  &  fe  remet  à  excàver. 

On  voit  alTez  que  la  figure  de  la  pierre  ne 
contribue  pas  moins  que  fon  volume  &  fou 
poids  ,  à  en  rendre  le  tranfport  difficile.  Une 
pierre  ou  une  petite  maiîe  quelconque ,  dont  la. 
figure  approche  de  la  fphérique ,  eft  bien  plus 
difficile  à  tranfporter  qu'i^ne  m.aife  de  même 
volume  &  de  même  poids,  dont  la  forme  eft 
applatic.  Je  ne  faurois  dire  combien  le  Four- 
milion intéreife  le  Spedateur  tandis  qu'il  eft 
occupé  de  ce  pénible  travail.  Il  vous  attache 
de  plus  en  plus  :  on  ne  peut  le  perdre  de  vue 
un  inftant ,  &  l'on  a  pour  ce  petit  Syliphe  des 
inquiétudes  qui  augmentent  de  moment  en  mo- 
ment ,  &  qu'on  ne  s'attendoit  pas  à  éprouver. 
Tome  IL  B  b 


38^       0  B  S  E  R   V  A  T  I  0  N  S 

Sa  patience  dans  ce  rude  travail  ne  fe  fliit  pas 
^noins  admirer  que  fon  /adreile  :  j'ai  vu  des 
Fourmilions  revenir  à  la  charge  cinq  à  lix  fois 
.de: fuite,  foit  parce  que  la  pierre  étoit  retom- 
bée autant  de  fois ,  foit  parce  que  j'avois  fubf- 
.titué  une  autre  pierre  à^celle  qui  avoit  été 
•traniportée.  J'obfervai  un  jour  un  Fourmilion 
^occupé  à  pouffer  pour  la  féconde  fois  une  aifez 
gi'oifè  pierre  vers  le  haut*  de  fi  folfe  ,  fuivre 
-conftammjent  en  remontant  le  fil! on  qu'il  avoit 
tracé  en  dcfcendant.  On  eut  dit  qu'il  connoif- 
foit  l'avantage  réel  que  lui  procuroient  les 
4iords  du  ûYlon  y  car  on  comprend  qu'ils  ne  lui 
fervoient  pas  peu  à  maintenir  l'équilibre  -,  ils 
emp échoient  la  pierre  d'incliner  tantôt  d'un 
côté  5  tantôt  d'un  autre. 

Les  Naturaliftes  ont  fort  célébré  la  force  de 
la  Fourmi  dans  le  tranfport  des  fardeaux  dont 
elle  fe  charge  ou  qu'elle  entreprend  de  char- 
rier 5  fou  vent  aiîez  loin ,  &  fur  un  terrein  plus 
ou  moins  raboteux  ;  &  il  eft  vrai  que  la  force 
de  ce  petit  Infede  eft  étonnante.  Je  ne  fais 
pourtant  il  celle  du  Fourmilion  n'eft  pas  plus 
étonnante  encore.  Il  eft  lui-même  un  allez  petit 
Infede  ,  «Se  qui  ne  pefe  guère  que  trois  à 
■quatre  grains  ,  lors  même  qu'il  eft  parvenu  à 
fou  parfait  accroiiîement.  J'ai  vu  néanmoins  un 


SUR   LES  IKSEVTËS.        B'S? 

Totirmilion  de  médiocre  groffeur  ,  qui  poniToit 
Vers  ie  haut  de  fou  entonnoir  une  pierre  du 
poids  de  deux  deniers  ou  de  quarante  grains- 
Il  y  auroit  bien  d'autres  expériences  cuxieufes 
à  faire  pour  juger  de  la  force  &  de  i'adreile  de 
ce  petit  Animal  5  &  je  me  perfuade  facilement 
que  quoiqu'il  ait  été  étudié  par  les  meilleurs 
Obfervateurs ,  il  s'en  faut  de  beaucoup  qu'ils 
aient  vu  tout  ce  qu'il  peut  offrir  d'intéreirant. 
J'en  juge  par  le  procédé  induftrieux  que  je 
viens  de  décrire ,  &  qui  avoit  échappé  aux 
Naturaliftes  qui  avoient  obfervé  les  premiers 
le  Fourmilion:  je  parle  fur-tout  de  MM.  Pou-^ 
PART ,  Vallisniérï  Sc  Reaumur* 

OBSERVATION    XLI. 

Sur    tins   nouvelle   Espèce   de    Fourmilion  décou< 
verte  par  l'Auteur. 


L 


Es  Fourmihons  qu'on  rencontre  dans  les 
jardins  ou  dans  la  campagne  paroilfent  tous 
appartenir  à  la  même  Efpece  ;  au  moins  n'ap- 
percoit-on  entreux  aucune  différence  vraiment 
caraclériftique  3  car  quelques  légères  diveriités 
.  dans  les  couleurs  ,  dans  la  taille  ou  dans  les 
dimenlions  de  certaines  parties  ,  ne  fuffiroiciifi 

Uh  2, 


38B       OBSERVATIONS 

point  pour  établir  des  différences  qu'on  pût 
regarder  à  bon  droit  comme  fpécifiqiies.  Je  fuis 
pourtant  certain  ,  qu'il  eft  aux  environs  de 
Genève  une  Efpece  de  Fourmilion  qui  avoit 
été  inconnue  aux  Naturaliftes  ;  mais  cette  Ef- 
pece m'y  a  paru  fort  rare.  Je  la  découvris  en 
Juin  1740,  dans  ma  campagne  àThonex  ,  petit 
village  fitué  en  Savoie  ,  à  trois  quarts  de  lieue 
de  GtwQWQ  ,  &  dont  le  terrein  léger  &  un  peu 
i!iblonneux  eil:  très-favorable  aux  Fourmilions. 
Je  cherchois  de  ces  Infedes  au  pied  d'un  gros 
Noyer ,  qui  avoit  crû  fur  une  petite  élévation , 
au  midi ,  le  long  d'un  grand  chemin.  Les  grofles 
racines  de  l'arbre  étoient  un  peu  à  découvert, 
&  fous  ces  racines  étoit  une  terre  fort  féche  & 
fort  pulvérifée ,  où  j'apperqus  plufieurs  foifes  de 
Fourmilions.  Entre  ces  foifes  ,  j'en  remarquai 
une  beaucoup  plus  petite  que  les  autres  ,  &  . 
alfe2  mal  façonnée ,  dont  il  me  vint  en  penfée 
de  prendre  la  terre  dans  ma  main.  Quelle  ne 
fut  point  ma  furprife  de  voir  fortir  de  cette 
terre  un  petit  Fourmilion  ,  qui  au  lieu  de  mar- 
cher à  reculons  &  aifez  pefamment  comme  tous 
ceux  que  j'avois  obfervés  jufqu'alors ,  alloit  en 
avant  avec  agilité  ,  &  la  tète  élevé©  !  Je  ne 
pou  vois  en  croire  mes  yeux  ,  &  je  ne  revenois 
point  de  ma  lurprife  :  mais  ce  Fourmilion  lî 
nouveau  &  fi  précieux  pour  moi ,  étoit  unique. 


SUR   LES    INSECTES.       3S9 

ic  je  defirois  avec  ardeur  d'en  trouver  d'autres 
qui  lui  reiTemblafTent.  Je  me  hâtai  donc  de  fouil- 
ler dans  la  même  terre  &  dans  celle  des  envi- 
rons :  ce  fut  pour  brs  inutilement  :  je  n'y  trou- 
vai que  des  Fourmilions  communs  ,  qui  mar- 
clioient  tous  à  reculons.  J'avois  conçu  néanmoins 
une  forte  de  défiance  fur  cette  manière  de  mar- 
chçr  ,  depuis  la  découverte  que  je  venois  de 
faire  ;  8c  pour  m'alTurer  que  les  Fourmilions 
dont  je  m'étois  faifi  ne  pouvoient  marcher  eu 
avant ,  je  les  mis  tous  les  uns  après  les  autres 
fur  la  paume  de  m.a  main  ,  &  en  les  preilant 
par  derrière ,  j'eiîàyai  de  les  forcer  d'aller  eu 
avant  :  mais  toutes  mes  tentatives  furent  conf- 
tamment  vaines ,  &  tous  mes  Fourmilions  s'obf- 
tinerent  à  marcher  à  reculons.  J'eus  donc  la 
meilleure  preuve  que  tous  apparteuoient  à  l'Ef^ 
pece  commune  ,  &  mon  Fourmilion  de  la  nou- 
velle Efpece  ne  m'en  devint  que  plus  précieux,. 

Je  logeai  à  part  le  petit  Animal ,  8c  je  lui 
donnai  de  la  terre  femblable  à  celle  dans  laquelle 
je  Pavois  trouvé.  Il  ne  s'y  enfonça  pas  à  l'info 
tant  s  il  fit  d'abord  quelques  pas  en  avant  fur 
la  furface  ;  mais  bientôt  il  recourba  le, bout  de 
fbn  derrière,  l'enfonça  dans  la  terre,  s'y  cacha. 
en  entier  >  8c  y  dcracura  fans  mouvement» 

?b  3 


?9"^       OBSERVATIONS 

Je  deGrois  extrêmement  de  trouver  d'autres^ 
Fouimilioîis  de  la  mémo  Efpece,  pour  étendre 
&  perftdionncr  mes  Oblervations  fur  ce  Genre 
dliiiedes.  Plein  de  l'idée  que  celui  que  j'avois 
découvert  n'étoit  pas  leul  de  fon  Efpece  dans 
le  lieu  où  je  Pavois  rencontré,  je  ne  tardai  pas 
à  y  retourner  &  à  y  faire  de  nouvelles  recher- 
ches. Elles  ne  furent  point  infrudueufes  :  j'eus 
le  bonheur  de  trouver  encore  deux  Fourmilions- 
de  PEfpece  qui  cxcitoit  le  plus  ma  curiofîté.  Je 
les  mis  dans  le  même  vafe  où  j'avois  renfermé 
le  premier.  Tous  trois  paroiifoient  à-peu-près  de 
même  âge ,  &  n'avoir  pas  atteint  la  moitié  de 
ieur  accroilTement.  J'en  jugeois  par  comparaifoii 
avec  les  Fourmilions  communs. 

En  examinant  avec  plus  d'attention  ces  Four- 
inilions  nouvellement  découverts,  je  remarquai 
bietitot  qu'ils  diiféroient  des  Fourmilions  corn.- 
niuns  par  divers  caradercs  plus  ou  moins  fril- 
lans.  Je  m'attachai  à  étudier  ces  caradleres  ,  & 
à  déterminer  exaclement  ceux  qui  pouvoient 
fervi/  le  plus  à  difrérencier  la  nouvelle  vEfpece 
de  Fanciennc.  Voici  les  reialtats  de  mon  examen, 

I.  La  couleur  de  la  nouvelle  Eipece  eft  moins 
claire  ;  elle  tire  \va  peu  i'ur  le  gris  de  ier ,  prin-r 
ci  paiement  à  la  tète  &   aux    cornes.    Les  trois 


SUR   LES   IKSECTES.        ^51 

lignes  formées  de  taches  noires ,  qui  s'étendent 
le  long  du  dos ,  font  moins  diitincTies  j  elles  font 
à  peine  vifiblcs. 

2.  Le  corps  eil  plus  alongé  :  le  derrière  fe 
termine  mieux  en  pointe  ,  &  le  dos  efi  ordinai- 
rement plus  appiati. 

3.  La.  tête  eft  plus  large,  &  h. col  eft  plus 
fufGeptible  d'alongement. 

4.  Les  cornes ,  vues  par  la  face  fupé^îeure-, 
paroiifent  plus  fortes ,  plus,  arrondies  ,  plus  lif- 
fes,  moins  tranfparentes  ,  &  prefque  fans  poils\ 

5.  L'ESPECE  de  tuhercuk  ^ïut  \qc^\q\  font  pla- 
cés les  yeux  ,  eft  plus  faillant.  Les  yeux  fons 
plus  gros  ,  plus  vifs ,  plus  diftnids. 

6".  Les  anneaux  font  plus  marqués. 

7.  Le^  mamelons  ou  tubercules  placés  fur  les 
GÔtés ,  &  d'où  partent  des  poils  noirs  en  ma- 
nière de  houppes ,  font  plus  fonfibies. 

8-  Les  jambes  delà  dernière  paire  font  moins 
repliées,  &  peuvent  s'écarter  davantage  dudef- 
fous    du  ventre.    Les   jambes    de   cette  paire .. 

Bb  4 


393       OBSERVATIONS 

comme  celles  des  deux  autres  paires ,  font  ter- 
minées par  des  crochets  plus  aigus. 

%  Le  bout  du  derrière  n'offre  qu'une  feule 
deyHi-coîironne  de  poils  courts.  Ils  font  au  nom- 
bre de  huit ,  &  placés  beaucoup  plus  près  les 
uns  des  autres  :  ils  femblent  même  comme 
Te  unis  dans  une  bafe  commune. 

VoïLA  fans  doute  aiTez  de  caractères  pour 
différencier  les  deux  Efpeces.  Un  fcul  pourroit 
fuffire  y  je  parle  de  celui  qui  nous  eft  fourni 
par  la  faculté  de  marcher  en  avant ,  que  la  nou- 
velle Efpece  polTede  à  l' exclu fion  de  Pautre. 

J'ÉTOis  fort  defîreux  de  m'inftruire  du  genre 
de  vie  de  mes  nouveaux  Fourmilions.  Je  les. 
obfervois  fouvent.  Jétois  fur -tout  curieux  de 
favoir  s'ils  feroient  ufige  de  leur  faculté  d'aller 
en  avant  pour  courir  fur  leur  proie.  Je  les 
fiuvis  conftamment  depuis  le  mois  de  Juin  , 
)iifqu'à  la  fin  de  Novembre  >  &  pendant  tout 
ce  long  iritervalle  de  temps ,  je  ne  les  vis  jamais. 
fe  creufer  d'entonnoir.  Ils  demeuroient  toujours, 
immobiles ,  cachés  fous-  le  fable  y  la  tète  ordi-^ 
nairement  un  peu  élevée  au~deflus  de  la  fur- 
face  ,  &  les  cornes  écartées  Tune  de  l'autre  ,  & 
prêtes  à  fiiiir  la  proie,  lis  étoient  fùremcnt  fort 


SUR    LES   INSECTES.        395 

adroits  à  la  faifîr  j  car  lorfque  j'introduifois  dans 
le  vafe  quelque  Iiifcde  rampant  ou  voJaiit , 
j'étois  prefque  f^ir  ^e  n'en  trouver  le  lende- 
main que  le  cadavre ,  réduit  à  n'être  plus  qu'une 
peau  féche. 

Toutes  mes  Obfervations  concoururent  donc 
à  prouver  que  mes  Fourmilions  de  la  nouvelle 
Efpece  n'avoient  point  cette  induftrie  qui  a 
rendu  fi  célèbre  le  Fourmilion  commun.  Tout 
l'art  de  mes  nouveaux  Fourmilions  me  parut 
fe  réduire  à  faifir  promptement  la  proie  au 
paiTage.  L'alongement  dont  leur  corps  eft  fui^ 
ceptible  ,  &  la  facilité  qu'ils  ont  d'aller  en 
avant ,  leur  font ,  fans  doute  ,  d'un  grand  fe- 
cours  dans  leur  chalfe.  Je  ne  les  ai  jamais  vus 
fortir  de  terre  pour  courir  après  leur  proie: 
mais  je  n'oferois  aiîurer  qu'il  ne  leur  arrive 
jamais  de  le  faire.  Je  l'ai  dit ,  ils  font  agiles ,  & 
marchent  la  tète  levée  comme  les  petits  Lions 
des  Pucerons ,  auxquels  ils  reiiemblent  bien  plus 
que  les  Fourmilions  communs.  Comme  ces  pe- 
tits Lions  encore ,  ils  agitent  la  tête  en  marchant. 

Ordinairement  mes  Fourmilions  de  la 
aaoLivelle  Efpece  creufoient  un  peu  la  terre  au 
devant  de  leur  tète  :  cette  petite  folfe,  toujours 
mal  façonnée  ,  pouvait  fervir  à  retenir  queL 


394       OBSERVATIONS 

ques  momens  de  fort  petits  Infedes ,  8c  à  don- 
ner aux  Fourmillons  plus  de  facilité  de  s'en 
faifir.  Mais  encore  une  ^ok  ,  cette  manière  de 
foiTe  ne  pouvoit  point  être  comparée  à  l'enton- 
noir du  Fourmilion  commun  :  elle  n'étoit  qu'un 
petit  creux  qui  n'avoit  rien  du  tout  de  remar- 
quable. 

Notre  nouveau  Fourmilion  oiFre  pourtant 
une  particularité  qui  mérite  que  j'en  fafle  men- 
tion :  il  tient  Ton  corps  plus  enfoncé  dans  le 
fable  que  le  Fourmilion  commun.  Il  s'y  cram- 
ponne mieux  ,  &  fe  procure  ainfi  le  moyen  de 
retenir  des  IiifecTtes  vigoureux  qui  lui  oppofent 
nue  grande  réfiftance.  Je  l'ai  vu  retenir  de  la 
forte  des  Chenilles  de  grandeur  moyenne ,  qui 
fe  donnoient  entre  fes  ferres  les  mouvemens 
les  plus  violens ,  en  fe  pliant  &  fe  repliant  iur 
elles-mêmes  ,  &  qui  ne  parvenoient  point  ni  à 
lui  faire  lâcher  prife  ,  ni  à  le  tirer  de  deiTous 
le  fable. 

