Full text of "Oeuvres"
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OEUVRES
DE
J. J. ROUSSEAU
TOME XIV.
DE L'IMPRIMERIE DE P. DÎDOT L'AÎNÉ,
CHEVALIER DE l'ORDRE ROTAL DE SAIXT-MïCflEL^
IMPRIMEUR DU ROI.
OEUVRES
DE
J J ROUSSEAU
DICTIONNAIRE DE MUSIQUE.
TOME I.
PARIS,
CHEZ E. A. LEQUIEN, LIBRAIRE,
RUE DES NOYERS, No 4^-
M DCCG XXI.
û 0,3.0
DICTIONNAIIIE
DE MUSIQUE^
Ut psalîencli materiem discerent.
Mar j lAX. Cap.
A— M.
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University of Toronto
http://www.archive.org/defails/oeuvresj14rous
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PREFACE.
La musique est, de tous les beaux-arts, celui dont
le vocabulaire est le plus étendu, et pour lequel un
dictionnaire est, par conséquent, le plus utile. Ainsi
Ton ne doit pas mettre celui-ci au nombre de ces com-
pilations ridicules que la mode ou plutôt la manie des
dictionnaires multiplie de jour en jour. Si ce livre est
bien fait, il est utile aux artistes; s'il est mauvais, ce
n'est ni par le choix du sujet, ni par la forme de l'ou-
vrage. Ainsi l'on auroit tort de le rebuter sur son titre;
il faut le lire pour en juger.
L'utilité du sujet n'établit pas, j'en conviens, celle
du livre; elle me justifie seulement de l'avoir entrepris,
et c'est aussi tout ce que je puis prétendre; car d'ail-
leurs j& sens bien ce qui manque à l'exécution. C'est ici
moins un dictionnaire en forme, qu'un recueil de ma-
tériaux pour un dictionnaire, qui n'attendent qu'une
meilleure main pour être employés. Les fondements
de cet ouvrage furent jetés si à la hâte, il y a quinze
ans, dans l'Encyclopédie, que, quand j'ai voulu le re-
prendre sous œuvre, je n'ai pu lui donner la solidité
qu'il auroit eue, si j'avois eu plus de temps pour en
digérer le plan et pour l'exécuter.
Je ne formai pas de moi-même cette entreprise;
elle me fut proposée : on ajouta que le manuscrit
entier de l'Encyclopédie devoit être complet avant
quil en fût imprimé une seule ligne; on ne me donna
que trois mois pour remplir ma tâche, et trois ans
pouvoient me suffire à peine pour lire, extraire , com*
I
4 PRÉFACE.
parer et compiler les auteurs dont j'avois besoin : mais
le zèle de Tamitié m'aveugla sur Timpossibilité du
succès. Fidèle à ma parole, aux dépens de ma réputa-
tion, je fis vite et mal, ne pouvant bien faire en si peu
de temps. Au bout de trois mois mon manuscrit entier
fut écrit, mis au net, et livré. Je ne l'ai pas revu
depuis. Si j'avois travaillé volume à volume comme
les autres, cet essai, mieux digéré, eût pu rester dans
Tétat où je l'aurois mis. Je ne me repens pas d'avoir
été exact, mais je me repens d'avoir été téméraire, et
d'avoir plus promis que je ne pouvois exécuter.
Blessé de l'imperfection de mes articles, à mesure
que les volumes de l'Encyclopédie paroissoient, je ré-
solus de refondre le tout sur mon brouillon, et d'en
faire à loisir un ouvrage à part traité avec plus de soin.
J'étois, en recommençant ce travail, à portée de tous
les secours nécessaires; vivant au milieu des artistes
et des gens de lettres , je pouvois consulter le uiiR et les
autres. M. l'abbé Sallier me fournissoit, delà Biblio-
tbéque du roi, les livres et manuscrits dont j'avois
besoin, et souvent je tirois de ses entretiens des lu-
mières plus sûres que de mes recherches. Je crois
devoir à la mémoire de cet honnête et savant homme
un tribut de reconnoissance que tous les gens de lettres
qu'il a pu servir partageront sûrement avec moi.
Ma retraite à la campagne m'ôta toutes ces ressour-
ces au moment que je commençois d'en tirer partie.
Ce n'est pas ici le lieu d'expliquer les raisons de cette
retraite: on conçoit que, dans ma façon de penser,
l'espoir de faire un bon livre sur la musique n'en étoit
pas une pour me retenir. Éloigné des amusements de
la ville , je perdis bientôt les goûts qui s'y rapportoient ;
privé des communications qui pouvoient m'éclairer
PRÉrACE. 5
sur mon ancien objet, j'en perdis aussi toutes les vues;
et soit que depuis ce temps Fart ou sa théorie aient fait
des progrès, n'étant pas même à portée d'en rien
savoir, je ne fus plus en état de Jes suivre. Convaincu
cependant de l'utilité du travail que j'avois entrepris,
je m'y remettois de temps à autre, mais toujours avec
moins de succès, et toujours éprouvant que les diffi-
cultés d'un livre de cette espèce demandent pour les
vaincre des lumières que je n'étois plus en état d'ac-
quérir, et une chaleur d'intérêt que j'avois cessé d'y
mettre. Enfin, désespérant d'être jamais à portée de
mieux faire, et voulant quitter pour toujours des idées
dont mon esprit s'éloigne de plus en plus, je me suis
occupé, dans ces montagnes, à rassembler ce que
j'avois fait à Paris et à Montmorency, et de cet amas
indigeste est sortie l'espèce de dictionnaire qu'on
voit ici.
Cet historique m'a paru nécessaire pour expliquer
comment les circonstances m'ont forcé de donner en
si mauvais état un livre que j'aurois pu mieux faire
avec les secours dont je suis privé. Car j'ai toujours
cru que le respect qu'on doit au public n'est pas de
lui dire des fadeurs, mais de ne lui rien dire que de
vrai et d'utile , ou du moins qu'on ne juge tel ; de ne lui
rien présenter sans y avoir donné tous les soins dont
on est capable , et de croire qu'en faisant de son mieux,
on ne fait jamais assez bien pour lui.
Je n'ai pas cru toutefois que l'état d'imperfection
où j'étois forcé de laisser cet ouvrage dût m'empêcher
de le publier, parcequ'un livre de cette espèce étant
utile à l'art, il est infiniment plus aisé d'en faire un bon
sur celui que je donne, que de commencer par tout
créer. Les connoissances nécessaires pour cela ne sont
6 PRÉFAC"E.
peut-être pas fort grandes; mais elles sont fort variées,
et se trouvent rarement réunies dans la même tête. Ainsi
mes compilations peuvent épargner beaucoup de tra-
vail à ceux qui sont en état d'y mettre l'ordre nécessaire ;
et tel, marquant mes erreurs, peut faire un excellent
livre, qui n'eût jamais rien fait de bon sans le mien.
J'avertis donc ceux qui ne veulent souffrir que des
livres bien faits de ne pas .entreprendre la lecture de
celui-ci; bientôt ils en seroient rebutés: mais pour
ceux que le mal ne détourne pas du bien, ceux qui ne
sont pas tellement occupés des fautes, qu'ils comptent
pour rien ce qui les rachète; ceux enfin qui voudront
bien chercher ici de quoi compenser les miennes, y
trouveront peut-être assez de bons articles pour
tolérer les mauvais, et, dans les mauvais même, assez
d'observations neuves et vraies pour valoir la peine
d'être triées et choisies parmi le reste *. Les mugiciens
lisent peu, et cependant je connois peu d'arts oij la
lecture et la réflexion soient plus nécessaires. J'ai
pensé qu'un ouvrage de la forme de celui-ci seroit pré-
cisément celui qui leur convenoit, et que, pour le leur
rendre aussi profitable qu'il étoit possible, il falloit
moins y dire ce qu'ils savent que ce qu'ils auroient
besoin d'apprendre.
* Dans une Lettre à de Lalande, du mois de mars 1768 (t. XIII,
pag. 4"^)^ ^* dans le premier de ses Dialogues*^ Roussran indique
spécialement comme dignes d'une attention particidière et comme
ij'appartenant qu'à lui seul, les articles de ce Dictionnaire se rap-
portant aux mots Accent, Consonnance, Diasoiiunre , Expression ,
Fugue, Goût, Harmonie, Intervalle, Licence^ Mode, Modulation ,
Opéra, Préparation^ Récitatifs Son, Tempérament, Trio , Unité de
mélodie. Voix, et surtout l'article Enharmonique, dans lequel,
dit-il', ce genre, jusqu'à présent très mal entendu, est mieux cxpli-
<yué que dans aucun livre.
PRÉFACE. 7
Si les manœuvres et les croque-notes relèvent sou-
vent ici des erreurs, j'espère que les vrais artistes et
Jes hommes de génie y trouveront des vues utiles dont
ils sauront bien tirer parti. Les meilleurs livres sont
ceux que le vulgaire décrie, et dont les gens à talent
profitent sans en parler.
Après avoir exposé les raisons de la médiocrité de
l'ouvrage, et celle de l'utilité que j'estime qu'on en
peut tirer, j'aurois maintenant à entrer dans le détail
de l'ouvrage même, à donner un précis du plan que
je me suis tracé, et de la manière dont j'ai tâché de le
suivre. Mais à mesure que les idées qui s'y rapportent
se sont effacées de mon esprit, le plan sur lequel je les
arrangeois s est de même effacé de ma mémoire. Mon
premier projet étoit d'en traiter si relativement les
articles, d'en lier si bien les suites, par des renvois^
que le tout, avec la commodité d'un dictionnaire,
eût l'avantage d'un traité suivi : mais pour exécuter
ce projet, il eût fallu me rendre sans cesse présentes
toutes les parties de l'art, et n'en traiter aucune sans
me rappeler les autres; ce que le défaut de ressources
et mon goût attiédi m'ont bientôt rendu impossible^
et que j'eusse eu même bien de la peine à faire au
milieu de mes premiers guides , et plein de ma première
ferveur. Livré à moi seul, n'ayant plus ni savants ni
livres à consulter; forcé, par conséquent, de traiter
chaque article en lui-même, et sans égard à ceux qui s'y
rapportoient, pour éviter des lacunes j'ai dû faire bien
des redites. Mais j'ai cru que dans un livre de l'espèce
de celui-ci, c'étoit encore un moindre mal de com-
mettre des fautes que de faire des omissions.
Je me suis donc attaché surtout à bien compléter
le Vocabulaire, et non seulement à n'omettre aucun
8" PRÉFACE.
terme technique, mais à passer plutôt quelquefois les
limites de l'art, que de n'y pas toujours atteindre, et
cela m'a mis dans la nécessité de parsemer souvent ce
dictionnaire de mots italiens et de mots grecs : les uns,
tellement consacrés par Fusage, qu'il faut les entendre
même dans la* pratique; les autres, adoptés de même
par Jes savants, et auxquels, vu la désuétude de ce
qu'ils expriment, on n'a pas donné de synonymes en
françois. J'ai tâché cependant de me renfermer dans
ma règle, et d'éviter l'exès de Brossard, qui, donnant
un dictionnaire françois , en fait le vocabulaire tout
italien, et î'enfîe de mots absolument étrangers à l'art
qu'il traite. Car qui s'imaginera jamais que la vierge^
les apôtres^ la messe ^ les morts ^ soient des termes de
musique, parcequ'il y a des musiques relatives à ce
qu'ils expriment; que ces autres mots, page ^ feuillet ,
quatre , cinq , gosier j^ raison ^ déjà , soient aussi des
termes techniques, parcequ'on s'en sert quelquefois
en parlant de l'art?
Quant aux parties qui tiennent à l'art sans lui être
essentielles, et qui ne sont pas absolument nécessaires
à l'intelligence du reste, j'ai évité, autant tjufe j'ai pu,
d'y entrer. Telle est celle des instruments de musique,
partie vaste, et qui rempliroit seule un dictionnaire ,
surtout par rapport aux instruments des anciens.
M. Diderot s'étoit chargé de cette partie dans l'Ency-
clopédie ; et comme elle n'entroit pas dans mon premier
plan, je n'ai eu garde de l'y ajouter dans la suite,
après avoir si bien senti la difficulté d'exécuter ce plan
tel qu'il étoit.
J'ai traité la partie harmonique dans le système de
la basse fondamentale, quoique ce système, impar-
fait et défectueux à tant d égards, ne soit point, selon
PRÉFACE. ij
hfioi, celui de la nature et de la vérité, et qu'il en résulte
lin remplissage sourd et confus, plutôt qu^une bonne
harmonie: mais c'est un système enfin; c'est le pre-
mier, et c'étoit le seul , jusqu'à celui de M. Tartini , où
l'on ait lié par des principes ces multitudes de règles
isolées qui sembloient toutes arbitraires, et qiii fai-
soient de l'art harmonique une étude de mémoire
plutôt que de raisonnement. Le système de M. Tar-
tini, quoique meilleur à mon avis, n'étant pas encore
aussi généralement connu, et n'ayant pas, du moins
en France, la même autorité que celui de M. Rameau,
n'a pas dû lui être substitué dans un livre destiné prin-
cipalement pour la nation Françoise. Je me suis donc
Contenté d'exposer de mon mieux les prmcipes de ce
système dans un article de mon Dictionnaire; et du
reste j'ai cru devoir cette déférence à la nation pour
laquelle j'écrivois, de préférer son sentiment au mien
sur le fond de la doctrine harmonique. Je n'ai pas du
cependant m'abstenir, dans l'occasion, des objections
nécessaires à l'intelligence des articles que j'avois à
traiter: c'eut'été sacrifier Futilité du livre au préjugé
des lecteurs; c'eût été flatter sans instruire, et changer
la déférence en lâcheté.
J'exhorte les artistes et les amateurs de lire ce livre
sans défiance, et de le juger avec autant d'impartialité
que j'en ai mis à l'écrire. Je les prie de considérer que,
ne professant pas, je n'ai d'autre intérêt ici que celui
de l'art; et, quand j'en aurois, je devrois naturelle-
ment appuyer en faveur de la musique françoise, où
je puis tenir une place, contre l'italienne, où je ne
puis être rien. Mais cherchant sincèrement le progrès
d'un art que j'aimois passionnément, mon plaisir a
fuit taire ma vanité. Les premières habitudes m'bnt
to ' PRÉFACE
Jong-lemps attaché à la musique françoise, et j'en étoii
eïithousiaste ouvertement. Des comparaisons atten-
tives et impartiales m'ont entraîné vers la musique
italienne, et je m'y suis livré avec la même bonne foi.
Si quelquefois j'ai plaisanté, c'est pour répondre aux
autres sur leur propre ton; mais je n'ai pas, comme
eux, donné des bons mots pour toute preuve, et je
jî'ai plaisanté qu'après avoir raisonné. Maintenant que
les malheurs et les maux m'ont enfin détaché d'un
goût qui n'avoit pris sur moi que trop d'empire, je
persiste, par le seul amour de la vérité, dans les juge-
ments que le seul amour de Fart m'avoit fait porter.
Mais, dans un ouvrage comme celui-ci, consacré à la
musique en général, je n'en connois qu'une, qui^
n'étant d'aucun pays, est celle de tous; et je n'y suis
jamais entré dans la querelle des deux musiques que
quand il s'est agi d'éclaircir quelque point important
au progrès comnum. J'ai fait bien des fautes, sans
doute, mais je suis assuré que la partialité ne m'en
a pas fait commettre une seule. Si elle m'en fait imputer
à tort par les lecteurs, qu'y puis-je faire? ce sont eux
alors qui ne veulent pas que mon livre leur soit bon.
Si l'on a vu , dans d'autres ouvrages , quelques articles
peu importants qui sont aussi dans celui-ci, ceux qui
pourront faire cette remarque voudront bien se rap-
peler que, dès l'année lySo, le manuscrit est sorti de
mes mains sans que je sache ce qu'il est devenu depuis
ce temps-là. Je n'accuse personne d'avoir pris mes
articles, mais il n'est pas juste que d'autres m'accusent
d'avoir pris les leurs.
Mo tiers-Travers , le 20 décembre 1764.
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L 'V^L/V\/»/X/V/^-''X-'V/X/^'X/m/^-VW'V*/W'm/%.%-'V^VVX/'».
AVERTISSEMENT
Quand IVspèce grammaticale des mots pouvoit embar-
rasser quelque lecteur, on Ta désignée par les abréviations
usitées: v. n. , verbe neutre; s. m., substantif mascu-
lin, etc. On ne s'est pas asservi à cette spécification pou»
chaque article, parceque ce n'est pas ici un dictionnaire*
de langue. On a pris un soin plus nécessaire pour des mots
qui ont plusieurs sens, en les distinguant par une lettre
majuscule quand on les prend dans le sens technique, et
par une petite lettre quand» on les prend dans le sens du
discours. Ainsi, ces mots, air et Air ^ mesure et Mesure ^
note et Note, temps et Temps, portée et Portée, ne sont ja-
mais équivoques, et le sens en est toujours déterminé pai
la manière de les écrire. Quelques autres sont plus embar-
rassants, comme Ton, qui a dans l'art deux acceptions
toutes différentes. On a pris le parti de l'écrire en italique
pour distinguer un intervalle, et en romain pour désigner
une modulation. Au moyen de cette précaution, la phrase
suivante, par exemple, n'a plus rien d'équivoque :
« Dans les Tons majeurs , l'intervalle de la Tonique a
<( la Médiante est composé d'un Ton majeur et d'un Ton
u mineur. » *
* Tel est YÀvertissernent mis en tête des deux éditions premières
(in-4'' et in-S" , ijSS) de ce Dictionnaire, dans l'impression des-
quelles la règle qu'on annonce s'y être prescrite a été en effet rigou-
reusement suivie. Mais nous nous sommes bien convaincus qu'il ne
résultoit autre chose de cette multiplication de majuscules qu'une
bigarrure peu agréable à l'œil, et sans utilité réelle pour le lecteur,
dont l'intelligence n'a jamais nul effort à faire pour distinguer le
cas o\x les mots note, temps, mesure, etc. , sont employés dans le
sens technique, de celui où ils sont à prendre dans le sens com^
12 AVERTISSEMENT.
munément adopté. Nous n'avons donc pas hésité à suivre , dans
cette édition, et pour ce Dictionnaire comme pour tous les. autres
ouvrages dont elle se compose, l'usage généralement reçu relati-
vement à l'emploi des majuscules. — Quant à la manière différente
d'imprimer le mot ton suivant les deux acceptions qui lui sont pro-
pres dans Tart musical, on s'est conformé avec soin aux intentions
de l'auteur, à la majulcule près , qui n'a pas paru plus nécessaire
pouv ce mot-là que pour tous les autres.
(Note de M. P. , dians l'édition en 22 vol. , publiée par M. Lefèvre. )
■ V». vvv<
DICTIONNAIRE
DE MUSIQUE
A
A mi la, A la mire, ou simplement A, sixième son
de la gamme diatonique et naturelle ; lequel s'appelle
autrement la, ( Voyez Gamme. )
^ battuta. ( Voyez Mesuré. )
A livre ouvert , ou à l'ouverture du livre. ( Voyez
Livre.)
J tempo. ( Voyez Mesuré. )
Académie de Musique. C'est ainsi qu'on appeloit au-
trefois en France , et qu'on appelle encore en Italie une
assemblée de musiciens ou d'amateurs , à laquelle les
François ont depuis donné le nom de concert. ( Voyez
COiVCERT. )
Académie royale de Musique. C'est le titre que porte
encore aujourd'hui l'Opéra de Paris. Je ne dirai rien
ici de cet établissement célèbre , sinon que de toutes
les académies du royaume et du monde , c'est assuré-
ment celle qui fait le plus de bruit. ( Voyez Opéra. )
Accent. On appelle ainsi , selon l'acception la plus
générale , toute modification de la voix parlante dans
la durée ou dans le ton des syllabes et des mots dont
le discours est composé \ ce qui montre un rapport
I 4 A C C
très exact entre les deux usages des accents et les deux
parties de la mélodie, savoir le rhythme et Imtoiia-
tion. Jccentus, dit le grammairien Sergius dans Do-
nat, quasi ad cantus. Il y a autant d'accents différents
qu'il y a de manières de modifier ainsi la voix ; et il y
a autant de genres Ôl accents qu'il y a de causes géné-
rales de ces modifications.
On distingue trois de ces genres dans le simple dis-
cours : savoir , Y accent grammatical , qui renferme la
régie des accents proprement dits , par lesquels le son
des syllabes est grave ou aigu , et celle de la quantité ,
par laquelle chaque syllabe est brève ou longue: Vac-
cent logique ou rationnel , que plusieurs confondent
mal à propos avec le précédent \ cette seconde sorte
ô^ accent indiquant le rapport, la connexion plus ou
moins grande que les propositions et les idées ont en-
tre elles , se marque en partie par la ponctuation : en-
fin Y accent pathétique ou oratoire , qui , par diverses
inflexions de voix , par un ton plus ou moins élevé ,
par un parler phis vif ou plus lent , exprime les senti-
ments dont celui qui parle est agité , et les communi-
que à ceux qui Fécoutent. L'étude de ces divers ac-
cents et de leurs effets dans la langue doit être la
prande affaire du musicien : et Denvs d'Halicarnasse
regarde avec raison \ accent en général comme la se-
mence de toute musique. Aussi devons-nous admettre
pour une maxime incontestable que le plus ou moins
à'accent est la vraie cause qui rend les langues plus ou
moins musicales : car quel seroit le rapport de. la mu-
sique au discours si les tons de la voix chantante n'i-
mitoientles accents de la parole? D'où il suit que moins
ACC i5
une langue a de pareils accents , plus la mélodie y doit
être monotone, languissante et fade, à moins quelle
ne cherche dans le bruit et la force des sons le charme
qu'elle ne peut trouver dans leur variété.
Quant à ï accent pathétique et oratoire, qui estFob*
jet le plus immédiat de la musique imitative du théâ-
tre , on ne doit pas opposer à la maxime que je viens
d'étabhr que tous les hommes étant sujets aux mêmes
passions doivent en avoir également le langage : car
autre chose est \ accent universel de la nature , qui arr
rache à tout homme des cris inarticulés, et autre chose
V accent de la langue , qui engendre la mélodie particu-
lière à une nation. La seule différence du plus ou moins
d'imagination et de sensibilité qu'on remarque d'un
peuple à l'autre en doit introduire une infinie dans l'i-
diome accentué, si j'ose parler ainsi. L'Allemand, par
exemple, hausse également et fortement la voix dans
la colère; il crie toujours sur le même ton. L'Italien,
que mille mouvements divers agitent rapidement et
successivement dans le même cas , modifie sa voix de
mille manières : le même fond de passion régne dans
son ame ; mais quelle variété d'expression dans ses
accents et dans son langage î Or , *c'est à cette seule va-
riété, quand le musicien sait l'imiter, qu'il doit l'éner-
gie et la grâce de son chant.
Malheureusement tous ces accents divers , qui s'ac-
cordent parfaitement dans la bouche de l'orateur , ne
sont pas si faciles à concilier sous la plume du musi-
cien , déjà si gêné par les régies particulières de son
art. On ne peut douter que la musique la plus parfaite
pu du moins la plus expressive ne soit celle où tous les
t6 ACC
accents sont le plus exactement observés ; mais ce qui
rend ce concours si difficile est que trop de régies dans
cet art sont sujettes à se contrarier mutuellement, et
se contrarient d'autant plus que la langue est moins
musicale ; car nulle ne Test parfaitement : autrement
ceux qui s'en servent chanteroient au lieu de parler.
Cette extrême difficulté de suivre à-la-fois les régies
de tous les accents obligent donc souvent le composi-
teur à donner la préférence à l'une ou à fautre , selon
les divers genres de musique qu'il traite. Ainsi les airs
de danse exigent surtout un accent rhytbmique et ca-
dencé dont en chaque nation le caractère est déterminé
par la langue. V accent grammatical doit être le premier
consulté dans le récitatif, pour rendre plus sensible
l'articulation des mots , sujette à se perdre par la ra-
pidité du débit dans la résonnance harmonique : mais
Vaccent passionné l'emporte à son tour dans les airs
dramatiques ; et tous deux y sont subordonnés , sur-
tout dans la symphonie , à une troisième sorte d'«c-
cent, qu'on pourroit appeler musical , et qui est en
quelque sorte déterminé par l'espèce de mélodie que le
musicien veut approprier aux paroles.
En effet le premier et priucipal objet de toute musi-
que est de plaire à l'oreille ; ainsi tout air doit avoir un
chant agréable : voilà la première loi, qu il* n'est ja-
mais permis d'enfi^eindre. L'on doit donc première-
ment consulter la mélodie et Vaccent musical dans le
dessein d'un air quelconque : ensuite , s'il est question
d'un chant dramatique et imitatif, il faut chercher
Vaccent pathétique qui donne au sentiment son expres-
sion , et l'accent rationnel par lequel le îiiusicien rend
ACC 17
avec justesse les idées du poète ; car poirr inspirer aux
autres la chaleur dont nous sommes animés en leur
parlant , il faut leur faire entendre ce que nous disons.
Ja accent grammatical est nécessaire par la même rai-
son ; et cette régie , pour être ici la dernière en ordre,
n'est pas moins indispensable que les deux précéden-
tes, puisque le sens des propositions et des phrases
dépend absolument de celui des mots : mais le musi-
cien qui sait sa langue a rarement besoin de songer à
cet accent; il ne sauroit chanter son air sans s'aperce-
voir s'il parle bien ou mal , et il lui suffit de savoir
qu'il doit toujours bien parler. Heureux toutefois
quand une mélodie flexible et coulante ne cesse ja-
mais de se prêter à ce qu'exige la langue ! Les musi-
ciens françois ont en particulier des secours qui ren-
dent sur ce point leurs erreurs impardonnables , et
surtout le Traité de la Prosodie françoise de M. l'abbé
d'Olivet , qu'ils devroient tous consulter. Ceux qui se-
ront en état de s'élever plus haut pourront étudier la
Grammaire de Port-Royal , et les savantes notes du phi-
losophe qui Fa commentée ; alors en appuyant l'usage
sur les régies , et les régies sur les principes , ils se-
ront toujours sûrs de ce qu'ils doivent faire dans l'em-
ploi de Vaccent grammatical de toute espèce.
Quant aux deux autres sortes d'accents, on peut
moins les réduire en règles, et la pratique en demande
moins d'étude et plus de talent. On ne trouve point de
sang froid le langage des passions , et c'est mie vérité
rebattue qu'il faut être ému soi-même pour émouvoir
les autres. Rien ne peut donc suppléer, dans la re-
cherche de ïaccent pathétique , à ce génie qui réveille"
XIV. 2
1 8 A c c
à volonté tous les sentiments ; et il n'y a d'autre art en
cette partie que d'allumer en son propre cœur le feu
qu'on veut porter dans celui des antres. (Voyez Gé-
nie. ) Est-il question de ïaccent rationnel, l'art a tout
aussi peu de prise pour le saisir, par la raison qu'on
n'apprend point à entendre à des sourds. Il faut avouer
aussi que cet accent est moins que les autres du ressort
de la musique , parcequ'elle est bien plus le langage
des sens que celui de l'esprit. Donnez donc au musi-
cien beaucoup d'images ou de sentiments et peu de
simples idées à rendre ; car il n'y a que les passions
qui chantent, l'entendement ne fait que parler.
Accent. Sorte d'agrément du chant françois, qui
se notoit autrefois avec la musique, mais que les
niaitres de goût du chant marquent aujourd'hui seu-
lement avec du crayon jusqu'à ce que les écoliers sa-
chent le placer d'eux-mêmes, lu'accent ne se pratique
que sur une syllabe longue, et sert de passage d'une
note appuyée à une autre note non appuyée, placée
sur le même degré; il consiste en un coup de gosier
qui élève le son d'un degré , pour reprendre à l'instant
sur la note suivante le mêtne son d'où Ion est parti.
Plusieurs donnoient le nom de plainte à Vaccent.
( Voyez le signe et l'effet de Vaccent , planche B ,
figure i3. )
Accents. Les poètes emploient souvent ce mot au
pluriel pour signifier le chant même, et l'accompa-
gnent ordinairement dune épitliète, comme doux,
tendres, tristes accents: alors ce mot reprend exacte-
ment le sens de sa racine ; car il vient de cancre ,
^cantus , d'où l'on a fait accentus. comme concentus.
ACG 19
Accident, Accidentel. On appelle accidents ou
signes accidentels les bémols , dièses ou bécarres qui se
trouvent par accident dans le courant d'un air, et qui
par conséquent n'étant pas à la clef ne se rapportent
pas au mode ou ton principal. (Voyez Dièse, Bémol,
Ton , Mode , Clef transpos£:e. )
On appelle aussi lignes accidentelles celles qu'on
ajoute au-dessus ou au-dessous de la portée pour
placer les notes qui passent son étendue. ( Voyez
Ligne, Portée.)
Accolade. Trait perpendiculaire aux lignes , tiré
à la marge d'une partition, et par lequel on joint en-
semble les portées de toutes les parties. Comme toutes
ces parties doivent s'exécuter en même temps , on
compte les lignes d'une partition, non par les por-
tées mais par les accolades^ et tout ce qui est compris
sous une accolade ne forme qu'une seule ligne.
(Voyez Partition.)
Accompagnateur. Celui qui dans un concert accom-
pagne de Torgue , du clavecin , ou de tout autre instru-
ment d'accompagnement. (Voyez Accompagnement.)
Il faut qu'un bon accompagnatem^ soit grand musi-
cien, qu'il sache à fond l'harmonie, qu'il connoisse
bien son clavier, qu'il ait l'oreille sensible, les doigts
souples, et le goût sûr.
C'est à Y accompagnateur àe donner le ton aux voix
et le mouvement à l'orchestre. La première de ces
fonctions exige qu'il ait toujours sous un doigt la note
du chant pour la refrapper au besoin, et soutenir ou
remettre la voix quand elle foiblit ou s'égare. La se-
conde exige qu'il marque la basse et son accompagne-
2.
iiO ACC
ment par des coups fermes, égaux, détachés, et bien
réglés à tous égards , afin de bien faire sentir la me-
sure aux concertants , surtout au commencement des
airs.
On trouvera dans les trois articles suivants les dé-
tails qui peuvent manquer à celui-ci.
Accompagnement. C'est l'exécution d'une harmonie
complète et régulière sur un instrument propre à la
rendre , tel que l'orgue , le clavecin , le téorbe , la gui-
tare, etc. Nous prendrons ici le clavecin pour exem-
ple, d'autant plus qu'il est presque le seul instrument
qui soit demeuré en usage pour V accompagnement.
On y a pour guide une des parties de là musique,
qui est ordinairement la basse. On touche cette basse
de la main gauche, et de la droite l'harmonie indi-
quée par la marche de la basse, par le chant des
autres parties qui marchent en même temps , par la
partition qu'on a devant les yeux , ou par les chiffres
qu'on trouve ajoutés à la basse. Les Italiens mé-
prisent les chiffres; la partition même leur est peu
nécessaire; la promptitude et la finesse de leur oreille
y supplée, et ils accompagnent fort bien sans tout cet
appareil. Mais ce n'est qu'à leur disposition natu-
relle qu'ils sont redevables de cette facilité, et les
autres peuples, qui ne sont pas nés comme eux pour
la musique, trouvent à la pratique de Y accompagne-
ment des obstacles presque insurmontables : il faut
des huit et dix années pour y réussir passablement.
Quelles sont donc les causes qui retardent ainsi l'avan-
cement des élèves et embarrassent si long-temps les
maîtres , si la seule difficulté de l'art ne fait point cela?
A ce 2 1
fl y en a deux principales : Tune , clans la manière
tle chiffrer les basses; Tautre, dans la méthode de
Y accompagnement. Parlons d'abord de la première.
Les signes dont on se sert pour chiffrer les basses
sont en trop grand nombre : il y a si peu d'accords
fondamentaux! pourquoi faut-il tant de chiffres pour
les exprimer? Ces mêmes signes sont équivoques,
obscurs, insuffisants : par exemple, ils ne déterminent
presque jamais respéce des intervalles qu'ils expri-
ment, ou, qui pis est, ils en indiquent d'une autre
espèce. On barre les uns, pour marquer des dièses ;
on en barre d'autres, pour marquer des bémols : les
intervalles majeurs et les superflus , même les dimi-
nués , s'expriment souvent de la même manière :
quand les chiffres sont doubles , ils sont trop confus ;
quand ils sont simples, ils n'offrent presque jamais
que l'idée d'un seul intervalle; de sorte qu'on en a
toujours plusieurs à sous-entendre et à déterminer.
Gomment remédier à ces inconvénients? Faudra-
t-il multiplier les signes pour tout exprimer? mais on
se plaint qu'il y en a déjà trop. Faudra-t-iHes réduire?
on laissera plus de choses à deviner à l'accompagna-
teur, qui n'est déjà que tix)p occupé; et dès qu'on fait
tant que d'employer des chiffres , il faut qu'ils puis-
sent tout dire. Que faire donc? Inventer de nouveaux
signes, perfectionner le doigter, et faire des signes et
du doigter deux moyens combinés qui concourent à
soulager l'accompagnateur. C'est ce que M. Rameau
a tenté avec beaucoup de sagacité dans sa Dissertation
sur les différentes méthodes d'accompagnement.
22 A ce
Nous exposerons aux mots chiffres et doigter les
moyens qu'il propose. Passons aux méthodes.
Comme Tancienne musique n'étoit pas si compo-
sée que la nôtre ni pour le chant ni pour Tharmonie ,
et qu'il n'y avoit guère d'autre basse que la fonda-
mentale , tout Yaccompagnemen} ne consistoit qu'en
une suite d'accords parfaits, dans lesquels l'accom-
pagnateur substituoit de temps en temps quelque
sixte à la quinte, selon que l'oreille le conduisoit : ils
n'en savoient pas davantage. Aujourd'hui qu on a
varié les modulations , renversé les parties , surchargé ,
peut-être gâté l'harmonie par des foules de disso-
nances, on est contraint de suivre d'autres régies.
Campion imagina, dit-on, celle qu'on appelle régie de
l'octave (voyez Règle de l'octave); et c'est par cette
méthode que la plupart des maîtres enseignent en-
core aujourd'hui Y accompagnement.
Les accords sont déterminés par la régie de l'octave
relativement au rang qu'occupent les notes de la
basse et à la marche qu'elles suivent dans un ton
donné. Ainsi le ton étant connu, la note de la basse-
continue aussi connue, le rang de cette noté dans le
ton , le rang de la note qui la précède immédia-
tement , et le rang de la note qui la suit , on ne
se trompera pas beaucoup en accompagnant par la
* régie de l'octave , si le compositeur a suivi l'har-
monie la plus simple et la plus naturelle : mais c'est
ce qu'on ne doit guère attendre de la musique
d'aujourd'hui, si ce n'est peut-être en Italie, où
l'harmonie paroît se simplifier à mesure qu'elle s'al-
tère ailleurs. De plus, le moyen d avoir toutes ces
AGC 23
choses incessamment présentes? et, tandis que Tac-
compagnateur s'en instruit, que deviennent les doigts?
A peine atteint-on un accord qu'il s'en offre un autre ,
et le moment de la réflexion est précisément celui de'
Fexécution. Il n'y a qu'une habitude consommée de
musique, une expéi'ience réfléchie, la facilité de lire
une ligne de musique d'un coup d'oeil, qui puissent
aider en ce moment : encore les plus habiles se trom-
pent-ils avec ce secours. Que de fautes échappent,
durant l'exécution , à l'accompagnateur le mieux
exercé!
Attendra-t-on, même pour accompagner, que 1 o-
reille soit formée , qu'on sache lire aisément et rapi-
dement toute musique, qu'on puisse débrouiller à
livre ouvert une partition? Mais en fût-on là, on au-
roit encore besoin d'une habitude du doigter fondée
sur d'autres principes Ôl accompagnement que ceux
qu'on a donnés jusqu'à M. Rameau.
Les maîtres zélés ont bien senti l'insuffisance de
leurs règles : pour y suppléer ils ont eu recours à
1 énumération et à la description des consonnances
dont chaque dissonance se prépare, s'accompagne, et
se sauve dans tous les différents cas : détail prodigieux
que la multitude des dissonances et de leurs combi-
naisons fait assez sentir, et dont la mémoire demeure
accablée.
Plusieurs conseillent d'apprendre la composition
avant de passera V accompagnement : comme si \ac-
compagnement n'étoit pas la composition même, à
1 invention près, qu'il faut de plus au compositeur!
c'est comme si l'on proposoit de commencer par se
24 A ce
faire orateur pour apprendre à lire. Combien de gens
au contraire, veulent que Ton commence par Taccom-
pagnement à apprendre la composition ! et cet ordre
"•est assurément plus raisonnable et plus naturel.
La mardhe de la basse , la régie de Toctave, la ma-
nière de préparer et sauver les dissonances, la compo-
sition en général, tout cela ne concourt guère qu'à
montrer la succession d'un accord à un autre; de sorte
qu'à chaque accord, nouvel objet, nouveau sujet de
réflexion. Quel travail continuel 1 quand l'esprit sera-
t-il assez instruit , quand l'oreille sera-t-elle assez exer-
cée pour que les doigts ne soient plus arrêtés ?
Telles sont les difficultés que M. Rameau s'est pro-
posé d'aplanir par ses nouveaux chiffres et par ses nou-
velles régies d'accompagnement.
Je tâcherai d'exposer en peu de mots les principes
sur lesquels sa méthode est fondée.
Il n'y a dans Tharmonie que des consonnances et
des dissonances ; il n y a donc que des accords con-
sonnants et des accords dissonants.
Chacun de ces accords est fondamentalement di-
visé par tierces. (C'est le système de M. Rameau. )
L'accord consonnant est composé de trois notes ,
comme nt mi sol; et le dissonant de quatre , comme
90/5?' i^efa; laissant à part la supposition et la suspen-
sion, qui, à la place des notes, dont elles exigent le
jetranchement, en introduisent d'autres comme par
licence , mais \ accompaqnement n'en porte toujours que
quatre. (Voyez SupposrriON et Suspension. )
Ou des accords consonnants se succèdent , ou des
accords dissonants sont suivis d'autres accords dis-
ACC ^5
sonants , ou les consonnants et les dissonants sont
entrelacés.
L accord con sonnant parfait ne convenant qu à la
tonique , la succession des accords consonnants four-
nit autant de toniques , et par conséquent autant de
changements de ton.
Les accords dissonants se succèdent ordinairement
dans un même ton, si les sons n'y sont point altérés.
La dissonance lie le sens harmonique , un accord y fait
désirer Tautre, et sentir que la phrase n est pas finie.
Si le ton change dans cette succession, ce changement
est toujours annoncé par un dièse ou par ini bémol.
Quant à la troisième succession , savoir l'entrelace-
ment des accords consonnants et dissonants , M. Ra-
meau la réduit à deux cas seulement ; et il prononce
en général qu'un accord consonnant ne peut être im-
luédiatement précédé d'aucun autre accord dissonant
que celui de septième de la dominante-tonique , ou de
celui de sixié-quinte de la sous-dominante, excepté
dans la cadence rompue et dans les suspensions ; en-
core prétend-il qu'il n'y a pas d'exception quant au
fond. Il me semble que l'accord parfait peut encore
être précédé de l'accord de septième diminuée, et
même de celui de sixte-superflue ; deux accords origi-
naux, dont le dernier ne se renverse point.
Voilà donc trois textures différentes des phrases
harmoniques : i . des toniques qui se succèdent et for-
ment autant de nouvelles modulations ; i. des disso-
nances qui se succèdent ordinairement dans le même
ton ; 3. enfin des consonnances et des dissonances qui
s'entrelacent, et où la consonnance est, selon M, Ra-
y^ A ce
meau, nécessairement précédée de la septième de la
dominante, ou de l.-î sixte-quinte de la sous-dominante.
Que reste-t-il donc à faire pour la facilité de Yaccompa-
gnement, sinon d'indiquer à laccompa^nateur quelle
est celle de ces textures qui régne dans ce qu'il accom-r
pagne ?0r, c'est ce que M. Rameau veut qu on exécute
avec des caractères de son, invention.
Un seul signe peut aisément indiquer le ton , la to-
nique , et son accord.
De là se tire la connoissance des dièses et des bé-
mols qui doivent entrer dans la composition des ac-
cords d'une tonique à une autre.
La succession fondamentale par tierces ou par quin-
tes , tant en montant qu'en descendant , donne la pre-
mière texture des phrases harmoniques > toute compo-
sée d'accords consonnants.
La succession fondamentale par quintes ou par
tierces , en descendant , donne la seconde texture ,
composée d'accords dissonants, savoir dUs accords de
septième; et cette succession donne une harmonie
descendante.
L'harmonie ascendante est fournie par une succes-
sion de quintes en montant ou de quartes en descen-
dant, accompagnées de la dissonance propre à cette
succession, qui est la sixte-ajoutée ; et c'est la troisième
texture des phrases harmoniques. Cette dernière n'a-
voit jusqu'ici été observée par personne, pas même
par M. Rameau, quoiqu'il en ait découvert le prin-
cipe dans la cadence qu'il appelle irrégulière. Ainsi ,
par les régies ordinaires, l'harmonie qui naît d'une
succession de dissonances descend toujours, quoique,
\CC 1']
selon les vrais principes et selon la raison , elle doive
avoir en montant une pro(jrcssion tout aussi ré^julière
qu'en descendant.
Les cadences fondamentales donnent la quatrième
texture de phrases harmoniques , où les consonnances
et les dissonances s'entrelacent.
Toutes ces textures peuvent être indiquées par des
caractères simples, clairs, peu nombreux, qui puis-
sent en même temps indiquer quand il le faut la dis-
sonance en général; car l'espèce en est toujours déter-
minée par la liexture même. On commence par s'exer-
cer sur ces textures prises séparément ; puis on les
fait succéder les unes aux autres sur chaque ton et
sur chaque mode successivement.
Avec ces précautions , M. Hameau prétend qu'on
apprend phis d'accompagnement en six mois qu'on
n'en apprenoit auparavant en six ans, et il a l'expé-
rience pour lui, ( Voyez Chiffres et Doigter. )
K l'égard de la manière d'accompagner avec intelli-
gence, comme elle dépend plus de Tusage et du goût
que des régies qu'on en peut donner, je me contente-
rai de faire ici quelques observations générales que ne
doit ignorer aucun accompagnateur.
I. Quoique dans les principes de M. Rameau Ton
doive touche-r tous les sons de chaque accord , il faut
bien se garder de prendre toujours cette régie à la
lettre. Il y a des accords qui seroient insupportables
avec tout ce remplissage. Dans la plupart des accords
dissonants, surtout dans les accords par supposition,
il y a quelque son à retrancher pour en diminuer la
dureté : ce son est quelquefois la septième , quclquC"»
iH ACC
(ois la quinte; quelquefois Tune et 1 autre se retran-
chent. On retranche encore assez souvent la quinte
ou Toctave de la basse dans les accords dissonants ,
pour éviter des octaves ou des quintes de suite qui
peuvent faire un mauvais effet, surtout aux extrémi-
tés. Par la même raison, quand la note sensible est
dans la basse , on ne la met pas dans Vaccompagne-
ment; et Ton double au lieu de cela la tierce ou la sixte
de la main droite. On doit éviter aussi les intervalles
de seconde, et d'avoir deux doigts joints , car cela fait
une dissonance fort dure ,. qu'il faut garder pour quel-
ques occasions où l'expression la demande. En géné-
ral on doit penser en accompagnant que, quand
M. Rameau veut qu'on remplisse tous les accords, il
a bien plus d'égard à la mécanique des doigts et à son
système particulier à'accompagnenient^ qu'à la pureté
de l'harmonie. Au lieu du bruit confus que fait un pa-
reil accompagnement , il faut chercher à le rendre agréa-
ble et sonore, et faire qu^il nourrisse et renforce la
basse , au lieu de la couvrir et de l'étouffer.
Que si l'on demande comment ce retranchement de
sons s'accorde avec la définition de \ accompagnement
par une harmonie complète , je réponds que ces re-
tranchements ne sont, dans le vrai , qu'hypothétiques ,
et seulement dans le système de M. Rameau ; que ,
suivant la nature , ces accords , en apparence ainsi
mutilés , ne sont pas moins complets que les autres ,
puisque les sons qu'on y suppose ici retranchés les
rendroient choquants et souvent insupportables ;
qu'en effet les accords dissonants ne sont point rem-
plis dans le système de M. Tarlini comme dans celui
A ce 9J)
de M. Rameau ; que par conséquent des accords défec-
tueux dans celui-ci sont complets dans l'autre; qu'en-
fin le bon poût dans Texécution demandant qu'on s'é-
carte souvent de la régie générale, et V accompagnement
le plus régulier n'étant pas toujours le ping agréable ,
la définition doit dire la régie, et l'usage apprendre
quand on s'en doit écarter.
II. On doit toujours proportionner le bruit de Yac-
compagnement au caractère de la musique et à celui
des instruments ou des voix que l'on doit accompa-
gner. Ainsi dans un chœur on frappe de la main droite
les accords pleins ; de la gauche on redouble l'octave
ou la quinte, quelquefois tout l'accord. On en doit
faire autant dans le récitatif italien; car les sons de la
basse, n'y étant pas soutenus, ne doivent se faire en-
tendre qu'avec toute leur harmonie , et de manière à
rappeler fortement et pour long-temps l'idée de la mo-
dulation. Au contraire, dans un air lent et doux, quand
ou n'a qu'une voix foible ou un seul instrument à ac-
compagner, on retranche des sons, on arpège douce-
ment, on prend le petit clavier. En un mot on a tou-
jours attention que V accompagnement ^ qui n'est fait qut*
pour soutenir et embellir le chant , ne le gâte et ne le
couvre pas.
III. Quand on frappe les mêmes touches pour pro-
longer le son dans une note longue ou une tenue, que
ce soit plutôt au commencement de la mesure ou du
temps fort, que dans un autre moment : on ne doit
rebattre qu'en marquant bien la mesure. Dans le réci-
tatif italien , quelque durée que puisse avoir une note
de basse, il ne faut jamais la frapper qu'une fois ef
JO ACC
fortement avec tout son accord; on refrappe seule-
ment Taccord quand il change sur la même note :
mais quand un accompagnement de violons régne
sur le récitatif, alors il faut soutenir la basse et en ar-
péger Taccf^rd.
IV. Quand on accompagne de la musique vocale,
on doit par Y accompagnement soutenir la voix , la
guider, lui donner le ton à toutes les rentrées, et Fy
remettre quand elle détonne : Taccompagnateur ,
ayant toujours le chant sous les yeux et 1 harmonie
présente à Fesprit, est chargé spécialement d'empê-
cher que la voix ne s'égare. (Voyez Accompagnateur. )
V. On ne doit pas accompagner de la même ma-
nière la musique italienne et la françoise. Dans celle-
ci , il faut soutenir les sons , les arpéger gracieuse-
ment et continuellement de bas en haut, remplir tou-
jours l'harmonie autant qu'il se peut, jouer propre-
ment la basse, en un mot se prêter à tout ce qu'exige
le genre. Au contraire , en accompagnant de l'italien ,
il faut frapper simplement et détacher les notes de la
basse, n'y faire ni trilles ni agréments, lui conserver
la marche égale et simple qui lui convient : Yaccompa-
fjnement doit être plein, sec et sans arpéger, exi:epté
le cas dont j'ai parlé numéro 111, et quelques tenues
ou points-d'orgue. On y peut sans scrupule retrancher
des sons; mais alors il faut bien choisir ceux qu'on
fait entendre: en sorte qu'ils se fondent dans Fhai-
monie et se marient bien avec la voix. Les Italiens ne
veulent pas qu'on entende rien dans Yaccompagne-
ment ni dans la basse qui puisse distraire un mo-
ment Foreille du chant; et leurs accompagnements sont
ACC 3l
toujours (iiil<»os sur ce principe que le plaisir et Tat-
tention s'évaporent en se partageant.
VI. Quoique \ accompagnement de lorgue soit le
même que celui du clavecin , le goût en est très diffé-
rent. Comme les sons de l'orgue sont soutenus, la
marche en doit être plus liée et moins sautillante :
il faut lever la main entière le moins qu'il se peut,
glisser les doigts d'une touche à l'autre, sans ôter
ceux qui, dans la place où ils sont, peuvent servir à
1 accord où l'on passe. Rien n'est si désagréable que
d'entendre hacher sur l'orgue cette espèce d'accom-
pagnement sec, arpégé, qu'on est forcé de pratiquer
sur le clavecin. (Voyez le mot Doigter.) En général
l'orgue , cet instrument si sonore et si majestueux, ne
s'associe avec aucun autre, et ne fait qu'un mauvais
effet dans V accompagnement ^ si ce n'est tout au plus
pour fortifier les rippienes et les chœurs.
M. Rameau, dans ses Eireurs sur la musique, vient
d'établir ou du moins d'avancer un nouveau principe
dont il me censure fort de n'avoir pas parlé dans
TEncyclopédie; savoir que X accompagnement représente
te corps sonore. Comme j'examine ce principe dans un
autre écrit, je me dispenserai d'en parler dans cet
article , qui n'est déjà que trop long. Mes disputes avec
M. Rameau sont les choses du monde les plus inutiles
au progrès de l'art, et par conséquent au but de ce
Dictionnaire.
Accompagnement est encore toute partie de basse
ou d'autre instrument, qui est composée sous un
chant pour y faire harmonie. Ainsi un solo de violon
s'accompagne du violoncelle ou du clavecin, et un
32 ACC
acco7npagnement de flûte se marie fort bien avec ]a
voix. L'harmonie de V accompagnement ajoute à Tagré-
meut du chant, en rendant les sons plus sûr^, leur
effet plus doux, la modulation plus sensible, et por-
tant à Toreille un témoigna(]e de justesse qui la flatte.
Il y a même, par rapport aux voix, une forte raison
de les faire toujours accompagner de quelque instru-
ment, soit en partie, soit à Tunisson ; car quoique
plusieurs prétendent qu'en chantant la voix se mo-
difie naturellement selon les lois du tempérament
(Voyez Tempérament), cependant Texpérience nous
dit que les voix les plus justes et les mieux exercées
ont bien de la peine à se maintenir long-temps dans la
justesse du ton, quand rien ne les y soutient. A force
de chanter on monte ou Ton descend insensiblement;
et il est très rare qu'on se trouve exactement en finis-
sant dans le ton d'où l'on étoit parti. C'est pour em-
pêcher ces variations que l'harmonie d'un instrument
est employée; elle maintient la voix dans le même dia-
pason, ou l'y rappelle aussitôt quand elle s'égare. La
basse est de toutes les parties la plus propre à Y accom-
pagnement, celle qui soutient le mieux la voix, et satis-
fait le plus l'oreille , parcequ'il n'y en a point dont les
vibrations soient si fortes, si déterminantes, ni qui
laisse moins d'équivoque dans le jugement de l'har-
monie fondamentale.
Accompagner, v. a. et n. C'est en général jouer les
parties d'accompagnement dans l'exécution d'un mor»
ceau de musique; c'est plus particulièrement, sur un
instrument convenable , frapper avec chaque note de
la basse les accords qu elle doit porter, et qui s ap-
ACG 33
poUentraccompagnement. J'ai suffisamment expliqué
dans les précédents articles en quoi consiste cet ac-
compagnement. J'ajouterai seulement que ce mot
même avertit celui qui accompag?ie dans un concert qu il
n'est chargé que d'une partie accessoire , qu'il ne doit
s'attacher qu'à en faire valoir d'autres , que sitôt qu'il
a la moindre prétention pour lui-même , il gâte l'exé-
cution, et impatiente à-Ia-fois les concertants et les
auditeurs; plus il croit se faire admirer, plus il se
rend ridicule; et sitôt qu'à force de bruit ou d'ornements
déplacés il détourne à soi l'attention due à la partie
principale , tout ce qu il montre de talent et d exécu-
tion montre à-la-fois sa vanité et son mauvais goût.
Pour accompagner divec intelligence et avec applaudis-
sement , il ne faut songer qu'à soutenir et faire valoir
les parties essentielles , et c'est exécuter fort habile-
ment la sienne que d'en faire sentir l'effet sans la lais-
ser remarquer.
Accord, s. m. Union de deux ou plusieurs sons
rendus à-la-fois, et formant ensemble un tout har-
monique.
L'harmonie naturelle produite par la résonnance
d'un corps sonore est composée de trois sons diffé-
rents, sans compter leurs octaves, lesquels forment
entre eux Vaccord le plus agréable et le plus parfait
que l'on puisse entendre : d'où on l'appelle par excel-
lence , accord parfait. Ainsi pour rendre complet©
i'iiarmonie, il faut que chaque accord soit au moins
composé de trois sons. Aussi les musiciens trouvent-
ils dans le trio la perfection harmonique , soit parce-
qu'ils y emploient les accords en entier , soit parceque ,
xiv. . 3
34 ACC
dans les occasions où ils ne les emploient pas en en-
tier, ils ont Fart de donner le change à l'oreille, et de
lui persuader le contraire, en lui présentant les sons
principaux des accords de manière à lui faire oublier
les autres. (Voyez Tpjo.) Cependant Toctave du son
principal produisant de nouveaux rapports et de nou-
velles consonnances par les compléments des inter-
valles (voyez Complément), on ajoute ordinairement
cette octave pour avoir Fensemble de toutes les con-
sonnances dans un même accord. ( Voyez Conson-
NANCE.) De plus, Taddition de la dissonance (voyez
Dissonance ) produisant un quatrième son ajouté à
r<7ccorc/ parfait, c'est une nécessité, si Ton veut rem?
plir V accord y d'avoir une quatrième partie pour expri-
mer cette dissonance. Ainsi la suite des accords ne
peut être complète et liée qu'au moyen de quatre
parties.
On divise les accords en parfaits et imparfaits.
1^ accord parfait est celui dont nous venons de parler ,
lequel est composé du son fondamental au grave, de
sa tierce , de sa quinte , et de son octave : il se subdivise
en majeur ou mineur , selon l'espèce de sa tierce.
(Voyez Majeur, Mineur. ) Quelques auteurs donnent
aussi le nom de parfaits à tous les accords^ même dis-
sonants, dont le son fondamental est au grave. T.es
accords imparfaits sont ceux où régne la sixte au lieu
de la quinte, et en général tous ceux où le son grave
n'est pas le fondamental. Ces dénominations, qui
ont été données avant que l'on connût la basse fon-
damentale, sont fort mal appliquées : celles dUaccords'
ACG 35
directs ou renversés sont beaucoup plus convenables
dans le même sens. (Voyez Renversement.)
Les accords se divisent encore en consonnants et
dissonants. Les accords consonnants sont r<3!ccorc/ par-
fait et ses dérivés : tout autre accord est dissonant. Je
vais donner une table des uns et des autres selon le
système de M. Rameau. ^P
3.
36
ACC
'^-»/m^x/%/^ v-m/^'-v^/v ■v*./*^' ^
L. 't/^/VVA^/V 1
V%/»,-'V*^'V. VX..'V\/m>'V.-W/'V%^»/*r »>»/%.
TABLE
DE TOUS LES ACCORDS
I ^ECUS DANS l'harmonie.
ACCORDS FONDAMENTAUX.
ACCORD PARFAIT, ET SES DÉRIVÉS.
Le son fondamental Sa tierce au grave. Sa quinte au grave,
au grave.
H
-e-
-e-
-e-
-e-
^
-e-
-e-
Accord parfait. Accord de sixte. Accord de sixte-
quarte.
Cet accord constitue le ton , et ne se fait que sur la
tonique : sa tierce peut être majeure ou mineure, et
c'est elle qui constitue le mode.
ACCORD SENSIBLE OU DOMINANT, ET SES DÉRIVÉS.
Le son fondamental 'Sa tierce Sa quinte Sa septième
au grave. au grave. au grave. au grave.
0 rm
r^
o
â
-©-
â
-e-
â
O
:q:
SL
Q " " O
Accord sensible. De fausse- De petite- De triton,
quinte. sixte majeure.
Aucun des sons de cet accord ne pcut.s'alrérer.
AGG
37
ACCORD DE SEPTIÈME, ET SES DÉRIVÉS.
Le son fontlamen- Sa tierce
tal au îïrave. au "rave.
Sa quinte Sa septième
au fïrave.
â
au f;iave.
^
(b
jy
â
â
_o
T5
o_
o
Accord De grande- De petite-sixte De seconde.
de septième. sixte. mineure.
La tierce, la quinte, et la septième, peuvent s'altérer
dans cet accord.
ACCORD DE SEPTIÈME DIMINUÉE , ET SES DÉRIVÉS.
Le son fondamen- Sa tierce Sa quinte Sa septième
tal au grave. au grave. au gravt
au ffrave.
(^
4-6.
^fr
^-^
^-
s:
¥
"Kn.
e-
-o-
K
Accord de sepliè- De sixte majeu- De tierce mi- De seconde
me diminuée. re , et fausse- neure, et tri- superflue,
qiiinte. ton.
Aucun des sons de cet accord ne peut s'altérer.
ACCORD DE SIXTE AJOUTÉE, ET SES DÉRIVÉS.
Le son fondamen- Sa tierce Sa quinte Sa sixte
au grave. an grave. au grave.
tal au grave.
î
4
o_
¥
O
-e-
¥
-e-
u
¥
TT
Accord De petite-sixte De seconde
de sixte ajoutée. ajoutée. ajoutée.
De septième
ajoutée.
Je joins ici partout le mot ajoutée pour distiiifjuer
38 Acc
cet accord et ses renversés des productions sembla-
bles de Vaccord de septième.
Ce dernier renversement de septième ajoutée n'est
pas admis par M. Rameau, parceque ce renversement
forme un accord de septième, et que Yaccord de sep-
tième est fondamental. Cette raison paroîtpeu solide.
Il ne faudroit donc pas non plus admettre la grande
sixte comme un renversement, puisque, dans les
propres principes de M. Rameau, ce même accord est
souvent fondamental. Mais la pratique des plus grands
musiciens , et la sienne même , dément l'exclusion qu'il
voudroit établir.
ACCORD DE SIXTE SUPERFLUE.
. Cet accord ne se renverse point, et aucun de ses
sons ne peut s'altérer. Ce n'est proprement qu'un
accord de petite-sixte majeure, diésée par accident,
et dans lequel on substitue quelquefois la quinte à
la quarte,
ACG
39
ACCORDS PAR SUPPOSITIOX.
(Voyez Supposition. ) *
ACCORD DE NEUVIÈME, ET SES DÉRIVÉS.
Le son supposé Le son fonda- Sa tierce Sa septième
au grave. mental au au grave. au grave,
grave.
— 9
â
è
fc &•
s:
-e-
-G-
^
-e-
-y-
â
-e-
Accord De septième, De sixte-quarte, De septième,
de neuvième. et sixte. et quinte. et seconde.
C'est un accord de septième auquel on ajoute un
cinquième son à la tierce au-dessous du fondamental.
On retranche ordinairement la septième , c'est-à-
dire la quinte du son fondamental, qui est ici la note
marquée en noir; dans cet état V accord de neuvième
peut se renverser en retranchant encore de l'accom-
pagnement l'octave de la note qu'on porte à la basse.
ACCORD DE QUINTE SUPERFLUE.
à
9-
Ç
-O-
C'est Y accord sensible d'un ton mineur au-dessoii«i
duquel on fait entendre la médiante : ainsi c'est un
véritable accord de neuvième; mais il ne se renvers»^
point, à cause delà quarte diminuée que donneroit
4o ACC
avec la note sensible le son supposé porté à l'aigu, la-
quelle quarte est un intervalle banni de l'harmonie.
Af:coRD d'onzième, ou quarte.
Le son supposé Id. en retran- Le son fonda- Sa septième
au grave. chant deux sons, mental au au grave.
grave.
^ ._ O ._ O
0 o
t
_o
-e-
-e-
SL
o
ï:
¥
o
Accord de neu-
vièwie et quarte.
^5
Accord De septième De seconde
de quarte, et quarte. et quinte.
C'est un accord de septième au-dessous duquel on
ajoute un cinquième son à la quinte du fondamental.
On ne frappe guère cet accord plein à cause de sa du-
reté ; on en retranche ordinairement la neuvième et
h. septième , et, pour le renverser , ce retranchement
est indispensable.
ACCORD DE SEPTIÈME SUPERFLUE.
-G—
k
-e-
C'est Vaccord dominant sous lequel la basse fait la
tonique.
ACC
4«
ACCORD Di: SEPTIExME SUPERFLUE , ET SIXTE MINEURE.
-Or-
e-
-*^
-&-
C'est VaccoTd de septième diminuée sur la note sen-
sible, sous lequel la basse fait la tonique.
Ces deux derniers accordas ne se renversent point ,
parceque la note sensible et la tonique s'entendroient
ensemble dans les parties supérieures ; ce qui ne peut
se tolérer.
Quoique tous les accords soient pleins et complets
dans cette table, comme il le falloitpour montrerions
leurs éléments, ce n'est pas à dire quil faille les em-
ployer tels • on ne le peut pas toujours et on le doit
très rarement. Quant aux sons qui doivent être pré-
férés selon la place et Tusage des accords^ c'est dans
ce choix exquis et nécessaire que consiste le plus
grand art du compositeur. (Voyez Composition, Mé-
lodie , Effet , Expression , etc. ) .
FIN de la table des ACCORDS^
42 ACC
Nous parlerons, aux mots Harmonie, Basse-fonda-
mentale, Composition, etc. , de la manière d'employer
tous ces accords pour en former une harmonie ré-
gulière. J'ajouterai seulement ici les observations
suivantes.
I. C'est une grande erreur de penser que le choix
des renversements d'un même accord soit indifférent
pour l'harmonie ou pour l'expression. Il n'y a pas un
de ces renversements qui n'ait son caractère propre.
Tout le monde sent l'opposition qui se trouve entre
la douceur de la fausse-quinte et l'aigreur du triton ;
et cependant l'un de ces intervalles est renversé de
l'autre. 11 en est de même de la septième diminuée
et de la seconde superflue , de la seconde ordinaire et
de la septième. Qui ne sait combien la quinte est plus
sonore que la quarte? \J accord àe grande-sixte et celui
d'e petite-sixte mineure sont deux faces du même
accord fondamental , mais de combien l'une n'est-elle
pas plus harmonieuse que l'autre ! lu accord de petite-
sixte majeure, au contraire, n'est-il pas plus brillant
que celui de fausse-quinte? Et, pour ne parler que
du plus simple de tous les accords , considérez la ma-
jesté de \ accord parfait , la douceur de Y accord de sixte ,
et la fadeur de celui de sixte-quarte, tous cependant
composés des mêmes sons. En général les intervalles
superflus, les dièses dans le haut, sont propres par
leur dureté à exprimer l'emportement , la colère , et
les passions aiguës : au contraire les bémols à l'aigu,
et les intervalles diminués, forment une harmonie
plaintive qui attendrit le cœur. C'est une multitude
d'observations semblables qui , lorsqu'un habile mu-
ACC 4')
sicicn sait s'en provaloir, le rendent maître des affec-
tions de ceux qui Fécoutent.
II. Le choix des intervalles simples nest guère
moins important que celui des accords pour la place
où Ton doit les employer. C'est, par exemple, dans
le bas qu'il faut placer les quintes et les octaves par
préférence , dans le haut les tierces et les sixtes.
Transposez cet ordre, vous gâterez l'harmonie en
laissant les mêmes accords.
III. Enfin, Ton rend les accords plus harmonieux
encore en les rapprochant par de petits intervalles
plus convenables que les grands à la capacité de
Toreille. C'est ce qu'on appelle resserrer Iharmonie, et
que si peu de musiciens savent pratiquer. Les bornes
du diapason des voix sont une raison de plus pour
resserrer les chœurs. On peut assurer qu'un chœur Q%t
mal fait lorsque les accords divergent, lorsque les par-
ties crient, sortent de leur diapason, et sont si éloi-
gnées les unes des autres qu elles semblent n'avoir plus
dé rapport entre elles.
On appelle encore accord l'état d'un instrument
dont les sons fixes sont entre eux dans toute la jus-
tesse qu ils doivent avoir. On dit en ce sens qu'un in-
strument est d'accord y qu'il n'est pas di! accord ^ qu'il
garde ou ne garde pas son accord. La même expression
s'emploie pour deux voix qui chantent ensemble ,
pour deux sons qui se font efntendre à-la-fois, soit à
l'unisson, soit en contre-partie.
Accord dissonant. Faux accord. Accord faux, sont
autant de différentes choses qu'il ne faut pas confon-
dre. Accord dissonant est celui qui contient quelque
4-i ACC
dissonance; Accord faux ^ celui dont les sons sont mal.
accordés et ne gardent pas entre eux la jutesse des
intervalles ; faux accord, celui qui choque Foreilie ,
parcequ'il est mal composé , et que les sons, quoique
justes, n'y forment pas un tout harmonique.
Accorder des instruments, c'est tendre ou lâcher
les cordes, alonger ou raccourcir les tuyaux, aug-
menter ou diminuer la masse du corps sonore, jus-
(\\\k ce que toutes les parties de l'instrument soient
au ton qu elles doivent avoir.
Pour accorder un instrument, il faut d'abord fixer
un son qui serve aux autres de terme de comparaison.
C est ce qu'on appelle prendre ou donner le ^ton.
(Voyez Ton. ) Ce son est ordinairement \ut pour l'or-
gue et le clavecin, le la pour le violon et la basse, qui
ont ce la sur une corde à vide et dans un médium pro-
pre à être aisément saisi par l'oreille.
A l'égard des flûtes, hautbois, bassons, et autres
instruments à vent, ils ont leur ton à peu près fixé,
qu'on ne peut guère changer qu'en changeant quel-
que pièce de l'instrument. On peut encore les alon-
ger un peu à l'emboîture des pièces, ce qui baisse le
ton de quelque chose; mais il doit nécessairement
résulter des tons faux de ces variations , parceque la
juste proportion est rompue entre la longueur totale
de l'instrument et les distances d'un trou à l'autre.
Quand le ton est déterminé , on y fait rapporter j
tous les autres sons de l'instrument, lesquels doivent 1
être fixés par Faccord selon les intervalles qui leur "
conviennent. L'orgue et le clavecin ^'accordent par
quintes jusqu'à ce que la partition soit faite, et par
ACC /p
octaves pour le reste du clavier : la basse et le violon ,
par quintes; la viole et la guitare, par quartes et par
tierces, etc. En général on choisit toujours des inter-
valles consonnants et harmonieux , afin que l'oreille
en saisisse plus aisément la justesse.
Cette justesse des intervalles ne peut, dans la pra-
tique, s'observer à toute rigueur, et pour qu'ils puis-
sent tous s accorde?' entre eux , il faut que chacun en
particulier souffre quelque altération. Chaque espèce
d'instrument a pour cela ses régies particulières et sa
méthode d'accorder. (Voyez Tempérament.)
On observe que les instruments dont on tire le son
par inspiration, comme la flûte et le hautbois, mon-
tent insensiblement quand on a joué quelque temps;
ce qui vient, selon quelques uns, de l'humidité qui,
sortant de la bouche avec l'air, les renfle et les rac-
courcit; ou plutôt, suivant la doctrine de M. Euler,
c'est que la chaleur et la réfraction que l'air reçoit
pendant l'inspiration rendent ses vibrations plus fré-
quentes, diminuent son poids, et, augmentant ainsi
le poids relatif de Talmosphère, rendent le son un peu
plus aigu.
Quoi qu'il en soit de la cause, il faut, en accordant^
avoir égard à l'effet prochain, et forcer un peu le vent
quand on donne ou reçoit le ton sur ces instruments;
car , pour reste^r d'accord durant le concert , ils doivent
être un peu trop bas en commençant.
Accordeur, s. m. On appelle accordeurs d'orgue ou
de clavecin ceux qui vont dans les églises ou dans les
maisons accommoder et accorder ces instruments, et
qui, pour l'ordinaire , en sont aussi les facteurs.
46 ACT
Acoustique, 5. /. Doctrine ou théorie des sons.
(Voy. Son.) Ce mot est de l'invention de M. Sauveur,
t>t vient du grec à/oûw, j'entends.
Uacoustique est proprement la partie théorique de
la musique ; c'est elle qui donne ou doit donner les
raisons du.plaisir que nous font Tharmonie et le chant,
qui détermine les rapports des intervalles harmoni-
ques, qui découvre les affections ou propriétés des
cordes vibrantes, etc. (Voyez Cordes , Harmonie.)
Acoustique est aussi quelquefois adjectif: on dit
l'organe acoustique^ un phénomène acoustique ^ etc.
Acte, s. m. Partie d'un opéra séparée d'une autre
dans la représentation par un espace appelé entr acte.
(Voyez Entracte.)
L'unité de temps et de lieu doit être aussi rigou-
reusement observée dans un acte d'opéra que dans
utie tragédie entière du genre ordinaire, et même
plus à certains égards, car le poète ne doit point
donner à un acte d'opéra une durée hypothétique
plus longue que celle qu'il a réellement, parcequ'on ne
peut supposer que ce qui se passe sous nos yeux dure
plus long-temps que nous ne le voyons durer en effet;
mais il dépend du musicien de précipiter ou ralentir
l'action jusqu'à un certain point, pour augmenter la
vraisemblance ou l'intérêt ; liberté qui l'oblige à bien
étudier la gradation des passions théâtrales, le temps
qu'il faut pour les développer, celui où le progrès
est au plus haut point , et celui oii il convient de s'ar-
rêter pour prévenir l inattention, la langueur, l'épuise-
1 lient du spectateur. Il n'est pas non plus permis de
changer de décoration et de faire sauter le théâtre d'un
ACT 4?
lieu à un autre au milieu d'un acte^ même dans le
genre merveilleux, parcequ'un pareil saut choque
la raison , la vérité , la vraisemblance , et détruit
Tillusion, que la première loi du théâtre est de favo-
riser en tput. Quand donc Faction est interrompue par
de tels changements, le musicien ne peut savoir ni
comment il les doit marquer, ni ce qu il doit faire de
son orchestre pendant qu ils durent, à moins d'y re-
présenter le même chaos qui régne alors sur la scène.
Quelquefois le premier acte d'un opéra ne tient
point à l'action principale et ne lui sert que d'intro-
duction : alors il s'appelle prologue. ( Voyez ce mot. )
Comme le prologue ne fait pas partie de la pièce, on
ne le compte point dans le nombre des actes qu'elle
contient, et qui est souvent de cinq dans les opéra
françois , mais toujours de trois dans les italiens.
(Voyez Opéra.)
Acte de cadence est un mouvement dans une des
parties , et surtout dans la basse, qui oblige toutes les
autres parties à concourir à former une cadence ou à
l'éviter expressément. (Voy. Cadence, Éviter.)
Acteur, s. m. Chanteur qui fait un rôle dans la re-
présentation d'un opéra. Outre toutes les qualités qui
doivent lul^être communes Sivec l'acteur dramatique,
il doit en avoir beaucoup de particulières pour réussir
dans son art. Ainsi il ne suffit pas qu'il ait un bel or-
gane pour la parole, s'il ne l'a tout aussi beau pour le
chant ; car il n'y a pas une telle liaison entre la voix
parlante et la voix chantante , que la beauté de l'une
suppose toujours celle de l'autre. Si l'on pardonne à
un acteur le défaut de quelque qualité qu'il a pu se
48 ACT
flatter d'acquérir , on ne peut lui pardonner d'oser se
destiner au théâtre, destitué des qualités naturelles
qui y sont nécessaires, telles entre autres que la voix
dans un chanteur. Mais par ce mot voix^ j'entends
moins la force du timbre que l'étendue, la justesse,
et la flexibilité. Je pense qu'un théâtre dont l'objet est
d'émouvoir le cœur par les chants doit être interdit
à ces voix dures et bruyantes qui ne font qu'étourdir
les oreilles; et que, quelque peu de voix que puisse
avoir un acteur , s'il l'a juste, touchante, facile, et
suffisamment étendue, il en a tout autant qu'il faut :
il saura toujours bien se faire entendre s'il sait se
faire écouter.
Avec une voix convenable, V acteur doit l'avoir cul-
tivée par l'art ; et quand sa voix n'en auroit pas besoin ,
il en auroit besoin lui-même pour saisir et rendre
avec intelligence la partie musicale de ses rôles. Rien
n'est plus insupportable et plus dégoûtant que de voir
un héros, dans les transports des passions les plus
vives, contraint et gêné dans son rôle, peiner, et
s'assujettir en écolier qui répète mal sa leçon; mon-
trer, au lieu des combats de Famour et de la vertu,
ceux d'un mauvais chanteur avec la mesure et l'or-
chestre, et plus incertain sur le ton que tur le parti
qu'il doit prendre. Il n'y a ni chaleur ni grâce sans
facilité , et ï acteur dont le rôle lui coûte ne le rendra
jamais bien.
Il rie suffit pas à Yacteur d'opéra d'être un excellent
chanteur, s'il n'est encore un excellent pantomime;
car il ne doit pas seulement faire sentir ce qu'il dit lui-
même, mais aussi ce qu'il laisse dire à la symphonie.
ADA 49
L orchestre ne rend pas un sentiment qui ne doive
sortir de son ame; &es pas, ses regards, son geste,
tout doit s'accorder sans cesse avec la musique, sans
pourtant qu'il paroisse y songer ; il doit intéresser
toujours, même en gardant le silence, et quoique oc-
cupé d'un rôle difficile , s'il laisse un instant oublier
le personnage pour s'occuper du chanteur, ce n'est
qu un musicien sur la scène, il n'est plus acteur. Tel
excella dans les autres parties, qui s'est fait siffler
pour avoir négligé celle-ci. Il n'y a point d^ acteur à qui
l'on ne puisse à cet égard donner le célèbre Citasse
pour modèle. Cet excellent pantomime, en mettant
toujours son art au-dessus de lui et s'efforçant tou-
jours d'y exceller, s'est ainsi mis lui-même fort au-
dessus de ses confrères : acteur unique et homme
estimable, il laissera l'admiration et le regret de ses
talents aux amateurs de son théâtre, et un souvenir
honorable de sa personne à tous les honnêtes gens.
Adagio, adv. Ce mot écrit à la tête d'un air désigne
le second, du lent au vite, des cinq principaux degrés
de mouvement distingués dans la musique italienne.
(Voyez Mouvement.) Adagio est un adverbe italien,
qui signifie à l'aise , posément, et c'est aussi de cette
manière qu'il faut battre la mesure des airs auxquels
il s'applique.
Le mot adagio si|i prend quelquefois substantive-
ment, et s'applique par métaphore aux morceaux de
musique dont il détermine le mouvement : il en est de
même des autres mots semblables. Ainsi l'on dira, un
adagio de Tartini , un andante de S.-Martino , un
allegro de Locatelli , etc.
XI v. 4
JO AJO
Affettuoso, adj. pris adverbialement. Ce mot écrit à
la tête d'un air indique un mouvement moyen entre
Vandante et \ adagio, et dans le caractère du chant une
expression affectueuse et douce. .
Agogé. Conduite. Une des subdivisions de Tan-
oienne mélopée , laquelle donne les régies de la mar-
che du chant par degrés alternativement conjoints ou
disjoints , soit en montant , soit en descendant. ( Voyez
Mélopée. )
Martianus Gapella donne , après Aristide Quinti-
lien , au mot agogé , un autre sens que j'expose au mot
Tirade.
Agréments du chant. On appelle ainsi dans la mu-
sique françoise certains tours de gosier et autres or-
nements affectés aux notes qui sont dans telle ou telle
position, selon les régies prescrites par le goût du
chant. ( Voyez Goût du chant. )
Les principaux de ces agréments sont TAccent , le
Coulé , le Flatté , le Martellement , la Cadence
PLEINE , la Cadence brisée , et le Port-de-voix. ( Voyez
ces articles chacun en son lieu , et la Planche B ^fig. 1 3 . )
Aigu, adj. Se dit d'un son perçant ou élevé par rap-
port à quelque autre son. ( Voyez Son. )
En ce sens le mot aigu est opposé au mot grave. Plus
les vibrations du corps sonore sont fréquentes , plus le
son est aigu. ^
Les sons considérés sous les rapports d'aigus et de
graves 3ontle sujet de riiarmonie. ( Voyez Harmonie .
Accord. )
Ajoutée, ou acquise ^ ou surnuméraire^ adj. pris sub-
.^tantivement. C'étoit dans la musique grecque la corde
AIR 5l
OU le son qu'ils appeloient ProslambanOxMenos. ( Voyez
ce mot. )
Sixte ajoutée est une sixte qu'on ajoute à Taccord
parfait, et de laquelle cet accord ainsi augmenté prend
le nom. ( Voyez Accord et Sixte. )
Air. Chant qu'on adapte aux paroles d'une chanson
ou d'une petite pièce de poésie propre à être chantée,
et par extension l'on appelle air la chanson même.
Dans les opéra l'on donne le nom d'airs à tous les
chants mesurés, pour les distinguer du récitatif , et
généralement on appelle air tout morceau complet de
musique vocale ou instrumentale formant un chant ,
soit que ce morceau fasse lui seul une pièce entière ,
soit qu'on puisse le détacher du tout dont il fait partie,
et l'exécuter séparément.
Si le sujet ou le chant est partagé en deux parties ,
l'air s'appelle duo; si en trois , t7-io, etc.
Saumaise croit que ce mot vient du latin œra;et
Burette est de son sentiment, quoique Ménage le com-
batte dans ses étymologies de la langue françoise.
Les Romains avoient leurs signes pour le rhythme
ainsi que les Grecs avoient les leurs, et ces signes, ti-
rés aussi de leurs caractères , se nommoient non seu-
lement 72 umerw^ , mais encore œt^a, c'est-à-dire nombre,
ou la marque du nombre : numeri nota, dit Nonnius
Marcellus. C'est en ce sens que le mot œra se trouve
employé dans ce vers de Lucile :
Haec est ratio ? Perversa aéra ! Summa subclucta improbè !
Et Sextus Rufus s'en est servi de même.
Or, quoique ce mot ne se prît originairement que
pour le nombre ou la mesure du chant , dans la suite
4.
52 AIR
on en fit le même usage qu'on avoit fait du mot nume-
rw5, et l'on se servit du mot œra pour désigner le chant
même; d'où est venu , selon les deux auteurs cités , le
mot François air^ et l'italien aria pris dans le même
sens.
Les Grecs avoient plusieurs sortes à' airs qu'ils appe-
loient nomes ou chansons. ( Voyez Chanson. ) Les no-
mes avoient chacun leur caractère et leur usage , et
plusieurs étoient propres à quelque instrument parti-
culier, à peu près comme ce que nous appelons au-
jourd'hui pièces ou sonates.
La musique moderne a diverses espèces ^airs qui
conviennent chacune à quelque espèce de danse dont
ces airs portent le nom. ( Voyez Menuet , Gavotte ,
Musette, Passe-pied, etc. )
Les airs de nos opéra sont , pour ainsi dire , la toile
ou le fond sur quoi se peignent les tableaux de la mu-
sique imitative; la mélodie est le dessin; l'harmonie
est le coloris; tous les objets pittoresques de la belle
nature , tous les sentiments réfléchis du cœur humain
sont les modèles que l'artiste imite ; l'attention , l'inté-
rêt , le charme de l'oreille, et l'émotion du cœur, sont
la fin de ces imitations. ( Voyez Imitation. ) Un «fi/* sa-
vant et agréable, un air trouvé par le génie et com-
posé par le goût, est le chef-d'œuvre delà musique ;
c'est là que se développe une belle voix, que brille une
belle symphonie; c'est là que la passion vient insensi-
blement émouvoir lame par le sens. Après un bel air
on est satisfait, l'oreille ne désire plus rien; il reste
dans l'imagination , on l'emporte avec soi , on le répète
à volonté* sans pouvoir en rendre une seule note , on
i
AIR 53
l'exécute clans son cerveau tel quon 1 entendit au
spectacle; on voit la scène, Tacteur, le théâtre; on
entend Taccompagnement, Tapplaudissement; le vé-
ritable amateur ne perd jamais les beaux airs qu'il
entendit en sa vie ; il fait recommencer l'opéra quand
il veut.
Les paroles des airs ne vont point toujours de suite,
ne se débitent point comme celles du récitatif; quoi-
que assez courtes pour l'ordinaire, elles se coupent ,
se répètent, se transposent au gré du compositeur :
elles ne font pas une narration qui passe ; elles pei-
gnent ou un tableau qu'il faut voir sous divers points
de vue, ou un sentiment dans lequel le cœur se com-
plaît, duquel il ne peut, pour ainsi dire, se détacher,
et les différentes phrases de Vair ne sont qu'autant de
manières d'envisager la même image. Voilà pourquoi
le sujet doit être un. C'est par ces répétitions bien en-
tendues , c'est par ces coups redoublés qu'une expres-
sion qui d'abord n'a pu vous émouvoir , vous ébranle
.enfin, vous agite, vous transporte hors de vous; et
c'est encore par le même principe que les roulades
qui , dans les airs pathétiques , paroissent si déplacées,
ne le sont pourtant pas toujours : le cœur, pressé
d un sentiment très vif, l'exprime souvent par des
sons inarticulés plus vivement que par des paroles.
( Voyez Neume. )
La forme des airs est de deux espèces. Les petits
airs sont ordinairement composés de deux reprises
qu'on chante chacune deux fois ; mais les grands
airs d'opéra sont le plus souvent en rondeau. ( Voyez
Rondeau. )
54 ALL
Al segno. Ces mots écrits à la fin d'un air en ron-
deau, marquent qu il faut reprendre la première par-
lie , non tout-à-fait au commencement , mais à l'en-
droit où est marqué le renvoi.
Alla brève. Terme italien qui marque une sorte de
mesure à deux temps fort vite , et qui se note pourtant
avec une ronde ou semi-brève par temps. Elle n'est
plus guère d'usage qu'en Italie, et seulement dans la
musique d'église. Elle répond assez à ce qu'on appe-
loit en France du gros-fa.
Alla zoppa. Terme italien qui annonce un mouve-
ment contraint et syncopant entre deux temps sans
syncoper entre deux mesures; ce qui donne aux notes
une marche inégale et comme boiteuse. C'est un aver-
tissement que cette même marche continue ainsi jus-
qu'à la fin de l'air.
Allegro, adj. pris adverbialement. Ce mot italien ,
écrit à la tète d'un air , indique, du vite au lent, le se-
cond des cinq principaux degrés de mouvement dis-
tingués dans la musique italienne, ^//e^ro signifierai";
et c'est aussi l'indication d'un mouvement gai, le plus
vif de tous après \e presto. Mais il ne faut pas croire
pour cela que ce mouvement ne soit propre qu'à des
sujets gais : il s'applique souvent à des transports de
fureur , d'emportement et de désespoir , qui n'ont rien
moins que de la gaieté. ( Voyez MouvtiMent. )
Le diminutif allegretto indique une gaieté plus mo-
dérée, un peu moins de vivacité dans la mesure.
Allemande, s.f. Sorte d'air ou de pièce de musique
dont la mesure est à quatre temps et se bat grare-
ment. Il paroît par son nom que ce caractère d'air
ANA ' 5i?
nous est venu d'Allemagne, quoiqu'il n'y soit point
connu du tout. V allemande en sonate est partout vieil-
lie, et à peine les musiciens s'en servent-ils aujour-
d'hui : ceux qui s'en servent encore lui donnent un
mouvement plus gai.
Allemande est aussi Tair d'une danse fort com-
mune en Suisse et en Allemagne. Cet air, ainsi que la
danse , a beaucoup de gaieté ; il se bat à deux temps.
Altus. ( Voyez Haute-Contre. )
Amateur. Celui qui , sans être musicien de profes-
sion , fait sa partie dans un concert pour son plaisir
et par amour pour la musique.
On appelle encore amateurs ceux qui , sans savoir
la musique ou du moins sans l'exercer, s'y connois-
sent, ou prétendent s'y connoitre, et fréquentent les
concerts.
Ce mot est traduit de l'italien dilettante.
Ambitus , 5. m. Nom qu'on donnoit autrefois à
l'étendue de chaque ton ou mode du grave à l'aigu ;
car quoique l'étendue d'un mode fût en quelque ma-
nière fixée à deux octaves , il y avoit des modes irré-
guliers dont Y ambitus excédoit cette étendue , et d'au-
tres imparfaits où il n'y arrivoit pas.
Dans le plain-chant, ce mot est encore usité ; mais
Y ambitus des modes parfaits n'y est que d'une octave :
ceux qui la passent s'appellent modes superflus ; ceux
qui n'y arrivent pas, modes diminués. (Voyez Modes,
Tons de l'églîse. )
Amoroso. ( Voyez Tendrement. )
Anacamptos. Terme de la musique grecque, qui
signifie une suite de notes rétrogrades , on procédau»
56 A]NT
de Taigu au grave ; c'est le contraire de Veuthia. Une
des parties de l'ancienne mélopée portoit aussi le nom
à'anacamptosa. (Voyez Mélopée.)
Andante, adj. pris substantivement. Ce mot, écrit à
la tête d'un air, désigne, du lent au vite, le troisième
des cinq principaux degrés de mouvement distingués
dans la musique italienne, u^ndante est le participe
du verbe italien andare, aller. Il caractérise un mou-
vement marqué sans être gai , et qui répond à peu
près à celui qu'on désigne en françois par le mot gra-
cieusement. (Voyez Mouvement.)
Le diminutif andantïno indique un peu moins de
gaieté dans la mesure ; ce qu'il faut bien remarquer,
le diminutif larghetto signifiant tout le contraire.
(Voyez Largo. )
Anonner, V. n. C'est déchiffrer avec peine et en hé-
sitant la musique qu'on a sous les yeux.
Antienne, 5. y. En Isiûn antiphona. Sorte de chant
usité dans l'Église catholique.
Les antiennes ont été ainsi nommées , parceque
dans leur origine on les chantoit à deux chœurs qui
se répondoient alternativement, et l'on comprenoit
sous ce titre les psaumes et les hymnes que l'on chan-
toit dans l'église. Ignace, disciple des apôtres, a été,
selon Socrate, l'auteur de cette manière de chanter
parmi les Grecs; et Ambroise l'a introduite dans
l'Eglise latine. Théodoret en attribue l'invention à
Diodore et à Flavien.
Aujourd'hui la signification de ce terme est res-
treinte à ceitains passages courts tirés de l'Écriture ,
qui conviennent à la fête qu'on célèbre, et qui. pré-
AI'O 57
cédant les psaumes et les cantiques 3 en règlent l'in-
tonation.
L'on a aussi conservé le nom d'antiennes à quel-
ques hymnes qu'on chante en l'honneur de la Vierge,
telles que Regina cœli, Salve regina, etc.
Antiphonie , s. f. Nom que donnoient les Grecs à
cette espèce de symphonie qui s'exécutoit par diverses
voix , ou par divers instruments à l'octave ou à la dou-
ble octave , par opposition à celle qui s'exécutoit au
simple unisson , et qu'ils appeloient homophonie.
{ Voyez Symphonie , Homophonie. )
Ce mot vient d'à-m, contre; et de ^wvyj , voix, comme
qui diroit , opposition de voix.
Antiphonier ou Antiphonaire , s. m. Livre qui con-
tient en notes les antiennes et autres chants dont on
use dans l'Eglise catholique.
Apopthetus. Sorte de nome propre aux flûtes dans
l'ancienne musique des Grecs.
x^poTOME, s. m. Ce qui reste d'un ton majeur après
qu'on en a retranché un litutna, qui est un intervalle
moindre d'un comma que le semi-ton majeur. Par
conséquent Vapotome est d'un comma plus grand que
le semi-ton moyen. ( Voyez Comma , Semi-Ton. )
Les Grecs qui n'ignoroient pas que le ton majeur
ne peut, par des divisions rationnelles, se partager
en deux parties égales , le partageoient inégalement
de plusieurs manières. (Voyez Intervalle.)
De l'une de ces divisions, inventée par Pythagore,
ou plutôt par Philolaûs son disciple, résultoit le dièse
ou limma d'un côté, et de l'autre rrt/>ofowe, dont la
raison est de 2048 à 2187.
0C> API*
La génération de cet apotome se trouve a la sep-
tième quinte ut dièse en commençant par ut naturel ;
car la quantité, dont cet ut dièse surpasse Yut naturel
îe plus rapproché , est précisément le rapport que je
viens de marquer.
Les anciens donnoient encore le même nom à d'au-
tres intervalles; ils appeloient apotome majeur un petit
intervalle, que M. Rameau appelle quart de ton en-
harmonique, lequel est formé de deux sons, en raison
de 125 à 128.
Eiilsstppeioient apotome mineur Tintervalle de deux
sons, en raison de 2025 à 2048, intervalle encore
moins sensible à Foreille que le précédent.
Jean de Mûris et ses contemporains donnent par-
tout le nom d' apotome au semi-ton mineur, et celui de
dièse au semi-ton majeur.
Appréciable, adj. Les sons appréciables sont ceux
dont on peut trouver ou sentir Funisson et calculer
les intervalles. M. Euler donne un espace de huit oc-
taves depuis le son le plus aigu jusqu'au son le plus
^rave appréciables à notre oreille ; mais ces sons ex-
trêmes n'étant guère agréables , on ne passe pas com-
munément dans la pratique les bornes de cinq oc-
taves, telles que les donne le clavier à ravalement. Il
y a aussi un degré de force au-delà duquel le son ne
peut plus s'apprécier. On ne sauroit apprécier le son
d'une grosse cloche dans le clocher même; il faut en
diminuer la force en s'éloignant, pour le distinguer.
De même les sons d'une voix qui crie cessent d'être
appréciables; c'est pourquoi ceux qui chantent fort
sont sujets à chanter faux. A l'égard du bruit , il ne
ARi :)<>
s apprécie jamais , et c'est ce qui fait sa différence
davec le son. (Voyez Bruit et Son.)
Apycni , adj. plu?'. ï^es anciens appeloient ainsi dans
les genres épais trois des huit sons stables de leur
système ou diagramme , lesquels ne touchoient d'au-
cun côté les intervalles serrés , savoir : la proslamba-
noméne, la néte synnéménon, et la néte byperbolébn.
Ils appeloient aussi apycnos ou non épais, le genre
diatonique, parceque dans les tétracordes de ce genre
la somme des deux premiers intervalles étoit plus
grande que le troisième. (Voyez Epais, Genre, Son,
Tétracorde.)
Arbitrio. (Voyez Cadeïïza.)
Arco , archet , s. ni. Ces mots italiens con larco ,
marquent qu'après avoir pincé les cordes il faut re-
prendre \ archet à l'endroit où ils sont écrits.
Ariette, s.f. Ce diminutif, venu de Fitalien, signi-
fie proprement petit air; mais le sens de ce mot est
changé en France, et Ton y donne le nom Mariette à
de grands morceaux de musique d'un mouvement
pour l'ordinaire assez gai et marqué, qui se chantent
avec des accompagnements de symphonie , et qui sont
communément en rondeau. (Voyez Air, Rondeau. )
Arioso, adj. pris adverbialement. Ce mot italien , à la
tète d'un air, indique une manière de chant , sou-
tenue, développée , et affectée aux grands airs.
Aristoxéniens. Secte qui eii^ pour chef Aristoxène
de Tarente, disciple d'Aristote, et qui étoit opposée
aux pythagoriciens sur la mesure des intervalles et
sur Ta manière de déterminer les rapports des sons ;
de sorte que les aristoxéniens s'en rapportoiènt uni-
6o ARP
quement au jugement de Toreille , et les pythagori-
ciens à la précision du calcul. .(Voyez Pythago-
riciens. )
Armer la clef. C'est y mettre le nombre de dièses
ou de bémols convenables au ton et au mode dans le-
quel on veut écrire de la musique. (Voyez Bémol,
Clef, Dièse.)
. Arpéger , v. n. C'est faire une suite d'arpèges.
( Voyez r article suivant. )
Arpeggio, Arpège ou Arpégement, s. m. Manière de j
faire entendre successivement et rapidement les divers I
sons d'un accord , au lieu de les frapper tous à-la-fois. - ^
Il y a des instruments sur lesquels on ne peut for-
mer un accord plein qu'en arpégeant; tels sont le
violon, le violoncelle, la viole, et tous ceux dont on
joue avec Farchet; car la convexité du chevalet em-
pêche que l'archet ne puisse appuyer à-la-fois sur
toutes les cordes. Pour former donc des accords sur
ces instruments , on est contraint d'arpéger , et comme
on ne peut tirer qu'autant de sons qu'il y a de cordes ,
Xarpège du violoncelle ou du violon ne sauroit être
composé de plus de quatre sons. Il faut pour arpéger
que les doigts soient arrangés chacun sur sa corde ,
et que Xarpège se tire d'un seul et grand coup d'archet
qui commence fortement sur la plus grosse corde, et
vienne finir en tournant et adoucissant sur la chante^
relie. Si les doigts ne s'arrangeoient sur les cordes que
successivement , ou qu'on donnât plusieurs coups
d'archet, ce ne seroit plus arpéger, ce seroit passer
très vite plusieurs notes de suite.
Ce qu'on fait sur le violon par nécessité , on le pra-
ARS 6l
tique par goût sur le clavecin. Comme on ne peut
tirer de cet instrument que des sons qui ne tiennent
pas , on est obligé de les refrapper sur des notes de
longue durée. Pour faire durer un accord plus long-
temps, on le frappe en arpégeant, commençant par
les sons bas , et observant que les doigts qui ont frappé
les premiers ne quittent point leurs touclies que tout
\ arpège ne soit achevé, afin que Ton puisse entendre
à-la-fois tous les sons de Taccord. (Voyez AccoiMpa-
GNEMENT. )
Arpeggio est un mot italien qu'on a francisé dans
celui ô^ arpège. Il vient du mot arpa , à cause que c'est
du jeu de la harpe qu'on a tiré l'idée de Varpègement.
Arsis et Thésis. Termes de musique et de prosodie.
Ces deux mots sont grecs. Arsis vient du verbe atp..
tollo , j'élève , et marque l'élévation de la voix ou de la
main; l'abaissement qui suit cette élévation est ce
qu'on appelle 2^£(7iç, depositiç, remissio.
Par rapport donc à la mesure , per arsin signifie
en levant^ ou durant le premier temps; per thesin, en
baissant y ou durant le dernier temps. Sur quoi l'on doit
observer que notre manière de marquer la mesure
est contraire à celle des anciens ; car nous frappons le
premier temps et levons le dernier. Pour ôter toute
équivoque, on peut dire (j^xi arsis indique le temps fort
et thesis le temps foib le. (Voyez Mesure, Temps, Bat-
tre LA Mesure. )
Par rapport à la voix , on dit qu'un chant , un con-
tre-point, une fugue, sont per thesin^ quand les notes
montent du grave à l'aigu ; per arsin , quand elles des-
cendent de l aigu au grave. Fugue per arsin et thesin ,
62 - A(JT
est celle qu on appelle aujourd'hui fugue renversée
ou contre-fugue, dans laquelle la réponse se fait en
sens contraire, c'est-à-dire en descendant si la guide
a monté, et en montant si la guide a descendu.
(Voyez Fugue.)
AssAi. Adverbe augmentatif qu'on trouve assez
souvent joint au mot qui indique le mouvement d'un
air. Ainsi presto assai^ largo assai signifient ^or^ vite,
fort lent. L'abbé Brossard a fait sur ce mot une de ses
bévues ordinaires, en substituant à son vrai et unique
sens celui d'wwe sage médiocrité de lenteur ou de vitesse.
il a cru çux assai signifioit assez. Sur quoi Ton doit ad-
mirer la singulière idée qu'a eue cet auteur de préfé-
rer, pour son vocabulaire, à sa langue maternelle,
une langue étrangère qu'il n'entendoit pas.
Aubade, s.f. Concert de nuit en plein air sous les
fenêtres de quelqu'un. (Voyez Sérénade.)
Authentique ou Authente, adj. Quand l'octave se
irouve divisée harmoniquement, comme dans cette
[troportion 6, 4? 3? c'est-à-dire quand la quinte est au
grave, et la quarte à l'aigu, le mode ou le ton s'ap-
pelle authentique ou authente \ à la différence du ton
j)lagal , où l'octave est divisée arithméliquement ,
comme dans cette proportion 4? 3, 2; ce qui met la
quarte au grave et la quinte à l'aigu.
A cette explication adoptée par tous les auteurs,
mais qui ne dit rien , j'ajouterai la suivante; le lecteur
pourra choisir.
Quand la finale d'un chant en est aussi la tonique,
et que le chant ne descend pas jusqu'à la dominante
au-dessous, le ton s'appelle authentique; mais si \e
BAL G3
chant descend OU finit à la dominante, le ton est plagaL
Je prends ici ces mots de tonicjue et de dominante dans
l'acception musicale.
Ces différences d'authenteet deplagalne s'observent
plus que dans le plain-chant ; et, soit qu'on place la
finale au bas du diapason, ce qui rend le ton au-
thentique, soit qu'on la place au milieu, ce qui le rend
plagal, pourvu qu'au surplus la modulation soit ré-
gulière, la musique moderne admet tous les chants
comme authentiques également en quelque lieu du
diapason que puisse tomber la finale. ( Voyez Mode. )
Il y a dans les huit tons de l'Eglise romaine quatre
tons authentiques , savoir, le premier, le troisième, le
cinquième, et le septième. (Voy. Ton de l'Église.)
On appel oit autrefois fugue authentique celle dont le
sujet procédoit en montant, mais cette dénomination
n'est plus d'usage.
B.
B fa 51 , ou Bfa b mi , ou simplement B. Nom du
septième son de la gamme de TArétin , pour lequel
les Italiens et les autres peuples de l'Europe répètent
le B , disant B mi quand il est naturel, Bfa quand il est
bémol; mais les François l'appellent 5?. (Voy. Sl)
B mol. (Voyez Bémol.)
B quarre. ( Voyez Béquarre. )
Ballet, s. m. Action théâtrale qui se représente par
ia danse guidée par la musique. Ce mot vient du vieux
françois baller^ danser, chanter, se réjouir.
La musique d'un ballet doit avoir encore plus df
64 BAL
cadence et d'accent que la musique vocale, parcc-
qu'elle est chargée de signifier plus de choses, que
c'est à elle seule d'inspirer au danseur la chaleur et
l'expression que le chanteur peut tirer des paroles , et
qu'il faut de plus qu'elle supplée, dans le langage de
l'ame et des passions, tout ce que la danse ne peut
dire aux yeux du spectateur.
Ballet est encore le nom qu'on donne en France à
une bizarre sorte d'opéra, où la danse n'est guère
mieux placée qu« dans les autres , et n'y fait pas un
meilleur effet. Dans la plupart de ces ballets les actes
forment autant de sujets différents, liés seulement
entre eux par quelques rapports généraux étrangers
à l'action, et que le spectateur n'apeix:evroit jamais
si l'auteur n'avoit soin de l'en avertir dans le pro-
logue.
Ces ballets contiennent d'autres ballets qu'on appelle
autrement divertissements ou fêtes. Ce sont des suites
de danses qui se succèdent sans sujet ni liaison entre
elles, ni avec l'action principale, et où les meilleurs
danseurs ne savent vous dire autre chose sinon qu'ils
dansent bien. Cette ordonnance, peu théâtrale, suffit
5)0ur un bal où chaque acteur a rempli son objet lors-
qu'il s est amusé lui-même, et où l'intérêt que le spec-
tateur prend aux personnes le dispense d'en donner à
Ja chose; mais ce défaut de sujet et de liaison ne doit
jamais être souffert sur la scène, pas même dans la
représentation dun bal, où le tout doit être lié par
quelque action secrète qui soutienne l'attention et
donne de l'intérêt au spectateur. Cette adresse d'au-
tour n'est pas sans exemple , même ù l'Opéra françois,
BAL bt)
et Ton en peut voir un très agréable dans les Fêtes
vénitiennes , acte du bal.
En général, toute danse qui ne peint rien qu'elle-
même, et tout ballet qui n'est qu'un bal, doivent être
bannis du théâtre lyriquejïln effet Faction de la scène
est toujours la représentation d'une autre action, et
ce qu'on y voit n'est que l'image de ce qu'on y sup-
pose; de sorte que ce ne doit jamais être un tel ou un
tel danseur qui se présente à vous , mais le person-
nage dont il est revêtu. Ainsi, quoique la danse de
société puisse ne rien représenter quelle-même, la
danse théâtrale doit nécessairement être l'imitation de
quelque autre chose, de même que l'acteur chantant
représente un homme qui parle , et la décoration
d'autres lieux que ceux qu'elle occupe.
La pire sorte de ballets est celle qui roule sur des
sujets allégoriques , et où par conséquent il n'y a
qu'imitation d'imitation. Tout l'art de ces sortes de
drames consiste à présenter sous des images sensibles
des rapports purement intellectuels, et à faire penser
au spectateur tout autre chose que ce qu'il voit, comme
si, loin de l'attacher à la scène, c'étoit un mérite de
l'en éloigner. Ce genre exige d'ailleurs tant de subtilité
dans le dialogue, que le musicien se trouve dans un
pays perdu parmi les pointes, les allusions et les épi-
grammes, tandis que le spectateur ne s'oublie pas un
moment: comme qu'on fasse, il n'y aura jamais que
le sentiment qui puisse amener celui-ci sur la scène et
l'identifier pour ainsi dire avec les acteurs ; tout ce qui
n'est qu'intellectuel l'arrache à la pièce et le rend à
lui-même. Aussi voit-on que les peuples qui veulent et
XIV, 5
66 BAll
mettent le plus d'esprit au théâtre sont ceux qui se
soucient le moins de Tillusion. Que fera donc le musi-
cien sur des drames qui ne donnent aucune prise à
son art? Si la musique ne peint que des sentiments ou
des images, comment reii^ra-t-elle des idées pure-
ment métaphysiques, telles que les allégories, où
Tesprit est sans cesse occupé du rapport des objets
qu on lui présente avec ceux qu'on veut lui rappeler?
Quand les compositeurs voudront réfléchir sur les
vrais principes de leur art, ils mettront, avec plus de
discernement dans le choix des drames dont ils se
chargent, plus de vérité dans l'expression de leurs
sujets; et quand les paroles des opéra diront quelque
chose , la musique apprendra bientôt à parler.
Barbare, adj. Mode barbare. (Voyez Lydien.)
Barcarolles, 5. f. Sorte de chansons en langue
vénitienne que chantent les gondoliers à Venise. Quoi-
que les airs des barcarolles soient faits pour le peuple,
et souvent composés par les gondoliers mêmes, ils
ont tant de mélodie et un accent si agréable qu'il n'y
a pas de musicien dans toute l'Italie qui ne se pique
d'en savoir et d'en chanter. L'entrée gratuite qu'ont
les gondoliers à tous les théâtres les met à portée de
se former sans frais l'oreille et le goût, de sorte qu'ils
composent et chantent leurs airs en gens qui, sans
ignorer les finesses de la musique, ne veulent point
^Itérer le genre simple et naturel de leurs barcarolles.
Les paroles de ces chansons sont communément plus
que naturelles, comme les conversations de ceux qui
les chantent; mais ceux à qui les peintures fidèles des
mœurs du peuple peuvent plaire, et qui aiment d'ail-
BAR 67
leurs le dialecte vénitien, s'en passionnent facile-
ment, séduits par la beauté des airs; de sorte que
plusieurs curieux en ont de très amples recueils.
N'oublions pas de remarquer, à la gloire du Tasse,
que la plupart des gondoliers savent par cœur une
grande partie de son poème de la Jérusalem délivrée,
que plusieurs le savent tout entier, qu'ils passent les
nuits d'été sur leurs barques à le chanter alternative-
ment d'une barque à l'autre, que c'est assurément une
belle barcarolle que le poème du Tasse, qu'Homère
seul eut avant lui l'honneur d'être ainsi chanté, et
que nul autre poème épique n'en a eu depuis un
pareil.
Bardes. Sorte d'hommes très singuliers, et très
respectés jadis dans les Gaules, lesquels étoient à-la-
fois prêtres, prophètes, poètes, et musiciens.
Bochard fait dériver ce nom de parât, chanter; et
Camden convient avec Festus que barde signifie un
chanteur, en celtique bard.
Baripycni, adj. Les anciens appeloient ainsi cinq
des huit sons ou cordes stables de leur système ou
diagramme ; savoir, l'hypaté-hypaton , l'hypaté-mé-
son, la mjèse, la paramèse, et la nété-diézeu^ménon.
( Voyez Pycni , Son , Tétracorde. )
Baryton. Sorte de voix entre la taille et la basse.
( Voyez Concordant. )
Baroque. Une musique baroque est celle dont l'har-
monie est confuse , chargée de modulations et disso-
nances, le chant dur et peu naturel, l'intonation diffi-
cile , et le mouvement contraint,
5.
68 BAR
Il y a bien Je Tapparence que ce terme vient du
baroco des logiciens.
Barré. C ba?Té, sorte de mesure. (Voyez C. )
Barres. Traits tirés perpendiculairement à la fin de
chaque mesure, sur les cinq lignes de la portée, pour
séparer la mesure qui finit de celle qui recommence.
Ainsi les notes contenues entre deux barres forment
toujours une mesure complète, égale en valeur et en
durée à chacune des autres mesures comprises entre
deux autres bandes , tant que le mouvement ne change
pas; mais comme il y a plusieurs sortes de mesures
qui diffèrent considérablement en durée, les mêmes
différences se trouvent dans les valeurs contenues
entre deux barres de chacune de ces espèces de me-
sures. Ainsi, dans le grand triple, qui se marque par ce
signe r, et qui se bat lentement, la somme des notes
comprises entre deux barres doit faire une ronde et
demie; et dans le petit triple j, qui se bat vite, les
deux barres n'enferment que trois croches ou leur
valeur; de sorte que huit fois la valeur contenue
entre deux barres de cette dernière mesure ne font
qu'une fois la valeur contenue entre deux barres de
lautre.* ©
Le principal usage des barres est de distinguer les
mesures et d'en indiquer \q frappé, lequel se fait tou-
jours sur la note qui suit immédiatement la barre.
Elles servent aussi dans les partitions à montrer les
mesures correspondantes dans chaque portée. (Voyez
Partition. )
Il n'y a pas plus de cent ans qu'on s'est avisé de
tirer des barres , de mesure en mesure. Auparavant la
BAS 69
musique étoit simple; on n'y voyoit guère que dos
rondes, des blanches et des noires, peu de croches ,
presque jamais de doubles croches. Avec des divisions
moins inégales , la mesure en étoit plus aisée à sui-
vre. Cependant j'ai vu nos meilleurs musiciens embar-
rassés à bien exécuter l'ancienne musique d'Orlande
etdeClaudin. Ilsseperdoient dans la mesure faute des
barres auxquelles ils étoient accoutumés-, et ne sui-
voient qu'avec peine des parties chantées autrefois
couramment par les musiciens de Henri III et de
Charles IX.
Bas, en musique, signifie la même chose que grave,
et ce terme est opposé à haut ou aigu. On dit ainsi que
le ton est trop bas, qu'on chante trop bas , qu il faut
renforcer les sons dans le bas. Bas signifie aussi quel-
quefois doucement, à demi-voix; et en ce sens il est
opposé dfort. On dit parler bas, chanter ou psalmodier
à basse-voix : il chantoit ou parloit si bas qu'on avoit
peine à l'entendre.
Coulez si lentement, et murmui-ez si bas,
Qu'Issé ne vous entende pas.
LiV Motte.
Bas se dit encore dans la subdivision des dessus
chantants, de celui des deux qui est au-dessous de
1 autre; ou , pour mieux dire, ^a^-dessus est un des-
sus dont le diapason est au-dessous du médium ordi-
naire. ( Voyez Dessus. )
Basse. Celle de quatre parties de la musique qui est
au-dessous des autres , la plus basse de toutes ; d'où
lui vient le nom de basse. ( Voyez Partition. )
no BAS
La basse est la plus importante des parties , c'est sur
elle que s'établit le corps de rharmonie; aussi est-ce
une maxime chez les musiciens que, quand la basse
est bonne , rarement Tharmonie est mauvaise.
Il y a plusieurs sortes de basses. Basse -fondamen-
tale, dont nous ferons *un article ci-après.
B as se- continue , ainsi appelée parcequ'elle dure pen-
dant toute la pièce; son principal usage, outre celui
de régler l'harmonie , est de soutenir la voix et de con-
server le ton. On prétend que c'est un Ludovico
Viana , dont il en reste un traité , qui , vers le com-
mencement du dernier siècle , la mit le premier en
usage.
Basse-figurée, qui , au lieu d'une seule note , en par-
tage la valeur en plusieurs autres notes sous un même
accord. ( Voyez Harmonie-figurée. ) *
Basse - contrainte , dont le sujet ou le chant, borné
à un petit nombre de mesures , comme quatre ou
huit , recommence sans cesse , tandis que les parties
supérieures poursuivent leur chant et leur harmonie ,
et les varient de différentes manières. Cette basse ap-
partient originairement aux couplets de la chaconne ;
mais on ne s y asservit plus aujourd'hui. La basse-con-
trainte descendant diatoniquement ou chromatique-
ment et avec lenteur de la tonique ou de la dominante
dans les tons mineurs , est admirable pour les mor-
ceaux pathétiques. Ces retours fréquents et périodi-
ques affectent insensiblement lame , et la disposent à
la langueur et à la tristesse. On en voit des exemples
dans plusieurs scènes des opéia françois. Mais si ces
basses font un bon effet à l'oreille , il en est rarement
BAS 71
de même des chants qu'on leur adapte , et qui ne sont
pour l'ordinaire quun véritable accompagnement.
Outre les modulations dures et mal amenées qu'on y
évite avec peine, ces chants, retournés de mille ma-
nières , et cependant monotones , produisent des ren-
versements peu harmonieux, et sont eux-mêmes assez
peu chantants, en sorte que le dessus s'y ressent
beaucoup de la contrainte de la basse.
Basse-chaiitante j est l'espèce de voix qui chante la
partie de la basse. Il y a des basses-récitantes et des bas-
ses-de-chœur ; des concordants ou basses-tailles qui tien-
nent le milieu entre la taille et la basse; des basses pro-
prement dites, que l'usage fait encore appeler basses-
tailles, et enfin des basses- contre, les plus graves de
toutes les voix, qui chantent \3.*basse sous la basse
même , et qu'il ne faut pas confondre avec les contre-
basses, qui sont des instruments.
Basse-fondamentale , est celle qui n'est formée que
des sons fondamentaux de l'harmonie ; de sorte qu'au-
dessous de chaque accord elle fait entendre le vrai
son fondamental de cet accord, c'est-à-dire celui du-
quel il dérive par les régies de l'harmonie. Par où l'on
voit que la basse-fondamentale ne peut avoir d'autre
contexture que celle d'une succession régulière et
fondamentale, sans quoi la marche des parties supé-
rieures seroit mauvaise.
Pour bien entendre ceci , il faut savoir que , selon le
système de M. Fiameau, que j'ai suivi dans cet ou-
vrage, tout accord , quoique formé de plusieurs sons ,
n'en a qu'un qui lui soit fondamental, savoir, celui
qui a produit cet accord et qui lui sert de basse dans
72 BAS
l'ordre direct et naturel. Or, la basse qui régne sous
toutes les autres parties n'exprime pas toujours les
sons fondamentaux des accords : car entre tous les
sons qui forment un accord , le compositeur peut
porter à la basse celui qu'il croit préférable, eu égard
à la marche de cette basse , au beau chant , et surtout
à l'expression, comme je l'expliquerai dans la suite.
Alors le vrai son fondamental , au lieu d'être à aa place
naturelle, quiestla basse, setransporte dans les autres
parties, ou même ne s'exprime point du tout ; un tel
accord s'appelle accord renversé. Dans le fond , un ac-
cord renversé ne diffère point de l'accord direct qui
l'a produit, car ce sont toujours les mêmes sons; mais
ces sons formant des combinaisons différentes , on a
long-temps pris toutes ces combinaisons pour autant
d'accords fondamentaux , et on leur a donné diffé-
rents noms qu'on peut voir au mot A'ccord , et qui ont
achevé de les distinguer, comme si la différence des
noms en produisoit réellement dans l'espèce.
M. Rameau a montré dans son Trattéde IHarmoniey
et M. d'Alembert, dans ses Eléments de Musique, a fait
voir encore plus clairement , que plusieurs de ces
prétendus accords n'étoient que des renversements
d'un seul. Ainsi l'accord de sixte n'est qu'un accord
parfait dont la tierce est transportée à la basse ; en y
portant la quinte, on aura l'accord de sixte-quarte.
Voilà donc trois combinaisons d'un accord qui n'a que
trois sons : ceux qui en ont quatre sont susceptibles
de quatre combinaisons , chaque son pouvant être
porté à la basse. Mais en portant au-dessous de celle-ci
une autre basse, qui, sous toutes les combinaisons
BAS 73
d'un même accord présente toujom\s le son fonda-
mental , il est évident qu'on réduit au tiers le nombre
des accords consonnants , et au quart le nombre des
dissonants. Ajoutez à cela tous les accords par suppo-
sition , qui se réduisent encore aux mêmes fondamen-
taux, vous trouverez Fharmonie simplifiée à un point
qu'on n'eût jamais espéré dans l'état de confusion oii
étoient ses ré^jles avant M. Rameau. C'est certaine-
ment, comme l'observe cet auteur, une chose éton-
nante qu'on ait pu pousser la pratique de cet art au
point où elle est parvenue sans en connoître le fonde-
ment , et qu'on ait exactement trouvé toutes les règles ,
sans avoir découvert le principe qui les donne.
Après avoir dit ce qu'est la basse-fondamentale sous
les accords, parlons maintenant de sa marche et de la
manière dont elle lie ces accords entre eux. Les pré-
ceptes de l'art sur ce point peuvent se réduire aux six
régies suivantes.
I. La basse-fondamentale ne doit jamais sonner
d'autres notes que celles de la gamme du ton on l'on
est , ou de celui où Ton veut passer : c'est la première
et la plus indispensable de toutes ces régies.
IL Par la seconde, sa marche doit être tellement
soumise aux lois de la modulation, qu'elle ne laisse
jamais perdre l'idée d'un ton qu'en prenant celle
d'un autre; c'est-à-dire que la basse-fondamentale ne
doit jamais être errante ni laisser oublier un moment
dans quel ton l'on est.
IIL Par la troisième, elle est assujettie à la liaison
des accords et à la préparation des dissonances; pré-
paration qui n'est, comme je le ferai voir, qu'un des
-^' BAS
74
cas de la liaison, et qui par conséquent n'est jamais
nécessaire quand la liaison peut exister sans elle.
( Voyez Liaison, Préparer. )
IV. Par la quatrième, elle doit, après toute disso-
nance , suivre le progrès qui lui est prescrit par la né-
cessité de la sauver. ( Voyez Sauver. )
V. Parla cinquième, qui n'est qu'une suite des pré-
cédentes, la basse-fondamentale ne doit marcher que
par intervalles consonnants , si ce n'est seulement dans
un acte de cadence rompue , ou après un accord de
septième diminuée qu'elle monte diatoniquement :
toute autre marche de la basse - fondamentale est
mauvaise.
VI. Enfin , par la sixième , la basse-fondamentale ou
Iharmonie ne doit pas syncoper, mais marquer la me-
sure et les temps par des changements d'accords bien
cadencés; en sorte , par exemple, que les dissonances
qui doivent être préparées, le soient sur le temps foi-
ble , mais surtout que tous les repos se trouvent sur
le temps fort. Cette sixième régie souffre une infinité
d'exceptions ; mais le compositeur doit pourtant y
songer , s'il veut faire une musique où le mouvement
soit bien marqué , et dont la mesure tombe avec
grâce.
Partout où ces régies seront observées l'harmonie
sera régulière et sans faute ; ce qui n'empêchera pas
que la musique n'en puisse être détestable. ( Voyez
Composition. )
Un mot d'éclaircissement sur la cinquième régie ne
sera peut-être pas inutile. Qu'on retourne comme on
voudra une b asse -fondamentale ^ si elle est bien faite,
BAS 75
on n'y trouvera jamais que ces deux choses, ou des
accords parfaits sur des mouvements consonnants ,
sans lesquels ces accords n'auroient point de liaison ,
ou des accords dissonants dans des actes de cadence ;
en tout autre cas la dissonance ne sauroit être ni bien
placée, ni bien sauvée.
Il suit de là que la basse-fondamentale ne peut mar-
cher régulièrement que d'une de ces trois manières :
i« monter ou descendre de tierce ou de sixte; 2° de
quarte ou de quinte; 3*^ monter diatoniquement au
moyen de la dissonance qui forme la liaison , ou par
licence sur un accord parfait. Quant à la descente dia-.
tonique, c'est une marche absolument interdite à la
basse-fondamentale^ ou tout au plus tolérée dans le cas
de deux accords parfaits consécutifs, séparés par un
repos exprimé ou sous-entendu : cette règle n'a point
d'autre exception , et c'est pour n'avoir pas démêlé le
vrai fondement de certains passages, que M. Rameau
a fait descendre diatoniquement la basse- fondamentale
sous des accords de septième; ce qui ne se peut en
bonne harmonie. ( Voyez Cadence, Dissonance. )
La basse -fondamentale ^ qu'on n'ajoute que pour
servir de preuve à l'harmonie, se retranche dans
l'exécution, et souvent elle y feroit un fort mauvais
effet; car elle est, comme dit très bien M. Rameau,
pour le jugement et non pour l'oreille. Elle produi-
roit tout au moins une monotonie très ennuyeuse par
les retours fréquents du même accord , qu'on déguise
et qu'on varie plus agréablement en le combinant en
différentes manières sur la liasse- continue ; sans
compter que les divers renversements d'harmonie
76 BAS
fournissent mille moyens de prêter de nouvelles
beautés au chant, et une nouvelle énergie à l'expres-
sion. (Voyez Accord, Renversement.)
Si la basse-fondamentale ne sert pas à composer de
bonne musique, me dira-t-on, si même on doit la re-
trancher dans Texécution, à quoi donc est-elle utile?
Je réponds qu en premier lieu elle sert de régie aux
écoliers, pour apprendre à former une harmonie ré-
gulière, et à donner à toutes les parties la marche
diatonique et élémentaire qui leur est prescrite par
cette basse-fondamentale ; elle sert de plus, comme je
Tai déjà dit , à prouver si une harmonie déjà faite est
bonne et régulière; car toute harmonie qui ne peut être
soumise aune basse-fondamentale, est régulièrement
mauvaise : elle sert enfin à trouver une basse-con-
tinue sous un chant donné; quoiqu'à la vérité celui
qui ne saura pas faire directement une basse-con-
tinue , ne fera guère mieux une basse-fondamentale ^ et
bien moins encore saura-t-il transformer cette basse-
fondamentale en une bonne basse-continue. Voici tou-
tefois les principales régies que donne M. Rameau
pour ti^oiw gy\c\ basse fondamentale A' \u\ chant donné.
I. S'assurer du ton et du mode par lesquels on
commence, et de tous ceux par où 1 on passe. Il y a
aussi des régies pour cette recherche des tons , mais
si longues , si vagues , si incomplètes , que Toreille est
formée à cet égard long-temps avant que les régies
soient apprises , et que le stupide qui voudra tenter
de les employer n'y gagnera que l'habitude d'aller
toujours note à note,.-jsans jamais savoir où il est.
. II. Essayer successivement sous chaque note les
BAS ^y
cordes principales du ton , commençant par les plus
analogues , et passant jusqu'aux plus éloignées , lors-
que l'on s'y voit forcé.
III. Considérer si la corde choisie peut cadrer avec
le dessus, dans ce qui précède et dans ce qui suit,
par une bonne succession fondamentale, et quand
cela ne se peut, revenir sur ses pas.
IV. Ne changer la note de basse-fondamentale que
lorsqu'on a épuisé toutes les notes consécutives du
dessus qui peuvent entrer dans son accord , ou que
quelque note syncopant dans le chant peut recevoir
deux ou plusieurs notes de basse , pour préparer des
dissonances sauvées ensuite régulièrement.
V. Étudier l'entrelacement des phrases, les suc-
cessions possibles de cadences , soit pleines , soit
évitées , et surtout les repos , qui viennent ordinaire-
ment de quatre en quatre mesures ou de deux en
deux, afin de les faire tomber toujours sur les ca-
dences parfaites ou irrégulières.
VI. Enfin observer toutes les régies données ci-de-
vant pour la composition de la basse -fondamentale.
Voilà les principales observations à faire pour en
trouver une sous un chant donné ; car il y en
a quelquefois plusieurs de trouvables : mais , quoi
qu'on en puisse dire , si le chant a de l'accent et du
caractère, il n'y a qu'une bonne basse-fondamentale
qu'on lui puisse adapter.
Après avoir exposé sommairement la manière de
composer une basse-fondamentale , il resteroit à don-
ner les moyens de la transformer en basse-continue;
et cela seroit facile s'il ne falloit regarder qu'à la
78 BAT
marche diatonique et au beau chant de cette basse :
mais ne croyons pas que la basse, qui est le guide et
le soutien de Tharmonie, Famé, et, pour ainsi dire,
Finterpréte du chant, se borne à des régies si simples ;
il y en a d'autres qui naissent d'un principe plus
sûr et plus radical , principe fécond , mais caché ,
qui a été senti par tous les artistes de génie, sans
avoir été développé par personne. Je pense en avoir
jeté le germe dans ma Lettre sur la Musique Françoise.
J'en ai dit assez pour ceux qui m'entendent; je n'en
dirois jamais assez pour les autres. (Voyez toutefois
Unité de mélodie.)
Je ne parle point ici du système ingénieux de
M. Serre de Genève, ni de sa double basse-fondamen-
tale, parceque les principes qu'il avoit entrevus avec
une sagacité digne d'éloges ont été depuis développés
par M. Tartini dans un ouvrage dont je rendrai compte
avant la Fin de celui-ci. (Voyez Système.)
Bâtard, nothus. C'est Fépithéte donnée par quel-
ques uns au mode hypophrygien, qui a sa finale en
si, et conséquemment sa quinte Fausse , ce qui le re-
tranche des modes authentiques ; et au mode éolien ,
dont la finale est en fa , et la quarte superflue , ce qui
l'ôte du nombre des modes plagaux.
Bâton. Sorte de barre épaisse qui traverse perpen-
diculairement une ou plusieurs lignes de la portée, et
qui, selon le nombre des lignes qu'il embrasse, ex-
prime une plus grande ou moindre quantité de me-
sures qu'on doit passer en silence.
Anciennement il y avoit autant de sortes de bâtons
que de différentes valeurs de notes, depuis la ronde,
BAT 79
qui vaut une mesure, jusqu'à la maxime, qui en va-
loit huit , et dont la durée en silence s'évaluoit par un
bâton qui , partant d'une ligne , traversoit trois espaces
et alloit joindre la quatrième ligne.
Aujourd'hui le plus grand bâton est de quatre me-
sures; ce bâton ^ partant d'une ligne, traverse la sui-
vante etva joindre la troisième. {Planche A. ^figure 12.)
On le répète une fois , deux fois , autant de fois qu'il
faut pour exprimer huit mesures, ou douze, ou tout
autre multiple de quatre, et l'on ajoute ordinairement
au-dessus un chiffre qui dispense de calculer la valeur
de tous ces bâtons. Ainsi les signes couverts du chif-
fre 1 6 dans la même figure 1 2 indiquent un silence
de seize mesures. Je ne vois pas trop à quoi bon ce
double signe d'une même chose. Aussi les Italiens, à
qui une plus grande pratique de la musique suggère
toujours les premiers moyens d'en abréger les signes ,
commencent-ils à supprimer les bâtons^ auxquels ils
substituent le chiffre qui marque le nombre de me-
sures à compter. Mais une attention qu'il faut avoir
alors est de ne pas confondre ces chiffres dans la por-
tée avec d'autres chiffres semblables qui peuvent mar-
quer l'espèce de la mesure employée. Ainsi, dans la
figure 1 3 , il faut bien distinguer le signe du trois temps
d'avec le nombre des pauses à compter, de peur qu'au
lieu de 3 1 mesures ou pauses, on n'en comptât 33 1 .
Le plus petit bâton est de deux mesures , et traver-
sant un seul espace , il s'étend seulement d'une hgne
à sa voisine. [Même planche ^ figure 12.)
Les autres moindres silences, comme d'une me-
sure, d'une demi-mesure, d'un temps, d'un demi-
8o BAT
temps, etc., s'expriment par les mots de pause, de
demi-pause, de soupir, de detni-soupir, etc. (Voyez ces
mots.) Il est aisé de comprendre quen combinant
tous ces signes, on peut exprimer à volonté des
silences d'une durée quelconque.
Il ne faut pas confondre avec les bâtons des silences
d'autres bâtons précisément de même figure, qui, sous
le nom de pauses initiales, servoient dans nos anciennes
musiques à annoncer le mode, c'est-à-dire la mesure,
et dont nous parlerons au mot Mode.
Bâton de mesure, est un bâton fort court, ou même
un rouleau de papier dont le maître de musique se
sert dans un concert pour régler le mouvement et
marquer la mesure et le temps. (Voyez Battre la
mesure. )
A l'Opéra de Paris il n'est pas question d'un rou-
leau de papier , mais d'un bon gros bâton de bois bien
dur dont le maître frappe avec force pour être entendu
de loin.
Battement, s. m. Agrément du chant françois, qui
consiste à élever et à battre un trille sur une note
qu'on a commencée uniment. Il y a cette différence de
la cadence au battement , que la cadence commence
par la note supérieure à celle sur laquelle elle est mar-
quée, après quoi l'on bat alternativement cette note
supérieure et la véritable : au lieu que le battement
commence par le son même de la note qui le porte ;
après quoi l'on bat alternativement cette note et celle
qui est au-dessus. Ainsi ces coups de gosier, mire mi
re mi re ut ut sont une cadence; et ceux-ci, re mi re mi
re mire ut re mi, sont un battement.
BAT 8l
Battements au pluriel. Lorsque deux sons forts et
sout^ius, comme ceux de l'orgue, sont mal d'accord
et dissonent entre eux à l'approche d'un intervalle
consonnant^ ils forment, par secousses plus ou moins
fréquentes, des renflements de son qui font à peu près
à l'oreille Teffet des battements du pouls au toucher,
c'est pourquoi M. Sauveur leur a aussi donné le nom
de battements. Ces battements deviennent d'autant plus
fréquents que l'intervalle approche plus de la jus-
tesse; et lorsqu'il y parvient, ils se confondent avec
les vibrations du scfh.
. M. Serre prétend , dans ses Essais sur les principes de
riiarmonie^ que ces battements produits par la concur-
rence de deux sons ne sont qu'une apparence acousti-
que, occasionée par les vibrations coïncidentes de ces
deux sons : ces battements , selon lui, n'ont pas moins
lieu lorsque fintervalle est consonnant ; mais la rapi-
dité avec laquelle ils se confondent alors ne permettant
pointa l'oreille de les distinguer, il en dpit résulter,
non la cessation absolue de ces battements, mais une
apparence de son grave et continu, une espèce de
foible bourdon , tel précisément que celui qui résulte
dans les expériences citées par M. Serre , et depuis
détaillées par M. Tartini, du concours de deux sons
aigus et consonnants. ( On peut voir au mot Système
que des dissonances les donnent aussi. ) « Ce qu'il y a
<t de bien certain, continue M. Serre, c'est que ces bat-
« tements, ces vibrations coïncidentes qui se suivent
« avec plus ou moins de rapidité , sont exactement iso-
« chrones aux vibrations que feroit réellement le son
XIV. • 6
82 BAT
« fondamental, si, par le moyen d'un troisième corps
« sonore, on le faisoit actuellement résonner. » •
Cette explication très spécieuse n'est peut-être pas
sans difficulté ; car le rapport de deux sons n'est
jamais plus composé que quand il approche de la sim-
plicitéquien fait une consonnance, et jamais les vibra-
tions ne doivent coïncider plus rarement que quand
elles touchent presque à lisochronisme. D'où il sui-
vroit, ce me semble, que les battements devroient se
ralentir à mesure qu'ils s'accélèrent, puis se réunir
tout d'un coup à l'instant que l'acfcord est juste.
L'observation des battements est une bonne régie
à consulter sur le meilleur système de tempérament.
(Voyez Tempérament.) Car il est clair que de tous les
tempéraments possibles celui qui laisse le moins de
battements dans l'orgue est celui que l'oreille et la na-
ture préfèrent. Or c'est une expérience constante et
reconnue de tous les facteurs, que les altérations des
tierces majçjires produisent des battements plus sensi-
bles et plusxlésagréables qu«e celles des quintes. Ainsi
la nature elle-même a choisi.
Batterie, s, f. Manière de frapper et répéter suc-
cessivenient sur diverses cordes d'un instrument les
divers sons qui composent un accord, et de passer
ainsi d'accord en accord par un même mouvement de
notes. La batterie n'est qu'un arpège continué, mais
dont toutes les notes sont détachées au lieu d être
liées comme dans 1 arpège.
Batteur de mesure. Celui qui bat la mesure dans
un conc<3rt. (Voyez larticle suivant.) •
Battre la mesure. C'est en marquer les temps par
BAT 83
des mouvements de la main ou du pied , qui en règlent
la durée, et par lesquels toutes les mesures sembla-
bles sont rendues parfaitement égales en valeur chro-
nique, ou en temps dans l'exécution.
Il y a des mesures qui ne se battent qu'à un temps ,
d'autres à deux, à trois ou à quatre; ce qui est le plus
grand nombre de temps marqués que puisse renfermer
une mesure; encore une mesure à quatre temps peut-
elle tonjours se résoudre en deux mesures à deux
temps. Dans toutes ces différentes mesures le temps
frappé est toujours sur la note qui suit la barre immé-
diatement; le temps levé est toujours celui qui la pré-
cède, à moins que la mesure ne soit à un seul temps;
et même alors il faut toujours supposer le temps
foible, puisqu'on ne sauroit frapper sans avoir levé.
Le degré de lenteur ou de vitesse qu'on donne à
la mesure dépend de plusieurs choses : i/^ de la va-
leur des notes qui composent la mesure. On voit bien
qu'une mesure qui contient une ronde doit se battre
plus posément et durer davantage que celle qui ne
contient qu'une noire; i^ du mouvement indiqué par
le mot françois ou italien qu'on trouve ordinairement
à la tête de l'air, gai, vite, lent, etc.; tous ces mots
indiquent autant de modifications dans le mouvement
d'une même sorte de mesure; 3° eafin du caractère
de l'air même, qui, s'il est bien fait, en fera néces-
sairement sentir le vrai mouvement.
Les musiciens françois ne battent pas la ??ieçM7^e
comme les italiens. Ceux-ci ^ dans la mesure à quatre
temps, frappent successivement les deux premiers
temps, et lèvent les deux autres; ils frappent aussi les
fi.
84 «AT
deux premiers dans la mesure à trois temps, et lèvent
rie troisième. T<es François ne frappent jamais que le
premier temps, et marquent les autres par différents
mouvements de la main à droite et à gauche. Cepen-
dant la musique françoise auroit beaucoup plus besoi n
que Titalienne d'une mesure bien marquée; car elle
ne porte point sa évidence en elle-même; ses mouve-
ments n'ont aucune précision naturelle ; on presse, on
ralentit la mesure au gré du chanteur. Combien les
oreilles ne sont-elles pas choquées à l'Opéra de Paris
du bruit désagréable et continuel que fait avec son
bâton celui qui bat la mesure, et que le Petit Prophète
compare plaisamment à un bûcheron qui coupe du
bois! Mais c'est un mal inévitable : sans ce bruit on ne
pourroit sentir la mesure; la musique par elle-même
ne la marque pas : aussi les étrangers n'aperçoivent-ils
point le mouvement de nos airs. Si l'on y fait atten-
tion, l'on trouvera que c'est ici l'une des différences
spécifiques de la musique françoise à l'italienne. En
Italie la mesure est lame de la musique; c'est la
mesure bien sentie qui lui donne cet accent qui la rend
si charmante; c'est la mesure aussi qui gouverne le
musicien dans l'exécution. En France, au contraire,
c'est le musicien qui gouverne la mesure ; il Ténerve
et la défigure sdns scrupule. Que dis-je? le bon goût
même consiste à ne la pas laisser sentir; précaution
dont au reste elle n'a pas grand besoin. L'Opéra de
Paris est le seul théâtre de l'Europe où l'on batte la
mesure sans la suivre, partout ailleurs on la suit sans
la battre.
Tl régne là-dessus une erreur populaire qu'un peu
BAT 85
de réflexion détruit aisément. On s'imagine qu'un
auditeur ne bat par instinct la mesure d'un air qu'il
entend que parcequll la sent vivement; et c'est, au
contraire, parcequ elle n'est pas assez sensible ou
qu'il ne la sent pas assez, qu'il tâche, à force de mou-
vements des mains et des pieds, de suppléer ce qui
manque en ce paint à son oreille. Pour peu qij'une
musique donne prise à la cadence, on voit la plupart
des François qui lécoutent faire mille contorsions et
un bruit terrible, pour aider la mesure à marcher ou
leur oreille à la sentir. Substituez des Italiens ou des
Allemands, vous n'entendrez pas le moindre bruit,
et ne verrez pas le moindre geste qui s'accorde avec
la mesure. Seroit-ce peut-être que les Allemands, les
Italiens, sont moins sensibles à la mesure que les
François ? Il y a tel de mes lecteurs qui ne se feroit
guère presser pour le dire ; mais dira-t-il aussi que les
musiciens les plus habiles sont ceux qui sentent le
moins la mesure ? il est incontestable que ce sont ceux
qui la battent le moins ; et quand, à force d'exercice,
ils ont acquis l'habitude de la sentir continuellement,
ils ne la battent plus du tout : c'est un fait d'expérience
qui est sous les yeux de tout le monde. L'on pourra
dire encore que les mêmes gens à qui je reproche de
ne battre la mesure que parcequ'ils ne la sentent pas
assez, ne la battent plus dans les airs oii elle n'est point
sensible ; et je répondrai que c'est parcequ'alors ils ne
la sentent point du tout. H faut que l'oreille soit
frappée au moins d'un foible sentiment de mesure
pour que l'instinct cherche à le renforcer.
Les anciens, dit M. Burette, battaient la mesure en
S6 BAT
plusieurs façons : la plus ordinaire consistoit dans le
mouvement du pied qui s'élevoit de terre et la frap-
poit alternativement selon la mesure des deux temps
égaux ou inégaux. (Voyez Rhythme.) C'étoit ordinai-
rement la fonction du maître de musique appelé co-
ryphée, yopuijiatoç, parcequ'il étoit placé au milieu du
chœvir des musiciens, et dans un^ situation élevée
pour être plus facilement vu et entendu de toute la
troupe. Ces batteurs de mesure se nommoient en
grec 7ro(Jo'xTU7rot et 7ro(Jo-J/o(pot , à causc du bruit de leurs
pieds , (TuvTovàpiot , à cause de l'uniformité du geste, et,
si Ton peut parler ainsi , de la monotonie du rhythme,
qu'ils battoient toujours à deux temps. Ils s'appeloient
en Xdiûu pedarii , podarii ^ pedicularii. Ils garnissoient
ordinairement leurs pieds de certaines chaussures ou
sandales de bois ou de fer, destinées à rendre 1» per-
cussion rhythmique plus éclatante , nommées en grec
rpojTréj^ta, ypoz>7ra>a, ypouTTs^a, et en latin, pediciila ^ sca-
hella ou scabilla^'k cause qu'elles ressembloient à de
f V petits marche-pieds ou de petites escabelles.
\^ Ils battoient la mesure , non seulement du pied , mais
aussi de la main droite, dont ils réunissoient tous les
doigts pour frapper dans le creux de la main gauche ,
et celui qui marquoit ainsi le rhythme s'appeloit ma-
y-^\ C""^ nuductor. Outre ce claquement de mains et le bruit
/ j des sandales, les anciens avoient encore, pour ^«^fre
la mesure^ celui des coquilles, des écailles d'huîtres,
et des ossements d'animaux qu'on frappoit l'un contre
l'autre, comme on fait aujourd hui les castagnettes,
îe triangle, et autres pareils instruments.
Tout ce bruit, si désagréable et si superflu parmi
BÉM 87
nous à cause de Tégalité constante de la mesure, ne
1 étoit pas de même chez eux, où les fréquents clian-
jjements de pieds et de rhythmes exigeoient un accord
plus difficile, et donnoient au bruit même une variété
plus harmonieuse et plus piquante. Encore peut-on
dire que Tusage de battre ainsi ne s'introduisit qu'à
mesure que la mélodie devint plus languissante, et
perdit de son accent et de son énergie. Plus on re-
monte, moins on trouve d'exemples de ces batteurs
de mesure, et dans la musique de la plus haute anti-
quité Ton n'en trouve plus du tout.
Bémol ou B mol, s. m. Caractère de musique auquel
on donne à peu près la figure d'un b, et qui fait abais'
ser d'uji semi-ton mineur la note à laquelle il est joint.
( Voyez Semi-ton. )
Gui d'Arezzo ayant autrefois donné des nom§ à six
des notes de l'octave, desquelles il fît son célèbre
hexacorde , laissa la septième sans autre nom que
celui de la.lettre b, qui lui est propre, comme le c à
l'wf, le d Siu re, etc. Or, ce ^ se chantoit de deux ma-
nières ; savoir, à un ton au-dessus du /«, selon Tordre
naturel de la gamme, ou seulement à un semi-ton
du même /a, lorsqu'on vouloit conjoindre les tétra-
-cordes; cariln'étoit pas encore question de nosmodes
ou tons mpdernes. Dans le premier cas, le si sonnant
assez durement à cause des trois tons consécutifs, on
jugea qu'il faisoit à l'oreille un effet semblable à celui
que les corps anguleux et durs font à la main ; c'est
pourquoi on l'appela b dur ou b carre, en italien b
(juadro. Dans le second cas, au contraire, on trouva
que le si étoit extrêmement doux ; c'est pourquoi ou
88 BÉM
l'appela b mol; par la même analogie, on auroit pu
l'appeler aussi b rond, et en effet les Italiens le nom-
ment quelquefois b tondo.
Il y a deux manières d'employer le bémol ; l'une
accidentelle, quand dans le cours du chant on le place
à la gauche d une note. Cette note est presque tou-
jours la note sensible dans les tons majeurs, et quel-
quefois la sixième note dans les tons mineurs, quand
la clef n'est pas correctement armée. Le bémol acci^
dentel n'altère que la note qu'il touche et celles qui la
rebattent immédiatement, ou tout au plus celles qui,
dans la même mesure, se trouvent sur le même degré
sans aucun signe contraire.
L'autre manière est d'employer le bémol à la clef,
et alors il la modifie, il agit dans toute la suite de l'air
et sur toutes les notes placées sur le même degré, à
moins que ce bémol ne soit détruit accidentellement
par quelque dièse ou bécarre, ou que la clef ne vienne
à changer.
La position des bémols à la clef n'est pas arbitraire :
en voici la raison; ils sont destinés à changer le lieu
des semi-tons de l'échelle ; or , ces deux semi-tons doi-
vent toujours garder entre eux des intervalles pres-
crits; savoir, celui d'une quarte d'un côté, et celui
d'une quinte de l'autre. Ainsi la note mi, inférieure de
son semi-ton , fait au grave la quinte du si, qui est son
homologue dans l'autre semi-ton; et à l'aigu la quarte
du même si; et réciproquement la note si fait au grave
la quarte du mi, et à l'aigu la quinte du même mi.
Si donc laissant, par exemple, le si naturel, on don-
noit un bémol au mi y le semi-ton changeroit de lieu , et
BÉM 89
se trouveroit descendu d'un degré entre le re et le mi
bémol. Or, dans cette position , l'on voit que les deux
semi-tons ne garderoient plus entre eux la distance
prescrite , car le re, qui seroit la note inférieure de
Tun, feroit au grave la sixte du si, son homologue
dans l'autre, et à l'aigu, la tierce du même 5i, et ce si
feroit au grave la tierce du j-e, et à l'aigu , la sixte du
même re. Ainsi les deux semi-tons seroient trop voi-
sins d'un côté, et trop éloignés de l'autre.
L'ordre des bémols ne doit donc pas commencer par
7?ii, ni par aucune autre note de l'octave que par si, la
seule qui n'a pas le même inconvénient ; car bien que
le semi-ton y change de place , et , cessant d'être entre le
si et Y ut, descende entre le si bémol et le la, toutefois
Tordre prescrit n'est point détruit; le la, dans ce nou-
vel arrangement, se trouvant d'un côté à la quarte, et
de l'autre à la quinte du nii , son homologue , et réci-
proquement.
La même raison qui fait placer le premier bémol sur
le si fait mettre le second sur le tni, et ainsi de suite,
en montant de quarte ou descendant dé quinte jus-
qu'au 50/, auquel on s'arrête ordinairement , parceque
le bémol deViit, qu'on trouveroit ensuite, ne diffère
point du si dans la pratique. Cela- fait donc une suite
de cinq bémols dans cet ordre :
12 3 4'^
Si Mi La Re Sol.
Toujours, par la même raison, l'on ne sauroit em-
ployer les derniers bémols k\îi clef sans employer aussi
ceux qui les précédent : ainsi le bémol du mi ne se pose
<)0 BÉQ
qu'avec celui du si, celui du la qu'avec les deux précé-
dents , et chacun des suivants qu'avec tous ceux qui
le précédent.
On trouvera dans larticle Clef une formule pour
sa\ioir tout d'un coup si un ton ou un m»de donné
doit porter des bémols a la clef, et combien.
Bémolisër, V. a. Marquer une note d'un bémol, ou
armer la clef par hémoL Bémolisez ce mi. Il faut bémoli'
.séria clef pour le ton de fa,
Béquarre ou B quarre *, 5. m. Caractère de musique
qui s'écrit ainsi t| , et qui, placé à la gauche d'une
fiote , marque que cette note ayant été précédemment
haussée par un dièse ou baissée par un bémol, doit être
remise à son élévation naturelle ou diatonique.
Le bécarre fut inventé par Gui d'Arezzo. Cet au-
teur, qui donna des noms aux six premières notes de
1 octave, n'en laissa point d'autre que la lettre b pour
exprimer le si naturel : car chaque note avoit dès-lors
sa lettre correspondante; et comme le chant diatoni-
que de ce si est dur quand on y monte depuis \efa , il
l'appela simplement b dur, , b cajTé, ou b carre, par
une allusion dont j'ai parlé dans l'article précédent.
Le bécatTe servit dans la suite à détruire l'effet du
bémol antérieur sur la note qui sm\oit\e bécarre ; c'est
que le bémol se plaçant ordinairement sur le si, le bé-
i:arre, qui venoit ensuite, ne produisoit , en détruisant
ce bémol , que son effet naturel , qui étoit de représen-
ter la note si sans altération. A la fin on s'en servit par
extension , et, faute d'auti^ signe, pour détruire aussi
* On écrit actuellement Bécarre.
BÉQ gi
l'effet du dièse ; et c'est ainsi qu'il s'emploie encore
aujourd'hui. Le bécarre efface également le dièse ou le
bémol qui l'ont précédé.
11 y a cependant une distinction à faire. Si le dièse
ou le bémol étoient accidentels, ils sont détruits sans
retour par le bécarre dans toutes les notes qui le sui-
vent médiatement ou immédiatement sur le même de-
gré, jusqu'à ce qu'il s'y présente un nouveau bémol
ou un nouveau dièse. Mais si le bémol ou le dièse sont
à la clef, le bécarre ne les efface que pour la note qu'il
précède immédiatement, ou tout au plus pour toutes
celles qui suivent dans la même mesure et sur le même
degré ; et à chaque note altérée à la clef dont on veut
détruire l'altération , il faut autant de nouveaux bé-
carres. Tout cela est assez mal entendu ; mais tel est
l'usage.
Quelques uns donnoient un autre sens au bécarre,
et , lui accordant seulement le droit d'effacer les dièses
ou bémols accidentels, lui ôtoient celui de rien chan-
ger à l'état de la clef; de sorte qu'en ce sens sur un fa
diésé , ou sur un si bémolisé à la clef, X^bécarre ne ser-
viroit qu'à détruire un dièse accidentel sur ce si, ou
un bémol sur ce/a, et signifieroit toujours \efa dièse
ou le si bémol tel qu'il est à la clef.
D'autres enfin se servoient bien du bécaiTc pour ef-
facer le bémol, même celui de la clef, mais jamais
pour effacer le dièse; c'est le bémol seulement qu'ils
employoient dans ce dernier cas.
Le premier uaage a tout-à-fait prévalu ; ceux-ci de-
viennent plus rares et s'abolissent de jour en jour: mais
i)'2 BOU
il est bon d'y faire attention en lisant d'anciennes mu-
siques , sans quoi Ton se troniperoit souvent.
Bi. Syllabe dont quelques musiciens étrangers se
servoient autrefois pour prononcer le son de la gamme
que les François appellent si. ( Voyez Si. )
BiscROME, s.f. Mot italien qui signifie triples-croches.
Quand ce mot est écrit sous une suite de notes égales
et de plus grande valeur que des triples-croches , il
marque qu'il faut diviser en triples-croches les valeurs
de toutes ces notes, selon la division réelle qui se
trouve ordinairement faite au premier temps. C'est
une invention des auteurs adoptée par les copistes ,
surtout dans les partitions , pour épargner le papier et
la peine. ( Voyez Crochet. )
Blanche, s.f. C'est le nom d'une note qui vaut
deux noires , ou la moitié d'une ronde. ( Voyez l'arti-
cle Notes ; et la valeur • de la blanche , Planche D ,
figure 9. )
Bourdon. Basse-continue qui résonne toujours sur
le même ton , comme sont communément celles des
airs appelés musettes. ( Voyez Point d'orgue. )
Bourrée, s.f. Sorte d'air propre à une danse de
même nom , que l'on croit venir d'Auvergne , et qui
est encore en usage dans cette province. La bourrée est
à deux temps gais , et commence par une noire avant
le frappé. Elle doit avoir, comme la plupart des au-
tres danses , deux parties et quatre mesures , ou un
multiple de quatre à chacune. Dans ce caractère d'air
on lie assez fréquemment la seconde moitié du pre-
mier temps et la première du second par une blanche
syncopée.
BRÈ 93
Boutade, s.f. Ancienne sorte de petit ballet qu'on
exécutoit ou qu'on paroissoit exécuter impromptu.
Les musiciens ont aussi quelquefois donné ce nom
aux pièces ou idées qu'ils exécutoient de même sur
leurs instruments , et qu'on appeloit autrement Ca-
price, Fantaisie. ( Voyez ces mots. )
Brailler, v. n. C'est excéder le volume de sa voix et
chanter tant qu'on a de force, comme font au lutrin
les marguilliers de village , et certains musiciens
ailleurs.
Branle, s. m. Sorte de danse fort gaie, qui se
danse en rond sur un air court et en rondeau ,
c'est-à-dire avec un même refrain à la fin de chaque
couplet.
Bref. Adverbe qu'on trouve quelquefois écrit dans
d'anciennes musiques au-dessus de la note qui finit
une phrase ou un air , pour marquer que cette finale
doit être coupée par un son bref et sec , au lieu de du-
rer toute sa valeur. ( Voyez Couper. ) Ce mot est maiii-
tenant inutile depuis qu'on a un signe pour l'ex-
primer.
Brève, s.f. Note qui passe deux fois plus vite que
celle qui la précède : ainsi la noire est brève après une
blanche pointée , la croche après une noire pointée.
On ne pourroit pas de même appeler brève une note
qui vaudroit la moitié de. la précédente : ainsi la noire
n'est pas une brève après la blanche simple , ni la cro-
che après la noire , à moins qu'il ne soit question de
syncope.
C'est autre chose dans le plain-chant. Pour répon-
dre exactement à la quantité des syllabes , la brève v
94 BRO
vaut la moitié de la longue; de plus, la longue a quel-
quefois une queue pour la distinguer de la brève qui
n'en a jamais, ce qui est précisément Topposé de la
musique, où la ronde, qui n'a point de queue, est
double de la blanche qui en aune. (Voyez Mesure,
Valeur DES NOTES.)
Brève est aussi le nom que donnoient nos anciens
musiciens , et que donnent encore aujourd'hui les
Italiens à cette vieille figure de note que nous appe-
lons carrée. Il y avoit deux sortes de brèves : savoir, la
droite ou parfaite, qui se divise en trois parties égales
et vaut trois rondes ou semi-brèves dans la mesure
triple, et \dibrève altérée ou imparfaite, qui se divise
en deux parties égales, et ne vaut que deux semi-
brèves dans la mesure double. Cette dernière sorte de
brève est celle qui s'indique par le signe du C barré;
et les Italiens nomment encore alla brève la mesure à
deux temps fort vites, dont ils se servent dans les
musiques da capella. (Voyez Alla brève.)
Broderies, Doubles, Fleurtis. Tout cela se dit en
musique de plusieurs notes de goût que le musicien
ajoute à sa partie dans l'exécution, pour varier un
chant souvent répété, pour orner des passages trop
simples , ou pour faire briller la légèreté de son gosier
ou de ses doigts. Rien ne montra mieux le bon ou le
mauvais- goût d'un musicien que le choix et l'usage
qu'il fait de ces ornements. La vocale françoise est
fort letenue sur les broderies \ elle le devient même
davantage de jour en jour, et, si Ion excepte le cé-
lèbre Jélyotte et mademoiselle Fel , aucun acteur fran-
çois ne se hasarde plus au théâtre à faire des doubles ;
BRU gS
car le chant fraiiçois , ayant pris un ton plus traînant
et plus lamentable encore depuis quelques années,
ne les comporte plus. Les Italiens s'y donnent car-
rière : c'est chez eux à qui en fera davantage , ému-
lation qui mène toujours à en faire trop. Cependant
l'accent de leur mélodie étant très sensible, ils n'ont
pas à craindre que le vrai chant disparoisse sous ces
ornements que l'auteur même y a souvent supposés.
A l'égard des instruments, on fait ce qu'on veut
dans un solo, mais jamais symphoniste qui brode ne
fut souffert dans un bon orchestre.
Bruit, s. m. C'est en général toute émotion de l'air
qui se rend sensible à l'organe auditif. Mais, en mu-
sique, le mot bruit est opposé au mot son, et s'entend
de toute sensation de l'ouïe qui n'est pas sonoie et
appréciable. On peut supposer, pour expliquer la dif-
férence qui se trouve à cet égard entre le bruit et le
son, que ce dernier n'est appréciable que par le con-
cours de ses harmoniques, et que le bruit ne l'est point
parcequ'il en est dépourvu. Mais outre que cette ma-
nière d'appréciation n'est pas facile à concevoir si
l'émotion de l'air, causée par le son, fait vibrer avec
une corde les aliquotes de cette corde , on ne voit pas
pourquoi l'émotion cie l'air , causée par le ^/«iY, ébran-
lant cette même corde , n'ébranleroit pas de même ses
aliquotes. Je ne sache pas qu'on ait observé aucune
propriété de l'air qui puisse faire soupçonner que
l'agitation qui produit le son, et celle qui produit le
bruit prolongé ne soient pas de même nature, et que
l'action et réaction de l'air et du corps sonore , ou de
q6 bru
Tair et du corps bruyant, se fassent par des lois dif-
férentes dans Fun et dans Tautre effet.
î^e pourroit'On pas conjecturer que le bruit nest
'point d'une autre natuve que le son; qu'il n'est lui-
même que la somme d'une rijukitude confuse de sons
divers, qui se font entendre à-la-fois, et contrarient
en quelque sorte mutuellement leurs ondulations?
Tous les corps élastiques semblent être plus sonores
à mesure que leur matière est plus liomogène, que
le degré de cohésion est plus égal partout, et que le
corps n'est pas , pour ainsi dire, partagé en une mul-
titude de petites masses. qui, ayant des solidités dif-
férentes , résonnent conséquemment à différents tons.
Pourquoi le bruit ne seroit-il pas du son, puisqu'il
en excite? car tout bruit fait résonner les cordes d'un
clavecin, non quelques unes , comme fait un son,
mais toutes ensemble , parcequ'il n'y en a pas une qui
ne trouve son unisson ou ses harmoniques. Pourquoi
\q, bruit ne seroit-il pas du son, puisque avec des sons
on fait du bruit? Touchez à-la-fois toutes les touches
d'un clavier , vous produirez une sensation totale qui
ne sera que du bi^uit, et qui ne prolongera son effet
par la résonnance des cordes que comme tout autre
bruit qui feroit résonner les mêmes cordes. Pourquoi
le bruit ne seroit-il pas du son, puisqu'un son trop
fort n'est plus qu'un véritable bruit ^ comme une voix
qui crie à pleine tête, et surtout comme le son d'une
grosse cloche qu'on entend dans le clocher même?
car il est impossible de l'apprécier, si, sortant du clo-
cher, on n'adoucit le son par l'éloignement.
Mais, me dira-t-on , d'où vient ce changement d'un
lîiTC 9*7
son excessif en bruit? c'est que la violence des vibra-
tions rend sensible la résonnance d\in si grand nombre
d aliquotes , que le mélange de tant de sons divers fait
alors son effet ordinaire et n'est plus que du bruit.
Ainsi les aliquotes qui résonnent ne sont pas seulement
la moitié, le tiers , le quart, et toutes les consonnances ,
mais la septième partie, la neuvième, la centième, et
plus encore; tout cela fait ensemble un effet semblable
à celui de toutes les touches d'un clavecin frappées à-
la-fois : et voilà comment le son devient bruit.
On donne aussi, par mépris, le nom de bruit à une
musique étourdissante et confuse, où Ton entend plus
de fracas que d'harmonie , et plus de clameurs que de
chant : Ce nest que du bruit -^ cet opéra fait beaucoup de
bruit et peu d'effet.
BucoLiASME. Ancienne chanson des berges. (Voyez
Chanson.)
C.
C. Cette lettre étoit, dans nos anciennes musiques ,
le signe de la prolation mineure imparfaite; d'où la
même lettre est restée parmi nous celui de la mesure
à quatre temps, laquelle renferme exactement les
mêmes valeurs de notes. (Voyez mode, Prolation. )
C BARRÉ. Signe de la mesure à quatre temps vites ,
ou à deux temps posés : il se marque en traversant le
C de haut en bas par une ligne perpendiculaire à la
portée.
C sol ut, C sol fa ut, ou simplement C. Caractère ou
terme de musique qui indique la première note de la
gamme, que nous appelons ut. (Voyez Gamme.) C'est
XIV. rj
98 CAD
aussi rancien signe d'une des trois clefs de la musique.
(Voyez Clef.)
• Cacophonie, s. f. Union discordante de plusieurs
sons mal choisis ou mal accordés. Ce mot vient de
-/a/oç , mauvais, et de (pwv>7, son. Ainsi, c'est mal à
propos que la plupart des musiciens prononcent caca-
phonie. Peut-être feront-ils à la fin passer cette pro-
nonciation comme ils ont déjà fait passer celle de
colophane.
Cadence, s. f. Terminaison d'une phrase harmo-
nique sur un repos ou sur un accord parfait, ou, pour
parler plus généralement, c'est tout passage d'un ac-
cord dissonant à un accord quelconque; car on ne
peut jamais sortir d'un accord dissonant que par un
acte de cadence. Or, comme toute phrase harmonique
est nécessairement liée par des dissonances exprimées
ou sous-entendues, il s'ensuit que toute l'harmonie
n'est proprement qu'une suite de cadences.
Ce qu'on appelle acte de cadence résulte toujours de
deux sons fondamentaux, dont Tun annonce la ca-
dence ^ et l'autre la termine.
Comme il n'y a point de dissonance sans cadence ,
il n'y a point non plus de cadence sans dissonance ,
exprimée ou sous-entendue ; car, pour faire sentir le
repos, il faut que quelque chose d'antérieur le sus-
pende, et ce quelque chose ne peut être que la disso-
nance ou le sentiment implicite de la dissonance: au-
trement les deux accords étant également parfaits , on
pourroit se reposer sur le premier; le second ne s'an-
nonceroit point et ne seroit pas nécessaire. L'accord
formé sur le premier son d'une cadence doit donc
CAD 99
toujours être dissonant, c'est-à-dire porter ou sup-
poser une dissonance.
A regard du second, il peut être consonnant ou dis-
sonant, selon qu'on veut établir ou éluder le repos.
S'il est consonnant, la cadence est pleine; s'il est dis-
sonant, la cadence est évitée ou imitée.
On compte ordinairement quatre espèces de ca-
dences: savoir, cadence parfaite, cadence imparfaite oti
irrégulière, cadence interrompue, et cadence rompue:
ce sont les dénominations que leur a données M. Ra-
meau, et dont on verra ci-après les raisons.
I. Toutes les fois qu'après un accord de septième
la basse-fondamentale descend de quinte sur un ac-
cord parfait, c'est une c^cfence^<7r/àiYe pleine, qui pro-
cède toujours d'une dominante tonique à la tonique;
mais si la cadence parfaite est évitée par une disso-
nance ajoutée à la seconde note, on peut commencer
une seconde cadence en évitant la première sur cette
seconde note, éviter derechef cette seconde cadence,
et en commencer une troisième sur la troisième note,
enfin continuer ainsi tant qu'on veut, en montant de
quarte ou descendant de quinte sur toutes les cordes
du ton , et cela forme une succession de cadences
parfaites évitées. Dans cette succession, qui est sans
contredit la plus harmonique, deux parties, savoir,
celles qui font la septième et la quinte, descendent
sur la tierce et l'octave de l'accord suivant, tandis
que deux autres parties , savoir , celles qui font la
tierce et l'octave, restent pour faire à leur tour la
septième et la quinte , et descendent ensuite alternati-
vement avec les deux autres. Ainsi une telle succes-
7
Univers ifas
r>inii/->-riir/— A 1
100 CAN
sion donne une harmonie descendante, elle ne doit
jamais s'arrêter qu'à une dominante tonique pour
tomber ensuite sur la tonique par une cadence pleine.
{Pl.A,fg.i.)
II. Si la basse-fondamentale, au lieu de descendre
de quinte après un accord de septième, descend seule-
ment de tierce, la cadence s'appelle interrompue : celle-
ci^ne peut jamais être pleine; mais il faut nécessaire-
ment que la seconde note de cette cadence porte un
autre accord dissonant. On peut de même continuer à
descendre de tierce ou monter de sixte par des ac-
cords de septième ; ce qui fait une deuxième succession
de cadences évitées , mais bien moins parfaite que la
précédente : car la septième , qui se sauve sur la tierce
dans ]3i cadence parfaite j se sauve ici sur l'octave, ce
qui rend moins d'harmonie, et fait même sous-en-
tendre deux octaves; de sorte que, pour les éviter,
il faut retrancher la dissonance ou renverser l'har-
monie.
Puisque la cadence interrompue ne peut jamais être
pleine, il s'ensuit qu'une phrase ne peut finir par elle ;
mais il faut recourir à la cadence parfaite pour faire
entendre l'accord dominant. (Fi^z/re i.)
La cadence interroinpue forme encore, par sa suc-
cession, une harmonie descendante; mais il n'y a
qu'un seul son qui descende. Les trois autres restent
en place pour descendre, chacun à son tour, dans une
marche semblable. (Même figure.)
Quelques uns prennent mal à propos pour une ca-
deiice interrompue un renversement de la cadence par-
faite, où la basse, après un accord de septième, des-
CAD lOI
cend de tierce portant un accord de sixte : mais chacun
voit qu'une telle marche, n étant point fondamentale ,
ne peut constituer une cadence particulière.
III. Cadence rompue est celle où la basse-fonda-
mentale, au lieu de monter de ([uarte après un ac-
cord de septième, comme dans la cadence parfaite^
monte seulement d'un degré. Cette cadence s'évite le
plus souvent par une septième sur la seconde note. Il
est certain qu'on ne peut la faire pleine que par licence ,
car alors il y a nécessairement défaut de liaison . (Voyez
figure?,.)
Une succession de cadences rompues évitées est
encore descendante; trois sons y descendent, et l'oc-
tave reste seule pour préparer la dissonance ; mais
une telle succession est dure, mal modulée, et se pra-
tique rarement.
IV. Quand la basse descend, par un intervalle de
quinte, de la dominante sur la tonique, c'est, comme
je l'ai dit, un acte de cadence parfaite.
Si au contraire la basse monte par quinte de la toni-
que à la dominante, c'est un acte de cadence irrégulière
ou imparfaite. Pour l'annoncer, on ajoute une sixte
majeure à l'accord de là tonique; d'où cet accord
prend le nom de sixte-ajoutée. ( Voyez Accord. ) Cette
sixte, qui fait dissonance sur la quinte, est aussi traitée
comme dissonance sur la basse-fondamentale , et ,
comme telle, obligée de se sauver en montant diato-
niquement sur la tierce de l'accord suivant.
La cadence imparfaite forme une opposition presque
entière à la cadence parfaite. Dans le premier accord
de l'une et de l'autre, on divise la quarte qui se trouve
ÏOÎt CAD
entre la quinte et l'octave par une dissonance qui y
produit une nouvelle tierce, et cette dissonance doit
aller se résoudre sur Faccord suivant par une marche
fondamentale de quinte. Voilà ce que ces deux cadences
ont de commun : voici maintenant ce qu'elles ont
d'opposé.
Dans la cadence parfaite ^ le son ajouté se prend au
haut de l'intervalle de quarte, auprès de l'octave for-
mant tierce avec la quinte, et produit une dissonance
mineure qui se sauve en descendant, tandis que la
basse-fondamentale monte de quarte ou descend de
quinte de la dominante à la tonique, pour établir un
repos parfait. Dans la cadence imparfaite, le son ajouté
se prend au bas de l'intervalle de quarte auprès de la
quinte, et, formant tierce avec l'octave, il produit
une dissonance majeure qui se sauve en montant,
tandis que la basse-fondamentale descend de quarte
ou monte de quinte de la tonique à la dominante pour
établir un repos imparfait.
M. Rameau , qui a le premier parlé de cette cadence ,
et qui en admet plusieurs renversements, nous dé-
fend, dans son Traité de l'Harmonie y page 117, d'ad-
mettre celui où le son ajouté est au grave portant un
accord de septième, et cela par une raison peu solide
dont j'ai parlé au mot Accord. Il a pris cet accord de
septième pour fondamental ; de sorte qu'il Fait sauver
une septième par une autre septième, une dissonance
par une dissonance pareille , par un mouvement sem-
blable sur la basse-fondamentale. Si une telle manière
de traiter les dissonances pouvoit se tolérer , il fau-
droit se boucher les oreilles et jeter les régies au feu.
CAD , 1(33
Mais rharmonie, sous laquelle cet auteur a mis une
si étrange basse-Fondamentale, est visiblement ren-
versée d'une cadence imparfaite^ évitée par une sep-
tième ajoutée sur la seconde note. (Voyez Planche A,
fi(j. 4.) Et cela est si vrai, que la basse-continue qui
frappe la dissonance est nécessairement obligée de
monter diatoniquement pour la sauver, sans quoi le
passage ne vaudroit rien. J'avoue que dans le même
ouvrage, ^«r/e 27?-, M. Rameau donne un exemple
semblable avec la vraie basse-fondamentale ; mais puis-
qu'il improuve en termes formels le renversement
qui résulte de cette basse, un tel passage ne sert qu'à
montrer dans son livre une contradiction de plus; et
bien que dans un ouvrage postéiieur [Génér. Harmon. ,
page id)6) le même auteur semble reconnoître le vrai
fondement de ce passage, il en parle si obscurément ,
et dit encore si nettement que la septième est sauvée
par une autre, qu'on voit bien qu'il ne fait ici qu'entre-
voir, et qu'au fond il n'a pas cliangé d opinion : de
sorte qu'on est en droit de rétorquer contre lui le
reproche qu'il fait à Masson de n'avoir pas su voir la
cadence imparfaite dans un de ses renversements.
La même cadence imparfaite se prend encore de la
sous-dominante à la tonique. On peut aussi l'éviter,
et lui donner de cette manière une succession de plu-
sieurs notes , dont les accords formeront une har-
monie ascendante , dans laquelle la sixte et l'octave
montent sur la tierce et la quinte de l'accord , tandi->
que la tierce et la quinte restent pour faire l'octave et
préparer la sixte.
Nul auteur, que je sache, n'a parlé , jusqu'à M. Ra-
io4 t;AD
meau, de cette ascension harmonique; lui-même ne
la fait qu'entrevoir , et il est vrai qu'on ne pourroit ni
pratiquer une longue suite de pareilles cadences, à
cause des sixtes majeures qui éloigneroient la modu-
lation, ni même en remplir, sans précaution, toute
l'harmonie.
Après avoir exposé les régies et la constitution des
diverses cadences, passons aux raisons que M. d'Alem-
bert donne, d'après M, Rameau, de leurs dénomi-
nations.
La cadence parfaite consiste dans une marche de
quinte en descendant; et, au contraire, Y imparfaite
consiste dans une marche de quinte en montant : en
voici la raison; quand je dis, ut sol, sol est déjà ren-
fermé dans Yut , puisque tout son , comme ut, porte
avec lui sa douzième, dont sa quinte 50/ est l'octave;
ainsi, quand on va ô^utk sol, c'est le son générateur
qui passe à son produit, de manière pourtant que
l'oreille désire toujours de revenir à ce premier géné-
rateur ; au contraire , quand on dit sol ut, c'^st le pro-
duit qui retourne au générateur ; l'oreille est satisfaite
et ne désire plus rien. De plus, dans cette marche
50/ ut, le sol se fait encore entendre dans ut ; ainsi
l'oreille entend à-la-fois le générateur et son produit :
au lieu que dans la marche ut sol, l'oreille qui, dans
le premier son , avoit entendu ut et sol , n'entend plus,
dans le second, que sol sans ut. Ainsi le repos ou la
cadence de sol à ut, a plus de perfection que la cadence
ou le repos dut à sol. *
Il semble, continue M. d'Alembeit, que dans les
principes de M. Rameau on peut encore expliquer
CAt) io5
rcffet de la cadence rompue et de la cadence interrompue.
Imaginons , pour cet effet , qu'après un accord de
septième, sol sire fa, on monte diaioniquement par
une cadence rompue à Taccord la ut mi sol; il est visible
que cet accord est renversé de l'accord de sous-domi-
nante ut mi sol la : ainsi la marche de cadence rompue
équivaut à cette succession sol si re fa, ut mi sol la,
qui n'est autre chose qu'une cadence parfaite, dans
laquelle ut, au lieu d'être traitée comme tonique,
est rendue sous-dominante. Or, toute tonique, dit
M. d'Alembert, peut toujours être rendue sous-do-
minante, en changeant de mode : j'ajouterai qu'elle
peut même porter l'accord de sixte-ajoutée, sans en
changer.
A l'égard de la cadence interrompue, qui consiste à
descendre d une dominante sur une autre par l'inter-
valle de tierce en cette sorte sol sire fa, mi sol si re, il
semble qu'on peut encore l'expliquer. En effet, le se-
cond accord mi sol si re, est renversé de l'accord de
sous-dominante sol si re mi : ainsi la cadence inler-
rompue équivaut a cette succession, sol si re ja, sol si
re mi, où la note sol, après avoir été traitée comme
dominante , est rendue sous-dominante en chan-
geant de mode ; ce qui est permis et dépend du com-
positeur.
Ces explications sont ingénieuses, et montrent quel
usage on peut faire du double emploi dans les pas-
sages qui semblent s'y rapporter le moins. Cependant
l'intention de M. d'Alembert n'est sûrement pas qu'on
s'en serve réellement dans ceux-ci pour la pratique,
mais seulement pour l'intelligence du renversement.
JOG CAD
Par exemple, le double emploi de la cadence inter-
rompue sauveroit la dissonance fa par la dissonance
mi, ce qui est contraire aux régies , à Tesprit des ré-
gies, et surtout au jugement de l'oreille ; car dan^ la
sensation du second accord , 50/51 re mi, à la suite du
premier, sol si refa , Toreille s'obstine plutôt à rejeter
le re du nombre des consonnances, que d'admettre
le mi pour dissonant. En général les commençants
doivent savoir que le double emploi peut être admis
sur un accord de septième à la suite d'un accord con-
sonnant , mais que sitôt qu'un accord de septième en
suit un semblable, le double emploi ne peut avoir lieu.
Il est bon qu'ils sachent encore qu'on ne doit changer
de ton par nul autre accord dissonant que le sensible;
d^où il suit que dans la cadence rompue on ne peut sup-
poser aucun changement de ton.
Il y a une autre espèce de cadence^ que les musi-
ciens ne regardent point comme telle, et qui, selon
la définition , en est pourtant une véritable ; c'est le
passage de l'accord de septième diminuée sur la note
sensible à l'accord de la tonique. Dans ce passage il
ne se trouve aucune liaison harmonique ^- et c'est le
second exemple de ce défaut dans ce qu'on appelle
cadence. On pourroit regarder les transitions enhar-
moniques comme des manières d'éviter cette même
cadence ^ de même qu'on évite la cadence parfaite d une
dominante à sa tonique par une transition chromati-
que : mais je me borne à expliquer ici les dénomina-
tions établies.
Cadence est , en terme de chant , ce battement de
gosier que les Italiens appellent trillo^ que nous appe-
CAD ÎO7
Ions aiUrcnient tremblement , et qui se fait oiclinaire-
mentsur la pénultième note dune phrase musicale,
d'où sans doute il a pris le nom de cadence. On dit,
Cette actrice a une belle cadence ; ce chanteur bat mal la
cadence , etc.