Ceux  qui  fe  font  plu  à  fuivre  les  procédés 
du  Fourmilion  commun  ,  favent  qu'il  a  coutume 
de  fecouer  plus  ou  moins  les  ~  Infectes  vivans 
dont  il  fe  faifit  :  il  les  étourdit  ainfi  ,  8c  s'en 
rend  plus  facilement  maître.  Le  Fourmilion  de 
la  nouvelle  Efpece  ne  m'a  point  paru  recourir 


SUR   LES   insectes:.        39^ 

à  ce  moyen  pour  s'aiTurer  de  fa  proie.  Il  eft 
pourtant  fingulier,  qu'il  ne  m'ait  pas  paru  la 
tuer  auffi  promptement  que  le  fait  le  Fourmi^ 
lion  de  l'Efpece  commune.  J'ai  vu  des  Chenilles 
demeurer  vivantes  entre  fes  cornes  plus  de 
douze  heures.  Après  les  avoir  fucées  en  entier, 
il  étoit  Cl  dodu ,  fi  replet ,  qu'il  pouvoit  à  peine 
fe  remuer. 

Quand  on  renverfe  fur  le  dos  le  Fourmis 
lion  commun  ,  il  ne  reprend  que  difficilement 
&  avec  effort  fa  poiliure  naturelle  :  il  n'en  va 
pas  de  même  du  nouveau  Fourmilion  j  il  fe 
redrelfe  leftement  &;  promptement  :  c'eft  que 
tous  fes  membres  ont  plus  de  foupleife,  &  que 
fa  tète  &  fes  dernières  jambes  peuvent  s'alon-. 
ger  davantage. 

Le  nouveau  Fourmilion  diffère  encore  de 
l'ancien  par  fa  taille ,  qui  eft  plus  avantageufe. 

Au  printemps  de  1741  ,  je  retournai  cher- 
cher des  Fourmilions  de  la  nouvelle  Efpece  dans 
le  même  endroit  où  j'avois  trouvé  les  premiers. 
Je  ne  pus  en  trouver  qu'un  feul  :  il  étoit  plus 
gros  que  le  Fourmiuon  commun  parvenu  à  fon 
parfrit  accroilfement.  Il  lui  manquoit  la  moitié 
d'une  corne  :  la  corne  mutilée  ne  paroiifoit  pas 


39^       OBSERVATIONS 

l'avoir  été  récemment.  Je  le  mis  dans  une  boîtev 
que  je  ne  remplis  qu'à  moitié  de  fabîe.  Je  né- 
gligeai de  la  couvrir  ,  ne  penfant  pas  que  cette 
précaution  fut  néceiFaire.  Je  me  trompois  ;  mon 
Fourmilion  s'échappa.  Je  le  retrouvai  néanmoins, 
&  je  le  logeai  dans  un  verre  à  boire ,  que  je  ne 
l'emplis  de  llible  que  jufqu'à  la  moitié  de  fa 
hauteur.  Je  n'imaginois  pas  le  moins  du  monde 
que  mon  petit  prifonnier  pût  grimper  le  long 
des  parois  du  vafe  pour  fe  mettre  en  liberté.  Je 
îTje  trompois  encore  -,  il  fortit  de  ce  vafe  ,  &  je 
le  trouvai  le  lendemain  caché  dans  une  fente 
du  plancher  de  mon  cabinet.  Je  le  remis  dans 
le  verre  que  je  couvris  d'une  plaque  de  même 
matière.  Les  crochets  qui  terminent  les  jambes 
de  ce  Fourmilion  ,  font  fi  aigus  qu'ils  ont  prife 
fur  le  verre  même.  J'ai  vu  un  de  ces  Fourmi- 
îions  marcher  facilement  fur  un  plan  uni  & 
perpendiculaire  à  l'horifon. 

Peu  de  jours  avant  que  mon  Fourmilion 
fortit  du  verre  où  je  l'avois  logé  ,  je  lui  a  vois, 
fervi  une  Chenille  qui  avoit  beaucoup  perdu  de 
fa  vigueur.  Il  favoit  faifie  avec  la  feule  corne 
qui  lui  reftoit  entière ,  &  en  avoit  tiré  tout  le 
fuc.  Mais  après  l'avoir  fucé ,  il  ne  put  parvenir 
à  en  détacher  le  bout  de  fa  corne  ,  &  je  fus 
obligé  de  le  débarralTcr  moi-même  du  cadavrQ. 


SUR   LES  INSECTES.       397 

Le  premier  de  Juillet ,  il  commença  à  travailler 
à  fa  Coque  ,  qu'il  conftruifit  à  fleur  de  terre. 
Le  23  d'Août  ,  la  Demoifelle  fortit  de  cette 
Coque.  Elle  étoit  plus  grande  que  celle  du  Four- 
milion commun.  C'étoit  une  femelle  :  elle  pon- 
dit un  œuF  d'une  forme  feniblable  à  celle  de 
i'œuf  du  Fourmilion  de  l'Efpece  commune. 
J'envoyai  la  Coque  ,  la  Demoifelle  &  fon  œuf' 
à  M.  de  Reaumur  pour  le  mettre  à  portée 
d'en  juger,  &  pour  qu'il  pût  les  faire  defïîner: 
mais  fon  Mémoire  fur  le  Fourmilion  étoit  déjà 
imprimé  lorfque  mon  envoi  lui  parvint.  Je  lui 
avois  envoyé  auparavant  le  Fourmilion  lui- 
même,  qui  étoit  arrivé  à  Paris  bien  vivant.  II 
en  fit  mention  dans  fon  Hiftoire ,  &  en  accom- 
pagna la  defcription  des  deux  Figures  que  j'ai 
tranfportées  dans  cet  écrit. 

Aucun  des  Naturaliftes  qui  m'avoient  pré- 
cédé n'avoit  parlé  des  mues  du  Fourmilion. 
J'ignore  moi-même  Ci  le  Fourmilion  commun 
change  de  peau  avant  que  de  parvenir  à  fon 
dernier  accroiiîement  :  je  le  préfumerois  volon- 
tiers d'après  l'analogie  -,  car  tous  ,  ou  prefque 
tous  les  Infedes  qui  ont  des  métamorphofcs  a 
fubir,  changent  une  ou  plufieurs  fois  de  peau 
pendant  qu'ils  demeurent  fous  leur  pr'^miere 
forme.  Quoiqu'il  en  foit  -,  je  fuis  au  moins  cer-^ 


39S       OBSERVATIOXS 

tain  que  le  Fourmilion  de  la  nouvelle  Efpece 
change  de  peau  awuit  que  de  fubir  la  première 
niécamorphoik  Pendant  que  je  robfervois  en 
1-40,  ie  trouvai  ù  dépouille  dans  le  iable  : 
elle  étoit  tres-complette  ,  de  couleur  blanche 
ou  blanchâtre  ,  &  tendue  fur  le   dos. 

O  R  S  E  R  \'  A  T  I  O  N     X  L  I  L 

S^ir  u€  ^eîïte^  Fonrydîs  qui  s'étaient  établies  dans 
la  tète  d'un  Chardon  à  bonnetier. 


A.- 


U  commencement  d^Août  1739,  tandis  que 
je  chaiîbis  aux  Iniecl.s  le  long  d'une  haie  à 
Texpolîtion  du  midi ,  je  rencontrai  tout  auprès 
quelques  pieds  de  Chardon  à  bonnetier  de  Tan- 
née précédente  ,  &  qui  s'étoient  delîechés  fur 
la  place.  Comme  j'avois  commencé  à  obferver 
la  petite  Chenille  qui  vit  dans  la  cavité  de  la 
tète  de  ce  Chardon  ,  <S:  dont  j'ai  donné  PHiftoire , 
Obf  XIX,  je  me  mis  en  devoir  d'entr'ouvrir 
quelques-unes  des  tètes  des  Chardons  que  j'a- 
vois fous  les  yeux  ;  mais  dans  la  première 
que  j'entr'ouvris  ,  je  ne  fus  pas  médiocrement 
furpris  de  trouver ,  au  lieu  de  la  Chenille  ,  une 
petite  fourmilière  très-bien  peuplée  de  petites 
Fourmis  rouges  «S;  de  leurs  Vers.  Charmé  de  la 


SUR   LES   INSECTES.        399 

découverte,  je  me  hâtai  de  refermer  la  tète  du 
Chardon ,  &  je  projettai  aiillî-tôt  de  profiter 
de  cet  heureux  haPard  pour  me  procurer  une 
fourmilière  portative  ,  dont  je  pourrois  dirpo- 
fer  à  mon  gré.  Je  coupai  donc  la  tige  du  Char- 
don à  fept  ou  huit  pouces  de  la  tète,  &  je  por< 
tai  ma  fourmilière  dans  mon  cabinet.  Je  fongeai 
d'abord  au  moyen  de  Py  établir  de  la  manière 
la  plus  convenable  ,  foit  pour  i'Obfervateur , 
foit  pour  les  Fourmis  elles-mêmes.  Il  m'impor- 
toit  fur-tout  de  faire  enforte  qu'elles  ne  puiTent 
point  nvéchapper  pendant  tout  le  temps  que 
je  continuerois  a  les  fuivre.  Le  premier  expé- 
dient qui  me  vint  dans  l'efprit ,  me  parut  éga- 
lement fimple  &  commode.  Je  remplis  de  terre 
de  jardin  un  verre  à  boire  :  je  plantai  la  tige 
du  Chardon  dans  cette  terre ,  &  je  pofai  le 
pied  du  verre  au  milieu  -d'une  cuvette  pleine 
d'eau.  C'étoit  un  petit  lac  au  milieu  duquel 
s'élevoit  l'isle  aux  Fourmis.  Je  penfois  avoir 
pourvu  à  tout  5  &  je  n'imagiiiois  pas  qu  aucun 
citoyen  de  la  petite  République  pût  être  alfez 
amoureux  de  la  liberté  pour  ofer  entreprendre 
de  traverfer  le  lac  à  la  nage*,  car  il  me  fembloit 
un  immenfe  amas  d'eau  pour  de  fi  petites  Four- 
mis. Je  m'abufois  néanmoins  ,  &  je  ne  préfu- 
mois  point  aifez  de  l'amour  de  la  liberté.  Bientôt 
je  vis  pluileurs  de  mes  Fourmis  qui  entreprî- 


400       OBSERVATIONS 

noient  de  traverfer  le  petit  lac  au  rifque  de  fe 
noyer.  Averti  par  cette  tentative  que  je  n'avois 
point  prévue,  je  cherchai  quelqu'autre  expé- 
dient qui  fut  plus  propre  à  prévenir  Tévadou 
de  mes  Fourmis.  Après  y  avoir  rêvé  quelque 
temps  je  me  déterminai  pour  le  moyen  que  je 
vais  décrire. 

Au  lieu  de  pofer  le  pied  du  verre  à  boire 
[PL  F/,  Fig.  5.]  dans  la  cuvette  pleine  d'eau, 
je  le  fis  entrer  dans  un  grand  poudrier  [P] 
à-peu-près  cylindrique ,  &  dont  le  diamètre  de 
l'ouverture  étoit  tant  foit  peu  plus  grand  que 
celui  du  pied  du  verre  à  boire  :  mais  comme 
ie  poudrier  ne  confervoit  pas  par-tout  le  même 
diamètre,  &  qu'il  diniinuoit  un  peu  a  deux  ou 
trois  pouces  de  l'ouverture  ,  le  pied  du  verre  k 
boire  s'arrêta  à  cette  hauteur.  Je  remplis  de 
terre  de  jardin  toute  la  partie  [  P/.  F/,  Fig.  0.  ]' 
du  poudrier ,  comprife  entre  le  pied  du  verre  à 
boire  &  l'ouverture  de  ce  même  poudrier.  Le 
verre  fut  ainfi  aHujetti  dans  le  poudrier  d'une 
manière  plus  folide.  Toute  la  partie  inférieure 
[i]  du  poudrier  étoit  donc  vuide  ,  &  la  teire 
qui  en  rempliiïbit  la  partie  fupérieure ,  fembîoit 
être  en  l'air  :  car  le  pied  du  verre  touchant  de 
toutes  parts  aux  parois  intérieures  du  poudrier , 
retenoit  la  terre  &  i'empêchoit  de  tomber  au 

fond 


SUR   LES   INSECTES,        40Î 

i'Giid  da  vafe.  Tout  étant  aiiifi  difpofé,  je  poïld 
le    pied    du  poudrier  aii    milieu   de  la  cuvetce 
[C]  pleine  d'eau.  J'avois    donc  pratiqué  poiir 
îiies   Fourmis   deux  eTpeces  de  petites  terraills 
conftruites  l'une  au-delius   de  Tautre  :  le  verra 
a  boire  formoit  la   terraiie  fupérieure  ;  le  pou- 
drier, rinférieurc.  Te  voulus  ména.^cr  une  corn- 
niunication  facile  de  l'une  à  l'autre  ,  pour  don- 
ner un  peu  plus  de  liberté  aux  citoyens  de  la 
petite   République  ,  &  multiplier  leurs  piaifirs. 
Dans  cette  vue,  j'ajullai  fur  les  bords  du  verre 
à  boire   de  menues   tiges   [  ^  ^.  ]  de  Tithymala 
  feiàlhs  de   Cyprès^  que  j'aviiis  dépouillées  .do 
leurs  Feuilles.    \J\\q  des   extrémités  de  ces  tiges 
repofoit  fur  la  terre  du  verre  >  l'autre  fur  celle 
du  poudrier.  J'avois  préléré  à  deliéin  les  tiges 
du    Tiiiiymale  ,  parce    qu'elles  font   garnies  à-z 
petites  afpérités   qui    me   paroiifoient   très-pro- 
pres à  faire  pour  les  Fourmis  l'office  d'échellons 
ou  de  degrés.  Je  pourvus  ^n^iik<z  la  petite  Ré- 
publique de  provifions  de  bouche  &   de  maté-* 
riaux  convenables.  Je  diftribuai  qï   &   là  fur  la 
furface  de  la  terre  des  deux  vafes  ou  des  deux 
terraifcs ,  du  fucre  pilé   &  des  brins  de  paille 
ou  de  foin  hachés. 

L'attention   que  j'avois  jçue  de  ménager 
une  communioatioii  facile   entre  les  d:ux  ter«, 
TQ}r,e  IL  C  t; 


402       OBSERVATIONS 

rafles  ne  fut  point  inutile  à  mes  Fourmis  :  elles 
avoient  peine  à  fe  cramponner  contre  le  verre , 
&  elles  furent  bien  profiter  des  tiges  du  Tithy- 
maie  pour  palfer  commodément  de  l'une  à  Pau- 
tre  terraife.  Il  eft  vrai  qu'en  facilitant  ainiî  les 
promenades  de  mes  Fourmis  ,  je  courois  le  rif- 
que  de  fliciliter  en  même  temps  leur  évafion  : 
mais  d'un  autre  côté  ,  je  ne  vouiois  pas  les  ref- 
ierrer  trop ,  ni  les  mettre  dans  des  circonftances 
qui  différaifent  trop  de  celles  où  elles  avoient 
vécu  jufqu'alors. 

Elles  ne  fortoient  pas  fréquemment  de  la 
fourmilière,  &  quand  elles  en  fortoient  c'étoit 
toujours  en  petit  nombre  ,  &  ordinairement  une, 
deux  ou  trois  à  la  fois.  L'ouverture  que  j'avois 
faite  à  la  tète  du  Chardon  [Pi.  VI,  Fig.  T.  ]  en 
l'entrouvrant ,  &  que  j'avois  refermée  en  très- 
grande  partie  ?  leur  fervoit  de  porte.  Elles  def- 
cendoient  le  long  de  la  tige  du  Chardon  ,  & 
alToient  fe  promener  fur  la  furface  de  la  terre 
dans  laquelle  elle  étoit  plantée.  Lorfqu'elles 
Venoient  à  rencontrer  le  fucre  que  je  leur  avois 
fervi ,  elles  s'arrètoient  auprès  ,  8c  paroillbient 
€n  manger  ;  mais  elles  n^en  tranfportoient  point 
dans  la  fourmilière.  J'en  voyois  d'autres  qui  fai- 
filfoient  avec  leurs  dents  des  grains  de  terre 
c>u   des   brins  de  paille   qu'elles   tranfportoient 


SUR    LES    INSECTES,        403 

dans  la  fourmilière.  Celles  qui  s'étoicnt  chargées 
d'un  brin  de  paille  avoient  de  la  peine  à  Tin- 
troduire  dans  le  logemsiit  :  la  porte  en  étoit  fi 
étroice,  que  c'écoit  chofe  très-amufante  que  do 
voir  tous  les  mouvemens  que  fe  donnoit  la 
-Fourmi  pour  faire  paiîer  par  Fouverture  le  brin 
de  paille  dont  elle  étoit  chargée.  Elle  le  préfeu- 
toit  à  Fouverture  tantôt  dans  uil  fcns  ,  tantôt 
dans  vn  autre  :  enfin ,  elle  parvenoit  à  rencon- 
trer le  fens  canvenable  ,  Se  le  brin  de  paille 
ctoit  introduit.  Je  crus  que  j'irois  au-devant  des 
befoins  de  mes  Fourmis,  (1  j'entr'oavrois  un  peu 
plus  la  tète  du  Chardon  :  ce  fut  donc  ce  que 
j'exécutai  ;  mais  ce  n'étoit  point  du  tout  ce 
qu'elles  fouhaitoient  :  je  n'eus  pas  plutôt  agrandi 
Fouverture  de  la  porte  qu'elles  travaillèrent  aved 
ardeur  a  la  rétrécir.  Elles  fe  mirent  à  charrier 
de  la  terre ,  de  la  paille  ,  du  foin ,  qu'elles  alfem- 
'blerent  en  dedans  &  autour  de  Fouverture ,  & 
qui  la  rétrécirent  au  point  qu'elle  ne  fut  plus 
qu'une  très-petite  fente  oblongue  j  qui  fufHfoit 
à  peine  à  laiiTer  pailër  de  front  deux  Fourmis, 

Le  19  d'Août  ,  remarquant  que  depuis  plu- 
fleurs  jours  mes  Fourmis  ne  fortoient  point  do 
la  fourmihere  ,  il  me  vint  en  penfée  de  Fex* 
pofjr  au  foleil.  Je  Favois  tenue  jufqu'alors  far 
une  des  fenêtres   de  mon  cabinet ,  ou  le  folei] 

Ce  Z 


404       OBSERVATIONS 

ne  donnoit  qu'une  partie  de  la  matinée.  Dès 
qu'il  eut  commence  à  échauffer  la  tète  du  Char- 
don,  je  vis  paroitre  à  l'ouverture  de  la  porte 
plufieurs  Fourmis.  Bientôt  elles  fortirent  en 
ioule,  &  s'attroupèrent  en  grand  nombre  au- 
tour de  la  porte  :  elles  avoient  même  été  G. 
empreiTées  à  fortir  ,  qu'elles  avoient  fait  fluiter 
toutes  les  petites  barricades  qui  en  rétrecilFoient 
l'ouverture.  Le  foïeil  étoit  ardent,  &  les  Four- 
mis paroiilbient  très -émues,  j'en  vis  un  bon 
nombre  qui  defcendoient  le  long  de  la  tige, 
portant  chacune  entre  leurs  dents  un  Ver  ou 
xiiiQ  Nymphe ,  qu'elles  alloient  cacher  dans  la 
terre. 