Il V a deux sortes de cadences : Tune est la cadence
pleine; elle consiste à ne commencer le battement de
voix qu'après en avoir appuyé la note supérieure :
l'autre s'appelle cadence brisée , et Ton y fait le batte-
ment de voix sans aucune préparation. (Voyez l'exem-
ple de l'une et de l'autre , P/. B , figure 1 3. )
Cadence (la) est une qualité de la bonne musique,
qui donne à ceux qui l'exécutent ou qui l'écoutent uii
sentiment vif de la mesure, en sorte qu'ils la mar-
quent et la sentent tomber à propos, sans qu'ils y
pensent et comme par instinct. Cette qualité est sur-^
tout requise dans les airs à danser : Ce menuet marque
bien la cadence; cette chaconne manque de cadence. La
cadence y en ce sens étant une qualité, porte ordinai-
rement l'article défini la; au lieu que la cadence har-
monique porte , comme individuelle , l'article numéri-
que: Une c^àdence parfaite ; trois Ccidences évitées , etc.
Cadence signifie encore la conformité des pas du
danseur avec la mesure marquée par l'instrument :
// sort de cadence ; il est bien en cadence. Mais il faut
observer que la cadence ne se marque pas toujours
comme se bat la mesure. Ainsi le maître de musique
marque le mouvement du menuet en frappant au
commencement de chaque mesure; au lieu que le
maître à danser ne bat que de deux en deux mesures,
i08 CAD
parcequ'il en faut autant pour former les quatre -pas
du menuet.
Cadencé, aclj. Une musique bien cadencée est celle
où la cadence est sensible, où le rbythme et fhar-
monie concourent le plus parfaitement qu il est pos-
sible à faire sentir le mouvement : car le choix des
accords n'est pas indifférent pour marquer les temps
de la mesure, et Ton ne doit pas pratiquer indifférem-
ment la même harmonie sur le frappé et sur le levé.
Oe même il ne suffit pas de partager les mesures en
valeurs égales pour en faire sentir les retours égaux :
mais le rhythme ne dépend pas moins de Faccent
qu on donne à la mélodie que des valeurs qu'on donne
aux notes ; car on peut avoir des temps très égaux en
valeurs , et toutefois très mal cadencés : ce n'est pas
assez que l'égalité y soit , il faut encore qu'on la sente.
Cadenza, 5. /. Mot italien, par lequel on indique
un point d'orgue non écrit, et que l'auteur laisse à
la volonté de celui qui exécute la partie principale ,
afin qu'il y fasse, relativement au caractère de l'air,
les passages les plus convenables à sa voix , à son in-
strument, ou à son goût.
Ce point d'orgue s'appelle cadenza parcequ'il se fait
ordinairement sur la première note d'une cadence
finale , et il s'appelle aussi arbitrio à cause de la liberté
qu'on y laisse à l'exécutant de se livrer à ses idées et
de suivre son propre goût. La musique françoise,
surtout la vocale, qui est extrêmement servile, ne
laisse au chanteur aucune pareille liberté , dont même
il seroit fort embarrassé de faire usage.
Canarder, v. n. C'est, en jouant du hautbois, tirer
CAN 109
mi son nasillard et rauque, approchant du cri du ca-
nard; c'est ce qui arrive aux commençants, et surtout
dans le bas , pour ne pas serrer assez Tanche des
lèvres. Il est aussi très ordinaire à ceux qui chantent
la haute-contre de canarder; parceque la haute-contre
est une voix factice et forcée qui se sent toujours de
la contrainte avec laquelle elle sort.
Canarie, s. f. Espèce de gigue dont lair est d'un
mouvement encore plus vif que celui de la gigue
ordinaire : c'est pourquoi Ton le marque quelquefois
par — : cette danse n'est plus en usage aujourd'hui.
(Voyez Gigue.)
Canevas, s. m. C'est ainsi qu'on appelle à l'Opéra
de Paris des paroles que le musicien ajuste aux notes
d'un air à parodier. Sur ces paroles, qui ne signifient
rien, le poète en ajuste d'autres qui ne signifient pas
grand'chose, où l'on ne trouve pour l'ordinaire pas
plus d'esprit que de sens, où la prosodie françoise est
ridiculement estropiée , et qu'on appelle encore avec
grande raison des canevas.
Canon, s. m. C'étoit dans la musique ancienne une
règle ou méthode pour déterminer les rapports des
intervalles. L'on donnoit aussi le nom de canon à l'in-
strument par lequel on trouvoit ces rapports, et Pto-
lomée a donné le même nom au livre que nous avons
de lui sur les rapports de tous les intervalles harmo-
niques. En général , on appeloit sectio canonis la divi-
sion du monocorde par tous ces intervalles, et canon
universalis le monocorde ainsi divisé, ou la table qui
le représentoit. (Voyez Monocorde.)
Canon, en musique moderne, est une sorte de
iro CAN
fugue qu'on sippelle perpétuelle, parceque les parties ,
partant Tune après l'autre , répètent sans cesse le
même chant.
Autrefois , dit Zarlin, on mettoit à la tête des fugues
perpétuelles , qu'il appelle fucjlie in conseguenza , cer-
tains avertissements qui marquoient comment il fal-
îoit chanter ces sortes de fugues ; et ces avertisse-
ments , étant proprement les régies de ces fugues ,
s'intituloient canoni, régies, canons. De là , prenant le
titre pour la chose, on a, par métonymie, nommé
canon cette espèce de fugue.
Les canons les plus aisés à faire et les plus communs
se prennent à Tunisson ou à Toctave , c'est-à-dire que
chaque partie répète sur le même ton le chant de celle
qui la précède. Pour composer cette espèce de canon ,
il ne faut qu'imaginer un chant à son gré, y ajouter
en partition autant de parties qu'on veut, à voix
égales , puis , de toutes ces parties chantées successive-
ment, former un seul air; tâchant que cette succession
produise un tout agréable, soit dans l'harmonie, soit
dans le chant.
Pour exécuter un tel canon, celui qui doit chanter
le premier part seul, chantant de suite l'air entier, et
le recommençant aussitôt sans interrompre la mesure.
Dès que celui-ci a fini le premier couplet, qui doit
servir de sujet perpétuel , et sur lequel le canon entier
a été composé , le second entre, et commence ce même
premier couplet, tandis que le premier entré poursuit
le second : les autres partent de même successive-
ment, dès que celui qui les précède est à la fin du
même premier couplet; en recommençant ainsi sans
CAN m
cesse, on ne trouve jamais de fin générale, et Ton
poursuit le canon aussi long-temps qu'on veut.
L'on peut encore prendre une fugue perpétuelle à
la quinte ou à la quarte , c'est-à-dire que chacpie partie
répétera le chant de la précédente une quinte ou une
quarte plus haut ou plus bas. Il faut alois que le canon
soit imaginé tout entier, di prima intenzione^ comme
disent les Italiens, et que l'on ajoute des bémols ou
des dièses aux notes dont les degrés naturels ne ren-
droient pas exactement, à la quinte ou à la quarte, le
chant de la partie précédente. On ne doit avoir égard
ici à aucune modulation , mais seulement à l'identité
du chant : ce qui rend la composition du canon plus dif-
ficile; car à chaque fois qu'une partie reprend la fugue
elle entre dans un nouveau ton; elle en change pres-
que à chaque note, et, qui pis est, nulle partie ne se
trouve à-la-fois dans le même ton qu'une autre; ce qui
fait que ces sortes de canons, d'ailleurs peu faciles à
suivre, ne font jamais un effet agréable, quelque
bonne qu'en soit l'harmonie, et quelque bien chantés
qu'ils soient.
Il y a une troisième sorte de canons, très rares,
tant à cause de l'excessive difficulté, que parceque
ordinairement dénués d'agréments , ils n'ont d'autre
mérite que d'avoir coûté beaucoup de peine à faire ;
c'est ce qu'on pourroit appeler double canon renversé^
tant par l'inversion qu'on y met dans le chant des
parties , que par celle qui se trouve entre les parties
mêmes en les chantant. Il y a un tel artifice dans cette
espèce de canons, que, soit qu'on chante les parties
dans l'ordre naturel, soit qu'on renverse le papier
112 C A N
pour les chanter dans un ordre rétrograde, en sorte
que Ton commence par la fin , et que la basse devienne
le dessus, on a toujours une bonne harmonie et un
canon régulier. Voyez ( Planche D , fig. 1 1 . ) deux
exemples de cette espèce de canons tirés de Bontempi,
lequel donne aussi des régies pour les composer. Mais
on trouvera le vrai, principe de* ces régies au mot
Système, dans l'exposition de celui de M. Tartini.
Pour faire un canon dont Tharmonie soit un peu
variée, il faut que les parties ne se suivent pas trop
promptement, que Tune n'entre que long-temps après
l'autre. Quand elles se suivent si rapidement, comme
à la pause ou demi-pause, on n'a pas le temps d'y faire
passer plusieurs accords , et le canon ne peut manquer
d'être monotone; mais c'est un moyen de faire sans
beaucoup de peine des canons à tant de parties qu'on
veut; car un canon de quatre mesures seulement sera
déjà à huit parties , si elles se suivent à la demi-pause;
et, à chaque mesure qu'on ajoutera. Ton gagnera
encore deux parties.
L'empereur Charles VI , qui étoit grand musicien
et composoit très bien , se plaisoit beaucoup à faire et
chanter des canons. L'Itahe est encore pleine de fort
beaux canons qui ont été faits pour ce prince par les^
meilleurs maîtres de ce pays-là.
Cantabile. Adjectif italien, qui signifie chantable,
commode à chanter. Il se dit de tous les chants dont, en
quelque mesure que ce soit, les intervalles ne sont
pas trop grands ni les notes trop précipitées, de sorte
qu'on peut les chanter aisément sans (brcer ni gêner
Ja voix. Le mot cantabile passe aussi peu-à-peu dans
I
CAN Il3
Fusa^je François. On dit, Parlez^moi du cantabile; un
beau cantabile me plaît plus que tous vos airs d'exé^
eut ion.
Cantate, s. f. Sorte de petit poème lyrique, qui
se chante avec des accompagnements, et qui, bien
que fait pour la chambre , doit recevoir du musicien
la chaleur et les grâces de la musique imitative et
théâtrale. Les cantates sont ordinairement composées
de trois récitatifs et d'autant d'airs. Celles qui sont en
récits, et les airs en maximes, sont toujours froides
et mauvaises ; le musicien doit les rebuter. Les meil-
leures sont celles où, dans une situation vive et tou-
chante, le principal personnage parle lui-même; car
nos cantates sont communément à voix seule. Il y en
a pourtant quelques unes à deux voix en forme de
dialogue, et celles-là sont encore agréables quand on
y sait introduire de Tintérét. Mais comme il faut tou-
jours un peu d'échafaudage pour faire une sorte d'ex-
position et mettre l'auditeur au fait, ce n'est pas sans
raison que les cantates ont passé de mode, et qu'on
leur a substitué, même dans les concerts, des scènes
d'opéra.
La mode des cantates nous est venue d'Italie, comme
on le voit par leur nom , qui est italien ; et c'est l'Italie
aussi qui les a proscrites la première. Les cantates
qu'on y fait aujourd'hui sont de véritables pièces dra-
matiques à plusieurs acteurs, qui ne diffèrent des
opéra qu'en ce que ceux-ci se représentent au théâtre,
et que les cantates ne s'exécutent qu'en concert : de
sorte que la cantate est sur un sujet profane ce qu'est
l'oratorio sur un sujet sacré.
XIV, • 8
Il4 CAiN
Cantatille, s.f. diminutif de cantate, n'est en effet
qu'une cantate fort courte, dont le sujet est lié par
quelques vers de récitatif, en deux ou trois airs en
rondeau pour l'ordinaire avec des accompagnements
de symphonie. Le genre de la cantatille xaut moins
encore que celui de la cantate, auquel on l'a substitué
parmi nous. Mais, comme on n'y peut développer ni
passions ni tableaux, et qu'elle n est susceptible que
de gentillesse, c'est une ressource pour les petits fai~
seurs de vers et pour les musiciens sans génie.
Cantique, s. m. Hymne que l'on chante en l'hon-
neur de la Divinité.
Les premiers et les plus anciens cantiques furent
composés à l'occasion de quelque événement mémo-
rable , et doivent être comptés entre les plus anciens
monuments historiques.
Ces cantiques étoient chantés par des chœurs de
musique et souvent accompagnés de danses, comme
il paroît par l'Ecriture. La plus grande pièce qu'elle
nous offre en ce genre, est le Cantique des Cantiques^
ouvrage attribué à Salomon, et que quelques auteurs
prétendent n'être que l'épithalame de son mariage
avec la fille du roi d'Egypte. Mais les théologiens mon-
trent sous cet emblème l'union de Jésus-Christ et de
l'Église. Le sieur de Caliusac ne voyoit dans le Can-
tique des Cantiques qu'un opéra très bien fait: les
scènes, les récits, les duo , les chœurs, rien n'y man-
quoit selon lui, et il ne doutoitpas même que cet opéra
n'eût été représenté.
Je ne sache pas qu'on ait conservé le nom de canti-
que à aucun des chants de l'Église romaine : si ce n'est
CIAR ll5
le Cantique de Siméon , celui de Zacharie , et le
Magnificat^ appelé le Cantique de la Vierge. Mais
parmi nous on appelle cantique tout ce qui se chante
dans nos temples , excepté les psaumes qui , conser-
vent leur nom.
Les Grecs ddnnoient encore le nom de cantiques à
certains monologues passionnés de leurs tragédies,
qu'on chantoit sur le mode hypodorien, ou sur Thy-
pophrygien, comme nous Fapprend Aristote au dix-
neuvième de ses problèmes.
Canto. Ce mot italien , écrit dans une partition sur
la portée vide du premier violon, marque qu'il doit
jouer à Tunisson sur la partie chantante.
Caprice, s. m. Sorte de pièce de musique libre, dans
laquelle Fauteur, sans s'assujettir à aucun sujet,
donne carrière à son génie et se livre à tout le feu de
la composition. Le caprice de Rebel étoit estimé dans
son temps. Aujourd'hui les caprices de Locatelli don-
nent de l'exercice à nos violons.
Caractères de musique. Ce sont les divers signes
qu'on emploie pour représenter tous les sons de la
mélodie, et toutes les valeurs des tepips et de la me-
sure; de sorte qu'à l'aide de ces caractères on puisse
lire et exécuter la musique exactement comme elle a
été composée, et cette manière d'écrire s'appelle noter.
(Voyez Notes.) ,
Il n'y a que les nations de l'Europe qui sachent
écrire leur musique. Quoique dans les autres parties
du monde chaque peuple ait aussi la sienne-, il ne
paroit pas qu'aucun d'eux ait poussé ses recherches
jusqu'à des caractères poui^ la noter. Au moins est-il
8.
ïl6 CAR
sûr que les Arabes ni les Chinois, les deux peuples
étrangers qui ont le plus cultivé les lettres, n'ont ni
Tun ni l'autre de pareils caractères. A la vérité les Per-
sans donnent des noms de villes de leur pays ou des
parties du corps humain aux quarante-huit sons de
leur musique: ils disent, par exemple, pour donner
l'intonation d'un air, Allez de cette ville à celle-là^ ou
allez du doigt au coude; mais ils n'ont aucun signe pro-
pre pour exprimer sur le papier ces mêmes sons : et,
quant aux Chinois, on trouve dans le P. du Halde
qu'ils furent étrangement surpris de voir les jésuites
noter et lire sur cette même note tous les airs chinois
qu'on leur faisoit entendre.
Les anciens Grecs se servoient pour caractères dans
leur musique, ainsi que dans- leur arithmétique, des
lettres de leur alphabet; mais au lieu de leur donner
dans la musique une valeur numéraire qui marquât
les intervalles, ils se contentoient de les employer
comme signes, les combinant en diverses manières,
les mutilant, les accouplant, les couchant, les retour-
nant différemment, selon les genres et les modes;
comme on peut voir dans le recueil d'Alypiiis. Les
Latins les imitèrent en se servant, à leur exemple, des
lettres de l'alphabet; et il nous en reste encore la
lettre jointe au nom de chaque note de notre échelle
diatonique et naturelle.
Gui Arétin imagina les lignes , les portées , les
signes particuliers, qui nous sont demeurés sous le
nom de notes, et qui sont aujourd'hui la langue mu-
sicale et universelle de toute l'Europe. Comme ces
derniers signes, quoique admis unanimement et pcr-
Cx\R JI7
fectionnés depuis l'Arétin , ont encore de grands dé-
fauts , plusieurs ont tenté de leur substituer d'autres
notes: de ce nombre ont été Parran, Souhaitti, Sau-
veur, Dumas, et moi-même. Mais comme, au fond,
tous ces systèmes , en corrigeant d'anciens défauts
auxquels on est tout accoutumé, ne faisoient qu'en
substituer d'autres dont l'habitude est encore à pren-
dre, je pense que le public a très sagement fait de
laisser les choses comme elles sont , et de nous ren-
voyer, nous et nos systèmes, au pays des vaines spé-
culations.
Carillon. Sorte d'air fait pour être exécuté par
plusieurs cloches accordées à différents tons. Comme
on fait plutôt le carillon pour les cloches que les clo-
ches pour le carillon, Y on n'y fait entrer qu'autant de
sons divers qu'il y a de cloches. Il faut observer, de
plus, que tous leurs sons ayant quelque permanence,
chacun de ceux qu'on frappe doit faire harmonie
avec celui qui le précède et avec celui qui le suit ; assu-
jettissement qui, dans un mouvement gai, doit s'éten-
dre à toute une mesure et même au-delà, afin que les
sons qui durent ensemble ne dissonent point à l'oreille.
Il y a beaucoup d'autres observations à faire pour
composer un bon carillon^ et qui rendent ce travail
plus pénible que satisfaisant; car c'est toujours une
sotte musique que celle des cloches, quand même
tous les sons en seroient e-xactement justes; ce qui
n'arrive jamais. On trouvera {Planche J , fig. 14)
l'exemple d'un carillon consonnant, composé pour
être exécuté sur une pendule à neuf timbres, faite par
M. Romilly, célèbre horloger. On conçoit que l'ex-
Il8 CAS
trême gêne, à laquelle assujettissent le concours har-
monique des sons voisins et le petit nombre des tim-
bres, ne permet guère de mettre du chant dans un
semblable air.
Cartelles. Grandes feuilles de peau d'âne prépa-
rées, sur lesquelles on entaille les traits des portées,
pour pouvoir y noter tout ce qu'on veut en compo-
sant, et l'effacer ensuite avec une éponge; l'autre
côté qui n'a point de portées, peut servir à écrire et
barbouiller, et s'efface de même, pourvu qu'on n'y
laisse pas trop vieillir l'encre. Avec une cartelle un
compositeur soigneux en a pour sa vie, et épargne
bien des rames de papier réglé ; mais il y a ceci d'in-
commode, que la plume passant continuellement sur
les lignes entaillées, gratte et s'émousse facilement.
Les cartelles viennent toutes de Rome ou de Napl^s.
Castrato, s. m. Musicien qu'on a privé dans son
enfance des organes de la génération, pour lui con-
server la voix aiguë qui chante la partie appelée
dessus ou soprano. Quelque peu de rapport qu'on aper-
çoive entre deux organes si différents, il est cejtain
que la mutilation de l'un prévient et empêche dans
Fauti e cette mutation qui survient aux hommes à l'âge
nubile, et qui baisse tout-à-coup leur voix d'une octave.
B se trouve en Italie des pères barbares qui, sacrifiant
la nature à la fonune , livrent leurs enfants à cette
opération , pour le plaisir des gens voluptueux et
cruel«^i qui osent rechercher le chant de ces malheu-
reux. Laissons aux honnêtes femmes des grandes villes
les ris modestes, l'air dédaigneux et les propos plai-
sants dont ils sont l'éternel objet: mais faisons enten-
CAT 119
drc, s'il se peut, la voix de la pudeur el de riiumanité
qui crie et s'élève contre cet infâme usage; et que les
princes qui Tencouragent par leurs recherches, rou-
gissent luie fois de nuire en tant de façons à la conser-
vation de l'espèce humaine.
Au reste, l'avantage de la voix se compense dans
les castrat i par beaucoup d'autres pertes. Ces hommes
qui chantent si bien , mais sans chaleur et sans
passion , sont sur le théâtre les plus maussades acteurs
du monde; ils perdent leur voix de très bonne heure,
et prennent un embonpoint dégoûtant; ils parlent et
prononcent plus mal que les vrais hommes, et il y a
même des lettres, telles que l'r, qu'ils ne peuvent
point prononcer du tout.
Quoique .le mot castrato ne puisse offenser les plus
délicates oreilles , il n'en est pas de même de son sy-
nonyme françois ; preuve évidente que ce qui rend les
mots indécents oudéshonnêtes dépend moins des idées
qu'on leur attache, que de l'usage de la bonne com-
pagnie, qui les tolère ou les proscrit à son gré.
On pourroit dire cependant que le mot italien
s'admet comme représentant une profession , au lieu
que le mot françois ne représente que la privation
qui y est jointe.
Gatabaucalèse. Chanson des nourrices chez les
anciens. (Voyez Chanson.)
Catacoustique , s.f. Science qui a pour objet les
sons réfléchis, ou cette partie de l'acoustique qui
considère les propriétés des échos. Ainsi la catacous-
tique est à l'acoustique ce que la catoptrique est à
l'optique.
%
120 OH A
Cataphonïque , 5. /. Science des sons réflécliib .
qu'on appelle aussi catacoustique. ( Voyez iarticle
précédent. )
Cavatine, s. f. Sorte d'air pour l'ordinaire assez
court, qui n'a ni reprise, ni seconde partie, et qui s^
trouve souvent dans des récitatifs obligés. Ce change-
ment subit du récitatif au chant mesuré , et le retour
inattendu du chant mesuré au récitatif, produisent
un effet admirable dans les grandes expressions ,
comme sont toujours celles du récitatif obligé.
Le mot cavatina est italien ; et quoique je ne veuille
pas, comme Brossard, expliquer dans un diction-
naire françois tous les mots techniques italiens , sur-
tout lorsque ces mots ont des synonymes dans notre
langue, je me crois pourtant obligé d'expliquer ceux
de ces mêmes mots qu'on emploie dans la musique
notée, parcequ'en exécutant cette musique, il con-
vient d'entendre les termes qui s'y trouvent , et que
l'auteur n'y a pas mis pour rien.
Centonisër, V. n. Terme de plain-chant. C'est com-
poser un chant de traits recueillis et arrangés pour la
mélodie qu'on a en vue. Cette manière de composer
n'est pas de l'invention des symphoniastes modernes ,
puisque, selon l'abbé Le Bœuf, saint Grégoire lui-
même a centonisé.
Chaconne, 5. /. Sorte de pièce de musique faite
pour la danse, dont la mesure est bien marquée et le
mouvement modéré. Autrefois il y avoit des chaconnes
à deux temps et à trois ; mais on n'en fait plus qu'à
trois. Ce sont pour l'ordinaire des chants qu'on ap-
pelle couplets , composés et variés en diverses ma-
CHA 121
iiières sur une basse contrainte de quatre en quatre
mesures, commençant presque toujours par le second
temps pour prévenir Tinterruption. On s'est affranchi
peu-à-peu de cette contrainte de la basse , et Ton n'y
a presque plus aucun égard.
La beauté de la chaconne consiste à trouver des
chants qui marquent bien le mouvement, et, comme
elle est souvent fort longue, à varier tellement les
couplets qu'ils contrastent bien ensemble , et qu'ils
réveillent sans cesse l'attention de l'auditeur. Pour
cela , on passe et repasse à volonté du majeur au mi-
neur, sans quitter pourtant beaucoup le ton prin-
cipal ; et du grave au gai , ou du tendre au vif, sans
presser ni ralentir jamais la mesure.
La chaconne est née en Italie , et elle y étoit au-
trefois fort en usage , de même qu'en Espagne. On ne
la connoît plus aujourd'hui qu'en France dans nos
opéra.
Chanson. Espèce de petit poème lyrique fort court,
qui roule ordinairement sur des sujets agréables, au-
quel on ajoute un air pour être chanté dans des occa-
sions familières, comme à table, avec ses amis, avec
sa maîtresse, et même seul, pour éloigner quelques
instants l'ennui, si l'on est riche, et pour supporter
plus doucement la misère et le travail , si l'on est
pauvre.
L'usage des chansons semble être une suite natu-
relle de celui de la parole, et n'est en effet pas moins
général ; car partout où l'on parle , on chante. Il n'a
fallu pour les imaginer que déployer ses organes ,
donner un tour agréable aux idées dont on aimoit à
112 CHA
is'occuper, et fortifier par Texpression dont la voix est
capable le sentiment qu'on vouloit rendre, ou Timage
qu'on vouloit peindre. Aussi les anciens n'avoient-ils
point encore Fart d'écrire, qu'ils avoient déjà des
chansons. Leurs lois et leurs histoire«s, les louanges
des dieux et des héros, furent chantées avant d'être
écrites. Et de là vient, selon Aristote, que le même
nom grec fut donné aux lois et aux chansons.
Toute la poésie lyrique n'étoit proprement que des
chansons : mais je dois me borner ici à parler de celle
qui portoit plus particulièrement ce nom , et qui en
avoit mieux le caractère selon nos idées.
Commençons par les airs de table. Dans les pre-
miers temps, dit M. de La Nauze, tous les convives,
au rapport de Dicéarque, de Plutarque et d'Artémon ,
chantoient ensemble et d'une seule voix les louanges
de la Divinité. Ainsi ces chansons étoient de véritables
péans ou cantiques sacrés. Les dieux n'étoient point
pour eux des trouble-fêtes , et ils ne déjlaignoient pas
de les admettre dans leurs plaisirs.
Dans la suite, les convives chantoient successive-
ment, chacun à son tour, tenant une branche de
înyrte, qui passoit de la main de celui qui venoit de
chanter à celui qui cliantoit après lui. Enfin, quand
la muaique se perfectionna dans la Grèce , et qu'on
employa la lyre dans les festins , il n'y eut plus , disent
les auteurs déjà cités, que les habiles gens qui fussent
en état de chanter à table, du moins en s'accompa-
gnant de la lyre. Les autres, contraints de s'en tenir
à la branche de myrte, donnèrent lieu à un proverbe
cil A 123
^'rec, par lequel on disoit qu'un homme chantoit au
myrte , quand on vouloit le taxer d ignorance.
Ces chansons accompagnées de la lyre , et dont
Terpandre fut Tinventeur , s appellent scolies, mot qui
signifie oblique ou toi^tueux ^ pour marquer, selon Plu-
tarque, la difficulté de la chanson^ ou, comme le veut
Artémon, la situation irrégulière de ceux qui cban-
tpient; car comme il falloit être habile pour chanter
ainsi, chacun ne chantoit pas à son rang, mais seule-
ment ceux qui savoient la musique, lesquels se trou^
voient dispersés çà et là et placés obliquement Tun
par rapport à l'autre.
Les sujets des scolies se tiroient non seulement de
Famour et du vin, ou du plaisir en général , comme
aujourd'hui, mais encore de Fliistoire, de la guerre ,
et même de la morale. Telle est la chanson d'Aristote
sur Ig mort d'Hermias son ami et son alhé, laquelle
fit accuser son auteur d'impiété.
« O vertu l qui, malgré les difficultés que vous pré-
«sentez aux foibles mortels, êtes l'objet charmant
« de leurs' recherches 1 vertu pure et aimable! ce fut
« toujours aux Grecs un destin digned'envie de mou-
« rir pour vous, et de souffrir avec constance les
« maux les plus affreux. Telles sont les semences
« d'immortalité que vous répandez dans tous les
« cœurs. Les fruits en sont plus précieux que l'or,
«que l'amitié des parents, que le sommeil le plus
« tranquille. Pour vous le divin Hercule et les fils de
« Léda supportèrent mille travaux, et le succès de
u leurs exploits annonça votre puissance. C'est par
« amour pour vous qu'Achille et Ajax descendirent
1^4 eu A
«dans Tempire de Pluton, et cest en vue de votre
« céleste beauté que le prince d'Atarne s'est aussi
«privé de la lumière du soleil. Prince à jamais célé-
« bre par ses actions , les filles de mémoire chanteront
f' sa gloire toutes les fois qu'elles chanteront le culte
« de Jupiter hospitalier, et le prix d une amitié du-
« rable et sincère. »
Toutes leurs chansons morales n'étoient pas si
graves que celles-là. En voici une d'un goût différent ,
tirée d'Athénée :
« Le premier de tous les biens est la santé : le se-
« cond, la beauté; le troisième, les richesses amassées
« sans fraude; et le quatrième, la jeunesse qu'on passe
« avec ses amis. »
Quant aux scolies qui roulent sur l'amour et le vin ,
on en peut juger par les soixante-dix odes d'iVnacréon
qui nous restent: mais, dans ces sortes de chansons
mêmes, on voyoit encore briller cet amour de la pa-
trie et de la liberté dont tous les Grecs étoient trans-
portés.
«Du vin et de la santé, dit une de ces chansons^
« pour ma Clitagora et pour moi , avec le secours des
« Thessaliens. » C'est qu'outre que Clitagora étoit
Thessalienne, les Athéniens avoient autrefois reçu du
secours des Thessaliens contre la tyrannie des Pisis-
tratides.
Ils avoient aussi des chansons pour les diverses
professions : telles étoient les chansons des bergers,
dont une espèce, appelée hucoliasme^ étoit le véri-
table chant de ceux qui conduisoient le bétail ; et
l'autre , qui est proprement la pastorale , en étoit
CITA 125
Tagrcable imitation : la chanson des moissonneurs,
appelée le Iftierse, du nom d'un fils de Midas, qui
s'occupoit par goût à faire la moisson : la chanson des
meuniers, appelée hyniée ou épiaulie\ comme celle-ci
tirée de Plutarque, Moulez^ meule ^ moulez, car Fit-
tacuSy oui règne dans l'auguste Mitylène^ aimeàmoudre;
parceque Pittacus étoit grand mangeur : la chanson
des tisserands, qui s'appeloit éline: la chanson yule
des ouvriers en laine : celle des nourrices, qui s'ap-
peloit catabaucalèse ou nunnie : la chanson des amants,
appelée nomion : celle des femmes, appelée cafyce;
harpalice, celle des filles. Ces deux dernières, attendu
le sexe, étoient aussi des chansons d'amour.
Pour des occasions particulières, ils avoient la
chanson des noces, qui s'appeloient hyménée, épitha-
lame Aa chanson de Datis , pour des occasions joyeuses :
les lamentations, ïiale?n, et le linoSj pour des occa-
sions funèbres et tristes. Ce linos se cliantoit aussi
chez les Égyptiens, et s'appeloit par eux tnaneros, du
nom d'un de leurs princes, au deuil duquel il avoit
été chanté. Par un passage d'Euripide, cité par Athé-
née , on voit que le linos pouvoit aussi marquer la joie.
Enfin il y avoit encore des hymnes ou chansons en
l'honneur des dieux et des héros; telles étoient les
iules de Cérès et Proserpine , la philelie d'Apollon , les
upinges de Diane , etc.
Ce genre passa des Grecs aux Latins , et plusieurs
odes d'Horace sont des chansons galantes ou bachi-
ques. Mais cette nation, plus guerrière que sensuelle ,
fit, durant très long-temps, un médiocre usage de la
musique et des chansons , et n'a jamais approché , sur
126 CHA
ce point, des grâces de la volupté grecque. Il paroit
que le chant resta toujours rude et grossier chez les
Romains : ce qu'ils chantoient aux noces étoit plutôt
des clameurs que des chansons^ et il n'est guère à pré-
sumer que les chansons satiriques des soldats aux
triomphes de leurs généraux eussent une mélodie fort
agréable.
Les modernes ont aussi leurs chansons de diffé-
rentes espèces, selon le génie et le goût de chaque
nation. Mais les François remportent sur toute l'Eu-
rope duns l'art de les composer , sinon pour le tour
et la mélodie des airs , au moins pour le sel , la grâce
et la finesse des paroles; quoique, pour l'ordinaire,
l'esprit et la satire s'y montrent bien mieux encore
que le sentiment et la volupté. Ils se sont plus à cet
amusement, et y ont excellé dans tous les temps,
témoin les anciens troubadours. Cet heureux peuple
est toujours gai, tournant tout en plaisanterie: les
{^mmes y sont fort galantes , leg hommes fort dissipés ;
et le pays produit d'excellent vin : le moyen de n'y
pas chanter sans cesse? Nous avons encore d'an-
ciennes cA«/i50/i.ç de Thibault, comte de Champagne,
i'homme le plus galant de son siècle, mises en mu-
sique par Guillaume de Machault. Marot en fit beau-
coup qui nous restent; et, grâce aux airs d'Orlande
et de Claudin , nous en avons aussi plusieurs de
la Pléiade de Charles ix. Je ne parler, i point des
chansons plus modernes, par lesquelles les musiciens
Lambert, Du Bousset, La Garde, et autres, ont acquis
un nom, et dont on trouve autant de poètes qu'il y a
de gens de plaisir parmi le peuple du monde qui s'y
cil A 11^7
livre le plus, quoique non pas tous aussi célèbres que
le comte de Coulanges et Tabbé de l'Attei^jfnant. La
Provence et le Languedoc n'ont point non plus dégé-
néré de leur premier talent; on voit toujours régner
dans ces provinces un air de gaieté qui porte sans
cesse leurs habitants au chant et à la danse. Un Pro-
vençal menace, dit-on, son ennemi d'une chanson^
comme un Italien menaceroit le sien d'un coup de
stylet : chacun a ses armes. Les autres pays ont aussi
leurs provinces chansonnières: en Angleterre, c'est
l'Ecosse ; en Itahe , c'est Venise. { Voyez Barca -
ROLLES.)
Nos chansons sont de plusieurs sortes; mais en
général elles roulent ou sur l'amour, ou sur le vin, ou
sur la satire. Les chansons d'amour sont, les airs ten-
dres qu'on appelle encore airs sérieux ; les romances,
dont le caractère est d'émouvoir lame insensiblement
par le récit tendre et naïf de quelque histoire amou-
reuse et tragique; les chansons pastorales et rustiques,
dont plusieurs sont faites- pour danser, comme les
musettes, les gavottes, les branles, etc.
Les chansons à boire sont assez communément des
airs de basse ou des rondes de table : c'est avec beau-
coup de raison qu'on en fait peu pour les dessus ; car
il n'y a pas une idée de débauche plus crapuleuse et
plus vile que celle d'une femme ivre.
A l'égard des chansons satiriques, elles sont com-
prises sous le nom de vaudevilles, et lancent indiffé-
remment leurs traits sur le vice et sur la vertu, en les
rendant également ridicules ; ce qui doit proscrire le
vaudeville de la bouche des gens de bien.
128 CHA
Nous avons encore une espèce de chanson qu'on ap-
pc'lle parodie : ce sont des paroles qu'on ajuste comme
on peut sur des airs de violon ou d'autres instru-
ments, et qu'on fait rimer tant bien que mal, sans
avoir é^^ard à la mesure des vers, ni au caractère de
Fair, ni au sens des paroles, ni le plus souvent à 1 hon-
nêteté. (Voyez Parodie.)
Chant, 5. m. Sorte de modification de la voix hu-
maine, par laquelle, on forme des sons variés et ap-
préciables. Observons que pour donner à cette défi-
nition toute l'universalité qu'elle doit avoir, il ne faut
pas seulement entendre par sons appréciables ceux
qu'on peut assigner par les notes de notre musique,
et rendre par les touches de notre clavier, mais tous
ceux dont on peut trouver ou sentir l'unisson , et cal-
culer les intervalles de quelque manière que ce soit.
Il est très difficile de déteiminer en quoi la voix
qui forme la parole diffère de la voix qui forme le
chant. Cette différence est sensible, mais on ne voit
pas bien clairement en quoi elle consiste; et, quand
on veut le chercher, on ne le trouve pas. M. Dodard
a fait des observations anatomiques, à la faveur des-
quelles il croit , à la vérité , trouver dans les diffé*
rentes situations du larynx la cause de ces deux sortes
de voix; mais je ne sais si ces observations, ou les
conséquences qu'il en tire, sont bien certaines. (Voyez
Voix.) Il semble ne manquer aux sons qui forment la
parole que la permanence pour former un véritable
chant; il paroît aussi que les diverses inflexions qu'on
donne à la voix en parlant forment des intervalles qui
ne sont point harmoniques, qui ne font pas partie de
CHA 129
nos systèmes de musique, et qui, par conséquent, ne
pouvant être exprimés en note , ne sont pas propre-
ment du chant pour nous.
Le chant ne semble pas naturel à l'homme. Quoique
les sauvages de l'Amérique chantent, pai cequ ils par-
lent, le vrai sauva^^e ne chauta jamais. Les muets ne
chantent point; ils ne forment que des voix sans per-
manence, des mugissements sourds que le besoin leur
arrache; je douterois que le sieur Pereyre, avec tout
son talent, pût jamais tirer d eux aucun chant musical.
Les enfants crient, pleurent, et ne chantent point.
Les premières expressions de la nature n'ont rien en
eux de mélodieux ni de sonore, et ils apprennent à
chanter, comme à parler , à notre exemple. J^q chant
mélodieux et appréciable n'est qu'une imitation paisi-
ble et artificielle des accents de la voix parlante ou
passionnée : on crie et;^4'on se plaint sans chanter ;
mais on imite en cha^itant les cris et les plaintes; et
comme de toutes les imitations la plus intéressante
est celle des passions humaines , de toutes les ma-
nières d'imiter, la plus agréable est le chant.
Chant ^ appliqué plus particulièrement à notre mu-
sique, en est la partie mélodieuse; celle qui résulte
de la durée et de la succession des sons; celle d'où dé-
pend toute l'expression , et à laquelle tout le reste est
subordonné. (Voyez Musique, Mélodie.) Les chants
agréables frappent d'abord, ils se gravent facilement
dans la mémoire; mais ils sont souvent l'écueil des
compositeurs , parcequ'il ne faut que du savoir pour
entasser des accords, et qu'il faut du talent pour ima-
giner des chants gracieux. Il y a dans chaque nation
XIV. 9
i3o CïiA
des tours de chant triviaux et usés, dans lesquels les
mauvais musiciens retombent sans cesse ; il y en a de
baroques, qu'on n'use jamais, parceque le public les
rebute toujours. Inventer des chants nouveaux appar-
tient à l'homme de génie; trouver de beaux chants ap-
partient à Ibomme de goût.
Enfin, dans son sens le plus resserré, chant se dit
seulement de la musique vocale; et, dans celle qui est
mêlée de symphonie, on appelle parties de chant,
celles qui sont destinées pour les voix.
Chant ambrosien. Sorte de plain-chant dont l'in-
vention est attribuée à saint Ambroise, archevêque
de Milan. (Voyez Plain-chant. )
Chant grégorien. Sorte de plain-chant dont l'inven-
tion est attribuée à saint Grégoire, pape, et qui a été
substitué ou préféré dans la plupart des églises au
chant ambrosien. (Voyez Plain-chant.)
Chant en ison , ou Chant égal. On appelle ainsi un
chant ou une psalmodie qui ne roule que sur deux
sons, et ne forme par conséquent qu'un seul inter-
valle. Quelques ordres religieux n'ont dans leurs
églises d'autre chant que le chant en ison.
Chant sur le livre. Plain-chant ou contre-point à
quatre parties, que les musiciens composent et chan-
tent impromptu sur une seule: savoir, le livre de
chœur qui est au lutrin ; en sorte qu'excepté la par-
tie notée , qu'on met ordinairement à la taille , les
musiciens affectés aux trois autres parties n'ont que
celle-là pour guide, et composent chacun la leur en
chantant.
Le chant sur le livre demande beaucoup de science ,
CHA l3î
d'habitude et d'oreille dans ceux qui Texécutent ,
d'autant plus qu'il n'est pas toujours aisé de rapporter
les tons du plain-ohant à ceux de notre musique.
Cependant il y a des musiciens d'église si versés dans
cette sorte de chant, qu'ils y commencent et pour-
suivent même des fugues , quand le sujet en peut
comporter, sans confondre et croiser les parties, ni
faire de faute dans l'harmonie.
Chanter, v. n. C'est, dans l'acception la plus géné-
rale, former avec la voix des sons variés et appré-
ciables (Voyez Chant); mais c'est plus communé-
ment faire diverses inflexions de voix, sonores, agréa-
bles à l'oreille , par des intervalles admis dans la
musique, et dans les régies de la modulation.
On chante plus ou moins agréablement, à propor-
tion qu'on a la voix plus ou moins agréable et sonore ,
l'oreille plus ou moins juste, l'organe plus ou moins
flexible, le goût plus ou moins formé, et plus ou
moins de pratique de l'art du chant. A quoi l'on doit
ajouter, dans la musique imitative et théâtrale, le
degré de sensibilité qui nous affecte plus ou moins
des sentiments que nous avons à rendre. On a aussi
plus ou moins de disposition à chanter selon le climat
sous lequel on est né, et selon le plus ou moins d'ac-
cent de sa langue naturelle; car plus la langue est ac-
centuée, et par conséquent mélodieuse et chantante,
plus aussi ceux qui la parlent ont naturellement de
facilité à chanter.
On a fait un art du chant -^ c'est-à-dire que, des ob-
servations sur les voix qui chantaient le mieux, on a
composé des régies pour faciliter et perfectionner
9-
l32 CHA
Tusage de ce don naturel. (Voyez Maître a chanter.
Mais il reste bien des découvertes à faire sur la manière
la plus facile, la plus courte et la plus sure d'acquérir
cet art.
Chanterelle, 5./ Celle des cordes du violon et des
instruments semblables quia le son le plus aigu. On
dit d'une symphonie qu'elle ne quitte pas la chan-
terelle, lorsqu'elle ne roule qu'entre les sons de cette
corde et ceux qui lui sont les plus voisins, comme sont
presque toutes les parties de violon des opéra de Lulli
et des symphonies de son temps.
Chanteur, musicien qui chante dans un concert.
Chantre, s. m. Ceux qui chantent au chœur dans
les églises catholiques s'appellent chantres. On ne dit
point chanteur à l'église, ni chantre dans un concert.
Chez les réformés on appelle chantre celui qui en-
tonne et soutient le chant des psaumes dans le temple ;
il est assis au-dessous de la chaire du ministre sur le
devant; sa fonction exige une voix très forte, capable
de dominer sur celle de tout le peuple , et de se faire
entendre jusqu'aux extrémités du temple. Quoiqu'il
n'y ait ni prosodie ni mesure dans notre manière de
chanter les psaumes, et que le chant en soit si lent
qu'il est facile à chacun de le suivre, il me semble
qu'il seroit nécessaire que le chantre marquât une
sorte de mesure. La raison en est que le chantre se
trouvant fort éloigné de certaines parties de l'église ,
et le son parcourant assez lentement ces grands inter-
valles , sa voix se fait à peine entendre aux extrémités ,
qu'il a déjà pris un autre ton et commencé d'autres
notes i ce qui devient d'autant plus sensible en certain»
CHA j33
lieux, que le son arrivant encore beaucoup plus len-
tement d'une extrémité à Tautre que du milieu où est
le chantre, la masse d'air qui remplit le temple se
trouve parta(T;ée à-la-fois en divers sons fort discor-
dants , qui enjambent sans cesse les uns sur les autres
et choquent fortement une oreille exercée; défaut que
Torgue même ne fait qu'augmenter, parcequ'au lieu
d'être au milieu de l'édifice comme le chantre^ il ne
donne le ton que d'une extrémité.
Or, le remède à cet inconvénient me paroît très
simple; car comme les rayons visuels se communi-
quent à l'instant de l'objet à l'œil, ou du moins avec
une vitesse incomparablement plus grande que celle
avec laquelle le son se transmet du corps sonore à
l'oreille , il suffit de substituer l'un à l'autre pour avoir
dans toute l'étendue du temple un chant bien simul-
tané et parfaitement d'accord : il ne faut pour cela
que placer le chantre, ou quelqu'un chargé de cette
partie de sa fonction, de manière qu'il soit à la vue de
tout le monde , et qu'il se serve d'un bâton de mesure
dont le mouvement s'aperçoive aisément de loin,
comme , par exemple , un rouleau de papier ; car alors ,
avec la précaution de prolonger assez la première
note pour que l'intonation en soit partout entendue
avant qu'on poursuive, tout le reste du chant mar-
chera bien ensemble , et la discordance dont je parle
disparoîtra infailliblement. On pourroit même, au
lieu d'un homme, employer un chronomètre dont le
mouvement seroit encore plus égal dans une mesure
si lente.
Il résulteroit de là deux autres avantages : Fun que^
l34 CHI
sans presque altérer le chant des psaumes, il seroit
aisé d'y introduire un peu de prosodie, et d'y observer
du moins les longues et les brèves les plus sensibles;
l'autre, que ce qu'il y a de monotonie et de langueur
dans ce chant pourroit, selon la première intention de
l'auteur, être effacé par la basse et les autres parties,
dont riiarmonie est certainement la plus majestueuse
et la plus sonore qu'il soit possible d'entendre.
Chapeau, s. m. Trait demi-circulaire, dont on cou-
vre deux ou plusieurs notes, et qu'on appelle plus
communément liaison. (Voyez Liaison.)
Chasse, s, f. On donne ce nom à certains airs ou à
certaines fanfares de cors ou d'autres instruments,
qui réveillent, à ce qu'on dit, lidée des tons que ces
mêmes cors donnent à la chasse.
Chevrotter , V. n. C'est, au lieu de battre nettement
et alternativement du gosier les deux sons qui for-
ment la cadence ou le trille (voyez ces mots), en battre
un seul à coups précipités, comme plusieurs doubles-
croches détachées et à l'unisson, ce qui se fait en for-
çant du poumon Tair contre la glotte fermée, qui sert
alors de soupape, en sorte qu'elle s'ouvre par se-
cousses pour livrer passage à cet air, et se referme à
chaque instant par une mécanique semblable à celle
du tremblant de l'orgue. Le chevrottement est la désa-
gréable ressource de ceux qui, n'ayant aucun trille,
en cherchent l'imitation grossière; mais l'oreille ne
peut supporter cette substitution, et un seul chevrotte-
ment au milieu du plus beau chant du monde suffit
pour le rendre insupportable et ridicule.
Chiffrer. C'est écrire sur les notes de la basse des
CHi i35
cliiffres ou autres caraclères indiquant les accords que
ces notes doivent porter, pour servir de guide à Tac-
compagnateur. (Voyez chiffres, Accord.)
Chiffres. Caractères qu'on place au-dessus ou au-
dessous des notes de la basse, pour indiquer les ac-
cords qu'elles doivent porter. Quoique parmi ces
caractères il y en ait plusieurs qui ne sont pas des
chiffres, on leur en a généralement donné le nom, j5ar-
ceque c'est la sorte de signes qui s'y présente le plus
fréquemment.
Comme chaque accord est composé de plusieurs
sons, s'il a voit fallu exprimer chacun de ces sons par
un chiffre , on auroit tellement multiplié et embrouillé
les chiffres, que l'accompagnateur n'auroit jamais eu
le temps de les lire au moment de l'exécution. On s'est
donc appliqué , autant qu'on a pu , à caractériser
chaque accord par un seul chiffre; de sorte que ce
chiffre peut suffire pour indiquer, relativement à la
basse, l'espèce de l'accord, et par conséquent tous les
sons qui doivent le composer. Il y a même un accord
qui se trouve chiffré en ne le chiffrant point; car,
selon la précision des chiffes, toute note qui n'est
point chiffrée , ou ne porte aucun accord, ou porte
l'accord parfait.
Le chiffre qui indique chaque accord est ordinaire-
ment celui qui répond au nom de l'accord : ainsi l'ac-
cord de seconde se chiffre 2; celui de septième, 7.
celui de sixte, 6, etc. Il y a des accords qui portent
un double nom , et qu'on exprime aussi par un dou-
ble chiffre: tels sont les accords de sixte-quarte, de
sixte-quinte, de septième et sixte, etc. Quelquefois
i36 ciii
même on en met trois, ce qui rentre dans l'inconvé-
nient qu'on vouloit éviter : mais comme la composi-
tion des chiffres est vernie du temps et du hasard ,
plutôt que d'une étude réfléchie , il n'est pas étonnant
qu'il s'y trouve des fautes et des contradictions.
Voici une table de tous les chiffres pratiqués dans
l'accompagnement ; sur quoi l'on observera qu'il y
a plusieurs accords qui se chiffrent diversement en
différents pays, ou dans le même pays par différents
auteurs, ou quelquefois parle même. Nous donnons
toutes ces manières, afin que chacun, pour chiffrer,
puisse choisir celle qui lui paroîtra la plus claire, et
pour accompagner, rapporter chaque chiffre à l'ac-
cord qui lui convient , selon la manière de chiffrer de
Tauteur,
cm iSy
<% V'*.'%/*/V%'X/V -W^ v^%/%„'*,^^^%,-%/%/^,'*^%/^ <%•»/», '*/»-'%-'«^'».^'%/%'^'*-'%'%''*y%y'^.
TABLE GENERALE
DE TOUS LES CHIFFRES DE L'ACCOMPAGNEMENT.
idem.
Nota. On a ajouté une étoile à ceux qui sont plus usités en France
aujourd'hui.
CHIFFRES. NOMS DES ACCORDS.
Accord parfait,
8 Idem.
5 Idem.
J Idem.
3 P Accord parfait, tierce mineme.
b3 Idem.
b Idem.
. > Idem.
3fl" Accord parfait, tierce majeure.
#3 Idem.
# Idem.
5
jf f Idem.
3 k Accord parfait, tierce naturelle.
H 3 Idem.
H Idem.
Idem.
S
ÇA /► Accord de sixte.
38 cHi
CHIFFRES. NOMS DES ACCORDS.
* 6 Accord de sixte.
Les différentes sixtes, clans cet accord , se mar-
quent par un accident au chiffre, comme les tierce^
dans l'accord parfait.
*6
l\ Accord de sixte-quarte.
6 Idem.
A
!> > Accord de septième.
3
i\
/ 5- Idem.
A > Idem.
7 idem.
*
jL\ Septième avec tierce majeme.
i\
i\
ni
Avec tierce mineure.
Avec tierce naturelle
7 "^ Accord de septième mineure.
* ^7 Idem.
n+f Accord de septième majeure.
^ ffn Idem.
T fcj De septième naturelle.
^'' kl Idem.
7i
i
Septième avec la quinte fausse.
h\
r i. ^ Idem.
D
^ "j Septième diminuée.
'-b Idem.
b»? Idem.
CHIFFRES.
7^
b
i!
"7
b5
5b
3
CHI
NOMS DES ACCORDS.
Septième diminuée.
Idem,
Idem.
Idem.
Idem.
l39
etc.
Id
em.
' itl Septième superflue.
nf Idem.
■^ Idem.
i\
4
2
#7
5
4
2
Id
em.
Idem.
etc.
7*i
6bJ
'X7)
b6J
X7'
6b
Septième superflue avec sixte mineure.
Idem.
Idem.
1
1 4o C II î
CHIFFRES. NOMS DES ACCORDS-
b 6 r Septième superflue avec sixte mineure.
etc.
'V Septième et seconde.
r> Grande sixte.
6 Idem.
^5 Fausse-quinte.
5 b Idem.
b5 Idem.
6
b5
6
5
6
*X6
> Idem.
? Idem.
V Fausse-quinte et sixte majeure.
1
r ^ Idem.
> Idem.
Idem.
5
X6
b 5
5b ^
^r
6"
4
3
*^ Idem.
6 Idem.
^j^ Idem majeure.
Petite sixte.
Idem.
CHI
CHIFFRES. NOMS DES ACCORDS.
X6]
4 > Petite sixte majeure.
etc.
*X^ Petite sixte superflue.
X6)
4 / Idem.
3)
#6 Idem.
X6'
> Idem , avec la quinte.
i4i
3
X6
5
Idem.
6
4
3
6'
X4
H
X4j
X4i
* Petite sixte, avec la quarte superflue.
Idem.
Idem,
Idem.
2 Accord de seconde.
4
6
^i
^5
2
Idem.
Idem.
Seconde et quinte.
l42
CHI
NOMS DES ACCORDS.
CHIFFRES.
Vr-
^ l
X4!
6
4
6
■4
2
f!
''Il-
y^X Idem.
^X4 Wem.
2}: Idem.
4X)
H
b
6
4
3 b
* X 2 Seconde superflue
X4)
X2)
Triton.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
!
Triton avec tierce mineure.
Idem.
Idem.
Idem.
Seconc
Idem.
cm 143
CHIFFRES. NOMS DES ACCORDS.
\ Seconde superflue.
4 V Idem.
2:)
etc.
''^Q Accord de neuvième.
^ > Idem.
y > Idem.
*
^ } Neuvième avec la septième.
9,
n} Idem.
*
/ Quarte ou onzième.
5
} Quarte et neuvième.
9
\ Idem.
41
^ > Ouarte et
9)
Septième et quarte.
*^
X5, ..
Idem.
X 5 Quinte superflue.
5X Idem.
Q > Idem.
Quinte superflue et quarte.
*X^^
M
i44 cHi
CHIFFRES. NOMS DES ACCORDS.
. ^, > Quinte superflue et quarte.
6
*
^ l Septième et sixte.
4> Neuvième et sixte.
6)
FIN DE LA TABLE DES CHIFFRES.
Quelques auteurs avoient introduit Fusage de cou-
vrir d'un trait toutes les notes de la basse qui passoient
sous un même accord ; c'est ainsi que les jolies can-
tates de M. Clérambault sont chiffrées : mais cette in-
vention étoit trop commode pour durer ; elle montroit
aussi trop clairement à l'œil toutes les syncopes d'har-
monie. Aujourd'hui , quand on soutien t le même accord
sous quatre différentes notes de basse, ce sont quatre
chiffres différents qu'on leur fait porter, de sorte que
l'accompagnateur, induit en erreur, se hâte de cher-
cher l'accord même qu'il a sous la main. Mais c'est la
mode en France de charger les basses d'une confusion
de chiffres inutiles : on chiffre tout, jusqu'aux accords
les plus évidents , et celui qui met le plus de chiffres
croit être le plus savant. Une basse ainsi hérissée de
chiffres triviaux rebute l'accompagnateur, et lui fait
souvent négliger les chiffres nécessaires. L'auteur doit
supposer, ce me semble, que l'accompagnateur sait
les éléments de l'accompagnement, qu'il sait placer
une sixte sur une médiante, une fausse quinte sur une
note sensible, une septième sur une dominante, etc.
Il ne doit donc pas chiffrer des accords de cette évi-
dence, à moins qu'il ne faille annoncer un changement
de ton. Les chiffres ne sont faits que pour déterminer
le choix de Tliarmonie dans les cas douteux, oli le
choix des sons dans les accords qu'on ne doit pas rem-
plir : du reste, c'est très bien fait d avoir des basses
chiffrées exprès pour les écoliers. Il faut que les chif-
fres montrent à ceux-ci l'application des règles : pour
les maîtres, il suffit d'indiquer. les exceptions.
M. Rameau, dans sa Dissertation sur les différentes
méthodes d'accompagnement, a trouvé un grand nom-
bre de défauts dans les chiffres établis. Il a fait voir
(ju'ils sont trop nombreux et pourtant insuffisants,
obscurs, équivoques; qu'ils multiplient inutilement
les accords, et qu'ils n en montrent en aucune manière
la liaison.
Tous ces. défauts viennent d'avoir voulu rapporter
les chiffres aux notes arbitraires de la basse-continue,
au lieu de les rapporter immédiatement à l'harmonie
fondamentale. La basse-continue fait sans doute une
partie de l'harmonie, mais elle n'en fait pas le fonde-
ment; cette harmonie est indépendante des notes de
cette basse, et elle a son progrès déterminé, auquel la
basse même doit assujettir sa marche. En faisant dé-
pendre les accords et les chiffres qui les annoncent des
notes de la basse et de leurs différentes marches , on
ne montre que des combinaisons de l'harmonie ; au
lieu d'en montrer la basse, on multiplie à l'infini le
XIV. , o
i46 cm
petit nombre des accords fondamentaux , et Ton force
en quelque sorte l'accompagnateur de perdre de vue
à chaque instant la véritable succession harmonique.
Après avoir fait de très bonnes observations sur la
mécanique des doigts dans la pratique de l'accompa-
gnement, M. Rameau propose de substituer à nos
chifft'es d'autres chiffres beaucoup plus simples, qui
rendent cet accompagnement tout-à-fait indépendant
de la basse-continue; de sorte que, sans égard à cette
basse et même sans la voir, on accompagneroit sur les
chiffres seuls avec plus de précision qu'on ne peut faire
par la méthode établie avec le concours dé la basse et
des chiffres.
Les chiffres inventés par M. Rameau indiquent deux
choses : i<* l'harmonie fondamentale dans les accords
parfaits , qui n'ont aucune succession nécessaire, mais
qui constatent toujours le ton ; 2° la succession har-
monique déterminée par la marche régulière des doigts
dans les accords dissonants.
Tout cela se fait au moyen de sept chiffres seulement,
I. Une lettre de la gamme indique le ton , la tonique et.
son accord : si l'on passe d'un accord parfait à un au-
tre, on change de ton; c'est l'affaire d'une nouvelle
lettre. II. Pour passer de la tonique à un accord dis-
sonant, M. Rameau n'admet que six manières, à cha-
cune desquelles il assigne un caractère particulier;
savoir :
1 . Un X pour l'accord sensible ; pour la septième
diminuée , il suffit d'ajouter un bémol sous cet X.
2. Un 2 pour l'accord de seconde sur la tonique.
3. Un 7 pour son accord de septième.
cm i47
4. Cette abréviation aj. pour sa sixte ajoutée.
5. Ces deux chiffres ^ relatifs à cette tonique pour
raccord qu'il appelle de tierce-quarte , et qui revient
à Faccord de neuvième sur la seconde note.
6. Enfin ce chiffre 4 pour Taccord de quarte et quinte
sur la dominante.
III. Un accord dissonant est suivi d'un accord par-
fait ou d'un autre accord dissonant : dans le premier
cas, l'accord s'indique par une lettre ; le second se rap-
porte à la mécanique des doigts. ( Voyez Doigter. )
C'est un doigt qui doit descendre diatoniquement , ou
deux, ou trois. On indique cela par autant de points
l'un sur l'autre, qu'il faut descendre de doigts. Les
doigts qui doivent descendre par préférence sont in-
diqués par la mécanique ; les dièses ou bémols qu'ils
doivent faire sont connus par le ton ou substitués dans
les chiffres aux points correspondants \ ou bien , dans
le chromatique et l'enharmonique , on marque une
petite ligne inclinée en descendant ou en montant de-
puis la ligne d'une note connue , pour marquer qu'elle
doit descendre ou monter d'un semi-ton. Ainsi tout est
prévu, et ce petit nombre de signes suffît pour expri-
mer toute bonne harmonie possible.
. On sent bien qu'il faut supposer ici que toute disso-
nance se sauve en descendant; car s'il y en avoit qui
se dussent sauver en montant, s'il y avoit des marches
de doigts ascendantes dans des accords dissonants ,
les points de M. Rameau seroient insuffisants pour
exprimer cela.
Quelque simple que soit cette méthode , quelque fa-
vorable qu'elle paroisse pour la pratique, elle n'a point
10.
]i4B ciio
eu de cours : peut-être a-t-on cru que les chiffres cle
M. Rameau ne corrigeoient un défaut que pour en
substituer un autre; car s'il simplifie les signes, s'il
diminue le nombre des accords , non seulement il n'ex-
prime point encore la véritable harmonie fondamen-
tale , mais il rend de plus ces signes tellement dépen- ^
dants les uns des autres , que si i on vient a s égarer
ou à se'distraire un instant , à prendre un doigt pour
un autre, on est perdu sans ressource, les points ne
signifient plus rien , plus de moyen de se remettre jus-
qu'à un nouvel accord parfait. Mais avec tant de raisons
de préférence , n'a-t-il point fallu d'autres objections
encore pour faire rejeter la méthode de M. Rameau?
Elle étoit nouvelle ; elle étoit proposée par un homme
supérieur en génie à tous ses rivaux : voilà sa con-
damnation.
Choeur, 5. m. Morceau d'harmonie complète à quatre
parties bu plus , chanté à-la-fois par toutes les voix et
joué par tout l'orchestre. On cherche dans les chœur$
un bruit agréable et harmonieux , qui charme et rem-
plisse l'oreille. Un beau chœur e?>t\e chef-d'œuvre d'un
commençant, et c'est par ce genre d'ouvrage qu'il se
montre suffisamment instruit de toutes les régies de
riiarmonie. Les François passent en France pour réus-
sir mieux dans cette partie qu'aucune autre nation de
l'Europe.
Le c/Wwr, dans la musique françoise, s'appelle quel-
quefois grand-chœw , par opposition ^u petit-chœur ^ qui ||
est seulement composé de trois parties ; savoir, deux
dessus , et la haute-contre qui leur sert de basse. On
fait de temps en temps entendre séparément ce petit-
CHR l49
chœur ^ dont la douceur contraste agréablement avec
la bruyante liarmonie du grand.
On appelle encore petit-chœw\ à l'opéra de Paris , un
certain nombre des meilleurs instruments de chaque
genre , qui forment comme un petit orchestre particu-
lier autour du clavecin et de celui qui bat la mesure.
Ce petit-chœur est destiné pour les accompagnements
qui demandent le plus de déHcatesse et de précision.
Il y a des musiques à deux ou plusieurs chœurs qui
se répondent et chantent quelquefois tous ensemble :
on en peut voir un exemple dans fopéra de Jephié.
IMais cette pluralité de chœurs simultanés, qui se pra-
tique assez souvent en Italie , est peu usitée en France :
on ti'ouve qu'elle ne fait pas un bien grand effet, que
la composition n'en est pas fort facile , et qu'il faut un
trop grand nombre de musiciens pour l'exécuter.
Chorion. Nome de la musique grecque, qui se chan-
toit en l'honneur de la mère des dieux , et qui , dit-on ,
fut inventé par Olympe Phrygien.
Choriste, s. m. Chanteur non récitant, et qui ne
chante que dans les chœurs.
On appelle aussi choristes les chantres d'église qui
chantent au chœur : Une antienne à deux choristes.
Quelques musiciens étrangers donnent encore le
nom de choriste à un petit instrument destiné à donner
le ton pour accorder les autres. ( Voyez Ton. )
Chorus. Faire chorus , c'est répéter en chœur à l'u-
nisson ce qui vient d'être chanté à voix seule.
Chreses ou Chresis. Uile des parties de l'ancienne
mélopée qui apprend au compositeur à mettre un tel
arrangement dans la suite diatonique des sons . qu'il
l5o CHR
en résulte une bonne modulation et une mélodie agréa-
ble. Cette partie s'applique à différentes successions
de sons, appelées par les anciens cigoge, euthia^ ana-
camptos. ( Voyez Tirade. )
Chromatique , adj. pris quelquefois substantivement.
Genre de musique qui procède par plusieurs semi-tons
consécutifs. Ce mot vient du grec xpw^aa, qui signifie
couleur^ soit parceque les Grecs marquoient ce genre
par des caractères rouges ou diversement colorés; soit,
disent les auteurs, parceque lé genre chromatique est
moyen entre les deux autres , comme la couleur est
moyenne entre le blanc et le noir; ou, selon d'autres,
parceque ce genre varie et embellit le diatonique par
ses semi-tons, qui font dans la musique le même effet
que la variété des couleurs fait dans la peinture.
Boëce attribue à Timothée de Milet l'invention du
(^enre chromatique ; mais Athénée la donne§Épigonus.
Aristoxène divise ce genre en trois espèces", qu'il
appelle molle , héîniolion et tonicum ^ dont on trouvera
les rapports {PL M\f.g. 5, n° A), le tétracorde étant
supposé divisé en 60 parties égales.
Ptolomée ne divise ce même genre qu'en deux es-
pèces , molle ou anticwn, qui procède par de plus pe-
tits intervalles, et intensum^ dont les intervalles sont
plus grands. (Même figure, n° B.)
Aujourd'hui le genre chromatique consiste à don-
ner une telle marche à la basse-fondamentale, que les
parties de l'harmonie, ou du moins quelques unes,
puissent procéder par semi-tons tant en montant
qu'en descendant; ce qui se trouve plus fréquemment
dans le mode mineur, à cause des altérations aux-
CHR l5l
quelles la sixième et la septième notes y sont sujettes
par la nature même du mode.
Les semi-tons successifs pratiqués dans le chroma-
tique ne sont pas tous du même genre, mais presque
alternativement mineurs et majeurs , c'est-à-dire chro-
tnaticjues et diatoniques : car l'intervalle d'un ton mineur
contient un semi-ton mineur ou chromatique ^ et un
semi-ton majeur ou diatonique, mesure que le tempé-
jament rend commune à tous les tons, de sorte qu'on
ne peut procéder par deux semi-tons mineurs con-
joints et successifs sans entrer dans l'enharmonique;
mais deux semi-tons majeurs se suivent deux fois dans
J ordre chromatique de la gamme.
La route élémentaire de la basse-fondamentale pour
engendrer le chromatique ascendant est de descendre
de tierce , et remonter de quarte alternativement, tous
les accords portant la tierce majeure. Si la basse-fon-
damentale procède de dominante en dominante par
des cadences parfaites évitées, elle engendre le cAro-
maiique descendant. Pour produire à-la-fois l'un et
l'autre, on entrelace la cadence parfaite et l'interrom-
pue , en les évitant.
Comme à chaque note on change de ton dans le
chromatique ^ il faut borner et régler ces successions de
peur de s'égarer. On se souviendra pour cela que l'es-
pace le plus convenable pour les mouvements chroma-
tiques est entre la dominante et la tonique en montant,
et entre la tonique et la dominante en descendant.
Dans le mode majeur on peut encore descendre chro-
matiquement de la dominante sur la seconde note*^
Ce passage est fort commun en Italie, et, malgré sa
l52 CHR
beauté, commencée l'être un peu trop parmi nous.
Le (^enre chromatique est admirable pour expri-
mer la douleur et l'affliction ; ses sons renforcés en
montant arrachent lame. Il n'est pas moins énergi-
que en descendant; on croit alors entendre de vrais
gémissements. Chargé de son harmonie, ce même
genre devient propre à tout, mais son remplissage,
en étouffant le chant, lui ôte une partie de son expres-
sion ; et c'est alors au caractère du mouvement à lui
rendre ce dont le prive la plénitude de son harmonie.
Au reste, plus ce genre a d'énergie, moins il doit être
prodigué : semblable à ces mets délicats dont l'abon-
dance dégoûte bientôt, autant il charme sobrement
ménagé, autant devient-il rebutant quand on le pro-
digue.
CufiONOMÉTRE , 5. m. ÎSom générique des instruments
qui servent à mesurer le temps. Ce mot est composé
de XP^^^'^^y temps y et àeyérpov^ mesure.
On dit, en ce sens, que les montres, les horloges,
sont des chronomètres.
Il y a néanmoins quelques instruments qu'on a ap-
pelés, en particulier chronomètres., et nommément un
que M. Sauveur décrit dans ses Principes d'acoustique :
c'étoit un pendule particulier qu'il destinoit à déter-
miner exactement les mouvements en musique. L'Af-
filard, dans ses Principes dédiés aux dames religieuses,
avoit mis à la tète de tous les airs des chiffres qui ex-
primoient le nombre des vibrations de ce pendule pen-
dant la durée de chaque mesure.
11 y a une trentaine d'années qu'on vit paroître le
projet d'un instrument semblable, sous le nom de mé-
CHU i53
tromètre, qui battoit la mesure tout seul ; mais il n'a
réussi ni dans un temps ni dans l'autre. Plusieurs pré-
tendent cependant qu'il seroit fort à souhaiter qu'on
eût un tel instrument pour fixer avec précision le
temps de chaque mesure dans une pièce de musique :
on conserveroit par ce moyen plus facilement le vrai
mouvement des airs, sans lequel ils perdent leur ca-
ractère, et qu'on ne peut connoître après la mort des
auteurs que par une espèce de tradition , fort sujette à
s'éteindre ou à s'altérer. On se plaint déjà que nous
avons oublié les mouvements d'un grand nombre
d'airs , et il est à croire qu'on les a ralentis tous. Si Ton
eût pris la précaution dont je parle, et à laquelle on
ne voit pas d'inconvénient, on auroit aujourd'hui le
plaisir d'entendre ces mêmes airs tels que l'auteur
les faisoit exécuter.
A cela les connoisseurs en musique ne demeurent
pas sans réponse. Ils objecteront, dit M. Diderot
[Mémoires sur différents sujets de mathématiques) , contre
tout chronomètre en général , qu'il n'y a peut-être pas
dans un air deux mesures qui soient exactement de la
même durée, deux choses contribuant nécessaire-
ment à ralentir les unes et à précipiter les autres , le
goût et l'harmonie dans les pièces à plusieurs parties ,
le goût et le pressentiment de l'harmonie dans les solo.
Un musicien qui sait son art n'a pas joué quatre me-
sures d'un air qu'il en saisit le caractère, et qu'il s'y
abandonne; il n'y a que le plaisir de l'harmonie qui
le suspende. Il veut ici que les accords soient frappés ,
là qu'ils soient dérobés; c'est-à-dire qu'il chante ou
joue plus ou moins lenteujcnt d'une mesure à l'autre ,
t54 CHR
et racme d'un temps et d'un quart de temps à celui
qui le suit.
A la vérité cette objection, qui est d'une grande
force pour la musique f'rançoise, n'en auroit aucune
pour l'italienne, soumise irrémissiblement à la plus
exacte mesure : rien même ne montre mieux l'oppo-
sition parfaite de ces deux musiques, puisque ce qui
est beauté dans l'une seroit dans l'autre le plus grand:
défaut. Si la musique italienne tire son énergie de cet
asservissement à la rigueur de la mesure, la françoise
cherche la sienne à maîtriser à son gré cette même
mesure, à la presser, à la ralentir, selon que l'exige le
gotit du chant ou le degré de flexibilité des- organes du
chanteur.
Mais, quand on admettroit Futilité d'un chronomè-
frCj il faut toujours, continue M. Diderot, commen-
cer par rejeter tous ceux qu'on a proposés jusqu'à
présent, parcequ'on y a fait du musicien et du chrono-
mettre deux machines distinctes, dont l'une ne peut
jamais bien assujettir l'autre : cela n'a presque pas
besoin d'être prouvé; il n'est pas possible que le mu-
sicien ait pendant toute sa pièce l'œil au mouvement,
et l'oreille au bruit du pendule ; et, s'il s'oublie un ins-
tant , adieu le frein qu'on a prétendu lui donner.
J'ajouterai que , quelque instrument qu'on pût
trouver pour régler la durée de la mesure , il seroit
impossible , quand même l'exécution en seroit de
la dernière facilité , qu'il eût jamais lieu dans la pra-
tique. Les musiciens , gens confiants , et faisant ,
comme bien d'autres , de leur propre goût la régie du
bon, ne l'adopteroient jamais; ils laisseroient le chro-
CLA i55
nomètîv, et ne s'en rapporteroient qu'à eux du vrai
caractère et du vrai mouvement des airs. Ainsi le seul
bon chîonotnètre que Ton puisse avoir, c'est un habile
musicien qui ait du goût , qui ait bien lu la musique
qu'il doit faire exécuter , et qui sache en battre la me-
sure. Machine pour machine , il vaut mieux s'en tenir
à celle-ci.
Circonvolution, 5. /. Terme de plain-chant. C'est
une sorte de périélèse qui se fait en insérant entre la
pénultième et la dernière note de l'intonation d'une
pièce de chant trois autres notes ; savoir , une au-des-
sus, et deux au-dessous delà dernière note, lesquelles
se lient avec elle, et forment un contour de tierce
avant que d'y arriver; comme si vous avez ces trois^
notes , mi, fa , mi, pour terminer l'intonation , vous y
interpolerez par circonvolution ces trois autres , fa ,
re,re, et vous aurez alors votre intonation terminée
de cette sorte, mi, fa, fa, re, re , mi, etc. (Voyez Pé-
riélèse.)
CiTHARiSTiQUE , S. f. Genre de musique et de poésie
approprié à l'accompagnement de la cithare. Ce genre,
dont Amphion, fils de Jupiter et d'Antiope, fut Tin-
venteur, prit depuis le nom de lyrique.
Clavier, s. m. Portée générale, ou somme des sons
de tout le système qui résulte de la position relative
des trois clefs. Cette position donne une étendue de
douze lignes , et par conséquent de vingt-quatre de-
grés , ou de trois octaves et une quarte. Tout ce qui
excède en haut ou en bas cet espace ne peut se noter
qu'à l'aide d'une ou plusieurs lignes postiches ou ac-
cidentelles , ajoutées aux cinq qui composent la portée-
iOb CLE
d une clef. Voyez ( PL A ^fig. 5. ) retendue générale du
clavier.
Les notes ou touches diatoniques du clavier., les-
quelles sont toujours constantes, s'expriment par des
lettres de Falphabet, à la différence des notes de la
(jamme , qui , étant mobiles et relatives à la modula-
tion , portent des noms qui expriment ces rapports.
( Voyez Gamme et Solfier. )
Chaque octave du clavier comprend treize sons ; sept
diatoniques et cinq chromatiques , représentés sur le
clavier instrumental par autant de touches. (Voyez
PL I .,fig. I . ) Autrefois ces treize touches répondoient
à quinze cordes ; savoir, une de plus>entre le re dièse
et le mi naturel , Tautre entre le sol dièse et le /« ; et ces
deux cordes qui formoient des intervalles enharmoni-
ques , et qu'on faisoit sonner à volonté au moyen de
deux touches brisées, furent regardées alors comme
la perfection du système ; mais , en vertu de nos régies
de miodulation , ces deux ont été retranchées , parce-
qu'il en auroit fallu mettre partout. (Voyez Clef,
Portée. )
Clef , s. f. Caractère de musique qui se met au
commencement d'une portée , pour déterminer le de-
gré d'élévation de cette portée dans le clavier général ,
et indiquer les noms de toutes les notes qu'elle contient
dans la ligne de cette clef.
Anciennement on appeloit clefs les lettres par les-
quelles on désignpit les sons de la gamme. Ainsi la
lettre A étoit la clef de la note la; Gy la clef à^ ut ; E , la
clef de mi y etc. A mesure que le système s'étendit, on
sentit l'embarras et l'inutilité de cette multitude de
CLE 157
défi. Gui d'Arezzo, qui les avoit inventées , maïquolt
une lettre ou clef an commencement de chacune des
lignes de la portée ; car il ne plaçoit point encore de
notes dans les espaces. Dans la suite on ne marqua
plus qu'une des sept clefi au commencement d'une
des lignes seulement, celle-là suffisant pour fixer
la position de toutes les autres selon Tordre nature).
Enfin, de ces sept lignes ou clefs , on en choisit quatre
qu'on nomma claves signatœ ou clefs manjuées), parce-
qu'on se contentoit d'en marquer une sur une des li-
gnes , pour donner l'intelligence de toutes les autres;
encore en retrancha-t-on bientôt une des quatre, sa-
voir, le gamma dont on s'étoit servi pour désigner le
50/ d'en bas, c'est-à-dire l'hipoproslambanoméne ajou-
tée au système des Grecs.
En effet Kircher prétend que si Ton est au fait des
anciennes écritures , et qu'on examine bien la figure
de nos clefs , on trouvera qu'elles se rapportent chacune
à la lettre un peu défigurée de la note qu'elle repré-
sente. Ainsi la clef de sol étoit originairement un G , la
clef d'ut un G, et la clef de fa une F.
Nous avons donc trois clefs à la quinte l'une de
l'autre : la clef d'F utfa^ ou de fa, qui est la plus basse ;
la clef d'ut ou de G sol ut, qui est une quinte au-dessus
de la première ; et la clef de sol ou de G re sol, qui est
une quinte au-dessus de celle d'ut , dans l'ordre mar-
qué PL k, fig. 5. Sur quoi l'on doit remarquer que,
par un reste de l'ancien usage , la clef se pose toujours
sur une ligne et jamais dans un espace. On doit savoir
aussi que la clef de fa se fait de trois manières diffé-
rentes : l'une dans la musique imprimée; une autre
l58 CLE
dans la musique écrite ou gravée ; et la dernière dans
le plain-chant. Voyez ces trois figures. [Planche M,
JigweS.)
En ajoutant quatre lignes au-dessus de la clef de sol,
et trois lignes au-dessous de la clef àe fa , ce qui donne
de part et d'autre la plus grande étendue de lignes sta-
bles, on voit que le système total des notes, qu'on
peut placer sur les degrés relatifs à ces clefs , se monte
à vingt-quatre , c'est-à-dire trois octaves et une quarte,
depuis \efa qui se trouve au-dessous de la première
ligne, jusqu'au si qui se trouve au-dessus de la der-
nière , et tout cela forme ensemble ce qu'on appelle le
clavier général ; par où l'on peut juger que cette éten-
due a fait long-temps celle du système. Aujourd'hui
qu'il acquiert sans cesse de nouveaux degrés , tant à
l'aigu qu'au grave , on marque ces degrés sur des li-
gnes postiches , qu'on ajoute en haut ou en bas selon
le besoin.
Au lieu de joindre ensemble toutes les lignes , comme
j'ai fait ( PL A.,fg. 5. ) pour marquer le rapport des
clefs , on les sépare de cinq en cinq, parceque c'est à
peu près aux degrés compris dans cet espace qu'est
bornée l'étendue d'une voix commune. Cette collec-
tion de cinq lignes s'appelle portée, et l'on y met une
c/<?/'pour déterminer le nom des notes, le lieu des semi-
tons , et montrer quelle place la portée occupe dans le
clavier.
De quelque manière qu'on prenne dans le clavier
cinq lignes consécutives , on y trouve une clef com-
prise , et quelquefois deux ; auquel cas on en retranche
une comme inutile,. L'usage a même prescrit celle des
CLE l59
deux qu'il faut retrancher, et celle qu'il faut poser ; ce
qui a fixé aussi le nombre des positions assignées à
chaque clef.
Si je fais une portée des cinq premières lignes du
clavier, en commençant par le bas, j'y trouve la clej
àefa sur la quatrième ligne : voilà donc une position
de clef^ et cette position appartient évidemment aux
notes les plus graves ; aussi est-elle celle de la clef de
basse.
Si je veux gagner une tierce dans le haut , il faut
ajouter une ligne au-dessus ; il en faut donc retrancher
une au-dessous , autrement la portée auroit plus de
cinq lignes. Alors la clef àe fa se trouve transportée de
la quatrième ligne à la troisième, et la c/e/d'w/ se trouve
aussi sur la cinquième ; mais comme deux clefs sont
inutiles, on retranche ici celle à'ut. On voit que la
portée de cette clef est d'une tierce plus élevée que la
précédente.
En abandonnant encore une ligne en bas pour en
gagner une en haut, on a une troisième portée où la
clef Ae fa se trouveroit sur la deuxième ligne , et celle
A\it sur la quatrième. Ici l'on abandonne la clef àefa^
et Ton prend celle à'ut. On a encore gagné une tierce
à l'aigu, et on l'a perdue au grave.
En continuant ainsi de ligne en ligne, on passe suc-
cessivement par quatre positions différentes de la clef
^ut. Arrivant à celle de sol, on la trouve posée sur la
deuxième ligne, et puis sur la première; cette posi-
tion embrasse les cinq plus hautes lignes, et donne le
diapason le plus aigu que l'on puisse établir par les
clefs. »
l6o CLË
On peut voir (PL A^ fig. 6.) cette succession des
clefs du grave à l'aigu ; ce qui fait en tout huit portées ,
clefs ou positions de clefs différentes.
De quelque caractère que puisse être une voix ou
un instrument, pourvu que son étendue n'excède pas
à Taigu ou au grave celle du clavier général, on peut
dans ce nombre lui trouver une portée et une c/e/* con-
venables, et il y en a en effet de déterminées pour
toutes les parties de la musique. ( Voyez Parties. ) Si
Tcteadue d'une partie est fort grande, que le nombre
de lignes qu'il faudroit ajouter au-dessus ou au-des-
sous devienne incommode, alors on change la clef
dans le courant de Tair. On voit clairement par la
figure quelle clef il faudroit prendre pour élever ou
baisser la portée, de quelque c/e/' qu'elle soit armée
actuellement.
On voit aussi que pour rapporter une clefk l'autre
il faut les rapporter toutes deux sur le clavier général,
au moyen duquel on voit ce que chaque note.de l une
des clefs est à l'égard de l'autre. C'est par cet exercice
réitéré qu'on prend l'habitude de lire aisément les
partitions.
Il suit de cette mécanique qu'on peut placer telle
note qu'on voudra de la gamme sur une hgne ou sur
un espace quelconque de la portée, puisqu'on a le
choix de huit différentes positions, nombre des notes
de l'octave. Ainsi l'on pourroit noter un air entier sur
la même ligne, en changeant Va clef k chaque degré.
La figure 7 montre par la suite des clefs la suite des
notes re.fa, la, ut, mi, sol, si, re, montant de tierce
en tierce, et toutes placées sur la même ligne. La
CLE l6l
ii^^iiro. suivante 8 représente sur la suite des mêmes
clefs la note iit^ qui paroît descendre de tierce en tierce
sur toutes les lignes de la portée et au-delà, et qui
cependant, au moyen des changements de clef, garde
toujours l'unisson. C'est sur des exemples semblables
qu'on doit s'exercer pour connoître au p'remier coup
d'œil le jeu de toutes les clefs.
Il y a deux de leurs positions , savoir, la c/efde sol
sur la première ligne, et la clef àe fa sur la troisième,
dont Fusage paroît s'abolir de jour en jour. La pre-
mière peut sembler moins nécessaire , puisqu'elle ne
rend qu'une position toute semblable à celle dey^ sur
la quatrième ligne , dont elle diffère pourtant de deux
octaves. Pour la clef de fa, il est évident qu'en l'ôtant
tout-à-fait de la troisième ligne, on n'aura plus de
position équivalente, et que la composition du cla-
vier, qui est complète aujourd'hui, deviendra parla
défectueuse.
Clef transposée. On appelle ainsi toute clef armée
de dièses ou de bémols. Ces signes y servent à chan-
ger le lieu des deux semi-tons de l'octave , comme je
l'ai expliqué au mot bémol, et à établir l'ordre naturel
de la gamme sur quelque degré de l'échelle qu'on
veuille choisir.
La nécessité de ces altérations naît de la similitude
des modes dans tous les tons ; car comme il n'y a
qu'une formule pour le mode majeur, il faut que
tous les degrés de ce mode se trouvent ordonnés de
la même façon sur leur tonique; ce qui ne peut se
faire qu'à l'aide des dièses ou des bémols. Il eu est
X!V. I (
102 CLE
de même du mode mineur; mais, comme la même
combinaison qui donne la formule pour un ton ma-
jeur la donne aussi pour un ton mineur sur une autre
tonique (voyez Mode), il s'ensuit que pour les vingt-
quatre modes il suffit de douze combinaisons ; or , si
avec la gamme naturelle on compte six modifications
par dièses , et cinq par bémols , ou six par bémols, et
cinq par dièses, on trouvera ces douze combinaisons
auxquelles se bornent toutes les variétés possibles de
tons et de modes dans le système établi.
J'explique aux mots dièse et bémol Tordre selon
lequel ils doivent être placés à la clef. Mais pour trans-
poser tout d\m coup la c/^' convenablement à un ton
ou mode quelconque , voici une formule générale ,
trouvée par M. de Boisgelou, conseiller au Grand-
Conseil, et qu il a bien voulu me communiquer.
Prenant Vut naturel pour terme de comparaison ,
nous appellerons intervalles, mineurs la quarte utfa^
et tous les intervalles du même utkuine note bémolisée
quelconque; tout autre intervalle est majeur. Remar-
quez qu'on ne doit pas prendre par dièse la note su-
périeure d'un intervalle majeur, parcequ'alors on
feroit un intervalle superflu : mais il faut chercher la
même chose par bémol , ce qui donnera un intervalle
mineur. Ainsi l'on ne composera pas en la dièse,
parceque la sixte ut la, étant majeure naturellement,
deviendroit superflue par ce dièse; mais on prendra
la note si bémol , qui donne la même touche par un
intervalle mineur; ce qui rentre dans la régie.
On trouvera {PL ^,fig. 5.) une table des douze
sons de l'octave divisée par intervalles majeurs et
CLE l63
mineurs, sur laquelle on transposera la clef de la ma-
nière ^suivante, selon le ton et le mode où Ton veut
composer.
Ayant pris une de ces douze notes pour tonique
ou fondamentale, il faut voir d'abord si Fintervalle
qu'elle fait avec ut est majeur ou mineur : s'il est ma-
jeur, il faut des dièses; s il est mineur, il faut des
bémols. Si cette note est Vut lui-même, l'intervalle est
nul, et il ne faut ni bémol ni dièse.