Mais  ce  qui  excita  le  plus  mon  attention ,. 
ce  furent  d'autres  Fourmis  qui  fembloient  por- 
ter fur  leur  dos  une  de  leurs  compagnes.  Je 
crus  d'abord  que  c'étoient  des  cadavres  qu'elles 
•alloient  enterrer.  Une  petite  obfervation  que 
j'avois  faite  peu  de  jours  auparavant ,  me  fem- 
î)loit  confirmer  cette  idée  :  j'avois  obfervé  une 
de  mes  Fourmis  qui  tranfportoit  hors  de  la 
fourmiUere  une  Fourmi  morte  ,  &  qui  après 
avoir  rodé  long-temps  fur  la  terraiîc  fupérieure, 
avoit  dépofé  le  cadavre  dans  une  petite  foife 
qu'elle  avoit  rencont  ée  à  la  furfice  de  la  terre. 
J'étois  encore  affermi  dans  ma  penfée  par  l'im- 


SUR    LES   INSECTES.        40T 

mobilité  conftante  de  la  Fourmi  qui  etoit  aiiifi 
tranlportce ,  &  je  commer.çnis  à  ni'afïliger  de  îa 
grande  mortalité  fur  venue  dans  h  petite  Répu- 
blique. Mais  m'étant  avifé  de  prendre  délicate- 
ment entre  mes  doigts  une  de  ces  Fourmis 
qui  en  portoit  une  autre  ,  je  ne  fus  pas  peu 
ilirpris  cle  les  voir  fe  féparer  à  Tindant  l'une 
de  l'autre  ,  &  courir  toutes  deux  avec  une 
grande  vitelTe.  Je  répétai  pluficurs  fois.,  l'expé- 
rience ,  &  toujours  avec  ic  même  fuccès.  Toutes 
les  Fourmis  que  j'avois  prifes  pour  des  cada- 
vres ,  étoient  pleines  de  vie. 

Après  avoir  vu  &  revu  bien  des  fois  cette 
manœuvre  fingulierc  de  mes  petites  Fourmis  , 
je  fus  très-embarraiié  de  m'en  rendre  raifon  à 
moi-même.  Jd  formai  diverfes  conjedures  :  je 
préfumai  d'abord  que  c'étoit  quelque  bon  ofïice 
que  les  Fourmis  fe  rendoient  les  unes  aux  au- 
tres j  car  il  étoil:  alfe^  naturel  de  préfumer  de 
tels  offices  entre  des  Infccles  qui  vivent  eu 
fociété  ,  &  qui  font  appelles  à  s'entr'aider  mu- 
tuellement dans  leurs  travaux.  Mais  une  obfer- 
vation  que  je  fis  alors  ne  me  parut  point  favo- 
rable  à  cette  conjeclure.  J'avois  pris  entre  mes 
doigts  une  de  ces  Fourmis  qui  en  portoit  une 
ai::re  fur  fon  dos  :  elles  ne  s'étoient  point  fé- 
paiees  Tune   de  fautrc  3  &   les   avant   mifcs  à 

Ce  3 


^66       0  B  S  B  R  V  A  T  ï  0  N  S 

part  dans  une  boite  ,  h  portcufe  avoit  conti-* 
irué  à  courir  de  tous  cotés  avec  fa  charge  : 
cela  avoit  duré  un  temps  :  les  deux  Fourmis 
s'étoient  enfin  iéparées  ;  &  j'avois  remarqué  que- 
chaque  fois  qu'elles  venoient  à  fe  rencontrer 
dans  la  boite ,  elles  s'attaquoient  Tune  l'autre  , 
Se  fe  mordoiert  fortement.  J'avois  même  cru- 
appercevoir  que  Pune  des  deux  faifoit  mine  de- 
vouloir  monter  fur  le  dos  de  l'autre.  Elles  étoient 
fi  femblablcs  que  je  ne  pouvois  reconnoitre  celle 
iqui  avoit  porté  l'autre  fur  fon  dos. 

Je  continuai  à  fuivre  cette  étrange  nianœu^ 
vre  de  mes  Fourmis  ,  &  je  m'attachai  fur-tout 
à  obferver  l'attitude  de  celle  qui  étoit  portée  ^ 
OU  pour  parler  plus  jufte  qui  fe  fai^jit  porter. 
Je  reconnus  à  ne  pouvoir  m'y  méprendre , 
qu'elle  faifiifoi.t  fortement  avec  fes  dents  le 
delfus  du  col  de  celle  qui  la  portoit ,  &  que ,  le 
ventre  recourbé  contre  le  dos.  de  cette  dernière. 
qu'elle  embraifoit  avec  lès  jambes .  elle  s'y  tenoit 
cramponnée  d-ans.  une  immobilité  parfaite.  La 
Fourmi  qui  étoit  ainiï  forcée  à  en  porter  une 
autre  fur  fon  dos  ,  ne  paroiffoit  point,  fouffrir 
âc  cette  contrainte:  elle  alloit  8-:  vendit  de  touS: 
€ô,tés.  avec  une  grande  aifaiiçe ,  &  couroit  fou- 
■^ent  av:ec  beaucjoup  de  yit.eife. 


SUR   LES   INSECTES.        4C7 

Non-seulement  je  vis  des  Fourmis  qui 
defceiidoient  le  long  de  la  tige  du  Chardou 
portant  une  autre  Fourmi  iiir  leurs  épaules  3 
mais  j'en  vis  encore  d'autres  qui  remontoien.t 
le  long  de  la  même  tige  avec  une  femblabrç 
charge  ,.  &  dont  la  marche  n'en  paroilToit  pas- 
moins  dégagée,  (i) 

Maintenant  ,  Ci  Vcm  réfléchit  un  peu  fur 
ces  faits  ,  on  fera  fans  doute  porté  à  pré- 
fumer avec  moi ,  que  les  Fourmis  n'en  ufeiit 
ainfi  les  unes  à  l'égard  des  autres  que  lorf- 
qu'elles  font  irritées  ,  ou  qu'une  trop  grand* 
chaleur  les  tire  de  leur  état  naturel.  Elles  k 
jettent  alors  les  unes  fur  les.  autres  ;  elles  fc 
livrent  des  combatsiînguhers  >  &  l'un  des  cham^ 
pions  faifilumt  l'autre  fur  le  delfus  du  col ,.  le 
cramponne  fur  fon  dos,  &  s'obftine  à  ne  point 
lâcher  prife.  L'autre  champion  ,  qui  ne  peut  fe 
débarralTer  de  fon  adverfiire ,  eft  réduit  à  le 
fouifrir  fur  fes  épaules ,  &  à  le  porter  qà.  &  là  ^ 

(i^  Quelque  temps  après,  j'ohfervai  la  même  manœuvre 
cbcz  les  grandes  Fuurmis  des  prairies,  dont  ia  fourmilière  fe 
fait  remarquer  par  une  élévation  hémifphérique,  compofée  as 
fei-ins  de  bois,  de  paille,  8:c.  Une  Fouriniliere  de  cette  Erpece 
que  j'avois  tranfportée  dans  un  jardin  ,  pour  être  plus  à  por- 
tée ucn  fuivre  les  Fourmis,  me  donna  Ireu  de  revoir  ce  fait 
finpolicr  que  les  petites  Fourmis  du  Cferardon  m'avoient  oSferô 
ieà  nr-^mieres, 

C-C  4. 


408       OBSERVATIONS 

pendant  un  temps  plus  ou  moins  long.  Oïî 
fait  que  les  Fourrais  font  fort  colères  ;  Se  Pon  a 
pu  voir  cent  fois  des  Fourmis  auxquelles  on 
prcfcntoit  le  doigt  après  les  avoir  un  peu  ex- 
citées ,  &  faifir  la  pctiu  avec  leurs  dents ,  &  s'y 
tenir  cramponnées  opiniâtrement,  le  ventre  re- 
courbé contre  le  doigt. 

Je  continuai  à  obferver  affidument  mes  Four-- 
mis  jufqu'au  mois  d'Oclobre.  De  temps  en- 
temps  j'expofois  la  fourmilière  au  foleiî  ,  & 
chaque  fois  que  je  l'y  expofois  ,  je  voyois  les 
Fourmis  retiier  leurs  Vers  ou  leurs  Nymphes 
âc  l'intérieur  du  Chardon,  pour  les  trL^iifporter 
dar.s  la  terre  :  mais  dès  que  le  foleil  celiorc  de 
darder  fes  rayons  fur  la  iourmiUere  ,  el'cs  rap- 
portoicnt  leurs  petits  dans  l'intérieur  du  loge- 
aient. Il  faut  à  ces  petits  une  certaine  humi- 
dire,  qu'ils  trouvent  dans  la  terre.  Ils  ne  iku- 
roieiît  être  expofés  quelque  temps  à  fardeur  du 
ibhïl  fans  en  fouifrir  plus  ou  moins.  Les  Four- 
mis ouvrières  qui  le  favent  ou  paroiiient  le- 
f;voir,  ont  grand  foin  de  les  tranli-oricr  au 
licfoin  dans  le  lieu  qui  leur  efl;  le  plus  conve- 
nable. Ils  redoutent  également  l'excès  de  la. 
chaleur  &  de  Fhumidité.  Swammerdam  s'en 
étoit  affuré  par  une  expérience  qui  avoit  bien 
an   rapport,  avec   celle    que  je    décris.  Il  avoit. 


iUK    LES   fN  SECTES.     409 

avoit  même  cru  voir  que  le  Ver  de  la  Fourmi 
fuçoit  l'humidité  de  la  terre. 

Plus  d'une  fois  j'obfervai  ,  que  lorfqu'uiie 
Fourmi  rapportoit  uu  Ver  ou  une  Nymplie 
dans  la  fourmilière ,  &  qu'elle  fe  préfentoit  à  la 
porte ,  une  autre  Fourmi ,  qui  étoit  prête  à  for- 
tir  ,  tentoit  de  fe  faifir  du  Ver  ou  de  la  Nym- 
phe ,  qu'elle  le  prenoit  entre  fes  dents ,  &  s'ef- 
forcoit  de  le  tirer  à  elle  &  de  l'enlever  à  fa 
compagne.  Celle-ci  réfilloit  de  tout  fon  pou- 
voir ,  &  faifoit  les  mêmes  etforts  en  fens  con- 
traire :  le  Ver  étoit  ain(î  tiraillé  quelque  temps 
par  les  deux  Fourmis  ,  fans  néanmoins  qu'il 
parût  en  fouffrir.  De  pareilles  conteftations 
choquent  un  peu  ce  merveilleux  accord  qu'on 
a  fuppofé  entre  les  Fourmis,  &  qu\ni  a  trop 
exalté.  On  voit  tous  les  jours  des  Fourmis  fe 
difputer  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long, 
un  grain  d'Orge  ou  de  Bled ,  un  brin  de  bois 
ou  une  carcalfe  d'Infecls.  Mais  il  faut  convenir 
que  nous  fonmies  bien  mal  placés  pour  juger 
des  différends  qui  s'élèvent  parmi  ce  petit  peu- 
ple i  &  ce  que  nous  prenons  pour  un  différend 
pourroit  bien  être  toute  autre  cliofp. 

Je  ne  fluirois  dire  de  quoi  mes  Fourmis- 
Vvkurent ,  depuis  que  je  les  eus  tranfportées  de 


4io       0  E  S  E  K  J^A  T  I  0  K  S 

\à  campagne  dans  mon  cabinet.  Elles  ne  paroiî^ 
fuient  faire  que  peu  d'ufage  du  fucre  que  j'a- 
vois  mis  à  leur  portée  i  &  ce  n'étoit  que  de 
temps  à  autre  que  quelques-unes  fembloient  y 
toucher.  Elles  ne  touchèrent  point  du  tout  à 
des  grains  de  bled  que  j'avois  placés  à  delîsiii 
fur  Tune  &  l'autre  terraife.  Jamais  elles  ne 
transportèrent  dans  la  fourmilière  que  des  grains 
de  terre ,  des  brins  de  paille ,  ou  des  brins  de 
foin. 

Comme  je  ne  voyoïs  aucune  de  mes  Four- 
mis defcendre  le  long  du  poudrier  pour  gagner 
la  cuvette  &  tenter  de  s'échapper  du  petit  en- 
clos dans  lequel  je  les  avois  renfermées  ,  j'avois 
négligé  de  tenir  toujours  la  cuvette  pleine  d'eau  > 
&  j'étois  venu  à  penfer  qu€  cette  précaution 
n'étoit  plus  îiécelfaire.  Je  me  trompois  dans  mon 
jugement.  Au  commencement  d'Odobre ,  je  dé- 
couvris plulleurs  de  mes  Fourmis  qui  fe  prome» 
noient  le  long  d'un  des  montans  de  la  fenêtre , 
&  qui  s'éloignoient  beaucoup  de  la  fourmilière. 
Je  ne  défefpérai  pourtant  pas  de  leur  retour. 
Je  n'ignorois  point ,  que  les  Fourmis  qui  vivent 
en  pleine  campagne,  font  fouvent  de  très-longs 
voyages  ,  &  qu'elles  favcnt  toujours  retrouver 
leur  domicile.  Je  ne  perdis  point  de  vue  celles 
de  mes  petites  Fourmis  qui  s'ctoient  mifes  eii 


SUR   LES    INSECTES.       41T 

Courfe.  Jeu  vis  une  qui  defceiidoit  le  long  de 
la  fenêtre ,  &  qui  paroiîfoit  vou'oir  regagner  la 
fourmilière.  Je  ta  fuivjs  de  l'œil.  Je  la  vis  arri- 
ver fur  la  tablette  de  la  fenêtre ,  gagner  le  pied 
de  la  cuvette ,  monter  le  long  de  fes  parois  ex- 
térieures,  defcendre  dans  rintérieur,  diriger  fa 
courfe  vers  le  pied  du  poudrier ,  grimper  le 
long  de  fes  parois ,  traverfer  les  deux  terraffes , 
&  rentrer  enfin  dans  la  fourmilière.  Au  même 
inftant,  j'apperqus  deux  autres  Fourmis  qui  for- 
toient  de  la  tète  du  Chardon  .  8c  qui  defcen- 
doient  cnfemble  le  long  de  la  tige.  Je  jugeai 
qu'elles  alloient  en  courfe  ,  &  je  les  fuivis  de 
i'œiî  avec  la  même  alUduité  que  la  précédente. 
Elles  firent  en  fens  contraire  précifément  le 
même  chemin  que  celle-ci  venoit  de  faire,  & 
en  allez  peu  de  temps ,  elles  parvinrent  au  mon- 
tant de  la  fenêtre ,  le  long  duquel  elles  grim- 
pèrent. 

J'etois  fort  curieux  de  favoir  ce  qu'elicb 
alloient  faire  vers  le  haut  de  la  fenêtre  :  je 
tâchai  de  le  découvrir  :  il  ne  me  fut  pas  diffi- 
cile d'y  parvenir.  Le  cadre  de  la  fenêtre  étoit 
d'un  bois  vieux  que  la  carie  avoit  attaqué  :  elle 
y  avoit  crcufé  cà  &  là  de  petits  trous  ,  &  ce- 
toit  dans  ces  trous  que  mes  Fourmiis  s'intro- 
dinioicnt.  Elles  paroiîFoient  s'occuper  à  les  agraii- 


4T2       OBSERVATIONS 

dir  :  avec  leurs  dents  e)les  détachoicnt  de  petits, 
fragmens  de  bois  y  elles  les  puivérifoient ,  & 
fembloierit  vouloir  fe  préparer  là  un  nouveau 
domicile. 

J'iGNOROis  Cl  toutes  mes  Fourmis  s'étoient 
niifes  en  campagne  v  je  tentai  de  m'en  inftruire 
en  entr'ouvrant  un  peu  la  tète  du  Chardon  : 
aucune  Founiii  ne  parut  à  l'ouverture  :  j'en 
conclus  que  toutes  ou  prefque  toutes  a  voient 
abandonné  la  fourmilière  poiir  aller  s'établir 
pilleurs.  Mais  vers  le  milieu  d'Odlobre ,  le  temps 
étant  devenu  froid  &  pluvieux ,  je  ne  découvris 
plus  de  Fourmis  autour  de  la  fenêtre  ;  &  je 
remarquai  que.  l'ouverture  que  j'avois  faite  à  la 
tète  du  Chardon  avoit  été  rebouchée  avec  des, 
grains  de  terre  ,  &  des  brins  de  paille.  C'étoit 
un  indice  bien  fur  que  les  Fourmis  avoient 
regaqrné  leur  ancien  domicile. 