Pour déterminer à présent combien il faut de dièses
ou de bémols , soit a le nombre qui exprime l'inter-
valle d'ut à la note en question. La formule par dièse
sera a — i x ^ , qi Jg reste donnera le nombre des
7
dièses qu'il faut mettre à la clef. La formule par bé-
mols sera a — » x 5, et le reste sera le nombre des
7
bémols qu'il faut mettre à la clef
Je veux, par exemple, composer en la, mode ma-
jeur. Je vois d'abord qu'il faut des dièses, parceque
la fait un intervalle majeur avec ut. L'intervalle est
une sixte dont le nombre est 6; j'en retranche i ; je
multiplie le reste 5 par 2 , et du produit lo rejetant 7
autant de fois qu'il se peut, j'ai le reste 3 , qui marque
le nombre de dièses dont il faut armer la clef pour le
ton majeur de la.
Que si je veux prendre/^, mode majeur, je vois,
parla table, que l'intervalle est mineur, et qu'il faut
par conséquent des bémols. Je retranché donc i du
nombre 4 de l'intervalle; je multiplie par 5 le reste 3,
et du produit 1 5 rejetant 7 autant de fois qu il se
1 1.
l64 ^OM
peut, j'ai I d<3 reste : c'est un bémol qu'il faut mettre
à la clef.
On voit par là que le nombre des dièses ou des bé-
mols delà clef ne peut jamais passer six, puisqu'ils
doivent être le reste d'une division par sept.
Pour les tons mineurs il faut appliquer la même
formule des tons majeurs, non sur la tonique, mais
sur la note qui est une tierce mineure au-dessus de
cette même tonique sur sa médiante.
Ainsi, pour composer en 5^, mode mineur, je trans-
poserai la c/e/' comme pour le ton majeur de 7^e. Pour
fa dièse mineur, je la transposerai comme pour la
riiajeur, etc.
Les musiciens ne déterminent les transpositions
qu'à force de pratique, ou en tâtonnant; mais la règle
que je donne est démontrée générale et sans excep-
tion.
CoMARCHios. Sorte de nome pour les flûtes dans
l'ancienne musique des Grecs.
CoxMMA, s. m. Petit intervalle qui se trouve dans
quelques cas entre deux sons produits sous le même
nom par des progressions différentes.
On distingue trois espèces de comma. i » Le mineur,
dont la raison est de 2026 à 2048; ce qui est la quan-
tité dont le si dièse, quatrième quinte de sol dièse,
pris comme tierce majeure de mî, est surpassé par
X ut naturel qui lui correspond. Ce comma est la diffé-
rence du semi-ton majeur au semi-ton moyen.
1^ Le comma majeur est celui qui se trouve entre le
mi produit par la progression triple comme quatrième
({uinte, en commençant par ?if , et le même mi., ou sa
COM i65
réplique, considéré comme tierce majeure de ce
même ut. La raison en est de 80 à 81. C'est le comma
ordinaire, et il est la différence du ton majeur au ton
mineur.
3^ Enfin le comma maxime, qu'on appelle comma
de Pythagore, a son rapport de524288à53i44i> et
il est l'excès du si dièse, produit par la progression
triple comme douzième quinte de Yut sur le même ut
élevé par ses octaves au degré correspondant.
Les musiciens entendent par comma la huitième ou
la neuvième partie d'un ton, la moitié de ce qu'ils ap-
pellent un quart de ton. Mais on peut assurer qu'ils
ne savent ce qu ils veulent dire en s'exprimant ainsi,
puisque, pour des oreilles comme les nôtres, un si
petit intervalle n'est appréciable que par le calcul.
(Voyez Intervalle.)
CoMPAiR, adj. corrélatif de lui-même. Lestons com-
pairs ^ dans le plain-chant, sont l'authente, et le plagal
qui lui correspond. Ainsi le premier ton est compair
avec le second, le troisième avec le quatrième, et
ainsi de suite : chaque ton pair est compair avec l'im-
pair qui le précède. (Voyez Tons de l'église.)
Complément d'un intervalle est la quantité qui lui
manque pour arriver à l'octave : ainsi la seconde et la
septième, la tierce et la sixte, la quarte et la quinte,
sont compléments l'une de Tautre. Quand il n'est ques-
tion que d un intervalle , complément et renversement
sont la même chose. Quant aux espèces, le juste est
complément du juste, le majeur du mineur, le super-
flu du diminué, et réciproquement. (Voyez Inter-
valle. ^
i66 . coM
Composé, adj. Ce mot a trois sens en musique;
deux par rapport aux intervalles, et un par rapport à
la mesure.
I. Tout intervalle qui passe Fétendue de l'octave est
un intervalle composé^ parcequ'en retranchant Toc-
tave on simplifie l'intervalle sans le changer. Ainsi la
neuvième, la dixième, la douzième, sont des inter-
valles composés: le premier, de la seconde et de l'oc-
tave; le deuxième, de la tierce et de l'octave ; le troi^
sième, delà quinte et de l'octave, etc.
II. Tout intervalle qu'on peut diviser musicalement
en deux intervalles peut encore être considéré comme
composé. Ainsi la quinte est composée de deux tierces ,
la tierce de deux secondes, la seconde majeure de
deux semi-tons; mais le semi-ton n'est point composé ,
parcequ'on ne peut plus le diviser ni sur le clavier ni
par notes. C'est le sens du discours qui, des deux pré-
cédentes acceptions, doit déterminer celle selon la-
quelle un intervalle est dit composé.
III. On appelle mesures composées toutes celles qui
sont désignées par deux chiffres. (Voyez Mesure.)
Composer, v. a. Inventer de la musique nouvelle,
selon les régies de l'art.
Compositeur, s. m. Celui qui compos'e delà musi-
que ou qui sait les régies de la composition. Voyez au
mot Composition l'exposé des connoissances néces-
saires pour savoir composer. Ce n'est pas encore
assez pour former un vrai compositeur : toute la science
possible ne suffit point sans le génie qui la met. en
œuvre. Quelque effort que l'on puisse foire, quelque
acquis que l'on puisse avoir, il faut être né pour eut
COM 167
art; autrement on n'y fera jamais rien que de mé-
diocre. Il en est du compositeur comme du poète : si la
nature en naissant ne Ta formé tel;
S'il n'a reçu du oie! l'influence secrète,
Pour lui Phébus est sourd, et Pégase est rëtif.
Ce que j'entends par génie n'est point ce goût bizarre
et capricieux qui sème partout le baroque et le diffi-
cile, qui ne sait orner Iharmonie qu'à force de disso-
nances, de contraste et de bruit; c'est ce feu intérieur
qui brûle, qui tourmente le compositeur malgré lui,
qui lui inspire incessamment des chants nouveaux et
toujours agréables, des expressions vives, naturelles,
et qui vont au cœur; une harmonie pure, touchante,
majestueuse, qui renforce et pare le chant sans l'étouf-
fer. C'est ce divin guide qui a conduit Corelli, Vinci,
Ferez, Rinaldo, Jomelli, Durante, plus savant qu'eux
tous, dans le sanctuaire de l'harmonie; Léo, Pergo-
lèse, Hasse, Terradéglias, Galuppi, dans celui du
boa goût et de l'expression.
CoMPOSiTiON, s. f. C'est l'art d'inventer et d'écrire
des chants, de les accompagner d'une harmonie con-
venable, de faire, en un mot, une pièce complète de
musique avec toutes ses parties.
La connoissance de l'harmonie et de ses règles est
le fondement de la composition. Sans doute, il faut
savoir remplir des accords, préparer, sauver des dis-
sonances, trouver des basses-fondamentales, et pos-
séder toutes les autres petites connoissances élémen-
taires; mais avec les seules règles de l'harmonie, on
n'est pas plus près de savoir la composition qu'on ne
i68 coM
l'est d'être un orateur avec celles de la grammaire. Je
ne dirai point qu'il faut, outre cela, bien connoître la
portée et le caractère des voix et des instruments, les
chants qui sont de facile ou difficile exécution, ce
qui fait de l'effet et ce qui n'en fait pas; sentir le ca-
ractère des différentes mesures, celui des différentes
modulations, pour appliquer toujours l'une et l'autre
à propos; savoir toutes les règles particulières établies
par convention , par goût, par caprice, ou par pédan-
terie, comme les fugues, les imitations, les sujets
contraints , etc. Toutes ces choses ne sont encore que
des préparatifs à la composition: mais il faut trouver
en soi-même la source des beaux chants, de la grande
harmonie, les tableaux, l'expression; être enfin capa-
ble de saisir ou de former l'ordonnance de tout un
ouvrage, d'en suivre les convenances de toute espèce,
et de se remplir de l'esprit du poète, sans s'amuser à
courir après les mots. C'est avec raison que nos mu-
siciens ont donné le nom de paroles aux poèmes qu'ils
mettent en chant. On voit bien, par leur manière de
les rendre , que ce ne sont en effet pour eux que des
paroles. Il semble, surtout depuis quelques années,
que les régies des accords aient fait oublier ou négliger
toutes les autres, et que Fliarmonie n'ait acquis plus
de facilité qu'aux dépens de l'art en général. Tous
nos artistes savent le remplissage, à peine en avons-
nous qui sachent la composition.
Au reste , quoique les règles fondamentales du
contre-point soient toujours les mêmes, elles ont plus 1
ou moins de rigueur selon le nombre des parties ; car \
à mesure qu'il y a plus de parties , la composition de-
COM 169
vient plus difficile, et les régies sont moins sévères.
La composition à deux parties s'appelle duo^ quand les
deux parties chantent égalemeut, c'est-à-dire quand
le sujet se trouve partagé entre elles : que si le sujet
est dans une partie seulement, et que Tautre ne fasse
qu'accompagner, on appelle alors la première récit ou
50/0; et l'autre, accompagnement^ on basse-continue , si
c'est une basse. Il en est de même du trio ou de la com-
position à trois parties, du quatuor^ du quincjue^ etc.
(Voyez ces mots.)
On donne aussi le nom de compositions aux pièces
mêmes de musique faites dans les régies de la compo-
sition: c'est pourquoi les duo, trio, quatuor, dont je
viens de parler, s'appellent des compositions.
On compose ou pour les voix seulement, ou pour
les instruments, ou pour les instruments et les voix.
Le plain-chant et les chansons sont les seules compo-
sitions qui ne soient que pour les voix, encore y joint-
on souvent quelque instrument pour les soutenir. Les
compositions instrumentales sont pour un chœur d'or-
chestre, et alors elles s'appellent symphonies , concerts ;
ou pour quelque espèce particulière d'instrument, et
elles s'appellent yt>iece5, sonates. (Voyez ces mots.)
Quant aux compositions destinées pour les voix et
pour les instruments, elles se divisent communément
en deux espèces principales; savoir, musique latine
ou musique d église, et musique françoise. Les musi-
ques destinées pour l'église, soit psaumes, hymnes,
antiennes , répons , portent en général le nom de motets.
(Voyez Motet.) La musique françoise se divise encore
en musique de théâtre, comme nos opéra, et en mu-
sique de chambre, comme nos cantates ou cantatillcs.
( Voyez Cantate, Opéra. )
Généralement la composition latine passe pour de-
mander plus de science et de ré(jles, et la françoise
plus de génie et de goût.
Dans une composition Fauteur a pour sujet le son
physiquement considéré, et pour objet le seul plaisir
de Toreille ; ou bien il s'élève à la musique imitative,
et cherche à émouvoir ses auditeurs par des effets
moraux. Au premier égard, il suffit qu'il cherche de
beaux sons et des accords agréables ; mais au second
il doit considérer la musique par ses rapports aux
accents de la voix humaine, et par les conformités
possibles entre les sons harmoniquement combinés
et les objets imitables. On trouvera dans Tarticle opéra
quelques idées sur les moyens d'élever et d'ennoblir
Fart , en faisant de la musique une langue plus élo-
quente que le discours même.
Concert, s. m. Assemblée de musiciens qui exécu-
tent des pièces de musiq-ue vocale et instrumentale.
Oji ne se sert guère du mot de concert que pour une
assemblée d'au moins sept ou huit musiciens, et pour
une musique à plusieurs parties. Quant aux anciens ,
comme ils ne connoissoient pas le contre-point, leurs
concerts ne s'exécutoient qu'à Funisson ou à l'octave ;
et ils en avoient rarement ailleurs qu'aux théâtres et
dans les temples.
Concert spirituel. Concert qui tient lieu de spec-
tacle public à Paris durant les temps où les autres
spectacles sont fermés. Il est établi au château des
Tuileries ; les concertants y sont très nombreux ,
C O N I y i
et la salle est fort bien décorée : on y exécute des
motets, des symphonies, et Ton se donne aussi le
plaisir d'y défigurer de temps en temps quelcpies airs
italiens.
Concertant, adj. Parties concertantes sont, selon
Tabbé Brossard , celles qui ont quelque chose à réciter
dans une pièce ou dans un concert; et ce mot sert à
les distinguer des parties qui ne sont que de chœur.
Il est vieilli dans ce sens, s'il Ta jamais eu. L'on dit
aujourd'hui parties récitantes , mais on se sert de celui
de concertant en parlant du nombre de musiciens qui
exécutent dans un concert, et l'on dira : Nous étions
vingt-cinq concertants ; une assemblée de huit à dix con- ^
certants.
Concerto, s. m. Mot italien francisé, qui signifie
généralement une symphonie feite pour être exécutée
par tout un orchestre ; mais on appelle plus particu-
lièrement concerto une pièce faite pour quelque in-
strument particulier, qui joue seul de temps en temps
avec un simple accompagnement, après un commen-
cement en grand orchestre ; et la pièce continue ainsi
toujours alternativement entre le même instrument
récitant et l'orchestre en chœur. Quant aux concerto
où tout se joue en rippieno, et où nul instrument ne
récite, les François les appellent quelquefois trio, et
les Italiens sinfonie.
Concordant, ou basse-taille , ou baryton; celle des
parties de la musique qui tient le milieu entre la taille
et la basse. Le nom de concordant n est fïuère en usa
u
ige
que dans les musiques d'église , non plus que la partie
qu'il désigne ^ partout ailleurs cette partie s'appelle
172 CON
basse-taille et se confond avec la basse. Le concordant
est proprement la partie qu'en Italie on appelle tejior.
(Voyez Parties.)
Concours, s. m. Assemblée de musiciens et de con-
noisseurs autorisés , dans laquelle une place vacante
de maître de musique ou d'organiste est emportée, à
la pluralité des suffrages, par celui qui a fait le meil-
leur motet, ou qui s'est distingué par la meilleure
exécution.
Le concours étoit en usage autrefois dans la plupart
des cathédrales ; mais, dans ces temps malheureux
où l'esprit d'intrigue s'est emparé de tous les états, il
est naturel que le concours s'abolisse insensiblement,
et qu'on lui substitue des moyens plus aisés de donner
à la faveur ou à l'intérêt le prix qu'on doit au talent
et au mérite.
Conjoint, adj. Tétracorde co^yomf est , dans l'an-
cienne musique, celui dont la corde la plus grave est
à l'unisson de la corde la plus aiguë du tétracorde qui
est immédiatement au-dessous de lui. ou dont la corde
la plus aiguë est à l'unisson de la plus grave du tétra-
corde qui est immédiatement au-dessus de lui. Ainsi,
dans le système des Grecs, tous les cinq tétracordes
sont conjomts par quelque côté : savoir, i^ le tétra-
corde méson conjoint au tétracorde hypaton ; 2» le té-
tracorde synnéménon conjoint au tétracorde méson ;
3° le tétracorde hyperboléon conjoint au tétracorde
diézeugménon : et comme le tétracorde auquel un
autre étoit conjoint lui étoit conjoint réciproquement,
cela eût fait en tout six tétracordes, c'est-à-dire plus
qu'il n'y en avoit dans le système, si le tétracorde
CON 17.;
niéson, ciïini conjoint par ses deux extrémités, n'eiii
été pris deux fois pour une. •
Painii nous, conjoint se dit d'un intervalle ou degré.
On appelle degrés conjoints ceux qui sont tellement
disposés entre eux que le son le plus aigu du degré
inférieur se trouve à Tunisson du son le plus grave du
degré supérieur. Il faut de plus qu'aucun des degrés
conjoints ne puisse être partagé en d'autres degrés
plus petits, mais qu'ils soient eux-mêmes les plus
petits qu'il soit possible , savoir ceux d'une seconde. *
Ainsi ces deux intervalles, ut ?e, et re nii^ sont con-
joints; mais ut re et fa sol ne le sont pas, faute de la
première condition ; ut mi et mi sol ne le sont pas non
plus, faute de la seconde.
Marche par degrés conjoints signifie la même
chose que marche diatonique. (Voyez Degré diato-
MQUE. )
Conjointes, s.f. Tétracorde des conjointes. (Voyez
Synnéiménon.)
Connexe, adj. Terme de plain-chant. (Voy. Mixte.)
CoNSONNANCE, 5./. C'est, selon l'étymologie du mot,
l'effet de deux ou plusieurs sons entendus à-la-fois;
mais on restreint communément la signification de ce
terme aux intervalles, formés par deux sons dont l'ac-
cord plaît à l'oreille, et c'est en ce sens que j'en par-
lerai dans cet article.
De cette infinité d'intervalles qui peuvent diviser
les sons , il n'y en a qu'un très petit nombre qui fassent
i\e% consonnances ; tous les autres choquent l'oreille,
et sont appelés pour cela dissonances. Ce n'est pas que
plusieurs de celles-ci ne soient employées dans l'har-
174 COIS
monie ; mais elles ne le sont qu'avec des précautions,
dont les consonnœnces ^ toujours agréables par elles-
mêmes, n'ont pas également besoin.
Les Grecs n'admettoient que cinq consonnances ; sa-
voir, Foctave, la quinte, la douzième, qui est la ré-
plique de la quinte , la quarte , et l'onzième , qui est
sa réplique. Nous y ajoutons les tierces et les sixtes
majeures et mineures , les octaves doubles et triples ,
et, en un mot, les diverses répliques de tout cela sans
exception , selon toute l'étendue du système.
On distingue les consonnances en parfaites ou justes,
dont l'intervalle ne varie point, et en imparfaites, qui
peuvent être majeures ou mineures. Les consonnances
parfaites sont l'octave , la quinte et la quarte; les im-
parfaites sont les tierces et les sixtes.
Les consonnances se divisent encore en simples et
composées. Il n'y a de consonnances simples que la
tierce et la quarte: car la quinte, par exemple, est
composée de deux tierces ; la sixte est composée de
tierce et de quarte, etc.
Le caractère physique des consonnances se tire de
leur production dans un même son , ou, si Ton veut,
du frémissement des cordes. De deux cordes bien
d'accord formant entre elles un intervalle d'octave, ou
de douzième qui est l'octave de la quinte, ou de dix-
septième majeure qui est la double octave de la tierce
majeure, si l'on fait sonner la plus grave, l'autre fré-
mit et résonne. A l'égard de la sixte majeure et mi-
neure, de la tierce mineure , de la quinte et de la tierce
majeure simples, qui toutes s.ont des combinaisons et
des renversements des précédentes consonnances , elles
GON 175
se trouvent non directement, mais entre les diverses
cordes qui frémissent au même son.
Si je touche la corde wf , les cordes montées à son
octave ut, à la quinte 50/ de cette octave, à la tierce
mi de la double octave, môme aux octaves de tout
cela , iiémiront toutes et résonneront à-la-fois ; et
quand la première corde seroit seule, on distingue-
roit encore tous ces sons dans sa résonnance. Voilà
donc Toctave, la tierce majeure et la quinte directes.
Les autres çonsonnances se trouvent aussi par combi-
naisons : savoir la tierce mineure, de rni au sol; la
sixte mineure, du même mi à \ut d'en haut; la quarte ,
du sol à ce même ut; et la sixte majeure, du même sol
au mi qui est au-dessus de lui*.
Telle est la vénération de toutes les çonsonnances. Il
s'agiroit de rendre raison des phénomènes.
Premièrement , le frémissement des cordes s'ex-
plique par Faction de l'air et le concours des vibra-
tions. (Voyez Unisson.) 1^ Que le son d'une corde soit
toujours accompagné de ses harmoniques (voyez ce
mot), cela paroît une propriété du son qui dépend de
sa nature, qui en est inséparable, et au'on ne sau-
roit expliquer qu'avec des hypothèses qui ne sont pas
sans difficulté. La plus ingénieuse qu'on ait jusqu'à
présent imaginée sur cette matière est sans contredit
celle de M. de Mairan , dont M. Rameau dit avoir fait
son profit.
3<* A l'égard du plaisir que. les çonsonnances font à
l'oreille à l'exclusion de tout autre intervalle, on en
voit clairement la source dans leur génération. Les
çonsonnances naissent toutes de l'accord parfait, pro-
i']6 COIN
duit par un son unique, et réciproquement l'accord
parfait se forme par l'assemblage des consonnances . Il
est donc naturel que Tharmonie de cet accord se com-
munique à ses parties , que chacune d'elles y parti-
cipe , et que tout autre intervalle qui ne fait pas partie
de cet accord n'y participe pas. Or, la nature, qui a
doué les objets de chaque sens de qualités propres à
le flatter, a voulu qu'un son quelconque fût toujours
accompagné d'autres sons agréables, comme elle a
voulu qu'un rayon de lumière fût toujours formé des
plus belles couleurs. Que si l'on presse la question , et
qu'on demande encore d'où naît le plaisir que cause
l'accord parfait à l'oreille , tandis qu'elle est choquée
du concours de tout autre son, que pourroit-on ré-
pondre à cela, sinon de demander à son tour pour-
quoi le vert plutôt que le gris réjouit la vue , et pour-
quoi le parfum de la rose enchante , tandis que l'odeur
du pavot déplaît?
C-e n'est pas que les physiciens n'aient expliqué tout
cela ; et que n'expliquent-ils point? Mais que toutes
ces explications sont conjecturales , et qu'on leur
trouve peu de solidité quand on les examine de près î
Le lecteur en jugera par l'exposé* des principales, que
je vais tâcher de faire en peu de mots.
Ils disent donc que la sensation du son étant pro-
duite par les vibrations du corps sonore propagées
jusqu'au tympan par celles que l'air reçoit de ce
même corps, lorsque deux sons se font entendre en-
semble, l'oreille est affectée à-la-fois de leurs diverses
vibrations. Si ces vibrations sont isochrones, c'est-à-
dire qu'elles s'accordent à commencer et finir en même
coN J7'7
temps, ce concours forme runisson; et Toreille, qui
saisit Faccord de ces retours égaux et bien concor-
dants, en est agréablement aiTectée. Si les vibrations
d'un des deux sons sont doubles en durée de celles de
l'autre, durant chaque vibration du plus grave, l'aigu
en fera précisément deux; et à la troisième ils parti-
ront ensemble. Ainsi, de deux en deux, chaque vibra-
tion impaire de l'aigu concourra avec chaque vibration
du grave ; et cette fréquente concordance qui con-
stitue l'octave, selon eux moins douce que l'unisson ,
le sera plus qu'aucune autre consonnance. Après vient
la quinte, dont l'un des sons fait deux vibrations,
tandis que l'autre en fait trois ; de sorte qu'ils ne s'ac-
cordent qu'à chaque troisième vibration de l'aigu; en-
suite la double octave, dont l'un des sons fait quatre
vibrations pendant que l'autre n'en fait qu'une, s'ac-
cordant seulement à chaque quatrième vibration de
l'aigu. Pour la quarte, les vibrations se répondent de
quatre en quatre à l'aigu, et de trois en trois au grave :
celles de la tierce majeure sont comme 4 et 5 ; de la
sixte majeure, comme 3 et 5; de la tierce mineure,
comme 5 et 6 ; et de la sixte mineure, comme 5 et 8.
au-delà de ces nombres il n'y a plus que leurs multi-
ples qui produisent des consonnances , c'est-à-dire des
octaves de celles-ci ; tout le reste est dissonant.
D'autres, trouvant l'octave plus agréable que l'u-
nisson, et la quinte plus agréable que l'octave, en
donnent pour raison que les retours égaux des vibra-
tions dans l'unisson, et leur concours trop fréquent
dans l'octave, confondent, identifient les sons, et em-
pêchent l'oreille d'en apercevoir la diversité. Pour
2-78 CON
qu'elle puisse avec plaisir comparer les sons , il faut
bien, disent-ils, que les vibrations s'accordent par in-
tervalles, mais non pas qu'elles se confondent trop
souvent; autrement, au lieu de deux sons, on croiroit
n'en entendre qu'un , et l'oreille perdroit le plaisir de
la comparaison. C'est ainsi que du même principe ou
déduit à son gré le pour et le contre, selon qu'on juge
que les expériences l'exigent.
Mais premièrement toute cette explication n'est,
comme on voit, fondée que sur le plaisir qu'on pré-
tend que reçoit l'ame par l'organe de l'ouïe du con-
cours des vibrations; ce qui, dans le fond, n'est déjà
qu'une pure supposition. De plus il faut supposer
encore, pour autoriser ce système, que la première
vibration de chacun des deux corps sonores com-
mence exactement aveq celle de l'autre; car de quel-
que peu que l'une précédât, elles ne concourroient
plus dans le rapport déterminé, peut-être même ne
concourroient-elles jamais, et par conséquent Tinter-
valle sensible devroit changer, la cotisomiance nexisle-
roit plus, ou ne seroit plus la même. Enfin il faut
supposer que les diverses vibrations des deux sons
d'une consonnance frappent l'organe sans confusion ,
et transmettent au cerveau la sensation de Taccord
sans se nuire mutuellement : chose difficile à conce-
voir et dont j'aurai occasion de parler aiHeurs.
Mais , sans disputer sur tant de suppositions, voyons
ce qui doit s'ensuivre de ce système. Les vibrations
ou les sons de la dernière consonnance^ qui est la
tierce mineure , sont comme 5 et 6 , et l'accord en est
fort agréable. Que doit-il naturellement résulter de
CON l'jfj
deux autres sons dont les vibrations seroient entre
elles comme 6 et 7 ? une consonnance un peu moins
harmonieuse, à la vérité, mais encore assez agréable,
à cause de la petite différence des raisons; car elles ne
diffèrent que d'un trente-sixième. Mais qu'on me dise
comment il se peut faire que deux sons, dont Tun fait
cinq vibrations pendant que l'autre en fait six, pro-
duisent une consonnance agréable, et que deux sons,
dont l'un fait six vibrations pendant que l'autre en
fait sept , produisent une dissonance aussi dure. Quoi !
dans l'un de ces rapports les vibrations s'accordent de
six en six, et mon oreille est charmée; dans l'autre
elles s'accordent de sept en sept, et mon oreille est
écorchée ! Je demande encore comment il se fait qu'a-
près cette première dissonance la dureté des autres
n'augmente pas en raison de la composition des rap-
ports : pourquoi , par exemple , la dissonance qui
résulte du rapport de 89 à 90 n'est pas beaucoup plus
choquante que celle qui résulte du rapport de 1 2 à 1 3.
Si le retour plus ou moins fréquent du concours des
vibrations étoit la cause du degré de plaisir ou de
peine que me font les accords, 1 effet seroit propor-
tionné à cette cause , et je n'y trouve aucune propor-
tion. Donc ce plaisir et cette peine ne viennent point
de là.
Il reste encore à faire attention aux altérations
dont une consonnance est susceptible sans cesser
d'être agréable à l'oreille , quoique ces altérations dé-
rangent entièrement le concours périodique des vi-
brations, et que ce concours même devienne plus
rare à mesure que l'altération est moindre. ïl reste
12.
l8o CON
à considérer que Taccord de Torgue ou du clavecin
ne devroit offrir à Foreillc cp'une cacophonie d'au-
tant plus horrible que ces instruments seroient ac-
cordés avec plus de soin; puisque, excepté Toctave,
il ne s'y trouve aucune consonnance dans son rapport
exact.
Dira-t-on qu'un rapport approché est supposé tout-
à-fait exact, qu'il est reçu pour tel par l'oreille, et
qu'elle supplée par instinct ce qui manque à la jus-
tesse de l'accord? je demande alors pourquoi cette
inégalité de jugement et d'appréciation par laquelle
elle admet des rapports plus ou moins rapprochés,
et en rejette d'autres selon la diverse nature des con-
sonnances. Dans l'unisson, par exemple, l'oreille ne
supplée rien; il est juste ou faux, point de milieu.
De même encore dans l'octave, si l'intervalle n'est
exact, l'oreille est choquée; elle n'admet point d'ap-
proximation. Pourquoi en admet-elle plus dans la
quinte, et moins dans la tierce majeure? Une expjli-
cation vague, sans preuve, et contraire au principe
qu'on veut établir, ne rend point raison de ces diffé-
rences.
Le philosophe qui nous a donné des principes d'a-
coustique laissant à part tous ces concours de vibra-
tions , et renouvelant sur ce point le système de Des-
cartes, rend raison du plaisir que les consonnances
font à l'oreille par la simplicité des rapports qui sont
entre les sons qui les forment. Selon cet auteur et se-
lon Descartes, le plaisir diminue à mesure que ces
rapports deviennent plus composes; et quand l'esprit
ne les saisit plus ce sont de véritables dissonances :
CON i8r
ainsi c'est une opération de Tespiit qu'ils prennent
pour le principe du sentiment de l'harmonie. D'ail-
leurs , c|uoi(jue cette hypothèse s'accorde avec le
résultat des premières divisions harmoniques, et
qu'elle s'étende même à d'autres phénomènes qu'on
remarque dans les beaux-arts, comme elle est sujette
aux mêmes objections que la précédente, il n'est pas
possible à la raison de s'en coiitenter.
Celle de toutes qui paroît la plus satisfaisante a pour
auteur M. Estéve, de la Société royale de Montpellier.
Voici là-dessus comment il raisonne.
Le sentiment du son est inséparable de celui de ses
harmoniques ; et puisque tout son porte avec soi ses
harmoniques ou pèutôt son accompagnement, ce même
accompagnement est dans l'ordre de nos organes. Il y
a dans le son le plus simple une gradation de sons qui
sont et plus foibles et plus aigus, qui adoucissent par
nuances le son principal , et le font perdre dans la
grande vitesse des sons les plus hauts. Voilà ce que
c'est qu'un son, l'accompagnement lui est essentiel,
en fait la douceur et la mélodie. Ainsi toutes les fois
que cet adoucissement, cet accompagnement, ces
harmoniques , seront renforcés et mieux développés ,
les sons seront plus mélodieux, les nuances mieux
soutenues. C'est une perfection, et lame y doit être
sensible.
Or les consonnances ont cette propriété que les har-
moniques de chacun des deux sons concourant avec
les harmoniques de l'autre, ces harmoniques se sou-
tiennent mutuellement, deviennent plus sensibles ,,
l82 CGN
durent plus long-temps, et rendent ainsi plus agréable
Faccord des sons qui les donnent.
Pour rendre plus claire Tappiication de ce principe,
M. Estéve a dressé deux tables, Tune des consonnan-
ces, et l'autre des dissonances qui sont dans Tordre de
la gamme ; et ces tables sont tellement disposées , qu'on
voit dans chacune le concours ou l'opposition des har-
moniques de deux sons qui forment chaque inter-
valle.
Parla table des consonnances , on voit que l'accord
de l'octave conserve presque tous ses harmoniques ,
et c'est la raison de l'identité qu'on suppose dans la
pratique de Tharmonie entre les deux sons de l'octave ;
on voit que l'accord de la quinte n (Conserve que trois
harmoniques , que la quarte n'en conserve que deux ,
qu enfin les consonnances imparfaites n'en conservent
qu'un, excepté la sixte majeure qui en porte deux.
Par la table des dissonances, on voit qu'elles ne se
conservent aucun harmonique , excepté la seule sep-
tième mineure qui conserve son quatrième harmoni-
que , savoir la tierce majeure de la troisième octave
du son aigu.
De ces observations l'auteur conclut que plus entre
deux sons il y aura d'harmoniques concourants , plus
l'accord en sera agréable ; et voilà les consonnances
parfaites : plus il y aura d'harmoniques détruits , moins
î'ame sera satisfaite de ces accords ; voilà les conson-
nances imparfaites : que s'il arrive qu'aucun harmoni-
que ne soit conservé, les sons seront privés de leur
douceur et de leur mélodie \ ils seront aigres et comme
décharnés , lame s'v refusera ; et au lieu de l'adoucis-
CON i83
sèment qirelle éprouvoit dans les consonnances , ne
tiouvant partout qu'une rudesse soutenue , elle éprou-
vera un sentiment d'inquiétude désagréable qui est
l'effet de la dissonance.
Cette hypothèse est sans contredit la plus simple ..
la plus naturelle , la plus heureuse de toutes : mais elle
laisse pourtant encore quelque chose à désirer poiu^
le contentement de l'esprit, puisque les causes qu'elle
assigne ne sont pas toujours proportionnelles aux dif-
férences des effets ; que , par exemple , elle confond
dans la même catégorie la tierce mineure et la sep-
tième mineure, comme réduites également à un seul
harmonique, quoique l'une soit consonnante, l'autre
dissonante , et que l'effet à l'oreille en soit très diffé-
rent.
A l'égard du principe d'harmonie imaginé par M.
Sauveur, et qu'il faisoit consister dans les battements,
comme il n'est en nulle façon soutenable , et qu il n a
été adopté de personne , je ne m'y arrêterai pas ici , et
il suffira de renvoyer le lecteur à ce que j'en ai dit au
mot Battement.
CoNSONNANT, adj. Un intervalle consonnant est celui
qui donne une consonnance ou qui en produit l'effet ,
ce qui arrive en certains cas aux dissonarK;es par la
force de la modulation. Un accord consonnant est celui
qui n'est composé que de consonnances.
Contra , s:m. Nom qu'on donnoit autrefois à la partie
qu'on appeloit plus communément allas, et qu'aujour-
d'hui nous nommons haute-contre. ( Voyez Haute-
ConcTRE. )
Contraint , adj. Ce mot s'applique , soit à Tharmo-
i84 cojn
nie, soit au chant, soit à la valeur des notes, quand
par la nature du dessein on s'est assujetti à une loi
d'uniformité dans quelqu'une de ces trois parties.
( Voyez Basse-Contrainte. )
Contraste, s. m. Opposition de caractères. Il y a
contraste dans une pièce de musique lorsque le mou-
vement passe du lent au vite , ou du vite au lent ; lors-
que le diapason de la mélodie passe du grave à l'aigu,
ou de l'aigu au grave ; lorsque le chant passe du doux
au fort, ou du fort au doux; lorsque Taccompagne-
ment passe du simple au figuré, ou du figuré au sim-
ple ; enfin , lorsque l'harmonie a des jours et des pleins
alternatifs : et le contraste le plus parfait est celui qui
réunit à-la-fois toutes ces oppositions.
Il est très ordinaire aux compositeurs qui manquent
d'invention d'abuser du co/ifr«5fe, et d'y chercher, pour
nourrir l'attention, les ressources que leur génie ne
leur fournit pas. Mais le contraste^ employé à propos
et sobrement ménagé, produit des effets admirables.
Contra-tenor. Nom donné dans les commencements
du contre-point , à la partie qu'on a depuis nommée
ténor ou taille. ( Voyez Taille. )
Contre-chant, s. m. Nom donné par Gerson et par
d'autres à ce qu'on appeloit alors plus communément
déchant on contre-point. (Voyez ces mots- )
Contre-danse. Air d'une sorte de danse de même
oom , qui s'exécute à quatre , à six et à huit personnes ,
et qu'on danse ordinairement dans les bals après les
menuets , comme étant plus gaie et occupant plus de
monde. Les airs des contre-danses sont le plus souvent
h deux temps : ils doivent être bien cadencés , brillants
coN i85
et gais, et avoir cependant beaucoup de simplicité;
car, comme on les reprend très souvent, ils devien-
droient insupportables s'ils éto-ient charges. En tout
genre les choses les plus simples sont celles dont on
se lasse le moins.
C0ΫJTRE-FUGUE OU FuGUE-RENVERSÉE , S. f. SortC dc
fugue dont la marche est contraire à celle d'une autre
fugue qu'on a établie auparavant dans le même mor-
ceau. Ainsi , quand la fugue s'est fait entendre en mon-
tant de la tonique à la dominante, ou de la dominante
à la tonique, la contre-fugue doit se faire entendre en
descendant de la dominante à la tonique, ou de la to-
nique à la dominante , et vice versa : du reste , ses ré-
gies sont entièrement semblables à celles de la fugue.
(Voyez Fugue. )
Contre-harmonique, aclj. Nom d'une sorte de pro-
portion. ( Voyez l^ROPORTiON. )
Contre-partie, s.f. Ce terme ne s'emploie en musi-
que que pour signifier une des deux parties d'un duo
considérée relativement à l'autre.
Contre-point , 5. m. C'est à peu près la même chose
que composition; si ce n'est que composition peut se
dire des chants, et d'une seule partie, et que contre-
point ne se dit que de l'harmonie , et d'une composition
à deux ou plusieurs parties différentes.
Ce mot de contre-point vient de ce qu'anciennement
les notes ou signes des sons étoient de simples points ,
et qu'en composant à plusieurs parties, on plaçoit
ainsi ces points Fun sur l'autre , ou l'un contre l'autre.
Aujourd hui le nom de confj^e-point s'applique spé-
cialement aux parties ajoutées sur un sujet donné,
ibb COiN
pris ordinairement du plain-chant. Le sujet peut être
à la taille ou à quelque autre partie supérieure; et Ton
dit alors que le contre-point est sous le sujet : mais il
est ordinairement à la basse, ce qui met le sujet sous
le contre-point. Quand le contre-point est syllabique ou
note sur note, on l'appelle contre-point simple ; contre-
point figuré^ quand il s'y trouve différentes figures ou
valeurs de notes , et qu'on y fait des desseins , des fu-
fjues , des imitations : on sent bien que tout cela ne
peut se faire qu'à l'aide de la mesure , et que ce plain-
cbant devient alors de véritable musique. Une com-
position faite et exécutée ainsi sur-le-cbamp , et sans
préparation sur un sujet donné , s'appelle chant sur le
livre ^ parcequ'alors chacun compose impromptu sa
partie ou son chant sur le livre du chœur. (Voyez Chant
SUR LE LIVRE. )
On a long-temps disputé si les anciens avoient connu
le contre-point : mais par toui ce qui nous reste de leur
musique et de leurs écrits, principalement par les
régies de pratique d'Aristoxène, livre troisième, on
voit clairement qu'ils n'en eurent jamais la moindre
notion.
Contre-sens, s. m. Vice dans lequel tombe le musi-
cien, quand il rend une autre pensée que celle qu'il
doit rendre. La musique, dit M. d'Alembert, n'étant
et ne devant être qu'une traduction des paroles qu'on
met en chant, il est visible qu'on y peut tomber dans
lîes contre-sens ; et ils n'y sont guère plus faciles à
éviter que dans une véritable traduction. Contre-sens
dans lexpression, quand la musique est triste au lieu
d'être gaie, gaie au lieu d'être triste, légère au Hou
COP 187
d'être grave, grave au lieu d'être légère, etc. Contre^
se?is dans la prosodie, lorsqu'on est bref sur des syl-
labes longues, long sur des syllabes brèves, qu'on
n'observe pas l'accent de la langue, etc. Contresens
dans la déclamation, lorsqu'on y exprime par les
mêmes modulations des sentiments opposés ou diffé-
rents, lorsqu'on y rend moins les sentiments que les
mots, lorsqu'on s'y appesantit sur des détails sur les-
quels on doit glisser, lorsque les répétitions sont en-
tassées hors de propos. Contre-sens dans la ponctua-
tion, lorsque la phrase de musique se termine par une
cadence parfaite dans les endroits où le sens est
suspendu, ou forme un repos imparfait quand le sens
est achevé. Je parle ici des contre-sens pris dans la ri-
gueur du mot; mais le manque d'expression est peut-
être le plus énorme de tous. J'aime encore mieux que
la musique dise autre chose que ce qu'elle doit dire,
que de parler et ne rien dire du tout.
Co^TRE-TËMPS , s. m. Mesure à contre-temps est celle
où l'on pause sur le temps (bible, où l'on glisse sur le
temps fort, et où le chant semble être en contre-sens
avec la mesure (Voyez Syncope.)
Copiste, 5. m. Celui qui fait profession de copier de
la musique.
Quelque progrès qu'ait fait l'art typographique ,
on n'a jamais pu l'appliquer à la musique avec autant
de succès qu'à l'écriture , soit parceque les goûts de
l'esprit étant plus constants que ceux de l'oreille, on
s'ennuie moins vite des mêmes livres que des mêmes
chansons; soit par les difficultés pailiculières que la
combinaison des notes et des lignes ajoute à l'imprcs-
î88 cop
sion de la musique : car si Ton imprime premièrement
les portées et ensuite les notçs, il est impossible de
donner à leurs positions relatives la justesse néces-
saire; et si le caractère de chaque note tient à une
portion de la portée, comme dans notre musique im-
primée, les lignes s'ajustent si mal entre elles, il faut
une si prodigieuse quantité de caractères, et le tout
tait un si vilain effet à l'œil, qu'on a quitté cette ma-
nière avec raison pour lui substituer la gravure. Mais ,
outre que la gravure elle-même n'est pas exempte
d'inconvénients, elle a toujours celui de multiplier
trop ou trop peu les exemplaires ou les parties, de
mettre en partition ce que les uns voudroient*en par-
lies séparées , ou en parties séparées ce que d'autres
voudroient en partition, et de n'offrir guère aux cu-
rieux que de la musique déjà vieille qui court dans les
mains de tout le monde. Enfin il est sûr qu'en Italie,
le pays de la terre où l'on fait le plus de musique, on
a proscrit depuis long-temps la note imprimée sans
que l'usage de la gravure ait pu s'y établir : d'où je
conclus qu'au jugement des experts celui de la simple
copie est le plus commode.
Il est plus important que la musique soit nette-
ment et correctement copiée que la simple écriture ,
parceque celui qui lit et médite dans son cabinet aper-
çoit, corrige aisément les fautes qui sont dans son
livre, et que rien ne l'empêche de suspendre sa lec-
ture ou de la recommencer: mais, dans un concert,
où chacun ne voit que sa partie , et où la rapidité et la
continuité de l'exécution ne laissent le temps de re-
venir sur aucune faute, elles sont toutes irréparables :
COP 189
souvent un morceau sublime est estropié, l'exécu-
tion est interrompue ou même arrêtée, tout va de tra-
vers, partout manque l'ensemble et Teffet, Tauditeur
est rebuté, et Fauteur déshonoré, par la seule faute du
copiste.
Déplus, Fintelli^ence d'une musique difficile dé-
pend beaucoup de la manière dont elle est copiée;
car, outre la netteté de la note, il y a divers moyens
de présenter plus clairement au lecteur les idées qu'on
veut lui peindre et qu'il doit rendre. On trouve sou-
vent la copie d'un homme plus lisible que celle d'un
autre, qui pourtant note plus ajjréablement; c'est
que l'un ne veut que plaire aux yeux, et que l'autre
est plus attentif aux soins utiles. Le plus habile copiste
est celui dont la musique s'exécute avec le plus de
facilité, sans que le musicien même devine pourquoi.
Tout cela m'a persuadé que ce n'étoit pas faire un ar-
ticle inutile que d'exposer un peu en détail le devoir
et les soins d'un bon copiste: tout ce qui tend à faci-
liter l'exécution n'est point indifférent à la perfection
d'un art dont elle est toujours le plus grand écueil. Je
sens combien je vais me nuire à moi-même, si l'on
compare mon travail à mes régies; mais je n'ignore
pas que celui qui cherche l'utilité publique doit avoir
oublié la sienne. Homme de lettres, j'ai dit de mon
état tout le mal que j'en pense; je n'ai fait que de la
musique françoise, et n'aime que l'italienne; j'ai mon-
tré toutes les misères de la société, quand j'étois heu-
reux par elle : mauvais copiste^ j'expose ici ce que font
les bons, O vérité ! mon intérêt ne fut jamais rien devant
2()0 COP
toi; qu'il ne souille en rien le culte que je t'ai voué.
Je suppose d'abord que le copiste est pourvu de
toutes les connoissances nécessaires à sa profession.
Je lui suppose de plus les talents qu'elle exige pour
être exercée supérieurement. Quels sont ces talents ,.
et quelles sont ces connoissances? Sans en parler ex-
pressément, c'est de quoi cet article pourra donner
une suffisante idée. Tout ce que j'oserai dire ici, c'est
que tel compositeur qui se croit un fort habile homme,
est bien loin d en savoir assez pour copier correcte-
ment la composition d autrui.
Comme la musique écrite , surtout en partition ,
est faite pour être lue de loin par les concertants, la
première chose que doit faire le copiste est d'employer
les matériaux les plus convenables pour rendre sa
note bien lisible et bien nette. Ainsi il doit choisir de
beau papier fort, blanc, médiocrement fin, et qui ne
perce point : on préfère celui qui n'a pas besoin de
laver, parceque le lavage avec lalun lui ôte un peu de?
sa blancheur. L'encre doit être très noire sans être
luisante ni gommée; la réglure fine, égale, et bien mar-
quée, mais non pas noire comme la note; il faut, au
contraire, que les lignes soient un peu pâles, afin que
les croches, doubles-croches, les soupirs demi-sou-
pirs, et autres petits signes, ne se confondent pas avec
elles, et que la note sorte mieux. Loin que la pâleur
des lignes empêche de lire la musique à une certaine
distance, elle aide au contraire à la netteté; et quand
même la ligne échapperoit un moment à la vue, la
position des notes l'indique assez le plus souvent. Lci
COP 191
régleurs ne rendent que du travail mal fait; si le co-
piste veut se faire honneur, il doit régler son papier
lui-même.
Il y a deux formats de papier réglé : Tun pour la
musique françoise , dont la longueur est de bas en
haut; Tautre pour la musique italienne, dont la lon-
gueur est dans le sens des lignes. On peut employer
pour les deux le même papier en le coupant et réglant
en sens contraire; mais, quand on Tacheté réglé, il
faut renverser les noms chez les papetiers de Paris,
demander du papier à Titalienne quand on le veut à
la françoise, et à la françoise quand on le veut à
Titahenne : ce ^«zy^ro^wo importe peu dès qu'on en est
prévenu.
Pour copier une partition, il faut compter les por-
tées qu'enferme Taccolade, et choisir du papier qui
ait, par page, le même nombre de portées, ou un mul-
dple de ce nombre, afin de ne perdre aucune portée ,
ou d'en perdre le moins qu'il est possible, quand le
multiple n'est pas exact.
Le papier à litalienne est ordinairement à dix por-
tées, ce qui divise chaque page en deux accolades
de cinq portées chacune pour les airs ordinaires;
savoir, deux portées pour les deux dessus de violon,
une pour la quinte, une pour le chant, et une pour
la basse. Quand on a des duo ou des parties de flûtes,
de hautbois, de cors, de trompettes, alors, à ce nom-
bre de portées on ne peut plus mettre qu'une ac-
colade par page, à moins qu'on ne trouve le moyen
de supprimer quelque portée inutile, comme celle
192 COP
de la quinte, quand elle marche sans cesse avec la
basse.
Voici maintenant les observations qu'on doit faire
pour bien distribuer la partition, i ^ Quelque nom-
bre de parties de symphonie qu'on puisse avoir, il
faut toujours que les parties de violon, comme princi-
pales, occupent le haut de l'accolade où les yeux se
portent plus aisément; ceux qui les mettent au-des-
sous de toutes les autres et immédiatement sur la
quinte pour la commodité de l'accompagnateur, se
trompent; sans compter qu'il est ridicule de voir dans
une partition les parties de violon au-dessous, par
exemple, de celles des cors qui sont beaucoup plus
basses. 2^ Dans toute la longueur de chaque morceau,
l'on ne doit jamais rien changer au nombre des por-
tées , afin que chaque partie ait toujours la sienne au
même lieu : il vaut mieux laisser des portées vides ,
ou, s'il le faut absolument, en charger quelqu'une
de deux parties, que d'étendre ou resserrer l'accolade
inégalement. Cette régie n'est que pour la musique
italienne; car l'usage de la gravure a rendu les com-
positeurs françois plus attentifs à l'économie de Fes-
pace qu'à la commodité de l'exécution. 3^ Ce n'est
qu'à toute extrémité qu'on doit mettre deux parties
sur une même portée; c'est surtout ce qu'on doit
éviter pour les parties de violon; car, outre que la
confusion y seroit à craindre, il y auroit équivoque
avec la double-corde; il faut aussi regarder si jamais
ies parties ne se croisent, ce qu'on ne pourroit guère
écrire sur la même portée d'une manière nette et lisi-
h\n. /\^ Les clefs une fois écrites et correctement ar-
cop 1^3
niées ne doivent plus se répéter non plus que le si^mb
de la mesure, si ce n'est- dans la musique lîançoise,
quand, les accolades étant inégales , chacun ne pour-
roit plus reconnoître sa partie; mais, dans les parties
séparées , on doit répéter la clef au commencement
de chaque portée, ne fût-ce que pour marquer le com-
mencement de la ligne au défaut de Faccolade.
Le nombre des portées ainsi fixé, il faut faire la di-
vision des mesures , et ces mesures doivent être toutes
égales en espace comme en durée, pour mesurer en
quelque sorte le temps au compas et guider la voix
par les yeux. Cet espace doit être assez étendu dans
chaque mesure pour recevoir toutes les notes qui peu-
vent y entrer, selon sa plus grande subdivision. On ne
sauroit croire combien ce soin jette de clarté sur une
partition , et dans quel embarras on se jette en le négli-
geant. Si Ton serre une mesure sur uile ronde, com-
ment placer les seize doubles-croches que contient
peut-être une autre partie dans la même mesure? Si
Ion ss régie sur la partie vocale , comment fixer l'es-
pace des ritournelles? en un mot, si l'on ne regarde
qu'aux divisions d'une des parties, comment y rap-
porter les divisions souvent contraires des autres
parties ?
Ce n'est pas assez de diviser l'air en mesures égales,
il faut aussi diviser les mesures en temps égaux. Si
dans chaque partie on proportionne ainsi l'espace à
la durée, toutes Jes parties et toutes les notes simul-
tanées de chaque partie se correspondront avec une
justesse qui fera plaisir aux yeux, et facilitera beau-
coup la lecture d'une partition. Si, par exemple, o».
194 cop
partage une mesure à quatre temps en quatre espaces
bien égaux entre eux et dans chaque partie, qu'on
étende les noires , qu'on rapproche les croches , qu on
resserre les doubles-croches à proportion et chacune
dans son espace, sans qu'on ait besoin de regarder
une partie en copiant 1 autre, toutes les notes corres-
pondantes se trouveront plus exactement perpendi-
culaires, que si on les eût confrontées en les écrivant;
et Fou remarquera dans le tout la plus exacte pro-
portion; soit entre les diverses mesures d'une même
partie, soit entre les diverses parties d'une même
mesure.
A l'exactitude des rapports il faut joindre, autant
qu'il se peut, la netteté des signes. Par exemple on
n'écrira jamais de notes inutiles, mais sitôt qu'on
s'aperçoit que deux parties se réunissent et marchent
à l'unisson , l'on doit renvoyer de Tune à l'autre lors-
qu'elles sont voisines et sur la même clef. A l'égard
de la quinte, sitôt qu'elle marche à l'octave de la
basse , il faut aussi l'y renvoyer. La même attention
de ne pas inutilement multiplier les signes , doit em-
pêcher d'écrire pour la symphonie les piano aux en-
trées du chant , et les forte quand il cesse ; partout
ailleurs il les faut écrire exactement sous le premier
violon et sous la basse, et cela suffit dans une parti-
tion , où toutes les parties peuvent et doivent se régler
sur ces deux-là.
Enfin le devoir du copiste écrivant une partition est
de corriger toutes les fausses notes qui peuvent se
trouver dans son original. Je n'entends pas par fausses
notes les fautes de l'ouvrage, mais celles de la copie
GOP KjS
qui lui sert d'oii{jinal. La perfection de Ja sienne est
de rendre fidèlement les idées de l'auteur : bonnes ou
mauvaises, ce n'est pas son affaire; car jl n'est pas
auteur ni correcteur, mais copiste. Il est bien vrai que
si l'auteur a mis par mégarde une note pour une autre ,
il doit la corriger; mais si ce même auteur a fait par
ignorance une faute de composition, il la doit laisser..
Qu'il compose mieux lui-même, s'il veut ou s'il peut,
à la bonne heure; mais sitôt qu'il copie, il doit res-
pecter son original. On voit par là qu'il ne suffit pas
au copiste d'être bon harmoniste et de bien savoir la
composition , mais qu'il doit de plus être exercé dans
les divers styles , reconnoître un auteur par sa ma-
nière , et savoir bien distinguer ce qu'il a fait de ce
qu'il n'a pas fait. Il y a de plus une sorte de critique
propre à restituer un passage par la comparaison d'un
autre , à remettre un fort ou un doux où il a été oublié,
à détacher des phrases fiées mal à propos , à restituer
même des mesures omises ; ce qui n'est pas sans
exemple, même dans des partitions. Sans doute, il
faut du savoir et du goût pour rétablir un texte dans
toute sa pureté : l'on me dira que peu de copistes le
font; je répondrai que tous le devroient faire.
Avant de finir ce qui regarde les partitions, je dois
dire comment on y rassemble des parties séparées;
travail embarrassant pour bien des copistes^ mais fa-
cile et simple quand on s'y prend avec méthode.
Pour cela, il faut d'abord compter avec soin les
mesures dans toutes les parties , pour s'assurer
qu'elles sont correctes ; ensuite on pose toutes les
parties Tune sur l'autre, en commençant par la basse ;
i3.
et la couvrant successivement des autres parties dauft
le même ordre qu elles doivent avoir sur la partition..
On fait Faccolade d'autant de portées qu'on a de par-
ties ; on la divise en mesures égales, puis mettant
toutes ces parties ainsi rangées devant soi et à sa
gauche , on copie d'abord la première ligne de la pre-
mière partie, que je suppose être le premier violon ;
on y fait une légère marque en crayon à l'endroit où
l'on s'arrête; puis on la transporte renversée à sa
droite. On copie de même la première ligne du second
violon, renvoyant au premier partout où ils marchent
à l'unisson, puis, faisant une marque comme ci-de-
vant, on renverse la partie sur la précédente à sa
droite; et ainsi de toutes les parties l'une après l'autre.
Quand on est à la basse, on parcourt des yeux toute
l'accolade pour vérifier si l'harmonie est bonne, si le
tout est bien d'accord , et si l'on ne s'est point trompé.
Cette première ligne faite, on prend ensemble toutes
les parties qu'on a renversées l'une sur l'autre à sa
droite, on les renverse derechef à sa gauche , et elles se
retrouvent ainsi dans le même ordre et dans la même
situation où elles étoient quand on a commencé : on
recommence la seconde accolade à la petite marque
en crayon , Ton fait une autre marque à la fin de la se-
conde ligne, et l'on poursuit comme ci-devant, jus-
qu'à ce que le tout soit fait.
J'aurai peu de choses à dire sur la manière de tirer
une partition en parties séparées ; car c'est l'opération
la plus simple de l'art, et il suffira d'y faire les obser- «
vations suivantes. 1° Il faut tellement comparer la I
longueur des morceaux à ce que peut contenir une "
page, qu'on ne soit jamais obligé de tourner sur un
même morceau dans les parties instrumentales , à
moins qu'il n'y ait beaucoup de mesures à compter
qui en laissent le temps. Cette régie oblige de com-
mencer à la page f 67.50 tous les morceaux qui rem-
plissent plus d'une page ; et il n'y en a guère qui en
remplissent plits de deux. 2^ hes doux et les Jbrt doi-
vent être écrits avec la plus grande exactitude sur
toutes les parties, même ceux où rentre et cesse^le
chant, qui ne sont pas pour l'ordinaire écrits sur la
partition. 3» On ne doit point couper une mesure
d\ine ligne à l'autre , mais tâcher qu'il y ait toujours
une barre à la fin de chaque portée. 4*^ Toutes les
lignes postiches qui excédent, en haut ou en bas, les
cinq de la portée, ne doivent point être continues ,
mais séparées a chaque note, de peur que le musi-
cien, venant à les confondre avec celles de la portée,
rie se trompe de note et ne sache plus où il est. Cette
régie n'est pas moins nécessaire dans les partitions ,
et n'est suivie par aucun copiste François. 5° Les parties
de hautbois, qu'on tire sur les parties de violon pour
un grand orchestre, ne doivent pas être exactement
copiées comme elles sont dans l'original; mais, outre
l'étendue que cet instrument a de moins que le violon ,
outre les doux , qu'il ne peut faire de même, outre
Tagilité qui lui nianqu?, ou qui lui va mal dans cer-
taines vitesses , la force du hautbois doit être mé-
nagée, pour marquer mieux les notes principales, et
donner plus d'accent à la musique.. Si j'avois à juger
du goût d'un svmphoniste sans l'entendre, je lui don-
nerois à tirer sur la partie de violon la partie de hayt-
igS cop
bois : tout copiste doit savoir le faire. 6" Quelquefois
les parties de cors et de trompettes ne sont pas notées
sur le même ton que le reste de Tair ; il faut les trans-
poser au ton , ou bien , si on les copie telles qu elles
sont, il faut écrire au baut le nom de la véritable to-
nique. Corni in D sol re, conii in E la fa, etc. 7° Il ne
faut point bigarrer la partie de quinte />u de viola de
la clef cR basse et de la sienne, mais transporter à la
clef de viola tous les endroits où elle marche avec la
basse ; et il y a là-dessus encore une autre attention à
faire, c'est de ne jamais laisser monter la viola au-
dessus des parties de violon ; de sorte que , quand la
basse monte trop baut, il n'en faut pas prendre Foc-
tave, mais l'unisson, afin que la viola ne sorte jamais
du médium qui lui convient. 8° La partie vocale ne se
doit copier qu'en partition avec la basse, afin que le
chanteur se puisse accompagner lui-même , et n'ait pas
la peine ni de tenir sa partie à la main, ni de compter
ses pauses : dans les duo ou trio , chaque partie de
chant doit contenir, outre la basse, sa contre-partie ;
et quand on copie un récitatif obligé, il faut pour cha-
que partie d'instrument ajouter la partie du chant à
la sienne, pour le guider au défaut de la mesure.
9" Enfin, dans les parties vocales, il faut avoir soin
délier ou détacher les croches, afin que le chanteur
voie clairement celles qui appartiennent à chaque
syllabe. Les partitions qui sortent des mains des com-
positeurs sont sur ce point très équivoques, et le chan-
teur ne sait la plupart du temps comment distribuer
la note sur la parole. Le copiste versé dans la prosodie ,
et qui connoît également l'accent du discours et celui
COR 199
du chant, détermine le partage des notes et prévient
l'indécision du chanteur. Les paroles doivent être
écrites hien exactement sous les notes, et correctes
quant aux accents et à l'orthographe; mais on n'y
doit mettre ni points ni virgules , les répétitions fré-
quentes et irrégulières rendant la ponctuation gram*
maticale impossible; c'est à la musique à ponctuer les
paroles : le copiste ne doit pas s'en mêler ; car ce seroit
ajouter des signes que le compositeur s'est chargé de
rendre inutiles.
Je m'arrête pour ne pas étendre à l'excès cet article :
j'en ai dit trop pour tout copiste instruit qui a une
bonne main et le goût de son métier; je n'en dirois
jamais assez pour les autres. J'ajouterai seulement un
mot en finissant : il y a bien des intermédiaires entre
ce que le compositeur imagine et ce qu'entendent les
auditeurs. C est au copiste de rapprocher ces deux
termes le plus qu'il est possible , d'indiquer avec clarté
tout ce qu'on doit faire pour que la musique exécutée
rende exactement à l'oreille du compositeur ce qui
s'est peint dans sa tête en la composant.
Corde sonore. Toute corde tendue dont on peut
tirer du son. De peur de m'égarer dans cet article, j'y
transcrirai en partie celui de M. d'Alembert , et n'y
ajouterai du mien que ce qui lui donne un rapport
plus immédiat au son et à la musique.
« Si une corde tendue est frappée en quelqu'un de
« ses points par une puissance quelconque, elle s'éloi-
<f gnera jusqu'à une certaine distance de la situation
«qu'elle avoit étant en repos, reviendra ensuite et
« fera des vibrations en vertu de l'élasticité que sa
200 COR
« tension lui donne, comme en fait un pendule qu'on
« tire de son aplomb. Que si, de plus, la matière de
«cette corde est elle-même assez élastique ou assez
« homojifène pour que le même mouvement se com-
te muniquc à toutes ses parties, en frémissant elle
« rendra du sonnet sa résonnance accoiupagnera tou-
« jours ses vibrations. Les géomètres ont trouvé les
«lois de ces vibrations, et les musiciens celles des
H sons qui en résultent.
« On savoit depuis long-temps, par l'expérience et
fi par des raisonnements assez vagues, que, toutes
« choses d'ailleurs égales, plus une co7^de étoit tendue,
«* plus ses vibrations étoient promptes ; qu'à tension
< égale, les, cordes faisoient leurs vibrations plus ou
a moins proraptement en même raison qu'elles étoient
« moins ou plus longues , c'est-à-dire que la raison des
j longueurs étoit toujours inverse de celle du nom-
« bre des vibrations. M. Taylor, célèbre géomètre an-
.< glois, est le premier qui ait démontré les lois des vi-
5 brations des cordes avec quelque exactitude , dans
«son savant ouvrage intitulé, Methodus increniento-
« rum directa et inversa^ i 7 ^ ^ ? Gt ces mêmes lois ont
« été démontrées encore depuis par M. Jean Bernoulli,
« dans le second tome àes Mémoires de V académie im-
« périale de, Pçtershourg . j? De la formule qui résulte de
ces lois, et qu'on peut trouver dans FEncyclopédie ,
article Cor Je, je tire les trois corollaires suivants, qui
servent de principes à la théorie de la musique»
I. Si deux cordes àe. même matière sont égales en
j longueur et en grosseur , les nombres de leurs vibra-
j tions en temps é|jaux seront comme, les racine^ dçs
COR 201
nombres qui expriment ]e rapport des tensions des
cordes.
II. Si les tensions et les longueurs sont égales , les
nombres des vibrations en temps égaux seront en
raison inverse de la grosseur ou du diamètre des
cordes.
III. Si les tensions et les grosseurs sont égales, les
nombres des vibrations en temps égaux seront en
raison inverse des longueurs.
Pour Fintelligence de ces théorèmes je crois devoir
averti, que la tension des cordes ne se représente pas
par les poids tendants , mais par les racines de ces
mêmes poids ; ainsi les vibrations étant entre elles
comme les racines carrées des tensions, les poids
tendants sont entre eux comme les cubes des vibra-
tions, etc.
Des lois des vibrations des cordes se déduisent celles
des sons qui résultent de ces mêmes vibrations dans
la corde sonore. Plus une corde l'ait de vibrations dans
un temps donné, plus le son qu'elle rend est aigu;
moins elle fait de vibrations , plus le son est grave ;
en sorta que les sons suivant entre eux les rapports
des vibrations , leurs intervalles s'expriment par les
mêmes rapports : ce qui soumet toute la musique au
calcul.
On voit par les théorèmes précédents qu'il y a trois
moyens de changer le son d'une corde; savoir, en
changeant le diamètre, c'est-à-dire la grosseur de la
corde ^ ou sa longueur, ou sa tension. Ce que ces altéra-
tions produisent successivement sur une même corde,
on peut le produire à-la-fois sur diverses cordes., eu
202 cor»
leur donnant différents degrés de grosseur, de lon-
gueur, ou de tension. Cette méthode combinée est
celle qu'on met en usage dans la fabrique, l'accord et
le jeu du clavecin, du violon, de la basse, de la gui-
tare, et autres pareils instruments composés de cordes
de différentes grosseurs et différemment tendues , les-
quelles ont par conséquent des sons différents. De
plus , dans les uns , comme le clavecin , ces cordes ont
différentes longueurs fixes par lesquelles les sons se
varient encore; et dans les autres, comme le violon,
les cordes^ quoique égales en longueur fixe, se rac-
courcissent ou s'alongent à volonté sous les doigts du
joueur, et ces doigts avancés ou reculés sur le manche
font alors la fonction de chevalets mobiles, qui don-
nent à la corde ébranlée par Tarchet autant de sons
divers que de diverses longueurs. A Tégard des rap-
ports des sons et de leurs intervalles relativement aux
longueurs des cordes et à leurs vibrations, voyez Son,
Intervalle, Consoi^^nance.
La corde sonore^ outre le son principal qui résulte
de toute sa longueur, rend d'autres sons accessoires
moins sensibles, et ces sons semblent prouver que
cette corde ne vibre pas seulement dans toute sa lon-
gueur, mais fait vibrer aussi ses aliquotes chacune en
particulier selon la loi de leurs dimensions. A quoi je
dois ajouter que cette propriété qui sert ou doit servir
de fondement à toute l'harmonie , et que plusieurs
attribuent, non à la corde sonore^ mais à l'air frappé
du son, n'est pas particulière aux cordes seulement,
mais se trouve dans tous les corps sonores. (Voyez
Corps sonore, Harmonique. )
COR 2o3
TJiie autre propriété non moins surprenante de la
corde sonore^ et qui tient à la précédente, est que si le
chevalet qui la divise n'appuie que légèrement et laisse
un peu de communication aux vibrations d'une partie
à Tautre, alors, au lieu du son total de chaque partie
ou de Tune des deux, on n entendra que le son de la
plus grande aliquote commune aux deux parties.
(Voyez Sons harmoniques. )
Le mot de corde se prend figurément en composition
pour les sons fondamentaux du mode, et l'on appelle
souvent corde d harmonie les notes de basse qui, à la
faveur de certaines dissonances , prolongent la phrase ,
varient , et entrelacent la modulation.
CORDE-A-JOUEh ou CORDE-A-VIDE. (VoyeZ ViDE.)
Cordes morîles. (Voyez Mobile.)
Cordes stables. (Voyez Stable.)
Corps-dI'.-voix , s. ni. Les voix ont divers degrés de
force ainsi que d'étendue. Le nombre de ces degrés
que chacune embrasse porte le nom de corps-de-voix ^
quand il s'agit de force, et de volume y quand il s'agit
d étendue. (Voyez Volume.) Ainsi de deux voix sem-
blables formant le même son, celle qui remplit le
mieux l'oreille et se fait entendre de plus loin est dite
avoir plus de corps. En Italie , les premières qualités
qu'on recherche dans les voix sont la justesse et la
flexibilité; mais en France on exige surtout un bon
corps-de-voix .
CoRPS-soNORE , s. m. On appelle ainsi tout corps qui
rend ou peut rendre immédiatement du son. Il ne suit
pas de cette définition que tout instrument de musique
soit un corps sonore; on ne doit donner ce nom qu'à la
2o4 cou
partie de l'iAstrument qui sonne elle-même, et sans
laquelle il n'y auroit point de son. Ainsi, dans un vio-
loncelle ou dans un violon , chaque corde est un corps
sonore: mais la caisse de 1 instrument, qui ne fait que
répercuter et réfléchir le son, n'est point le corps so-
nore et n'en fait point partie. On doit avoir cet article
présent à Fesprit toutes les fois qu'il sera paiié du
co*ys sonore dans cet ouvrage.
CoiiiPHÉE , s. m. Celui qui conduisoit le chœur dans
les spectacles des Grecs et battoit la mesure dans leur
musique. (Voyez Battre la mesure.)
Coulé , participe pris substantivement. Le coulé se fait
lorsqu'au lieu de marquer en chantant chaque note
d'un coup de gosier, ou d'un coup d'archet sur les
instruments à corde, ou d'un coup de langue sur les
instruments à vent, on p.isse deux ou plusieurs notes
sous la même articulation en prolongeant la même
inspiration; ou en continuant de tirer ou de pousser
le même coup d'archet sur toutes les notes couvertes
d'un cow/e. Il y a des instruments , tels que le clavecin ,
le tympanon, etc. , sur lesquels le coulé paroît presque
impossible à pratiquer ; et cependant on vient à bout
de l'y faire sentir par un toucher doux et lié, très dif-
ficile à décrire, et que l'écolier apprend plus aisément
de l'exemple du maître que de ses discours. Le coulé
se marque par une liaison qui couvre toutes les notes
qu'il doit embrasser.
Couper, v. a. On coupe une note lorsqu'au lieu de
la soutenir durant toute sa valeur, on se contente de
k frapper au moment qu'elle commence, passant en
silence le reste de sa durée. Ce mot ne s'emploie que
cou 2o5
pour les notes qui ont une certaine lon^jueur; on se
sert du mot détacher pour celles qui passent plus vite.
Couplet. Nom qu'on donne dans les vaudevilles et
autres chansons à cette partie du poème qu'on appelle
strop.'ic dans les odes. Comme tous les couplets sont
composés sur la même mesure de vers, on les chante
aussir sur le même air : ce qui fait estropier souvent
l'accent et la prosodie, parceque deux vers françois
n'en sont pas moins dans la même mesure, quoique
les longues et brèves n'y soient pas dans les mêmes
endroits.
Couplet se dit aussi des doubles et variations qu'on
fait sur un même air, en le reprenant plusieurs fois
avec de nouveaux changements, jnais toujours sans
défigurer le fond de l'air; comme dans les Folies d'Es-
pagne et dans de vieilles chaçonnes. Chaque fois qu'on
reprend ainsi l'air en le variant différemment, on fait
un nouveau couplet. (Voyez Variations.)
Courante, s. f. Air propre à une espèce de danse ,
ainsi nommée à cause des allées et des venues dont
elle est remplie plus qu'aucune autre. Cet air est ordi-
nairement d'une mesure à trois temps graves , et se
note en triple de blanches avec deux reprises. Il n'est
plus en usage, non plus que la danse dont il porte le
nom.
Couronne , s.f. Espèce de C renversé avec un point
dans le milieu , qui se fait ainsi : F[
Quand la couronne ^ qu'on appelie aussi point de re-
pos, est à-la-fois dans toutes les parties sur la note
correspondante , c'est le signe d'un repos général ; on
doit y suspiendre la mesure , et souvent même on peut
206 CKO
finir par cette note. Ordinairement la partie principale
y fait à sa volonté quelque passage, que les Italiens
appellent cadenza, pendant que toutes les autres pro-
longent et soutiennent le son qui leur est marqué, ou
même s'arrêtent tout-à-fait. Mais si la couronne est sur
la note finale d'une seule partie, alors on l'appelle en
françois point d'orgue^ et elle marque qu'il faut Conti-
nuer le son de cette note jusqu'à ce que les autres
parties arrivent à leur conclusion naturelle. On s'en
sert aussi dans les canons pour marquer l'endroit où
toutes les parties peuvent s'arrêter quand on veut
finir. (Voyez Repos , Canon , Point d'orgue.)
Crier. C'est forcer tellement la voix en chantant
que les sons n'en soient plus appréciables , et ressem-
blent plus à des cris qu'à du chant. La musique fran-
çoise veut être criée : c'est en cela que consiste sa plus
grande expression.
Croche, s.f. Note de musique qui ne vaut en durée
que le quart d'une blanche ou la moitié d'une noire.
H faut par conséquent huit croches pour une ronde ou
pour une mesure à quatre temps. (Voyez Mesure,
Valeur des notes.)
On peut voir [Planche D, figure 9) comment se fait
la croche, soit seule ou chantée seule sur une syllabe,
soit liée avec d'autres croches quand on en passe plu-
sieurs dans un même temps en jouant, ou sur une
même syllabe en chantant. Elles se lient ordinaire-
ment de quatre en quatre dans les mesures à quatre
temps et à deux , de trois en trois dans la mesure à six-
huit , selon la division des temps , et de six en six dans
la mesure à trois temps , selon la division des mesures.
à
CRO 207
Le nom de croche a été donné à cette espèce de note
à cause de Tespèce de crochet qui la distingue.
Crochet. Signe d'abréviation dans la note. C'est un
petit trait en travers sur la queue d'une blanche ou
d'une noire , pour marquer sa division en croches , ga-
gner de la place, et prévenir la confusion. Ce crochet
désigne par conséquent quatre croches au lieu d'une
blanche , ou deux au lieu d'une noire , comme on
\oït planche D , à l'exemple A de \^ figure i o , où les trois
portées accolées signifient exactement la même chose.
La ronde , n'ayant point de queue , ne peut porter de
crochet ; mais on en peut cependant faire aussi huit
croches par abréviation , en la divisant en deux blan-
ches ou quatre noires , auxquelles on ajoute des c?^o-
chets. Le copistedoit soigneusement distinguera figure
du crochet^ qui n'est qu'une abréviation, de celle de la
croche , qui marque une valeur réelle.
Crome, 5./. Ce pluriel italien signifie croches. Quand
ce mot se trouve écrit sous des notes noires , blanches ,
ou rondes, il signifie la même chose que signifieroit
le crochet , et marque qu'il faut diviser chaque note
en croches , selon sa valeur. ( Voyez Crochet. )
Croque-note o u Croque-sol ^s.ju. Nom qu'on donne
par dérision à ces musiciens ineptes , qui , versés dans
la combinaison des notes , et en état de rendre à livre
ouvert les compositions les plus difficiles , exécutent
au surplus sans sentiment, sans expression , sans goût.
Un croque-sol^ rendant plutôt les sons que les phrases,
lit la musique la plus énergique sans y rien compren-
dre, comme un maître d école pourroit lire un chef-
2o8 DAG
d'œuvre d'éloquence écrit avec les caractères de s<
langue dans une langue qu'il nentendroit pas.
D.
D. Cette lettre signifie la même chose dans la musi*
que françoise que P dans l'italienne , c'est-à-dire doux.
les Italiens l'emploient aussi quelquefois de même
pour le mot dolce , et ce mot dolce n'est pas seulement
opposé kfort^ mais à rude.
D. C. (Voyez Da capo. )
D la re, D solre^ ou simplement D. Deuxième note
de la gamme naturelle ou diatonique, laquelle s'ap-
pelle autrement re. ( Voyez Gamme. )
Da capo. Ces deux mots italiens se trouvent fré-
quemment écrits à la fin des airs en rondeau, quel-
quefois tout au long, et souvent en abrégé par ces
deux lettres, D. C. Ils marquent qu'ayant fini la se-
conde partie de l'air, il en faut reprendre le commen-
cement jusqu'au point final. Quelquefois il ne faut pas
reprendre tout-à-fait au commencement, mais à un
lieu marqué d'un renvoi. Alors, au lieu de ces mots
da capo, on trouve écrits ceux-ci , ^^/ segno.
Dactylique, adj. Nom qu'on donnoit, dans l'an-
cienne musique, à cette espèce de rhytLme dont la
mesure se partageoit en deux temps égaux. ( Voyez
Rhythme. )
On appeloit aussi dactylique une sorte de nome où
ce rhythme étoit fiéquemment employé , tel que le
îiome harmatlîias et le nome orthien.
Juîius Polluï révoque en doute si le dactylicjue étoit
\
DEC 209
une sorte d'instrument ou une forme de chant, doute
qui se confirme par ce qu'en dit Aristide Quintilieu
dans son second livre, et qu'on ne peut résoudre qu'en
supposant que le mot dactylique signifioit à-Ia-fois un
instrument et un air, comme parmi nous les mots
musette et tambourin.
Débit, s. m. Récitation précipitée. (Voyez l'article
suivant. )
Débiter, v. a. pris en sens neutre. C'est presser à des-
sein le mouvement du chant, et le rendre d'une ma-
nière approchante de la rapidité delà parole; sens
qui n'a lieu, non plus que le mot, que dans la musi-
que françoise. On défigure toujours les airs en les débi-
tant., parceque la mélodie , l'expression , la grâce , y
dépendent toujours de la précision du mouvement , et
que presser le mouvement c'est le détruire. (3n défi-
gure encore le récitatif François en le débitant ^ parce-
qu alors il en devient plus rude, et fait mieux sentir
l'opposition choquante qu'il y a parmi nous entre l'ac-
cent musical et celui du discours. A l'égard du récitatif
italien , qui n'est qu'un parler harmonieux , vouloir le
débiter., ce seroit vouloir parler plus vite que ia parole ,
et par conséquent bredouiller ; de sorte qu'en quelque
sens que ce soit , le mot débit ne signifie qu'une chose
barbare, qui doit être proscrite delà musique.
Décaméride , s.f. C'est le nom de Tun des éléments
du système de M. Sauveur, qu'on peut voir dans les
Mémoires de l'académie des sciences , année 1 70 1 .
Pour former un système général qui fournisse le
meilleur tempérament, et qu'on puisse ajuster à tous
XIV. ,4
2IO DEG
les systèmes, cet auteur, après avoir divisé Foctave
en 43 parties, qu'il appelle mérides^ et subdivisé cha-
que méride en 7 parties , qu'il appelle eptamérides^ di-
vise encore chaque eptaméride en i o autres parties ,
auxquelles il donne le nom de décamérides. L'octave se
trouve ainsi divisée en 3oio parties égales, par les-
quelles on peut exprimer sans erreur sensible les rap-
ports de tous les intervalles de la musique.
Ce mot est formé de (îi-/a, dix, et de ppiç, partie.
Déchant ou Discant , s. m. Terme ancien par lequel*
on désignoit ce qu'on a depuis appelé contre-point.
( Voyez Contre-point. )
Déclamation, s.f. C'est, en musique, l'art de ren-
dre par les inflexions et le nombre de la mélodie , l'ac-
cent grammatical et l'accent oratoire. ( Voyez Accent,
Récitatif. )
Déduction , s.f. Suite de notes montant diatonique-
ment ou par degrés conjoints. Ce terme n'est guère en
usage que dans le plain-chant.
Degré, s. m. Différence de position ou d'élévation
qui se trouve entre deux notes placées dans une même
portée. Sur la même hgne ou dans le même espace,
elles sont au même degré:, et elles y seroient encore,
quand même l'une des deux seroit haussée ou baissée
d'un semi-ton par un dièse ou par un bémol : au con-
traire elles pourroient être à l'unisson , quoique posées
sur difiérents degrés , comme Y ut bémol et le si naturel,
le fa dièse et le sol bémol , etc.
Si deux notes se suivent diatoniquement , de sorte
que Tune étant sur une ligne , l'autre soit dans l'epace
voisin , l'intervalle est d'un degî'é; de deux , si elles sont
DEM :21I
à la tierce ; de trois , si elles sont à la quarte ; de sept ,
si elles sont à l'octave , etc.
Ainsi, en ôtant i du nombre exprimé par le nom
de Tintervalle, on a toujours le nombre des degrés dia-
toniques qui séparent les deux notes.
Ces degrés diatoniques ou simplement degrés, sont
encore appelés degrés conjoints , par opposition aux
degrés disjoints y qui sont composés de plusieurs degrés
conjoints. Par exemple, Tintervalle de seconde est un
c/e^re conjoint, mais celui de tierce est un degré iW^omt ,
composé de deux degrés conjoints , et ainsi des autres.
( Voyez Conjoint, Disjoint, Intervalle.) •
Démancher, v. n. C'est sur les instruments à man-
che, tels que le violoncelle, le violon, etc., ôter la
main gauche de sa position naturelle pour Tavancer
sur une opposition plus haute ou plus à l'aigu. ( Voyez;
Position.) Le compositeur doit connoître l'étendue
qu'a l'instrument sans démancher, afin que quand il
passe cette étendue et qu'il démanche^ cela se fasse
d'une manière praticable.
Demi-jeu, A demi-jeu , ou simplement a demi. Terme
de musique instrumentale qui répond à litalien sotto
voce , ou mezza voce , ou. mezzo forte , et qui indique une
manière de jouer qui tienne le milieu entre le fort et
le doux.
Demi-mesure , s.f Espace de temps qui dure la moi-
tié d'une mesure. Il n'y a proprement de demi-mesure
que dans les mesures dont les temps sont en nombre
pair; car dans la mesare à trois temps, la première
demi-mesure commence avec le temps fort, et la seconde
à contre-temps , ce qui les rend inégales.
i4.
:212 DES
Demi-pause, s.f. Caractère de musique qui se fait
comme il est marqué dans \di figure 9 de la Planche D,
et qui marque un silence , dont la durée doit être égale
à celle d'une demi-mesure à quatre temps, ou d'une
blanche. Comme il y a des mesures de différentes va-
leurs , et que celle de la demi-pause ne varie point, elle
n'équivaut à la moitié d'une mesure que quand la me-
sure entière vaut une ronde; à la différence de la pause
entière, qui vaut toujours exactement une mesure
grande ou petite. ( Voyez Pause. )
Demi -SOUPIR. Caractère de musique qui se fait
comme il ^st marqué dans \^fig- 9 de la Planche D, et
qai marque un silence, dont la durée est égale à celle
d'une croche ou de la moitié d'un soupir. (Voyez
Soupir.)
Demi-temps. Valeur qui dure exactement la moitié
d'un temps. Il faut appliquer au demi-temps par rap-
port au temps ce que j'ai dit ci-devant de la demi-me-
sure par rapport à la mesure.
Demi-ton. Intervalle de musique valant à peu près
la moitié d'un ton, et qu'on appelle plus communé-
ment semi-ton. (Voyez Semi-ton. )
Descendre, v. n. C'est baisser la voix, vocem remit-
tere; c'est faire succéder les sons de l'aigu au grave,
ou du haut au bas. Cela se présente à l'œil par notre
manière de noter.
Dessein, s. m. C'est l'invention et la conduite du
sujet, la disposition de chaque partie, et l'ordonnance
générale du tout.
Ce n'est pas assez de faire de beaux chants et une
bonne harmonie, il faut lier tout cela par un sujet
DES 2 1 J
principal, auquel se rnj)portent toutes les parties de
rouvra(|e, et par lequel il soit un. Cette unité doit ré-
gner dans le chant, dans le mouvement, dans le ca-
ractère, dans riiarmonie, dans la modulation : il faut
que tout cela se rapporte à une idée commune qui le
réunisse. La difficulté est d'associer ces préceptes
avec une élégante variété, sans laquelle tout devient
ennuyeux. Sans doute le musicien , aussi bien que le
poète et le peintre, peut tout oser en faveur de cette
variété charmante, pourvu que, sous prétexte de con-
traster, on ne nous donne pas pour des ouvrages
bien dessinés des musiques toutes hachées, compo-
sées de petits morceaux étranglés, et de caractères
si opposés, que Tassemblage en fasse un tout mons-
trueux :
Non ut placidis coeant immitia, non ut
Serpentes avibus geminentur, tigribus agni.
C'est donc dans une distribution bien entendue , dans
une juste proportion entre toutes les parties, que con-
siste la perfection du dessein, et c'est surtout en ce
point que l'immortel Pergolèse a montré son jugement ,
son goût, et a laissé si loin derrière lui tous ses rivaux.
Son Stabat Mater ^ son Oifco^ sa Serva Padrona , sont,
dans trois genres différents, trois chefs-d'œuvre de
dessein également parfaits.
Cette idée du dessein général d'un ouvrage s'appli-
que aussi en particulier à chaque morceau qui le com-
pose. Ainsi Ton dessine un air, un duo, un chœur,
etc. Pour cela, après avoir imaginé son sujet, on le
disu-ibue, selon les régies d'une bonne modulation,
:^i4 DES
dans toutes les parties où il doit être entendu, avec
une telle proportion qu'il ne s'efface point de Tesprit
des auditeurs, et qu'il ne se représente pourtant
jamais à leur oreille qu'avec les grâces de la nou-
veauté. C'est une faute de dessein de laisser oublier son
sujet; c'en est une plus grande de le poursuivre jusqu'à
l'ennui.
Dessiner, v a. Faire le dessein d'une pièce ou d'un
morceau de musique. (Voyez Dessein.) Ce compositeur
dessine bien ses ouvrages ; voilà un chœur fort mal
dessiné.
Dessus, s, m. La plus aiguë des parties de la musi-
que, celle qui régne au-dessus de toutes les autres.
C'est dans ce sens qu'on dit, dans la musique instru-
mentale , dessus de violon, dessus de flûte ou de haut-
bois, et en général dessus de symphonie.
Dans la musique vocale, le dessus s'exécute par des
voix de femmes, d'enfants, et encore par des castrati,
dont la voix, par des rapports difficiles à concevoir,
gagne une octave en haut, et en perd une en bas, au
moyen de cette mutilation.
Le dessus se divise ordinairement en premier et
second, et quelquefois même en trois. La partie vo-
cale qui exécute le second dessus s'appelle bas-dessus ,
et Ton fait aussi des récits à voix seule pour cette par-
tie. Un beau bas-dessus ^\e\\\ et sonore n'est pas moins
estimé en Italie que les voix claires et aiguës; mais on
n'en fait aucun cas en France. Cependant, par un
caprice de la mode , j'ai vu fort applaudir à l'Opéra de
Paris une mademoiselle Gondré, qui en effet avoit un
fort beau bas-dessus.
l) I A 2 I 5
Détaché , participe pris substantivement. Genre d'exé-
cution par lequel , au lieu de soutenir des notes durant
toute leur valeur, on les sépare par des silences pris
sur cette même valeur, hc détaché ^ tout-à-fait bref et
sec, se marque sur les notes par des points alongcs.
Détonner, v. n. C'est sortir de Fintonation, c'est
altérer mal à propos la justesse des intervalles, et par
conséquent chanter faux. H y a des musiciens dont
l'oreille est si juste qu'ils ne détonnent j^xmais., mais
ceux-là sont rares. Beiiucoup d'autres ne détonnent
point par une raison contraire; car pour sortir du ton
il faudroit y être entré. Chanter sans clavecin, crier,
forcer sa voix en haut ou en bas, et avoir plus d é^^ard
au volume qu'à la justesse, sont des moyens presque
sûrs de se gâter l'oreille et de détonner.
DiACOMMATiQUE, adj. Nom donné par M. Serre à
une espèce de quatrième genre, qui consiste en cer-
taines transitions harmoniques , par lesquelles la
même note restant en apparence sur le même degré ,
monte ou descend d'un comma , en passant d'un ac-
cord à un autre avec lequel elle paroît faire liaison.
Par exemple, sur ce passage de basse fa re dans le
mode majeur d'wf, le la, tierce majeure de la pre-
mière note, reste pour devenir quinte de re; or la
2j 54 80 81
quinte juste de re ou de re , n'est pas la , mais la ; ainsi
le musicien qui entonne le la doit naturellement lui
80 8i
donner les deux intonations consécutives la la, les-
quelles diffèrent d'un comma.
De même dans la Folie d'Espagne, au troisième
2 1 6 D I A
temps de la troisième mesure : on peut y concevoir
80
que la tonique re monte d'un comma pour former la
81
seconde re du mode majeur d'i*^, lequel se déclare
dans la mesure suivante et se trouve ainsi subitement
amené par ce paralogisme musical, par ce double em-
ploi du re.
Lors encore que, pour passer brusquement du
mode mineur de la en celui à\it majeur, on change
l'accord de septième diminuée 50/ dièse, si y re^fa^ en
accord de simple septième 50/, 5/, re^fa^ le mouve-
ment chromatique du 50/ dièse au sol naturel est bien
le plus sensible, mais il n'est pas le seul; 1ère monte
80
aussi d'un mouvement diacommatique de re à re ^
quoique la note le suppose permanent sur le même
degré.
On trouvera quantité d'exemples de ce genre dia-
commatique, particulièrement lorsque la modulation
passe subitement du majeur au mineur, ou du mi-
neur au majeur. C'est surtout dans l'adagio, ajoute
M. Serre, que les grands maîtres, quoique guidés
uniquement par le sentiment , font usage de ce genre
de transitions, si propre à donner à la modulation
une apparence d'indécision, dont l'oreille et le sen-
timent éprouvent souvent des effets qui ne sont point
équivoques.
DiACOUSTiQUE , s. f. C'cst la recherche des pro-
priétés du son réfracté en passant à travers différents
milieux, c'est-à-dire d'un plus dense dans un plus
rare, et au contraire. Comme les rayons visuels se
1) I A 217
diri(^^ent plus aisément que les so!is par des lignes sur
certains points, aussi les expériences de la diacousli-
que sont-elles infiniment plus dilliciles que celles de la
dioptrique. ( Voyez Son. )
Ce mot est formé du grec ^tà, par^ et d'àzojw, f en-
tends.
Diagramme, s. m. C'étoit, dans la musique an-
cienne, la table ou le modèle qui présentoit à Toeil
rétendue générale de tous les sons d'un système, ou ce
que nous appelons aujourd'hui échelle ^ gamme ^ clavier.
( Voyez ces mots. )
Dialogue, 5. m. Composition à deux voix ou deux
instruments qui se répondent Tun à l'autre, et qui
souvent se réunissent. La plupart des scènes d'opéra
sont, en ce sens, des dialogues, et les duo italiens en
sont toujours : mais ce mot s'applique plus précisé-
ment à l'orgue; c'est sur cet instrument qu'un orga-
niste joue des dialogues, en se répondant avec diffé-
rents jeux ou sur différents claviers.
Diapason, s. m. Terme de l'ancienne musique par
lequel les Grecs exprimoient l'intervalle ou la conson-
nance de l'octave. (Voyez Octave.)
Les facteurs d'instruments de musique nomment
aujourd'hui diapasons certaines tables où sont mar-
quées les mesures de ces instruments et de toutes
leurs parties.
On appelle encore diapason l'étendue convenable à
une voix ou à un instrument. Ainsi, quand une voix
se force, on dit qu'elle sort du diapason, et l'on dit la
même chose d'un instrument dont les cordes sont
trop lâches ou trop tenchies , qui ne rend que peu de
2] 8 BIA
son, ou qui rend un son désagréable, parceque le tOM
en est trop haut ou trop bas.
Ce mot est formé de àà. , par , et Trao-wv , toutes ; par-
ceque l'octave embrasse toutes les notes du système
parfait.
DiAPENTE, s.f. Nom donné par les Grecs à l'inter-
valle que nous appelons quinte, et qui est la seconde
des consonnances. (Voyez Gonsonnance, Intervalle,
Quinte. )
Ge mot est formé de 6tà. , par, et de ttsvts , cinq, par-
cequ'en parcourant cet intervalle diatoniquement on
prononce cinq différents sons.
Diapenter, en latin Diapentissare , v. n. Mot bar-
bare employé par Mûris et par nos anciens musiciens.
(Voyez QuiNTER. )
Diaphonie, s.f. Nom donné parles Grecs à tout in-
tervalle ou accord dissonant, parceque les deux sons,
se choquant mutuellement, se divisent, pour ainsi
dire , et font sentir désagréablement leur différence.
Gui Arétin donne aussi le nom de diaphonie à ce qu'on
a depuis appelé discant, à cause des deux parties
qu'on y distingue.
Diaptose, intercidence ou petite chute, 5./. C'est,
dans le plain-chant, une sorte de périélèse ou de pas-
sage qui se fait sur la dernière note d'un chant, ordi-
nairement après un grand intervalle en montant.
Alors, pour assurer la justesse de cette finale, on la
marque deux fois, en séparant cette répétition par une
tioisième note, que l'on baisse d'un degré en manière
de note sensible, comme ut si ut, ou mi re mi.
DiASCHisMA, s. m. C'est, dans la musique ancienne,
DIA 219
mk intervalle faisant la moitié du semi-ton mineur.
Le rapport en est de 24 à y/ 600, et par conséquent
irrationnel.
DiASTÈME, 5. m. Ce mot, dans la musique ancienne,
signifie proprement intervalle, et c'est le nom que
donnoient les Grecs à Tintervalle simple, par oppo-
sition à Tintervalle composé, qu'ils appeloient^j .sfème.
( Voyez INTERVALLE , SYSTÈME. )
DiATESSARON. Nom que donnoient les Grecs à l'in-
tervalle que nous appelons quarte , et qîii est la troi-
sième des consonnances. (Voyez Consonmance, Inter-
valle, Quarte.)
Ce mot est composé de ^là, par , et du génitif de
rsaaupsti, quatre; parcequ'en parcourant diatonique-
ment cet intervalle , on prononce quatre différents
sons.
Diatesseroner , en latin Diatesseronare , v. n. Mot
barbare employé par Mûris et par nos anciens musi-
ciens. (Voyez Quarter. )
Diatonique, adj. Le genre diatonique est celui des
trois qui procède par tons et semi-tons majeurs, selon
la division naturelle de la gamme, c'est-à-dire celui
dont le moindre intervalle est d'un degré conjoint;
ce qui n'empêclie pas que les parties ne puissent pro-
céder par de plus grands intervalles, pourvu qu'ils
soient tous pris sur des degrés diatoniques.
Ce mot vient du grec Stà , par , et de rôvoç , ton , c'est-
à-dire passant d'un ton à un autre.
Le genre diatonique des Grecs résultoit de Tune des
trois régies principales qu'ils avoient établies pour
l'accord des tétracordes. Ce genre se divisoit en plu-
2 20 DIX
sieurs espèces, selon les divers rapports dans îesquel*
se pou voit diviser Tintervalle qui le déterminoit; car
cet intervalle ne pouvoit se resserrer au-delà d'un
certain point sans changer de genre. Ces diverses es-
pèces du même genre sont appelées ;^poaç, couleurs,
par Ptolémée, qui en distingue six; mais la seule en
usage dans la pratique étoit celle qu'il appelle diato-
iiique-ditonique, dont le tétracorde étoit composé d'un
semi-ton foible et de deux tons majeurs. Aristoxène
divise ce même genre en deux espèces seulement ;
savoir, le diatonique tendre ou mol, et le syntonique ou
dur. Ce dernier revient au diatonique de Ptolémée.
( Voyez les rapports de l'un et de l'autre, Flanche M ,
figure 5. )
Le genre diatonique moderne résulte de la marche
consonnante de la basse sur les cordes d'un même
mode , comme on peut le voir par la figure 7 de la
planche K. Les rapports en ont été fixés par l'usage
des mêmes cordes en divers tons ; de sorte que si l'har^
monie a d'abord engendré l'échelle diatonique , c'est
la modulation qui l'a modifiée; et cette échelle, telle
que nous l'avons aujourd'hui , n'est exacte ni quant au
chant ni quant à l'harmonie, mais seulement quant
au .moyen d'employer les mêmes sons à divers usages^
Le genre diatonique est sans contredit le plus na-
turel des trois , puisqu'il est le seul qu'on peut em-
ployer sans changer de ton ; aussi l'intonation en est-
elle incomparablement plus aisée que celle des deux
autres, et l'on ne peut guère douter que les premiers
chants n'aient été trouvés dans ce genre : mais il faut
remarquer que, selon les lois de la modulation, qui
DIA 22 1
permet et qui prescrit même le passage d'un ton et
d'un mode à l'autre , nous n'avons presque point, dans
notre musique, de diatonique bien pur. Chaque ton
particulier est bien , si Ton veut , dans le genre diato-
nique; mais on ne sauroit passer de l'un à Tautre sans
quelque transition chromatique, au moins sous-en-
tendue dans l'harmonie. Le diatonique i^uY ^ dans le-
quel aucun des sons n'est altéré ni par la clef ni acci-
dentellement, est appelé par Zarlin diatono-diatonique ,
et il en donne pour exemple le plain-chant de l'église.
Si la clef est armée d'un bémol , pour lors c'est, selon
lui, le diatonique mol ^ qu'il ne faut pas confondre avec
celui d'Aristoxène. (Voyez Mol. ) A l'égard de la trans-
position par dièse, cet auteur n'en parle point, et l'on
ne la pratiquoit pas encore de son temps. Sans doute
il lui auroit donné le nom de diatonique dur, quand
même il en auroit résulté un mode mineur, comme
celui d'£ la mi : car dans ces temps oii l'on n'avoit
point encore les notions harmoniques de ce que nous
appelons tons et modes, et où l'on avoit déjà perdu
les autres notions que les anciens attachoient aux
mêmes mots, on regardoit plus aux altérations parti-
culières des notes qu'aux rapports généraux qui en
résultoient. (Voyez Transposition. )
Sons ou Cordes diatoniques. Euclide distingue sous
ce nom , parmi les sons mobiles , ceux qui ne partici-
pent point du genre épais , même dans le chromatique
et l'enharmonique. Ces sons , dans chaque genre, sont
au nombre de cinq; savoir, le troisième de chaque té-
tracorde ; et ce sont les mêmes que d'autres auteurs
appellent apycni . Voy. Apycni, Genre, Tétracorde. ^,
222 DIE
DiAZEUXis, s.f. Mot grec qui signifie division, sépa-
ration, disjonction. C'est ainsi qu'on appeioit, dans
l'ancienne musique , le ton qui séparoit deux tétracor-
des disjoints, et qui, ajouté à l'un des deux, en for-
moit la diapente. C'est notre ton majeur, dont le rap-
port est de 8 à 9, et qui est en effet la différence de la
quinte à la quarte.
La diazeuxis se trouvoit, dans leur musique, entre
la mèse et la parainèse , c'est-à-dire entre le son le plus
aigu du second tétracorde et le plus grave du troisième,
ou bien entre le néte synnéménon et la paramèse hy-
perboléon , c'est-à-dire entre le troisième et le qua-
trième tétracorde, sdon que la disjonction se faisoit
dans l'un ou dans l'autre lieu; car elle ne pouvoit se
pratiquer à-la-fois dans tous les deux.
Les cordes homologues des deux tétracordes entre
lesquels il y avoit diazeuxis sonnoient la quinte, au lieu
qu'elles sonnoient la quarte quand ils étoient con-
joints.
DiÉSER, V. a. C'est armer la clef de dièses, pour
changer l'ordre et le lieu des semi-tons majeurs ; ou
donner à quelque note un dièse accidentel , soit pour
le chant, soit pour la modulation. ( Voyez Dièse. )
DfESis, s. m. C'est, selon le vieux Bacchius , le plus
petit intervalle de l'ancienne musique. Zarlin dit que
Philolaiis, pythagoricien, donna le nom de diesis au
limma : mais il ajoute peu après que le diesis de Pytha-
gore est la différence du limma et de l'apotome. Pour
Aristoxène , il divisoit sans beaucoup de façons le ton
en deux parties égales , ou en trois , ou en quatre. De
cette dernière division résultoit le dièse enharmonique
DIÈ 223
mineur ou quart-de-ton; de la seconde, le dihe mi-
neur chromatique ou le tiers d'un ton ; et de la troi-
sième , le dièse majeur qui faisoit juste un demi-ton.
Dièse ou DiÉsis chez les modernes n'est pas propre-
ment , comme chez les anciens , un intervalle de mu-
sique, mais un signe de cet intervalle, qui marque
qu'il faut élever le son de la note devant laque lie il se
trouve au-dessus de celui qu'elle devroit avoir natu-
rellement, sans cependant la faire changer de degré
ni même de nom. Or, comme cette élévation se peut
faire du moins de trois manières dans les genres éta-
blis , il y a trois sortes de dièses ; savoir :
1° Le dièse enharmonique mineur ou simple c^ze^e,
qui se figure par une croix de saint André, ainsi ^.
Selon tous nos musiciens qui suivent la pratique d'A-
ristoxène, il élève la note d'un quart de ton; mais il
n'est proprement que l'excès du semi-ton majeur sur
le semi-ton mineur. Ainsi du mi naturel diU fa bémol
il y a un dièse enharmonique, dont le rapport est de
125 à 128.
20 Le dièse chromatique, double dièse ou dièse ordi-
naire , marqué par une double croix ^ , élève la note
d'un semi-ton mineur. Cet intervalle est égal à celui
du bémol , c'est-à-dire la différence du semi-ton ma-
jeur au ton mineur; ainsi, pour monter d'un ton de-
puis le mi naturel , il faut passer diu/a dièse. Le rapport
de ce dièse est de 24 a 26. (Voyez sur cet article une
remarque essentielle au mot Semi-ton. )
3° Le dièse enharmonique majeur ou triple dièse ,
marqué par une croix triple ^ , élève, selon les aris-
toxéniens, la note d'environ trois quarts de ton. Zar
224 ^^^
lin dit qu'il Téléve d'un semi-ton mineur; ce qui ne
sauroit s'entendre de notre semi-ton, puisque alors
ce dièse ne diffèreroit en rien de notre dièse chroma-
tique.
De ces trois dièses , dont les intervalles étoient tous
pratiqués dans la musique ancienne, il n'y a plus que
le chromatique qui soit en usage dans la nôtre , l'in-
tonation des dièses enharmoniques étant pour nous
d'une difficulté presque insurmontable, et leur usage
étant d'ailleurs aboli par notre système tempéré.
Le dièse, de même que le bémol , se place toujours
à ffauche devant la note qui le doit porter; et devant
ou après le chiilre , \\ signifie la même chose que de-
vant une note. ( Voyez Chiffres. ) Les dièses qu'on
mêle parmi les chiffres de la basse-continue ne sont
souvent que de simples croix , comme le dièse enhar-
monique; mais cela ne sauroit causer d'équivoque^
puisque celui-ci n'est plus en usage.
Il y a deux manières d'employer le dièse ; l'une acci-
dentelle, quand, dans le cours du chant, on le place
à la gauche d'une note. Cette note , dans les modes ma-
jeurs , se trouve le plus communément la quatrième
du ton ; dans les modes mineurs , il faut le plus sou-
vent deux dièses accidentels , surtout en montant ,
savoir, un sur la sixième note , et un autre sur la sep-
tième. Le dièse accidentel n'altère que la note qui le
suit immédiatement, ou tout au plus celles qui , dans
la même mesure, se trouvent sur le même degré, et
quelquefois à l'octave, sans aucun signe contraire.
L'autre manière est d'employer le dièse à la clef, et
alors il agit dans toute la suite de l'air, et sur toutes
DlÈ 22:)
les notes qui sont placées sur le même degré où est
le dièse , à moins qu'il ne soit contrarié par quelque
bémol ou bécarre, ou bien que la clef ne change.
La position des dièses à la clef n'est pas arbitraire,
non plus que celle des bémols; autrement les deux
semi-tons de l'octave seroient sujets à se trouver entre
eux hors des intervalles prescrits. Il faut donc appli-
quer aux dièses un raisonnement semblable à celui
que nous avons fait au bémol ; et l'on trouvera que
l'ordre des dièses g^i convient à Igi clef est celui des
notes suivantes, en commençant par^ et montant
successivement de quinte, ou descendant de quarte
jusqu'au /à, auquel on s'arrête ordinairement, parce-
que le dièse du mi , qui le suivroit , ne diffère point du
fa sur nos claviers.
ORDRE DES DIÈSES A LA CLEF,
Fa, ut, sol, re, la, etc.
Il faut remarquer qu'on ne sauroit employer un
dièse à la clef sans employer aussi ceux qui le précé-
dent : ainsi le dièse de ïut ne^e pose qu'avec celui du
fa, celui du sol qu'avec les deux précédents , etc.
J'ai donrié au mot Clef transposée une formule pour
trouver tout d'un coup si un ton ou mode doit porter
des dièses à la clef, et combien.
Voilà l'acception du mot dièse, et son usage dans
la pratique. Le plus ancien manuscrit où j en aie vu
le signe employé est celui de Jean de Mûris ; ce qui
me fait croire qu'il pourroit bien être de son invention :
mais il ne paroît avoir, dans ses exemples, que l'effet
XIV. f5
226 DIM
du bécarre ; aussi cet auteur donne-t-il toujours le nom
de dièsis au semi-ton majeur.
On appelle dièses , dans les calculs harmoniques ,
certains intervalles plus grands qu'un comma , et
moindres qu un semi-ton , qui font la différence d'au-
tres intervalles engendrés par les progressions et rap-
ports des consonnances. Il y a trois de ces dièses : i " le
dièse majeur, qui est la différence du semi-ton majeur
au semi-ton mineur, et dont le rapport est de 126 à
128 ; 1^ le dièse mineur, qui«st la différence du semi-
ton mineur au dièse majeur, et en rapport de 8072 à
3 125 ; 3** et le dièse maxime , en rapport de 2 43 à
2 5o , qui est la différence du ton mineur au semi-ton
maxime. (Voyez Semi-ton. )
Il faut avouer que tant d'acceptions diverses du
même mot dans le même art ne sont guère propres
qu'à causer de fréquentes équivoques , et à produire
un embrouillement continuel.
DiEZEUGMÉNON, génit.fémin. plur.TétV3iCorde diezeug-
ménpn ou des séparées, est le nom que donnoient les
Grecs à leur troisième tétracorde quand il étoit dis-
joint d'avec le second. (Toyez Tétracorde. )
Diminué , adj. Intervalle diminué est tout intervalle
mineurdonton retranche un semi-ton par un dièse à la
note inférieure, ou par un bémol à la supérieure. A
l'égard des intervalles justes que forment les conson-
nances parfaites, lorsqu'on les diminue d'un semi-ton,
l'on ne doit, point les appeler diininués, ra^às faux
quoiqu'on dise quelquefois mal à propos cjuarie dimi
nuée, au lieu de dire fausse-quarte , et octave diminuée ^
au lieu de dire fausse- octave.
li-
DIS 227
Diminution , 5./ Vieux mot qui signifioit la division
d'une note longue , comme une ronde ou une blanche ,
en plusieurs autres notes de moindre valeur. On en-
tendoit encore par ce mot tous les fredons et autres
passages qu'on a depuis appelés roulements ou rou-
lades. ( Voyez ces mots. )
DroxiE, s.j\ C'est, au rapport de Nicomaque, un
nom que les anciens donnoient quelquefois à la con-
sonnance de la quinte , qu'ils appeloient plus commu-
nément J/^^ente. (Voyez Diapente, )
Direct, adj. Un intervalle direct est celui qui fait un
harmonique quelconque sui- le son fondamental qui
le produit : ainsi la quinte , la tierce majeure, l'octave ,
et leurs répliques, sont rigoureusement les seuls inter-
valles directs. Mais, par extension , l'on appelle encore
intervalles directs tous les autres , tant consonnants que
dissonants, que fait chaque partie avec le son fonda-
mental pratique , qui est ou doit être au-dessous d'elle :
ainsi la tierce mineure est un intervalle direct sur un
accord en tierce mineure , et de même la septième ou
la sixte ajoutée sur les accords qui portent leur nom.
Jccord direct est celui qui a le son fondamental au
grave, et dont les parties sont distribuées, non pas
selon leur ordre le plus naturel , mais selon leur ordre
le plus rapproché. Ainsi l'accord parfait c/iVec^ n'est pas
octave , quinte , et tierce ; mais tierce , quinte , et octave.
DiscANT ou Déchant , s. m. C'étoit , dans nos ancien-
nes musiques , cette espèce de contre-point que com-
posoient sur-le-champ les parties supérieures en chan-
tant impromptu sur le ténor ou la basse; ce qui fait
juger de la lenteur avec laquelle devoit marcher la
i5.
228 DIS
musique pour pouvoir être exécutée de cette manière
par des musiciens aussi peu habiles que ceux de ce
temps-là. Discantat, dit Jean de Mûris, qui simul cum
uno vel pluribus dulciter cantat , ut ex distinctis sonis so-
nus unusfiat, non unilate sùnplicitatis , sed dulcis con-
cordisque mixiionis unione. Après avoir expliqué ce qu'il
entend par consonnances et le choix qu'il convient
de faire entre elles, il reprend aigrement les chan-
teurs de son temps qui les pratiquoient presque indif-
remment. « De quel front , dit-il , si nos régies sont
« bonnes , osent déchanter ou. composer le discant ceux
« qui n'entendent rien au choix des accords , qui ne
« se doutent pas même de ceux qui sont plus ou moins
« concordants , qui ne savent ni desquels il faut s'abs-
« tenir, ni desquels on doit user le plus fréquemment,
« ni dans quels lieux il les faut employer, ni rien de
« ce qu'exige la pratique de l'art bien entendu? S'ils
« rencontrent , c'est par hasard : leurs voix errent sans
« régie sur le ténor: qu'elles s'accordent, si Dieu le
« veut; ils jettent leurs sons à l'aventure, comme la
« pierre que lance au but une main maladroite , et qui
« de cent fois le touche à peine une. « Le bon magister
Mûris apostrophe ensuite ces corrupteurs de la pure
et simple harmonie, dont son siècle abondoit ainsi que
le nôtre. Heu! proli dolor! His temporibus aliqui suurn
defectwn inepto proverbio colorare rnoliuntur. Iste est ^ fjm
innuiunty novus discantandi modus , novis scilicet iiti ™
consonantiis . Offendunt ii inteUectwn eoi'um qui taies
defectus agnoscunt , offendunt sens uni ; nani inducere ciim
deberent delectationeni y adducunt tristitiani. O incon-
aruiwi j}iwe7'bium ! o niala coloratio ! irrationabilis ex-
eusatio! o magnus abusus, magna riiditas, magna bestia-
Utas , ut asinus sumatur pro homine, capra pro leonc ,
ovis pro pisce , serpens pro salmone ! Sic enim concordiù::
confundiintur ciim discordiis ^ ut nullateniis una dis tin-
guatur ab aliâ. 0 ! si antiqui periti musicœ doctores taies
audissent discantatores , guid dixissent? quid fecissent ?
Sic discantantem increparent , et dicerent : Non hune dis-
cantum quo uteris de me sumis. Non tuum cantum unum
et concordantem cum me facis. De quo te intromittis ?
Mihi non congruis^ mihi adversarius , scandalwntu milii
es ; 6 utinam taceres ! Non concordas , sed déliras et dis-
cordas.
Discordant, adj. On appelle ainsi tout instrument
dont on joue et qui n'est pas d'accord, toute voix qui
chante faux , toute partie qui ne s'accorde pas avec les
autres. Une intonation qui n'est pas juste fait un ton
faux. Une suite de tons faux fait un chant discordant :
c'est la différence de ces deux mots.
Disdiapason, s. m. Nom que donnoient les Grecs à
l'intervalle que nous appelons double octave.
Le disdiapason est à peu près la plus grande étendue
que puissent parcourir les voix humaines sans se for-
cer : il y en a même assez peu qui l'entonnent hien
pleinement. C'est pourquoi les Grecs avoient borné
chacun de leurs modes à cette étendue, et lui don-
noient le nom de système parfait. ( Voyez Mode ,
Genre, Système.)
Disjoint, adj. Les Grecs donnoient le nom relatif-
de disjoints à deux tétracordes qui se su i voient inmié-
diatement, lorsque la corde la plus grave de l'aigu
étoit wnton au-dessus de la plus aiguë du grave, au
23o DIS
lieu d'être la même. Ainsi les deux tétracordes hypa-
ton et diezeugménon étoient disjoints^ et les deux té-
tracordes syunéménon et hyperboléon Tétoient aussi,
(Voyez Tétracorde. )
On donne parmi nous le nom de disjoints aux -inter-
valles qui ne se suivent pas immédiatement , mais
sont séparés par un autre intervalle. Ainsi ces deux
intervalles ut mi et sol si sont disjoints. Les degrés qui
ne sont pas conjoints , mais qui sont composés de deux
ou plusieurs degrés conjoints, s'appellent aussi degrés
disjoints. Ainsi chacun des deux intervalles dont je
viens de parler forme un degré disjoint.
Disjonction. C'étoit, dans Fancienne musique, Tes-
pace qui séparoit la mèse de la paramèse, ou en gé-
néral un tétracorde du tétracorde voisin , lorsqu'ils
n'étoient pas conjoints. Cet espace étoit d'un ton^ et
s'appeloil en grec «/«VïzeMJTw.
Dissonance, 5./ Tout son qui forme avec un autre
un accord désagréable à l'oreille, ou mieux tout in-
tervalle qui n'est pas consonnant. Or, comme il n'y a
point d'autres consonnances que celles que forment
entre eux et avec le fondamental les sons de l'accord
parfait, il s'ensuit que tout autre intervalle est une
véritable dissonance ; même les anciens comptoient
pour telles les tierces et les sixtes qu'ils retranchoicnt
des accords consonnants.
Le terme de dissonance vient de deux mots , l'un
grec, l'autre latin, qui signifient sonner à double. En
effet, ce qui rend la dissonance désagréable est que les
sons qui la forment, loin de s'unira l'oreille, se re-
poussent, pour ainsi dire, et sont entendus par elle
♦
DIS 2.'^.r
romme deux sons distincts, quoique frappés à-la-fois.
On donne le nom de dissonance tantôt à l'intervalle
et tantôt à chacun des deux Sons qui le forment.
Mais quoique deux sons dissonnent entre eux, le nom
de dissonance se donne plus spécialement à celui des
deux qui est étranger à Taccord.
Il y a une infinité de dissonances possibles; mais
comme, dans la musique, on exclut tous les inter-
valles que le système reçu ne fournit pas, elles se ré-
duisent à un petit nombre; encore pour la pratique
ne doit-on choisir parmi celles-là que celles qui con-
viennent au genre et au mode, et enfin exclure même
de ces dernières celles qui ne peuvent s'employer se-
lon les régies pr*escrites. Quelles sont ces régies? ont-
elles quelque fondement naturel, ou sont-elles pure-
ment arbitraires? Voilà ce que je me propose d'exa-
miner dans cet article.
Le principe physique de l'harmonie se tire de la
production de l'accord parfait par la résonnance d'un
son quelconque ; toutes les consonnances en naissent ,
et c'est la nature même qui les fournit. Il n'en va pas
ainsi de la dissonance , du moins telle que nous la pra-
' tiquons. Nous trouvons bien, si l'on veut, sa généra-
tion dans les progressions des intervalles consonnants
et dans leurs différences, mais nous n'apercevons pa'x
de raison physique qui nous autorise à l'introduire
dans le corps même de l'harmonie. Le P. Mersenne
se contente de montrer la génération par le calcul et
les divers rapports des dissonances , tant de celles qui
sont rejetées , que de celles qui sont admises; mais il
ne dit rien du droit de les employer. M. Bameau dit
232 DIS
en termes formels que la dissonance n'est pas naturelle
à l'harmonie, et qu'elle n y peut être employée que
par le secours de Fart; cependant, dans un autre ou-
vrage, il essaie d'en trouver le principe dans les rap-
ports des nombres et les proportions, harmonique et
arithmétique , comme s'il y avoit quelque identité en-
tre les propriétés de la quantité abstraite et les sensa-
tions de Fouïe : mais après avoir bien épuisé des ana-
logies , après bien des métamorphoses de ces diverses
proportions les unes dans les autres , après bien des
opérations et d'inutiles calculs , il finit par établir , sur
de légères convenances, la dissonance qu'il s'est tant
donné de peine à chercher. Ainsi , parceque dans l'or-
dre des sons harmoniques la proportion arithmétique
lui donne, par les longueurs des cordes, une tierce
mineure au grave (remarquez qu'elle la donne à l'aigu
par le calcul des vibrations), il ajoute au grave de la
sous-dominante une nouvelle tierce mineure. La pro-
portion harmonique lui donne une tierce mineure à
1 aigu (elle la donneroit au grave par les vibrations) ,
et il ajoute à Faigu de la dominante une nouvelle
tierce mineure. Ces tierces ainsi ajoutées ne font
point, il est vrai, de proportion avec les rapports
précédents ; les rapports mêmes qu'elles devroient
avoir se trouvent altérés : mais n'importe ; M. Rameau
fait tc^ut valoir pour le mieux; la proportion lui sert
pour introduire la dissonance, et le défaut de propor-
tion pour la faire sentir.
L'illustre géomètre qui a daigné inteipréter au
public le système de M. Rameau ayant supprimé tous
ces vains calculs, je suivrai son exemple^ ou plutôt
DIS 233
je transcrirai ce qu'il dit de la dissonance : et M. Ra-
meau me devra des remerciements d'avoir tiré cette
explication des Eléments de musique, plutôt que de ses
propres écrits.
Supposant qu'on connoisse les cordes essentielles
du ton selon le système de M. Rameau, savoir, dans
le ton d'w^, la tonique m^, la'dominante sol, et la sous-
dominante y^, on doit savoir aussi que ce même ton
à' ut a les deux cordes ut et sol communes avec le ton
de sol, et les deux cordes ut et fa communes avec le
ton de fa. Par conséquent cette marche de basse ut
5o/peut appartenir au ton à'ut ou au ton de sol, comme
la marche de basse yî? ut ou ut fa peut appartenir au
ton d'ut ou au ton de fa. Donc quand on passe d\it à
fa ou à sol dans une basse fondamentale, on ignore
encore jusque-là dans quel ton Fou est; il seroit pour-
tant avantageux de le savoir, et de pouvoir par quel-
que moyen distinguer le générateur de ses quintes.
On obtiendra cet avantage en joignant ensemble les
sons sol et fa dans une même harmonie, c'est-à-dire
en joignant à Tharmonie sol si re de la quinte sol l'autre
quinte fa, en cette manière, 50/ 5i re fa; ce fa ajouté
étant la septième de sol fait dissonance ; c'est pour cette
raison que l'accord sol si refa est appelé accord dis-
sonant ou accord de septième : il sert à distinguer la
quinte 50/ du générateur ut , qui porte toujours sans
mélange et sans altération l'accord parfait ut mi sol ut,
donné par la nature même. (Voyez Accord, Conson-
NANGE, Harmonie.) Parla on voit que quand on passe
diut à sol, on passe en même temps d'wf h fa , parceque
\g fa se trouve compris dans l'accord de 50/, et le ton
234 I^ÎS
d'ut se trouve par ce moyen entièrement déterminé,
parcequ'il n'y a que ce ton seul auquel les sons^à et
sol appartiennent à-la-fois.
Voyons maintenant, continue M. d'Alembert, ce
que nous ajouterons à l'harmonie^ la ut de la quinte
fa au-dessous du générateur, pour distinguer cette
harmonie de celle de ce même générateur. Il semble
d'abord que Ton doive y ajouter Tautre quinte sol,
afin que le générateur ut passant h fa passe en même
temps à sol y et que le ton soit déterminé par là, mais
cette introduction de sol dans ïaccorô fa la ut donne-
roit deux secondes de suite, ^w^ sol, sol la, c'est-à-dire
deux dissonances dont l'union seroit trop désagréable
à l'oreille: inconvénient qu'il faut éviter; car si, pour
distinguer le ton, nous altérons l'harmonie de cette
quinte fa, il ne faut l'altérer que le moins qu'il est
possible.
C'est pourquoi, au lieu de 50/, nous prendrons sa
quinte re, qui est le son qui en approche le plus ; et nous
aurons pour la sous-dominante^a l'accordy^f la utre,
qu'on appelle accord de grande-sixte ou sixte-ajoutée.
On peut remarquer ici l'analogie qui s'observe
entre l'accord de la dominante 50/ et celui de la sous-
dominante y«.
La dominante sol, en montant au-dessus du gé-
nérateur, a un accord tout composé de tierces en
montant depuis 50/; sol si rey«. Or la sous-dominante
fa étant au-dessous du générateur ut, on trouvera , en
descendant à' ut \ ers fa par tierces, ut la fa. re , qui
contient les mêmes sons que l'accord /« la ut re donne
y la sous-dominantey?>.
DIS 235
On voit de plus que raltération de Tharmonie de^
deux quintes ne consiste que dans la tierce mineure
refa ou fa re , ajoutée de part et d'autre à Tharmonie
de ces deux quintes.
Cette explication est d'autant plus ingénieuse
qu'elle montre à-la-fois l'origine, l'usage, la marche
de la dissonance , son rapport intime avec le ton, et le
moyen de déterminer réciproquement l'un par l'autre.
Le défaut que j'y trouve, mais défaut essentiel qui
fait tout crouler, c'est l'emploi d'une corde étrangère
au ton, comme corde essentielle du ton, et cela par
une fausse analogie qui, servant de base au système
M. Rameau, le détruit en s'évanouissant.
Je parle de cette quinte au-dessous de la tonique,
de cette sous-dominante, entre laquelle et la tonique
on n'aperçoit pas la moindre liaison qui puisse auto-
riser l'emploi de cette sous-dominante,' non seule-
ment comme corde essentielle du ton, mais même en
quelque qualité que ce puisse être. En effet qu'y a-t-il
de commun entre la résonnance, le frémissement des
imissons à' ut, et le son tie sa quinte en-dessous? Ce
n'est point parceque la corde entière est un fa que
ses aliquoîes résonnent au son d'ut, mais parcequ'elle
est un multiple de la corde ut; et il n'y a aucun des
multiples de ce même ut qui ne donne un semblable
phénomène. Prenez le septuple, il frémira et réson-
nera dans ses parties ainsi que le triple : est-ce à dire
que le son de ce septuple ou ses octaves soient des
cordes essentielles du ton? tant s'en faut, puisqu'il ne
forme pas même avec la tonique un rapport com-
mensurable en notes.
236 DIS
Je sais que M. Rameau a prétendu qu'au son d'une
corde quelconque une autre corde à sa douzième en-
dessous frémissoit sans résonner; mais outre que c'est
un étrange phénomène en acoustique qu une corde
sonore qui vibre et ne résonne pas, il est maintenant
reconnu que cette prétendue expérience est une er-
reur, que la corde grave frémit parcequ'elle se par-
tage, et qu'elle paroît ne pas résonner parcequ'elle ne
rend dans ses parties que l'unisson de l'aigu , qui ne
se distingue pas aisément.
Que M. Rameau nous dise donc qu'il prend la
quinte en-dessous , parcequ'il trouve la quinte en-
dessus, et que ce jeu des quintes lui paroît commode
pour établir son système, on pourra le féliciter d'une
ingénieuse invention; mais qu'il ne l'autorise point
(l'une expérience chimérique, qu'il ne se tourmente
])oint à chercher dans les renversements des propor-
tions harmonique et arithmétique les fondements de
l'harmonie, ni à prendre les propriétés des nombres
pour celles des sons.
Remarquez encore que si la contre-génération qu'il
suppose pouvoit avoir lieu, l'accord de la sous-domi-
nante fa ne devroit point porter une tierce majeure ,
mais mineure, parceque le /«bémol est 1 harmoni-
que véritable qui lui est assigné pïir ce renversement
T I
1 3" T
lit fa la b. De sorte qu'à ce compte la gamme du
mode majeur devroit avoir naturellement la sixte
jnineure; mais elle Fa majeure, comme quatrième
quinte ou comme quinte de la seconde note: ainsi
voilà encore une contradiction. \
DIS 237
Kiiliii remarquez que la quatrième note donnée par
la série des aliquotes , d'où naît le vrai diatonique na-
turel, n'est point l'octave de la prétendue sous-domi-
nante dans le rapport de 4 à 3, mais une autre qua-
trième note toute différente dans le rapport de 11 à 8 ,
ainsi que tout théoricien doit l'apercevoir au premier
coup d'œil.
J'en appelle maintenant à l'expérience et à l'oreille
des musiciens. Qu'on écoute combien la cadence im-
parfaite de la sous-dominante à la tonique est dure et
sauvage en comparaison de cette même cadence dans
sa place naturelle , qui est de la tonique à la domi-
nante. Dans le premier cas peut-on dire que l'oreille
ne désire plus rien après l'accord de la tonique? n'at-
tend-on pas , malgré qu'on en ait , une suite ou une
fin? or qu'est-ce qu'une tonique après laquelle l'oreille
désire quelque chose ? peut-on la regarder comrhe
une véritable tonique, et n'est-on pas alors réellement
dans le ton de fa, tandis qu'on pense être dans celui
lYut? Qu'on observe combien l'intonation diatonique
et successive de la quatrième note et de la note sen-
sible, tant en montant qu'en descendant, paroît étran-
gère au mode et même pénible à la voix. Si la longue
habitude y accoutume l'oreille et la voix du musicien ,
la difficulté des commençants à entonner cette note
doit lui montrer assez combien elle est peu naturelle.
On attribue cette difficulté aux trois tons consécutifs ;
ne devroit-on pas voir que ces trois tons consécutifs,
de même que la note qui les introduit donnent une
modulation barbare qui n'a nul fondement dans la na-
ture? Elle avoit assurément mieux guidé les Grecs
238 DIS
lorsqu'elle leur fit arrêter leur tétra corde précisément
au mî de notre échelle, c'est-à-dire à la note qui pré-
cède cette quatrième : ils aimèrent mieux prendre
cette quatrième en dessous, et ils trouvèrent ainsi
avec leur seule oreille ce que toute notre théorie har-
monique n'a pu encore nous faire apercevoir.
Si le témoignage de l'oreille et celui de la raison se
réunissent, au moins dans le système donné, pour
rejeter la prétendue sous-dominante non seulement
du nombre des cordes essentielles du ton, mais du
nombre des sons qui peuvent entrer dans l'échelle du
mode, que devient toute cette théorie des dissonances?
que devient l'explication du mode mineur ? que de-
vient tout le système de M. Rameau?
N'apercevant donc ni dans la physique ni dans le
calcul la véritable génération de la dissonance , je lui
clierchois une origine purement mécanique ; et c'est
de la manière suivante que je tâchois de l'expliquer
dans l'Encyclopédie , sans m'écarter du système pra-
tique de M. Rameau.
Je suppose'la nécessité de la dissonance reconnue.
( Voyez Harmonie et Cadence. ) Il s'agit de voir où l'on
doit prendre cette dissonance et comment il faut l'em-
ployer.
Si Ion compare successivement tous les sons de
l'échelle diatonique avec le son fondamental dans cha-
cun des deux modes, on n'y trouvera pour toute disso-
nance que la seconde et la septième, qui n'est qu'une
seconde renversée, et qui fait réellement seconde avec
l'octave. Que la septième soit renversée de la seconde,
et non la seconde de la septième, c'est ce qui est
DIS o3(^
évident par Texpression des rapports ; car celui de la
seconde 8, 9, étant plus simple que celui de la sep-
tième 9,16, Tintervalle qu'il représente n'est pas par
conséquent lengendré, mais le générateur.
Je sais bien que d'autres intervalles altérés peuvent
devenir dissonants; mais si la seconde ne s'y trouve
pas exprimée ou sous-entendue , ce sont seulement des
accidents de modulation auxquels l'harmonie n'a
aucun égard, et ces dissonances ne sont point alors
traitées comme telles. Ainsi c'est une chose certaine
qu'où il n'y a point de seconde il n'y a point de disso-
nance; et la seconde est proprement la seule dissonance
qu on puisse employer.
Pour réduire toutes les consonnances à leur moin-
dre espace ne sortons point des bornes de 1 octave,
elles y sont toutes contenues dans l'accord parfait.
Prenons donc cet accord parfait, sol sire sol, et voyons
en quel lieu de cet accord, que je ne suppose encore
dans aucun ton, nous pourrions placer une disso-
nance, c'est-à-dire une seconde, pour la rendre le
moins choquante à l'oreille qu'il est possible. Sur le la
entre le sol et le si elle feroit une seconde avec l'un et
avec l'autre, et par conséquent dissoneroit double-
ment. Il en seroit de même entre le si et le re, comme
entre tout intervalle de tierce : reste l'intervalle de
quarte entre le re et le sol. Ici Ton peut introduire un
son de deux manières : l '^ on peut ajouter la note fa,
qui fera seconde avec le sol et tierce avec le re; 2^ ou
la note ?7u*, qui fera seconde avec le re et tierce avec
le sol. Il est évident qu'on aura de chacune de ces
deux manières la dissonance la moins dure qu'on
24o DIS
puisse trouver j car elle ne dissonnera qu'avec un seul
son, et elle engendrera une nouvelle tierce, qui, aussi
bien que les deux précédentes, contribuera à la dou-
ceur de Taccord total. D'un côté nous aurons l'accord
de septième, et de l'autre celui de sixte ajoutée, les
deux seuls accords dissonants admis dans le système
de la basse fondamentale.
Il ne suffit pas de faire entendre la dissonance ^ il
faut la résoudrç : vous ne choquez d'abord Foreille
que pour la flatter ensuite plus agréablement. Voilà
deux sons joints : d'un côté la quinte et la sixte, de
l'autre la septième et l'octave : tant qu'ils feront ainsi
la seconde , ils resteront dissonants ; mais que les par-
ties qui les font entendre s'éloignent d'un degré, que
lune monte ou que l'autre descende diatoniquement,
votre seconde de part et d'autre sera devenue une
tierce; c'est-à-dire une des plus agréables consour
nances. Ainsi après sol fa vous aurez sol mi ou fa la;
et après 7^e ?niy mi ut ou î^efa : c'est ce qu'on appelle
sauver la dissonance.
Reste à déterminer lequel des deux sons joints doit
monter ou descendre , et lequel doit rester en place :
mais le motif de détermination saute aux yeux. Que la
quinte ou l'octave restent comme cordes principales ,
que la sixte monte et que la septième descende , comme
sons accessoires, comme dissonances. De plus, si, des
deux sons joints , c'est à celui qui a le moins de chemin
à faire de marcher par préférence , le^a descendra en-
core sur le ?ni après la septième, et le mi de l'accord
de sixte ajoutée montera sur \efa; car il n'y a point
d'autre marche plus courte pour sauver la dissonance.
DIS 241
Voyons maintenant quelle marche doit faire le sou
fondamental relativement au mouvement assigné à la
dissonance. Puisque Tiui des deux sons joints reste en
place, il doit faire liaison dans Faccord suivant. L'in-
tervalle que doit former la basse -fondamentale en
quittant Taccord, doit donc être déterminé sur ces
deux conditions : 1° que Toctave du son fondamental
précédent puisse rester en place après l'accord de
septième, la quinte après l'accord de sixte-ajoutée ;
1^ que le son sur lequel se résout la dissonance soit un
des harmoniques de celui auquel passe la basse-fonda-
mentale. Or le meilleur mouvement de la basse étant
par intervalle de quinte , si elle descend de quinte dans
le premier cas, ou qu'elle monte de quinte dans le se-
cond, toutes les conditions seront parfaitement rem-
plies, comme il est évident par la seule inspection de
l'exemple, Planche k^ figure 9.
De là on tire un moyen de connoître à quelle corde
du ton chacun de ces deux accords convient le mieux.
Quelles sont dans chaque ton les deux cordes les plus
essentielles? c'est la tonique et la dominante. Com-
ment la basse peut-elle marcher en descendant de
quinte sur deux cordes essentielles du ton? c est en
passant de la dominante à la tonique : donc la domi-
nante est la corde à laquelle convient le mieux l'ac-
cord de septième. Comment la basse en montant de
quinte peut-elle marcher sur deux cordes essentielles
du ton? c'est en passant de la tonique à la dominante :
donc la tonique est la corde à laquelle convient Fac-
cord de sixte-ajoutée. Voilà pourquoi, dans l'exem-
ple, j'ai donné un dièse au/a de l'accord qui suit ce-
XIV. i6
242 DIS
liii-là; carie re étant dominante tonique, doit porter
la tierce majeure. La basse peut avoir d'autres mar-
ches; mais ce sont là les plus parfaites, et les deux
principales cadences. (Voyez Cadence.)
Si Ton compare ces deux dissonances avec le son
fondamental, on trouve que celle qui descend est une
septième mineure, et celle qui monte une sixte ma-
jeure , d'où l'on tire cette nouvelle règle que les disso-
nances majeures doivent monter et les mineures des-
cendre; car en général un intervalle majeur a moins
de chemin à faire en montant, et un intervalle mineur
en descendant; et en général aussi, dans les marches
diatoniques, les moindres intervalles sont à préférer.
Quand l'accord de septième porte tierce majeure,
cette tierce fait avec la septième une autre dissonance ,
qui est la fausse quinte, ou, par renversement, le
triton. Cette tierce vis-à-vis de la septième s'appelle
encore dissonance majeure, et il lui est prescrit de
monter, mais c'est en qualité de note sensible; et
sans la seconde, cette prétendue dissonance n'existe-
roit point ou ne seroit point traitée comme telle.
Une observation qu'il ne faut pas oublier est que
les deux seules notes de l'échelle qui ne se trouvent
point dans les harmoniques des deux cordes princi-
pales ut et sol, sont principalement celles qui s'y trou-
vent introduites par la dissonance ^ et achèvent par ce
moyen la gamme diatonique, qui sans cela seroit im-
parfaite : ce qui explique comment le^a et le /«, quoi-
que étrangers au mode, se trouvent dans son échelle,
et pourquoi leur intonation , toiqours rude malgré
l'habitude, éloigne l'idée du ton principal.
DIS 243
Il faut remarquer encore que ces deux dts!?onances ^
savoir, la sixte majeure et la septième mineure, ne
dillèrent que d'un semi-ton , et dilfèreroient encore
moins si les intervalles étoient bien justes. A Faide de
cette observation Ton peut tirer du principe de la ré-
sonnance une ori(>ine très approchée de Tune et de
1 autre, comme je vais le montrer.
Les harmoniques qui accompagnent un son quel-
conque ne se bornent pas à ceux qui composent l'ac-
cord paifait : il y en a une infinité d'autres moins sen-
sibles à mesure qu'ils deviennent plus aigus et leurs
rapports plus composés, et ces rapports sont expri-
més par la série naturelle des ahquotes -4-'-L-L, etc
Les six premiers teimes de cette série donnent les
sons qui composent l'accord parfait et ses rrphques ;
le septième en est exclus : cependant ce septième
terme entre comme eux dans la résonnance totale du
son générateur, quoique moins sensiblement; mais
il n'y entre point comme consonnance; il y entre donc
comme dissonance , et cette dissonance est donnée par
la nature. Reste à voir son rapport avec celles dont je
viens de parler.
Or, ce rapport est intermédiaire entre l'un et l'au-
tre , et fort rapproché de tous deux ; car le rapport de
la sixte majeure est , , et celui de la septième mi-
neure Ti' Ces deux rapports réduits aux mêmes
termes sont p et ^.
80 80
Le rapport de l'aliquote y rapproché au simple par
ses octaves est| , et ce rapport réduit au même terme
avec les précédents, se trouve intermédiaire entre
les deux de cette manière 5^4 f*^ jil , où l'on voit que
16.
^44 . i^is
ce rapport moyen ne diffère de la sixte majeure que
d'un 3V ou à peu près deux comma, et de la septième
mineure que d'un 7^, qui est beaucoup moins qu'un
comma. Pour employer les mêmes sons dans le genre
diatonique et dans divers modes, il a fallu les altérer ;
mais cette altération n'est pas assez grande pour nous
faire perdre la trace de leur origine.
J'ai fait voir, au mot Cadence, comment l'intro-
duction de ces deux principales dissonances , la sep-
tième et la sixte-ajoutée, donne le moyen de lier une
suite d'harmonie en la faisant monter ou descendre à
volonté par l'entrelacement des dissonances.
Je ne parle point ici de la préparation de la disso-
nance, moins parcequ'elle a trop d'exceptions pour en
faire une régie générale, que parceque ce n'en est pas
ici le lieu. (Voyez Préparer. ) A l'égard des dissonances
par supposition ou par suspension, voyez aussi ces
deux mots. Enfin je ne dis rien non plus de la sep-
tième diminuée , accord singulier dont j'aurai occa-
sion de parler au mot Enharmonique.
Quoique cette manière de concevoir la dissonance
en donne une idée assez nette, comme cette idée n'est
point tirée du fond de l'harmonie, mais de certaines
convenances entre les parties, je suis bien éloigné
d'en faire plus de cas qu'elle ne mérite, et je ne l'ai
jamais donnée que pour ce qu'elle valoit; mais on
a voit jusqu'ici raisonné si mal sur la dissonance, que
je ne crois pas avoir fait en cela pis que les autres.
M. Tartini est le premier, et jusqu'à présent le seul
qui ait déduit une théorie des dissonances des vrais
principes de l'harmonie . Pour éviter d inutiles répé-
DIS 245
titions, je renvoie là-dessus au mot Système, où j'ai
iaitTexposition du sien. Je m'abstiendrai de juger s'il
a trouvé ou non celui de la nature ; mais je dois re-
marquer au moins que les principes de cet auteur
paroissent avoir dans leurs conséquences cette uni-
versalité et cette connexion qu'on ne trouve guère
que dans ceux qui mènent à la vérité.
Encore une observation avant de finir cet article.
Tout intervalle commensurable est réellement con-
sonnant; il n'y a de vraiment dissonants que ceux dont
les rapports sont irrationnels, car il n'y a que ceux-là
auxquels on ne puisse assigner aucun son fondamen-
tal commun. Mais passé le point où les harmoniques
naturels sont encore sensibles, cette consonnance des
intervalles commensurables ne s'admet plus que par
induction. Alors ces intervalles font bien partie du
système harmonique , puisqu'ils sont dans l'ordre de
sa génération naturelle et se rapportent au son fon-
damental commun ; mais ils ne peuvent être admis
comme consonnants par l'oreille , parcequ'elle ne les
aperçoit point dans l'harmonie naturelle du corps so-
nore. D'ailleurs plus l'intervalle se compose, plus il
s'élève à l'aigu du son fondamental : ce qui se prouve
par la génération réciproque du son fondamental et
des intervalles supérieurs. ( Voyez le système de
M. Tartini. ) Or, quand la distance du son fondamental
au plus aigu de l'intervalle générateur ou engendré
excède l'étendue du système musical ou appréciable ,
tout ce qui est au-delà de cette étendue devant être
censé nul, un tel intervalle n'a point de fondement
sensible, et doit être rejeté de la pratique, ou seule-
246 DIT
meut admis comme dissonant. Voilà, non le système
de M. Rameau , ni celui de M. Tartini , ni le mien , mais
le texte de la nature , qu'au reste je n'entreprends pas
d'expliquer.
Dissonance majeure est celle qui se sauve en mon-
tant. Cette dissonance n'est telle que relativement à la
dissonance mineure ; car elle fait tierce ou sixte majeure
sur le vrai son fondamental , et n'est autre que la note
sensible dans un accord dominant, ou la sixte-ajoutée
dans son accord.
Dissonance mineure est celle qui se sauve en des-
cendant : c'est toujours la dissonance proprement dite,
c est-à-dire la septième du vrai son fondamental.
La dissonance majeure est aussi celle qui se forme par
un intervalle superflu, et la dissonance mineure est celle
qui se forme par un intervalle diminué. Ces diverses
acceptions viennent de ce que le mot même de disso-
nance est équivoque , et signifie quelquefois un inter-
valle et quelquefois un simple son.
Dissonnant, partie. ( Voyez Dissonner. )
DissONNER, V. n. Il n'y a que les sons qui dissonnent , et
nnson dis sonne c^\\?inà'\\ formedissonanceavec un autre
son. On ne dit pas qu'un intervalle dissonne, on dit qu'il
est dissonant.
Dithyrambe, 5, m. Sorte de chanson grecque en
l'honneur de Bacchus, laquelle se chantoit sur le mode
phrygien, et sesentoit du feu et de la gaieté qu'inspire
le dieu auquel elle étoit consacrée. lUie faut pas de-
mander si nos littérateurs modernes , toujours sages
et compassés, se sont récriés sur la fougue et le désor-
dre des dithyrambes. C'est fort mal fait sans doute de
DIX 247
s'enivrer, surtout en Thoniieur de la divinité; mais
j'ainierois mieux encore être ivre moi-même que de
n'avoir que ce sot bon sens qui mesure sur la froide
raison tous les discours d'un homme échauffé par le
vin.
DiTON, s. m. C'est, dans la musique grecque, un
intervalle composé de deux tons , c'est-à-dire une tierce
majeure. ( Voyez Intervalle, Tierce. )
Divertissement , s. m. C'est le nom qu'on donne à
certains recueils de danses et de chansons qu'il est
de régie à Paris d'insérer dans chaque acte d un opéra ,
soit ballet , soit tragédie ; divertissement importun dont
Tautcur a soin de couper l'action dans quelque moment
intéressant , et que les acteurs assis et les spectateurs
debout ont la patience de voir et d'entendre.
Dix-huitième, s.f. Intervalle qui comprend dix-sept
degrés conjoints , et par conséquent dix-huit sons dia-
toniques, en comptmt les deux extrêmes. C'est la
tlouble-octave de la quarte. ( Voyez Quarte. )
Dixième, 5. y. Intervalle qui comprend neuf degrés
conjoints , et par conséquent dix sons diatoniques, en
comptant les deux qui le forment. C'est l'octave de la
tierce ou la tierce de l'octave ; et la dixième est majeure
ou mineure , comme l'intervalle simple dont elle est la
réplique. ( Voyez Tierce. )
Dix-neuvième, s.f. Intervalle qui comprend dix-
huit degrés conjoints, et par conséquent dix-neuf sons
diatoniques , en comptant les deux extrêmes. C'est la
double-octave de la quinte. ( Voyez Quinte. )
Dix-septième , 5. /. Intervalle qui comprend seize
degrés conjoints , et par conséquent dix-sept sons dia-
^4^ JDOI
toniques , en comptant les deux extrêmes. C'est la
double-octave de la tierce; et la dix-septième est ma-
jeure ou mineure comme elle.
Toute corde sonore rend avec le son principal celui
de sa dix-septième majeure , plutôt que celui de sa tierce
simple ou de sa dixième , parceque cette dix-septième
est produite par une aliquote de la corde entière, sa-
voir, la cinquième partie ; au lieu que les y que donne-
roit la tierce , ni les \ que donneroit la dixième , ne
sont pas une aliquote de cette même corde. ( Voyez
Son , Intervalle , Harmonie. )
Do. Syllabe que les Italiens substituent en solfiant
è celle d'z/f , dont ils trouvent le son trop sourd. Le
même motif a fait entreprendre à plusieurs personnes ,
et entre autres à M. Sauveur, de changer les noms de
toutes les syllabes de notre gamme; mais l'ancien
usage a toujours prévalu parmi nous. C'est peut-être
un avantage ; il est bon de s'accoutumer à solfier par
des syllabes sourdes , quand on n'en a guère de plus
sonores à leur substituer dans le chant.
Dodécacorde. C'est le titre donné par Henri Glaréan
à un gros livre de sa composition , dans lequel , ajou-
tant quatre nouveaux tons aux huit usités de son
temps , et qui restent encore aujourd'hui dans le chant
ecclésiastique romain, il pense avoir rétabli dans leur
j)ureté les douze modes d'Aristoxène , qui cependant
en avoit treize ; mais cette prétention a été réfutée par
J. B. Doni , dans son Traité des Genres et des Modes.
Doigter, v. n. C'est faire marcher d'une manière
convenable et régulière les doigts sur quelque instru-
ment , et principalement sur l'orgue ou le clavecin ,
DOI 249
pour en jouer le plus facilement et le plus nettement
qu'il est possible.
Sur les instruments à manche, tels que le violon
et le violoncelle , la plus grande régie du doigter con-
siste dans les diverses positions de la main gauche sur
le manche; c'est par là que les mêmes passages peu-
vent devenir faciles ou difficiles , selon les positions
et selon les cordes sur lesquelles on peut prendre ces
passages ; c'est quand un symphoniste est parvenu à
passer rapidement, avec justesse et précision, par
toutes ces différentes positions , qu'on dit qu'il possède
bien son manche. (Voyez Position. )
Sur l'orgue ou le clavecin, le doigter est autre chose.
Il y a deux manières de jouer sur ces instruments ; sa-
voir, l'accompagnement et les pièces. Pour jouer des
pièces, on a égard à la facilité de l'exécution et à la
bonne grâce de la main. Comme il y a un nombre ex-
cessif de passages possibles dont la plupart demandent
une manière particulière de faire marcher les doigts ,
et que d ailleurs chaque pays et chaque maître a sa
règle, il faudroit sur cette partie des détails que cet
ouvrage ne comporte pas, et sur lesquels l'habitude
et la commodité tiennent lieu de régies , quand une
fois on a la main bien posée. Les préceptes généraux
qu'on peut donner sont, i^ de placer les deux mains
sur le clavier, de manière qu'on n'ait rien de gêné dans
l'attitude : ce qui oblige d'exclure communément le
pouce de la main droite , parceque les deux pouces
posés sur le clavier, et principalement sur les touches
blanches, donneroient aux bras une situation con-
trainte et de mauvaise grâce. Il faut observer aussi
230 DOI
que les coudes soient un peu plus élevés que le niveau
du clavier , afin que la main tombe comme delle-même
sur les touches : ce qui dépend de la hauteur du siège ;
20 de tenir le poignet à peu près à la hauteur du cla-
vier, c'est-à-dire au niveau du coude ; les doigts écar-
tés de la largeur des touches , et un peu recourbés sur
elles, pour être prêts à tomber sur des touches diffé-
rentes ; 3 '^ de ne point porter successivement le même
«loigt sur deux touches consécutives , mais d'employer
tous les doigts de chaque main. Ajoutez à ces observa-
tions les régies suivantes , que je donne avec con-
fiance, parceque je les tiens de M. Duphli, excellent
maître de clavecin, et qui possède sur-tout la perfec-
tion du doigter.
Cette perfection consiste en général dans un mou-
vement doux, léger , et régulier.
Le mouvement des doigts se prend à leur racine ,
c'est-à-dire à la jointure qui les attache à la main.
Il faut que Jes doigts soient courbés naturellement,
et que chaque doigt ait son mouvement propre indé-
pendant des autres doigts. Il faut que les doigts tom-
bent sur les touches et non qu'ils les frappent , et de
plus , qu'ils coulent de l'une à l'autre en se succédant,
c'est-à-dire qu'il ne faut quitter une touche qu'après
en avoir pris une autre. Ceci regarde particulièrement
ie jeu françois.
Pour continuer un roulement, il faut s'accoutumer
à passer le pouce par-dessous tel doigt que ce soit, et
à passer tel autre doigt par-dessus le pouce. Cette ma-
nière est excellente , surtout quand il se rencontre des
dièses ou des bémols ; alors faites en sorte que le pouce
D O I 2 5 l
se trouve sur la touche qui précède le dièse ou le bémol ,
ou placez-le immédiatement après : par ce moyen vous
vous procurerez autant de doigts de suite que vous
aurez de notes à faire.
Évitez autant qu'il se pourra de toucher du pouce
ou du cinquième doi(jt une touche blanche , surtout
dans les roulements de vitesse.
Souvent on exécute un même roulement avec les
deux mains , dont les doigts se succèdent pour lors
consécutivement. Dans ces roulements les mains pas-
sent Tune sur l'autre ; mais il faut observer que le son
de la preuiière touche sr=r laquelle passe une des mains
soit aussi lié au son précédent que s ils étoient touchés
de la même main.
Dans le genre de musique harmonieux et lié , il est
bon de s'accoutumer à substituer un doigt à la place
d'un autre sans relever la touche : cette manière donne
des facilité*: pour l'exécution et prolonge la durée des
sons.
Pour l'accompagnement , le doigter de la main gau-
che est le même que pour les pièces , parcequ'il faut
toujours que celte main joue les basses qu'on doit ac-
compagner : ainsi les règles de M. Duphli y servent
également pour cette partie, excepté dans les occa-
sions où l'on veut augmenter le bruit au moyen de
l'octave, qu'on embrasse du pouce et du petit doigt;
car alors, au lieu de doigter, la main entière se trans-
porte d une touche à l'autre. Quant à la main droite ^
son doigter consiste dans l'arrangement des doigts , et
dans les marches qu'on leur donne pour faire entendre
les accords et leur succession : de sorte que quiconque
:>b2 DOI
entend bien la mécanique des doigts en cette partie ,
possède Fart de l'accompagnement. M. Rameau a fort
Lien expliqué cette mécanique dans sa Dissertation sur
l accompagnement ; et je crois ne pouvoir mieux faire
que de donner ici un précis de la partie de cette dis-
sertation qui regarde le doigter.
Tout accord peut s'arranger par tierces. L'accord
parfait, c'est-à-dire l'accord d'une tonique ainsi ar-
rangé sur le clavier, est formé par trois touches qui
doivent être frappées du second, du quatrième et du
cinquième doigt. Dans cette situation c'est le doigt le
plus bas, c'est-à-dire le second qui touche la tonique ;
dans les deux autres faces, il se tixDuve toujours un
doigt au moins au-dessous de cett^ même tonique : il
faut le placer à la quarte. Quant au troisième doigt,
qui se trouve au-dessus ou au-dessous des deux au-
tres, il faut le placer à la tierce de son voisin.
Une régie générale pour la succession des accords
est qu'il doit y avoir liaison entre eux, c'est-à-dire que
quelqu'un des sons de l'accord précédent doit être
prolongé sur l'accord suivant et entrer dans son har-
monie. C'est de cette règle que se tire toute la méca-
nique du doigter.
Puisque pour passer régulièrement d'un accord à
un autre il faut que quelque doigt reste en place, il
est évident qu'il n'y a que quatre manières de suc-
cession régulière entre deux accords parfaits; savoir,
la basse-fondamentale montant ou descendant de
tierce ou de quinte.
Quand la basse procède par tierces, deux doigts
restent en place; en montant, ceux qui formoient la
DOi 253
tierce et la quinte restent pour former Toctave et la
tierce , tandis que celui qui ibrmoit l'octave descend
sur la quinte; en descendant, les doigts qui formoient
Toctave et la tierce restent pour former la tierce et la
quinte , tandis que celui qui faisoit la quinte monte sur
Toctave.
Quand la basse procède par quintes , un doigt seul
reste en place et les deux autres marchent; en mon-
tant, c'est la quinte qui reste pour faire Toctave , tan-
dis que l'octave et la tierce descendent sur la tierce et
sur la quinte; en descendant, l'octave reste pour faire
la quinte, tandis que la tierce et la quinte montent
sur l'octave et sur la tierce. Dans toutes ces succes-
sions les deux mains ont toujours un mouvement
contraire.
En s'exercant ainsi sur divers endroits du clavier ,
on se familiarise bientôt au jeu des doigts sur cha-
cune de ces marches, et les suites d'accords parfaits
ne peuvent plus embarrasser.
Pour les dissonances, il faut d'abord remarquer
que tout accord dissonant complet occupe les quatre
doigts, lesquels peuvent être arrangés tous par tier-
ces, ou trois par tierces, et l'autre joint à quelqu'un
des premiers faisant avec lui un intervalle de seconde.
Dans le premier cas, c'est le plus bas des doigts, c'est-
à-dire l'index, qui sonne le son fondamental de l'ac-
cord; dans le second cas, c'est le supérieur des deux
doigts joints. Sur cette observation l'on connoît aisé-
ment le doigt qui fait la dissonance, et qui par consé-
quent doit descendre pour la sauver.
Selon les différents accords consonnants ou disse-
254 ^^^
nants qui suivent un accord dissonant, il faut faire
descendre un doigt seul , ou deux , ou trois. A la suite
d'un accord dissonant, Faccord parfait qui le sauve
se trouve aisément sous les doigts. Dans une suite
d'accords dissonants, quand un doigt seul descend,
comme dans la cadence interrompue, c'est toujours
celui qui a fait la dissonance, c'est-à dire l'inférieur
des deux joints, ou le supérieur de tous, s'ils sont ar-
rangés par tierces. Faut-il faire descendre deux doigts,
comme dans la cadence parfaite, ajoutez à celui dont
je viens de parler son voisin au-dessous, et, s'il n'en a
point, le supérieur de tous : ce sont les deux doigts
qui doivent descendre. Faut-il en faire descendre trois,
comme dans la cadence rompue , conservez le fonda-
mental sur sa touche , et faites descendre les trois
autres.
La suite de toutes ces différentes successions bien
étudiée vous montre le jeu des doigts dans toutes les
phrases possibles ; et comme c'est des cadences par-
faites que se tire la succession la plus commune des
phrases harmoniques , c'est aussi à celles-là qu'il faut
s'exercer davantage ; on y trouvera toujours deux
doi«ts marchant et s'arrêtant alternativement. Si les
deux doigts d'en haut descendent sur un accord où les
deux inférieurs restent en place , dans l'accord suivant
les deux supérieurs restent , et les deux inférieurs des-
cendent à leur tour; ou bien ce sont les deux doigts
extrêmes qui font le même jeu avec les deux moyens.
On peut trouver encore une succession harmonique
ascendante par dissonances , à la faveur de la sixte-
ajoutée : mais cette succession , moins commune que
DOi 255
celle dont je viens de parler, est plus difficile à ména-
ger, moins prolongée, et les accords se remplissent
rarement de tous leurs sons. Toutefois la marche des
doigts auroit encore ici ses régies; et en supposant un
entrelacement de cadences imparfaites, on y trouve-
roit toujours, ou les quatre doigts par tierces ou deux
doigts joints : dans le premier cas, ce seroit aux deux
inférieurs à monter, et ensuite aux deux supérieurs
alternativement; dans le second, le supérieur des deux
doigts joints doit monter avec celui qui est au-dessus
de lui, et, s'il n'y en a point, avec le plus bas de
tous, etc.
On n'imagine pas jusqu'à quel point l'étude du
doigter y prise de cette manière, peut faciliter la pra-
tique de l'accompagnement. Après un peu d'exercice,
les doigts prennent insensiblement l'habitude de mar-
cher comme d'eux-mêmes; ils préviennent l'esprit et
accompagnent avec une facilité qui a de quoi sur-
prendre. Mais il faut convenir que l'avantage de cette
méthode n'est pas sans inconvénient, car, sans parler
des octaves et des quintes de suite qu'on y rencontre
à tout moment, il résulte de tout ce remplissage une
harmonie brute et dure dont l'oreille est étrangement
choquée, surtout dans les accords par supposition.
Les maîtres enseignent d'autres manières de doig-
ter, fondées sur les mêmes principes, sujettes, il est
vrai, à plus, d'exceptions, mais par lesquelles, retran-
chant des sons, on gêne moins la main par trop d'ex-
tension, Ton évite les octaves et les quintes de suite,
et l'on rend une harmonie, non pas aussi pleine, mais
plus pure et plus agréable.
256 noR
DoLCE. ( Voyez D. )
DoMiiNANT, adj. Accord dominant ou sensible est
celai qui se pratique sur la dominante du ton, et qui
annonce la cadence parfaite. Tout accord parfait ma-
jeur devient dominant sitôt qu'on lui ajoute la sep-
tième mineure.
Dominante, s. f. C'est des trois notes essentielles
du ton celle qui est une quinte au-dessus de la toni-
que. La tonique et la dominante déterminent le ton;
elles y sont chacune la fondamentale d'un accord par-
ticulier; au lieu que la médiante, qui constitue le
mode, n'a point d'accord à elle, et fait seulement par-
tie de celui de la tonique.
M. Rameau donne généralement le nom de domi-
nante à toute note qui porte un accord de septième ^
et distingue celle qui porte l'accord sensible par le
nom de dominante-tonique; mais, à cause de la lon-
gueur du mot, cette addition n'est pas adoptée des
artistes; ils continuent d'appeler simplement domi-
nante la quinte de la tonique, et ils n'appellent pas
dominantes, maiïs fondamentales , les autres notes por-
tant accord de septième ; ce qui suffit pour s'expliquer,
et prévient la confusion.
Dominante, dans le plain-chant est la note que l'on
rebat le plus souvent , à quelque degré que l'on soit
de la tonique, il y a dans le plain-chant dominante et
tonique, mais point de médiante.
DoKiEN, adj. Le mode dorien étoit un des plus
anciens de la musique des Grecs, et c'étoit le pius
grave ou le plus bas de ceux qu'on a depuis appelés
authentiques.
DOU 2:37
Le caractère de ce mode ctoit sérieux et grave ^
mais d'une gravité tempérée; ce qui le reiidoit propre
pour la guerre et pour les sujets de religion.
Platon regarde la majesté du mode dorien comme
très propre à conserver les bonnes mœurs; et c'est
pour cela qu'il en permet Tusage dans sa République.
Il s'appeloit dorien parceque c'étoit cliez les peuples
de ce nom qu'il avoit été d'abord en usage. On attribue
l'invention de ce mode à Thamiris de Thrace, qui,
ayant eu le malheur de défier les muses et d'être
vaincu, fut privé par elles de la lyre et des yeux.
Double, adj. Intervalles doubles ou redoublés sont
tous ceux qui excédent l'étendue de l'octave. En ce
sens , la dixième est double de la tierce , et la douzième ,
double de la quinte. Quelques uns donnent aussi le
nom d'intervalles doubles à ceux qui sont composés de
deux intervalles égaux, comme la fausse-quinte qui
est composée de deux tierces mineures.
Double, s. m. On appelle doubles des airs d'un
chant simple en lui-même, qu'on figure et qu'on dou-
ble par l'addition de plusieurs notes qui varient et or-
nent te chant sans le gâter : c'est ce que les Italiens
appellent variàzioni. (Voyez Variations.)
Il y a cette différence des doubles aux broderies ou
fleurtis, que ceux-ci sont à la bberté du musicien,
qu'il peut les faire ou les quitter quand il lui plaît
pour reprendre le simple. Mais le double ne se quitte
point, et sitôt qu'on l'a commencé, il faut le pour^
suivre jusqu'à la fin de Fair.
Double est encore un mot employé à l'Opéra de
Paris pour désigner les acteurs en sous-ordre qui rem-
XIV. I y
^58 Dou
placent les premiers acteurs dans les rôles que ceux-
ci quittent par maladie ou par air, ou lorsqu'un opéra
est sur ses fins et qu'on en prépare un autre. Il faut
avoir entendu un opéra en doubles pour concevoir ce
que c'est qu'un tel spectacle , et quelle doit être la
patience de ceux qui veulent bien le fréquenter en cet
état. Tout le zèle des bons citoyens françois bien
pourvus d'oreilles à l'épreuve suffit à peine pour tenir
à ce détestable charivari.
Doubler, v. a. Doubler un air, c'est y faire des dou-
bles; doubler- un rôle, c'est y remplacer l'acteur priur
cipal. (Voyez Double.)
Double-corde, s. f. Manière de jeu sur le violon,
laquelle consiste à toucher deux cordes à-la-fois fai-
sant deux parties différentes. La àouble-covàe fait sou-
vent beaucoup d effet. Il est difficile déjouer très juste sur
la double-corde.
Double-croche, s. f Note de musique qui ne vaut
que le quart d'une noire, ou la moitié d'une croche.
Il faut par conséquent seize doubles-croches pour une
ronde ou pour une mesure à quatre temps. (Voyez
Mesure, Valeur des notes.)
On peut voir la figure de la double-croche liée ou dé-
tachée dans la figure 9 de la Planche D. Elle s'appelle
double-croche à cause du double-crochet qu elle porte
à sa queue, et qu'il faut pourtant bien distinguer du
double-crochet proprement dit, qui fait le sujet de
l'article suivant.
Double-crochet, s. m. Signe d'abréviation qui mar-
que la division des notes en doubles-croches, comme
le simple erochet marque leur division en croches sim-
DOU 259
pies. (Voyez Crochet.) Voyez aussi la figure et Feffet
du double-crochet, figure 10 de la Planche D, à
Texeniple R
Double-emploi, 5. m. Ncwn donné par M. Rameau
aux deux différentes mailières dont on peut consi-
dérer et traiter l'accord de sous-dominante; savoir,
comme accord fondamental de sixte-ajoutée , ou
comme accord de grande-sixte , renversé d'un accord
fondamental de septième. En effet, ces deux accords
portent exactement les mêmes notes , se chiffrent de
même, s'emploient sur les mêmes cordes du ton; de
sorte que souvent on ne peut discerner celui que
Tauteur a voulu employer qu'à 1 aide de Faccord sui-
vant qui le sauve, et qui est différent dans Tun et dans
Tautre cas.
Pour faire ce discernement, on considère le pro-
grès diatonique des deux notes qui font la quinte et
la sixte, et qui, formant entre elles un intervalle de
seconde, sont l'une ou l'autre la dissonance de l'ac-
cord. Or ce progrès est déterminé par le mouvement
de la basse. Si donc de ces deux notes la supérieure
est dissonante, elle montera d'un degré dans l'accord
suivant; l'inférieure restera en place, et l'accord sera
une sixte-ajoutée. Si c'est Fiiiférieure qui est disso-
nante, elle descendra dans l'accord suivant; la supé-
rieure restera en place , et l'accord sera celui de grande-
sixte. Voyez les deux cas du double-emploi ^ Planche
D, figure 12.
A l'égard du compositeur, Fusage qu'il peut faire
du double-emploi est de considérer Faccord qui le
comporte sous une face pour y entrer, et sous Fautre
^1-
2Go hov
pouî- en sortir ; de sorte qu'y étant arrivé comme à un
accord de sixte-ajoutée, il le sauve comme un accord
de grande-sixte, et réciproquement.
M. d'Alembert a fait voir qu uu des principaux
usages du double-emploi est de pouvoir porter la suc-
cession diatonique de la gamme jusqu'à l'octave sans
changer de mode , du moins en montant ; car en des-
cendant on en change. On trouvera {PL D^fig. ï3)
l'exemple de cette gamme et de sa basse-fondamen-
tale. Il est évident, selon le système de M. Rameau,
que toute la succession harmonique qui en résulte est
dans le même ton; car on n'y emploie à la rigueur
que les trois accords, de la tonique, de la dominante,
et de la sous-dominante : ce dernier donnant par le
double-emploi celui de septième de la seconde note ,
qui s'emploie sur la sixième.
A l'égard de ce qu'ajoute M. d^Alembert dans ses
Eléments de musique^ P^ge 80, et qu'il répète dans
l'Encyclopédie y article Double-emploi ; savoir que l'ac-
cord de Septième refa la ut, quand même on le regar-
deroit <3omme renversé de fa la ut ?e, ne peut être
suivi de l'accord ut mi sol ut, je ne puis être de son
avis sur ce point.
La preuve qu'il en donne est que la dissonance ut
du premier accord iie peut être sauvée dans le se-
cond; et cela est vrai, puisqu'elle reste en place : mais
dans cet accord de septième i^efa la ut renversé de cet
accord yà la ut re de sixte-ajoutée, ce n'est point ut,
mais re qui est la dissonance; laquelle par conséquent
doit être sauvée en montant sur mi, comme elle fait
î éeilement dans l'accord suivant; tellement que cette
DOU 2C)[
marche est forcée dans la basse même, qui de re ne
pourroit sans faute retourner à ut, mais doit monter
à m/ pour sauver la dissonance.
M. d'Alembert fait voir ensuite que cet accord rejù
In ut, précédé et suivi de celui de la tonique, ne peut
s'autoriser par le double-emploi ; et cela est encore
très vrai, puisque cet accord, quoique chiffré d'un 7 ,
n'est traité comme accord de septième ni quand on y
entre ni quand on en sort, ou du moins qu'il n'est
point nécessaire de le traiter comme tel, mais simple-
ment comme un renversement de la sixte-ajoutée,
dont la dissonance est à la basse : sur quoi Ton ne doit
pas oublier que cette dissonance ne se prépare jamais.
Ainsi, quoique dans un tel passage il ne soit pas ques-
tion du double-emploi , que l'accord de septième n'y
soit qu'apparent et impossible à sauver dans les régies ,
cela n'empêche pas que le passage ne soit bon et ré-
gulier, comme je viens de le prouver aux théoriciens,
et comme je vais le prouver aux artistes par un
exemple de ce passage, qui sûrement ne sera con-
damné d'aucun d'eux, ni justifié par aucune autre
basse-fondamentale que la mienne. (Voyez Planche
D, figure 14.)
J'avoue que ce renversement de l'accord de sixte-
ajoutée , qui transporte la dissonance à la basse , a été
blâmé par M. Rameau ; cet auteur, prenant pour fon-
damental l'accord de septième qui en résulte , a mieux
aimé faire descendre diatoniquement la basse-fonda-
mentale, et sauver une septième par une autre sep-
tième, que d'expliquer cette septième par un renver-
sement. J'avois relevé cette erreuret beaucoup d autres
262 DOlî
dans des papiers qui depuis long-temps avoient passé
dans les mains de M. d'Alembert, quand il fit ses
Eléments de Musique; de sorte que ce n'est pas soA sen-
timent que j'attaque , c'est le mien que je défends.
Au reste , on lïe sauroit user avec trop de réserve du
double-emploi ; et les plus grands maîtres sont les plus
sobres à s'en servir.
Double-fugue, s.f. On ïdàt une double-fugue , lors-
qu'à la suite d'une fugue déjà annoncée on annonce
tine autre fugue d'un dessein tout différent, et il faut
que cette seconde fugue ait sa réponse et ses rentrées
ainsi que la première , ce qui ne peut guère se prati-
quer qu'à quatre parties. (Voyez Fugue.) On peut avec
plus de parties faire entendre à-la-fois un plus grand
nombre encore de difféientes fugues ; mais la confu-
sion est toujours à craindre, et c'est alors le chef-
d'œuvre de l'art de les bien traiter. Pour cela il faut ,
dit M. Rameau , observer autant qu'il est possible de
ne les faire entrer que l'une après l'autre ; surtout la
première fois , que leur progression soit renversée ,
• qu'elles soient caractérisées différemment, et que, si
elles ne peuvent être entendues ensemble, au moins
' une portion de l'une s'entende avec une portion de
l'autre. Maïs ces exercices pénibles sont plus faits pour
les écohers que pour les maîtres : ce sont les semelles
de plomb qu'on attache aux pieds des jeunes coureurs ,
pour les faire courir plus légèrement quand ils en sont
délivrés.
Double-octave, s. f. Intervalle composé de deux
octaves, qu'on appelle autrement quinzième, et que
les Grecs appeloienî disdiapason.
Dou 263
ha double-oc lave est en raison doublée de i octave
«impie, et c'est le seul intervalle qui ne change pas
de nom en se composant avec lui-même.
Double-triple. Ancien nom de la triple de blanches
ou de la mesure à trois pour deux , laquelle se bat à
trois temps , et contient une blanche pour chaque
temps. Cette mesure n'est plus en usage qu'en France,
où même elle commence à s'abolir.
Doux , adj. pris adverbialement. Ce mot en musique
est opposé h fort , et s'écrit au-dessus des portées pour
la musique Françoise , et au-dessous pour Fitalienne ,
dans les endroits où Ton veut faire diminuer le bruit ,
tempérer et radoucir J'éclat et la véhémence du son ,
comme dans les échos et dans les parties d'accompa-
gnement. Les Italiens écrivent dolce , et plus commu-
nément/:'/<3'no dans le même sens ; mais leurs puristes
en musique soutiennent que ces deux mots ne sont
pas synonymes , et que c'est par abus que plusieurs
auteurs les emploient comme tels. Ils disent que piano
signifie simplement une modération de son, une di-
minution de bruit ; mais que dolce indique , outre cela ,
une manière de jouer ^?m soave , plus douce, plus liée,
et répondant à peu près au mot lourd des François.
Le doux a" trois nuances qu'il faut bien distinguer ;
ssi\oir , le de7ni-jeu, le doux ^ et le très doux. Quelque
voisines que paroissent être ces trois nuances , un or-
chestre entendu les rend très sensibles ettrès distinctes.
Douzième, s.f. Intervalle composé de onze degrés
conjoints , c'est-à-dire de douze sons diatoniques en
comptant les deux extrêmes : c'est l'octave de la quinte
( Yovez Quinte.)
204 -DUO
Toute corde sonore rend avec le son principale ce-
lui de la douzième^ plutôt que celui de la quinte, parce-
que cette douzième est produite par une aliquote de la
corde entière qui est le tiers; au lieu que les deux
tiers , qui donneroient la quinte , ne sont pas une ali-
quote de cette même corde.
Dramatique , adj. Cette épithéte se donne à la mu-
sique imitative , propre aux pièces de théâtre qui se
chantent, comme les opéra. On l'appelle aussi musi-
que lyrique. ( Voyez Imitatiois. )
Duo, 5. m. Ce nom se donne en général à toute
musique à deux parties ; mais on en restreint aujour-
d'hui le sens à deux parties récitantes, vocales ou in-
strumentales , à Texclusion des simples accompagne-
ments qui ne sont comptés pour rien. Ainsi Ton ap-
pelle cfwo une musique à deux voix, quoiqu'il y ait
une troisième partie pour la basse-continue , et d'au-
tres pour la symphonie. En un mot, pour constituer
un duo il faut deux parties principales , entre lesquelles
le chant soit également distribué.
Les régies du duo , et en général de la musique à
deux parties , sont les plus rigoureuses pour l'har-
monie : on y défend plusieurs passages, plusieurs
mouvements qui seroient permis à un plus grand
nombre de parties ; car tel passage ou tel accord, qui
piait à la faveur d'un troisième ou d'un quatrième
son, san^ eux choqueroit l'oreille. D'ailleurs on ne
seroit pas pardonnable de mal choisir, n'ayant que
deux sons à prendre dans chaque accord. Ces régies
éloient encore bien plus sévères autrefois ; mais on
DUO 2G5
s'est relâché sur tout cela dans ces derniers temps où
tout le inonde s'est mis à composer.
On peut envisaj^er le duo sous deux aspects; savoir,
simplement comme un chant à deux parties , tel , par
exemple, que le premier verset du Stahat de Pergo-
lèse, duo\Q plus parfait et le plus touchant qui soit
sorti de la plume d'aucun musicien ; ou comme partie
de la musique imitative et théâtrale, tels que sont
les duo des scènes d'opéra. Dans Fun et dans l'autre
cas , le duo est de toutes les sortes de musique celle
qui demande le plus de goût, de choix, et la plus
difficile à traiter sans sortir de l'unité de mélodie.
On me permettra de faire ici quelques observations
sur le duo dramatique, dont les difficultés particu-
lières se joignent à celles qui sont communes à tous
les duo.
L'auteur de la Lettre sur l'opéra d'Omphale a sen-
sément remarqué que les duo sont hors de la nature
dans la musique imitative ; car rien n'est moips na-
turel que de voir deux personnes se parler à-la-fois du-
rant un certain temps, soit pour dire la même chose,
soit pour se contredire , sans jamais s'écouter ni se
répondre;, et quand cette supposition pourroit s'ad-
mettre en certains cas , cène seroit pas du moins dans
la tragédie , où cette indécence n'est convenable ni à
la dignité des personnages qu'on y fait parler , ni à
l'éducation qu'on leur suppose. Il n'y a donc que les
transports d'une passion violente qui puissent porter
deux interlocuteurs héroïques à s'interrompre l'un
l'autre, à parler tous deux à-la-fois; et même, en pa-
reil cas , il est très ridicule que ces discours simul-
.766 DUO
tanés soient prolongés de manière à faire une suite
chacun de leur côté.