'fe^'b' 


Je  ne  quittai  la  campagne  que  dans  le  milieu 
de  Décembre.  Je  retirai  la  fourmilière  dans  mon 
cabinet,  dont  je  fermai  cxaiftement  les  fenêtres. 
&  les  volets,  je  revins  à  la  campagne' au  mois 
d'Avril  1740  ;  &  mon  premier  foin  fut  de  ren- 
dre vifite  à  mes  Fourmis.  Elles  étoient  toutes 
reii Fermées  drins  la  tête  du  Chardon:  j'en  exa- 
minai l'ouverture  s  &  je  reconnus  que  les  Four- 


SUR    LES  INSECTES,       413 

rnis  Tavoient  bouchée  en  entier  avec  beaucoup 
d'exaditude. 

On  n'a  pas  oublié  le  froid  fi  long  8c  Ci 
rigoureux  de  l'hiver  de  1740.  Il  avoir  prefque 
égalé  en  intenfité  celui  de  1709,  &  l'avoit  fur- 
palfé  en  durée.  Le  retotîr  du  printemps  avoit 
été  retardé  d'environ  fix  feniaines.  J'en  eus  plus 
d'une  preuve  ,  dont  une  entr'autres  me  fut 
fournie  par  les  Papillons  d'une  Efpece  de  Che- 
3iille  qui  entre  en  terre  pour  s'y  métamorpho- 
fer.  A  l'ordinaire  ces  Papillons  commencent  à 
paroître  vers  la  mi- Avril  ,  &  en  1740  ,  ils  ne 
parurent  qu'au  commencement  de  Juin.  On  peut 
coiifulter  fur  cet  hiver  mémorable  Phiftoire  in- 
térelFante  que  M.  de  Reaumur  en  a  publiée 
dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences. 
J'avois  lieu  de  craindre  qu'un  hiver  li  long  & 
fi  rigoureux ,  n'eût  été  fatal  à  la  petite  Répu- 
blique j  car  feau  de  la  cuvette  avoit  gelé  dans 
mon  cabinet  dès  le  mois  de  Novembre.  Je  n'y 
faifois  point  de  feu.  Cependant  mes  petites 
Fourmis  étoient  encore  pleines  de  vie ,  &  je 
ne  tardai  pas  à  en  voir  paroitre  à  la  porte  de 
la  fourmilière. 

Pendant  les  mois  d'Avril  &  de  Mai,  &  juf- 
qu'au   commencement   de   Juin  ,  elles  fortirent 


4H       OBSERf  AXIONS 

fort  peu  de  leur  retraite.  Mais  toutes  les  foîsf 
que  j'expofoîs  la  fourmilière  au  foleil ,  elles  s'at- 
troupoient  en  grand  nombre  au-dehors  de  lu 
porte.  Il  y  en  avoit  très-peu  néanmoins  qui 
defcendiifent  le  long  de  la  tige  du  Chardon 
pour  sV  promener  fur  la  terraife  fupérieure. 
Celles-ci  couroient  avec  une  grande  viteife,  & 
paroiifoient  fort  émues. 

Je  renouvellai  en  partie  la  terre  des  deux 
vafes  ,  &  je  fervis  à  mes  Fourmis  de  la  nouvelle 
nourriture  &  de  nouveaux  matériaux.  Ce  fut 
encore  du  fucre  que  je  leur  donnai  :  les  Four- 
mis en  font  friandes  :  mais  au  lieu  de  le  diitri- 
buer  fur  la  terre  des  vafes ,  je  le  renfermai 
dans  une  petite  boîte,  [PL  VI,  Fig.  ^.  ]  où  je 
pratiquai  dcux  petites  portes  à  Poppcfite  l'une 
de  l'autre.  C'étoit  un  petit  magafin  de  provi-- 
fions  de  bouche.  Je  le  couvris  d'une  plaque  de 
verre  qui  lui  iervoit  de  toit.  Ce  magafin  fut 
placé  fur  la  terraife  fupérieure.  Quelques-unes 
des  Fourmis  le  découvrirent  bientôt  ,  &  ne 
manquèrent  pas  à'y  entrer.  Elles  y  relièrent 
iquelque  temps  ;  &  faiiS  doute  qu'elles  v  pre- 
noient  une  nourriture  qui  leur  étoit  devenue 
bien  neceflaire  après  un  lî  long  jeaue. 

Plusieurs  Fourmis   étant  entrées  un  jour 


SUR    LES    INSECTES,       41^ 

dans  le  magafiii ,  je  remarquai  qu'elles  n'en  ref- 
ibrtoient  point  :  curieux  de  voir  ce  qu'elles  y 
faifoient,  je  m'en  approchai:  je  les  trouvai  raf- 
femblées  les;  unes  auprès  des  autres  far  la  fur- 
face  du  fucre  ;  &  les  ayant  regardées  de  fort 
près,  j'apperqus  un  de  leurs  Vers  qu'elles  avoient 
tranfporré  là  ,  Se  qu'une  d'elles  emporta  hors 
du  magafin  dès  qu'elle  m'eut  découvert.  Le 
fucre  s'étoit  un  peu  ramolli  dans  la  boite  5  il  y 
avoit  contradé  une  foite  d'humidité  qui  étoit 
favorable  aux  petits. 

J'essayai  un  jour  de  mettre  la  fourmilière 
en  plein  air ,  &  j'obfervai  que  chaque  fois  qu'il 
pleuvoit  ,  les  Fourmis  fe  retiroient  dans  leur 
logement ,  dont  la  porte  fe  refermoit  en  entier. 
Ce  n'étoit  point  une  précaution  que  priifent  les 
Fourmis  pour  fe  mettre  plus  à  l'abri  de  la  pluie  j 
la  Nature  la  prenoit  pour  elles  ,  &  elles  n'eu 
étoient  que  mieux  défendues.  En  pénétrant  l'é- 
corce  du  Chardon ,  l'humidité  la  gonfloit ,  &  ce 
gonflement  reiferroit  de  plus  en  plus  l'ouverture 
de  la  porte. 

Je  regrette  de  ne  pouvoir  donner  la  fm  de 
l'hiftoire  de  mes  petites  Fourmis  5  mais  elle 
manque  dans  mon  Journal ,  &  ma  mémoire  ne 
^ayroit  me  la  rappeller  au  bout  de  trente-fept 


41^5       OBSERVATIONS 

ans.  Je  fuis  au  moins  bien  fiir ,  qu'aucune  xîe 
ces  Fourmis  ne  prit  des  ailes  dans  la  tète  du 
Chardon. 

Je   fup prime  les  Obfer valions  que  je  fis  à- 
peu -près  dans    le   même  temps  fur  de  petites 
Fourmis    noires    qui    s'étoient    logées   dans    la 
terre ,  &  fur  les  grandes  Fourmis  des  pranies. 
Ces  Obfervations  que  je  trouve  confignées  dans 
mon  Journal  de  1739,  n'auroicnt  rien  d'alfez 
intéreiiant  pour  le  public.  Mais  je  ne  puis  paiîcr 
fous  illence  un  procédé  que  j'ai  vu  pratiquer  à 
de  petites  Fourmis   qui  s'étoient  établies  dans 
le  voifinage  de  mes  ruches  vitrées.  On  fait  que 
les  Abeilles  excitent  autour  d'elles  une  chaleur 
douce,  qui  élevé  la  liqueur  du  thermomètre  bien 
plus  haut  qu'on  ne  l'auroit  pcnfc.  Les  Fourmis 
dont  je  veux   parler  fembloient  avoir  reconnu 
que  cette  chaleur  convenoit  à  leurs  petits.  Cha- 
que jour  -elles  apportoient  leurs  Vers  ou  leurs 
Nymphes  près  des  carreaux  de  verre  d'une  des 
ruches.    Ces    carreaux   étoient   recouverts   d'un 
volet  de  bois  garni  de  flanelle.  C'étoit  entre  ce 
volet  &  le  chaiîis  de  verre  qu'elles  placoicnt  leurs 
petits  :    elles,  les    empiloient    contre    le    verre, 
quelquefois  à  la  hauteur  de  plus  de  deux  pou- 
ôcs.  Quand  je  veno  s  à  ouvrir  le   volet ,  c'étoit 
t'bjujcu.s  une  grande  défokitioii  pour  les  Fou/~. 

nus  : 


SUR    LES    INSECTES,      417 

ftils  :  elles  fe  faifilToient  aufïï-tôt  de  leurs  petits , 
&  fe  mettoient  à  courir  de  tous  côtes  avec 
beaucoup  de  vîtelTe.  En  continuant  de  les  fui^ 
vre  ,  je  les  voyois  fe  rendre  toutes  par  la  mèms 
route  vers  le  haut  du  pavillon  fous  lequel  les 
ruches  étoient  placées.  Il  y  avoit  là  une  fente 
qui  pénétroit  dans  Pintérieur  de  la  paroi ,  & 
ou  les  Fourmis  fe  précipitoient  avec  leur  charge. 
Au  bout  de  quelques  quarts  -  d'heure  ,  on  ne 
découvroit  plus  ni  Fourmis ,  ni  Vers ,  ni  Nj'm- 
plies  près  de  la  ruche.  Mais  le  lendemain  ,  ou 
les  jours  fuivans ,  j'étois  très-uir  d'en  retrouver 
bien  des  centaines  contre  les  verres  de  la  ruche^ 

OBSERVATION    XLIIL 

Sur  un  procédé  des  Fonrînis. 


3 


Ai  fait  connoître  (  Obf  III,  V,  Vî.  )  le 
procédé  ,  au  moyen  duquel  quelques  Efpeces  de 
Chenilles  répubUcaines  favent  retrouver  leur 
nid  lorfqu'ellcs  s'en  font  éloignées.  Il  nVa  paru 
que  les  Fourmis  avoient  un  moyen  analogue 
pour  regagner  leur  Fourmilière ,  dont  elles  s'é- 
loignent bien  plus  encore  que  les  Chenilles  ne 
s'éloignent  de  leur  nid.  Un  jour  que  j'obfervois 
un  grand  nombre  de  petite?  Fourmis  qui  naon-* 
TQwe  IL  D  d 


41^       0  B  S  E  Tv  V  A  T  I  0  N  S 

toient  à  la  file  &  une  à  une  le  long  d'un  mur, 
je  remarquai  qu'elles  fuivôient  conftamment  la 
même  ligne.  Cette  ligne  étoit  à-peu-près  droite. 
En  même  temps  qu'un  grand  nombre  de  Four- 
niiis  moutoient  le  long  du  mur  en  fuivant  cette 
ligne  5  j'en  Voyois  d'autres  qui  defcendoient  en 
fuivant  auffi  conflamment  la  même  route.  Ces 
procefîions  de  Fourmis  me  rappellerent  celles 
des  Chenilles  républicaines  ,  Se  il  me  vint  lur- 
le-champ  en  penfée  que  ces  Fourmis  que  j'a- 
vois  fous  les  yeux ,  laifïbient ,  comme  les  Che- 
nilles ,  une  trace  qui  les  dirigeoit  dans  leurs 
courfes.  Je  n'ignorois  pas  néanmoins  que  les 
Fourmis  ne  filent  points  mais  je  fa  vois  qu'elles 
ont  une  odeur  ajGTez  pénétrante  ,  qui  pouvoit 
adhérer  pliîs  ou  moins  aux  corps  qu'elles  tou- 
chent, &  agir  enfuite  fur  leur  odorat.  Je  com- 
parois  ces  traces  invifibles  aux  pqjfées  des  bêtes 
fauves  ,  qui  agiffent  fur  l'odorat  du  Chien.  Il 
mi'étoit  bien  facile  de  vérifier  mon  Ibupqon  :  je 
n'avois  qu'à  m'y  prendre  comme  je  m'y  étois 
pris  pour  arrêter  ou  dérouter  dans  leur  marche 
les  Chenilles  qui  vivent  en  fociété.  Je  pallai 
donc  le  doigt  ludement  fur  la  ligne  que  fui- 
vôient les  Fourmis  :  je  rompis  ainfi  le  chemin 
fur  une  largeur  égale  à  celle  de  mon  doigt  j  & 
je  vis  précifément  le  même  fpedlacle  que  celui 
qiiQ  les  CheaiiJies  nV»ivoi(^iit  oifeit  ;  ics  Fouimis 


SUR    LIS  INSECTES.         419 

furent  déroutées ,  leur  marche  fut  interrompue , 
&  leur  embarras  m'amuia  quelque  temps.  Je 
répétai  pluiieurs  fois  l'expérieiiee  avec  le  mèm.e 
fuccès  ou  un  fuccès  équivalent. 

Je  placerai  ici  une  Obfervation  d'un  autre 
genre  ,  qui  prouvera  à  quel  point  les  Fourmis- 
font  attachées  à  leurs  NourriiTons.  Une  Fourmi, 
que  j'avois  partagée  tranrverfalement  par  le 
îTiilieu  du  corps  ,  &  à  qui  il  n'étoit  relié  que  la 
tète  &  le  corcelet  ,  tranfporta  fous  mes  yeux 
avec  la  plus  grande  activité ,  huit  eu  dix  Vers 
ou  Nymphes  de  fon  Eipece. 

}^'^.=^-^ — ■^'::io  -.■  ^       '    ■  -  ^"^ 

OBSERVATION     X  L  î  V. 
Sur  les  Vers  niineiirs  de  la  Jnfquiame. 


L 


Es  Infedes  mineurs  de  feuilles  (^O  font  pouf 
la  plupart  des  animaux  bien  petits  5  car  ils  peu-* 
vent  fe  loger  commodément  dans  l'épailTeur 
d'une  ilmple  feuille  d'herbe  ou  d'arbre,  fouvent 
très-mince.  Ils  fe  gHifent  entre  les  deux  mem- 
branes qui  en  forment  le  deifus  &  le  deffous, 
&  en  détachent  adroitement  la  fubftance  paren-. 
chymateufe  qu'elles  renferment ,  &  dont  ils  fà 

.    C)  ^^e''«.  M  les  Inf.  Tome  ÎII,  Mém.  L 

D  d  2, 


420       OBSERVATIONS 

noiirrifTent.  Les  uns  minent  tout  autour  d'eux 
dans  des  aires  plus  ou  moins  grandes  ,  &  ce 
font  des  Mineurs  en  grand  :  les  autres  creufent 
dans  répailieur'  de  la  feuille  des  efpeces  de 
boyaux  plus  ou  moins  longs  &  plus  ou  moins 
tortueux  y  &  ce  font  des  Mineurs  en  galerie, 
Ainfî,  en  m.ème  temps  que  nos  Infecftes  mineurs 
travaillent  à  fe  loger ,  ils  travaillent  à  fe  nourrir. 

La  plupart  des  Mineurs  ne  fortent  jamais  de 
la  mine  qu'ils  fe  font  creufée  :  ils  y  palfent 
toute  leur  vie  ;  &  beaucoup  d'Efpeces  y  fubif- 
fent  leur  transformation.  Ils  ne  favent  pas  même 
y  rentrer  lorfqu'on  les  a  forcés  à  en  fortir  :  ils 
périifent  fur  la  furface  de  la  feuille  &  s'y  def- 
féchent. 

Il  n'en  eft  pas  de  même  des  Mineurs  de  la 
Jufquiame,  ils  fortent  au  befoin  de  leur  mine. 
Se  s'en  creufent  une  autre  à  volonté.  Si  on  les 
retire  de  celle  qu'ils  fe  font  nouvellement  creu- 
fée ,  ils  ne  tarderont  pas  à  fouiller  dans  l'épaif- 
feur  de  la  feuille ,  &  à  fe  creufer  une  nouvelle 
retraite. 

Il  en  eil  des  Infedes  mineurs  de  feuilles 
comme  des  Infedes  qui  s'élèvent  dans  l'inté- 
rieur des  fruits  ^  les  uns  &  les  autres  vivent 


SUR    LES    INSECTES,       421 

pour  rordinaire-  dans  la  plus  parRiite  folitudâ 
On  ne  trouve  ordinairenicîit  qu'un  feul  MineuL 
dans  chaque  nv-ne.  Les  Mineurs  de  la  Juiquiamc 
nous  oiïrent  encore  une  exception  à  cette  forte 
de  règle.  Ils  minent  en  grand  &,  très  en  grand  v 
&  il  n'ei-fc  point  rare  d^en  trouver  fept  à  huit 
dans  la  même  mine.  Ils  font  bien  plus  gros  que 
la  plupart  des  Mnieurs  de  feuilles  ,  &  rellem^ 
blent  beaucoup  aux  Vers  de  la  viande.  Leur 
bout  poftérieur  eft  gros  &  arrondi  :  leur  bout 
antérieur  eft  effilé  &  garni  de  deux  crochets  en 
manière  de  pioches.  C'eft  avec  ces  crochets 
qu'ils  creufent  dans  le  parenchyme  de  la  feuille. 
Ils  y  trouvent  une  fubftance  très-abondante  Se 
très-fucculente  qui  cède  facilement  à  leurs  eilorts, 
8c  leur  permet  de  miner  en  trè&-grandes  aires.. 
On  fait  que  les  feuflles  de  Jufquiame  font 
grandes,  épaiifcs,  molles  <&  charnues. 

Apres  avoir  retiré  un  Mineur  de  la  Juf- 
quiame de  rintérieur  de  fa  mine,  je  le  pofai  fur 
iè  deifus  d'une  feuille  verte  de  la  même  plante. 
Je  voulois  voir  par  moi-même  comment  il  par- 
viendroit  à  fe  creuier  une  nouvelle  mine.  Je 
m'armai  d'une  loupe  pour  ne  rien  perdre  de- 
toutes  fes  manœuvres.  Bientôt  il  commença  à 
entamer  la  furficc  de  la  feuille.  Sa  tète  fe  don- 
noit  des  mouvenieus  très-prompts;  elle  s'ap-oro-. 

ad  i. 


42'^       0  B'S  s  Ti  V  AT  r  0  N  S 

êhoit  &  s'éloi?-noi^  alternativement  du  deifouS' 
du  ventre  ,  Fans  abandonner  la  lurface  de  la 
feuille ,  contre  laquelle  les  crochets  agifloient' 
contimïellement.  On  juge  facilement  de  l'effet 
que  les  petites  pioches  produifoient  fur  la  peau 
tendre  de  la  feuine.  E^les  en  ratiiToimit  la  fur- 
face  comme  nous  la  ratiiferions  avec  Tongle.  A 
niefure  que  les  crochets  ratilfoient  ainfi  la 
feuille,  elle  prenoit  à  cet  endroit  une  teinte  de 
verd  plus  f  )ncé  ••,  c'cft  que  les  crochets  en  enle- 
Voient  répiderme ,  &  nvettoient  le  parenchyme 
à  découvert.  Ce  parenchyme  eft  d'un  beau  verd  . 
Se  répi-derme  eft  blanchâtre  ou  grifatre.  Non- 
feulement  l'endroit  que  les  crochets  att;iquoie:.t 
devenoit  verd ,  mais  il  paroiiioit  encore  un  peu 
îiumide  ,  apparemmeiit  parce  que  les  vaiiieaux 
qui  étoicnt  déchirés  par  les  crochets ,  laiiToient 
épancher  le  fuc  qu'ils  contenoient. 

Mon  Mineur  n'eut  pas  bsfnn  d'agir  long- 
temps fur  la  furface  de  la  feuills  pour  parvenir 
à  y  raire  une  ouverture  capable  de  recevoir  fa 
partie  antérieure.  A  peine  cette  ouverture  eut- 
elle  été  pratiquée  ,  que  je  le  vis  introduire  ft 
tète  entre  les  deux  membranes  de  -la  feuille. 
La  membrane  fuperieure  étoit  ailez  tr^uiiparente 
pour  me  permettre  d'obferver  ce  qui  fe  paiîbit 
dans  l'intérieur  de  la  mine.  JufQu'alor^  les  cro- 


SUR    LES    INSECTES,        425 

thets  avoient  agi  perpendiculairement  à  la  fur- 
face  de  la  feuille  ;  mais  dès  que  le  Mineur  eut 
incioduit  fà  tète  entre  les  deux  membranes  ,  il 
donna  une  autre  diredlion  à  rinfttum3nt  ;  il  le 
dirigea  parallèlement  aux  deux  membranes  ;,&. 
tandis  qu'il  s'en  fervoit  à  détacher  le  paren^ 
chyme ,  il  fe  donnoit  bleu  de  garde  de  toucher 
aux  membranes  :  elles  dévoient  demeurer  bien 
entières  pour  mettre  le  Mineur  à  l'abri  du  con- 
taél  de  l'air  &  lui  fournir  un  logement  convc-. 
nable.  Il  piochoit  avec  une  extrême  vîtelfe  :  je; 
ne  perdis  pas  un  feul  de  fes  mouvemens  ,  car 
la  membrane  qui  le  couvrait  prenoit  une  tranf-. 
parence  égale  à  celle  du.  talc.  En  fort  peu  de 
temps  il  parvint  à  fe  loger.  Il  minoit  tantôt  en 
avant ,  tantôt  fur  les  côtés  i  &  peu-^à-peu  il  f^ 
trouva  en  poifeffion  d'une  mine  où  il  étoit  logé, 
très  à  l'aife. 

En  parlant  des  Mineurs  de  la  Jufquiame  > 
qui  habitent  dans  la  même  mine,  quelquefois 
au  nombre  de  fept  à  huit ,  d'autrefois  au  nom- 
bre de  trois  à  quatre  j  M.  de  PvE A UMUR. remar- 
que 5  qy^ils  7ie  ^aroijjhievit,  ni  Je  chercher  les  uns 
les  autres ,  7ii  craindre  de  fe  rencoiitrer  (*)  :  on 
pouvoit  pourtant  douter  avec  quelque  ibnde- 
3^-ient ,  fi  malgré  ces  apparences,  ils  ne  le  mi- 

O  Tome  UI,  pa§e  15.^ 

Dd   4.         - 


4^4       OBSERVATIONS 

foient  point  îa  guerre  quand  ils  venoieiit  à  fe 
rencontrer  dans  rintérieur  de  la  mine.  Les 
Mineurs-  font  de  petits  ïnfedes  appelles  à  vivre 
en  folitude ,  &  qui  ne  travaillent  point  en  com- 
mun à  fe  loger.  Ils  relîeniblent  à  cet  égard  aux 
Infec1:es  qui  vivent  dans-,  l'intérieur  des  fruits , 
comme  je  Pai  déjà  frit  remarquer i  &  nous  avons 
eu  de  bonnes  preuves  (Obf  XIX.)  que  ces 
derniers  fe  livrent  de  cruelles  guerres ,  quand 
on  veut  les  forcer  de  vivre  enfemble  dans  le 
ïuènie  logement.  Il  me  parut  donc  curieux  de 
favoir  s'il  en  feroit  de  même  des  Mineurs  de 
îa  Jufquiame.  Pour  m'en  ailiirer ,  je  tentai  une 
expérience  qui  ne  pouvoit  manquer  d'être  très- 
déciiîve.  J'mtroduifis  un  fécond  Miiieur  dans  la 
mine  que  venoit  de  fe  creufer  fous  mes  yeux 
celui  dont  je  parlais  il  n'y  a  qu'un  moment. 
Ce  fécond  Mineur  eut  bientôt  pénétré  jufqu'à 
Fendroit  où  le  premier  étoit  parvenu  -,  mais 
celui-ci  ne  parut  point  du  tout  fe  mettre  en 
peine  de  l'arrivée  du  nouvel  hôte  :  il  continua 
ion  travail  comme  auparavant ,  &  ue  £t  aucune 
tentative  pour  chaiTer  le  Mineur  étranger.  Ce 
dernier  n'étoit  pas  fort  à  fon  aife  :  la  mine  où 
je  i'avois  introduit  n'avoit  été  pratiquée  que 
pour  un  feul  Ver  ,  &  il  en  rempliifoit  prefque 
toute  la  capacité.  Le  Mineur  étranger  tâcha  de 
-ie  gliiler  enure  les  parois  de  la  mine  ik  le  corps 


SUR    LES    INSECTES,      42v 

de  l'autre  Mineur.  Mais  comme  le  Mineur  étran- 
ger étoit  fort  gène  ,  fes  crochets  ne  pouvoient 
agir  commodément  contre  les  parois  de  la  mine  : 
auiîîne  paroifToient-ils  pas  Télargir^  &  ce  n'étoit 
qu'autant  que  le  premier  Mineur  gagnoit  du 
terrein  dans  l'épaiireur  de  la  feuille  ,  que  le 
fécond  avanqoit  dans  la  mine.  Bientôt  néan- 
moins il  y  fut  entièrement  à  couverts  &  dès 
qu'il  fe  fut  porté  un  peu  en  avant ,  j'introdui- 
fis  dans  la  mine  un  troifîeme  Mineur ,  puis  un 
quatrième.  On  voit  bien  qu'ils  y  dévoient  être 
tous  fort  mal  à  l'aife  5  &  pourtant  il  ne  leur 
arriva  jamais  de  s'attaquer  les  uns  les  autres.  A 
mefure  que  le  premier  avanqoit ,  les  autres  le 
fuivoient  &  élargiifoient  de  plus  en  plus  la 
mine,  (i) 

(i)  Je  vûiilois  placer  à  la  fuite  de  cette  Obfervation  fur  les 
Vers  mineurs  de  la  Jufquiame  ,  les  Obfervations  que  j'avois 
faites  eia  1741  ,  fur  l'œuf  lingulier  de  la  3'Iouche-Araignée  ; 
mais  je  dois  renvoyer  fur  ce  fujet  à  l'article  924  de  mes 
Coyrjîdé-- Citions  fur  les  corps  organifés ,  où  ces  Obfervations  font 
rapportées  en  de'tail.  M.  de  Reaumub.  en  avoit  donné  un 
précis  dans  îe  dernier  Mémoire  du  Tame  VI  de  fon  Hilloire 
des  Initdes. 


426^       OBSERVATIONS 


OBSEPvVATION     XLV. 

Sur    une   petite    Araignée    qui  faifoit  fuir    tine- 
Araignée  domejliqne  de  la  plus  grande  taille. 

J  £  jettai  un  jour  une  Mouche  au  milieu  de* 
la  toile  d'une  des  plus  groiTes^  Araignées.  Ce- 
toit  de  celles  qu'on  nomme  domeftiqiies.  Elle  ne 
tarda  pas  à  fortir  de  fa  niche  pour  accourir  fur 
la  proie.  Je  crus  que  c'en  étoit  fait  de  la  pau- 
vre Mouche  j  lorfque  je  vis  fortir  de  deiîbu& 
l'extrémité  oppofée  de  la  toile ,  une  autre  Arai- 
gnée ,  groiie  tout  au  plus  comme  un  petit 
pois ,  qui  s'avanqoit  à  grands  pas  vers  celle  qui 
alloit  emporter  la  Mouche.  J'étois  étonné  du. 
courage  &  de  la  témérité  du  champion.  J'avois 
fouvent  cru  remarquer  que  les  Araignées  qui 
livrent  combat  à  d'autres  Araignées  dans, leurs, 
propres  toiles  ,  avoient  de  grands  avantages  f 
parce  que  connoillaiit  tous  les  détours  de  leur 
labyrinthe ,  elles  fe  metteiit  facilement  en  fiireté 
par  la  fuite  ,  quand  le  combat  ne  leur  eft  pas 
avantageux  ,  &  qu'elles  favent  revenir  enfuite 
par  des  chemins  détournés  fondre  fur  l'ennemi, 
au  moment  qu'il  s'y  attend  le  moins.  Mais  je 
n'avois  jamais  obfervé ,  &  je  n'avois  jamais  îur 
dans  aucun  livre  d'Hilloire  Naturelle  ^  qu'une 


SUR    LES    INSECTES.      427 

petite  Araignée  vint  difputer  une  Mouche  k 
une  autre  Araignée  ,  beaucoup  plus  forte  qu'elle , 
Se  jufques  dans  fa  propre  toile.  J'étois  donc 
extrêmement  curieux  de  favoir  comment  fe  ter- 
mineroit  un  combat  Ci  inégal  :  je  redoublai 
d'attention  ;  &  voici  un  nouveau  fujet  d'éton- 
nement.  La  démarche  de  la  petite  Araignée  ne 
reifembloit  point  du  tout  à  celle  des  Infe(fles  de 
Ton  Efpeces  elle  ne  marchoit  qu'à  reculons,  <& 
en  ruant  fans  ceiTe  des  pieds  de  derrière.  Ce- 
toit  ainfi  qu'elle  s'avancoit  vers  la  groife  Arai- 
gnée. Celle-ci  ne  Peut  pas  plutôt  appercue , 
qu'elle  parût  fonger  à  la  retraite  ;  &  quoique  la 
petite  Araignée  en  fût  encore  à  une  allez  grande 
diftance ,  chaque  fois  qu'elle  ruoit  ,  la  groiTe 
Araignée  lâchoit  le  pied,  &  s'éloignoit.  un  peu 
plus.  Enfin ,  ne  pouvant  apparemment  plus  fou- 
tenir  la  préfence  ou  l'approche  du  valeureux 
champion  ,  elle  tourna  le  dos ,  &  courut  fe 
cacher  dans  fa  niche ,  abandonnant  honteufe- 
nient  &  le  champ  de  b?.tai!le  &  le  butin.  x\près 
cette  retraite  G  honorable  pour  la  petite  Arai- 
gnée ,  je  m'attendois  que  la  Mouche ,  qui  n'a- 
yoit  pu  fe  débarraffer  d'entre  les  fils  de  h 
toile  ,  alloit  devenir  la  récompenfe  du  courage 
de  notre  héroïne  :  mais  elle  préféra  la  gloire 
d'avoir  vsincu  aux  avantages  de  la  vicloire  : 
çile  battit  à  fon  tour  en  retraite  j  mais  fa  dé- 


428       OBSERVATIONS 

marche  fut  alors  très-diiFéreiite  de  celle  qu'elle 
avoit  eue  eu  allant  au  combat.  Je  la  vis  rega- 
gner l'endroit  dont  elle  étoit  partie  ,  en  mar- 
chant en  avant  comme  les  autres  Araignées ,  & 
d'un  pas  tranquille  &  allez  lent. 

Quelques  momens  après ,  la  grolTe  Araignée 
fortit  de  nouveau  de  fa  cellule  pour  revenir  à 
la  charge  :  mais  elle  paroifToit  prefque  trem- 
blante ,  &  fembloit  regarder  de  tous  côtés  ;  & 
ne  découvrant  plus  l'ennemi ,  elle  s'avanqa  fur 
la  Mouche  :  mais  au  moment  qu'elle  alloit  s'en 
faifir  ,  voilà  la  petite  Araignée  qui  reparoit 
comme  la  première  fois ,  &  s'avance  à  reculons 
contre  la  groife  Araignée  ,  en  ruant  toujours 
des  pieds  de  derrière.  La  lâche  Araignée  ne 
put  foutenir  la  vue  de  fon  antagonifte ,  je  la 
vis  tomber  prefque  en  défaillance ,  à  mefure  que 
la  petite  Araignée  s'approchoic.  Enfin  elle  rega- 
gna fon  trou  comme  la  première  fois  j  &  la 
petite  Araignée  ,  contente  de  l'avoir  forcée  à 
fuir ,  ne  toucha  point  à  la  Mouche ,  Se  fe  re- 
tira de  fon  côté.  Ces   fin^uliers    alîàuts  furent 

o 

réitérés  trois  à  quatre  fois  ,  3c  toujours  de  la 
même  manière. 

La  petite  Araignée  étoît,  comme  je  l'ai  dit, 
de  la  groiTeur  d'un  petit  pois.  Son  ventre  étoit 


SUR    LES   INSECTEV.       4^9 

fort  arrondi.  Elle  paroinbic  recouverte  en  entier 
d'une  écaille  fort  luifante ,  de  couleur  pourpre. 
Les  pieds  dont  elle  ruoit,  étoient  extrêmement 
aigus.  Elle  ne  fe  filoit  point  de  toile  :  au  moins 
je  ne  lui  en  découvris  point.  Elle  fe  tenoit  fous 
celle  de  la  grofîe  Araignée. 

g^^ : .:^:S^        -         t-  r^W^ 

OBSERVATION    XLVL 

Continuation  du  même  fujet. 


L: 


lEs  faits  qu'on  ne  doit  qu'à  d'heureux  ha- 
fards  ,  ne  font  pas  de  ceux  qu'on  peut  fe  pro- 
mettre de  revoir  aufîi  ibuvent  qu'on  le  vou- 
droit.  On  penfe  bien  que  je  defirois  extrême- 
ment de  répéter  l'obfervation  que  je  viens  de 
raconter.  L'occafion  ne  s'en  préfenta  qu'en 
Juillet  1742.  Jeus  alors  le  bonheur  de  ren- 
contrer une  petite  Araignée ,  qui  me  parut  fem- 
blable  à  celle  dont  j'avois  admiré  le  courage.  Je 
la  renfermai  auffi-tôt  dans  un  poudrier  avec 
une  aiîez  grofle  Araignée  domeftique.  Je  fermai 
le  poudrier  avec  un  couvercle  de  papiers  &  je 
me  promis  bien  de  ne  pas  perdre  de  vue  mes 
deux  Araignées. 

La    petite   Araignée  fe  tenoit  çonftamment 


430       OBSERVATIONS 

vers  le  haut  du  poudrier,  contre  le  couvercle: 
l'autre  relloit  au  fond  du  va  le.  Il  fe  paiîa  plu- 
fieurs  jours  avant  que  l'Araignée  domeftique 
commençât  à  tendre  une  toile.  Mais  la  petite 
Araignée  tira  bientôt  quelques  fils  depuis  les 
parois  du  poudrier  jufqu'au  couvercle. 

Sûr  ces  entreEiites ,  j'eiîiiyai  d'introduire  danâ 
le  poudrier  une  Mouche  commune  ,  par  un 
trou  pratiqué  dans  le  couvercle  de  papier ,  & 
je  fus  très-attentif  à  obferver  ce  qui  fe  paflbit. 
L'Araignée  domeftique  courut  auiîî-tôt  fur  la 
Mouche  5  fans  que  la  petite  Araignée  fe  mit  eit 
devoir  de  la  lui  difputer. 

Quelques  jours  s'étant  écoulés ,  je  remar* 
quai  que  la  petite  Araignée  avoit  pondu  contre 
le  couvercle ,  &  qu'elle  avoit  renfermé  fes  œufs 
dans  une  bourfe  de  foie  ,  de  forme  fphérique , 
&  de  la  groiTeur  d'un  petit  pois.  La  taille  de 
l'Araignée  avoit  diminué  proportionnellement. 