Le premier moyen de sauver cette absurdité est
donc de ne placer les duo que dans des situations vives
et touchantes, où Fagitation des interlocuteurs les
jette dans une sorte de délire capable de faire oublier
aux spectateurs et à eux-mêmes ces bienséances théâ-
trales , qui renforcentlUlusion dans les scènes froides,
et la détruisent dans la chaleur des passions. Le se-
cond moyen est de traiter le plus qu'il est possible le
duo en dialogue. Ce dialogue ne doit pas être phrasé ,
et divisé en grandes périodes comme celui du réci-
tatif, mais formé d'interrogations, de réponses, d'ex-
clamations vives et courtes , qui donnent occasion à
la mélodie de passer alternativement et rapidement
d'une partie à l'autre , sans cesser de former une suite
quô l'oreille puisse saisir. Une troisième attention est
de ne pas prendre indifféremment pour sujets toutes
les passions violentes , mais seulement celles qui sont
susceptibles delà mélodie douce et un peu contrastée,
convenable au duo, pour en rendre le chant accentué
et l'harmonie agréable. La fureur, l'emportement,
marchent trop vite ; on ne distingue rien , on n'entend
qu'un aboiement confus , et le duo ne fait point d'effet.
D'ailleuis ce retour perpétuel d'iiijures, d'insultes,
conviendroit mieux à deB bouviers qu'à des héros, et
cela ressemble tout-à-fait aux fanfaronnades de gens
qui veulent se fiiire plus de peur que de mal. Bien
moins encore faut-il employer ces propos doucereux
d'appas, de chaînes, àe flammes , jargon plat et froid
que la passion no connut jamais, et dont la bonne
DUO 267
musique n'a pas plus besoin que la bonne poésie.
Ij'inslant d'une séparation, celui où l'un des deux
amants va à la mort ou dans les bras d'un autre , le
retour sincère d'un infidèle, le touchant combat d'une
mère et d'un fils voulant mourir l'un pour l'autre;
tous ces moments d'affliction où Fon'ne laisse pas de
verser des larmes délicieuses : voilà les vrais sujets
qu'il faut traiter en duo avec cette simplicité de pa-
roles qui convient au langage du cœur. Tous ceux qui
ont fréquenté les théâtres lyriques savent combien
ce seul mot addio peut exciter d'attendrissement et
d'émotion dans tout un spectacle. Mais sitôt qu'un
trait d'esprit ou un tour phrasé se laisse apercevoir,
à l'instant le charme est détruit , et il faut s'ennuyer
ou rire.
Voilà quelques unes des observations qui regardent
le poète. A l'égard du musicien, c'est à lui de trouver
un chant convenable au sujet, et distribué de telle
sorte que, chacun des interlocuteurs parlant à son
tour , toute la suite du dialogue ne forme qu'une mé-
lodie, qui , sans changer de sujet, ou du moins sans
altérer le mouvement , passe dans son progrès d'une
partie à l'autre, sans cesser d'être une et sans en-
jamber. Les <iwo qui font le plus d'effet sont ceux des
voix égales , parceque fliarmonie en est plus rappio-
chée ; et entre les voix égales celles qui font le plus
d'effet sont les dessus, parceque leur diapason plus
aigu se rend plus distinct, et que le son en est plus
touchant. Aussi les duo de cette espèce sont-ils les
seuls employés par les Italiens dans leurs tragédi-es :
et je ne doute pas que l'usage des castrati dans les
2G8 • DUO
rôles d'hommes ne soit dû en partie à cette observa-
tion. Mais quoiqu'il doive y avoir égalité entre les
voix , et unité dans la mélodie , ce n'est pas à dire que
les deux parties doivent être exactement semblables
dans leur tour de chant; car, outre la diversité des
styles qui leur convient, il est très rare que la situation
des deux acteurs soit si parfaitement la même qu'ils
doivent exprimer leurs sentiments de la même ma-
nière : ainsi le musicien doit varier leur accent, et
donner à chacun des deux le caractère qui peint le
mieux l'état de son ame, surtout dans le récit alter-
natif.
Quand on joint ensemble les deux parties ( ce qui
doit se faire rarement et durer peu ), il faut trouver
un chant susceptible d'une marche par tierces ou par
sixtes, dans lequel la seconde partie fasse son effet
sans distraire de la première. (Voyez Unité de mé-
lodie.) Il faut garder la dureté des dissonances, les
sons perçants et renforcés , \e fortissimo de l'orchestre
pour des instants de désordre et de transports où les
acteurs, semblant s'oublier eux-mêmes, portent leur
égarement dans l'ame de tout spectateur sensible, et
lui font éprouver le pouvoir de l'harmonie sobrement
ménagée : mais ces instants doivent être rares, courts ,
et amenés avec art. Il faut, par une musique douce et
affectueuse, avoir déjà disposé l'oreille et le cœur à
l'émotion, pour que l'une et l'autre se prêtent à ces
ébranlements violents , et il faut qu'ils passent avec la
rapidité qui convient à notre Toiblesse : car quand
l'agitation est trop forte , elle ne peut durer, et tout ce
qui est au-delà de la nature ne touche plus.
DUO 269
Comme je ne me flatte pas d avoir pu me faire en-
tendre partout assez clairement dans cet article, je
crois devoir y joindre un exemple sur lequel le lecteur
comparant mes idées pourra les concevoir plus aisé-
ment : il est tiré de lOlympiade de M. Metastasio : les
curieux feront bien de chercher dans la musique du
mêuie opéra, par Pergolèse, comment ce premier mu-
sicien de son temps et du nôtre a traité ce duo dont
voici le sujet.
Mégaclès s'etant engagé à combattre pour son ami
dans des jeux où le prix du vainqueur doit être la belle
Aristée, retrouve dans cette même Aristée la maî-
tresse qu'il adore. Charmée du combat qu'il va sou-
tenir Qt qu'elle attribue à son amour pour elle, Aristée
lui dit à ce sujet les choses les plus tendres , auxquelles
il répond non moins tendrement, mais avec le déses-
poir secret de ne pouvoir retirer sa parole, ni se dis-
penser de faire, aux dépens de tout son bonheur,
celui d'un ami auquel il doit la vie. Aristée, alarmée
de la douleur qu'elle lit dans ses yeux , et que confir-
ment ses discours équivoques et interrompus , lui té-
moigne son inquiétude; et Mégaclès, ne pouvant plus
supporter à-la-fois son désespoir et le trouble de sa
maîtresse, part sans s'expliquer, et la laisse en proie
aux plus vives craintes. C'est dans cette situation
qu'ils chantent le duo suivant :
MÉGACLÈS. ■
Mia vita addio.
]Jj[e' giorni tuoi felici.
Ricordati di me.
270 DUO
ARISTÉE.
Perché cosi mi dici ,
Anima mia, peiçhè ?
M EGA CLÉS.
Taci, beir idol mio.
ARISTÉE.
Parla , mio doloe amor
ENSEMBLE.
iMÉGACLÈs. Ah ! che
AiîiSTÉE. Ah ! che
parîando, ) , ^.
^ ' } oh Dio !
tacenclo, j
Tu mi traffigi il cor ! •
ARISTÉE , à part.
Veggio languir chi adoro ,
Ne intendo il suo languir!
MÉGACLÈS, à part.
Di gelosia mi moro,
E non lo posso dir !
ENSEMBLE.
Chi mai provo di questo
Affanno più fûnesto ,
Più barbaro dolor ?
Bien que tout ce dialogue semble n'être qu'une suite
de la scène, ce qui le rassemble en un seul duo, c'est
Tunité de dessein par laquelle le musicien en réunit
toutes les parties, selon l'intention du poète.
A l'égard des duo bouffons qu'on emploie dans les
intermèdes et autres opéra-comiques, ils ne sont pas
communément à voix égales, mais entre basse et
dessus. S'ils n'ont pas le pathétique des duo tragi-
ques, en revanche ils sont susceptibles d'une variété
plus piquante , d'accents plus différents et de carac-
tères plus marqués. Toute la gentillesse de la coquet-
DUR 271
terie , toute la charge des rôles à manteaux , tout le
contraste des sottises de notre sexe et dç la ruse de
Taiitre, enfin toutes les idées accessoires dont le
sujet est susceptible ; ces choses peuvent concourir
toutes à jeter de ragrément et de l'intérêt dans ces
duo, dont les régies sont d'ailleurs les mêmes que des
précédents en ce qui regarde le dialogue et Funité de
mélodie. Pour trouver un duo comique parfait à mon
gré dans toutes ses parties, je ne quitterai point Fau-
teur immortel qui ma fourni les deux autres exem-
ples j mais je citerai le premier duo de la Serva Pa-
drona; Lo conosco a quegf occhietti, etc. , et je le citerai
hardiment comme un modèle de chant apréable ,
d'unité de mélodie, dliarmonie simple, brillante et
pure, d'accent, de dialogue et de goût, auquel rien
ne peut manquer, quand il sera bien rendu , que des
auditeurs qui sachent l'entendre et l'estimer ce qu'il
vaut.
Duplication, s.f. Terme de plain-chant. L'intona-
tion par duplication se fait par une sorte de périélèse,
en doublant la pénultième note du mot qui termine
l'intonation : ce qui n'a lieu que lorsque cette pénul-
tième note est mimédiatement au-dessous de la der-
nière. Alors la duplication sert à la marquer davantage ^
en manière de note sensible.
Dur , adj. On appelle ainsi tout ce qui blesse Foreille
par son âpreté. Il y a des voix dures et glapissantes^,
des instruments aigres et durs, des compositions dures.
La dureté du bécarre lui fît donner autrefois le nom
de B dur. Il y a des intervalles durs dans la mélodie ;
tel est le progrès diatonique des trois tons, soit en
272 ÉCH
montant, soit en descendant, et telles sont en g^énéral
toutes les fausses relations. Il y a dans Fhai nionie des
accords cha^s ; tels que sont le triton, la quinte su-
perflue, et en général toutes les dissonances majeures.
La dureté prodiguée révolte l'oreille et rend une mu-
sique désagréable; mais, ménagée avec art, elle sert
au clair-obscur, et ajoute à l'expression,
E, . - ■
E si mi, E la mi, ou simplement E. Troisième son
delà gamme de FArétin, que Ton appelle autrement
mi. ( Voyez Gamme. )
EcBOLÉ, ou élévation. G'étoit , dans les plus an-
ciennes musiques grecques, une altération du genre
enharmonique, lorsqu'une corde étoit accidentelle-
ment élevée de cinq dièses au-dessus de son accord
ordinaire.
Échelle, s. f. C'est le nom qu'on a donné à la suc-
cession diatonique des sept notes, utre mi fa sol la si
delà gamme notée, parceque ces notes se trouvent
rangées en manière d'échelons sur les portées de notre
musique.
Cette énumération de tous les sons diatoniques de
notre système, rangés par ordre, que nous appelons
échelle, les Grecs, dans le leur, l'appeloient tétracorde,
parcequ'en effet leur échelle n étoit composée que de
quatre sons qu'ils répétoient de tétracorde en tétra-
corde , comme nous faisons d'octave en octave. ( Voyez
Tétracorde. )
Saint Grégoire fut, dit-on, le premier qui changea
les tétracordes des anciens en uneptacorde ou système
ÉCIÏ 273
de sept notes, au bout desquelles commençant une
autre octave, on trouve des sons semblables répétés
dans le même ordre. Cette découverte est très belle;
et il semblera singulier que les Grecs, qui voyoient
fort bien les propriétés de Toctave, aient cru, malgré
cela, devoir rester attachés à leurs tétraconles. Gré-
goire exprima ces sept notes avec les sept premières
lettres de Talphabet latin. Gui Arétin donna des noms
aux six premières; mais il négligea d'en donner un à
la septième, qu'en France on a depuis appelée si, et
qui n'a point encore d'autre nom que B mi chez la
plupart des peuples de l'Europe.
Il ne faut pas croire que les rapports des tons et
semi-tons dont \ échelle est composée soient des choses
purement arbitraires, et qu'on eût pu par d'autres
divisions tout aussi bonnes donner aux sons de cette
échelle un ordre et des rapports différents. Notre
système diatonique est le meilleur à certains égards ,
parcequ'il est engendré par les consonnances et par
les différences qui sont entre elles. « Que l'on ait en-
« tendu plusieurs fois, dit M. Sauveur, l'accord de la
« quinte et celui de la quarte, on est porté naturelle-
« ment à imaginer la différence qui est entre eux; elle
« s'unit et se lie avec eux dans notre esprit, et parti-
« cipe à leur agrément: voilà le ton majeur. Il en va
« de même du ton mineur, qui est la différence de la
ft tierce mineure à la quarte; et du semi-ton majeur,
«< qui est celle de la même quarte à la tierce majeure. »
Or, le ton majeur, le ton mineur, et le semi-ton ma-
jeur; voilà les degrés diatoniques dont noire échelle
est composée selon les rapports suivants.
XIV. 18
,274 ÉCH
sZ M b ^ î^
3 ^ Cl . ^ =* Se
s s -s-h s s s -i-i,
H H H H H
ut re mi yà 50/ /a si ut.
Pour faire la preuve de ce calcul , il faut composer
tous les rapports compris entre deux termes conson-
nants , et 1 on trouvera que leur produit donne exac-
tement le rapport de la consonnance ; et si Ton réunit
tous les termes de Yéchelle, on trouvera le rapport
total en raison sous-double, c'est-à-dire comme i est
à 2 ; ce qui est en effet le rapport exact des deux termes
extrêmes , c'est-à-dire de Yut à son octave.
Uéchelle qu'on vient de voir est celle qu'on nomme
naturelle ou diatonique ; mais les modernes, divisant
ses degrés en d'autres intervalles plus petits, en ont
tiré une autre échelle , qu'ils ont appelée échelle semi-
tonique ou chromatique, parcequ'elle procède par
semi-tons.
Pour former cette échelle on n'a fait que partager
en deux intervalles égaux, ou supposés tels, chacun
des cinq tons entiers de l'octave, sans distinguer le
ton majeur du ton mineur; ce qui, avec les deux semi-
tons majeurs qui s'y trouvoient déjà, fait une succes-
sion de douze semi-tons sur treize sons consécutifs
d'une octave à l'autre. ^
L'usage de cette échelle est de donner les moyens de
moduler sur telle note qu'on veut choisir pour fonda-
mentale, et de pouvoir, non seulement faire sur cette
ÉCH 275
note un intervalle quelconque, mais y établir une
échelle diatonique semblable à Véchelle diatonique de
\ut. Tant qu'on s'est contenté d'avoir pour tonique
une note de la gamme prise à volonté, sans s'embar-
rasser si les sons par lesquels devoit pa -ser la modu-
lation étoient avec cette note et entre eux dans les
rapports convenables , Véchelle semi-tonique étoit peu
nécessaire; quelquey« dièse, quelque 5i bémol, com-
posoient ce qu'on appeloit les feintes de la musique :
c'étoient seulement deux touches à ajouter au clavier
diatonique. Mais , depuis qu'on a cru sentir la nécessité
d'établir entre les divers tons une similitude parfaite,
il a fallu trouver des moyens de transporter les mêmes
chants et les mêmes intervalles plus haut ou plus bas,
selon le ton que l'on choisissoit. Il échelle chromatique
est donc devenue d'une nécessité indispensable; et
c'est par son moyen qu'on porte un chant sur tel degré
du clavier que l'on veut choisir, et qu'on le rend exac-
tement sur cette nouvelle position, tel qu'il peut avoir
été imaginé pour un autre.
Ces cinq sons ajoutés ne forment pas dans la musi-
que de nouveaux degrés , mais ils se marquent tous*" sur
le degré le plus voisin par un bémol, si le degré est
plus haut; par une dièse, s'il est plus bas : et la note
prend toujours le nom du degré sur lequel elle est
placée. (Voyez Bémol et Dièse. )
Pour assigner maintenant les rapports de ces nou-
veaux intervalles , il faut savoir que les deux parties ,
ou semi-tons qui composent le ton majeur, sont dans
les rapports de i5 à 16 et de 128 à i35, et que les
deux qui composent aussi le ton mineur sont dans les
18.
2']6 ÉCIÎ
rapports de i5 à i6, et de 24 à 25 : de sorte qu'eA
divisant toute Toctave selon \ échelle semi-tonique, on
en a tous les termes dans les rapports exprimés dans
la Planche Yi, figure i.
Mais il faut remarquer que cette division , tirée de
M. Malcolm, paroît à bien des égards manquer de
justesse. Premièrement, les semi-tons, qui doivent
être mineurs, y sont majeurs, et celui du sol dièse au
/a, qui doit être majeur, y est mineur. En second
lieu, plusieurs tierces majeures, comme celle du la à
\ut dièse et du mi au sol dièse, y sont trop fortes d'un
comma; ce qui doit les rendre insupportables: enfin
le semi-ton moyen y étant substitué au semi-ton
maxime, donne des intervalles faux partout où il est
employé. Sur quoi Ton ne doit pas oublier que ce
semi-ton moyen est plus grand que le majeur même,
c'est-à-dire moyen entre le maxime et le majeur.
(Voyez Semi-ton.)
Une division meilleure et plus naturelle seroit donc
de partager le ton majeur en deux semi-tons, l'un mi-
neur de 24 à 25, et l'autre maxime de 25 à 27, lais-
santMe ton mineur divisé en deux semi-tons, l'un
majeur et l'autre mineur, comme dans la table ci-
dessus.
Il y a encore deux autres échelles semi-toniques,
qui viennent de deux autres manières de diviser l'oc-
tave par semi-tons.
La première se fait en prenant une moyenne har-
monique ou arithmétique entre les deux termes du
ton majeur, et une autre entre ceux du ton mineur,
qui divise Tun et l'autre ton en deux semi-tons près-
ÉCH 277
que égaux : ainsi le ton majeur f est divisé en ~ et ^
aiitlimétiquement, les nombres représentant les lon-
gueurs (les cordes ; mais quand ils représentent les vi-
brations, les longueurs des coidcs sont réciproques et
en proportion harmonique comme i --y |; ce qui met le
plus grand semi-ton au grave.
De la même manière le ton mineur yz se divise
arithmétiquement en deux semi-tons ~ et 77» ou réci-
proquement I TT :ït • ïn<iis cette dernière division
n est pas harmonique.
Toute Toctave ainsi calculée donne les rapports
exprimés dans la Flanche h, figure 1.
M. Salmon rapporte, dans les Transactions -philoso-
phiqiies^ qu'il a fait devant la Société royale une expé-
rience de cette échelle sur des cordes divisées exacte-
ment selon ces proportions , et qu'elles furent parfaite-
ment d'accord avec d'autres instruments touchés par
les meilleures mains. M. Malcolm ajoute qu'ayant cal-
culé et comparé ces rapports , il en trouva un plus
grand nombre de faux dans cette échelle que dans la
précédente; mais que les erreurs étoient considéra-
blement moindres; ce qui fait compensation.
Enfin l'autre échelle semi-tonique est celle des aris-
toxéniens, dont le P. Mersenne a traité fort au long,
et que M. Rameau a tenté de renouveler dans ces der-
niers temps. Elle consiste à diviser géométriquement
l'octave par onze moyennes proportionnelles en douze
semi-tons parfaitement égaux. Comme les rapports
n'en sont pas rationnels, je ne donnerai point ici ces
rapports, qu'on ne peut exprimer que par la formule
même , ou par les logarithme^ des termes de la pro-
278 ÉCH
gression entre les extrêmes i et 2. (Voyez Tempé-
rament.)
Comme au genre diatonique et au chromatique les
harmonistes en ajoutent un troisième, savoir l'enhar-
monique, ce troisième genre doit avoir aussi son
échelle^ du moins par supposition; car, quoique les
intervalles vraiment enharmoniques n'existent point
dans notre clavier, il est certain que tout passage en-
harmonique les suppose, et que l'esprit, corrigeant
sur ce point la sensation de l'oreille, ne passe alors
d'une idée à l'autre qu'à la faveur de cet intervalle
sous-entendu. Si chaque ton étoit exactement com-
posé de deux semi'tons mineurs , tout intervalle enhar-
monique seroit nul, et ce genre n'existeroit pas; mais
comme un ton naineur même contient plus de deux
semi-tons mineurs, le complément de la somme de
ces deux semi-tons au ton , c'est-à-dire l'espace qui
reste entre le dièse de la note inférieure et le hémol
de la supérieure, est précisément l'intervalle enhar-
monique, appelé communément quart-de-ton. Ce
quart-de-ton est de deux espèces; savoir, l'enharmo-
nique majeur et l'enharmonique mineur, dont on
trouvera les rapports au mot Quart-de-ton.
Cette explication doit suffire à tout lecteur, pour
concevoir aisément Yéchelle enharmonique que j'ai
calculée et insérée dans la Planche 1j ^fig. 3. Ceux qui
chercheront de plus grands éclaircissements sur ce
point pourront lire le mot Enharmonique.
Écho, s. m. Son renvoyé ou réfléchi par un corps
solide, et qui par là se répète et se renouvelle à Fo-
reille. Ce mot vient du grec ^x^ç j son.
ÉCH 279
On appelle aussi écho le lieu où la répétition se fait
entendre.
On distin(5ue les échos pris en ce sens en deux es-
pèces ; savoir :
1° 'L'écho simple qui ne répète la voix qu'une fois,
et 2" Vécho double ou multiple qui répète les mêmes
sons deux ou plusieurs fois.
Dans les échos simples, il y en a de toniques, c'est-
à-dire qui ne répètent que le son musical et soutenu;
et d'autres syllabiques, qui répètent aussi la voix par-
lante.
On peut tirer parti des échos multiples pour for-
mer des accords et de l'harmonie avec une seule voix,
en faisant entre la voix et Yécho une espèce de canon
dont la mesure doit être réglée sur le temps qui s'é-
coule entre les sons prononcés et les mêmes sons ré-
pétés. Cette manière de faire un concert à soi tout seul
devroit, si le chanteur étoit habile et Vécho vigoureux,
paroître étonnante et presque magique aux auditeurs
non prévenus.
Le nom d'écho se transporte en musique à ces
sortes d'airs ou de pièces dans lesquelles, à l'imitation
de Vécho , l'on répète de temps en temps et fort doux
un certain nombre de notes. C'est sur l'orgue qu'on
emploie le plus communément cettemanière déjouer,
à cause de la facilité qu'on a de faire des échos sur le
positif; on peut faire aussi des échos sur le clavecin au
moyen du petit clavier.
li'abbé Brossard dit qu'on se sert quelquefois du
mot écho en la place de celui de doux ou piano ^ pour
marquer qu'il faut adoucir la voix ou le son de lin-
28o EFF
strument, comme pour faire un écho. Cet usage ne
subsiste plus.
Éghomètre , s. m. Espèce d'échelle graduée , ou de
régie divisée en plusieurs parties , dont on se sert pour
mesurer la durée ou longueur des sons , pour déter-
miner leurs valeurs diverses, et même les rapports de
leurs intervalles.
Ce mot vient du grec ^^o? , son , et de p^s-rpov , mesure.
Je n'entreprendrai pas la description de cette ma-
chine, parcequ'on n'en fera jamais aucun usage, et
qu'il n'y a de bon échomètre qu'une oreille sensible et
une longue habitude de la musique. Ceux qui vou-
dront en savoir là-dessus davantage peuvent consul-
ter le Mémoire de M. Sauveur, inséré dans ceux de
l'académie des sciences, année 1701 : ils y trouve-
ront deux échelles de cette espèce, l'une de M. Sau-
veur, et l'autrç de M. Loulié. (Voyez aussi l'article
Chronomètre.)
ÉcLYSE, s.f. Abaissement. C'étoit, dans les plus an-
ciennes musiques grecques, une altération dans le
genre enharmonique, lorsqu'une corde étoit acciden-
tellement abaissée de trois dièses au-dessous de son
accord ordinaire. Ainsi Yéclyse étoit le contraire du
spondéasnie .
EcMÈLE, adj. Les sons ecmèles étoient, chez les
Grecs , ceux de la voix inappréciable ou parlante, qui
ne peut fournir de mélodie, par opposition aux sons
emmêles ou musicaux.
Effet, s. m. Impression agréable et forte que pro-
duit une excellente musique sur l'oreille et l'esprit des
écoutants : ainsi le seul mot effet signifie en musique
EGA 281
un grand et bel effet: et non seulement on (lira d'un
ouvrage qu'il lait de i'ejfit, inais on y distinguera sous
le Dom de ciioses d\;jj-el^ toutes celles où la sensation
produite paroît supérieure aux moyens employés pour
l'exciter.
Une longue pratique peut apprendre à connoître
sur le papier les choses à' effet; mais il n'y a que le
génie qui les trouve. C'est le défaut des mauvais com-
positeurs et de tons les commençants d'entasser par-
ties sur par des, instruments sur instruments, pour
trouver Veffet qui les fuit, et d'ouvrir, comme disoit
un ancien, une grande bouche pour souffler dans
une petite flûte. Vous diriez, à voir leurs parti-
tions si chargées, si hérissées, qu'ils vont vous sur-
prendre par des effets prodigieux ; et si vous êtes
surpris en écoutant tout cela , c'est d'entendre une
petite musique maigre, chétive, confuse, sans effet^
et plus propre à étourdir les oreilles qu'à les remplir.
Au contraire , l'œil cherche sur les partitions des^
grands maîtres ces effets sublimes et ravissants que
produit leur musique exécutée. C'est que les menus
détails sont ignorés ou dédaignés du vrai génie, qu'il
ne vous amuse point par des foules d objets petits et
puérils, mais qu'il vous émeut par de grands effets^
et que la force et la simplicité réunies forment toujours
son caractère.
Égal, adj. Nom donné par les Grecs au système
d'Aristoxène, parceque cet auteur divisoit générale-
ment chacun de ses tétracordes en trente parties éga-
les, dont il assignoit ensuite un certain nombre à cha-
cune des trois divisions du tétracorde, selon le genre
.S-2 EN H
et l'espèce du genre qu'il vouloit établir. ( Voyez
Genre , Système. )
Élégie, sorte de nome pour les flûtes, inventé,
dit-on, par Sacadas, Argien.
Élévation, s.f. Arsis. U élévation de la main ou du
pied, en battant la mesure, sert à marquer le temps
loible , et s'appelle proprement levé: c'étoitle contraire
chez les anciens. V élévation de la voix en chantant,
c'est le mouvement par lequel on la porte à l'aigu.
Éline. Nom donné par les Grecs à la chanson des
tisserands. (Voyez Chanson. )
Emmêle , adj. Les sons emmêles étoient chez les
Grecs ceux de la voix distincte, chantante et appré-
ciable, qui peuvent donner une mélodie.
Endematie, 5./. C'étoit l'air d'une sorte de danse
particulière aux Argiens.
Enharmonique , adj. pris subst. Un des trois genres
de la musique des Grecs , appelé aussi très fréquem-
ment harmonie par Aristoxène et ses sectateurs.
Ce genre résultoit d'une division particulière du
létracorde, selon laquelle l'intervalle qui se trouve
entre le liclianos ou la troisième corde, et la mèse ou
la quatrième, étant d'un diton ou d'une tierce ma-
jeure, il ne restoit , pour achever le tétracorde au grave,
qu'un semi-ton à partager en deux intervalles, savoir,
de l'hypate à la parhypate, et de la parhypate au li-
chanos. Nous expliquerons au mot genre comment se
iaisoit cette division.
Le genre enharmonique étoit le plus doux des trois ,
au rapport d'Aristide Quintilien : il passoit pour très
ancien , et la plupart des auteurs en attribuoient Tin-
ENH 283
vention à Olympe, Phrygien. Mais son tétracorde, ou
plutôt son diatessaron de ce genre, ne contenoit que
trois cordes, qui formoient entre elles deux intervalles
incomposés : le premier d'un semi-ton , et l'autre
d'une tierce majeure ; et de ces deux seuls intervalles ,
répétés de tétracorde en tétracorde, résultoit alors
tout le genre enharmonique. Ce ne fut qu'après Olympe
qu'on s'avisa d'insérer, à l'imitation des autres gen-
res, une quatrième corde entre les deux premières,
pour faire la division dont je viens de parler. On en
trouvera les rapports selon les systèmes de Ptolémée
et d'Aristoxène ( PL M. ^figure 5. )
Ce genre si merveilleux, si admiré des anciens, et,
selon quelques uns , le premier trouvé des trois , ne
demeura pas long-temps en vigueur : son extrême dif-
ficulté le fit bientôt abandonner à mesure que l'art
gagnoit des combinaisons en perdant de l'énergie, et
qu'on suppléoit à la finesse de l'oreille par l'agilité des
doigts. Aussi Plutarque reprend-il vivement les musi-
ciens de son temps d'avoir perdu le plus beau des
trois genres , et d'oser dire que les intervalles n'en
sont pas sensibles ; comme si tout ce qui échappe à
leurs sens grossiers, ajoute ce philosophe, devoit être
hors de la nature.
Nous avons aujourd'hui une sorte de genre enhar-
monique entièrement différent de celui des Grecs : il
consiste, comme les deux autres, dans une progrès-*
f ion particulière de l'harmonie , qui engendre dans la
marche des parties des intervalles enharmoniques , en
employant à-la-fois ou successivement entre deux
notes qui sont à un ton l'une de l'autre le bémol do •
284 EN H
supérieure et le dièse de J'inférieure. Mais quoique,
selon la rigueur des rapports , ce dièse et ce bémol
dussent former un intervalle entre eux ( voyez Échelle
et QuARr-DE-TON),cetintervalle se trouve nul au moyen
du tempérament, qui, dans le système établi, fait ser-
vir le même son à deux usages ; ce qui n'empêche pas
qu'un tel passage ne produise, par la force de la mo-
dulation et de Tharmonie, une partie de l'effet qu'on
cherche dans les transitions enharmoniques.
Comme ce genre est assez peu connu , et que nos
auteurs se sont contentés d'en donner quelques no-
tions trop succinctes, je crois devoir l'expliquer ici un
peu plus au long.
Il faut remarquer d'abord que l'accord de septième
diminuée est le seul sur lequel on puisse pratiquer des
passages vraiment enharmoniques ^ et cela en vertu de
cette propriété singulière qu'il a de diviser l'octave
entière en quatre intervalles égaux. Qu'on prenne
dans les quatre sons qui composent cet accord celui
qu'on voudra pour fondamental , on trouvera toujours
également que les trois autres sons forment sur ce-
lui-ci un accord de septième diminuée. Or le son fon-
damental de l'accord de septième diminuée est tou-
jours une note sensible, de sorte que, sans rien chan-
ger à cet accord, on peut, par une manière de double
ou de quadruple emploi, le faire servir successivement
sur quatre différentes fondamentales , c'est-à-dire sur
quatre difféi*entes notes sensibles.
Il suit de là que ce même accord , sans rien chan-
ger ni à l'accompagnement ni à la basse , peut porter
quatre noms différents , et par conséquent se cliif-
eNh 2,85
fi^èrde (Quatre différentes manières; savoir, d\in 7 b
sous le nom de septième diminuée ; d'un ^ ^ sous
X 4
le nom de sixte majeure et fausse-quinte; d'un ^
sous le nom de tierce mineure et triton ; et enfin d'un
X 2 sous le nom de seconde superflue. Bien en*
tendu que la clef doit être censée armée différem-
ment, selon les tons où Ton est supposé être.
Voilà donc quatre manières de sortir d'un accord
de septième diminuée , en se supposant successive-
ment dans quatre accords différents ; car la marche
fondamentale et naturelle du son qui porte un accord
de septième diminuée, est de se résoudre sur la toni-
que du mode mineur ^ dont il est la note sensible*
Imaginons maintenant Taccord de septième dimi-
nuée sur ut dièse note sensible, si je prends la tierce
mi pour fondamentale, elle deviendra note^sensible à
son tour, et annoncera par conséquent le mode mi-
neur de fa ; or cet ut dièse reste bien dans l'accord de
mi note sensible , mais c'est en qualité de re bémol ,
c'est-à-dire de sixième note du ton , et de septième di-
minuée de la note sensible : ainsi cet ut dièse qui ,
comme note sensible, étoit obligé de monter dans le
ton de fe^ devenu re bémol dans le ton dejh, est obligé
de descendre comme septième diminuée : voilà une
transition enharmonique. Si au lieu de la tierce, on
prend, dans le même accord à' ut dièse, la fausse
quinte sol pour nouvelle note sensible, Vut dièse de-
viendra encore re bémol, en qualité de quatrième
note: autre passage en/i^rmo/ii^we. Enfin, si l'on prend
pour note sensible la septième diminuée elle-même ,
286 ENI-I
au lieu de si bémol , il faudra nécessairement la consi-
dérer comme la dièse ; ce qui fait un troisième passage
enharmonique sur le même accord.
A la faveur de ces quatre différentes manières d'en-
visager successivement le même accord, on passe
d'un ton à un autre qui en paroît fort éloigné ; on
donne aux parties des progrès différents de celui
qu'elles auroient dû avoir en premier lieu, et ces pas-
sages ménagés à propos sont capables , non seulement
de surprendre, mais de ravir l'auditeur, quand ils
sont bien rendus.
Une autre source de variété dans le même genre se
tire des différentes manières dont on peut résoudre
l'accord qui l'annonce; car, quoique la modulation la
plus naturelle soit de passer de l'accord de septième
diminuée sur la note sensible à celui de la tonique en
mode mineur, on peut, en substituant la tierce ma-
jeure à la mineure , rendre le mode majeur, et même
y ajouter la septième pour cbanger cette tonique en
dominante, et passer ainsi dans un autre ton. A la fa-
veur de ces diverses combinaisons réunies , on peut
sortir de l'accord en douze manières; mais de ces
douze, il n'y en a que neuf qui, donnant la conver-
sion du dièse en bémol ou réciproquement, soient vé-
ritablement enharmoniques^ parceque dans les trois
autres on ne change point de note sensible; encore
dans ces neuf diverses modulations n'y a-t-il que trois
diverses notes sensibles, chacune desquelles se résout
par trois passages différents ; de sorte qu'à bien pren-
dre la chose, on ne trouve sur chaque note sensible
que trois vrais passages enharmoniques possibles , tous
EN H 287
les autres n'étant point réellement enharmoniques , ou
se rapportant à (juelqu'un des trois premiers. (Voyez
PL h, figure 4, un exemple de tous ces passajjes. )
A Timitation des modulations du genre diatonique ^
on a plusieurs fois essayé de faire des morceaux en-
tiers dans le genre enharmonique^ et , pour donner une
sorte de régie aux marches fondamentales de ce genre,
on Ta divisé en diatonique-enharmonique ^ qui procède
par une succession de semi-tons majeurs, et en chro-
matique-enharmonique, qui procède par une succession
de semi-tons mineurs.
Le chant de la première espèce est diatonique,
parceque les semi-tons y sont majeurs ; et il est enhar-
monique ^ p^rceque deux semi-tons majeurs de suite
forment un ton trop fort d'un intervalle enharmonique.
Pour former cette espèce de chant, il faut faire une
basse qui descende de quarte et monte de tierce ma-
jeure alternativement. Une partie du trio des Parques
de Fopéra à' Hippofyte est dans ce genre ; mais il n'a
jamais pu être exécuté à TOpéra de Paris, quoique
M. Rameau assure qu'il Favoit été ailleurs par des mu-
siciens de bonne volonté, et que l'effet en fut sur-
prenant.
Le chant de la seconde espèce est chromatique ,
parcequ'il procède par semi-tons mineurs ; il est en^
harmonique , parceque les deux semi-tons mineurs
consécutifs forment un ton trop foible d'un intervalle
enharmonique. Pour former cette espèce de chant , il
faut faire une basse-fondamentale qui descende de
tierce mineure et monte de tierce majeure alternative-
ment. M. Rameau nous apprend qu'il avoit fait dans
288 ENH
ce genre de musique un tremblement de terre dans
Topera des Inder, galantes; mais qu'il fut si mal servi
qu'il lut obligé de le changer en une musique com-
mune. ( Voyez les Eléments de Musique de M. d'Alem-
bert , pages 91 , 92 , 98 , et 166.)
Malgié les exemples cités et Fautorité de M. Ra-
meau, je crois devoir avertir les jeunes artistes que
\ enliarnionùj ue-diatoniciue et ï enhannoniq ue-cliromati^
que me paroissenl tous deux à rejeter comme genres;
et je ne puis croire qu une musique modulée de cette
manière, même avec la plus parfaite exécution , puisse
jamais rien valoir. Mes raisons sont que les passages
brusques d une idée à une autre idée extrêmement
éloignée y sont si fréquents , qu'il n'est pas possible à
l'esprit de suivre ces transitions avec autant de rapi-
dité que la musique les présente ; que l'oreille n'a pas
Je temps d'apercevoir le rapport très secret et très
composé des modulations, ni de sous-entendre les in-
tervalles supposés; qu'on ne trouve plus dans de pa-
reilles successions ombre de ton ni de mode ; qu'il est
également impossible de retenir celui d'où l'on sort,
ni de prévoir celui où l'on va; et qu'au milieu de tout
cela l'on ne sait plus du tout où l'on est, \J enharmoni-
que n'est qu'un passage inattendu dont l'étonnante
impression se fait fortement et dure long-temps; pas-
sage que par conséquent on ne doit pas trop brusque-
ment ni trop souvent répéter , de peur que 1 idée de la
modulation ne se trouble et ne se perde entièrement ;
car sitôt qu'on n'entend que des accords isolés qui
n'ont plus de rapport sensible et de fondement com-
mun , l'harmonie n'a plus aussi d'union ni de suite
ENH 289
apparente, et l'effet qui en résulte n'est qu'un vain
bruit sans liaison et sans agrément. Si M. Rameau,
moins occupé de calculs inutiles, eût mieux étudié la
métaphysique de son art, il est à croire que le feu na-
turel de ce savant artiste eût produit des prodiges,
dont le germe étoit dans son génie , mais que ses pré-
jugés ont toujours étouffé.
Je ne crois pas même que les simples transitions
enharmoniques puissent jamais bien réussir ni dans les
chœurs ni dans les airs, parceque chacun de ces mor-
ceaux forme un tout où doit régner l'unité, et dont
les parties doivent avoir entre elles une liaison plus
sensible que ce genre ne peut la marquer.
Quel est donc le vrai lieu de V enharmonique? c'est,
selon moi, le récitatif obligé. C'est dans une scène su-
blime et pathétique où la voix doit multiplier et varier
les inflexions musicales à Timitation de Faccent gram-
matical, oratoire, et souvent inappréciable; c'est, dis-
je, dans une telle scène que les transitions enharmo-
niques sont bien placées, quand on sait les ména^tj^er
pour les grandes expressions, et les affermir, pour
ainsi dire , par des traits de symphonie qui suspendent
la parole et renforcent l'expression. Les Italiens, qui
font un usage admirable de ce genre, ne l'emploient
que de cette manière. On peut voir dans le premier
récitatif de \ Orphée de Pergolèse un exemple frappant
«t simple des effets que ce grand musicien sut tirer de
Y enharmonique ^ et comment, loin de faire une modu-
lation dure, ces transitions, devenues naturelles et
faciles à entonner, aonnent une douceur énergique à
toute la déclamation,
>:tv If)
290 ENS
J'ai déjà dit que notre genre enharmoniqiœ est en^
tièrement différent de celui des anciens; j'ajouterai
que, quoique nous n'ayons point comme eux d'in-
tervalles enharmoniques à entonner, cela n'empêche
pas que Xenharmonique moderne ne soit d'une exécu-
tion plus difficile que le leur. Chez les Grecs les inter-
valles enharmoniques , purement mélodieux , ne de-
mandoient ni dans le chanteur ni dans l'écoutant au-
cun changement d'idées, mais seulement une grande
délicatesse d'organe; au lieu qu'à cette même délica-
tesse il faut joindre encore, dans notre musique, une
connoissance exacte et un sentiment exquis des mé-
tamorphoses harmoniques les plus brusques et les
moins naturelles : car si l'on n'entend pas la phrase,
on ne sauroit donner aux mots le ton qui leur con-
vient, ni chanter juste dans un système harmonieux,
si l'on ne sent l'harmonie.
Ensemble, adv. souvent pris substantivement. Je ne
m'arrêterai pas à l'explication de ce mot pris pour le
rapport convenable de toutes les parties d'un ouvrage
entre elles et avec le tout, parccque c'est un sens
qu'on lui donne rarement en musique. Ce n'est guère
qu'à l'exécution que ce terme s'applique , lorsque les
concertants sont si parfaitement d'accord, soit pour
l'intonation , soit pour la mesure , qu'ils semblent
être tous animés d'un même esprit, et que l'exécution
rend fidèlement à l'oreille tout ce que l'œil voit sur la
partition.
h'ensemble ne dépend pas seulement de l'habileté
avec laquelle chacun lit sa partie, mais de l'intelli-
gence avec laquelle il en sent le caractère particulier
ENS 29r
et la liaison avec le tout; soit pour phraser avec exac-
titude , soit pour suivre la précision des mouvements,
soit pour saisir le moment et les nuances des^ôr^ et
des doux, soit enfin pour ajouter aux ornements mar-
qués ceux qui sont si nécessairement supposés par
Tauteur, qu il n'est permis à personne de les omettre.
Les musiciens ont beau être haiiiles, il n'y a d'en-
semble qu'autant qu'ils ont l'intelligence de la musique
qu'ils exécutent, et qu'ils s'entendent entre eux: car
il seroit impossible de mettre un parfait ensemble dans
un concert de sourds, ni dans une musique dont le
style seroit parfaitement étranger à ceux qui l'exécu-
tent. Ce sont surtout les maîtres de musique, conduc-
teurs et chefs d'orchestre , qui doivent guider , ou re-
tenir, ou presser les musiciens pour mettre partout
Yensemble; et c'est ce que fait toujours un bon premier
violon par une certaine charge d'exécution qui en im-
prime fortement le caractère dans toutes les oreilles.
La voix récitante est assujettie à la basse et à la me-
sure ; le premier violon doit écouter et suivre la voix;
la symphonie doit écouter et suivre le premier violon :
enfin le clavecin, qu'on suppose tenu par le com-
positeur , doit être le véritable et premier guide de
tout.
En général, plus le style , les périodes , les phrases ,
la mélodie et l'harmonie ont de caractère, plus Yen-
semble est facile à saisir, parceque la même idée im-
primée vivement dans tous les esprits préside à toute
l'exécution. Au contraire, quand la musique ne dit
rien , et qu'on n'y sent qu'une suite de notes sans liai-
son, il n'y a point de tout auquel chacun rapporte sa
'9-
2i)2 ENT
partie , et Texécution va toujours mal. Voilà pourquoi
la musique Françoise n'est jamais ensemble.
Entonner, v. a. C'est, dans l'exécution d'un chant,
former avec justesse les sons et les intervalles qui sont
marqués ; ce qui ne peut guère se faire qu'à l'aide
d'une idée commune à laquelle doK'ent se rapporter
ces sons et ces intervalles ; savoir, celle du ton et du
mode où ils sont employés ; d'où vient peut-être le
mot entonner: on peut aussi l'attribuer à la marche
diatonique ; marche qui paroît la plus commode et la
plus naturelle à la voix. Il y a plus de difficulté à en-
tonner des intervalles plus grands ou plus petits, par-
cequ'alors la glotte se modifie par des rapports trop
grands dans le premier cas , ou trop composés dans le
second.
Entonner est encore commencer le chant d'une
hymne, d'un psaume, d'une antienne, pour donner
le ton à tout le chœur. Dans l'Eglise catholique, c'est
par exemple, l'officiant qui entonne le Te Deuni; dans
nos temples, c'est le chantre qui entonne les psaumes.
Entr'acte, s. m. Espace de temps qui s'écoule entre
la fin d'un acte d'opéra et le commencement de lacté
suivant, et durant lequel la représentation est sus-
pendue, tandis que faction est supposée se continuer
ailleurs. L'orchestre remplit cet espace en France par
l'exécution d'une symphonie qui porte aussi le nom
ô^entracte.
Il ne paroît pas que les Grecs aient jamais divisé
leurs drames par actes , ni par conséquent connu les
entractes.
La représentation n étoit point suspendue sur leurs
ENT 293
diéàtres depuis le comniencement de la pièce jusqu'à
la fin. Ce lurent les Romains qui, moins épris du spec-
tacle, commencèrent les premiers à le partager en
plusieurs parties, dont les intervalles offroient du re-
lâche à l'attention des spectateurs; et cet usage s'est
continué parmi nous.
Puisque Yentracte est fait pour suspendre l'atten-
tion et reposer l'esprifdu spectateur, le théâtre doit
rester vide, et les intermèdes dont on le remplissoit
autrefois formoient une interruption de très mauvais
goût, qui ne pou voit manquer de nuire à la pièce en
faisant perdre le fil de l'action. Cependant Molière lui-
même ne vit point cette vérité si simple, et les en-
tractes de sa dernière pièce étoient remplis par des in-
termèdes. Les François, dont les spectacles ont plus
de raison que de chaleur, et qui n'aiment pas qu'on
les tienne long-temps en silence, ont depuis lors ré-
duit les entractes à la simplicité qu'ils doivent avoir,
et il est à désirer, pour la peifection des théâtres,
qu'en cela leur exemple soit suivi partout.
Les Italiens, qu'un sentiment exquis guide souvent
mieux que le raisonnement, ont proscrit la danse de
l'action dramatique (Voyez Opéra); mais, par une
inconséquence qui nait de la trop grande durée qu'ils
veulent donner au spectacle, ils remplissent leurs en-
tractes des ballets qu'ils bannissent de la pièce; et s'ils
évitent l'absurdité de la double imitation, ils donnent
dans celle de la transposition de scène, et promenant
ainsi le spectateur d'objet en objet, lui font oublier
faction principale, perdre Fintérêt, et, pour lui don-
ner le plaisir des yeux, lui ôtent celui du cœur, ils
294 E^T
commencent pourtant à sentir le défaut de ce mons
trueux assemblage, et après avoir déjà presque chassé
les intermèdes des entractes, sans doute ils ne tarde-
ront pas d'en chasser encore la danse, et de la ré-
server, comme il convient, pour en faire un spectacle
brillant et isolé à la fin de la grande pièce.
Mais quoique le théâtre reste vide dans \ entracte^
ce n'est pas à dire que la md'sique doive être inter-
rompue; car à rOpéra, où elle fait une partie de Fexis-
tence des choses, le sens de Touïe doit avoir une telle
liaison avec celui de la vue , que tant qu'on voit le lieu
de la scène on entende l'harmonie qui en est supposée
inséparable, afin que son concours ne paroisse ensuite
étranger ni nouveau sous le chant des acteurs.
La difficulté qui se présente à ce sujet est de sa-
voir ce que le musicien doit dicter a l'orchestre quand
il ne se passe plus rien sur la scène : car si la sym-
phonie, ainsi que toute la musique dramatique, n est
qu'une imitation continuelle, que doit-elle dire, quand
personne ne parle? que doit-elle faire, quand il n'y a
plus d'action? Je réponds à cela que quoique le théâtre
soit vide, le cœur des spectateurs ne l'est pas; il a dû
leur rester une forte impression de ce qu'ils viennent
de voir et d'entendre. C'est à l'orchestre à nourrir et
soutenir cette impression durant Yentracte, afin que
le spectateur ne se trouve pas au début de l'acte sui-
vant aussi froid qu'il l étoit au commencement de la
pièce, et que l'intérêt soit, pour ainsi dire, lié^dans
son ame comme les événements le sont dans l'action
représentée. Voilà comment le musicien ne cesse
jamais d'avoir un objet d'imitation ou dans la situation
EiST 296
des personnages, ou dans celle des spectateurs. Ceux-
ci, n'entendant jamais sortir de l'orchestre que Tex-
pression des sentiments qu'ils éprouvent, s'identi-
fient, pour ainsi dire, avec ce qu'ils entendent; et leur
état est d'autant plus délicieux qu'il régne un accord
plus parfait entre ce qui frappe leurs sens et ce qui
touche leur cœur.
L'hahile musicien tire encore de son orchestre un
autre avantage pour donner à la représentation tout
l'effet qu'elle peut avoir, en amenant par degrés le
spectateur oisif à la situation dame la plus favorable
à l'effet des scènes qu'il va voir dans l'acte suivant.
La durée de ïentractena pas de mesure fixe, mais
elle est supposée plus ou moins grande à proportion
du temps qu'exige la partie de l'action qui se passe
derrière le théâtre. Cependant cette durée doit avoir
des bornes de supposition relativement à la durée
hypothétique de l'action totale, et des bornes réelieg
relatives à la durée de la représentation.
Ce n'est pas ici le lieu d'examiner si la régie des
vingt-quatre heures a un fondement suffisant, et s'il
n'est jamais permis de l'enfreindre; mais si l'on veut
donner à la durée supposée d'un entracte des bornes
tirées de la nature des choses, je ne vois point qu'on
en puisse trouver d'autres que celles du temps durant
lequel il ne se fait aucun changement sensible et ré-
gulier dans la nature, comme il ne s'en fait point
d'apparent sur la scène durant Venir acte ; or, ce
temps est, dans sa plus grande étendue, à peu près
de douze heures, qui font la durée moyenne d'un
iour ou d'une nuit : passé cet espace, il nV a plus d«
296 ÉOL
possibilité ni d'illusion dans la durée supposée de
Yentracte.
Quant à la durée réelle, elle doit être, comme je
lai dit, proportionnée et à la durée totale de la repré-
sentation, et à la durée partielle et relative de ce qui
se passe derrière le théâtre. Mais il y a d'autres bornes
tirées de la fin générale qu'on se propose, savoir la
mesure de l'attention : car on doit bien se garder de
faire durer Yentr acte jusqu'à. laisser le spectateur tom-
ber dans l'engourdissement et approcher de l'ennui.
Cette mesure n'a pas , au reste, une telle précision par
elle-même , que le musicien qui a du feu , du génie et
de l'ame, ne puisse, à l'aide de son orchestre, l'éten-
dre beaucoup plus qu'un autre.
Je ne doute pas même qu'il n'y ait des moyens
d'abuser le spectateur sur la durée effective de ïen-
tracte^ en la lui faisant estimer plus ou moins grande
par la manière d'entrelacer les caractères de la sym-
phonie. Mais il est temps de finir cet article qui n'est
déjà que trop long.
Entrée, s. f. Air de symphonie par lequel débute
un ballet.
Entrée se dit encore à l'Opéra d un acte entier dans
les opéra-ballets dont chaque acte forme un sujet
séparé; Ventrée de Vertume dans les Eléments; Y entrée
des Incas dans les Indes galantes.
Enfin entrée se dit aussi du moment où chaque
partie qui en suit une autre commence à se faire en-
tendre.
ÉoLiEN, adj. Le ton ou mode éolien étoit un des cinq
modes moyens ou principaux de la musique grecque,
ÉPI 297
et sa corde fondameniale étoit immédiatement au-
dessus de celle du mode phry^j^ien. ( Voyez Mode. )
Le mode éolien étoit grave, au rapport de Lasus. Je
chante.^ dit-il, Cérès et sa fille Mélibc'e, épouse de Pluton ,
sur le mode éolieu, rempli de gravité.
Le nom (ïéolien que portoit ce mode ne lui verioit
pas des îles Éoliennes, mais de TÉolie, contrée de
l'Asie Mineure, où il fut premièrement en usage.
Epais, adj. Genre épais, dense, ou serj^é, ttu/voç, est,
selon la définition d'Aristoxène, celui où dans chaque
tétracorde, la somme des deux premiers intervalles
est moindre que le troisième. Ainsi le genre enharmo-
nique est épais, parceque les deux premiers inter-
valles , qui sont chacun d'un quart de ton , ne forment
ensemble qu'un semi-ton; somme beaucoup moindre
que le troisième intervalle, qui est une tierce majeure.
Le chromatique est aussi un genre épais; car ces deux
premiers intervalles ne forment qu'un ton moindre
encore que la tierce mineure qui suit. Mais le genre
diatonique n'est point épais, puisque ses deux pre-
miers intervalles forment un ton et demi, somme
plus grande que le ton qui suit. (Voyez Genre, Tétra-
corde.)
De ce mot ttuxvoç , comme radical, sont composés les
termes apycni, baripycyii, mesopycni, oxipycni, dont
on trouvera les articles chacun à sa place.
Cette dénomination n'est point en usage dans la
musique moderne.
Épiaulie. Nom que donnoient les Grecs à la chan-
son des meuniers, appelée autrement Hymée. (Voyez
Chanson.)
Le mot burlesque piauler ue tii^eroit-il point d'ici
son étymologie! Le piaulement d'une femme ou d'un
enfant, qui pleure et se lamente lon^j-temps sur le
même ton, ressemble assez à la chanson d'un moulin,
et, par métaphore, à celle d'un meunier.
Êpilène. Chanson des vendangeurs, laquelle s'ac-
compagnoit de la flûte. (Voyez Athénée, livre V.)
Épinicion. Chant de victoire, par lequel on célé-
broit chez les Grecs le triomphe des vainqueurs.
Épisynaphe, s, f. C'est, au rapport de Bacchius la
conjonction des trois tétracordes consécutifs, comme
sont les tétracordes hypaton, méson, et synnéménon.
( Voyez Système , Tétracorde. )
Epithalame, s. m. Chant nuptial qui se chantoit
autrefois à la porte des nouveaux époux, pour leur
souhaiter une heureuse union. De telles chansons ne
sont guère en usage parmi nous; car on sait bien que
c'est peine perdue. Quand on en fait pour ses amis et
familiers, on substitue ordinairement à ces vœux hon-
nêtes et simples quelques pensées équivoques et
obscènes, plus conformes au goût du siècle.
Épitrite. Nom d'un des rhythmes de la musique
grecque, duquel les temps étoient en raison sesqui-
tierce, ou de 3 à 4- Ce rhythme étoit représenté par
le pied que les poètes et grammairiens appellent aussi
épitnte; pied composé de quatre syllabes dont les
deux premières sont en effet aux deux dernières dans
la raison de 3 à 4- (Voyez Rhythme. )
ÉPOBEyS.f. Chant du troisième couplet, qui, dans
les odes , terminoit ce que les Grecs appeloient la pé-
riode, laquelle étoit composée de trois couplets ; savoir ,
ÉQU 299
la strophe, Vantistrophe, et Vépode. On attribue à Archi-
locjne rinvcntion de 1 e/;oJe.
Eptacorde, s. m. Lyre ou cithare à sept cordes,
comme, au dire de plusieurs, étoit celle de Mercure.
Les Grecs doimoient aussi le nom d'eptacorde à un
système de musique formé de sept sons, tel qu'est au-
jourd'hui notre gamme. \i eptacorde synnéménon ,
qu'on appeloit autrement lyre de Terpandre, étoit com-
posé des sons exprimés par ces lettres de la gamme,
E, F, G, a, b, c, d. Veptacordede Philolaûs substituoit
le bécarre au bémol, et peut s'exprimer ainsi, E, F,
G,a,~ :^'' c, d. l\ en rapportoit chaque corde à une
des planètes , l'hypate à Saturne , la parhypate à Ju-
piter, et ainsi de suite.
Eptamérides, s. f. Nom donné par M. Sauveur à
l'un des intervalles de son système exposé dans les
Mémoires de l'académie, année 1701.
Cet auteur divise d'abord l'octave en 43 parties ou
mérides; puis chacune de celles-ci en 7 eptamérides ,
de sorte que l'octave entière comprend 3oi eptamé-
rides, qu'il subdivise encore. (Voyez Décaméride.)
Ce mot est formé de èTTrà, sept, et de pep'ç, partie.
Eptaphone , s. m. Nom d'un portique de la ville
d'Olympie, dans lequel on avoit ménagé un écho qui
répétoit la voix sept fois de suite. Il y a grande appa-
rence que l'écho se trouva là par hasard, et qu'ensuite
les Grecs, grands charlatans, en firent honneur à
l'art de l'architecte.
Equisonnance, s.f. Nom par lequel les anciens dis-
tinguoient des autres consonnances celles de l'octave
3oo ÉTÉ
et de la double octave , les seules qui fassent para-
phonie. Comme on a aussi quelquefois besoin de la
même distinction dans la musique moderne, on peut
l'employer avec d'autant moins de scrupule , que la
sensation de Toctave se confond très souvent à Toreille
avec celle de Funisson.
Espace, s. m. Intervalle blanc, ou distance qui se
trouve dans la portée entre une ligne et celle qui la
suit immédiatement au-dessus ou au-dessous. Il y a
quatre espaces dans les cinq lignes, et il y a de plus
deux espaces, Tun au-dessus, l'autre au-dessous delà
portée entière : Ton borne, quand il le faut, ces (Jeux
espaces indéfinis par des lignes postiches ajoutées en
haut ou en bas , lesquelles augmentent l'étendue de la
portée et fournissent de nouveaux espaces. Chacun de
ces espaces divise l'intervalle des deux lignes qui le
terminent en deux degrés diatoniques; savoir, un de
la ligne inférieure à Y espace, et l'autre de ï espace à la
ligne supérieure. (Voyez Portée.)
Etendue, s.f. Différence de deux sons donnés qui
en ont d'intermédiaires, ou somme de tous les inter-
valles compris entre les deux extrêmes. Ainsi, la plus
grande étendue possible, ou celle qui comprend toutes
les autres, est celle du plus grave au plus aigu de tous
les sons sensibles ou appréciables. Selon les expé-
riences de M. Euler, toute cette étendue forme un in-
tervalle d'environ huit octaves, entre un son qui fait
3o vibrations par seconde, et un autre qui en fait 7 55 2
dans le même temps.
Il n'y a point d'étendue en musique entre les deux
termes de laquelle on ne puisse insérer une infinité
EXÉ 3oi
de sons intermédiaires qui le partagent en une infi-
nité d'intervalles; d'où il suit que \ étendue sonore ou
musicale est divisible à l'infini, comme celle du temps
et du lieu. (Voyez Intervalle. )
EuDROMÉ. Nom de l'air que jouoient les hautbois
aux jeux Sthéniens, institués dans Argos en l'hon-
neur de Jupiter. Hiérax, Argien, étoit l'inventeur de
cet air. •
Éviter, v. a. Eviter une cadence, c'est ajouter une
dissonance à l'accord final, pour changer le mode ou
prolonger la phrase. ( Voyez Cadence. )
Évité , />a?'f. Cadence évitée. (Voyez Cadence.)
ÉvovAÉ, s. m. Mot barbare formé des six voyelles qui
marquent les syllabes des deux mots , secw/on/w amen,
et qui n'est d'usage que dans le plain-chant. C^est sur
les lettres de ce mot qu'on trouve indiquées dans les
psautiers et antiphonaires des églises catholiques les
notes par lesquelles, dans chaque ton et dans les di-
verses modifications du ton , il faut terminer les versets
des psaumes ou des cantiques.
L'E'i'Ofâfe commence toujours par la dominante du.
ton de l'antienne qui le précède, et finit toujours par
la finale.
Euthia, s.f. Terme de la musique grecque, qui si-
gnifie une suite de notes procédant du grave à l'aigu,
lu euthia étoit une des parties de l'ancienne mélopée.
Exacorde, s. m. Instrument à six cordes, ou sys-
tème composé de six sons , tel que ï exacorde de Gui
d'Arezzo.
Exécutant, part, pris subst. Musicien qui exécute
sa partie dans un concert; c'est la même chose que
3o2 EXÉ
concertant. (Voyez Concertant.) Voyez aussi los deux
mots qui suivent.
Exécuter, v. a. Exécuter une pièce de musique,
c'est chanter et jouer toutes les parties qu'elle con-
tient, tant vocales qu'instrumentales, dans rensemhl»
cju'elles doivent avoir, et la rendre telle qu'elle est
notée sur la partition.
Comme la musique est faite pour être entendue,
on n'en peut bien juger que par Texécution. Telle
partition paroît admirable sur le papier, qu'on ne
peut entendre exécuter sans dégoût ; et telle autre
n'offre aux yeux <qu'une apparence simple et com-
mune, dont l'exécution ravit par des effets inatten-
dus. Les petits compositeurs, attentifs à donner de la
symétrie et du jeu à toutes leurs parties, paroissent
ordinairement les plus habiles gens du monde, tant
qu'on ne juge de leurs ouvrages que par les yeux.
Aussi ont-ils souvent l'adresse de mettre tant d'instiu-
ments divers , tant de parties dans l(;ur musique, qu'on
ne puisse rassembler que très difficilement tous les
sujets nécessaires pour ïexécuter.
Exécmtion. s. f. L'action d'exécuter une pièce dé
musique.
Comme la musique est ordinairement composée de
plusieurs parties dont le rapport exact, soit pour l'in-
tonation, soit pour la mesure, est extrêmement diffi-
cile à observer, et dont l'esprit dépend plus du goût
que des signes, rien n'est si rare qu'une bonne exécu-
cution. C'est peu de lire la musique exactement sur la
note , il faut entrer dans toutes les idées du composi-
reur. sentir et rendre le li'u de l'expression , avoir sûr-
ï
EXÉ 3o3
tout Toreille juste et toujours attentive pour écouter
et suivre Teuseuible. Il faut, en particulier dans la
musique Irançoise , que la partie principale sache
presser ou ralentir le mouvement selon que l'exigent
le goût (lu chant, le volume de.voix, et le développe-
ment des bras du chanteur, il faut, par conséquent,
que toutes les autres parties soient , sans relâche, atten-
tives à bien suivre celle-là. Aussi l'ensemble de l'Opéra
de Paris, où la musique n'a point d'autre mesure que
celle du geste, seroit-il, à mon avis , ce qu'il y a de
plus admirable en fait d'exécution.
« Si les François, dit Saint-Evremont, par leur com-
« merce avec les Italiens, sont parvenus à composer
« plus hardiment, les Italiens ont aussi gagné au com-
« merce des François, en ce qu'ils ont appris d'eux à
« rendre leur exécution plus agréable, plus touchante,
« et plus parfaite. « Le lecteur se passera bien, je crois,
de mon commentaire sur ce passage. Je dirai seule-
ment que les François croient toute la terre occupée
de leur musique, et qu'au contraire, dans les trois
quarts de l'Italie, les musiciens ne savent pas même
qu'il existe une musique françoise différente de la
leur.
On appelle encore exécution la facilité de lire et
d exécuter une partie instrumentale, et l'on dit, par
exemple, d'un symphoniste, qu'il a beaucoup d'exé-
cution, lorsqu'il exécute correctement, sans hésiter,
et à la première vue, les choses les plus difficiles:
Yexécution prise en ce sens dépend surtout de deux
choses : premièrement, d'une habitude parfaite de la
touche et du doigter de son instrument; en second
i
3o4 EXP
lieu, d'une grande habitude de lire la musique et de
phraser en la regardant : car tant qu'on ne voit que
des notes isolées, on hésite toujours à les prononcer :
on n'acquiert la grande facihté de \ exécution qu'en les
unissant par le sens commun qu'elles doivent former,
et en mettant la chose à la place du signe. C'est ainsi
que la mémoire du lecteur ne Taide pas moins que ses
yeux, et qu'il liroit avec peine une langue inconnue,
quoique écrite avec les mêmes caractères, et com-
posée des mêmes mots qu'il lit couramment dans la
sienne.
Expression, s. f. Qualité par laqueller le musicien
sent vivement et rend avec énergie toutes les idées
qu'il doit rendre, et tous les sentiments qu'il doit ex-
primer. Il y a une expression de composition et une
d'exécution , et c'est de leur concours que résulte
l'effet musical le plus puissant et le plus agréable.
Pour donner de Y expression à ses ouvrages , le com-
positeur doit saisir et comparer tous les rapports qui
peuvent se trouver entre les traits de son objet et les
productions de son art; il doit connoître ou sentir
l'effet de tous les caractères, afin déporter exactement
celui qu'il choisit au degré qui lui convient ; car ,
comme un bon peintre ne donne pas la même lumière
à tous ses objets, l'habile musicien ne donnera pas
non plus la même énergie à tous ses sentiments,
ni la même force à tous ses tableaux, et placera
chaque partie au lieu qui convient, moins pour la
faire valoir seule que pour donner un plus grand effet
au tout.
Après avoir bien vu ce qu'il doit dire il cherche
EXP 3o5
comment il le dira; et voici où commence l'applica-
tion des préceptes de Tart, qui est comme la langue
particulière dans laquelle le musicien veut se faire
entendre.
La mélodie, Tharmonie, le mouvement, le choix
des instruments et des voix sont les éléments du lan-
gage musical ; et la mélodie , par son rapport immé-
diat avec Taccent grammatical et oratoire, est celui
qui donne le caractère à tous les autres. Ainsi c'est
toujours du chant que se doit tirer la principale ex-
pression^ tant dans la musique instrumentale que dans
la vocale.
Ce qu'on cherche donc à rendre par la mélodie,
c'est le ton dont s'expriment les sentiments qu'on veut
représenter; et l'on doit bien se garder d'imiter en
cela la déclamation théâtrale, qui n'est elle-même
qu'une imitation , mais la voix de la nature parlant
sans affectation et sans art. Ainsi le musicien cher-
chera d'abord un genre de mélodie qui lui fournisse
les inflexions musicales les plus convenables au sens
des paroles , en subordonnant toujours Y expression des
mots à celle de la pensée, et celle-ci même à la situa-
tion de lame de l'interlocuteur : car , quand on est
fortement affecté, tous les discours que l'on tient
prennent, pour ainsi dire, la teinTe du sentiment gé-
néral qui domine en nous, et l'on ne querelle point ce
qu'on aime du ton dont on querelle un indifférent.
La parole est diversement accentuée selon les di-
verses passions qui l'inspirent , tantôt aiguë et véhé-
mente, tantôt rémisse et lâche, tantôt variée et impé-
tueuse, tantôt égale et tranquille dans ses inflexions,
XÏV. 20
3o6 £XP
De là le musicien tire les différences des modes do
chant qu'il emploie et des lieux divers dans lesquels
il maintient la voix, la faisant procéder dans le bas
par de petits intervalles pour exprimer les langueurs
de la tristesse et de rabattement, lui arrachant dans
le haut les sons aigus de l'emportement et de la dou-
leur, et Fentraînant rapidement, partons les inter-
valles de son diapason, dans l'agitation du désespoir
ou l'égarement des passions contrastées. Surtout il
faut bien observer que le charme de la musique ne
consiste pas seulement dans l'imitation , mais dans
une imitation agréable ; et que la déclamation même,
pour faire un si grand effet, doit être subordonnée à
la mélodie ; de sorte qu'on ne peut peindre le senti-
ment sans lui donner ce charme secret qui en est in-
séparable, ni toucher le cœur si l'on ne plaît à l'oreille.
Et ceci est encore très conforme à la nature, qui donne
au ton des personnes sensibles je ne sais quelles in-
flexions touchantes et délicieuses que n'eut jamais
celui des gens qui ne sentent rien. IN 'allez donc pas
prendre le baroque pour l'expressif, ni la dureté pour
de l'énergie , ni donner un tableau hideux des pas-
sions que vous voulez rendre , ni faire , en un mot ,
comme à l'Opéra françois, où le ton passionné res-
semble aux cris de la colique , bien plus qu'aux trans-
ports de l'amour.
Le plaisir physique qui résulte de l'harmonie aug-
mente à son tour le plaisir moral de l'imitation , en
joignant les sensations agréables des accords à Vex-
pression de la mélodie par le même principe dont je
viens de parier. Mais l'harmonie fait plus encore ;
Exp 3o7
elle renforce V expression même, en donnant plus de
justesse et de précision aux intervalles mélodieux;
elle anime leur caractère, et, marquant exactement
Icvu' place dans Tordre de la modulation, elle rappelle
ce qui précède , annonce ce qui doit suivre , et lie
ainsi les phrases dans le chant, comme les idées se
lient dans le discours. L'harmonie, envisagée de cette
manière, fournit au compositeur de grande moyens
d'expression, qui lui échappent quand il ne cherche
Yexpi^essionque dans la seule harmonie ; car alors, au
lieu d'animer l'accent, il l'étouffé par ses accords , et
tous les intervalles , confondus dans un continuel
remplissage , n'offrent à l'oreille qu'une suite de sons
fondamentaux qui n'ont rien de touchant ni d'agréa-
ble , et dont l'effet s arrête au cerveau.
Que fera donc 1 harmoniste pour concourir à Vex-
pression de la mélodie et lui donner plus d'effet? il
évitera soigneusement de couvrir le son principal
dans la combinaison des accords; il subordonnera
tous ses accompagnements à la partie chantante; il
en aiguisera l'énergie par le concours des autres par-
ties ; il renforcera l'effet de certains passages par des
accords sensibles ; il en dérobera d'autres par suppo-
sition ou par suspension, en les comptant pour rien
sur la basse ; il fera sortir les expressions fortes par
des dissonances majeures; il réservera les mineures
pour des sentiments plus doux ; tantôt il liera toutes
ces parties par des sons continus et coulés ; tantôt il
les fera contraster sur le chant par des notes piquées;
tantôt il frappera l'oreille par des accords pleins ;
tantôt il renforcera l'accent par le choix d'un seul in-
20,
3o3 i:XP
tervalle : partout il rendra présent et sensible lenchaî-
nement des modulations , et fera servir la basse et
son harmonie à déterminer le lieu de chaque passage
dans le mode, afin qu'on n entende jamais un inter-
valle ou un trait de chant sans sentir en même temps
son rapport avec le tout.
A regard du rhytlime , jadis si puissant pour don-
ner de la force , de la variété , de Fagrément à Thar-
,monie poétique ; si nos langues, moins accentuées et
moins prosodiques , ont perdu le charme qui en ré-
sukoit, notre musique en substitue un autre plus in-
dépendant du discours dans Tégalité de la mesure, et
dans les diverses combinaisons de ses temps, soit à-la-
fois dans le tout, soit séparément dans chaque partie.
Les quantités de la langue sont presque perdues sous
celles des notes ; et la musique, au lieu de parler avec
la parole-, emprunte en quelque sorte de la mesure
un langage à part. La force de l'expression consiste ,
en cette partie , à réunir ces deux langages le plus qu'il
est possible , et à faire que , si la mesure et le rhy thme
ne parlent pas de la même manière , ils disent au
moins les mêmes choses.
La gaieté qui donne de la vivacité à tous nos mou-
vements en doit donner de même à la mesure; la
tristesse resserre le cœur, ralentit les mouvements, et
la même langueur se fait sentir dans les chants qu'elle
inspire ; mais quand la douleur est vive ou qu'il se
passe dans lame de grands combats , la parole est
inégale; elle marche alternativement avec la lenteur
du spondée et avec la rapidité du pyrrhique, et sou-
vent s'arrête tout court comme dans le récitatif obligé:
1-: X p ^
c'est pour cela que les musiques les plus expressives ,
ou du moins les plus passionnées, sont communé-
ment celles où les temps , quoique égaux efltre eux ,
sont le plus inéfjalement divisés ; au lieu que l'image
du sommeil, du repos, de la paix de Tame, se peint
volontiers avec des notes égales , qui ne marchent ni
vite, ni lentement.
Une observation que le compositeur ne doit pas
négliger, c'est que, plus Tharmonie est recherchée,
moins le mouvement doit être vif, afin que Fesprit
ait le temps de saisir la marche des dissonances et le
rapide enchaînement des modulations ; il n'y a que
le dernier emportement des passions qui permette
d'allier la rapidité de la mesure et la dureté des ac-
cords. Alors, quand la tête est perdue , et qu'à force
d'agitation l'acteur semble ne savoir plus ce qu'il dit ,
ce désordre énergique et terrible peut se porter ainsi
jusqu'à l'ame du spectateur , et le mettre de même
hors de lui. Mais si vous n'êtes bouillant et sublime ,
vous ne serez que baroque et froid; jetez vos audi-
teurs dans le délire, ou gardez-vous d'y tomber : car
celui qui perd la raison n'est jamais qu'un insensé
aux yeux de ceux qui la conservent, et les fous n'in-
téressent plus.
Quoique la plus grande force de Vexpression se tire
de la combinaison des sons , la qualité de leur timbre
n'est pas indifférente pour le même effet. H y a des
voix fortes et sonores qui en imposent par leur étoffe;
d'autres légères et flexibles , bonnes pour les choses
d'exécution; d'autres sensibles et délicates, qui vont
au cœur par des chants doux et pathétiques. En gé-
3lO EXP
néral les dessus et toutes les voix aiguës sont plus
propres pour exprimer la tendresse et la douceur , les
basses et*concordants pour Temportement et la co-
lère : mais les Italiens ont banni les basses de leurs
tragédies, comme une partie dont le chant est trop
rude pour le genre héroïque , et leur ont substitué les
tailles ou ténor, dont le chant a le même caractère
avec un effet plus agréable. Ils emploient ces mêmes
basses plus convenablement dans le comique pour
les rôles à manteaux, et généralement pour tous les
caractères de charge.
IjCS instruments ont aussi des expressions très diffé-
rentes selon que le son en est fort ou foible, que le
timbre en est aigre ou doux, que le diapason en est
grave ou aigu, et qu'on en peut tirer des sons en plus
grande ou moindre quantité. La flûte est tendre, le
hautbois gai, la trompette guerrière, le cor sonore,
majestueux, propre slux grandes expressions . Mais il
n'y a point d'instrument dont on tire une expression
plus variée et plus universelle que du violon. Cet in-
strument admirable fait le fond de tous les orchestres ,
et suffit au grand compositeur pour en tirer tous les
effets que les mauvais musiciens cherchent inutile-
ment dans l'alliage d'une multitude d instruments
divers. Le compositeur doit connoître le manche du
violon pour doigter ses airs, pour disposer ses arpè-
ges, pour savoir l'effet des cordes à vide, et pour em-
ployer et choisir ses tons selon les divers caractères
qu'ils ont sur cet instrument.
Vainement le compositeur saura-t-il animer son
ouvrage , si la chaleur qui doit y régner ne passe à
EXP 3ir
ceux qui Texccutent. Le chanteur qui ne voit que des
notes dans sa partie n'est point en état de saisir IW-
pression du compositeur, ni d'en donner une ù ce
qu'il chante, s il n en a bien saisi le sens. Il faut en-
tendre ce qu'on lit pour le faire entendre aux autres,
et il ne suffit pas d'être sensible en général , si l'on ne
Test en particulier à lénergie de la langue qu'on parle.
Commencez donc par bien connoître le caractère du
chant que vous avez à rendre , sou rapport au sens
des paroles, la distinction de ses phrases, l'accent
qu'il a par lui-même , celui qu'il suppose dans la voix
de l'exécutant, 1 énergie que le compositeur a donnée
au poète, et celle que vous pouvez donner à votre
tour au compositeur; alors livrez vos organes à toute
la chaleur que ces considérations vous auront inspi-
rée ; faites ce que vous feriez si vous étiez à-la-fois le
poète, le compositeur, Facteur, et le chanteur; et vous
aurez toute ^expression qu'il vous est possible de
donner à l'ouvrage que vous avez à rendre. De cette
manière il arrivera naturellement que vous mettrez
de la délicatesse et des ornements dans les chants qui
ne sont qu'élégants et gracieux , du piquant et du feu
dans ceux qui sont animés et gais , des gémissements
et des plaintes dans ceux qui sont tendres et pathéti-
ques, et toute l'agitation au forte-piano dans l'empor-
tement des passions violentes. Partout où l'on réunira
fortement l'acCent musical à l'accent oratoire, par-
tout où la mesure se fera vivement sentir et servira
de guide aux accents du chant , partout où l'accom-
pagnement et la voix sauront tellement accorder et
unir leurs effets , qu'il n'en résulte qu'une mélodie j et
Ji2 FAC
que lauditeur trompé attribue à la voix les passages
dont rorchestie Tembellit; enfin partout où les orne-
ments, sobrement ménagés, porteront témoignage
de la facilité du chanteur, sans couvrir et défigurer
léchant, Y expression sera douce, agréable, et forte;
Toreille sera charmée , et le cœur ému ; le physique et
le moral concourront à-la-fois au plaisir des écoutants,
et il régnera un tel accord entre la parole et le chant,
que le tout semblera n'être qu'une langue délicieuse
qui sait tout dire et plaît toujours.
Extension, 5./., est, selon Aristoxène, une des
quatre parties de la mélopée, qui consiste à soutenir
long-temps certains sons , et au-delà même de leur
quantité grammaticale. Nous appelons aujourd'hui
tenues les sons ainsi soutenus. (Voyez Tenue. )
F.
F utfa^ Vfa ut^ ou simplement F. Quatrième son
de la gamme diatonique et naturelle, lequel s'appelle
autrement^». ( Voyez Gamme. )
C'est aussi le nom de la plus basse des trois clefs de
la musique. (Voyez Clef.)
Face, s.f. Combinaison, ou des sons d'un accord,
en commençant par un de ces sons et prenant les
autres selon leur suite naturelle, ou des touches du
clavier qui forment le même accord. D'où il suit qu'un
accord peut avoir autant de faces qu'il y a de sons
qui le composent; car chacun peut être le premier à
son tour.
L'accord parfait ut mi sol a trois faces. Par la pre-
F A N 3 I 3
iiiièie, tous les doijjts sont rangés par tierces, et la
tonique est sous Tindex ; par la seconde , mi sol ut,i[j
a une quarte entre les deux derniers doigts , et la toni-
que est sous le dernier; par la troisième, sol ut mi, la
quarte est entre Findcx et le quatrième, et la tonique
est sous celui-ci. ( Voyez Renversement. )
Comme les accords dissonants ont ordinairement
quatre sons, ils ont aussi qimtve faces, qu'on peut
trouver avec la même facilité. (Voyez Doigter. )
Facteur, s. m. Ouvrier qui fait des orgues ou des
clavecins.
Fanfare, s.f. Sorte d air militaire, pour l'ordinaire
court et brillant, qui s'exécute par des trompettes, et
qu'on imite sur d'autres instruments. La fanfare est
communément à deux dessus de trompettes accom-
pagnées de tymbales; et bien exécutée, elle a quel-
que chose de martial et de g^i qui convient fort à "son
usage. De toutes les troupes de l'Europe, les alle-
mandes sont celles qui ont les meilleurs instruments
militaires: aussi leurs marches et fanfar^es font-elles
un effet admirable. C'est une chose à remarquer que
dans tout le royaume de France il n'y a pas un seul
trompette qui sonne juste, et la nation la plus guer-
rière de l'Europe a les instruments militaires les plus
discordants; ce qui n'est pas sans inconvénient.
Durant les dernières guerres, les paysans de Bohème,
d'Autriche, et de Bavière, tous musiciens nés, ne pou-
vant croire que les troupes réglées eussent des instru-
ments si faux et si détestables, prirent tous ces vieux
corps pour de nouvelles levées qu'ils commencèrent à
mépriser; et Ton ne sauroit dire à combien de braves
3 1 Z^ FA U
gens des tons faux ont coûté la vie : tant il est vrai qu^ ,
clans Tappareil de la guerre, il ne faut rien néglip^er
de ce qui frappe les sens !
Fantaisie, s. f. Pièce de musique instrumentale
qu'on exécute en la composant. Il y a cette différence
du caprice à la fantaisie , que le caprice est un recueil
d'idées singulières et disparates que rassemble une
imagination échauffée, et qu'on peut même com-
poser à loisir; au lieu que \^ fantaisie peut être une
pièce très régulière, qui ne diffère des autres qu'en ce
qu'on l'invente en l'exécutant, et qu'elle n'existe plus
sitôt qu'elle est achevée. Ainsi le caprice est dans
l'espèce et l'assortiment des idées, et \si fantaisie dans
leur promptitude à se présenter. Il suit de là qu'un
caprice peut fort bien s'écrire, mais jamais une fan-
taisie; car sitôt qu'elle est écrite ou répétée, ce n'est
plus une fantaisie, c'est une pièce ordinaire.
Faucet. (Voyez Fausset.)
Fausse-quarte. (Voyez Quarte.)
Fausse-quinte, s. f Intervalle dissonant, appelé
par les Grecs hemi-diapente , dont les deux termes
sont distants de quatre degrés diatoniques , ainsi que
ceux de la quinte juste, mais dont l'intervalle est
moindre d'un semi-ton; celui de la quinte étant de
deux tons majeurs, d'un ton mineur, et d'un semi-
ton majeur, et celui de la fausse-quinte seulement d'un
ton majeur, d'un ton mineur, et de deux semi-tons
majeurs. Si, sur nos claviers ordinaires, on divise
Foctave en deux parties égales, on aura d'un côté la
fausse-quinte, conime si fa, et cj^ l'autre le triton,
comme/a si: mais ces deux intervalles, égaux en ce
fAU 2 l'y
sens , ne le sont ni quant au nombre des degrés, puis-
que le triton n'en a que trois, ni dans la précision des
rapports, celui de \di fausse-quinte étant de 4^ ^^^-t et
celui du triton de 32 à 45.
L'accord de fausse-quinte est renversé de l'accord
dominant, en mettant la note sensible au grave.
Voyez au mot Accord comment celui-là s'accom-
pagne.
Il faut bien distinguer la yww55e-<yMm^e dissonance,
delà quintefausse réputée consonnance, et qui n'est
altérée que par accident. (Voyez Quinte.)
Fausse-relation, 5. f Intervalle diminué ou su-
perflu. (Voyez Relation.)
Fausset , s. m. C'est cette espèce de voix par la-
quelle un homme, sortant à l'aigu du diapason de sa
voix naturelle, imite celle de la femme. Un homme fait
à peu près, quand il chante le fausset , ce que fait un
tuyau d'orgue quand il octavie. (Voyez Octavier.)
Si ce mot vient du françois faux opposé ajuste, il
faut l'écrire comme je fais ici, en suivant l'ortho-
graphe de l'Encyclopédie : mais s'il vient, comme je
le crois, du latin faux, faucis, la gorge, il falioit, au
lieu des deux ss qu'on a substituées , laisser le c que
j'y avois mis ifaucet. '
Faux, adj. et adv. Ce mot est opposé ajuste.
On chante faux, quand on n'entonne pas les inter-
valles dans leur justesse, qu'on forme des sons trop
hauts ou trop bas.
Il y a des \o\\ fausses, des cordes fausses, des in-
struments y«MX. Quant aux voix, on prétend que le
défaut est dans l'oreille et non dans la glotte : cepen-
3l6 FKI
dant j'ai vu des gens qui cliaiitoienl très faux, et qui
accordoient un instrument très juste. La fausseté de
leur voix n'avoit donc pas sa cause dans leur oreille.
Pour les instruments, quand les tons en sont faux,
c'est que Finstrument est mal construit, que les tuyaux
en sont mal proportionnés , ou les cordes fausses, ou
qu elles ne sont pas d'accord ; que celui qui en joue
touche faux , ou qu'il modifie mal le vent ou les
lèvres.
Faux-accord. Accord discordant, soit parcequil
contient des dissonances proprement dites, soitpar-
ceque les consonnances n'en sont pas justes. (Voyez
Accord-faux.)
Faux-bourdon, s. m. Musique à plusieurs parties ,
mais simple et sans mesure, dont les notes sont pres-
que toutes égales , et dont l'harmonie est toujours syl-
labique. C'est la psalmodie des catholiques romains
chantée à plusieurs parties. Le chant de nos psaumes
à quatre parties peut aussi passer pour une espèce de
faux-bourdon, mais qui procède avec beaucoup de len-
teur et de gravité.
Feinte, s. f Altération d'une note ou d'un inter-
valle par un dièse ou par un bémol. C'est proprement
le nom commun et générique du dièse et du bémol
accidentels. Ce mot n'est plus en usage, maison ne lui
en a point'substitué. La crainte d'employer des tours
surannés énerve tous les jours notre langue ; la
crainte d'employer de vieux mots l'appauvrit tous les
jours : ses plus grands ennemis seront toujours les
puristes.
On appcloit aussi ycm^es les touches chromatiques
FIG 3i7
du clavier, que nous appelons aujonrcVluii touches
blanches, et cprautrefois on faisoit noires, parceque
nos grossiers ancêtres n'avoient pas songé à l'aire le
clavier noir, pour donner de Féclat à la main des
femmes. On appelle encore anjourdliiiiyèmte5-coi/-
pées celles de ces touches qui sont brisées pour sup-
pléer au ravalement.
Fête, 5. f. Divertissement de chant et de danse
qu'on introduit dans un acte d'opéra, et qui inter-
rompt ou suspend toujours l'action.
Cgs fêtes ne sont amusantes qu'autant que l'opéra
même est ennuyeux. Dans un drame intéressant et
bien conduit, il seroit impossible de les supporter.
La différence qu'on assigne à l'Opéra entre les mots
de fêle et de divertissement ^ est que le premier s'appli-
que plus particulièrement aux tragédies, et le second
aux ballets. ^
Fi. Syllabe avec laquelle quelques musiciens sol-
fient le fa dièse, comme ils solfient par ma le mi
bémol; ce qui paroît assez bien entendu. (Voyez
Solfier. )
Figuré. Cet adjectif s'applique aux notes ou à Ihar-
monie: aux notes, comme dans ce mot, basse-figurée ^
pour exprimer une basse dont les notes portant ac-
cord sont subdivisées en plusieurs autres notes de
moindre valeur (voyez Basse-figurée); à Fharmonie,
quand on emploie , par supposition et dans une
marche diatonique, d'autres notes que celles qui for-
ment l'accord. (Voyez Harmonie-figurée et Suppo-
sition.)