La  groilc  Araignée  avoit  tendu  une  toile.  Se 
elle  s'y  étoit  pratiqué  une  niche  comme  les 
Araignées  de  fon  Efpece  ont  coutume  de  le 
faire.  Un  jour  une  Mouche  aheilliforme  m'étant 
tombée  entre  les  mains  ,  je  la  fis  palîcr  dans 
le  poudrier.  Elle  fut  d'abord  arrêtée  par  les  fils 


\ 


SUR    LES   INJECTES.       431 

qui  traverfoient  le  milieu  de  h  hauteur  du  vafe. 
Auffi-tôt  les  deux  Araignées  fe  mirent  en  mou- 
vement. La  plus  grofTe  s'avanqa  vers  la  Mou- 
che ,  &  fe  jetta  fur  elle'  pour  l'emporter  dans 
fa  niche  :  mais  la  grofleur  de  la  Mouche  8c  les 
fils  qui  la  retenoient ,  ne  permirent  pas  à  l'Arai- 
gnée de  l'emporter  fur-le-cliamp.  Une  légère 
impuîfion  donnée  par  hafard  au  poudrier  ,  £t 
fuir  l'Araignée.  Dans  le  même  temps ,  je  vis  la 
petite  Araignée  s'avancer  vers  la  Mouche  -,  puis 
le  retourner  de  foçon  que  fon  derrière  regar- 
doit  vers  la  groife  Araignée.  Elle  repéta  plu- 
ficurs  fois  le  même  manège.  Je  l'obfervois  de 
fort  près  :  j'apper<;us  que  fes  manœuvres  ten- 
doient  à  Her  la  Mouche  avec  des  fils  de  foie , 
dont  elle  arrêtoit  une  des  extrémités  au  cou- 
vercle. La  Mouche  ne  fe  donnoit  aucun  mou- 
vement: elle  avoit  été  blelTée  à  mort  par  la 
groife  Araignée.  Celle-ci  fortit  bientôt  de  fa 
niche  ,  remonta  vers  la  Mouche  ,  la  failit  avec 
fes  pinces  ,  &  fit  des  eiforts  pour  la  tirer  à 
elle.  La  petite  Araignée ,  nullement  intimidée 
de  la  préfence  de  l'autre  ,  continuoit  fes  ma- 
n<KUvres.  Elle  s'approchoit  même  fi  fort  de  la 
Mouche ,  qu'elle  fembloit  fe  difpofer  à  la  faifir. 
Ce  n'étoit  pas  néanmoins  fon  deifein  5  car  elle 
ne  la  faififfoit  point.  L'Araignée  domeftique 
réitéroit  fes    efforts,   Sç  fentant  qu'ils  étoieiit 


43^       OBSERVATIONS 

inutiles  ,  &  qu'elle  ne  parvenoit  point  à  déta^ 
cher  la  Mouche,  elle  tenta  de  s'y  prendre  de 
plus  haut  5  &  d'arriver  à  l'endroit  où  tcnoient 
les  fils  de  foie  qui  arrètoient  la  Mouche.  Il  me 
parut  mènae  qu'elle  les  brifoit  avec  fes  pinces  j 
&  bientôt  elle  auroit  emporté  la  Mouche.  Mais 
la  petite  Araignée  revnit  à  la  charge  avec  plus 
de  promptitude  Se  d'activité  :  elle  fembîa  même 
un  moment  ruer  contre  la  grofle  Araignée  ^ 
qui  fe  mit  à  fuir  à  Finltant.  Aufîi-tôt  après , 
la  petite  Araignée  tira  à  elle  la  Mouche  ^  &  la 
remonta  peu-à-peu  avec  fes  fils  ,  coipme  avec 
de  petits  cables  ,  jufqu'au  haut  du  poudrier  & 
près  du  couvercle  ;  &  là ,  elle  fuca  tranquille- 
ment fa  proie.  Qiiand  elle  eut  achevé  d'en 
tirer  tout  le  fuc ,  elle  la  dépendit ,  en  rompant 
les   fils  qui  la  tenoient  attachée. 

OBSERVATION     X  L  V  1 1. 

Sur   rAraigyiée    qui  renferme  fes   a-ufs  dans  une 
hourfe  de  foie  ,  qu'elle  porte  par-tout  avec  elle. 


Wammerdam  (^),  Lister  C**)  &  R eau- 
mur  (^*^)  ont  parlé  de  cette  Araignée.  ,fe  ne 

(*)  Hijloria  Itifecioritm  generalis  :  Bihiict  Natura^  ,^2g,   55. 

(**)   De   Araneis. 

(.***)  3Umoir6i  deTAcadùnie  Royale  des  Sciences  ,  aimée  17  îo.'- 

tranfcrirat 


SUR   LES   INSECTES.        433 

tranfcrirai  pas  ici  ce  qu'ils  en  rapportent  ;  je  me 
borne  dans  cet  écrit  à  mes  propres  Obfer-^ 
vations. 

Cette  Efpece  d'Araignée  ^  que  Lister  a 
nommée  Araignée  iotff ,  renferme  fes  œufs  dans 
une  forte  de  fac  ou  de  bourfe  de  foie  blanche  5 
d'un  tiiUi  fort  ferré.  On  voit  fouvent  de  ces 
Araignées  courir  dans  les  allées  des  jardins  :  le 
ilic  aux  œufs  les  fait  remarquer ,  &  on  le  prend 
pour  le  ventre  de  l'Araignée  ,  parce  qu'elle  le 
porte  par-tout  avec  elle.  Cette  Araignée  ne  £le 
point  de  toile  :  elle  bat  la  campagne ,  &  s'élance 
fur  les  petits  Infedes  qui  lui  fervent  de  ï]oin% 
ritiire. 

On  fait  que  les  Araignées  ont  au  derrière  de 
petits  mamelons  qui  font  des  amas  de  trés-pé-^ 
tites  filières  où  fe  moule  une  liqueur  glutineufe 
qui  fe  deiléche  très-promptement  à  l'air.  Cette- 
liqueur  eft  la  foie  de  l'Infede.  C'eft  de  cette  foie 
que  notre  Araignée  forme  la  bourfe  dans  laquelle 
elle  renferme  fes,  œufs.  Cette  bourfe  eil  de  fi- 
gure fphcnque.  L'Araignée  la  colle  au  bout  d^ 
fon  derrière  ,  à  l'aide  du  fuc  glutineux  qu'elle! 
exprime  de  fes  mamelons.  Elle  y  eft  fi  bien 
.collée  ,  qu'elle  ne  s'en  détache  point  quelqiie$ 
mouvemens  que  fe  donne  i'^vaignée  ^  &  }qx^ 
Tome  IL  E^  © 


434       OBSERVATIONS 

liième  qu'elle   court  au   milieu   des  herbes  les 
plus  touffues. 

L'EXTREME  attachement  de  notre  Araignée 
pour  fes  œufs  eft  ce  qu'elle  oiïre  de  plusinté- 
reRànt.  Elle  a  cet  air  fauvage  &  prefque  féroce 
qu'on  remarque  dans  la  plupart  des  Araignées. 
Elle  court  &  faute  avec  agilité ,  &  l'on  a  de  la 
peine  à  la  faifir.  Mais  Ci  on  lui  enlevé  le  pré- 
cieux dépôt  qu'elle  porte  par-tout  avec  elle  ^ 
on  fera  furpris  du  changement  qui  s'opérera 
chez  elle.  Cette  Araignée ,  auparavant  Ci  fau- 
vage, paroîtra  s'apprivoifer  fur  le  champ  :  on 
la  verra  refter  immobile  à  la  même  place  :  puis 
Ce  mettre  à  marcher  d'un  pas  lent  ,  &  à 
chercher  de  to,us  côtés  la  bourfe  qui  lui  a  été 
enlevée.  Elle  rappellera  à  l'efprit  l'idée  d'une 
Poule  qui  a  perdu  fes  Pouilins.  Elle  ne  fuira 
pas  même  quand  on  viendra  à  la  toucher.  Mais 
Cl  rObfervateur  ému  de  compaiîion,  lui  rend 
le  précieux  fac  ou  qu'il  le  mette  à  fa  portée  , 
elle  s'en  faifira  à  l'inftant  avec  fes  pinces  &  s'en- 
fuira aulli-tôt.  Qiielquefois  néanmoins  elle  pa- 
roîtta  moins  prelfée  de  fuir ,  fur  -  tout  fî  elle 
n'ett  point  inquiétée  j  &  au  lieu  de  fe  borner 
à  Hiifir  &  à  emporter  le  fac  avec  fes  pinces ,  elle 
fe  donnera  le  temps  de  l'attacher  folidement  à 
fon  derrière  ;  &  l'opération  faite ,  on  la  verra, 
l'éprendre  fon  premier  naturel. 


SUR   LES   INSECTES.        43^ 

DâNS  la  vue   de»mcttre  à  une  épreuve  n«u-, 
Velk  rattachement  fingulier   de  cette   Araignée 
pour  fes  œufs  ,  il  me  vint  un  jour  en  penfée 
d'en  jetter  une  des  plus  fauvages  dans  la  folTe 
d'un  grand  Fourmilion.  Elle  fe  tira  bientôt  du 
précipice  &  remonta  avec  agilité  au  haut  de  la 
folle.  Je  l'y  précipitai  de  nouveau  :  le  Fourmilion 
plus  lefte  cette  fois  que  la  première  ,  faifit  avec 
fes  cornes  le  fac  aux  œufs  ,  8c  l'entraînoit  fous 
le  fable  pour  en  faire  curée.  De  fon   côté  l'A- 
raignée s'clfor(^oit    de   tirer  à  elle  le  fac    &  dç 
l'enlever  au  raviUeur  invifible   qui    s'en   empa-* 
roit.  L'efpcce  de  glu  qui  colloit  le  fac  au  der- 
rière  de   l'Araignée  ,   ne   put  tenir   contre  des 
fecoulfes   auflî   violentes  :  le  fac  fe  fépara  du 
derrière  :  mais  l'Araignée  le  reprit  aulîi-tôt  avec 
fes  pinces  ,   &   redoubla  fes  eiforts  pour   i'ar-* 
racher    au    Fourmilion.    Ce    fut   en    vain  :  le 
Fourmilion  continua  à  entraîner  le  fac  fous  le 
fable  :  l'infortunée  mère   pou  voit  au  moins  dé-. 
rober  fa  vie  à  l'ennemi  :  elle  n'avoit  qu'à  lâchée 
le  fac  &  à  regagner   le   haut  de  la  folïe.  Mais 
chofe    étonnante  !  elle  préféra  de  fe  laiifer  qiu 
terrer  toute  vive. 

Comme  le  fable  me  cachoit  ce  qui  fe  paiToitg 
je  voulus  en  retirer  l'Araignée ,  pour  m'aifurer  Ci 
elle  tenoit  encore  le  fac  aux  œufs  :  mais  je  m'y 

Ee  2^ 


43^       0  B  S  E  R  V  A  T  I  0  KS 

"pris  ,  {ans  doute  avec  trop  peu  de  ménagement  : 
le  fac  demeura  au  Fourmilion.  La  tendre  mcre 
privée  de  fes  œufs  ,  ne  voulut  point  quitter 
la  fofle  où  elle  venoit  de  les  perdre.  J'avois  beam 
la  piquer  à  plufieurs  repriies  avec  le  bout  d'un 
brin  de  bois  pour  l'obliger  à  Ibrtir  de  la  foiTe-, 
elle  s'opiniâtroit  toujours  à  y  demeurer.  Il  fem- 
bloit  que  la  vie  lui  fat  dé  venue  à  charge ,  & 
qu'il  n'y  eût  plus  pour  elle  de  plaifirà  efpérer. 
Que  de  mères  nous  pourrions  renvoyer  à  l'école 
de  cette  Araignée  î 

Une  autre  Araignée  de  la  même  Erpece  m'é- 
tant  tombée,  entre  les  mains  ,  je  la  renfermai 
dans  une  petite  boite  vitrée  ,  pour  l'obferver 
plus  à  mon  aife.  Elle  étoit  de  la  plus  grande 
taille,  &  le  lac  aux  œufs  étoit  un  des  plus  gros 
que  j'euiTe  encore  vus.  Je  prenois  fouvent  plai- 
llr  à  enlever  le  fac  à  l'Araignée.  Je  me  fervois 
pour  cet  eifet  d'un  petit  bâton.  Elle  fe  difpo- 
Toit  d'abord  à  le  foultraire  par  la  fuite  ;  mais 
lorfque  je  la  ferrois  de  trop  près  pour  qu'elle 
pût  s'échapper,  elle  mettoit  tout  en  œuvre  pour 
nr  empêcher  de  lui  enlever  Ion  fac.  Elle  fe  cou- 
choit  deiTns  ,  le  couvroic  de  fon  corps  ,  l'em- 
bralïbit  avec  fes  jambes ,  le  faifiiîbit  adroite- 
ment avec  fes  pinces  ,  &  tâchoit  d'écarter  le 
petit   bâton   eu   le    repouifant  avec   fes   pieds» 


SUR   LES   INSECTES,        4B7 

Enfin ,  quand  j'ctois.  le  plus  fort ,  &  que  je 
venois  à  bout  de  tirer  le  fac  de  deiTous  les 
pattes  de  l'Araignée ,.  &  que  je  rentraînois  vers, 
moi  ,  je  voyois.  la  pauvre  Araignée  faire  les 
plus  grands  elibrts  pour  retirer  le  fac  de  ion 
côté  ;  elle  fe  renverfoit  fur  fes  dernières  jam- 
bes ,  &  fe  mettoit  dans  toutes  les  poifures  qui 
pouvoient  lui  être  les  plus  avantageufes.  Si  je 
continuois  à  ufer  de  force  >  fi  je  me  faifiifois  du 
fac ,  l'Araignée  demeuroit  immobile  &  confter- 
née*,  mai-s  revenant  bientét  à  elle  ,,  jo  la.  voyois 
rôder  dans  la  boite  pour  y  chercher  ce  Cic  qui, 
hii  étoit  Cl  cher  :  k  lui  rendois-je  ?,  elle  fe  pen- 
choit  auflî.tôt  deffus ,  le  faifîifoit  avec  fes  pin- 
ces ou  le.  coiloit  à  fon  derrière  y  &  fe  mettoit  à 
courir. 

Je  m'arrètois  fou  vent  à  confidérer  mon  Arai-  y 
gnée  à  travers  les  parois  tranfparentes  de  fa. 
pdfon.  Je  l'obfervois  quelquefois  promener  fon 
derrière  fur  la  furface  de  la  petite  boule  de  fois. 
Cétoit  toujours  après  que  je  la  lui  avois  enle- 
vée ,  &  que  je  la  lui  avois  rendue.  Comme  pa- 
vois fans  doute  endommtigé  un  peu  le  tiifu  »_ 
elle  travailloit  à  le  réparer  &  à  le  fortifier  par 
de  nouveaux  fils.  Je  voyois  la  foie  fortjr  des, 
filières  ,  &  recoirvrir  de  fils  cert.iincs  portions. 
de  h  fuperÉcie  du,  fac, 

E.e   3' 


43é       OBSERVATIONS 

Mon  Araignée  ne  fe  donnoit  que  peu  dô 
fnouvemens  dans  fa  prifon.  A  Tordinaire  ,  elle 
demeuroit  tranquille  à  la  même  place  j  &  quoi- 
que j'introduidire  dans  fon  domicile  une  Mou- 
che vivante ,  loin  de  lui  donner  la  cliaffe  ,  elle 
fe  mettoit  à  fuir  toutes  les-  fois  que  la  Mouche 
venoit  à  la  toucher.  Toute  fon  occupation  fem- 
bloit  confifter  à  garder  précieufement  fes  œufs  5 
à  les  couver  en  quelque  forte. 

Au  bout  de  quelque  temps  ^  je  vis  avec  fur- 

prife  que  l'Araignée  avoit  abandonné  ce  même 

fac  qu'elle  avoit  défendu  fi  fouvent  avec  tant 

de  courage  &  d'adreife  y  &  qu'elle   s'en  tenoit 

éloignée.    Je   fus   pi  us    furpris  encore  ,  lorfque 

l'ayant   placé   auprès  d'elle  jufqu'à  le   lui  faire 

toucher  ,  je  la  vis  s'en  éloigner  de  nouveau.  Je 

xii'appercus  en  môme  temps ,  qu'elle  n'étoit  plus 

auiîï  agile  ;   elle   paroilfoit   malade  ou   languif. 

fante.  Je  ne  fa  vois  à  quoi  attribuer  l'abandon 

dp  précieux  fac ,  &   je   réfléchiifois    là-delfus  , 

quand  je  commentai  à  découvrir  dans  la  boîte 

de  très-petites  Araignées  ,  dont  le  nombre  aug- 

Mentoit   par   degrés.   Elles    étoient   récemment 

édofes  des  œufs  dont  l'Araignée  avoit  pris  tant 

de'  foin..  Toutes  alloient  fe  -rendre   auprès   de 

]eur  mère .,  &  toutes  grimpoient  fur  fon  corps  : 

les  unes  fe  plaçoient  fur  la  poitrine ,  les-  autres 


SUR    LES   INSECTES.        439 

fur  le  Centre  ,  d'autres  fur  la  tête ,  d'autres  fur 
les  jambes ,  de  faqon  que  l'Araignée  eu  étoit 
toute  couverte  :  elle  fembloit  plier  fous  l^e  poids. 
Ce  n'étoit  pourtant  pas  qu'elle  en  fut  furchar- 
gée  :  mais  ,  comme  je  l'ai  dit ,  elle  paroiifoit 
depuis  quelques  jours  alTez  languiifante  s  fe& 
jambes  au  lieu  d'être  étendues  fur  les  côtés  du 
corps  ,  comme  elles  le  font  dans  les  Araignées 
qui  fe  portent  bien  ,  étoient  ramenées  vers  la 
poitrine,  comme  elles  le  font  dans  les  Araignées 
qui  fouffrent  ou  qui  font  près  de  périr.  Mon 
Araignée  finiifoit  donc  fes  jours  après  avoir 
donné  naiffance  à  une  nombreufe  poftérité. 

Les  petites  Araignées  demeurèrent  encore 
attroupées  fur  le  cadavre  de  leur  mère  ,  &  ne 
l'abandonnèrent  qu'au  bout  de  quelques  jours. 
En  confidérant  ces  petites  Araignées  pendant 
qu'elles  étoient  attroupées  fur  leur  mère  ,  il 
me  vint  à  l'efprit  un  foupqon  que  JTTi'ofe  pref- 
qu'indiquer  dans  la  crainte  de  gâter  ce  que  j'ai 
raconté  à  la  louange  des  mœurs  de  cette  Efpece 
d'Araignée  :  je  foupconnai  que  les  Araignées 
nouvellement  éclofes  ,  ne  fe  r-nJoient  fur  le 
corps  de  leur  mère  oc  ne  s'y  arrangcoient  lî 
bien ,  que  pour  en  fucer  la  fubftance.  On  vou- 
dra bien  me   pardonner  cet  odieux   foupqon  , 

E  e  4 


'^0  0  B  s  E  k  V  A  T  I  0  N  s,  ^d. 