Figurer , v. a. C'est passer plusieurs notes pour
3l8 FIN
une ; c'est faire des doubles , des variations ; c'est
ajouter des notes au chant de quelque manière que
ce soit; enfin c'est donner aux sons harmonieux une
figure de mélodie, en les liant par d'autres sons in-
termédiaires. (Voyez Double, Fleurtis, Harmonie-
figurée. )
Filer un son, c'est, en chantant, ménager sa voix,
en sorte qu'on puisse le prolonger long-temps sans
reprendre haleine. H y a deux manières àe filer un
son : la première, en le soutenant toujours également;
ce qui se fait pour l'ordinaire sur les tenues où Tac-
compagnement travaille: la seconde, en le renfor-
çant; ce qui est plus usité dans les passages et rou-
lades. La première manière demande plus de justesse,
et les Italiens la préfèrent; la seconde a plus d'éclat,
et plaît davantage aux François.
Fin, s. f. Ce mot se place quelquefois sur la finale
de la première partie d'un rondeau, pour marquer
qu'ayant repris cette première partie, c'est sur cette
finale qu'on doit s'arrêter et finir. (Voyez Rondeau. }
On n'emploie plus guère ce mot à cet usage, les
François lui ayant substitué le point final, à l'exemple
des Italiens. (Voyez Point-final.)
Finale, s. f. Principale corde du mode qu'on ap-
pelle aussi tonique, et sur laquelle l'air ou la pièce doit
finir. (Voyez Mode. )
Quand on compose à plusieurs parties, et surtout
des chœurs, il faut toujours que la basse tombe en
finissant sur la note même de \di finale. Les autres par-
ties peuvent s'arrêter sur sa tierce ou sur sa qiiinte.
Autrefois c'étoit une régie de donner toujours à la fin
FON 3l9
d'une pièce la tierce majeure à là finale, même en mode
mineur; mais cet usage a été trouvé de mauvais goût
et tout-à-fait abandonné.
Fixe, adj. Cordes ou sons fixes ou stables. (Voyez
Son, Stable.)
Flatté, s. m. Agrément du chant françois, difficile
à définir, mais dont on comprendra suffisamment
leffet par un exemple. (Voyez 'Planche B^fgure i3,
au mot. Flatté. )
Fleurtis, s. m. Sorte de contre-point figuré, lequel
n'est point syllabique ou note sur note. C'est aussi
lassemblage des divers agréments dont on orne un
chant trop simple. Ce mot a vieilli en tout sens. ( Vov.
Broderies , Doubles , Variations , Passages. )
FoiBLE, adj. Temps foible. (Voyez Temps.)
Fondamental, adj. ^on fondamental est celui qui
sert de fondement à l'accord ( voyez Accord), ou au
ton (Voyez Tonique). Bdisse-fondamentale est ceWe qui
sert de fondement à riiarmonie. (Voyez Basse-fonda-
mentale). Kccorà fondamental est celui dont la basse
est fondamentale , et dont les sons sont arrangés selon
l'ordre de leur génération : mais comme cet ordre
écarte extrêmement les parties , on les rapproche par
des combinaisons ou renversements ; et, pourvu que
la basse reste la même, l'accord ne laisse pas pour
cela de porter le nom àe fondamental; tel est, par
exemple, cet accord ut mi sol, renfermé dans un in-
tervalle de quinte : au lieu que dans Tordre de sa géné-
ration ut sol mi, il comprend une dixième et même
une dix-septième , puisque Vût fondamental n est pas
la quinte de sol, mais l'octave de cette quinte=
320 FOR
Force, s.f. Qualité du son, appelée aussi quelque-
fois intensité^ qui le rend plus sensible et le fait enten-
tendre de plus loin. Les vibrations plus ou moins
fréquentes du corps sonore sont ce qui rend le son
aigu ou grave; leur plus grand ou moindre écart de la
ligne de repos est ce qui le rend fort ou foible ; quand
cet écart est trop grand et qu'on force Tinstrument
ou la voix (voyez Forger), le son devient bruit, et
cesse d'être appréciable.
Forcer la voix , c'est excéder en haut ou en bas son
diapason , ou son volume, à force d'haleine ; c'est crier
au lieu de chanter. Toute voix ç^viow force perd sa jus-
tesse : cela arrive même aux instruments où Ion force
l'archet ou le vent; et voilà pourquoi les François
chantent rarement juste.
FoRLANE , s.f. Air d'une danse de même nom , com-
mune à Venise , surtout parmi les gondoliers. Sa me-
sure est à f ; elle se bat gaiement , et la danse est aussi
fort gaie. On Tappelleybr/ane parcequ'elle a pris nais-
sance dans le Frioul, dont les habitants s'appellent
Forlans.
Fort , adv. Ce mot s'écrit dans les parties pour
marquer qu'il faut forcer le son avec véhémence , mais
sans le hausser ; chanter à pleine voix , tirer de l'in-
strument beaucoup de son : ou bien il s'emploie pour
détruire l'effet du mot doux employé précédemment.
Les Italiens ont encore le su^eridiù^ fortissimo , dont
on n'a guère besoin dans la musique françoise ; car on
y chante ordinairement très fort.
Fort, adj. Temps^orf. ( Vpyez Temps. )
Forte-piako. Substantif italien composé, et que les
FRA 32Ï
musiciens devroient franciser, comme les peintres
ont francisé celui de chiaro-scuro , en adoptant Tidée
qu'il exprime. \jÇ: forte-piano est Tart d'adoucir et ren-
forcer les sons dans la mélodie imitative, comme on
fait dans la parole qu'elle doit imiter. Non seulement
quand on parle avec chaleur on ne s'exprime point
toujours sur le même ton, mais on ne parle pas tou-
jours avec le même degré de force. La musique, en
imitant la variété des accents et des tons, doit donc
imiter aussi les degrés intenses ou rémisses de la pa-
role, et parler tantôt doux , tantôt fort , tantôt à demi-
voix; et voilà ce qu'indique en général le vaot forte-
piano.
Fragments. On appelle ainsi à l'Opéra de Paris le
choix de trois ou quatre actes de ballet , qu'on tire de
divers opéra, et qu'on rassemble, quoiqu'ils n'aient
aucun rapport entre eux, pour être représentés suc-
cessivement le même jour, et remplir, avec leurs en-
tr'actes , la durée d'un spectacle ordinaire. Il n'y a
qu'un homme sans goût qui puisse imaginer un pareil
ramassis, et qu'un théâtre sans intérêt oii l'on puisse
le supporter.
Frappé , adj. pris suhst. C'est le temps où l'on baisse
la main ou le pied, et où l'on frappe pour marquer la
mesure. ( Voyez Thésis. ) On ne frappe ordinairement
du pied que le premier temps de chaque mesure; mais
ceux qui coupent en deux la mesure à quatre frap-
pent aussi le troisième. En battant de la main la me-
sure, les François ne frappent jamais que le premier
temps, et marquent les autres par divers mouvements
de main : mais les Italiens frappent les deux premiers
,xiv. 2 i
322 FUG
de la mesure à trois , et lèvent le troisième ; ils frap-
pent de même les deux premiers de la mesure à qua-
tre, et lèvent les deux autres. Ces mouvements sont
plus simples et semblent plus commodes.
Fredon , s. m. Vieux mot qui signifie un passage ra-
pide et presque toujours diatonique de plusieurs no-
tes sur la même syllabe; c est à peu près ce que Ton a
depuis appelé roulade, avec cette différence que la
roulade dure davantage et s'écrit, au lieu que le fredon
n'est qu'une courte addition de goût, ou, comme on
disoit autrefois, une diminution que le chanteur fait
sur quelque note.
Fredonner, v. n. et a. F2iire des f redons. Ce mot est
vieux, et ne s'emploie plus qu'en dérision.
Fugue, s.f. Pièce ou morceau de musique où l'on
traite, selon certaines règles d'harmonie et démodu-
lation, un chant appelé sujet, en le faisant passer suc^
cessivement et alternativement d'une partie à une
autre.
Voici les principales régies de la fugue, dont les
unes lui sont propres , et les autres communes avec
l'imitation.
I. Le sujet procède de la tonique à la dominante,
ou de la dominante à la tonique, en montant ou en
descendant.
II. Toute fugue a sa réponse dans la partie qui suit
immédiatement celle qui a commencé.
III. Cette réponse doit rendre le sujet à la quarte
ou à la quinte , et par mouvement semblable, le plus
exactement qu'il est possible; procédant de la domi-
nante à la tonique, quand le sujet s'est annoncé de la
FUG 323
tonique à la dominante, et vice versa. Une partie peut
aussi reprendre le même sujet à l'octave ou à Tunisson
de la précédente; mais alors c'est répétition plutôt
qu'une véritable réponse.
IV. Comme l'octave se divise en deux parties iné-
gales, dont Tune comprend quatre degrés en montant
de la tonique à la dominante , et l'autre seulement
trois en continuant de monter de la dominante à la to-
nique, cela oblige d'avoir égard à cette différence dans
l'expression du sujet, et de fane quelque changement
dans la réponse, pour ne pas quitter les cordes essen-
tielles du mode. C'est autre chose quand on se pro-
pose de changer de ton ; alors l'exactitude même de la
réponse prise sur une autre corde produit les altéra-
tions propres à ce changement.
V. Il faut que la fugue soit dessinée de telle sorte
que la réponse puisse entrer avant la fin du premier
chant, afin qu on entende en partie l'une etlautre à-la-
fois, que par cette anticipation le sujet se lie pour
ainsi dire à lui-même , et que l'art du compositeur se
montre dans ce concours. C est se moquer que de don-
ner ^ouY fugue un chant qu'on ne fait que promener
d'une partie à l'autre, sans autre gêne que de l'accom-
pagner ensuite à sa volonté : cela mérite tout au plus
le nom d'imitation. (Voyez Imitation. )
Outre ces régies , qui sont fondamentales , pour
réussir dans ce genre de composition, il y en a d'au-
tres qui , pour n'être que de goût , n'en sont pas moins
essentielles, hes fugues, en général, rendent la musi-
que plus bruyante qu'agréable ; c'est pourquoi elles
conviennent mieux dans les chœurs que partout aii-
2 1
324 FUG
leurs. Or, comme leur principal mérite est de fixer
toujours Foreille sur le chant principal ou sujet , qu'on
fait pour cela passer incessamment de partie en par-
tie, et de modulation en modulation, le compositeur
doit mettre tous ses soins à rendre toujours ce chant
bien distinct, ou à empêcher qu'il ne soit étouffé ou
confondu parmi les autres parties. Il y a pour cela
deux moyens. L'un, dans le mouvement qu'il faut
sans cesse contraster : de sorte que, si la marche de la
fugue est précipitée , les autres parties procèdent po-
sément par des notes longues; et, au contraire, si la
fugue marche gravement, que les accompagnements
travaillent davantage. Le second moyen est d'écarter
l'harmonie, de peur que les autres parties, s'appro-
chant trop de celle qui chante le sujet, ne se confon-
dent avec elle , et ne rempôchent de se faire entendre
assez nettement; en sorte que ce qui seroit un vice
partout ailleurs devient ici une beauté.
Unité de mélodie; voilà la grande régie commune
qu'il fout souvent pratiquer par des moyens diffé-
rents. Il faut choisir les accords, les intervalles , afin
qu'un certain son , et non pas un autre , fasse l'effet
principal : unité de mélodie.
Il faut quelquefois mettre en jeu des instruments
ou des voix d'espèce différente, afin que la partie qui
doit dominer se distingue plus aisément : unité de mé-
lodie. Une autre attention non moim; nécessaire est,
dans les divers enchaînements de modulations qu'a-
mène la marche et le progrès de la fugue, de faire que
toutes ces modulations se correspondent à-la-fois dans
toutes les parties, de lier le tout dans son progrès par
FUS 325
une exacte conformité de ton, de peur qu'une partie
étant dans un ton et Tautre dans un autre , l'harmonie
entière ne soit dans aucun , et ne présente plus d'effet
simple à l'oreille, ni d'idée simple à l'esprit : unité de
imlodie. En un mot, dans ioute fugue ^ la confusion de
mélodie et de modulation est en même temps ce qu'il
y a de plus à craindre et de plus difficile a éviter; et le
plaisir que donne ce genre de musique étant toujours
médiocre , on peut dire qu'une heWe fugue est l'inprat
chef-d'œuvre d'un bon harmoniste.
Il y a encore plusieurs autres manières àe fugues;
comme les fugues perpétuelles ^ appelées canons , les dou-
bles fugues , les contre fugues , ou fugues renversées , qu'on
peut voir chacune à son mot , et qui sei-vent plus à
étaler l'art des compositeurs qu'à flatter l'oreille des
écoutants.
Fugue, du latin fuga , fuite ; parceque les parties,
partant ainsi successivement , semblent se fuir et se
poursuivre l'une l'autre.
Fugue RENVERSÉE. C'est une fugue dont la réponse
se fait par mouvement contraire à celui du sujet.
(Voyez Contre-fugue. )
Fusée, s.f Trait rapide et continu qui monte ou
descend pour joindre diatoniquement deux notes à
un grand intervalle l'une de l'autre. (Voyez PL C,
figure 4.) A moins que la fusée ne soit notée, il faut ,
pour l'exécuter , qu'une des deux notes extrêmes ait
une durée sur laquelle on puisse passer la fusée sans
altérer la mesure.
26 GAM
G.
G re sol, G sol re ut ^ ou simplement G. Cinquième
son de la gamme diatonique, lequel s'appelle autre-
ment so/. (Voyez Gamme.)
C'est aussi le nom de la plus haute des trois clefs de
la musique. (Voyez Clef.)
Gai, adv. Ce mot, écrit au-dessus d'un air ou d'un
morceau de musique , indique un mouvement moyen
entre le vite et le modéré ; il répond au mot italien al-
legro^ employé pour le même usage. (Voyez Allegro.)
Ce mot peut s'entendre aussi du caractère d'une
musique, indépendamment du mouvement.
Gaillarde, s.f. Air à trois temps gais d'une danse
de même nom. On la nommoit autrefois rornanesque ^
parcequ'elle nous est, dit-on, venue de Rome, ou du
moins d'Italie.
Cette danse est hors d'usage depuis long-temps. Il
en est resté seulement un pas appelé, pas de gaillarde.
Gamme, gamm'ut, ou gamma-ut. Table ou échelle
inventée par Gui Arétin, sur laquelle on apprend à
nommer et entonner juste les degrés de l'octave par
les six notes de musique, ut re mi fa sol la^ suivant
toutes les dispositions qu'on peut leur donner; ce qui
s'appelle solfier. (Voyez ce mot.)
Ij3l gamme a aussi été nommée tnain harmonique^
parceque Gui employa d'abord la figure d'une main ,
sur les doigts de laquelle il rangea ses notes , pour
montrer les rapports de ses hexacordes avec les cinq
tétracordes des Grecs. Cette main a été en usage pour
G A iM J 2 7
apprendre à iioininer les notes jusqu'à Tinvention du
si qui a aboli chez nous les muances , et par consé-
quent la main harmonique qui sert à le$ expliquer.
Gui Arétin , ayant , selon Topinion commune ,
ajouté au diagramme des Grecs un tétracorde à Faigu ,
et une corde au grave, ou plutôt, selon Meibomius,
ayant, par ces additions, rétabli ce diagramme dans
son ancienne étendue , il appela cette corde grave hy-
poproslambanoiiiénos , et la marqua par le r des Grecs ;
et comme cette lettre se trouva ainsi à la tête de
Téchelle, en plaçant dans le haut les sons graves, se-
lon la méthode des anciens, elle a fait donner à cette
échelle le nom barbare de gamme.
Cette g atnme donc, dans toute son étendue, étoit
composée de vingt cordes ou notes, c'est-à-dire de
deux octaves et d'une sixte majeure. Ces cordes étoient
représentées par des lettres et par des syllabes. Les
lettres désignoient invariablement chacune une corde
déterminée de l'échelle, comme elles font encore au-
jourd'hui; mais comme il n'y avoit d'abord que six
lettres, enfin que sept, et qu'il falloit recommencer
d'octave en octave, on distinguoit ces octaves par les
figures des lettres. La première octave se marquoit
par des lettres capitales de cette manière: r.A.B.,etc. ;
la seconde, par des caractères courants g. a. b.; et
pour la sixte surnuméraire, on employoit des lettres
doubles, gg, aa. bb.^ etc.
Quant aux syllabes , elles ne représentoient que les
noms qu'il falloit donner aux notes en les chantant.
Or, comme il n'y avoit que six noms pour sept notes ,
c'étoit une nécessité qu'au moins un même nom fût
338 GAM
donné à deux différentes notes; ce qui se fit de ma-
nière que ces deux notes mi fa ou lafa^ tombassent
sur les semi-tons : par conséquent , dès qu'il se présen-
toit un dièse ou un bémol qui amenoit un nouveau
semi-ton , c'étoient encore des noms à cbanger ; ce qui
faisoit donner le même nom à différentes notes , et
différents noms à la même note, selon le progrès du
chant ; et ces changements de noms s'appeloient
muances.
On apprenoit donc ces muances par la gamme. A la
gauche de chaque degré on voyoit une lettre qui indi-
quoit la corde précise appartenant à ce degré; à la
droite, dans les cases, on trouyoit les différents noms
que cette même note devoit porter en montant ou en
descendant par bécarre ou par bémol , selon le progrès .
Les difficultés de cette méthode ont fait faire en
divers temps plusieurs changements à la gamme. La
figure i o,P/. A, représente cette gamme telle qu'elle est
actuellement usitée en Italie. C'est à peu près la mênie
chose en Espagne et en Portugal , si ce n'est qu'on
trouve quelquefois à la dernière place la colonne du
bécarre, qui est ici la première , ou quelque autre dif-
férence aussi peu importante.
Pour se servir de cette échelle, si l'on veut chanter
au naturel , on applique m£ à F de la première colonne ,
le long de laquelle on monte jusqu'au /a; après quoi,
passant à droite dans la colonne du h naturel, on
îiomme^; on monte au la de la même colonne, puis
on retourne dans la précédente à m«, et ainsi de suite ;
ou bien on peut commencer par ut au C de la seconde
colonne; ariivé au /«, passer à /?i/ dans la première
GAM 329
colonne , pnis repasser dans l'autre colonne au fa.
Vdv ce moyen Tune de ces transitions forme toujours
un semi-ton, savoir lafa\ et l'autre toujours un ton ,
savoir, la mi. Par bémol, on peut commencera Xut
en c ou/", et faire les transitions de la même ma-
nière, etc.
En descendant par bécarre on quitte \ut de la co-
lonne du milieu pour passer au mi de celle par bé-
carre , ou ^nfa de celle par bémol ; puis descendant j us-
qu'à Y ut de cette nouvelle colonne, on en sort par^u
de gauche à droite , par mi de droite à (jauche , etc.
Les Anglois n'emploient pas toutes ces syllabes ,
mais seulement les quatre premières, ^it re mi fa ,
changeant ainsi de colonne de quatre en quatre notes ,
ou de trois en trois par une méthode semblable à celle
que je viens d'expliquer , si ce n'est qu'au lieu de la fa
et de la mi., il faut muer par^w id^ et par mi ut.
Les Allemands n'ont point d'autre giamme que les
lettres initiales qui marquent les sons fixes dans les
autres gammes., et ils solfient même avec ces lettres de
la manière qu'on pourra voir au mot Solfier.
La gamme françoise, autrement ôÀie^amme du s«,
lève les embarras de toutes ces transitions. Elle con-
siste en une simple échelle de six degrés sur deux co-
lonnes , outre celle des lettres. (Voyez Planche A ,
fig. II .) La première colonne à gauche est pour chanter
par bémol, c'est-à-dire avec un bémol à la clef; la se-
conde, pour chanter au naturel. Voilà tout le mys-
tère de la gamme françoise, qui n'a guère plus de dif-
ficulté que d'utilité, attendu que toute autre altération
qu'un bémol la met à l'instant hors d'usage. Les au-
33o GKN
très gammes n ont par-dessus celle-là que Tavanta^o
d'avoir aussi une colonne pour le bécarre, c'est-à-dire
pour un dièse à la clef; mais sitôt qu'on y met plus
d'un dièse ou d'un bémol (ce qui ne se faisoit jamais
autrefois), toutes ces gammes sont également inutiles.
Aujourd'hui que les musiciens françois chantent tout
au naturel, ils n'ont que faire de gamme. C sol ut, ut ,
et C , ne sont pour eux que la même chose. Mais , dans
le système de (rui , ut est une chose, et C en est une
autre fort différente ; et quand il a donné à chaque note
une syllabe et une lettre, il n'a pas prétendu en faire
des synonymes; ce qui eût été doubler inutilement les
noms et les embarras.
Gavotte, s. f. Sorte de danse dont l'air est à deux
temps, et se coupe en deux reprises, dont chacune
commence avec le second temps et finit sur le pre-
m^ier. Le mouvement de la gavotte est ordinairement
gracieux, souvent gai, quelquefois aussi tendre et
lent. Elle marque ses phrases et ses repos de deux en
deux mesures.
Génie, s. m. Ne cherche point , jeune artiste, ce que
c'est que \e*génie. En as-tu, tu le sens en toi-même.
N'en as-tu pas, tu ne le connoîtras jamais. Le génie du
musicien soumet l'univers entier à son ait; il peint
tous les tableaux par des sons; il fait parler le silence
même ; il rend les idées par des sentiments , les senti-
ments par des accents ; et les passions qu'il exprime,
il les excite au fond des cœurs: la volupté, par lui,
prend de nouveaux charmes ; la douleur qu'il fait gé-
mir aj-rache des cris; il brûle sans cesse, et ne se con-
sume jamais : il exprime avec chaleur les frimas et
GEN 33l
les {places ; même en peignant les horreurs de la moit ,
il porte dans Tame ce sentiment de vie qui ne Taban-
donne point, et qu'il communique aux cœurs faits
pour le sentir : mais , hclas ! il ne sait rien dire à ceux
où son germe n'est pas , et ses prodiges sont peu sen-
sibles à qui ne les peut imiter. Veux- tu donc savoir si
quelque étincelle de ce feu dévorant faiïîme; cours ,
vole à Naples écouter les chefs-d'œuvre de Léo , de
Durante^ de Jomelli, de Pergolèse. Si tes yeux s'emplis-
sent de larmes, si tu sens ton cœur palpiter, si des
tressaillements t'agitent, si l'oppression te suffoque
dans tes transports, prends le Métastase et travaille;
son génie échauffera le tien , tu créeras à son exemple :
c'est là ce que fait le génie , et d'autres yeux te ren-
dront bientôt les pleurs que les maîtres t'ont fait
verser. Mais si les charmes de ce grand art te laissent
tranquille, si tu n'as ni délire ni ravissement, si tu ne
trouves que beau ce qui transporte, oses-tu demander
ce qu'est le ^e/zî'e? homme vulgaire, ne profane point
ce nom sublime. Que t'importeroit de le connoître?
tu ne saurois le sentir : fais de la musique françoise.
Geisre, s. m. Division et disposition du tétracorde,
considéré dans'les intervalles des quatre sons qui le
composent. On conçoit que cette définition, qui est
celle d'Euclide , n'est applicable qu'à la musique grec-
que, dont j'ai à parler en premier lieu.
La bonne constitution de l'accord du tétracorde,
c'est-à-dire l'établissement d'un getire régulic^r, dé-
pendoit des trois régies suivantes, que je tire d'Aris-
toxène.
La première étoit que les deux cordes extrêmes, du
332 GEN
tétracorde dévoient toujours rester immobiles, afiu
que leur intervalle fût toujours celui d'une quarte juste
ou du diatessaron. Quant aux deux cordes moyennes,
elles varioient à la vérité ; mais l'intervalle du lichanos
à la mèse ne devoit jamais passer deux tons, ni dimi-
nuer au-delà d un ton^ de sorte qu'on a voit précisé-
ment l'espace d'un ton pour varier l'accord du licha-
nos : et c'est la seconde régie. La troisième étoit que
l'intervalle de la parhypate , ou seconde corde à Tliy-
pate, n'excédât jamais celui de la même parhypate
au lichanos.
Comme en général cet accord pouvoit se diversi-
fier jde trois façons, cela constituoit trois principaux
genres; savoir, le diatonique, le chromatique, et l'en-
harmonique. Ces deux derniers genres, où les deux
premiers intervalles faisoient toujours ensemble une
somme moindre que le troisième intervalle , s'ap-
peloient, à cause de cela , genres épais ou serrés. (Voyez
Epais. )
Dans le diatonique, la modulation procédoit par
un semi-ton, un ton^ et un autre ton, si ut re mi; et
comme on y passoit par deux tons consécutifs, de là
lui venoit le nom de diatonique. Le chromatique pro-
cédoit successivement par deux semi-tons et un hémi-
diton ou une tierce mineure, si, ut, ut dièse, mi ; cette
modulation tenoit le milieu entre celles du diatoni-
que et de l'enharmonique, y faisant, pour ainsi dire,
sentir diverses nuances de sons, de même qu'en-
tre deux couleurs principales on introduit plusieurs
jfiuances intermédiaires; et de là vient qu'on appeloit
Ce genre chromatique ou coloré. Dans Fenharmoni-
GEN 333
que, la modulation procédoit par deux quarts de ton ,
en divisant, selon la doctrine d'Aristoxène, le semi-
ton majeur en deux parties égales, et un diton ou une
tierce majeure, comme si^ si àièse enharmonique, ut^
et mi; ou bien, selon les pythagoriciens, en divisant
le semi-ton majeur en deux intervalles inégaux, qui
formoient, Tun le semi-ton mineur, c'est-à-dire notre
dièse ordinaire, et l autre le complément de ce même
semi-ton mineur au semi-ton majeur, et ensuite le
diton, comme ci-devant, si^ si dièse ordinaire, ut, mi.
Dans le premier cas, les deux intervalles égaux du si
à l'it^étoient tous deux enharmoniques ou d'un quart
de ton; dans le second cas, il n'y avoit d'enharmoni-
que que le passage du si dièse à Y ut, c'est-à-dire la dif-
férence du semi-ton mineur au semi-ton majeur, la-
quelle est le dièse appelé de Pythagore, et le véritable
intervalle enharmonique donné par la nature.
Comme donc cette modulation, dit M. Burette, se
tenoit d'abord très serrée , ne parcourant que de petits
intervalles, des intervalles presque insensibles, on la
nommoit enharmonique, comme qui diroit bien jointe ^
bien assemblée , probe coagmentata.
Outre ces genres principaux, il y en avoit d'autres
qui résultoient tous des divers partages du tétracorde,
ou de façons de l'accorder différentes de celles dont
je viens de parler. Aristoxène subdivise le genre diato-
nique en syntonique et diatonique mol. (Voyez Diato-
nique), et le geni^e chromatique en mol, hémolien et
tonique (voy«z Chromatique), dont il donne les dif-
férences comme je les rapporte à leurs articles. Aris-
tide Quintilien fait mention de plusieurs amtres genrefi
334 GEN
particuliers , et il en compte six qu'il donne pour
très anciens; savoir, le lydien, le dorien, le phry-
gien, Fionien, le myxolidien, et le syntonolydien. Ces
six genres, qu il ne faut pas confondre avec les tons ou
modes de mêmes noms, différoient par leurs degrés
ainsi que par leur accord; les uns n'arrivoient pas
à Toctave, les autres Fatteignoient, les autres la pas-
soient; en sorte qu'ils participoient à-la fois du genre
et du mode. On en peut voir le détail dans le Musi-
cien grec.
En général le diatonique se divise en autant d'es-
pèces qu'on peut assigner d'intervalles différents entre
le semi-ton et le ton;
Le chromatique . en autant d'espèces qu'on peut
assigner d'intervalles entre le semi-ton et le dièse en-
harmonique. \
Quant à l'enharmonique, il ne se subdivise point.
Indépendamment de toutes ces subdivisions , il y
avoit encore un genre commun dans lequel on n'em-
ployoit que des sons stables qui appartiennent à tous
les genres , et un genre mixte qui participoit du carac-
tère de deux genres ou de tous les trois. Or, il faut bien
remarquer que dans ce mélange àes genres , qui étoit
très rare, on n'employoit pas pour cela plus de quatre
cordes , mais on les tendoit ou relâchoit diversement
durant une même pièce; ce qui ne paroît pas trop
facile à pratiquer. Je soupçonne que peut-être un
tétracorde étoit accordé dans un genre, et un autre
dans un autre; mais les auteurs ne s'expliquent pas
clairement là-dessus.
On lit dans Aristoxène ( Liv. i , Part. II) que, jus-
GEN 335
qu au temps d'Alexandre , le diatonique et le chroma-
tique étoient négliges des anciens musiciens, et qu'ils
ne s'exerçoient que dans le gem^e enharmonique,
comme le seul digne de leur habileté; mais ce genre
étoit entièrement abandonné du temps de Plutar-
que, et le chromatique aussi fut oublié, même avant
Macrobe.
L'étude des écrits des anciens , plus que le progrès
de notre musique, nous a rendu ces idées perdues
chez leurs successeurs. Nous avons comme eux le
genre diatonique, le chromatique, et renharmonique,
mais sans aucunes divisions, et nous considérons ces
genres sous des idées fort différentes de celles qu'ils
en avoient; c'étoient pour eux autant de manières
particulières de conduire le chant surcertaines cordes
prescrites : pour nous, ce sont autant de manières de
conduire le corps entier de l'harmonie, qui forcent
les parties à suivre les intervalles prescrits par ces
genres : de sorte que le genre appartient encore plus à
Iharmonie qui l'engendre, qu'à la mélodie qui le fait
sentir.
Il faut encore observer que, dans notre musique,
les genres sont presque toujours mixtes, c'est-à-dire
que le diatonique entre pour beaucoup dans le chro-
matique, et que l'un et l'autre sont nécessairement
mêlés à l'enharmonique. Une pièce de musique tout
entière dans un seul genre seroit très difficile à con-
duire et ne seroit pas supportable; car dans le diato-
nique, il seroit impossible de changer de ton; dans le
chromatique, on seroit forcé de changer de ton à
chaque note; et dans l'enharmonique il n'y auroit ah-
336 Gou
solument aucune sorte de liaison. Tout cela vient
encore des régies de l'harmonie, qui assujettissent la
succession des accords à certaines régies incompati-
bles avec une continuelle succession enharmonique
ou chromatique ) et aussi de celles de la mélodie, qui
n en sauroit tirer de beaux chants. Il n'en étoit pas de
même des genres des anciens : comme les tétracordes
étoient également complets, quoique divisés diffé-
remment dans chacun des trois systèmes, si dans la
mélodie ordinaire un genre eût emprunté d'un autre
d'autres sons que ceux qui se trouvoient nécessaire-
ment communs entre eux , le tétracorde auix)it eu plus
de quatre cordes, et toutes les régies de leur musique
auroient été confondues.
M. Serre, de Genève, a fait la distinction d'un
quatrième genre ^ duquel j'ai parlé dans son article.
(Voyez DiACOMMATIQUE. )
Gigue, s.f. Air d'une danse de même nom, dont la
mesure est à six-huit et d'un mouvement assez gai.
Les opéra françois contiennent beaucoup de gigues j
et les gigues de Corelli ont été long-temps célèbres :
mais ces airs sont entièrement passés de mode; on
n'en faitphis du tout en Italie, et l'on n'en fait plus
guère en France.
GouT, 5. m. De tous les dons naturels le goût est
celui qui se sent le mieux et qui s'explique le moins :
il ne seroit pas ce qu'il est, si l'on pouvoit le définir,
car il juge des objets sur lesquels le jugement n'a plus
de prise, et sert, si j'ose parler ainsi, de lunette à la
raison.
Il y a, dans la mélodie, des chants plus agréables
{
GOU 337
que d'autres , quoique également bien modulés ; il y a ,
dans l'harmonie, des choses d'elCet et des choses sans
effet , toutes également régulières 5 il y a dans Fentre-
lacement des morceaux un ai^t exquis de faire valoir
les uns par les autres, qui tient à quelque chose dû
plus fm que la loi des contrastes ; il y a dans l'exécu-
tion du même morceau des manières différentes de
le rendre, sans jamais sortir de son caractère : de ces
manières , les unes plaisent plus que les autres , et loin
de les pouvoir soumettre aux régies, on ne peut pas
même les déterminer. Lecteur, rendez-moi raison de
ces différences, et je vous dirai ce que c'est que le
goût.
Chaque homme a un goût particulier par lequel ii
donne aux choses qu'il appelle belles et bonnes un
ordre qui n'appartient qu'à lui. L'un est plus touché
des morceaux pathétiques ; l'autre aime mieux^les airs
gais : une voix douce et flexible chargera ses chants
d'ornements agréables; une voix sensible et forte ani^
mera les siens des accents de la passion : l'un cher-
chera la simplicité dans la mélodie ; l'autre fera cas des
traits recherchés : et tous deux appelleront élégance
le goût qu'ils auront préféré. Cette diversité vient ,
tantôt de la différente disposition des organes, dont le
goût enseigne à tirer parti, tantôt du caractère parti-
culier de chaque homme , qui le rend plus sensible à
un plaisir ou à un défaut qu'à un autre, tantôt de la
diversité d'âge ou de sexe, qui tourne les désirs vers
des objets différents; dans tous ces cas, chacun»
n'ayant que son goût k opposer à celui d'un autre, il
est évident qu'il n'en faut point disputer.
XIV. 22
338 Gou
Mais il y a aussi un goût général sur lequel tous les
gens bien organisés s'accordent; et c'est celui-ci
seulement auquel on peut donner absolument le nom
de goût. Faites entendre un concert à des oreilles suf-
fisamment exercées et à des hommes suffisamment
instruits , le plus grand nombre s'accordera , pour
l'ordinaire, sur le jugement des morceaux et sur
Tordre de préférence qui leur convient. Demandez à
chacun raison de son jugement; il y a des choses sur
lesquelles ils la rendront d'un avis presque unanime :
ces choses sont celles qui se trouvent soumises aux ré-
gies; et ce jugement commun est alors celui de l'artiste
ou duconnoisseur : mais de ces choses qu'ils s'accor-
dent à trouver bonnes ou mauvaises , il y en a sur les-
quelles ils ne pourront autoriser leur jugement par
aucune raison solide et commune à tous ; et ce dernier
jugement appartient à l'homme de goût. Que si l'una-
nimité parfaite ne s'y trouve pas, c'est que tous ne
sont pas également bien organisés , que tous ne sont
pas gens de goût^ et que les préjugés de l'habitude ou
de l'éducation changent souvent, par des conventions
arbitraires, l'ordre des beautés naturelles. Quant à
ce goût^ on en peut disputer, parcéqu'il n'y en a qu'un
qui soit le vrai : mais je ne vois guère d'autre moyen
de terminer la dispute que celui de compter les voix,
quand on ne convient pas même de celle de la nature.
Voilà donc ce qui doit décider de la préférence entre
la musique françoise et Titalienne.
♦ Au reste, le génie crée, mais le goût choisit; et sou-
vent un génie trop abondant a besoin d'un censeur
sévère qui l'empêche d'abuser de ses richesses. Sans
GRA 339
goût on peut faire de grandes choses ; mais c'est lui
qui les rend intéressantes. C'est le goût qui fait saisir
au compositeur les idées du poète ; c'est le goût qui
fait saisira l'exécutant les idées du compositeur; c'est
le goût qui fournit à l'un et à l'autre tout ce qui peut
orner et faire valoir leur sujet ; et c'est le goût qui donne
à l'auditeur le sentiment de toutes ces convenances;
Cependant le goût n'est point la sensibilité : on peut
avoir beaucoup de goût avec une ame froide ; et tel
homme transporté des choses vraiment passionnées
est peu touché des gracieuses. Il semble que le goût
s'attache plus volontiers aux petites expressions, et
la sensibilité aux grandes.
GouT-DU-CHAiNT. C'cst aiusi qu'on appelle en France
l'art de chanter ou de jouer les notes avec les agré-
ments qui leur conviennent, pour couvrir un peu la
fadeur du chant françois. On trouve à Paris plusieurs
maîtres de goût-de-chant ^ et ce goût a plusieurs termes
qui lui sont propres ; on trouvera les principaux au
mot Agréments.
Le goût-du-chant consiste aussi beaucoup à donner
artificiellement à la voix du chanteur le timbre , bon
ou mauvais , de quelque acteur ou actrice à la mode ;
tantôt il consiste à nasillonner, tantôt à canarder,
tantôt à chevrotter, tantôt à glapir : mais tout cela
sont des grâces passagères qui changent sans cesse
avec leurs auteurs.
Grave ou Gravement. Adverbe qui marque lenteur
dans le mouvement, et de plus une certaine gravité
dans l'exécution.
Grave, acj/'. est opposé à aigu. Plus les vibrations
22.
34o GUI
Gu corps sonore sont lentes, plus le son est grave.
(Voyez Son, Gravité.)
Gravité, s.f. C'est cette modification du son par
laquelle on le considère comme grave ou bas par rap-
port à d'autres sons qu'on appelle hauts ou aigus. Il
n y a point dans la langue françoise de corrélatif à ce
mot ; car celui d'acuité n'a pu passer.
1j?l gravité des sons dépend de la grosseur, longueur,
tension des cordes, de la longueur et du diamètre des
tuyaux, et en général du volume et de la masse des
corps sonores; plus ils ont de tout cela, plus leur
gravité est grande : mais il n'y a point de gravité ab-
solue , et nul son n est grave ou aigu que par com-
paraison.
Gros-fa. Certaines vieilles musiques d'église, en
notes carrées , rondes, ou blanches, s'appeloient jadis
du gros-fa.
Groupe, s. m. Selon l'abbé Brossard, quatre notes
égales et diatoniques, dont la première et la troisième
sont sur le même degré, forment un groupe. Quand
la deuxième descend et que la quatrième monte, c'est
groupe ascendant; quand la deuxième monte et que la
quatrième descend, c est groupe descendant: et il ajoute
que ce nom a été donné à ces notes à cause de la figure
qu'elles forment ensemble.
Je ne me souviens pas d'avoir jamais ouï employer
ce mot, en parlant, dans le sens que lui donne l'abbé
Brossard, ni même de l'avoir lu dans le même sens
ailleurs que dans son dictionnaire.
Guide , s. f. C'est la partie qui entre la première
dans une fugue et annonce le sujet. (Voyez Fugue. )
HAR 34 J
Ce mot, commun en Ilaiie, est peu usité en France
dans le même sens.
Guidon, s. m. Petit sl.jjne de musique, lequel se
met à l'extrémité de chaque portée sur le degré où
sera placée la note qui doit commencer la portée sui-
vante : si cette première note est accompagnée acci-
dentellement d'un dièse , d'un bémol , ou d'un bécarre ,
il convient d'en accompagner aussi le guidon.
On ne se sert plus de giiidons en Italie, surtout
dans les partitions, où chaque portée ayant toujoius
dans l'accolade sa place fixe, on ne sauroit guère se
tromper en passant de l'une à l'autre. Mais les guidons
sont nécessaires dans les partitions françoises, parce-
que, d'une ligne à l'autre, les accolades embrassant
plus ou moins de portées , vous laissent dans une con-
tinuelle incertitude de la portée correspondante à
celle que vous avez quittée.
Gymnopédie, s.f. Air ou nome sur lequel dansoient
à nu les jeunes Lacédémoniennes.
H.
Harmatias. Nom d'un nome dactylique de la
musique grecque, inventé par le premier Olympe,
phrygien.
Harmonie, s.f. Le sens que donnoient les Grecs h
ce mot dans leur musique est d'autant moins facile à
déterminer, qu'étant originairement un nom propre,
il n'a point de racines par lesquelles on puisse le dé-
composer pour en tirer l'étymologie. Dans les anciens
traités qui nous restent , V harmonie ipsiroii être la partie
342 HAR
qui a pour objet la succession convenable des sons,
entant qu'ils sont aigus ou graves, par opposition
aux deux autres parties appelées rhythmica et metrica,
qui se rapportent au temps et à la mesure; ce qui
laisse à cette convenance une idée vague et indéter-
minée qu'on ne peut fixer que par une étude expresse
de toutes les règles de l'art; et encore, "après cela,
^ Y harmonie sera-t-elle fort difficile à distinguer de la
mélodie , à moins qu'on n'ajoute à cette dernière les
idées de rhythme et de mesure, sans lesquelles, en
effet , nulle mélodie ne peut avoir un caractère déter-
miné ; au lieu que V harmonie a le sien par elle-même
indépendamment de toute autre quantité. (Voyez
Mélodie.)
On voit, par un passage de Nicomaque et par
d'autres, qu'ils donnoient aussi quelquefois le nom
d'harmonie à la consonnance de l'octave, et aux con-
certs de voix et d'instruments qui s'exécutoient à
î'octave, et qu'ils appeloient plus communément «:/«-
tiphonies.
Harmonie, selon les modernes, est une succession
d'accords selon les lois de la modulation. Long-temps
cette harmonie n'eut d'autres principes que des régies
presque arbitraires ou fondées uniquement sur l'ap-
probation d'une oreille exercée , qui jugeoit de la
bonne ou mauvaise succession des consonnances, et
dont on mettoit ensuite les décisions en calcul. Mais
le P. Mersenne et M. Sauveur ayant trouvé que tout
, son, bien que simple en apparence , étoit toujours
accompagné d'autres sons moins sensibles qui for-
moient avec lui l'accord parfait mnjeur, M. Rameau
est parti de cette expérience, et en a fait la base de
son système harmonique, dont il a rempli beaucoup
de livres, et qu enfin M. d'Alembert a pris la peine
d'expliquer au public.
M. Tartini, partant d'une aulre expérience plus
neuve, plus délicate, et non moins certaine, est par-
venu à des conclusions assez semblables par un che-
min tout opposé. M. Eameau fait engendrer les dessus
par la basse ; M. Tartini fait engendrer la basse par
les dessus : celui-ci tire \ harmonie de la mélodie , et
le premier fait tout le contraire. Pour décider de la-
quelle des deux écoles doivent sortir les meilleurs ou-
vrages, il ne faut que savoir lequel doit être fait pour
Tautre , du chant ou de Faccompagnement. On trou-
vera au mot Système un court exposé de celui de
M. Tartini. Je continue à parler ici dans celui de
M. Rameau, cjue j'ai suivi dans tout cet ouvrage,
comme le seul admis dans le pays où j'écris.
Je dois pourtant déclarer que ce système, quelque
ingénieux qu'il soit, n'est rien moins que fondé sur la
nature, comme il le répète sans cesse; qu'il n'est éta-
bli que sur des analogies et des convenances qu'un
homme inventif peut renverser demain par d'autres
plus naturelles ; qu'enfin des expériences dont il le
déduit, l'une est reconnue fausse , et l'autre ne fournit
point les conséquences qu'il en tire. En effet, quand
cet auteur a voulu décorer du titre de dé nions Ira tion
les raisonnements sur lesquels il établit sa théorie ,
tout le monde s'est moqué de lui; l'académie a hau-
tement désapprouvé cette qualification obreptice; et
M. Estéve, de la société royale de Montpellier, lui a
344 HAR
fait voir qu'à commencer par cette proposition , que ,
dans la loi de la nature, les octaves des sons les repré-
sentent et peuvent se prendre pour eux, il n'y avoit
rien du tout qui fût démontré , ni même solidement
établi dans sa prétendue démonstration. Je reviens à
son système.
Le principe physique de la résonnance nous offre
les accords isolés et solitaires ; il n'en établit pas la
succession. Une succession régulière est pourtant né-
cessaire. Un dictionnaire de mots choisis n'est pas une
harangue, ni un recueil de bons accords une pièce de
musique : il faut un sens, il faut de la liaison dans la
piusique ainsi que dans le langage ; il faut que quel-
que chose de ce qui précède se transmette à ce qui
suit, pour que le tout fasse un ensemble etpuisse être
appelé véritablement un.
Or la sensation composée qui résulte d'un accord
parfait se résout dans la sensation absolue de chacun
des sons qui le composent, et dans la sensation com-
parée de chacun des intervalles que ces mêmes sons
forment entre eux : il n'y a rien au-delà de sensible
dans cet accord; d'où il suit que ce n'est que par le
rapport des sons et par l'analogie des intervalles qu'on
peut établir la liaison dont il s'agit, et c'est là le vrai
et Funique principe d'où découlent toutes les lois de
Y harmonie et de la modulation. Si donc toute \liar-
vionien étoit formée que par une succession d'accords
parfaits majeurs , il suffiroit d'y procéder par inter-
valles semblables à ceux qui composent un tel accord ;
car alors , quelque son de l'accord précédent se pro-
longeant nécessairement dans le suivant, tous les ac-
IIAR 345
cords se trouveroicnt suffisamment lies, et Y harmonie
seroit une au moins en ce sens.
Mais, outre que de telles successions excluroient
toute mélodie en excluant le genre diatonique qui en
fait la base, elles n'iroient point au vrai but de Fart;
puisque la musique, étant un discours, doit avoir
comme lui ses périodes, ses phrases, ses suspensions ,
ses repos, sa ponctuation de toute espèce, efc que
l'uniformité des marches harmoniques n'offriroit rien
de tout cela. Les. marches diatoniques exigeoient que
les accords majeurs et mineurs fussent entremêlés ,
et Ton a senti la nécessité des dissonances pour mar-
quer les phrases et les repos. Or, la succession liée
des accords parfaits majeurs ne donne ni Taccord
parfait mineur, ni la dissonance, ni aucune espèce
de phrase , et la ponctuation s'y trouve tout-à-fait en
défaut.
M. Rameau voulant absolument, dans son système,
tirer delà nature toute notre harmonie^ a eu recours
pour cet effet à une autre expérience de son invention ,
de laquelle j'ai parlé ci-devant, et qui est renversée
de la première : il a prétendu qu'un son quelconque
fournissoit dans ses multiples un accord parfait mi-
neur au grave, dont il étoit la dominante ou quinte,
comme il en fournit un majeur dans ses aliquotes,
dont il est la tonique ou fondamentale. Il a avancé,
c6tome un fait assuré , qu'une corde sonore faisoit vi-
brer dans leur totalité, sans pourtant les faire réson-
ner, deux autres cordes plus graves, l'une à sa dou-
zième majeure, et l'autre à. sa dix-septième; et de ce
fait, joint au précédent, il a déduit fort ingénieuse-
346 iiAîi
ment, non seulement lintioduction du mode mineur
et de la dissonance dans \ harmonie, mais les régies de
la phrase harmonique et de toute la modulation, telles
qu'on les trouve aux mots Accord, Accompagnement,
Basse-fondamentale, Cadence, Dissonance, Modu-
lation.
Mais premièrement l'expérience est fausse : il est
reconnu que les cordes accordées au-dessous du son
fondamental, ne frémissent point en entier à ce son
fondamental, mais qu'elles se divisent pour en ren-
dre seulement Funisson, lequel conséquemment n'a
point d'harmoniques en dessous : il est reconnu de
plus que la propriété qu'ont les cordes de se diviser
n'est point particulière à celles qui sont accordées à
la douzième et à la dix-septième en dessous du son
principal, mais qu'elle est commune à tous ses mul-
tiples; d'où il suit que, les intervalles de douzième et
de dix-septième en dessous n'étant pas uniques en
leur manière, on n'en peut rien conclure en faveur
de l'accord parfait mineur qu'ils représentent.
Quand on supposeroit la vérité de cette expérience,
cela ne léveroit pas à beaucoup près les difficultés.
Si, comme le prétend M. Rameau, toute Y harmonie
est dérivée de la résonnance du corps sonore , il n'en
dérive donc point des seules vibrations du corps so-
nore qui ne résonne pas. En effet, c'est une étrange
théorie de tirer de ce qui ne résonne pas les principes
de Yhormonie; et c'est une étrange physique de faire
vibrer et non résonner le corps sonore, comme si le
son lui-même étoit autre chose que l'air ébranlé par
ces vibrations. D'ailleurs le corps sonore ne donne
IIAR 347
pas seulement, outre le son principal, les sons qui
composent avec lui l'accord parfait, mais une infinité
d'autres sons , formes par toutes les aliquotes du corps
sonore, lesquels n'entrent point dans cet accord par-
fait. Pourquoi les premiers sont-ils consonnants , et
pourquoi les autres ne le sont-ils pas, puisqu'ils sont
tous également donnés parla nature?
Tout son donne un accord vraiment parfait, puis-
qu'il est formé de tous ses harmoniques, et que c'est
par eux qu'il est un son : cependant ces harmoniques
ne s'entendent pas, et l'on ne distingue qu'un son
simple, à moins qu'il ne soit extrêmement fort; d'où il
suit que la seule honne harmonie est l'unisson, et qu'aus-
sitôt qu'on distingue les consonnances, la proportion
naturelle étant altérée, \ harmonie a perdu sa pureté.
Cette altération se fait alors de deux manières.
Premièrement, en faisant sonner certains harmoni-
ques , et non pas les autres , on change le rapport de
force qui doit régner entre eux tous , pour produire la
sensation d'un son unique, et l'unité de la nature est
détruite. On produit, en doublant ces harmoniques ,
un effet semblable à celui qu'on produiroit en étouffant
tous les autres ; car alors il ne faut pas douter qu'avec
le son générateur on n'entendît ceux des harmoniques
qu'on auroit laissés ; au lieu qu'en les laissant tous ,
ils s'entre-détruisent , et concourent ensemble à pro-
duire et renforcer la sensation unique du son princi-
pal. C'est le même effet que donne le plein jeu de
l'orgue , lorsqu'ôtant successivement les registres ,
on laisse avec le principal la doublette et la quinte ;
car alors cette quinte et cette tierce, qui restoient
34S TÎAR
confondues, se distinguent séparément et désagréa-
blement.
De plus , les harmoniques qu'on fait sonner ont eux-
mêmes d'autres harmoniques, lesquels ne le sont pas
du son fondamental : c'est par ces harmoniques ajoutés
que celui qui les produit se distingue encore plus du-
rement; et ces mêmes harmoniques qui font ainsi sen-
tir l'accord n'entrent point dans son harmonie. Voilà
pourquoi les consonnances les plus parfaites déplai-
sent naturellement aux oreilles peu faites à les enten-
dre, et je ne doute pas que l'octave elle-même ne
déplût comme les autres , si le mélange des voix
d'hommes et de femmes n'en donnoit l'habitude dès
l'enfance.
C'est encore pis dans la dissonance, puisque, non
seulement les harmoniques du son qui la donnent,
mais ce son lui-même n entre point dans le système
harmonieux du son fondametital; ce qui fait que la dis-
sonance se distingue toujours d'une manière cho-
quante parmi tous les autres sons.
Chaque touche d'un orgue, dans le plein-jeu, donne
un accord parfait tierce majeure, qu'on ne distingue
pas du son fondamental , à moins qu'on ne soit d'une
attention extrême et qu'on ne tire successivement les
jeux; mais ces sons harmoniques ne se confondent
avec le principal qu'à la faveur du grand bruit et
d'un arrangement de registres par lequel les tuyaux
qui font résonner le son fondamental couvrent de leur
force ceux qui donnent ses harmoniques. Or , on
n'observe point et l'on ne sauroit observer cette pro-
portion continuelle dans un concert, puisque , attendu
IIAR 349
le renversement de Y /larmonie , il faudroit que cette
plus grande force passât à chaque instant d'une partie
à une antre; ce qui n'est pas praticable, et défigure-
roit toute la mélodie.
Quand on joue de l'orgue, chaque touche de la
basse fait sonner Taccord parfait majeur; mais parce-
que cette basse n'est pas toujours fondamentale, et
qu'on module souvent en accord parfait mineur, cet
accord parfait majeur est rarement celui que frappe
Ifi main droite ; de sorte qu'on entend la tierce mineure
avec la majeure , la quinte avec le triton , la septième
superflue avec l'octave, et mille autres cacophonies,
dont nos oreilles sont peu choquées , parceque l'habi-
tude les rend accommodantes ; mais il n'est point à
présumer qu'il en fût ainsi d'une oreille naturelle-
ment juste, et qu'on mettroitpour la première fois a
l'épreuve de cette harmonie'.
M. Rameau prétend que les dessus d'une certame
simplicité suggèrent naturellement leur basse , et
qu'un homme, ayant l'oreille juste et non exercée,
entonnera naturellement cette basse. C'est là un pré-
jugé de musicien démenti par toute expérience. Non
seulement celui qui n'aura jamais entendu ni basse ni
harmonie ne trouvera de lui-même ni cette harmonie
ni cette basse, mais elles lui déplairont si on les lui
fait entendre , et il aimera beaucoup mieux le simple
unisson.
Quand on songe que, de tous les peuples de la
terre, qui tous ont une musique et un chant, les Eu-
ropéens sont les seuls qui aient une hannonie, des ac-
cords, et qui trouvent ce mélange agréable; quand
35o HAK
on songe que le monde a duré tant de siècles ,^ans que ,
de toutes les nations qui ont cultivé les beaux-arts,
aucune ait connu cette harmonie; qu aucun animal,
qu'aucun oiseau , qu'aucun être dans la nature ne
produit d'autre accord que l'unisson, ni d'autre mu-
sique que la mélodie; que les langues orientales, si
sonores, si musicales; que les oreilles grecques, si dé-
licates, si sensibles, exercées avec tant d'art, n'ont ja-
mais guidé ces peuples voluptueux et passionnés vers
notre harmonie; que sans elle leur musique avoit des
effets si prodigieux; qu'avec elle la nôtre en a de si
foibles ; qu'enfin il étoit réservé à des peuples du
Nord, dont les organes durs et grossiers sont plus
touchés de l'éclat et du bruit des voix que de la douceur
des accents et de la mélodie des inflexions, de faire
cette grande découverte et de la donner pour principe
à toutes les régies de l'art; quand, dis-je, on fait at-
tention à tout cela , il est bien difficile de ne pas soup-
çonner que toute notre harmonie n'est qu'une inven-
tion gothique et barbare, dont nous ne nous fussions
jamais avisés si nous eussions été plus sensibles aux
véritables beautés de l'art et à la musique vraiment
naturelle.
M. Rameau prétend cependant que Yharmonie est
la source des plus grandes beautés de la musique ;
mais ce sentiment est contredit par les faits et par la
raison. Par les faits, puisque tous les grands effets
de la musique ont cessé, et qu'elle a perdu son éner-
gie et sa force depuis l'invention du contre-point :
à quoi j'ajoute que les beautés purement harmoniques
sont des beautés savantes, qui ne transportent que
HAR 35l
des gens versés dans Tait; au lieu que les véritables
beautés de la musique étant de la nature, sont et doi-
vent être également sensibles à tous les hommes sa
vants et ignorants.
Par la raison, puisque \ harmonie ne fournit au-
cun principe d'imitation par lequel la musique, for-
mant des images ou exprimant des sentiments, se
puisse élever au genre dramatique ou imitatif, qui est
la partie de l'art la plus noble, et la seulc^ énergique,
tout ce qui ne tient qu'au physique des sons étant
très borné dans le plaisir qu'il nous donne, et n'ayant
que très peu de pouvoir sur le cœur humain. (Voyez
Mélodie. )
Harmonie. Genre de musique. Les anciens ont sou-
vent donné ce nom au genre appelé plus communé-
ment ^ewre enharmonique. (Voyez Enharmonique. )
Harmonie directe, est celle où la basse est fonda-
mentale , et où les parties supérieures conservent
Tordre direct entre elles et avec cette basse. HIar-
MONiE renversée, cst ccllc OÙ le son générateur ou
fondamental est dans quelqu'une des parties supé-
rieures, et où quelque autre son de l'accord est trans-
porté à la basse au-dessous des autres. ( Voyez Direct,
Renversé. )
Harmonie figurée , est celle où l'on fait passer
plusieurs notes sur un accord. On figure Vharmonie
par degrés conjoints ou disjoints. Lorsqu'on figure
par degrés conjoints , on emploie nécessairement
d'autres notes que celles qui forment l'accord; des
notes qui ne sonnent point sur la basse, et sont comp-
tées pour rien dans Vharmonie : ces notes intermé-
352 HAU
diaires ne doivent pas se montrer au commencement
des temps , principalement des temps forts , si ce n est
comme coulés, ports-de-voix, ou lorsqu'on fait la pre-
mière note du temps brève pour appuyer la seconde.
Mais, quand on figure par degrés disjoints, on ne
peut absolument employer que les notes qui forment
Taccord, soit consonnant, soit dissonant, h'/iarmonie
se figure encore par des sons suspendus ou supposés.
(Voyez Supposition, Suspension.)
Harmonieux, adj. Tout ce qui fait de Teffet dans
riiarmonie, et même quelquefois tout ce qui est sonore
et remplit Foreille dans les voix, dans les instruments,
dans la simple mélodie.
Harmonique, adj. Ce qui appartient à riiarmonie,
comme les divisions harmoniques du monocorde, la
proportion harmonique , le canon harmonique, etc.
Harmoniques, s. des deux genres. On appelle ainsi
tous les sons concomitants ou accessoires qui , par le
principe de la résonnance , accompagnent un son
quelconque et le rendent appréciable : ainsi toutes les
aliquotes d'une corde sonore en donnent les harmoni-
ques. Ce mot s'emploie au masculin quand on sous-
entend le mot son^ et au féminin quand on sous-en-
tend le mot corde.
Sons harmoniques. (Voyez Son. )
Harmoniste, s. m. Musicien savant dans Tharmo-
nie ; Cest un bon harmoniste ; Durante est le plus grand
harmoniste de l'Italie, c est-à-dire du monde.
Harmonomètre ,s.m. Instrutnent propre à mesurer
les rapports harmoniques. Si Ton pouvoit observer et
suivre à Foreille et à l'œil les ventres, les nœuds , et
iiAU 353
toutes les divisions (Fune corde sonore en vibration ,
1 on auroit un harmonomèire naturel très exact ; mais
nos sens trop grossiers ne pouvant suffire à ces obser-
vations , on y supplée par un monocorde que Ton
divise à volonté par des chevalets mobiles ; et c'est le
meilleur harmonemètre naturel que Ton ait trouvé jus-
qu ici. ( Voyez Monocorde. )
Harpalice. sorte de chanson propre aux filles parmi
les anciens Grecs. (Voyez Chanson.)
Haut, adj. Ce mot signifie la même chose (\\xaigu^
et ce terme est opposé à bas. C'est ainsi qu'on dira que
le ton est trop haut^ qu'il faut monter l'instrument
plus haut^
Haut s'emploie aussi quelquefois improprement
lûouvfort: Chantez plus haut, on ne vous entend pas .
Les anciens donnoient à l'ordre des sons une déno-
mination tout opposée à la nôtre; ils plaçoient en haut
les sons graves, et en bas les sons aigus : ce qu'il im-
porte de remarquer pour entendre plusieurs de leurs
passages.
Haut est encore, dans celles des quatre parties de
la musique qui se subdivisent, Tépithéte qui distingue
la plus élevée ou la plus aiguë. Haute-contre, Haute-
taille, Haut-dessus. (Voyez ces mots.)
Haut-dessus, s. m. C'est, quand les dessus chan-
tants se subdivisent, la partie supérieure. Dans les
parties instrumentales on dit toujours premier dessus
et second dessus; mais dans le vocal on dit quelque-
fois haut-dessus et bas-dessus.
Haute-contre, Altus ou Contra. Celle des quatre
parties de là musique qui appartient aux voix d'homme
XIV. 9,3
356 HYP
tique, que celui-ci se rapporte plus communément
aux actions, et V hymne aux personnes. Les premiers
chants de toutes les nations ont été des cantiques ou
des hymnes. Orphée et Linus passoient, chez les
Grecs, pour auteurs des premières hymnes; et il nous
reste parmi les poésies d'Homère un recueil dliymnes
en 1 honneur des dieux.
Hypate, adj. Epithéte par laquelle les Grecs distin-
guoient le tétracorde le plus bas , et la plus basse
corde de chacun des deux plus bas tétracordes ; ce
qui pour eux étoit tout le contraire, car ils suivoient
dans leurs dénominations un ordre rétrograde au
nôtre, et plaçoient en haut le grave que nous pla-
çons en bas. Ce choix est arbitraire, puisque les idées
attachées aux mots aigu et gr^ave n'ont aucune liai-
son naturelle avec les idées attachées aux mots haut
et bas.
On appeloit donc tétracorde hypaton , ou des hypates ,
celui qui étoit le plus grave de tous et immédiatement
au-dessus de la proslambanomène ou plus basse corde
du modcj et la première corde du téti^acorde qui sui-
voit immédiatement celle-là s'appeloit hypate-hypaton ^
c'est-à-dire, comme le traduisoit les Latins, la. princi-
pale du tétracorde des principales. Le tétracorde im-
médiatement suivant du grave à l'aigu s'appeloit tétra-
corde-méson , ou des moyennes, et la plus grave corde
s'appeloit hypate-méson, c'ést-à-dire la principale des
moyennes.
Nicomaque le Géi asénien prétend que ce mot dVij-
pate, principale^ élevée ou suprême^ a été donné à la
plus grave des cordes du diapason par allusion à
ÎÏYP 357
Saturno, qui des sept planètes est la plus éloignée de
nous. On se doutera bien par là que ce INicoraaque
étoit pythagoricien.
Hypate-hypaton. C'étoit la plus basse corde du plus
bas tétracorde des Grecs- et d'un ton plus haut que la
proslambanoméne. (Voyez Farticle précédent.)
Hypate-méson. C'étoit la plus basse corde du second
tétracorde, laquelle étoit aussi la plus aiguë du pre-
mier, parcequeces deux tétracordesétoient conjoints.
(Voyez Hypate.)
Hypatoïdes. Sons graves. ( Voyez Lepsis. )
Hyperboléten, adj. Nome ou chant de même carac- -
tère que Thexarmonien. (Voyez Hexarmonien. )
Hyperboléon. Le tétracorde hyperboléon étohle plus
aigu des cinq tétracordes du système des Grecs.
Ce mot est le génitif du substantif pluriel vm^^ôlat,
sommets, extrémités ; les sons les plus aigus étant ^
Textrémité des autres.
Hyper-diXzeuxis. Disjonction de deux tétracordes
séparés par Tintervalle d'une octave , comme étoient
le tétracorde des hypates et celui des hyperbolées.
Hyper-dorien. Mode de la musique grecque, autre-
ment appelé mixo-lydien , duquel la fondamentale ou
tonique étoit une quarte au-dessus de celle du mode
dorien. ( Voyez Mode. )
On attribue à Py thoclide l'invention du mode hyper
dorien.
Hyper-éolien. Le pénultième à l'aigu des quinze
modes de la musique des Grecs, et duquel la fonda-
mentale ou tonique étoit une quarte au-dessus de
celle du mode éolien. ( Voyez Mode.)
356 HYP
tique, que celui-ci se rapporte plus communément
aux actions, etVhymne aux personnes. Les premiers
chants de toutes les nations ont été des cantiques ou
des hymnes. Orphée et Linus passoient, chez les
Grecs, pour auteurs des premières hymnes; et il nous
reste parmi les poésies d'Homère un recueil d hymnes
en 1 honneur des dieux.
Hypate, adj. Epithéte par laquelle les Grecs distin-
guoient le tétracorde le plus bas , et la plus basse
corde de chacun des deux plus bas tétracordes ; ce
qui pour eux étoit tout le contraire, car ils sui voient
dans leurs dénominations un ordre rétrograde au
nôtre, et plaçoient en haut le grave que nous pla-
çons en bas. Ce choix est arbitraire, puisque les idées
attachées aux mots aigu et grave n'ont aucune liai-
son naturelle avec les idées attachées aux mots haut
et bas.
On appeloit donc tétracorde hypaton, ou des hypates,
celui qui étoit le plus grave de tous et immédiatement
au-dessus de la proslambanomène ou plus basse corde
du mode^ et la première corde du tétracorde qui sui-
voit immédiatement celle-là s'appeloit hypate-hypaton ^
c'est-à-dire, comme le traduisoit les Latins, \?i princi-
pale du tétracorde des principales. Le tétracorde im-
médiatement suivant du grave à l'aigu s'appeloit tétra-
corde-méson , ou des moyennes, et la plus grave corde
s'appeloit hypate-méson^ c'ést-à-dire la principale des
moyennes.
Nicomaque le Géiasénien prétend que ce mot d'A/-
pate^ priiicipale^ élevée ou suprême^ a été donné à la
plus grave des cordes du diapason par allusion à
ITYP 357
Saturno, qui des sept planètes est la plus éloignée do
nous. On se doutera bien par là que ce INicomaque
étoit pythagoricien.
Hypate-iiypaton. C'étoit la plus basse corde du plus
bas tétracorde des Grecs; et d'un ton plus haut que la
proslambanoméne. (Voyez Farticle précédent.)
Hypate-méson. C'étoit la plus basse corde du second
tétracorde, laquelle étoit aussi la plus aiguë du pre-
mier, parcequeces deux tétracordesétoient conjoints.
(Voyez Hypate.)
Hypatoïdes. Sons graves. ( Voyez Lepsis. )
Hyperboléten, adj. Nome ou chant de même carac- -
tère que Thexarmonien. (Voyez Hexarmonien.)
Hyperboléon. Le tétracorde hypei^boléon étohle plus
aigu des cinq tétracordes du système des Grecs.
Ce mot est le génitif du substantif pluriel vm^^ôlat,
sommets, extrémités ; les sons les plus aigus étant ^
Textrémité des autres.
Hyper-di'azeuxis. Disjonction de deux tétracordes
séparés par Tintervalle d'une octave , comme étoient
le tétracorde des hypates et celui des hyperbolées.
Hyper-dorten. Mode de la musique grecque, autre-
ment appelé mixo-lydien , duquel la fondamentale ou
tonique étoit une quarte au-dessus de celle du mode
dorien. ( Voyez Mode. )
On attribue à Py thoclide l'invention du mode hyper
dorien.
Hyper-éolien. Le pénultième à l'aigu des quinze
modes de la musique des Grecs, et duquel la fonda-
mentale ou tonique étoit une quarte au-dessus de
celle du mode éolien. ( Voyez Mode.)
358 HYP
Le mode hyper-éolieri, non plus que riiyper-lydien
qui le suit, n'étoient pas si anciens que les autres :
Aristoxène n'en fait aucune mention; et Ptolémée,
qui n'en admettoit que sept, n'y comprenoit pas ces
deux-là.
Hyper-iastien, ou inixo-lydien aigu. C'est le nom
qu'Euclide et plusieurs anciens donnent au mode ap-
pelé plus communément hyper-ionien.
Hyper-ionien. Mode de la musique grecque, appelé
aussi par quelques uns liyper-iastien, ou niixo-lydiea
ai^M, lequel avoit sa fondamentale une quarte au-
dessus de celle du mode ionien. Le mode ionien est
le douzième en ordre du grave à Faigu, selon le dénom-
brement d'Alypius. (Voyez Mode.)
Hyper-lydien. Le plus aigu des quinze modes de la
musique des Grecs, duquel la fondamentale étoit une
quarte au-dessus de celle du mode lydien. Ce mode,
non plus que son voisin Fhyper-éoîien, n'étoit pas si
ancien que les treize autres; et Aristoxène, qui les
nomme tous, ne fait aucune mention de ces deux-là.
(Voyez Mode.)
Hyper-mixo-lydien. Un des modes de la musique
grecque, autrement appelé hyper-phrygien. (Voyez
ce mot.)
Hyper-phrygïen , appelé aussi par Euclidç hyper-
mixo-lydien, est le plus aigu des treize modes d' Aris-
toxène, faisant le diapason ou Toctave avec Ihypo-
dorien, le plus grave de tous. (Voyez Mode. )
Hypo-diazeuxis est, selon le vieux Bacchius, l'in-
tervalle de quinte qui se trouve entre deux tétracordes
séparés par une disjonction, et de plus par un troi-
IIYP 359
sicme tétracordc intermédiaire. Ainsi il y a hjpo-dia-
zeuxis entre les tctracordes hypatonetdiézeugménon ,
et entre les tétracordes synnéménon et hyperboléon.
( Voyez Téïracorde. )
Hypo-dorien. Le plus (jrave de tous les modes de
Tancienne musique. Euclide dit que c'est le plus
élevé; mais le vrai sens.de cette expression est expli-
qué au mot hypaic.
Le mode hypo-dorien a sa fondamentale une quarte
au-dessous de celle du mode dorien; il fut inventé,
dit-on, par Philoxène. Ce mode est affectueux, mais
(>ai, alliant la douceur à la majesté.
Hypo-éolîen. Mode de l'ancienne musique, appelé
aussi par Euclide liypo-lydien cjrave. Ce mode a sa fon-
damentale une qiiarte au-dessous de celle du mode
éolien. (Voyez Mode. )
Hypo-iastien. (Voyez Hypo-ionien. )
IIypo-ionien. Le second des modes de l'ancienne
musique, en commençant par le grave. Euclide l'ap-
pelle aussi hypo-iastien et hypo-phrygien grave. Sa fon-
damentale est une quarte au-dessous de celle du
mode ionien. (Voyez Mode.)
IIypo-lydien. Le cinquième mode de Tancienne
musique, en commençant par le grave. Euclide l'ap-
pelle aussi hypo-iastien et hypo-phrygien grave. Sa
fondamentale est une quarte au-dessous de celle du
mode lydien. (Voyez Mode.)
Euclide distingue deux modes hypo-lydiens ; savoir,
Taigu , qui est celui de cet article, et le grave, qui est
le même que l'hypo-éolien.
Le mode hypo-lydien ctoit propre aux chants fu-
36o HYP
nébres, aux méditations sublimes et divines : quel-
ques uns en attribuent Tinvention à Polymneste de
Colophon, d'autres à Damon FAthénien.
Hypo-mixo-lydiën. Mode ajouté par Gui d'Arezzo à
ceux de Fancienne musique : c'est proprement le pla-
gal du mode mixo-lydien , et sa fondamentale est la
même que celle du mode dorien. (Voyez IMode.)
Hypg-phrygien. Un des modes de Tancienne mu-
sique dérivé du mode phrygien, dont la fondamen-
tale étoit une quarte au-dessus de la sienne.
Euclide parle encore d'un autre mode liypo-phry-
gienau grave de celui-ci ; c'est celui qu'on appelle plus
correctement liypo-ionien. (Voyez ce mot.)
Le caractère du mode hypo-phrygien étoit calme,
paisible, et propre à tempérer la véhémence du phry-
gien : il fut inventé, dit-on, par Damon, l'ami de Py-
thias et l'élève de Socrate.
Hypo-proslambanoménos. Nom d'une corde ajou-
tée, à ce qu'on prétend, par Gui d'Arezzo un ton plus
bas que la proslambanoméne des Grecs; c'est-à-dire
au-dessous de tout le système. L'auteur de cette nou-
velle corde l'exprima par la lettre r de l'alphabet grec ,
et de là nous est venu le nom de la gamme.
Hyporchema. Sorte de cantique sur lequel on dan-
soit aux fêtes des dieux.
Hypo-synaphe est, dans la musique des Grecs, la
disjonction des deux tétracordes séparés par l'inter-
position d'un troisième tétracorde conjoint avec cha-
cun des deux; en sorte que les cordes homologues
des deux tétracordes disjoints par hypo-synaphe ont
€ntre elles cinq tons ou une septième mineure d'in-
iMi 36 1
tervalle : tels sont les deux tctracordes hypaion et
synncménon .
I.
Ialème. Sorte de chant funèbre jadis en usage parmi
les Grecs, comme le linos chez le même peuple, et le
manéros chez les Égyptiens. (Voyez Chanson»,)
Iambique, «<//'. Il y avoit dans la musique des an-
ciens deux sortes de vers iamhûjues ^ àowl on ne faisoit
que réciter les uns au son des instruments, au lieu que
les autres se chantoient. On ne comprend pas bien
quel effet devoit produire Taccompagnemcnt des in-
struments sur une simple récitation , et tout ce qu'on
en peut conclure raisonnablement, c'est que la plus
simple manière de prononcer la poésie grecque, ou
du moins Yiambigue, se faisoit par des sons apprécia-
bles, harmoniques, et tenoit encore beaucoup de Tin-
tonation du chant.
Iastien. Nom donné par Aristoxène et Alypius au
mode que les autres auteurs appellent plus commu-
nément ionien. (Voyez Mode.)
Jeu , s. m. L'action de jouer d'un instrument.
(Voyez Jouer.) On dît plein-jeu , demi-jeu, selon la ma-
nière plus forte ou plus douce de tirer les sons de
l'instrument.
Imitation, s. f. La musique dramatiqiie ou théâ-
trale concourt à V imitation, ainsi que la poésie et la
peinture : c'est à ce principe commun que se rap-
portent tous les beaux-arts, comme la montré M. Le
Batteux. Mais cette imitation n'a pas pour tous la
362 IMf
même étendue. Tout ce que limagiiiation peut se re-
présenter est du ressort de la poésie. La peinture, qui
n'offre point ses tableaux à Tima^^iuation, mais au
sens et à un seul sens , ne peint que les objets soumis
à la vue. La musique sembleroit avoir les mêmes
bornes par rapport à Fouïe ; cependant elle peint tout,
même les objets qui ne sont que visibles : par un pres-
tige presque inconcevable elle semble mettre Toeil
dans 1 oreille; et la plus grande merveille d'un art qui
n'agit que par le mouvement, est d'en pouvoir former
jusqu'à l'image du repos. La nuit , le sommeil , la soli-
tude , et le silence, entrent dans le nombre des grands
tableaux de la musique. On sait que le bruit peut pro-
duire l'effet du silence, et le silence l'effet du bruit;
comme quand on s'endort à une lecture égale et mo-
notone, et qu'on s'éveille à l'instant qu'elle cesse.
Mais la musique agit plus intimement sur nous en
excitant, par un sens, des affections semblables à
celles qu'on peut exciter par un autre; et, comme le
rapport ne peut être sensible que l'impression ne soit
forte, la peinture dénuée de cette force ne peut rendre
à la musique les imilations que celle-ci tire d'elle. Que
toute la nature soit endormie, celui qui la contemple
ne dort pas , et Fart du musicien consiste à substituer
à limage insensible de l'objet celle des mouvement^
que sa présence excite dans le cœur du contempla-
teur : non seulement il agitera la mer , animera la
flamme d'un incendie , fera couler les ruisseaux ^
tomber la pluie et grossir les torrents; mais il peindra
l'horreur d'un désert affreux, rembrunira les murs
d'une prison souterraine, calmera la tempête, rendra
iMi 36.1
1 air tranquille et serein, et répandra de rorclicstre
une fraîcheur nouvelle sur les bocages : il ne repré-
sentera pas directement ces choses, mais il excitera
dans Tame les mêmes mouvements qu'on éprouve en
les voyant.
J'ai dit au mot Harmonie qu'on ne tire d'elle aucun
principe qui mène à Y imitation musicale , puisqu'il n'y
a aucun rapport entre des accords et les objets qu'on
veut peindre , ou les passions qu'on veut exprimer.
Je ferai voir au mot Mélodie quel est ce principe que
rharmonie ne fournit pas, et quels traits donnés par
la nature sont employés par la musique pour repré-
senter ces objets et ces passions.
Imitation, dans son sens technique, est l'emploi
d'un même chant, ou d'un chant semblable dans plu-
sieurs parties qui le font entendre l'une après l'autre ,
à l'unisson , à la quinte , à la quarte , à la tierce , ou à
quelque autre intervalle que ce soit, h'imitation est
toujours bien prise, même en changeant plusieurs
notes, pourvu que ce même chant se reconnoisse tou-
jours et qu'on ne s'écarte point des lois d'une bonne
modulation. Souvent , pour rendre [imitation plus
sensible, on la fait précéder de silences ou dénotes
longues , qui semblent laisser éteindre le chant au
moment que V imitation le ranime. On traite Vimitation
comme on veut; on Tabandonne, on la reprend, on
en commence une autre à volonté; en un mot, les
règles en sont aussi relâchées que celles de la fugue
sont sévères : c'est pourquoi les grands maîtres la dé-
daignent , et toute imitation trop affectée décèle pres-
que toujours un écolier en composition.
364 INC
Imparfait, adj. Ce mot a plusieurs sens en musi-
que. Un accord imparfait est , par opposition à Taccord
parfait, celui qui porte une sixte ou une dissonance;
et, par opposition à l'accord plein, c'est celui qui n'a
pas tous les sons qui lui conviennent et qui doivent le
rendre complet. (Voyez Accord.)
Le temps ou mode imparfait étoit , dans nos an-
ciennes musiques, celui de la division double. (Voyez
Mode. )
Une cadence imparfaite est celle qu'on appelle au-
trement cadence irrégulière. (Voyez Cadence.)
Une consonnance imparfaite est celle qui peut être
majeure ou mineure, comme la tierce ou la sixte.
(Voyez Consonnance.)
On appelle, dans le plain-cliant, modes imparfaits
ceux qui sont défectueux en haut ou en bas, et res-
tent en-deçà d'un des deux termes qu'ils doivent
atteindre.
Improviser, v. n. C'est faire et chanter impromptu
des chansons , airs et paroles , qu'on accompagne
communément d'une guitare ou autre pareil instru-
ment. Il n'y a rien de plus commun en Italie que de
voir deux masques se rencontrer, se défier, s'atta-
quer , se riposter ainsi par des couplets sur le même
air, avec une vivacité de dialogue, de chant, d'accom-
pagnement, dont il faut avoir été témoin pour la com-
prendre,
Le mot improvisar est purement italien ; mais ,
comme il se rapporte à la musique, j'ai été contraint
de le franciser pour faire entendre ce qu il signifie.
Incomposé, adj. Un intervalle incomposé est celui
INS 3G5
qui ne peut se résoudre en intervalles plus petits, et
n'a point d'autre élément que lui-même ; tel , par exem-
ple, que le dièse enharmonique, le comma, même le
semi-ton.
'Chez les Grecs, les intervalles incomposés étoient
différents dans les trois genres, selon la manière d'ac-
corder les tétracordes. Dans le diatonique le semi-ton
et chacun des deux tons qui le suivent étoient des in-
tervalles incomposés, La tierce mineure qui se trouve
entre la troisième et la quatrième corde dans le genre
chromatique, et la tierce majeure qui se trouve entre
les mêmes cordes dansle genre enharmonique, étoient
aussi des intervalles incomposés. En ce sens, il n'y a
dans le système moderne qu'un seul intervalle incom-
posé, savoir le semi-ton. (Voyez Semi-Ton.)
Inharmonique , adj. Relation inharmonicjue , est ,
selon M. Savérien, un terme de musique; et il ren-
voie, pour l expliquer, au mot Relation, auquel il
n'en parle pas. Ce terme de musique ne m'est point
connu.
Instrument, 5. m. Terme générique sous lequel on
comprend tous les corps artificiels qui peuvent ren-
dre et varier les sons à l'imitation de la voix. Tous les
corps capables d'agiter l'air par quelque choc . et d'ex-
citer ensuite, par leurs vibrations, dans cet air agité,
des ondulations assez fréquentes, peuvent donner du
son ; et tous les corps capables d'accélérer ou retarder
ces ondulations peuvent varier les sons. (Voyez Son.)
Il y a trois manières de rendre des sons sur des
instruments ; savoir, par les vibrations des cordes, par
celles de certains corps élastiques, et par la collision
366 irsT
de Tair enfermé dans des tuyaux. Jai •:>arlé, au mot
Musique , de Finvention de ces instruments.
Ils se divisent généralement en ias'ruments à cor-
des, instruments à vent, instruments de percussion.
Les instruments à cordes , chez les anciens , étoient en
grand nombre ; les plus connus sont les suivants :
lyra^ psalterium , trigoniwn , samhuca^ cithara^ pectis,
magas , barbiton, testudo , epigonium , simmicium , epan-
doTvn, etc. On touchoit tous ces instruments 3i\ec les
doigts, ou avec leplectrum, espèce d'archet.
Pour leurs principaux instruments à vent, ils avoient
ceux appelés tibia , fistula ^ tuba., cornu ^ lituus, etc.
Les instruments de percussion étoient ceux qu'ils
nommoient ty?npanum , cymbalum ^ crepitaculum ^ tin-
tinnabulum, cjvtalwn, etc. Mais plusieurs de ceux-ci
ne varioient point les sons.
On ne trouvera point ici des articles pour ces instru-
ments ni pour ceux de la musique moderne, dont le
nombre est excessif. La partie instrumentale, dont
un autre s'étoit chargé , n'étant pas d'abord entrée
dans le plan de mon travail pour l'Encyclopédie, m'a
rebuté, par l'étendue des connoissances qu'elle exige,
de la remettre dans celui-ci.
Instrumental. Qui appartient au jeu des instru-
ments ; tour de chant instrumental ; musique instru-
mentale.
Intense, adj. Les sons intenses sont ceux qui ont le
plus de force, qui s'entendent de plus loin : ce sont
aussi ceux qui, étant rendus par des cordes fort ten-
dues , vibrent par là même plus fortement. Ce mot est
latin, ainsi que celui de rémisse qui lui est opposé :
INT 367
mais dans les écrits de musique théorique on est obli[jé
de franciser Tun et l'autre.
Intercidenge, s.f. Terme de plain-chant. (Voyez
DlAPïOSE.)
Intermède, s. m. Pièce de musique et de danse
qu'on insère à l'Opéra, et quelquefois à la Comédie,
entre les actes d'une grande pièce, pour ép^ayer et re-
poser en quelque sorte l'esprit du spectateur attristé
par le tragique et tendu sur les grands intérêts.
Il y a des intermèdes qui sont de véritables drames
comiques ou burlesques, lesquels, coupant ainsi l'in-
térêt par un intérêt tout différent, ballottent et tirail-
lent, pour aii^si dire, l'attention du spectateur en sens
contraire, et d'une manière très opposée au bon goût
et à la raison. Comme la danse en Italie n'entre point
et ne doit point entrer dans la constitution du drame
lyrique, on est forcé, pour l'admettre sur le théâtre,
de remployer hors-d'œuvre et détachée de la pièce.
Ce n'est pas cela que je blâme ; au contraire, je pense
qu'il convient d'effacer , par un ballet agréable , les
impressions tristes laissées par la représentation d'un
grand opéra , et j'approuve fort que ce ballet fasse un
sujet particulier qui n'appartienne point à la pièce;
mais ce que je n'approuve pas , c'est qu'on coupe les
actes par de semblables ballets qui , divisant ainsi
l'action et détruisant l'intérêt, font, pour ainsi dire ,
de chaque acte une pièce nouvelle.
Intervalle, s. m. Différence d'un son à un autre
entre le grave et l'aigu ; c'est tout l'espace que l'un
des deux auroit à parcourir pour arriver à l'unisson de
l'autre. La différence qu'il y a deV intervalle à Yétendue.
368 iNT
est que Vintervalle est considéré comme indivisé, et
retendue comme divisée. Dans Vintervalle^ on ne con-
sidère que les deux termes; dans Tétendue, on en
suppose d'intermédiaires. L'étendue forme un sys-
tème; mais Vintervalle peut être incomposé.
A prendre ce mot dans son sens le plus général , il
est évident qu'il y a une infinité à' intervalles; mais,
comme en musique on borne le nombre des sons à
ceux qui composent un certain système, on borne
aussi par là le nombre des intervalles à ceux que ces
sons peuvent former entre eux : de sorte qu'en com-
binant deux à deux tous les sons d'un système quel-
conque, on aura tous les intervalles possibles dans ce
même système ; sur quoi il restera à réduire sous la
même espèce tous ceux qui se trouveront égaux.
Les anciens divisoient les intervalles de leur musi-
que en intervalles simples ou incomposés, qu'ils appe-
loient diastènies , et en intervalles composés, qu'ils
appeloient systèmes. (Voyez ces mots.) l^es intervalles y
dit Aristoxène , diffèrent entre eux en cinq manières :
i« En étendue; un grand intervalle diffère ainsi d'un
plus petit. 1^ En résonnance ou en accord ; c'est ainsi
qu'un intervalle consonnant diffère d'un dissonant.
3° En quantité; conlme un intervalle simple diffère
d'un intervalle composé. l\^ En genre; c'est ainsi que
les intervalles diatoniques, chromatiques, enharmo-
niques, diffèrent entre eux. ^^ En nature de rapport;
comme Vintervalle dont la raison peut s'exprimer en
nond3res diffère d'un intervalle irrationnel. Disons
quelques mots de toutes ces différences.
L Le moindre de tous les intervalles^ selon Bacchius
INT ' 369
et GauJence, est le dièse enharmonique. Le plus
^rand, à le prendre à rextrémité (jrave du mode liypo-
dorien jusqu'à Textrémité aiguë de Thypo-mixo-lydien ,
seroit de trois octaves complètes; mais comme il y a
une quinte à retrancher, ou même une sixte, selon
un passage d'Adraste, cité par Meihomius, reste la
quarte par-dessus le dis-diapason , c'est-à-dire la dix-
huitième, pour le plus grand intervalle du diagramme
des Grecs.