(jue  je  n'indique  que  pour  inviter  les  Obferva-^ 
leurs  à  ci^aminer  la  choie  de  plus  près. 

A  leur  naiffance ,  mes  petites  Araignées  étoient 
iVune  couleur  qui  tiroit  fur  le  blanchâtre ,  mais 
elles  fe  rembrunirent  dans  la  fuite.  Les  yeux 
Gtoient  kl  partie  qui  fe  faifoit  le  plus  remar- 
quer. Elles  tendirent  dc»s  fils  de  côté  &  d'autre , 
de  la  boite  :  mais  comme  je  n'ignorois  pas  que 
les  Araignées  fe  dévorent  les  unes  les  autres,, 
alibz  peu  de  temps  après  leur  naiilance ,  je  ne 
tentai  pas  d'élever  celles  qui  étoient.  éclofes 
fous  mes.  yeuxo 


ut 

je:  :k :jp :jlz c ^:t  X  o N 

DES    FIGURES.. 

F  LANCEE    L 


JLfA  Figure 


îgure  de    cette   Planche   eft  repréfentée 
au  iiatursL 

P ,  eft  un  de  ces  vafes  de  verre  connu  des 
Naturaliftes  fous  le  nom  général  de  poudrier, 

C ,  eft  une  grande  coque  de  foie  &  de  poils ,. 
que  s'étoit  conftruite  une  groife  Chenille  velue» 
Cette  coque  eft  alfcz  tranfparente. 

A ,  eft  la  Chryfalide  dans,  laquelle  cette  Che» 
nille  s'étoit  transformée. 

«  y  eft  la  partie  antérieure  de  cette  Chryfa- 
Hde ,  placée  au  bout  fupérieur  de  la  coque,  j 

0  ,  eft  une  ouverture  qui  paroilToit  avoir  été 
n-îiiia^ée  à  ce  bouu  par  h  Cheaille,  La  paLtie 


442         EXPLICATION 

antérieure    de   la    Chryfalide    répond    à    cette 
ouverture. 

p^  eft  la  partie  poftérieuro  de  la  Chrylalide^ 
qui  appuyé  fur  la  paroi  inférieure  de  la  coque. 

^ ,  eft  la  Figure  pointillée  de  cette  même 
ChryRilide  couchée  de  fon  long  fur  la  paroi 
inférieure  de  la  coque  ,  vers  le  bout  inférieur. 

J,  eft  la  dépouille  de  Chenille. 

PLANCHE    IL 

Cette  Planche  repréfente  au  naturel  un  nid 
de  ces  Chenilles  que  j'ai  nommées  à  dentelles  ^ 
&  qui  vivent  en  fociété  une  partie  de  leur  vie» 

N  N ,  ce  nid  de  forme  affez  irréguliere , 
d'une  foie  blanche  &  aifez  luftrée.  Il  eft  conf- 
truit  dans  les  intervalles  de  quelques  branches 
de  Prunier  fauvage. 

0000  0,  font  cinq  ouvertures  oblongues ,  les 
unes  plus  grandes  ,  les  autres  plus  petites,  qui 
font  autant  de  portes  de  l'habitation. 

R  R ,   eft  un  chemin  tapiifé  de  foie  qui  va 


DE  S     FIGURE  S,  ^n 

aboutir    en    ligne   droite  à  la  principale  poi.. 
du.  nid. 

S  S  S  S ,-  efl:  un  autfe  chemin  de  foie  qûî  va 
en  ferpentant  autour  du  nid  ,  &  fe  rend  pa- 
reillement  à  une  des  portes  du  nid. 

FLANCHE    I  I  L 

Les  Figures  t  ^  2 ,  repréfentent  au  naturel 
deux  petites  branches  d'Aubépine ,  auxquelles, 
font  fufpendus  de  ces  nids  de  Chenilles  ,  que- 
j'ai  nommés  en  pendeloques, 

N  N  N  N  N  5  font  ces  nids.  Il  en  eft  quatre 
qui  ne  font  compofés  que  d'une  feule  feuille  r 
le  cinquième  fuipendu  à  la  branche  de  la  Fig- 
2  ,  eft  compofé  de  deux  feuilles  ,  dont  le  pé- 
dicule eft  en  vue. 


J 


fffff,  El  de  foie  qui  tient  le  nid  fufpenduâ 
&  qui  étoit  auparavant  une  de  ces  traces  de 
foie  qui  recouvroient  la  branche  ,  &  qui  en  a 
été  détachée. 

t  tt  1 1,  endroits  de  la  branche  autour  def- 
quels  le  fil  qui  tient  le  nid  fufpendu,  eft  di^ 
tortillé  plus  ou  moins^- 


444        EXPLICATION 

Les  Figures ,  3  ,  4  ,  ^  ,  6",  7  ,  font  reprefen- 
técs  un  peu  groffies  à  la  loupe. 

La  Figure  3  ,  efl:  celle  de  la  tète  &  du  pre- 
mier anneau  d'une  Chenille  dans  laquelle  fe 
voit  cette  nouvelle  partie  que  j'ai  découverte 
dans  plufieurs  Efpeces  de  ces  Liiedes. 

M ,  cette  nouvelle  partie  qui  a  la  forme  d'un 
mamelon  un  peu  alongc ,  &  qui  elt  placée 
entre  la  lèvre  inférieure  ,  &  la  première  paire 
des  jambes  écailîeufes. 

/  5  la  lèvre  inférieure. 

/,  la  filière ,  qui  relTemble  à  un  petit  aiguillon. 

il,  h  première  paire  des  jambes  écailîeufes. 

La  Figure  4  repréfente  la  Chenille  renver- 
fée  fur  le  dos  ,  pour  mettre  en  vue  la  petite 
fente  de  laquelle  fort  le  mamelon  charnu  dç 
h  Figure  3. 

/,  cette  fente. 

La  Figure  f  repréfente  une  autre  Chenille, 
ou    plutôt   fa    tète   ou    fou   premier   amicau. 


DES     F  1  C  U  R  E  S.  44Î 

reiiveiTc  fur  le  dos ,  pour  montrer  les  deux 
mamelons  charnus  que  j'ai  découverts  dans 
cette  Chenille. 

?//  m ,  ces  mamelons ,  moins  alongés  que  c^lui 
de  la  Figure  5. 


La  Figure  6  eft  celle  du  devant  de  la  tête 
de  la  grande  Chenille  à  queue  fourchue  du 
Saule  5  deltinée  à  faire  voir  la  fente  placée  fous 
le  premier  anneau  ,  &  dont  on  peut  faire  fortir 
la  nouvelle  partie. 

/,  cette  fente  bien  plus  aîongée  que  ceUç 
de  la  Figure  4. 

La  Figure  7  repréfente  les  quatre  mamelons 
qu'on  a  forcés  de  fortir  de  la  fente/,  de  la 
Figure  6, 

m  m  m  m  ,  ces  quatre  mamelons  plus  longs 
&  un  peu  plus  effilés  que  ceux  des  autres 
Figures.  lis  font  difpofés  par  paires. 

La  Figure  8  repréfente  au  naturel  une  coque 
de  foie  ,  dont  la  forme  imite  celle  d'un  bateau 
rcnverfé.  En  r ,  eft  une  fente  oblongue  ,  qui 
isjidique  l'ouverture  ménagée  pour  la  fortie  du 


44^        EXPLICATION 

Papillon.  0 ,  eft  une  petite  pointe  placée  dans 
la  partie  la  plus  élevée  de  la  coque,  p  ,  eft  h 
partie  poftérieure  de  la  coque. 

PLANCHE     I  V. 

Toutes  les  Figures  de  cette  Planche ,  à 
Pexccption  de  la  féconde ,  ont  été  deiîinées  au 
naturel. 

La  Figure  i  repréfente  un  anneau  d^une 
grande  Cheiiille  rafe  dont  il  a  été  parlé  dans 
îes  Obfervations  XV,  XXXI,  &  qui  montroit 
ces  efpeces  de  faux  Jîîgmates  que  j'ai  décrits. 

A  ,  Tan n eau. 

S  5  le  vrai  ftigmate  ,  qui  eft  fort  apparent. 

/,  le  faux  fligmate  qui  ne  paroît  ici  que 
comme  un  point  ,  pas  trop  facile  à  démêler.  Le 
Defîinateur  Ta  repréfente  tel  qu'il  le  voyoit ,  & 
tel  qu'on  le  voit  en  effet  i  mais ,  pour  le  bien 
faifir  ,  il  faut  une  vue  appropriée  aux  plus 
petits  objets.  Le  faux  fligmate  fe  trouve  placé 
ici  dans  une  raie  blanchâtre  ou  jaunâtre  en 
forme  de  boutonnière.  La  Chenille  a  pluiieurs 
de  ces  raies  fur  ies  cotés. 


DUS    T  I  û  vu  I  s.         447 

5,  une  des  jambes  membraneufes. 

Z ,  indique  le  côté  du  derrière  :  A ,  le  côté 
oppofé. 

La  Figure  2  repr-éfente  ,  groflî  au  microfcope, 
le  fiiux  fiigmate  de  la  Figure   l. 

T  5  ce  faux  ftigmate.  On  apperçoit  au  centre 
une  très -.petite  ouverture,  d'où  fort  un  petit 
poil  recourbé. 

La.  Figure-^3  eft-  celle  de  la  petite  Chenille 
qui  vit  dans  l'intérieur  de  la  tête  du  Chardon 
À  bonnetier.  Elle  avoit  été  très  -  mal  exécutée 
par  le  Deflînateur  de  M,  de  Reaumur, 

La  Figure  4  eft  celle  d'une  tête  de  Chardo:i 
À  bonnetier  ouvert  fuivant  la  longueur ,  pour 
en  mettre  l'intérieur  à  découvert. 

f  f  ■>  \q  fourreau  que  la  Chenille  s'eft  confl 
truit,  &  qui  occupe  la  plus  grande  partie  de 
la  cavité.  On  voit  aux  environs  des  grains 
d'excrémens.  Le  fourreau  en  e(l  lui-même  aifez 
iouvent  entièrement  recouvert. 

t  y  trou   rond    percé    par  h   Chenille   dans 


U%         EXPLICATION 

répaiiTcur  dé  î'ecorce  pour  ménager  une  Iffuê 
îiu  Papillon.  Il  faut  fc  repréfenter  la  tète  du 
Chardon  non  ouverte ,  &  alors  on  concevra  que 
le  petit  trou  rond  répondoit  au  fourreau  ;  en- 
forte  que  celui-ci  commiiniquoit  immédiate- 
ment avec  la  petite  jrorte  avant  qu'on  eut  ou- 
vert la  tète  du  Chardon. 

La  Figure  ^  repréfente  une  tète  de  Chardon 
dont  on  a  enlevé  tous  ies-piquans  pour  mettre 
eiitiéremePxt  à  découvert  les  petits  corps  canne- 
΀S  placés  au-devant  de  la  porte  ,  &  qui  fer- 
vent à  en  intecdire  i'entr«e  aux  Infedes  rô^ 
âeurs. 

ce,  ces  corps  cannelés.  Les  petites  lofan- 
ges  qu'on  apperqoit  fur  cette  tète  ,  &  qui  y 
forment  un  travail  agréable  ,  indiquent  les  pla^ 
ces  des  piquans  retranchés. 

La  Figure  6  efl:  celle  de  la  Chryfilide  de  la 
Chenille  du  Chardon. 

Je  n'ai  pu  encore  me  procurer  le  Papillon 
peur  le  faire  deiîiner.  Je  l'ai  vu  plus  d'une 
fois  :  il  eft  fort  joli. 

TLANCHE 


jD  J^  ^     FIGURES,  44^ 

FLANCHE     V. 

(i)  La  Figure  i  repréfente  au  naturel  uil 
poudrier  au  haut  duquel  une  Chenille  à  hrojfeç 
a  conftruit  une  manière  de  double  coque  de 
foie  j  dans  laquelle  elle  a  fait  entrer  fes  poils. 

e  f ,  la  coque  extérieure  ,  dont  la  forme  dit 
fere  peu  de  celle  d'une  véritable  coque. 

///,  &c.  aflez  gros  fils  en  manière  de  pétitg 
cables  qui  vont  aboutir  à  la  coque  extérieure , 
&  qui  paroiflent  deftinés  à  la  fixer  au  corps 
voifin.  Ils  font  tirés  en  ligne  droite.  La  piu^ 
part  vont  s'attacher  aux  parois  du  poudrier  5 
niais  il  en  eft  un  qui  s'attache  aux  feuilles  qui 
font  au  fond  du  vafe. 

a  ,  endroit  où  le  petit  cable  paroit  divifé  & 
former  une  forte  d'empattement.  D'autres  fils, 
qui  ne  font  pas  reprifentés  ici ,  montroient  M 
pareils  empattemens.     . 

h  b  b ,  taches    foyeufes    Se   brillantes    qu'où 

(i)  NB.  Le  Leéleur  cft  prie  de  confnlter  rExpîîcation  <fçs 
Fig^ures  de  cette  Planche  &  de  h  fuivaiste  ,  parce  que  !e9 
renvois  à  ces  Figures  ont  été  omis  par  oubli  dans  le  T?xt«rf 
On  y  a  fuppléé  dans  VEmita, 

Tome  IL  f  f 


4^^cy      explication: 

Voyoit  fur  les  parois  du  verre  ,  à  rendroit  oiî 
les  petits  cables  alloiciit  s'attacher,  &  qui  étoieiit 
produites  par  des  fils  extrêmement  fins  repliés 
en  zig-zag. 

f,  la  coque  intérieure,  bien  moins  grande 
que  i'cxtérieure ,  &  d'une  forme  plus  régulière. 
Le  tiifu  en  eft  moins  tranfparent  que  celui  de 
la  coque  extérieure, 

C ,  la  Chryfalide  ,  qu'on  voit  très  -  bien  au 
travers  du  tiliu. 

V     dih  dépouille  de  Chenille. 

La  Figure  2  repréfente  au  naturel  une 
grande  Chenille  rafe ,  couchée  fur  le  dos ,  pour 
mettre  en  vue  un  trait  brun,  très-marqué,  qui 
rogne  le  long  du  ventre  ,  &  qu'on  peut  con- 
iedurer  avec  quelque  fondement  n'être  pas  un 
'flmple  trait  i  mais  ^ bien  un  grand  vailfeau  ,  qui 
eit  probablement  le  principal  tronc  des  veines» 

V  V  V  ,  ce  vaiiTeau  qui  n'efl;  vifible  que  de- 
puis le  derrière  jufques  vers  la  dernière  paire 
des  jambes  écailleufes.  On  voit  qu'il  cil  par-^ 
tout  d'un  diamètre  à-peu-près  égal. 


DES     FIGURES,  451 

1^5  la  dernière  paire  des  jambes  écailleufes. 

PLANCHE     V  I. 

Toutes  les  Figures  de  cette  Planche ,  à 
Tex-ception  de  la  10,  font  repréfentées  beaucoup 
plus  grandes  que  dans  le  naturel. 

La  Figure  i  eft  celle  d'une  Mouche  du 
genre  de  celles  qui  dépofent  leurs  œufs  dans 
différentes  parties  des  Plantes  ,  &  dont  les 
piquures  y  occafion-ent  différentes  protubéran- 
ces ou  tumeurs  ,  connues  la  plupart  fous  1^ 
nom  de   Galles, 

La  Figure  2  eft  celle  du  ventre  de  cett? 
Mouche  ,  tel  qu'il  s'offroit  aux  yeux  de  l'Ob- 
fervéïteur  ,  lorfque  l'Infecte  eût  enfoncé  fa  ta- 
rière ou  fon  aiguillon  fort  avant  entre  ks 
feuilles  de  la  Plante. 

0,  défigne  le  côté  du  ventre  de  la  Moucha 
qui  regarde  le  corcelet. 

q ,  efpece  de  queue  ,  qui  dans  la  fituatiûiî 
ordinaire  de  la  Mouche  eft  recourbée  en  em*- 
bas  3  &  qui  eft  ici  relevée. 

Ff^ 


4P         EXPLICATION 

f,  renflement  que  préfcnte  ce  côté  du  ventre 
de  la  Mouche.  On  voit  qu'il  a  pris  une  forme 
triangulaire  ,  par  une  fuite  de  mouvemens  que 
]a  Mouche  s'efc  donnés  pour  faire  pénétrer  fon 
aigiïillon  dans  l'intérieur  de  la  Plante. 

La  Figure  3  eft  celle  de  ce  même  venî/re 
obfervé  dans  le  temps  que  Paiguillon  étoit  le 
plus  enfoncé  entre  les  feuilles.  Il  a  pris  une 
forme  plus  exadement  triangulaire  ;  &  le  petit 
renflement  r  de  la  Figure  Z  ,  a  entièrement 
difparu. 

Ces  trois  Figures  ont  été  deffinées  d'après 
jdes  defîins  très-groffiers  que  j'en  avois  faits. 

La.  Figure  4  repréfente  une  corne  de  Four- 
milion vue  par  deiîbus. 

d  d  cl  ,^  font  trois  dents  dont  la  corne  eft 
garnie.  On  voit  entre  ces  dents  de  petits  poiis 
gros  &  alfez  courts ,  qu'on  diroit  des  dents 
plus  petites. 

pp  p  ^  la  cannelure  qui  règne  le  long  de  la 
corne  ,  &  que  l'obfervation  apprend  être  une 
forte   de  pilion. 


DES     FIGURES.  4^3 

La  Figure  5  eft  deftinee  à  montr-er  com- 
ment la  cannelure  ou  le  piftoii  p  peut  être 
détaché  du  corps  de  la  pompe  ou  de  la  corne 
-à  l'aide  d'une  épingle  e.. 

r,  rainure  dans  laquelle  eft  couché  le  pifron, 
8c  qui  règne  dans  toute  la  iongueur  du  corps 
de  la  pompe. 

i,  rextrémité  fupérieure  dit  pifton  ,.  qui  le 
termine  en  pointe  très- déliée. 

K  ,  rextrémité  fupérieure  du  corps  de  la 
poiape  qui  fe  termine  auin  eu  pointe  très-fii^e. 
Il  iemble  donc  que  d'une  feule  corne  l'on  eii 
ait  fait  deux. 

d  d  â  ^  les  dents  de  la  corne. 

^5  la  bafe  de  la  corne  ou  l'endroit  par  ieque 
elle  s'infère  dans  la  téce.. 

Les  deux  Figures  précédentes  ont  été  co- 
piées d'après  les  Figures  5  &  7  de  la  Planche 
XXXIII  du  Tome  VI  des  Mémoires  de  M.  de 
Reaumur.  Mais  ces  Figures  ont  divers  dé-- 
fauts  que  j.e  ne  relèverai  pas  ici,  &  qui  ieront; 
facilement  apperq^us.  par  tous  œux  qui  compa- 

"^  f  ::^ 


4h         EXPLICATION 

rcront  ces  Figures  avec  la  Nature  elle-même, 
C'eft  ce  qui  m'a  engagé  à  faire  ckfliner  exac- 
tement fur  le  naturel  mie  corne  de  Fourmilion. 


La  Fissure  6  cft  donc  celle  d'une  de  ces 
cornes  oblervées  par  -  delfous ,  pour  mettre  en 
vue  la  principale  pièce  ou  le  piil:on  p  p  p- 
Cette  Figure  efl  de  la  plus  grande  exaditude, 

d  cl  d,  les  dents. 

e,  la  pointe  très-cflilée  de  la  corne. 

L^  Figure  y  eil  celle  du  derrière  du  four- 
îmlion  commun. 

/,  !e  bout  du  derrière  où  fe  trouve  la  filière 
qui  n'eft  pas  ici  en  vue  ,  parce  qu'elle  cft  reti- 
rée dans  rintérieuL"  du  corps. 

q  q  ,  couronne  de  poils  courts  qu'on  pren- 
droit  pour  des  filières  ,  parce  qu'ils  n'imitent 
pas  mai  par  leur  forme  les.  filières  des  Araignées. 

rr,  autre  couronne  de  fcmblables  poils.  On 
ioit  fur  le  refte  du-  derrière  des-  tubercules 
arrondis ,  d'où  partent  de  petits  poils;. 


DES     FIGURES.  4^f 

La  Figure  8  eft  celle  du  derrière  du  Four- 
milion de  la  nouvelle  efpece. 

q  q .,  eft  la  couronne  de  poi!s  analogue  à 
celle  du  Fourmilion  commun  repréfentée  dans 
îa  Figure  7  -,  mais  dans  la  couronne  du  Four- 
milion de  la  nouvelle  eipece  ,  les  poils  font 
placés  plus  près  les  uns  des  autres  ,  &  ne  rc- 
préfentent  pas  mal  par  leur  réunion  un  fipict 
de  Chauderonnier  j  c'eft  que  les  poils  feniLlent 
réunis  dans  une  petite  plaque  commune. 

La  Figure  9  eft  encore  celle  du  derrière  da 
même  Fourmilion  vu  fous  une  autre  face,  qq^ 
les  plaques  de  poils. 

Les  trois,  dernières  Figures  ont  été  prifes 
dans  le  Tome  VI  des  Aléjioires  de  M.  de 
il  EAU  MUR. 

La  Figure  10  reprefènte  beaucoup  plus  petit 
que  le  nacurel  Papparcil  dont  j'avois  fait  ufigc 
pour  obferver  dans  mon  cabinet  de  petites 
Fourmis  qui  s'étoient  établies  dans  la  tèce 
d'un  Chardon  à  bomieticr. 

V,  verre  à  boire  plein  de  terre  daii'^  îaauclic 
eu  plantée  ia  tige  au.  Chardoii  T. 

Fi'é'  - 


4s ^     EXPLICATION  DES  FIGUFxES. 

P  5  grand  poudrier  de  verre  dans  lequel  le 
pied  du  verre  à  boire  eft  engagé  iufqu'en  o. 
L'intervalle  de  o  en  a  e(i:  plein  de  terre.  /  ,  eft 
h  partie  du  poudrier  qui  étoit  demeurée  vuide. 

C,  cuvette  pleine  d'eau  dans  laquelle  Je  pied 
du  poudrier  eft  plongé  ,  pour  que  les  Fourmis 
UQ  puiiîent  s'échapper. 

1 1  ^  tiges  de  Tithjmalcs  qui  font  la  commu- 
nication de  la  terraife  fupérieure  avec  i'infé- 
yieure  a, 

i> ^  petite  boite  où  j'avois  renfermé  du  fucre, 
&  q,ui  eft  recouverte  d'une  plaque  d€  verre. 

Mu  du  TonK  féconde 


4T'7 


i;vi'.-^x^j»^^wt-..«^,wa^^«ss5ar— — rc-?r: 


DES    OBSERVATIONS 

Contenues  dans  ce  Volume. 


S/P'RÊFACE.  Page  j 

Observ.  I.  Sur  une  Chryfaltds  qui  montoit  ^ 
defcendoit  dans  fa-  Coque.  î 

Obs.  II.  Sur  des  œufs 'de  Papillon  qui  choquoient 
iine  régie  indiquée  par  Malfighi.  -•  8 

Obs.  III.  Sur  les  Chenilles  républicaines  nommées 
Livrées  ^  ^  en  particulier  fur  le  procédé  au 
moyen  duquel  elles  favent  retrouver  leur  nid  , 
lorfqu^ elles  s^en  font  le  plus  éloignées.  1 1 

Obs.  IV.  Sur  les  Chenilles  nommées  Communes  , 
qui  vivent  en  fociété  pendant  une  partie  ds 
leur  vie.  28 

Obs.  V.  Sur  des  Chenilles  qui  vivent  en  fociété 
une  partie  de  leur  vie  ,  ^  qiCon  pourroit 
nommer  à  dentelles.  42 

Obs.  VI.  Sur  les  Chenilles  qui  vivent  eit  fociépé 
fur  les  Fins.  S  2 

Obs.  VII.  Sur  des  Chenilles  qui  vivent  en  fociété  ^ 
&.  qui  fe  conjlruifent  des  nids  qu'on  pourroit 


4T8  TABLE. 

7iommer  en  pendeloques  ,  dcms  Icfqneh  elles- 
pLijJent  rHher,  66 

Obs.  VIII.  Suite  de'PbiJîoire  des  Chenilles  qui 
habitent  dans  des  nids  en  pendeloques.        7^ 

Obs.  ÏX.  Découverte  d'une  nouvelle  partie  coni- 
7mme  à  plufieurs  Efpeces  de  Chenilles,  84 

Obs.  X.  Continuation  du  me^ne  Sujet.  90 

Obs.  XL  Sur  les  poils  en  for /ne  d'épines  des 
Chenilles  noires  qui  vivent  en  fociété  fur  l^  Ortie  , 
ê?  fur  la  manière  dont  ces  poils  font  logés 
fous  la  vieille  peau.  99 

Obs.  XII.  Sur  le  temps  ou  la  dorure  de  cer- 
taines Chryfalides  commence  à  difparoître.    \oG 

Obs.  XII l.  Sur  les  pirouettemens  qu'exécute  la 
Chryfalide  de  la  Chenille  noire  9§  épineufe  de 
r  Ortie  pour  faire  toinber  fa  dépouille.       ro9 

Obs.  XIV.  Sur  une  Chenille  qui.,  comme  la  belle 
du  Fenouil^  porte  une  corne  branchue  fur  fa 
partie  antérieure.  I17 

Obs.  XV.  Ej fèces  de  faux -Jtigmates  découverts 
dans  quelques  Chenilles.  I2I 

Obs.  XVI.  Particularités  anatomiqu.es  de  la  peau 
de  la  Chenille  qui  donne  la  Papillo'u  à  tète  de 
mort.  131 

Obs.  XVII.-'^nr  différentes  Efpeces.de  Chenilles 

qui  dévorent  leur  dépouille    après   l'avoir    rf- 

jettée.  137 

Oes.  XVilL  Sur  une  petite  Chenille  qui  vit  dans 


table:  4S9 

Phîtérieur  des  grains  de   Raifin.  15g 

Obs.  XIX.  Hijioire  de  la  petite  Chenille  qui  vit 
dans  l'intérieur  de  la  tète  du  Chardon  à  bon- 
netier. 163 

Obs.  XX.  Sur  une  petite  Chenille  qui  rovde  en 
cornet  les  feuilles  du  Frêne ,  ^  qui  fe  conjiruit 
au  centre  du  cornet  tine  Coque  ,  qu'on  pour- 
roit  Jîontrner  en  grain  d'Avoine.  20  > 

Obs.  XXL  Sur  une  Chenille  qui ,  comme  la  grande 
Chenille  à  tubercules  ,  fe  conjîruit  une  Coque 
en  ynmmre.  de  Najfe  de  Foijfon.  2 1 1 

Obs.  XZ^IL  Sur  tine  Chenille  qui  fe  confiruit 
une  Coque  dont  la  forme  imite  celle  d'uji 
Bateau  renverfé.  214 

Obs.  XXiiî.  Particularités  fur  r indu f  rie  de  la 
grande  Chenille  à  tubercules  du  Poirier.    23a 

Obs.  XXIV.  Sur  une  Cheiiille  qui  fe  co^ijiruit 
une  jolie  Coque  avec  de  la  foie  ,  fes  plus  patits 
poils,  ^  une  matière  graiffeufe.  23 S 

0?.3.  XX V^.  Sîir  les  Coques  de  foie  £=f  de  poils  ^ 
que  fe  confiruifent  quelques  Ejpeces  de  Chenilles^ 
à  broiTes. 

Coque  double  qu'une  de  ces  Efpeces  paroît  fe 
conjtruire.  245' 

Obs.  XXV^Î.  Divers  faits  relatifs  a  Part  avec 
lequel  la  he-le  Chenille  du  Bouilloji-bLuic  conf- 
îruit  fa  Coque.  268 

Oj&s.  XXV^ii..  Sur  les   Coques  que  diverfe^  Che* 


460  TABLE. 

irilies  fe  coyijh'uifent  avec  de  lœ  terre  ^  une 
forte  de  colle.  285" 

Obs.  XXVTII.  Sur  deux  Efpeces  de  Cbemlles  qui 
fe  conjlrnifoieiit  une  Coque  avec  dijférens  mor^ 
ceaux  de  papier.  2  88 

Obs.  XXIX.  Irrégularités  dans  la  conjlru&ion 
des  Coques  des  Chenilles.  298 

Obs.  XXX.  Sur  une  Chenille  qui  avoit  une  forte 
odeur  de  Fiaiaife  ,  $^  fur  tut  Fapilion  qui 
fentoit  le  raufc.  3C0 

Obs.  XXXI.  Nouvelles  recherches  fur  ces  Efpe- 
ces  de  Faux-ftigmates  ,  dont  il  a  été  parlé 
dans  rohfervation  XV.  30 r 

Obs.  XXXII.  Sur  un  grand  vaiffeau  couché  le 
long  du  ventre ,  qiCon  a  cru  appercevoir  dans 
quelques  Chenilles,  306" 

Obs.  XXXïII.  Sur  la  grande  Fauffe-Chenille  de 
l'Ofier^  ^  en  particulier  fur  la  conjlru&ioii 
de  fa  Coque.  Coque  remarquable  que  fe  file  un 
Ver  'mangeur  de  la  Faujfe- Chenille.  313 

Obs.  XXXIV.  Sur  la  flru&ure  de  la  grande 
fauffe-Chenille  de  POfier.  334 

Obs.  XXXV.  .S:/r  une  faufe^  Chenille  du  Foi^ 
rier.  340 

Obs.  XXXVL  Sur  de  très -petites  Mouches- 
Ichneumones  qui  avaient  pris  leur  accroijfe^ 
ment  dans  des  œufs  de  Fapilion.  342 

Obs.  XXX\- il  Sur  une  ptîite  Mouche  Ichiicu- 


T  A  B  L  E:  4^1 

fnone  qui  perçoit:  tine  galle  du  Chêne  -pour  y 
dépofer  [es  mifs.^  34 f 

Qbs.  XXXVIII.  Sur  une  Mouche  des  galles  qui 
perçoit  une  feuille  pour  y  dépofer  [es  œufs.   353 

Obs.  XXXIX.  S:ir  le  Founnilion  ,  êff  e>^  p^^^^- 
ticulier  fur  fa  Jhu&ure,  3^4 

Obs.  XL.  Sur  le  procédé  induftrietix  au  moyen 
duquel  le  Fourmilion  tranfporte  hors  de  fa  fojfe 
les  corps  trop  pefans  pour  être  lancés  au  loin 
avec  fa  tête.  3ûO 

Obs.  XLÏ.  Stir  une  nouvelle  Efpece  de  Four- 
milion  découverte  par  r Auteur.  387 

Obs.  XLII.  Sur  de  petites  Fourmis  qui  s'étoient 
établies  dans  la  tète  dhm  Chardon  à  bonne- 
tier. 398 

Obs.  XLIII.  Sur  un  procédé  des  Fourmis.    417 

Obs.  XLIV.  Sur  les  Vers  mineurs  de  la  Juf- 
quiame.  419 

Obs.  XLV.  Sur  une  petite  Araignée  qui  faifoit 
fuir  tme  Araignée  domejîique  de  la  plus  grande 
taille.  4.16 

Obs.  XLVI.   Continuation  du  même  fujet.     429 

Obs.  XL VII.  Sur  l'Araignée  qui  renferme  fes 
œufs  dans  une  bourfe  de  foie  ,  qu'elle  porte 
par-tout  avec  elle.  43^ 

Explication  des  Figures.  441 

F  I  N  de  la  Table. 


errata: 

Ze  Ze^ieur  ejl  prié  de  confulter  cet  Errata  ;  farce  que  tes  r envois 
(tux  Jr'lunches  V  ç^  VI  ont  été  omis  pir  oubli  dans  le  Texte, 
On  ne  s'en  ejl  appcrçu  qii' après  Vimprcjfton  du   Volume. 

droits ,  ajoutez  ,  PI.  V ,  Fig,  i.  ///. 

endroit ,  a  j.  a. 

taches  ,.  aj.  h  b  b. 

coque ,  aj.   e  e. 

coque  ,  aj.  PI.  V  ,  Fi>.  I ,  i  «. 

conique ,  aj.   PI.  V  ,  Fij;.  i ,  C. 

PL  V,  Fig.  I ,  aj.  ///. 

derrière  ,  aj.  PI.  VI ,  Fig.  7» 

mouj'e,  aj.-  /. 

poils,  5).  q  q. 

autres  ,  aj.  r  r. 

Microfccpe,  aj.  PI.  VI,  Fig.  7. 

coniques  ,  aj.   q  qr  r. 

derrière ,  aj.  f. 

cancU,  aj.  PI.  VI,  Fig.  ^  ,  ^  ,  p  p P* 

dents  ,  aj.  Fii;.  4 ,  ^  ,  d  d  d. 

conduit ,  aj.  PI.  VI,  Fig.  ^,6,  ppp' 

épin->;le,y).  Fig.   J  ,  e. 

pièce ,  aj    p. 

rainure  ,  aj.  PI.  VI,  Fig.  5  ,  n 

extrémité  ,  aj.   Fig.  <5  ,  e. 

pièce,  aj.  PI.  Vî ,  Fig.  4,  ^1  f  P  f' 

derrière,  aj.  PI.  VI  ,  Fig.  8  ,  9. 

commune  ,  nj.  q  q. 

à  boire ,  aj.   Pi.  VI ,  Fig.  10  ,  V. 

toute  la  partie ,  aj.  Fig.  10,0. 

du  Chardon  ,  aj.    PI.  VI,  Fig.    lO ,  T. 

petite  boite  ,  aj.  PI.  VI ,  Fig.  lo  ,  b. 

Nli.  Lifez   au  mafculin   1§  mot  monijcuîe ,  qui  a  été  mh 
par  coût  au  féminin. 


P.ise 

249  lig. 

16.  i\ 

.     .     . 

2sO     . 

4- 

.     .     . 

ibid.  . 

.  15. 

.     .     . 

ibid.   . 

.  22. 

•     .     . 

2??    .  . 

II. 

.     .    j 

259    . 

.   ï9. 

.     .     . 

261    . 

.  2?. 

.      .     . 

366   . 

.  14 

.     .     . 

ibid.  . 

.  15. 

,      . 

ibid.  . 

.   18. 

,     . 

.  ibid.  . 

n  '» 

,     , 

.   367   . 

.     6. 

.     , 

ibid.  . 

.     7. 

,     . 

.  ibid.  . 

•    19. 

.      . 

.   570   . 

•     9- 

.     . 

371    . 

.     6. 

.      . 

.   572    . 

.   15. 

.     , 

.  ibid.  . 

.    28. 

,      , 

.   ?75    . 

.     8. 

.     . 

.  ibid.  . 

.  28. 

.      . 

.  574   . 

.    2Ô. 

.     . 

.   376    . 

.       5. 

.     , 

.    592    . 

.       ?. 

.     . 

.  ibi^i.  . 

.       7. 

,     , 

.  400   . 

.     13. 

•     • 

.  ibid.  . 

.  18 

.     . 

.  403    . 

.   16. 

.     . 

.  414   • 

.   15. 

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