II. Les Grecs divisoient, comme nous, les inter-
valles en consonnants et dissonants ; mais leurs divi-
sions n'étoient pas les mêmes que les nôtres. (Voyez
CoNSONNANCE.) Ils subdivisoieut encore les intervalles
consonnants en deux espèces, sans y compter Tunis-
son, qu'ils appeloient /iomoy^Aonfe, ou parité de sons ,
et dont rintervalle est nul. La première espèce étoit
Yantiphonie, ou opposition des sons, qui se faisoit à
Foctave ou à la double octave, et qui n'étoit propre-
ment qu'une réplique du même son, mais pourtant
avec opposition du grave à l'aigu. La seconde espèce
étoit la paraphonie , ou distinction de sons , sous la-
quelle on comprenoit toute consonnance autre que
l'octave et ses répliques , tous les intervalles ^ ditThéon
de Smyrne, qui ne sont ni dissonants ni unisson.
III. Quand les Grecs parlent de leurs diastèmes ou
intervalles simples, il ne faut pas prendie ce terme à
toute rigueur: car le diésis même n'étoit pas, selon
eux, exempt de composition; mais il fout toujours le
rapporter au genre auquel ï intervalle s'applique. Par
exemple, le semi-ton est un intervalle simple dans
le genre chromatique et dans le diatonique, composé
xiv. 24
370 IINT
dans Tenharmonique. Le ton est composé dans le
chromatique, et simple dans le diatonique; et le diton
même, ou la tierce majeure, qui est un inteiualîe
composé dans le diatonique, est incomposé dans Ten-
liarmonique. Ainsi ce qui est sytème dans un genre
peut être diastème dans un autre, et réciproquement.
IV. Sur les genres , divisez successivement le même
tétracorde selon le genre diatonique, selon le chro-
matique, et selon l'enharmonique, vous aurez trois
accords différents , lesquels, comparés entre eux, au
lieu de trois intervalles^ vous en donneront neuf,
outre les combinaisons et compositions qu'on en peut
faire, et les différences de tous ces intervalles qui en
produiront des multitudes d'autres. Si vous comparez,
par exemple, le premier intervalle de chaque tétra-
corde dans Fenharmonique et dans le chromatique
mol d'iVristoxène, vous aurez d'un côté un quart ou —
de ton, de Fautre un tiers ou-^^, et les deux cordes
aiguës feront entre elles un intervalle qui sera la dif-
férence des deux précédents, ou la douzième partie
d'un ton.
V. Passant maintenant aux rapports , cet article me
mène à une petite digression.
Les aristoxéniens prétendoient avoir bien simplifié
la musique par leurs divisions égales des intervalles ^
et se moquoient fort de tous les calculs de Pytbagore.
Il me semble cependant que cette prétendue simpli-
cité n'étoit guère que dans les mots, et que si les
pythagoriciens avoient un peu mieux entendu leur
maître et la musique, ils auroient bientôt fermé Vjl
bouche à leurs adversaires.
INT 371
Pytliagorc n'a voit pas imagine le rapport des sons
qu il calcula le premier; guidé par 1 expérience, il
ne fit que prendre note de ses observations. Aristo-
xène, incommode de tous ces calculs, bâtit dans sa
tête un système tout différent , et comme s'il eût pu
changer la nature à son gré, pour avoir simplifié les
mots, il ciut avoir simplifié les choses, au lieu qu'il
fit réellement le contraire.
Gomme les rapports des consonnances étoient sim«
pies et fiiciles à exprimer, ces deux philosophes étoient
d'accord là-dessus : ils Tétoient même sur les premières
dissonances; car ils convenoient également que le
ton étoit la différence de la quarte à la quinte : mais
comment déterminer déjà cette différence autrement
que par le calcul? Aristoxène partoit pourtant de là
pour n'en point vouloir, et sur ce ton^ dont il se
vantoit d'ignorer le rapport, il bâtissoit toute sa doc-
trine musicale. Qu'y avoit-il de plus aisé que de lui
montrer la fausseté de ses opérations et la justesse de
celles de Pythagore? mais, auroit-il dit, je prends
toujours des doubles, ou des moitiés, ou des tiers;
cela est plus simple et plus tôr fait que vos comma,
vos hmma, vos apotomes. Je l'avoue, eût répondu
Pythagore; mais dites-moi, je vous prie, comment
vous les prenez , ces doubles, ces moitiés, ces tiers.
L'autre eût répliqué qu'il les entonnoit naturellement,
ou qu'il les prenoit sur son monocorde. Eh bien , eût
ditPythagore, entonnez-moi juste le quart d'un ton. Si
l'autre eût été assez charlatan pour le faire, Pythagore
eût ajouté: Mais est-il bien divisé votre monocorde?
montrez-moi, je vous prie, de quelle méthode vous
24,
372 liN'T
VOUS êtes servi pour y prendre le quart ou le tiers d'un
ton. Je ne saurois voir, en pareil cas ce qu'Aristoxène
eût pu répondre : car, de dire que Tinstrument avoit
été accordé sur la voix, outre que c'eût été tomber
dans le cercle , cela ne pouvoit convenir aux aristo-
xéniens , puisqu'ils avouoient tous avec leur chef qu'il
falloit exercer long-temps la voix sur un instrument
de la dernière justesse pour venir à bout de bien en-
tonner les intervalles du chromatique mol et du geme
enharmonique.
Or, puisqu'il faut des calculs non moins composés,
et même des opérations géométriques plus difficiles
pour mesurer les tiers et les quarts de ton d'Aristoxène
que pour assigner les rapports de Pythagore, c'est
avec raison que Nicomaque, Boëce, et plusieurs au-
tres théoriciens préféroient les rapports justes et
harmoniques de leur maître aux divisions du sys-
tème aristoxénien , qui n'étoient pas plus simples , et
qui ne donnoient aucun intervalle dans la justesse de
sa génération.
Il faut remarquer que ces raisonnements qui con-
venoient à la musique des Grecs ne conviendroient
pas également à la nôtre, parceque tous les sons de
notre système s'accordent par des consonnances; ce
qui ne pouvoit se faire dans le leur que pour le seul
genre diatonique.
Il s'ensuit de tout ceci qu'x\ristoxène distinguoil
avec raison les intervalles en rationnels et irrationnels ;
puisque, bien qu'ils fussent tous rationnels dans le
système de Pythagore, la plupart des dissonances
étoient irrationnelles dans le sien.
Dans la musique moderne on considère aussi les
intervalles de plusieurs manières; savoir, ou générale-
ment comme Tespace ou la distance qjuelconque de
deux sons donnés , ou seulement comme celles de ces
distances qui peuvent se noter, ou enfin comme celles
qui se marquent sur des degrés difiérents. Selon le
premier sens, toute raison numérique, comme est le
comma, ou sourde, comme est le dièse d'Aristoxène,
peut exprimer un intervalle. Le second sens s'appli-
que aux seuls intervalles reçus dans le système de
notre musique, dont le moindre est le semi-ton mi-
neur , exprimé sur le même degré par un dièse ou
par un bémol. (Voyez Semi-ton.) La troisième accep-
tion suppose quelque différence de position, c'est-à-
dire un ou plusieurs degrés entre les deux sons qui
forment Y intervalle. C'est à cette dernière acception
que le mot est fixé dans la pratique, de sorte que deux
intervalles égaux, tels que sont la fausse-quinte et le
triton , portent pourtant des noms différents , si Fun a
plus de degrés que l'autre.
Nous divisons, comme faisoient les anciens, les
intervalles en cousonnants et dissonants. Les conson-
nances sont parfaites ou imparfaites. (Voyez Gonson-
NANCE.) Les dissonances sont telles par leur nature,
ou le deviennent par accident. Il n'y a que deux inter-
valles dissonants par leur nature; savoir, la seconde,
et la septième, en y comprenant îenrs octaves ou ré-
pliques : encore ces deux peuvent-ils se réduire à un
seul; mais toutes les consonnances peuvent devenir
dissonantes par accident. (Voyez Dissonance.)
De plus 5 tout intervalle est simple ou redoublé. L'm-
374 INT
tervalle simple est celui qui est contenu dans les
bornes de l'octave : tout intervalle qui excède cette
étendue est redoublé , c'est-à-dire composé d'une ou
plusieurs octaves, et de Y intervalle simple dont il est
la réplique.
Les intervalles simples se diviseat encore en directs
et renversés. Prenez pour direct un intervalle simple
quelconque, son complément à Foctave est toujours
renversé de celui-là, et réciproquement.
Il n'y a que six espèces à^ intervalles simples, dont
trois sont compléments des trois autres à l'octave, etpar
conséquent aussi leurs renversés. Si vous prenez d'a-
bord les moindres intervalles ^ vous aurez pour directs ,
la seconde , la tierce et la quarte; pour renversés, la
septième, la sixte et la quinte : que ceux-ci soient di-
rects, les autres seront renversés; tout est réciproque.
Pour trouver le nom d'un intervalle quelconque il
ne faut qu'ajouter l'unité au nombre des degrés qu il
contient : ainsi \ intervalle d'un degré donnera la
seconde; de deux, la tierce; de trois, la quarte; de
sept, l'octave; de neuf, la dixième, etc. Mais ce n'est
pas assez pour bien déterminer un intervalle; car sous
le même nom il peut être majeur ou mineur, juste ou
faux, diminué ou superflu.
Les consonnances imparfaites et les deux disso-
nances naturelles peuvent être majeures ou mineures,
ce qui, sans changer le degré, fait dans Y intervalle la
différence d'un semi-ton. Que si d'un intervalle mineur
on ôte encore un semi-ton, cet intervalle devient dimi-
nué. Si l'on augmente d'un semi-ton un intervalle
majeur, il devient superflu.
Les consonnanccs parfaites sont invariables par
leur nature : cpiand leur intervalle est ce qu'il doit
être, elles s'appellent^M^fes; que si Ton altère cet inter-
valle d'un semi-ton, la consonnance s'appelle /«î/55e ,
et devient dissonance ; superflue , si le semi-ton est
ajouté; diminuée^ s'il est retranché. On donne mal à
propos le nom de fausse-quinte à la quinte diminuée ;
c'est prendre le genre pour l'espèce : la quinte super-
flue est tout aussi fausse que la diminuée , et l'est
même davantage à tous égards.
On trouvera [Planche G^fy. 1. ) une table de tous
les intervalles simples praticables dans la musique,
avec leurs noms , leurs degrés, leurs valeurs, et leurs
rapports.
Il faut remarquer sur cette table que \ intervalle
appelé par les harmonistes septième superflue ^ n'est
qu'une septième majeure avec un accompagnement
particulier ; la véritable septième superflue , telle
qu'elle est marquée dans la table, n'ayant pas lieu
dans l'harmonie, ou n'y ayant lieu que successivement
comme transition enharmonique, jamais rigoureuse-
ment dans le même accord.
On observera aussi que la plupart de ces rapports
peuvent se déterminer de plusieurs manières : j'ai pré-
féré la plus simple, et celle qui donne les moindres
nombres.
Pour composer ou redoubler un de ces intei^valles
simples , il suffit d'y ajouter Foctave autant de fois que
Ton veut; et pour avoir le nom de ce nouvel intervalle^
il faut au nom de {intervalle simple ajouter autant
de fois sept qu'il contient d'octaves. Réciproquement,
376 INT
pour coniioître le simple d'un intervalle redoublé dont
on a le nom, il ne faut quen rejeter sept autant de
fois qu'on le peut; le reste donnera le nom de Y inter-
valle simple qui l'a produit. Voulez-vous une quinte
redoublée, c'est-à-dire l'octave de la quinte, ou la
quinte de l'octave; à 5 ajoutez 7, vous aurez 12 : la
quinte redoublée est donc une douzième. Pour trou-
ver le simple d'une douzième, rejetez 7 du nombre 1 1
autant de fois que vous le pourrez, le reste 5 vous in-
. dique une quinte. A l'égard du rapport, il ne faut que
doubler le conséquent ou prendre la moitié de l'anté-
cédent de la raison simple autant de fois qu'on ajoute
d'octaves, et Ton aura la raison de V intervalle redou-
blé. Ainsi, 2, 3 étant la raison de la quinte, i , 3 ou
2, 6 sera celle de la douzième, etc. Sur quoi l'on ob-
servera qu'en terme de musique, composer ou redou-
bler un intervalle j ce n'est pas l'ajouter à lui-même,
c'est y ajouter une octave; le tripler, c'est en ajouter
' deux, etc.
Je dois avertir ici que tous les intervalles exprimés
dans ce dictionnaire par les noms des notes doivent
toujours se compter du grave à l'aigu; en sorte que
cet intervalle^ ut , si ^ n'est pas une seconde, mais une
septième; et si ut n'est pas une septième, mais une
seconde.
Intonation , s.f. Action d'entonner. (Voyez Enton-
ner.) lu' intonation peut être juste ou fausse, trop haute
ou trop basse, trop forte ou trop foible; et alors le
mot intonation , accompagné d une épitliéte, s'entend
de la manière d entonner.
Inverse. (Voyez Renversé.)
JUS 077
loMEN OU Ionique, adj. Le mode ionien étoit, en
(♦omptant du grave à Taigu, le second des cinq modes
moyens de la musique des Grecs. Ce mode s'appeloit
aussi iastien , et Euclide l'appelle encore phjgien
grave. (Voyez Mode.)
Jouer des instruments , c'est exécuter sur ces in-
struments des airs de musique, surtout ceux qui leur
sont propres, ou les chants notés pour eux. On dit
jouer du violon^ de la basse., du hautbois, de la Jlxite ;
toucher le clavecin .^ F orgue; sonner de la trompette; don-
ner du cor'., pincer la guitare., etc. Mais Falfectation de
ces termes propres tient de la pédanterie : le mot
jouer devient générique, et gagne insensiblement pour
toutes sortes d'instruments.
Jour. Corde à jour. (Voyez Vide.)
Irrégulietx, adj. On appelle dans le plain-chant
modes irréguliers ceux dont l'étendue est trop grande ,
ou qui ont quelque autre irrégularité.
On nommoit autrefois cadence irrégulière celle qui
ne tomboit pas sur une des cordes essentielles du ton ;
mais M. Rameau a donné ce nom à une cadence par-
ticulière dans laquelle la basse-fondamentale monte
de quinte ou descend de quarte après un accord de
sixte-ajoutée. (Voyez Cadence.)
IsoN, Chant en ison. (Voyez Chant.)
Jule, s.f. Nom d'une sorte d'hymne ou chanson
parmi les Grecs en riiouneur de Cérès ou de Proser-
pine. (Voyez Chanson.)
Juste, adj. Cette épidiéte se donne généralement
aux intervalles dont les sons sont exactement dans le
rapport qu'ils doivent avoir , et aux voix qui entonneni
378 LE "M
toujours ces intervalles dans leur justesse; mais elle
s'applique spécialement aux consonnances parfaites.
Les imparfaites peuvent être majeures ou mineures ;
les parfaites ne sont que justes : dès qu'on les altère
(Fun semi-ton elles deviennent fausses, et par consé-
quent dissonances. (Voyez Intervalle.)
Juste est aussi quelquefois adverbe. Chanter juste ,
jouer \vL?>\.e,
L.
La. Nom de la sixième note de notre gamme in-
ventée par Gui Arétin. (Voyez Gamme, Solfier.)
Large, aclj. Nom d'une sorte de note dans nos
vieilles musiques , de laquelle on augmentoit la valeur
en tirant plusieurs traits non seulement par les côtés ,
mais par le milieu de la note , ce que Mûris blâme
avec force comme une horrible innovation.
Larghetto. (Voyez Largo.)
Largo, adv. Ce mot écrit à la tète d'un air, indique
un mouvement plus lent que Vadagio , et le dernier de
tous en lenteur. Il marque qu'il faut filer de longs
sons, étendre les temps et la mesure, etc.
Le diminutif larghetto annonce un mouvement un
peu moins lent que le largo ^ plus que Vandante, et
très apjjrochant de Yandantino.
Légèrement, adv. Ce mot indique un mouvement
encore plus vif que le gai, un mouvement moyeu
entre le gai et le vite; il répond à peu près à l'italien
vivace.
Lemme, s. m. Silence ou pause d'un temps bref dans
le rhythme catalectique. (Voyez Rhythme.)
LIA 379
Lentement, adv. Ce mot répond à Titalien largo ^
et marque un mouvement lent; son superlatif, très
lentement, marque le plus tardif de tous les mou-
vements .
Lepsis. Nom grec d'une des trois parties de Tan-
cienne mélopée, appelée aussi quelquefois euthia, par
laquelle le compositeur discerne s il doit placer son
chant dans le système des sons bas, qu'ils appellent
hfpatoïdes, dans celui des sons aigus, qu'ils appel-
lent ne7oiV/c,ç , ou dans celui des sons moyens, qu'ils
ùppeWent inésoïdes. (Voyez Mélopée.)
Levé, adj. pris substantivement. C'est le temps de la
mesure où on lève la main ou le pied; c'est un temps
qui suit et précède le frappé; c'est par conséquent
toujours un temps foible. Les temps levés sont, à
deux temps, le second; à trois , le troisième; à quatre,
le second et le quatrième. (Voyez Arsis.)
IjIAISON, s.f. Il y a liaison d'harmonie et liaison de
chant.
La liaison a lieu dans l'harmonie lorsque cette
harmonie procède par un tel progrès de sons fonda-
mentaux, que quelques uns des sons qui accompa-
gnoient celui qu'on quitte, demeurent et accompa-
gnent encore celui où l'on passe : il y a liaison dans
les accords de la tonique et de la dominante, puisque
le même son fait la quinte de la première, et l'octave
de la seconde : il y a liaison dans les accords de la to-
nique et de la sous-dominante , attendu que le même
son sert de quinte à l'une et d'octave à l'autre : enfin
il y a liaison dans les accords dissonants toutes les fois
que la dissonance est préparée, puisque cette prépa-
38o Lie
ration elle-même n'est autre chose que la liaison.
(Voyez Préparer.)
La liaison dans le chant a lieu toutes les fois qu'on
passe deux ou plusieurs notes sous un seul coup d'ar-
chet ou de gosier, et se marque par un trait recourbé
dont on couvre les notes qui doivent être liées en-
semble.
Dans le plain-chant on appelle liaison une suite de
plusieurs notes passées sur la même syllabe, parceque
sur le papier elles sont ordinairement attachées ou
liées ensemble.
Quelques uns nomment aussi liaison ce qu'on
nomme plus proprement syncope. (Voyez Syncope.)
Licence, s. f. Liberté que prend le compositeur, et
qui semble contraire aux régies, quoiqu'elle soit dans
le principe des règles; car voilà ce qui distingue les
licences des fautes. Par exemple, c'est une régie en
composition de ne point monter de la tierce mineure
ou de la sixte mineure à l'octave. Cette régie dérive
de la loi de la liaison harmonique, et de celle de la
préparation. Quand donc on monte de la tierce mi-
neure ou de la sixte mineure à l'octave, en sorte qu'il
y ait pourtant liaison entre les deux accords , ou que
la dissonance y soit préparée, on prend une licence;
mais s il n'y a ni liaison ni préparation, l'on fait une
faute. De même c'est une régie de ne pas faire deux
quintes justes de suite entre les mêmes parties, sur-
tout par mouvement semblable; le principe de cette
régie est dans la loi de l'unité du mode. Toutes les
fois donc qu'on peut faire ces deux quintes sans faire
sentir deux modes à-la-fois, il y a licence^ mais il n'y a
LIÉ 3vSf
point de faute. Cette explication étoit nécessaire par-
ceque les musiciens n'ont aucune idée bien nette de
ce mot de licence.
Comme la plupart des régies de l'harmonie sont
fondées sur des principes arbitraires , et changent par
Tusage et le goût des compositeurs, il arrive de là que
ces régies varient, sont sujettes à la mode, et que ce
qui est licence en un temps ne Test pas dans un autre.
Il y a deux ou trois siècles qu'il n étoit pas permis de
faire deux tierces de suite , surtout de la même espèce ;
maintenant on fait des morceaux entiers tout par
tierces. Nos anciens ne permettoient pas d'entonner
diatoniquement trois tons consécutifs ; aujourd'hui
nous en entonnons, sans scrupule et sans peine, au-
tant que la modulation le permet. Il en est de même
des fausses relations , de l'harmonie syncopée , et de
mille autres accidents de composition, qui d'abord
furent des fautes, puis des licences ^ et n'ont plus rien
d'irrégulier aujourd hui.
LiCHANOS, 5. m. C'est le nom que portoit parmi les
Grecs la troisième corde de chacun de leurs deux pre-
miers tétracordes, parceque cette troisième corde se
touchoit de lindex , qu'ils appeloient lichanos.
La troisième corde à l'aigu du plus bas tétracorde,
qui étoit celui des hypates, s'appeloit autrefois licha-
nos-hypaton , quelquefois hypatondialonos , enharmo-
nios, ou chromatiké , selon le genre. Celle du second
tétracorde, ou du tétracorde des moyennes, s'appe-
loit lichanos-niéson ^ ou mésondiatonos ^ etc.
Liées, adj. On appelle notes liées deux ou plusieurs
notes qu'on passe d'un seul coup d'archet sur le vio-
3S2 LIG
Ion et le violoncelle, ou cVun seul coup de langue sur
la flûte et le hautbois, en un mot toutes les notes qui
sont sous une même liaison.
Ligature, s. f. C'étoit, dans nos anciennes musi-
ques, Tunion par un trait de deux ou plusieurs notes
passées, ou diatoniquement, ou par degrés disjoints
sur une même syllabe. La figure de ces notes, qui
étoit carrée, donnoit beaucoup de facilité pour les
lier ainsi ; ce qu'on ne sauroit faire aujourd hui qu'au
moyen du chapeau, à cause de la rondeur de nos
notes.
La valeur des notes qui composoient la ligature
varioit beaucoup selon qu'elles mx>ntoient ou descen-
doient, selon qu'elles étoient différemment liées, selon
qu'elles étoient à queue ou sans queue, selon que ces
queues étoient placées à droite ou à gauche, ascen-
dantes ou descendantes , enfin selon un nombre infini
de repaies si parfaitement oubliées à présent, qu'il n'y
a peut-être pas en Europe un seul musicien qui soit en
état de déchiffrer des musiques de quelque antiquité.
Ligne, s. f. Les lignes de musique sont ces traits
horizontaux et parallèles qui composent la portée, et
sur lesquels, ou dans les espaces qui les séparent, on
place les notes selon leurs degrés. La portée du plain-
chant n'est que de quatre lignes; celle de la musique
a cinq lignes stables et continues , olitre les lignes pos-
tiches qu'on ajoute de temps en temps au-dessus ou
au-dessous de la portée pour les notes qui passent
son étendue.
Les lignes^ soit dans le plain-chant, soit dans la mu-
îsique , se comptent en commençant par la plus basse
Liv 383
Cette plus basse est la première ; la plus haute est la
quatrième dans le plain-cliaiit , la cinquième dans la
musique. (Voyez Portée.)
LiiMMA, 5. m. Intervalle de la musique grecque, le-
quel est moindre d'un comma que le semi-ton majeur,
et , retranché d'un ton majeur , laisse pour reste
Tapotome.
Le rapport du limma est de ^43 à 256; et sa gé-
nération se trouve, en commençant par ut^ à la cin-
quième quinte si; car alors la quantité dont ce si est
surpassé par \ut voisin est précisément dans le rap-
port que je viens d'établir.
Philolaûs et tous les pythagoriciens faisoient du
limma un intervalle diatonique qui répondoit à notre
s'emi-ton majeur: car, mettant deux tons majeurs
consécutifs, il ne leur restoit que cet intervalle pour
achever la quarte juste ou le tétracorde ; en sorte que,
selon eux, l'intervalle du mi au fa eût été moindre
que celui du^à à son dièse. Notre échelle chromati-
que donne tout le contraire.
LiNOS, s. m. Sorte de chant rustique chez les an-
ciens Grecs : ils a voient aussi un chant funèbre du
même nom, qui revient à ce que les Latins ont appelé
nœnia. Les uns disent que le linos fut inventé en
Lgypte ; d'autres en attribuoient l'invention à Linus ,
Eubéen.
Livre ouvert, a livre ouvert, ou a l'ouverture du
LIVRE, aclv. Chanter ou jouer à livre ouvert, c'est exé-
cuter toute musique qu'on vous présente en jetant les
yeux dessus. Tous les musiciens se piquent d'exé-
cuter à livre ouvert; mais il y en a peu qui, dans cette
384 Lou
exécution, prennent bien Fespiit de Fouvrage, et qui,
s'ils ne font pas des fautes sur la note , ne fassent pas
du moins des contre-sens dans Texpression. (Voyez
Expression.)
LoiNGUE, s.f. C'est, dans nos anciennes musiques,
une note carrée avec une queue à droite, ainsi fz].
Elle vaut ordinairement quatre mesures à deux temps ,
c'est-à-dire deux brèves ; quelquefois elle en vaut trois,
selon le mode. (Voyez Mode.)
Mûris et ses contemporains avoient des longues de
trois espèces ; savoir, la parfaite, l'imparfaite, et la
double. La longue pa? fa île a, du côté droit, une queue
descendante, fj ou ^. Elle vaut trois temps parfaits,
et s'appelle parfaite elle-même, à cause, dit Mûris,
de son rapport numérique avec la Trinité. La longue
imparfaite se fi(^ure comme la parfaite, et ne se dis-
tingue que par le mode : on l'appelle imparfaite, par-
cequ'elle ne peut marcher seule, et qu'elle doit tou-
jours être précédée ou suivie d'une brève. La longue
double contient deux temps égaux imparfaits ; elle se
figure comme la longue simple, mais avec une double
largeur, ^. Mûris cite Aristote pour prouver que
cette note n'est pas du plain-chant.
Aujourd'hui le mot longue est le corrélatif du mot
brève. (Voyez Brève. j Ainsi toute note qui précède
une brève est une longue.
LouRE , s.f. Sorte de danse dont l'air est assez lent ,
et se marque ordinairement par la mesure à ^. Quand
chaque temps porte trois notes , on pointe la pre-
mière , et l'on fait brève celle du milieu. Loure est le
nom d'un ancien instrument semblable à une mu-
LYD 385
settc , sur lequel on jouoit l'air de la danse dont il
s afjit.
LouRER, 7J. a. et ti. C'est nourrir les sons avec dou-
ceur , et marquer la première note de chaque temps
plus sensiblement que la seconde , quoique de môme
valeur.
Luthier, s. w. Ouvrier qui fait des violons, des vio-
loncelles, et autres instruments semblables. Ce nom,
qui sx^f^nv^xQ facteur de luths , est demeuré par synecdo-
que à cette sorte d'ouvriers, parcequ'autrefois le luth
étoit Tinstrument le plus commun et dont il se faisoit
le plus.
Lutrin, 5. m. Pupitre de chœur sur lequel on met
les livres de chant dans les églises catholiques.
Lycha^'OS. (Voyez Lichanos. )
Lydien, adj. Nom d'un des modes de la musique
des Grecs, lequel occupoit le milieu entre l'éolien et
l'hyper-dorien. On l'appeloit aussi quelquefois mode
barbare, parcequ'il portoit le nom d'un peuple asia-
tique.
Euclide distingue deux modes lydiens; celui-ci pro-
prement dit, et un autre qu'il appelle lydien grave ^ et
qui est le même que le mode éolien, du moins quant
à sa fondamentale. (Voyez Mode. )
Le caractère du mode lydien étoit animé, piquant,
triste cependant, pathétique et propre à la mollesse ;
c'est pourquoi Platon le bannit de sa République. C'est
sur ce mode qu'Orphée apprivoisoit, dit-on, lesbétes
mêmes, et qu'Amphion bâtit les murs de Thébes. Il
fut inventé, les uns disent par cet Amphion, fils de
Jupiter et d'Antiope ; d'autres , par Olympe, Mysien ,
XIV. 2 5
386 MAD
disciple de Marsyas ; d'autres enfai , par Melampides ;
et Pindare dit qu il fut employé pour la première fois
aux noces de Niobé.
Lyrique, adj. Qui appartient à la lyre. Cette cpi-
thète se donnoit autrefois à la poésie faite pour être
chantée et accompagnée de la lyre ou cithare par le
chanteur, comme les odes et autres chansons, à la
différence de la poésie dramatique ou théâtrale, qui
s'accompagnoit avec des flûtes par d'autres que le
chanteur; mais aujourd'hui elle s'applique au con-
traire à la fade poésie de nos opéra, et, par exten-
sion , à la musique dramatique et imitative du théâtre.
(Voyez Lmitation.)
Lytierse, chansons des moissonneurs chez les an-
ciens Grecs. (Voyez Chanson.)
M.
Ma. Syllabe avec laquelle quelques musiciens sol-
fient le mi bémol comme ils solfient pary^ le /a dièse.
(Voyez Solfier.)
Machicotage, s. m. C'est ainsi qu'on appelle, dans
le plain-chant, certaines additions et compositions de
notes qui remplissent , par une marche diatonique ,
les intervalles de tierces et autres. Le nom de cette
manière de chant vient de celui des ecclésiastiques
appelés machicotSj qui l'exécutoient autrefois après les
enfants de chœur.
Madrigal. Sorte de pièce de musique travaillée et
savante, qui étoit fort à la mode en Italie au seizième
siècle, et même au commencement du précédent.
MAJ 387
Les madrigaux se composoieiit ordinairement, pour
la vocale, à cinq ou six parties, toutes obligées, à
cause des fugues et desseins dont ces pièces étoient
remplies : mais les organistes composoient et exccu-
toient aussi des madrigaux sur Torgue; et l'on pré-
tend même que ce fut sur cet instrument que le
madrigal fut inventé. Ce genre de contre-point, qui
étoit assujetti à des lois très rigoureuses , portoit le
nom de style mndrig aie sque. Plusieurs auteurs, pour
y avoir excellé, ont immortalisé leurs noms dans
les fastes de Fart : tels furent entre auties, Luca Ma--
rentioy Luigi Prenestino , Pomponio Nennay Tommaso
Pecci j et surtout le fameux prince de P^enosa, dont
les madrigaux , pleins de science et de goût, étoient
admirés par tous les maîtres, et chantés par toutes
les dames.
Magadiser, V. n. C'étoit, dans la musique grecque,
chanter à Toetave, comme faisoient naturellement les
voix de femmes et d'hommes mêlées ensemble; ainsi
les chants magadisés étoient toujours des antiphonies.
Ce mot vient de magas, chevalet d'instrument, et, par
extension, instrument à cordes doubles, montées à
Foctave Tune de Tautre, au moyen d'un chevalet,
comme aujourd hui nos clavecins.
Magasin. Hôtel de la dépendance de l'Opéra de
Paris , où logent les directeurs et d'autres personnes
attachées à l'Opéra, et dans lequel est un petit théâ-
tre, appelé aussi magasin ou théâtre du magasin , sur
lequel se font les premières répétitions. C'est ïodéwn
de la musique françoise. (Voyez Odéum. )
Majeur, adj. Les intervalles susceptibles de varia-
2.5,
388 MAJ
tions sont appelés rnajeurs, quand ils sont aussi grands
qu'ils peuvent l'être sans devenir faux.
Les intervalles appelés parfaits, tels que Toctavejla
quinte et la quarte, ne varient point et ne sont que
justes; sitôt qu'on les altère, ils sont faux. Les autres
intervalles peuvent, sans changer de nom et sans
cesser d'être justes, varier d'une certaine différence:
quand cette différence peut être ôtée, ils sont majeurs ;
mineurs^ quand elle peut être ajoutée.
Ces intervalles variables sont au nombre de cinq;
savoir, le semi-ton, le ton, la tierce, la sixte et la
septième. A l'égard du ton et du semi-ton , leur diffé-
rence du majeur au mineur ne sauroit s'exprimer en
notes, mais en nombres seulement. Le semi-ton ma-
jeur est l'intervalle d une seconde mineure, connue de
si à utj ou de mi à fa, et son rapport est de i5 à i().
Le ton majeur est la différence de la quarte à la quinte ,
et son rapport est de 8 à 9.
Les trois autres intervalles, savoir, la tierce, la
sixte et la septième, diffèrent toujours d'un semi-ton
du tnajeur au mineur, et ces différences peuvent se
noter. Ainsi la tierce mineure a un ton et demi, et la
tierce majeure deux tons.
Il y a quelques autres plus petits intervalles ,
comme le dièse et le comma, qu'on distingue en
moindres, mineurs, moyens, majeurs^ et maximes;
mais comme ces intervalles ne peuvent s'exprimer
qu'en nombre, ces distinctions sont inutiles dans la
pratique.
Majeur se dit aussi du mode , lorsque la tierce do la
tonique est majeure, et alors souvent le mot mode ne
MAI 389
fait que se sous-cntendre. JWludcr en majeur, passer
du majeur au mineur, etc. (Voyez Mode. )
Main harmonique. C'est le nom que donna TAré-
tiii à la gamme qu'il inventa pour montrer le rapport
de ses hexacordes , de ses six lettres et de ses six syl-
labes , avec les cinq té tra cordes des Grecs. Il repré-
senta cette (jamme sous la figure d'une main gauche,
sur les doigts de laquelle étoient marques tous les sons
de la gamme, tant par les lettres correspondantes,
que par les syllabes qu'il y avoit jointes, en passant,
par la régie des muances, d'un tétracorde ou d'un
doigt à l'autre, selon le lieu où se trou voient les deux
semi-tons de Toctave par le bécarre ou par le bé-
mol , c'est-à-dire selon que les tétracordes étoient
conjoints ou disjoints. (Voyez Gamme, Muances, Sol-
fier.)
Maître a chanter. Musicien qui enseigne à lire la
musique vocale et à chanter sur la note.
Les fonctions du maître à chanter se rapportent à
deux objets principaux. Le premier, qui regarde la
culture de la voix, est d'en tirer tout ce quelle peut
donner en fait de chant, soit par l'étendue, soit par la
justesse, soit par le timbre, soit par la légèreté, soit
par l'art de renforcer ou radoucir les sons , et d'ap-
prendre à les ménager et modifier avec tout l'art pos-
sible. (Voyez Chant, Voix. )
Le second objet regarde l'étude des signes, c'est-à-
dire l'art de lire la note sur le papier, et l'habitude de
la déchiffrer avec tant de facilité qu'à l'ouverture du
livre on soit en état de chanter toute sorte de musi-
que. ( Voyez Note, Solfier.)
3 90 MAR
Une troisième partie des fonctions du maître à
chanter regarde la connoissance de la langue, surtout
des accents , de la quantité, et de la meilleure manière
de prononcer; parceque les défauts de la pronon-
ciation sont beaucoup plus sensibles dans le chant
que dans la parole, et qu'une vocale bien faite ne
doit être qu'une manière plus énergique et plus agréa-
ble de marquer la prosodie et les accents. (Voyez
Accent.)
Maître de cfiapelle. (Voyez Maître de MUsrQUE. )
Maître de musique. Musicien gagé pour composer
de la musique et la faire exécuter. C'est le maître de
musLc^ue qui bat la mesure et dirige les musiciens: il
doit savoir la composition, quoiqu'il ne compose pas
toujours la musique qu'il fait exécuter. A l'Opéra de
Paris, par exemple, Femploi de battre la mesure est
un office particulier; au lieu que la musique des
opéra est composée par quiconque en a le talent et la
volonté. En Itidie, celui qui a composé un opéra en
dirige toujours l'exécution , non en battant la mesure ,
mais au clavecin. Ainsi l'emploi de maître de musiciue
n a guère lieu que dans les églises : aussi ne dit-on-
point en Italie maître de musicjue ^ mais maître de cha-
pelle ; dénomination qui commence à passer aussi en
France.
Marche, s.f. Air militaire qui se joue par des instru-
ments de guerre, et marque le métré et la cadence
des tambours, laquelle est proprement la marche.
Chardin dit i[|u'en Perse, quand on veut abattre
des maisons, aplanir un terrain, ou faire quelque
autre ouvrage expéditif qui demande une multi-
M AU 391
tiule de bras, on assemble les habitants de tout un
fjuai lier , qu'ils travaillent au son des instruments ,
et qu'ainsi Touvrage se fait avec beaucoup plus de
zélé et de promptitude que si les instruments n'y
ctoient pas.
Le maréchal de Saxe a montré dans ses Rêveries
que Teffet des tambours ne se bornoit pas non plus à
un vain bruit sans utilité, mais que, selon que le mou-
vement en étoit plus vif ou plus lent, ils portoient
naturellement le soldat à presser ou ralentir son pas :
on peut dire aussi que les airs des marches doivent
avoir différents caractères , selon les occasions où on
les emploie ; et c'est ce qu'on a dû sentir jusqu'à
certain point quand on les a distingués et diversifiés,
l'un pour la générale, l'autre pour la marche, l'autre
pour la charge , etc. Mais il s'en faut bien qu'on ait
mis à profit ce principe autant qu'il auroit pu î être;
on s'est borné jusqu'ici à composer des airs qui fissent
bien sentir le métré et la batterie des tambours :
encore fort souvent les airs des marches remplissent-
ils assez mal cet objet. Les troupes frauçoises ayant
peu d'instruments militaires pour l'infanterie, hors
les fifres et les tambours, ont aussi fort peu de mar-
ches, et la plupart très mal faites : mais il y en a d'ad-
mirables dans les troupes allemandes.
Pour exemple de l'accord de l'air et de la marche,
je donnerai [Planche C, figure 3 ) la première partie de
celle des mousquetaires du roi de France.
Il n'y a dans les troupes que l'infanterie et la ca-
valerie légère qui aient des marches. Les timbales de la
cavalerie n'ont point de ??irtrc/ie réglée; les trompettes
392 MAX
nont qu un ton presque uniforme, et des fanfares.
(Voyez Fanfare.)
Marcher, v. n. Ce terme s'emploie figurément en
musique, et se dit de la succession des sons ou des
accords qui se suivent dans certain ordre. La basse
et le dessus marchent paj- mouvements contraires : Mar-
che de basse; marcher à contre-temps.
Martellement , 5. m. Sorte d'agrément du chant
françois. Lorsque descendant diatoniquement d'une
note sur une autre par un trille, on appuie avec force
le son de la première note sur la seconde, tombant
ensuite sur cette seconde note par un seul coup de
gosier , on appelle cela faire un martellement. ( Voyez
Planche B, figure 1 3. )
Maxime, adj. On appelle intervalle maxime celui
qui est plus grand que le majeur de la même espèce,
et qui ne peut se noter; car s'il pouvoit se noter, il no
s'appelleroit pas maxime , mais superflu.
Le semi-ton maxime fait la différence du semi-ton
mineur au ton majeur, et son rapport est de 25 à 27.
11 y auroit entre \ut dièse et le re un semi-ton de cette
espèce, si tous les semi-tons n'étolent pas rendus
égaux ou supposés tels par le tempérament.
Le dièse maxime est la différence du ton mineur au
semi-ton maxime, en rapport de243à25o.
Enfin le comma maxime, ou comma de Pythagore,
est la quantité dont diffèrent entre eux les deux
termes les plus voisins d'une progression par quintes,
et d'une progression par octaves, c'est-à-dire l'excès
de la douzième quinte si dièse sur la septième octave
ut ; et cet excès, dans le rapport de 62 {288 à 53 1 44* ?
M KL ?)[)?)
est la différence que le tempérament fait évanouir.
Maximk, s. f. C'est une note faite en carré-lonj)
horizontal avec une queue au côté droit, de cette
manière d\ , laquelle vaut huit mesures à deux temps ^
c est-à-dire deux longues, et quelquefois trois, selon
le mode. (Voyez Mode.) Cette sorte de note n'est plus
d'usage depuis qu'on sépare les mesures par des
harres , et qu'on marque avec des liaisons les tenues
ou continuités des sons. (Voyez BARRt:s , Mesure. )
Médiante, s. f. C'est la corde ou la note qui partage
en deux tierces Tintervalle de quinte qui se trouve
entre la tonique et la dominante. L'une de ces tierces
est majeure, l'autre mineur; et c'est leur position
relative qui détermine le mode. Quand la tierce ma-
jeure est au grave, c'est-à-dire entre la médiante et la
tonique, le mode est majeur; quand la tierce majeure
esta l'aigu et la mineure au grave, le mode est mi-
neur. (Voyez Mode, Tonique, Dominante.)
Médiation, s. f. Partage de chaque verset d'un
psaume en deux parties, l'une psalmodiée t)u chantée
par un côté du chœur, et l'autre par l'autre, dans les
églises catholiques.
Médium, s. m. Lieu de la voix également distant
de ses deux extrémités au grave et à l'aigu. Le haut
est plus éclatant, mais il est presque toujours forcé;
le bas est grave et majestueux, mais il est plus sourd.
Un beau médium^ auquel on suppose une certaine
latitude, donne les sons les mieux nourris, les plus
mélodieux, et remplit le plus agréablement l'oreille.
(Voyez son.)
Mélange, s, m. Une des parties de l'ancienne mé-
394 ^ii^ï.
lopée, appelée û'^o^/e par les Grecs, laquelle consiste
à savoir entrelacer et mêler à propos les modes et les
genres. (Voyez Mélopée.)
Mélodie , s. f. Succession de sons tellement or-
donnés selon les lois du rhytlime et de la modulation,
quelle forme un sens agréable à Foreille; la mélodie
vocale s'appelle chant, et l'instrumentale , symphonie.
L'idée du rhythme entre nécessairement dans celle
de la mélodie; un chant n'est un chant qu'autant qu'il
est mesuré ; la même succession de sons peut recevoir
autant de caractères, autant de mélodies différentes
qu'on peut la scander différemment; et le seul chan-
gement de valeur des notes peut défigurer cette même
succession au point de la rendie méconnoissable.
Ainsi la mélodie n'est rien par elle-même ; a'est la me-
sure qui la détermine, et il n'y a point de chant sans
le temps. On ne doit donc pas comparer la mélodie
avec l'harmonie , abstraction faite de la mesure dans
toutes les deux ; car elle est essentielle à l'une et non
pas l'autre.
La mélodie se rapporte à deux principes différents,
selon la manière dont on la considère. Prise par les
rapports des sons et par les régies du mode, elle a son
principe dans l'harmonie, puisque c'est une analyse
harmonique qui donne les degrés de la gamme, les
cordes du mode, et les lois de la modulation , uniques
éléments du chant. Selon ce principe, toute la force
de la mélodie se borne à flatter l'oreille par des sons
agréables, comme on peut flatter la vue par d'agréa-
bles accords de couleur; mais prise pour un art d'imi-
tation par lequel on peut affecter l'esprit de diverses
"^ . "
M EL Jijj
images , émouvoir le cœur de divers sentiments ,
exciter et calmer les passions , opérer , en un mot ,
des effets moraux qui passent Tempire immédiat des
sens, il lui faut chercher un autre principe: car on
ne voit aucune prise par laquelle la seule harmo-
nie, et tout ce qui vient d'elle, puisse nous affecter
ainsi.
Quel est ce second principe? il est dans la nature
ainsi que le premier; mais pour Ty découvrir il faut
une observation plus fine, quoique plus simple, et
plus de sensibilité dans Tobservateur. Ce principe est
le même qui fait varier le ton de la voix quand on
parle , selon les choses qu'on dit et les mouvements
qu'on éprouve en les disant. C'est l'accent des langues
qui détermine la mélodie de chaque nation; c'est l'ac-
cent qui fait qu'on parle en chantant, et qu'on parle
avec plus ou moins d'énergie, selon que la langue a
plus ou moins d'accent. Celle dont l'accent est plus
mai que doit donner une mélodie plus vive et plus pas-
sionnée; celle qui n'a que peu ou point d accent ne
peut avoir qu'une mélodie languissante et froide, sans
caractère et sans expression. Voilà les vrais principes ;
taqt qu'on en sortira et qu'on voudra parler du pou-
voir de la musique sur le cœur humain , on parlera
sans s'entendre , on ne saura ce qu'on dira.
Si la musique ne peint que par la ?iiélodie , et tiro
d'elle toute sa force, il s'ensuit que toute musique qui
ne chante pas, quelque harmonieuse qu'elle puisse
être, nest point une musique imitative, et, ne pou-
vant ni toucher ni peindre avec ses beaux accords ,
lasse bientôt les oreilles, et laisse toujours le cœur
froid. Il suit encore que, malgré la diversité des par-
ties que 1 harmonie a introduites, et dont on abuse
tant aujourd'hui, sitôt que deux mélodies se font en-
tendre à-la-fois , elles s'effacent Fune l'autre et de-
meurent de nul effet, quelque belles qu'elles puissent
être chacune séparément : d'où Ton peut jU(jer avec
quel goût les compositeurs françois ont introduit à
leur Opéra l'usage de faire servir un air d'accompa-
{jnement à un chœur ou à un autre air; ce qui est
comme si on s avisoit de réciter deux discours à-la-
fois, pour donner plus de force à leur éloquence.
(Voyez Unité de mélodie.)
Mélodieux, adj. Qui donne de la mélodie. 3Iélo-
dieux, dans l'usage, se dit des sons agréables, des
voix sonores, des chants doux et gracieux, etc.
Mélopée, s. f. C'étoit dans l'ancienne musique,
l'usage régidier de toutes les parties harmoniques,
c'est-à-dire l'art ou les régies de la composition du
chant, desquelles la pratique et l'effet s'appeloit mé-
lodie.
Les anciens avoient diverses régies pour la manière
de conduire le chant par degrés conjoints, disjoints,
ou mêlés , en montant ou en descendant. On en trouve
plusieurs dans Aristoxène, lesquelles dépendent toutes
de ce principe, que, dans tout système harmonique,
le troisième ou le quatrième son après le fondamental
en doit toujours frapper la quarte ou la quinte, selon
que les tétracordes sont conjoints ou disjoints; diffé-
rence cjui rend un mode authentique ou plagal au gré
du compositeur. C'est le recueil de toutes ces régies
qui s'appelle mélopée.
M KL 397
La rnclopée est composée de trois parties: savoir,
la prise, lepsis^ qui enseigne au musicien en quel lieu
de la voix il doit établir son diapason ; le mélange ,
mi.vis, selon lequel il entrelace ou mêle à propos les
genres et les modes; et r usage, chrésès, qui se subdi-
vise en trois autres parties. La première, appelée
eiUhia , guide la marcbe du cliant, laquelle est, ou di-
recte du grave à Faigu , ou renversée de Taigu au
grave, ou mixte, c'est-à-dire composée de l'une et de
l'autre. La deuxième , appelée agogé, marche alterna-
tivement par degrés disjoints en montant, et conjoints
en descendant, ou au contraire. La troisième, appelée
petteïa, par laquelle il discerne et choisit les sons qu il
faut rejeter, ceux qu il faut admettre, et ceux qu'il
faut employer le plus fréquemment.
Aristide Quintilien divise toute la mélopée en trois
espèces qui se rapportent à autant de modes, en pre-
nant ce dernier nom dans un nouveau sens. La pre-
mière espèce étoit \ hypatoïde , appelée ainsi de la
corde liypate , la principale ou la plus basse , parceque
le chant, régnant seulement sur les sons graves, ne
s'éloignoit pas de cette corde, et ce chant étoit ap-
proprié au mode tragique. La seconde espèce, étoit la
mésoïde, de mèse , la corde du milieu, parceque le
chant régnoit sur les sons moyens, et celle-ci répon-
doit au mode nomique, consacré à Apollon. La troi-
sième s'appeloit nétoCde de nète, la dernière corde ou
la plus haute \ son chant ne s'étendoit que sur les sons
aigus, et constituoit le mode dithyrambique ou ba-
chique. Ces modes en avoient d'autres qui leur étoient
subordonnés, et varioient la mélopée; tels que l'éro-
398 MEN
lique ou amoureux, le comique, rencômiaque, des-
tiné aux louanges.
Tous ces modes, étant propres à exciter ou calmer
certaines passions , influoient beaucoup sur les mœurs ;
et, par rapport à cette influence, la mélopée se parta-
geoit encore en trois genres : savoir, i» le sysialtique ^
ou celui qui inspiroit les passions tendres et affec-
tueuses, les passions tristes et capables de resserrer
le cœur, suivant le sens du mot grec; 1^ le diastal-
ticjue^ ou celui qui étoit propre à Fépanouir, en exci-
tant la joie, le courage, la magnanimité, les grands
sentiments; 3° Xeucliasticjuc^ qui tenoit le milieu entre
les deux autres, qui ramenoit famé à un état tran-
quille. La première espèce de mélopée convenoit aux
poésies amoureuses, aux plaintes, aux regrets, et
autres expressions semblables. La seconde étoit pro-
pre aux tragédies, aux chants de guerre, aux sujets
héroïques. La troisième aux hymnes, aux louanges,
aux instructions.
Mélos, s. m. Douceur du chant. Il est difficile de
distinguer dans les auteurs grecs le sens du mot mélos
du sens du mot mélodie. Platon , dans son Protagoras ,
met le mélos dans le simple discours , et semble en-
tendre par là le chant de la parole. Le mélos paroît
être ce par quoi la mélodie est agréable. Ce mot vient
de f^-é^'' 1 miel.
Menuet, s. m. Air d'une danse de même nom, que
Tabbé Brossard dit nous venir du Poitou. Selon hii
cette danse est fort gaie, et son mouvement est fort
vite; mais, au contraire, le caractère du menuet est
une élégante et noble simplicité ; le mouvement en est.
MES 399
plus modéré que vite, et Ton peut dire que le moins
(jai de tous les genres de danses usités dans nos bals
est le menuet. C'est autre chose sur le théâtre.
La mesure du menuet est à trois temps légers , qu'on
marque par le 3 simple, ou par le ^, ou parle f. Le
nombre des mesures de Tair dans chacune de ses re-
prises doit être quatre ou un multiple de quatre , par-
cequ'il en faut autant pour achever le pas du menuet;
et le soin du musicien doit être de faire sentir cette
division par des chutes bien marquées , pour aider
Toreille du danseur et le maintenir en cadence.
Mèse, s.f. Nom de la corde la plus aiguë du second
tétracorde des Grecs. (Voyez Méson.)
Mèse signifie moyenne.^ et ce nom fut donné à cette
corde, non, comme dit Tabbé Brossard, parcequ'elle
est commune ou mitoyenne entre les deux octaves de
Tancien système , car elle portoit ce nom bien avant
que le système eût acquis cette étendue, mais parce-
qu'elle formoit précisément le milieu entre les deux
premiers tétracordes dont ce système avoit d'abord
été composé.
Mésoïde, s.f. Sorte de mélopée dont les chants rou-
loientsurles cordes moyennes, lesquelles s'appeloient
aussi mésoïdes de la mèse ou du tétracorde méson.
Mésoïdes. Sons moyens, ou pris dans le médium
du système. (Voyez Mélopée.) \
Méson. Nom donné par les Grecs à leur second té-
tracorde, en commençant à compter du grave ; et c'est
aussi le nom par lequel on distingue chacune de ses
quatre cordes de celles qui leur correspondent dans
les autres tétracordes : ainsi , dans celui dont je parlcj
4oO MES
la première corde s appelle hypate-niéson; la seconde,
parhypate-méson ; la troisième, lichanos-inéson ^ oumé-
sofi-diatonos , et la quatrième, inèse. ( Voyez Système. )
Méson est le génitif plm'iel de mèse^ moyenne, parce-
que le tétracorde méson occupe le milieu entre le pre-
mier et le troisième, ou plutôt parceque la corde mcse
donne son nom à ce tétracorde dont elle forme Fex-
trémité aiguë. (Voyez Planche W^ figure i. )
Mésopycni, adj. Les anciens appeloient ainsi, dans
les genres épais, le second son de chaque tétracorde.
Ainsi les sons mésopycni étoient cinq en nombre.
(Voyez Son, Système, Tétracorde.)
Mesure, s. f. Division de la durée ou du temps
en plusieurs parties égales, assez longues pour que
l'oreille en puisse saisir et subdiviser la quantité, et
assez courtes pour que 1 idée de l'une ne s'eBace pas
avant le retour de Fautre, et qu'on en sente l'égalité.
Chacune de ces parties égales s'appelle aussi me-
sure: elles se subdivisent en d'autres aliquotes qu'on
appelle temps, et qui se marquent par des mouve-
ments égaux de la main ou du pied. (Voyez Battre la
mesure. ) La durée égale de chaque temps ou de cha-
que mesure est remplie par plusieurs notes qui passent
plus ou moins vite en proportion de leur nombre, et
auxquelles on donne diverses Figures pour marquer
leurs différentes durées. (Voyez Valeur des notes.)
Plusieurs, considérant le progrès de notre miisi-
(jue, pensent que la mesure est de nouvelle invention,
parcequ'un temps elle a été négligée ; mais au con-
traire , non seulement les anciens pratiquoient la
mesure^ ils lui avoient même donné des régies très
MJES 4oi
sévères et fondées sur des principes que la nôtre n'a
plus. En effet, chanter sans mesure n'est pas chanter ;
et le sentiment de la mesure n'étant pa.^ moins naturel
que celui de Tintonation , Tinvention de ces deux
choses n'a pu se faire séparément.
La mesure des Grecs tenoit à leur Ian^cr,je ; c'étoit la
poésie qui l'avoit donnée à la musique ; les mesures de
Tune répondoient aux pieds de Tciutre: on n'auroit
pas pu mesurer de la prose en musique. Chez nous
c'est le contraire: le peu de prosodie de nos langues
fait que dans nos chants la valeur des notes détermine
la quantité des syllabes ; c'est sur la méîodie qu'on
est forcé de scander le discours; on n'aperçoit pas
même si ce qu'on chante est vers ou prose : nos poésies
n'ayant plus de pieds , nos vocales n'ont plus de me-
sures ; le chant guide et la parole obéit.
La mesure tomba dans l'oubli, quoique l intonation
fut toujours cultivée, lorsque après les victoires des
Barbares les langues changèrent de caractère et perdi-
rentleur harmonie. Il n'est pas étonnant que le métré
qui servoit à exprimer la mesure de la poésie fût né-
gligé dans des temps où on ne la sentoit plus , et où
l'on chantoit moins de vers que de prose. Les peuples
ne connoissoient guère "alors d'autre amusement que
les cérémonies de l'égUse, ni d'autre musique que
celle de l'office ; et comme cette musique n'exigeoit
pas la régularité du rhythme, cette partie fut enfin
tout-à-fait oubliée. Gui nota sa musique avec des
points qui n'exprimoient pas des quantités différentes ,
et 1 invention des notes fut certainement postérieure
à cet auteur.
XIV. 26
4o:>. >iES
On attribue communément cette invention des di-
verses valeurs des notes à Jean de Mûris ^ vers Fan
i33o; mais le P. Mersenne le nie avec raison, et il
jpaut n'avoir jamais lu les écrits de ce chanoine pour
soutenir une opinion qu'ils démentent si clairement.
Non seulement il compare les valeurs que les notes
avoient avant lui à celles qu'on leur donnoit de son
temps, et dont il ne se donne point pour Fauteur,
mais même il parle de la mesure^ et dit que les mo-
dernes, c'est-à-dire ses contemporains, la ralentis-
sent beaucoup , etnioderni nunc niorosâ multùm utuntur
mensurâ : ce qui suppose évidemment que la mesure, et
par conséquent les valeurs des notes, étoient connues
et usitées avant lui. Ceux qui voudront rechercher
plus en détail Fétat où étoit cette partie de la musique
du temps de cet auteur, pourront consulter son traite
manuscrit intitulé, Spéculum Musicœ, qui est à la Bi-
bliothèque du roi de France, numéro 7207 , pa(>. 280
et suivantes.
Les premiers qui donnèrent aux notes quelques
régies de quantité s'attachèrent plus aux valeurs ou
durées relatives de ces notes qu'à la mesure même ou
au caractère du mouvement; de sorte qu'avant la dis-
tinction des différentes mesures il y a voit des notes au
moins de cinq valeurs différentes ; savoir, la maxime ,
la longue, la brève, Ja semi-brève, et la minime, que
l'on peut voir à leurs mots. Ce qu'il y a de certain,
c'est qu'on trouve toutes ces différentes valeurs et
même davantage dans les manuscrits de Macliault ,
sans y trouver jamais aucun signe de mesure.
Dans la suite, les rapports en valeur d'une de ce i
MES 4o3
nole&à Taiitre dépendirent du temps, de la piolatioii
du mode. Par Je mode on déterminoit Je rapport de
la maxime à la longue, ou de la lonj>ue à la brève; par
le temps, celui de la longue à la brève, ou de la brève
à la semi-brève ; et par la prolation , celui de la brève à
la semi-brève, ou dé la semi-brève à la minime. (Voyez
Mode, Prolation, Temps.) En général toutes ces diffé-
jentes modifications se peuvent rapporter à la mesure
double ou à la mesure triple , c'est-à-dire à la division de
chaque valeur entière en deux ou trois temps égaux.
Cette manière d'exprimer le temps ou la mesure
des notes changea entièrement durant le cours du
dernier siècle. Dès qu'on eut pris l'habitude de ren-
fermer chaque mesure entre deux barres , il fallut né-
cessairement proscrire toutes les espèces de notes qui
renferm oient plusieurs mesures. La mesure en devint
plus claire, les partitions mieux ordonnées, et l'exé-
cution plus facile ; ce qui étoit fort nécessaire pour
compenser les difficultés que la musique acquéroit en
devenant chaque jour plus composée. J ai vu d'excel-
lents musiciens fort embarrassés d'exécuter bien en
mesw^e des trio d'Orlande et de Claudin , compositeurs
du temps de Henri III.
Jusque-là la raison triple avoit passé pour la plus
parfaite : mais la double prit enfin l'ascendant, et le
C, ou la mesure à quatre temps fut prise pour la base
de toutes les autres. Or, la mesure à quatre temps se
résout toujours en mesure à deux temps ; ainsi c'est
proprement à la mesure double qu'on fait rapporter
toutes les autreâ , du moins quant aux valeurs des
notes et aux signes des mesures.
2Q*
4o4 MES
Au lieu donc des maximes, longues, brèves, semi-
brèves , etc. , on substitua les rondes , blanches , noires,
croches, doubles et triples-croches, etc., qui toutes
furent prises en division sous-double; de sorte que
chaque espèce de note valoit précisément la moitié
delà précédente. Division manifestement insuffisante,
puisque ayant conservé la mesure triple aussi bien que
la double ou quadruple , et chaque temps pouvant être
divisé comme chaque me^wre. en raison sous-double ou
sous-triple à la volonté du compositeur, il falloit assi-
gner, ou plutôt conserver aux notes des divisions ré-
pondantes à ces deux raisons.
Les musiciens sentirent bientôt le défaut ; mais , au
lieu d'établir une nouvelle division, ils tâchèrent de
suppléer à cela par quelque signe étranger : ainsi , ne
pouvant diviser une blanche en trois parties égales,
ils se sont contentés d'écrire trois noires, ajoutant le
chiffre 3 sur celle du milieu. Ce chiffre même leur a
enfin paru trop incommode , et , pour tendre des pièges
plus sûrs à ceux qui ont à lire leur musique , ils pren-
nent le parti de supprimer le 3 ou même le 6 ; en sorte
que, pour savoir si la division est double ou triple,
on n^'a d'autre parti à prendre que celui de compter
les notes ou de deviner.
Quoiqu'il n'y ait dans notre musique que deux
sortes de mesures^ on y a fait tant de divisions, qu'où
en peut compter au moins de seize espèces, dont voici
les signes^
^2666 33939 3 12 12 12
^^''m=:.4-4-8- i6- ^' 2-4-4-8-8-I6- 4- 8- iCr
( Voyez les exemples Planche B, figure i . )
MES /\()^
De toutes ces mesures il y en a tjois qu'on appelle
simples , parcequ'elles n ont qu'un seul chiiïje ou
sijj^ne; savoir le 2 ou ^ , le 3 , et leC, ou quatre temps.
Toutes les autres, qu'on appelle doubles, tirent leur
dénomination et leurs signes de cette dernière ou de
la note ronde qui la remplit ; en voici la régie :
Le chiffre inférieur marque un nombre de notes
de valeur égale, faisant ensemble la durée d'une ronde
ou d'une mesure à quatre temps.
Le chiffre supérieur montre combien il faut de ces
mêmes notes pour remplir chaque mesure de l'air
fpi'on va noter.
Par cette règle on voit qu il fauttrois blanches pour
remplir une ynesia^e au signt3 3 ; deux noires pour celle
au signe ^; trois croches pour celle au signe g, etc.
Tout cet embarras de chiffres est mal entendu ; car
pourcpioi ce rapport de tant de différentes mesures à
celle de quatre temps , qui leur est si peu semblable?
ou pourquoi ce rapport de tant de diverses notes à
une ronde, dont la durée est si peu déterminée? Si
tous ces signes sont institués pour marquer autant de
différentes sortes de mesures ^ il y en a beaucoup trop;
et s'ils le sont pour exprimer les divers degrés de
mouvement , il n'y en a pas assez , puisque indépen-
„damment de l'espèce de mesure et de la division des
temps, on est presque toujours contraint d'ajouîer
un mot au commencement de l'air pour déterminer
le temps.
Il n'y a réellement que deux sortes de mesures dans
notre musique; savoij-, à deux et trois temps égaux.
Mais comme chaque temps, ainsi que chafiue mesu^rej
4oÔ MEZ
peut se diviser en deux ou en trois parties égales, cela
fait une subdivision qui donne quatre espèces de me-
sures en tout; nous n'en avons pas davantage.
On pourroit cependant en ajouter une cinquième,
en combinant les deux premières en une mesure à deux
temps irtîégaux, Tun composé de deux notes, et l'autre
de trois. On peut trouver dans cette mesure des chants
très bien eadencés , qu il seroit impossible de noter
par les mesures usitées. J'en donne un exemple dans
la Planche B, figure lo. Le sieur AdolTati fit à Gênes,
en 1 75o, un essai de cette mesure en grand orchestre,
dansfairtSe la sorte mi couda n?ia de soit-opér a d'Ariane.
Ce jTiorceau fit de TeFfei et fut applaudi. Malgré cela
je n'apprends pas que cet exemple ait été suivi.
Mesuré, part. Ce mot répond à fitalien a. tempo ou
a batuta , et s'emploie, sortant d'un récitatif, pour
marquer le lieu où Ton dojt commencer à chanter en
mesure.
Métrique, adj. La musique métrique, selon Aristide
Quintilien, est la partie de la musique en général qui
a pour objet les lettres , les syllabes , les pieds , les
vers et le poème; et il y a cette différence entre la
-métrique et la rhythmique ^ que la première ne s'oc-
cupe que de la forme des vers , et la seconde, de celle
des pieds qui les composent : ce qui peut même s'ap-
pliquer à la prose. D'où il suit que les langues mo-
dernes peuvent encore avoir une musique métrique^
puisqu'elles ont une poésie; mais non pas une musi-
que rhythmique, puisque leur poésie n'a plus de pieds,
( Voyez Rhythme. )
Mezza-v@ce. ( Voyez Sotto-yoce. )
M IX 407
Mezzo-forte. (Voyez Sotto-yoce.)
MI. La troisième des six syllabes inventées par Gui
Arctin pour nommer ou solfier les notes , lorsqu'on
ne joint pas la parole au chant. (Voyez E si mi,
Gamme.)
Mineur, adj. Nom que portent certains intervalles,
quand ils sont aussi petits qu'ils peuvent Fêtre sans
devenir faux. ( Voyez Majeur, Intervalle. )
Minew^ se dit aussi du mode, lorsque la tierce de la
tonique est mineure. (Voyez Mode. )
Minime, adj. On appelle intervalle minime ou moin-
dre, celui qui est plus petit que le mineur de même
espèce, et qui ne peut se noter; car s'il pouvoit se
noter il ne s'appelleroit pas minime^ mais diminué.
Le semi-ton minime est la différence du semi-ton
nia-xime au semi-ton moyen, dans le rapport de i25
à 128. (Voyez Semi-ton. )
Minime, 5. /. par rapport à la durée ou au temps,
est dans nos anciennes musiques la note qu'aujour-
d'hui nous appelons blanche. (Voyez Valeur des
notes.)
Mixis, s. f. mélange. Une des parties de l'ancienne
mélopée par laquelle le compositeur apprend à bien
combiner les intervalles et à bien distribuer les genres
et les modes selon le caractère du chant qu'il s'est pro-
posé de faire. ( Voyez Mélopée. )
Mixo-LYDiEN, adj. Nom d'un des modes de l'an-
cienne musique, appelé autrement hyper-dorien. ( Voy.
ce mot.) Le mode mixo-lydien étoit le plus aigu des
sept auxquels Ptolémée avoit réduit tous ceux delà
musique des Grecs. (Voyez Mode.)
4o8 MOD
Ce mode est affectueux, passionné, convenable aux
grands mouvements, et par cela même à la tragédie.
Aristoxène assure que Sapho en fut Finventrice; mais
Plutarque dit que d'anciennes tables attribuent cette
invention à Pytoclide : il dit aussi que les Argiens
mirent à ramende le premier qui s'en étoit servi, et
cjui avoit introduit dans la musique Tusage des sept
cordes, c'est-à-dire une tonique sur la septième corde.
IMïXTE, acij. On appelle modes mixtes ou connexes
dans le plain-chant, les chants dont Tétendue ex-
cède leur octave et entre d'un mode dans l'autre, par-
ticipant ainsi de rauîliente et du plagal. Ce mélange
ne se fait que des modes compairs, comme du pre-
mier ton avec le second , du troisième avec le qua-
ti^.ième, en un mot du plagal avec son authente et réci-
proquement.
Mobile, adj. On appeloit cordes mobiles ou sons
mobiles^ dans la musique grecque, les deux cordes
moyennes de chaque tétracorde, parcequ' elles s'ac-
cordoient différemment selon les genres, à la diffé-
rence des deux cordes extrêmes , qui , ne variant
jamais, s'appeloient cordes stables. (Voyez Tétra-
CQiiDE , Genre , Son . )
Mode, s. m. Disposition régulière du chant .et de
Faccompagnement relativement à certains sons prin-
cipaux sur lesquels une jnéce de musique est consti-
tuée, et qui s'appellent les cordes essentielles du mode.
Le mode diffère du ton en ce que celui-ci n'indique
que la corde ou le lieu du système qui doit servir de
base au chant, et le mode détermine la tierce et mo-
<liiîe toute i'écheile sur ce son fondamental.
MOD 4^9
Nos modes ne sont fondés sur aucun caractère de
sentiment, comme ceux des anciens; mais unique-
ment sur notre système harmonique. Les cordes
essentielles au îuode sont au nombre de trois, et for-
ment ensemble un accord parfait, i® La tonique, qui
est la corde fondamentale du ton et du mode ( voyez
Ton et Tonique); 2° la dominante à la quinte de la
tonique ( voyez Dominante ) ; 3° enfin la médiante ,
qui constitue proprement le mode, et qui est à la tierce
de cette même tonique. (Voyez Médiante.) Comme
cette tierce peut être de deux espèces, il y a aussi deux
modes différents. Quand la médiante fait tierce ma-
jeure avec la tonique, le mode est majeur; il est mi-
neur, quand la tierce est mineure.
Le mode majevn^ est engendré immédiatement par la
résonnance du corps sonore qui rend la tierce majeure
du son fondamental; mais le mode mineur n'est point
donné par la nature, il ne se trouve que par analogie
et renversement. Cela est vrai dans le système de M.
Tartini, ainsi que dans celui de M. Rameau.
Ce dernier auteur, dans ses divers ouvrages suc-
cessifs, a expliqué cette origine du mode mineur de
différentes manières, dont aucune n'a contenté son
interprète M. d'Alembert. C'est pourquoi M. d'Alem-
bert fonde cette même origine sur un autre principe,
que je ne puis mieux exposer qu'en transcrivant les
propres termes de ce grand géomètre.
«Dans le chnnt ut mi sol, qui constitue le triode
« majeur, les sons mi et sol sont tels- que le son*prin-
« cipal M^es fait résonner tous deux; mais le second
4 10 -MOD
« son nii ne fait point résonner sol^ qui n*est que sa
i< tierce mineure.
« Or, imaginons qu au lieu de ce son mi on place
«entre les sons ut et 50/ un autre son qui ait, ainsi
« que le son ut^ là propriété de faire résonner sol, et
« qui soit pourtant différent à\tt; ce son qu'on cherche
« doit être tel qu'il ait pour dix-septième majeure le
« son 50/ ou Tune des octaves de sol: par conséquent
« le son cherché doit être à la dix-septième majeure
« au-dessous de 50/, ou, ce qui revient au même, à la
« tierce majeure au-dessous de ce même son sol. Oi-,
« le son m? étant à la tierce mineure au-dessous de sol,
« et la tierce majeure étant d'un semi-ton plus grande
« que la tierce mineure, il s'ensuit que le son qu'on
« cherche sera d'un semi-ton plus bas que le mi, et
« sera par conséquent mi bémol.
«Ce nouvel arrangement ut, ??zi bémol, sol, dans
f lequel les sons ut et mi bémol -font l'un et l'autre ré-
« sonner sol sans que ut fasse résonner mi bémol , n'est
« pas à la vérité aussi parfait que le premier arrange-
« ment ut, mi, sol, parceque dans celui-ci les deux
« sons mi et sol sont Tun et l'autre engendrés par le
« son principal ut, au lieu que dans l'autre le son mi
«bémol n'est pas engendré par le son ut: mais cet
« arrangement ut, mi bémol, sol, est aussi dicté par la
« nature, quoique moins immédiatement que le pre-
«mier; et en effet l'expérience prouve que l'oreille
« s'en accommode à peu près aussi bien.
« Dans ce chant ut^ mi bémol , sol , ut , il est évident
« que la tierce ^\it à mi bémol est mineure; et telle
MOD 4 M
.< eèt Torigine du ^eiire ou mode appelé mineur. » Elé-
ments de Musique , pag. 22 .
Le mode une fois déterminé , tous les sons de la
jjanime prennent un nom relatif au fondamental , et
propre à la place qu'ils occupent dans ce mode-\h.
Voici les noms de toutes les notes relativement à
leur mode, ep prenant Toctave d uf pour exemple du
mode majeur, et celle de la pour exemple du mode
mineur.
Majeur : Ut Re Mi Fa Soi La Si Ut.
Mineur: La Si Ut Re Mi Fa Sol La.
"T!
5. o — ^ s B s^ ~:
3 ? 3 = 1 :i 5C3
11 faut remarquer que quand la septième note n'est
quà un semi-ton de i'octav-e, c'est-à-dire quand elle
fait la tierce majeure de la dominante; comme le 5/
naturel en majeur, ouïe sol dièse en mineur, alors
cette septième note s'appelle note sensible, parce-
qu'elle annonce la tonique et fait sentir le ton.
Non seulement chaque degré prend le nom qui Ini
convient, mais chaque intervalle est déterminé relati-
vement au mode. Voici les régies établies pour cela :
1° La seconde note doit faire sur la tonique une
seconde majeure: la quatrième et la dominante une
quarte et une quinte justes, et cela également dans
les deux modes.
2*^ Dans le mode majeur la médiante ou tierce, la
sixte et la septième de la tonique doivent toujours
Jil2 7; J O D
dire majeures; c'est le caractère du jnode. Par la même
raison , ces trois intervalles doivent être mineurs dems
le mode mineur : cependant, comme il faut qu'on y
aperçoive aussi la note sensible, ce qui ne peut se faire
sans fausse relation , tandis que la sixième note reste
mineure, cela cause des exceptions auxquelles on a
égard dans le cours de Fharmonie et du chant : mais
il faut toujours que la clef avec ses transpositions
donne tous les intervalles déterminés par rapport à
la tonique selon Fespéce du 7node. On trouvera au
mot Clef une régie générale pour cela.
Comme toutes les cordes naturelles de l'octave (Vut
donnent relativement à cette tonique tous les inter-
valles prescrits pour le mode majeur, et qu'il en est de
même de l'octave de la pour le mode mineur , l'exem-
ple précédent , que je n'ai proposé que pour les noms
des notes, doit servir aussi de formule pour la régie
des intervalles dans chaque mode.
Cette régie n'est point , comme on pourroit le croire,
établie sur des principes purement arbitraires ; elle a
son fondement dans la génération harmonique, au
moins jusqu'à certain point. Si vous donnez l'accord
parfait majeur à la tonique, à la dominante, et à la
sous-dominante , vous aurez tous les sons de Técheile
diatonique pour le mode majeur : pour avoir celle du
mode mineur, laissant toujours la tierce majeure à la
dominante, donnez la tierce mineure aux deux autres
accords; telle est l'analogie du mode.
Comme ce mélange d'accords majeurs et mineurs
introduit en mode mineur une fausse relation entre la
sixième note et la note sensible , on donne quelque-
MOD 4l3
fois, pour éviter cette fausse relation, la tierce ma-
jeure à la quatrième note en montant , ou la tierce mi-
neure à la dominante en descendant , surtout par
renversement; mais ce sont alors des exceptions.
Il n'y a proprement que deux modes ^ comme on
vient de le voir : mais comme il y a douze sons fonda-
mentaux qui donnent autant de tons dans le système,
et que chacun de ces tons est susceptible du mode ma-
jeur et du mode mineur, on peut composer en vingt-
quatre modes ou manières; maneries , disoient nos
vieux auteurs en leur latin. Il y en a même trente-
quatre possibles dans la manière de noter ; mais dans
la pratique on en exclut dix , qui ne sont au fond que
la répétition de dix autres , sous des relations beaucoup
plus difficiles , où toutes les cordes changeroient de
noms , et où l'oo auroit peine à se reconnoitre : tels
sont les modes majeurs sur les notes diésées, et les
modes mineurs sur les bémols. Ainsi , au lieu de com-
poser en sol dièse tierce majeure, vous composerez en
la bémol qui donne les mêmes touches , et au lieu de
composer en i^e bémol mineur, vous prendrez ut dièse
par la même raison; savoir, pour éviter d'un côté un
F double dièse, qui deviendroit un G naturel; et de
l'autre un B double bémol, qui deviendroit un A
naturel.
On ne reste pas toujours dans le ton ni dans le mode
par lequel on a commencé un air; mais , soit pour l'ex-
pression , soit pour la variété, on change de ton et de
mode, selon l'analogie harmonique, revenant pour-
tant toujours à celui qu'on a fait entendre le premier;
ce qui s'appelle moduler.
4l4 MOD
De là naît une nouvelle distincxion du mode en
principal et relatif; le principal est celui par lequel
commence et finit la pièce; les relatifs sont ceux qu'on
entrelace avec le principal dans le courant de la mo-
dulation. (Voyez Modulation. )
Le sieur Blainville , savant musicien de Paris, pro-
posa, en lySi, Fessai d'un troisième mode^ qu'il ap-
pelle mode ??i7*xfe, parcequ'il participe à la modulation
des deux autres , ou plutôt qu'il en est composé; mé-
lange que l'auteur ne regarde point comme un incon-
vénient, mais plutôt comme un avantage et une source
de variété et de liberté dans les chants et dans
l'harmonie.
Ce nouveau mode n'étant point donné par l'analyse
de trois accords comme les deux autres, ne se déter-
mine pas comme eux par des harmoniques essentiels
au mode y mais par une gamme entière qui lui est pro-
])re, tant en montant qu'en descendant; en sorte que
dans nos deux modes la gamme est donnée par les ac-
cords , et cpie dans le mode mixte les accords sont
donnés parla gamme.
La formule de cette gamme est dans la succession
ascendante et descendante des notes suivantes ,
Mi Fa Sol La Si Ut Re ' Mi ,
dont la différence essentielle est, quant à la mélodie,
dans la position des deux semi-tons, dont le premier
se trouve entre la tonique et la seconde note, et l'au-
tre entre la cinquième et la sixième ; et, quant à Thar-
monie , en ce qu'il por):e sur sa tonique la tierce mi-
neure en commençant , et majeure en finissant, comme
MOD 4l5
on peut le \oiv {PL l^^fg- 5 ) dans raccompagnement
de cette gamme, tant en montant qu'en descendant ,
tel qu'il a été donné par Tauteur , et exécuté au con-
cert spirituel le 3o mai i yS r .
On objecte au sieur de Blainville que son mode n'a
ni accord , ni corde essentielle , ni cadence qui lui soit
propre , et le distingue suffisamment des modes majeur
ou mineur. Il répond à cela que la différence de son
mode est moins dans l'harmonie que dans la mélodie ,
et moins dans le mode même que dans la modulation ;
qu'il est distingué dans son commencement du mode
majeur par sa tierce mineure , et dans sa fin du 7node
mineur par sa cadence plagale : à quoi l'on réplique
qu'une modulation qui n'est pas exclusive ne suffit
pas pour établir un mode; que la sienne est inévitable
dans les deux autres modes, surtout dans le mineur :
et quant à sa cadence plagale, qu'elle a lieu nécessai-
rement dans le même 7node mineur toutes les fois
qu'on passe de 1 accord de la tonique à celui de la do-
minante, comme cela se pratiquoit jadis, même sur
les finales , dans les modes plagaux et dans le ton du
quart; d'où l'on conclut que son ?node mixte est moins
une espèce particulière qu'une dénomination nou-
velle à des manières d'entrelacer et combiner les mo-
des majeur et mineur , aussi anciennes que l'harmonie,
pratiquées de tous les temps ; et cela paroît si vrai,
que, même en commençant sa gamme, l'auteur n'ose
donner ni la quinte ni la sixte à sa tonique , de peur de
déterminer une tonique en mode mineur par la pre-
mière, ou une médianteen/no^fe majeur par la seconde :
il laisse l'équivoque en ne remplissant pas son accord'
4l6 BIOD
Mais, quelque objection qu'on puisse faire contre
le mode mixte , dont on rejette plutôt le nom que la
pratique, cela n'empêchera pas que la manière dont
Fauteur l'établit et le traite ne le fasse connoître pour
un homme d'esprit et pour un musicien très versé
dans les principes de son art.
Les anciens diffèrent prodigieusement entre eux sur
les définitions, les divisions et les noms de leurs tons
ou modes : obscurs sur toutes les parties de leur musi-
que, ils sont presque inintelligibles sur celle-ci. Tous
conviennent à la vérité qu'un jnode est un certain sys-
tème on une constitution de sons, et il paroit que
cette constitution n'est autre chose en elle-même
qu'une certaine octave remplie de tous les sons inter-
médiaires, selon le genre. Euclide et Ptolémée sem-
blent la faire consister dans les diverses positions des
deux semi-tons de l'octave relativement à la corde
principale du mode, comme on le voit encore aujour-
d'hui dans les huit tons du plain-chant ; mais le plus
grand nombre paroît mettre cette différence unique-
ment dans le lieu qu'occupe le diapason du mode dans
le système général , c'est-à-dire en ce que la base ou
corde principale du mode est plus aiguë ou plus grave
étant prise en divers lieux du système, toutes les cor-
des de la série gardant toujours un même rapport avec
la fondamentale, et par conséquent changeant d'ac-
cord à chaque mode pour conserver l'analogie de ce
rapport : telle est la différence des tons de notre
musique.
Selon le premier sens, il n'y auroit que sept modes
possibles dans le système diatonique; et, en effet,
MOD 417
Ptalémée n'en admet pas davantage : car il n'y a que
sept manières de varier la position des deux semi-tons
relativement au son fondamental , en gardant toujours
entre ces deux semi-tons l'intervalle prescrit. Selon le
second sens il y auroit autant de modes possibles que
de sons, c'est-à-dire une infinité; mais si Ton se ren-
ferme de même dans le système diatonique, on n'y en
trouvera non plus que sept, à moins qu'on ne veuille
prendre pour de nouveaux modes ceux qu'on établi-
roit à l'octave des premiers.
En combinant ensemble ces deux manières , on n'a
encore besoin que de sept modes ; car si l'on prend ces
modes en divers lieux du système , on trouve en même
temps les sons fondamentaux distingués du grave à
l'aigu; et les deux semi-tons différemment situés rela-
tivement au son principal.
Mais outre ces modes on en peut former plusieurs
autres , en prenant dans la même série et sur le même
son fondamental différents sons pour les cordes essen-
tielles an mode: par exemple, quand on prend pour
dominante la quinte du son principal , le mode est
authentique; il est plagal si Ton choisit la quarte; et
ce sont proprement deux modes différents sur la même
fondamentale. Or, comme pour constituer un mode
agréable, il faut, disent les Grecs, que la quarte et la
quinte soient justes, ou du moins une des deux, il est
évident qu'on n'a dans l'étendue de l'octave que cinq
sons fondamentaux sur chacun desquels on puisse
établir un mode authentiaue et un plagal. Outre ces
dix modes on en trouve encore deux, l'un authentique ,
qui ne peut fournir de plagal , parceque sa quarte fait
xiv, 27
4l8 MOD
le triton; l'autre plagal, qui ne peut fournir d authen-
tique, parceque sa quinte est fausse. C'est peut-être
ainsi qu'il faut entendre un passage de Piutarque où
la musique se plaint que Phrynis Fa corrompue en
voulant tirer de cinq cordes, ou plutôt de sept, douze
harmonies différentes.
Voilà donc douze modes possibles dans l'étendue
d'une octave ou de deux tétracordes disjoints : que si
l'on vient à conj oindre les deux téti^acordes, c'est-à-
dire à donner un bémol à 1^ septième en retranchant
1 octave ; ou si l'on divise les tons entiers par les inter-
valles chromatiques, pour y introduire de nouveaux
modes intermédiaires ; ou si , ayant seulement égard
aux différences du grave à l'aigu, on place d'autres
modes à l'octave des précédents : tout cela fournira
divers moyens de multiplier le nombre des mo^^e^ beau-
coup au-delà de douze. Et ce sont là les seules ma-
nières d'expliquer les divers nombres de modes admis
ou rejetés par les anciens en divers temps.
L'ancienne musique ayant d'abord été renfermée
dans les bornes étroites du tétracorde, du pentacorde,
de rhexacorde, de Teptacorde, et de l'octacorde. on
n'y admit premièrement que trois modes dont les fon-
damentales étoient à un ton de distance Tune de
l'autre: le plus grave des trois s'appeloit le dorien; le
phrygien tenoit le milieu; le plus aigu étoit le lydien.
En partageant chacun de ces tons en deux intervalles ,
on fît place à deux autres modes ^ l'ionien et 1 éolien,
dont le premier fut inséré entre le dorien et le phry-
gien, et le second entre le phrygien et le lydien.
Dans la suite le système s'élant étendu à l'aigu et
MOD 419
au grave, les musiciens établirent de part et d autre
de nouveaux modes ^ qui tiroient leur dénomination
des cinq premiers, en y joignant la préposition hyper ^
sur, pour ceux d'en-haut, et la préposition hypo, sous,
pour ceux d'en-bas. Ainsi le mode lydion étoit suivi
de riiyper-dorien, de 1 hyper-ionien, de lliyper-pliry-
gien, de Tliyper-éolien, et de Thyper-lydien, en mon-
tant; et après le mode dorien venoient lliypo-lydien,
riiypo-éolien , l'hypo-phrygien , Thypo-ionien , et
rhypo-dorien , en descendant. On trouve le dénom-
brement de ces quinze modes dans Alipius, auteur
grec. Voyez [Planche E) leur ordre et leurs intervalles
exprimés par les noms des notes de notre musique.
Mais il faut remarquer que Thypo-dorien étoit le seul
mode qu'on exécutoit dans toute son étendue : à mesure
que les autres s'élevoieni, on en retranchoit des sons
à l'aigu pour ne pas excéder la portée de la voix. Cette
observation sert à l'intelligence de quelques passages
des anciens par lesquels ils semblent dire que les
modes les plus graves avoient un chant plus aigu; ce
qui étoit vrai en ce que ces chants s'éle voient davan-
tage au-dessus de la tonique. Pour n'avoir pas connu
cela le Doni s'est furieusement embarrassé dans ces
apparentes contradictions.
De tous ces modes Platon en rejetoit plusieurs ,
comme capables d'altérer les mœurs. Aristoxène, au
rapportd'Euciide, en admettoit seulement treize, sup-
primant les deux plus élevés, savoir, l'hyper-éolien
et Thyper-lydien; mais dans l'ouvrage qui nous reste
d'Aristoxène il en nomme seulement six, sur lesquels
^7.
420 MOD
il rapporte les divers sentiments qui régnoientdéjà de
son temps.
Enfin Ptolémée réduisoit le nombre de ces modes à
sept, disant que les modes n'étoient pas introduits
dans le dessein de varier les chants selon le grave et
l'aigu, car il est évident qu'on auroit pu les multiplier
fort au-delà de quinze, mais plutôt afin de faciliter le
passage d'un mode à l'autre par des intervalles con-
sonnants et faciles à entonner.
Il renfermoit donc tous les modes dans l'espace
d'une octave dont le mode dorien faisoit comme le
centre ; en sorte que le mixo-lydien étoit une quarte
au-dessus, et Thypo-dorien une quarte au-dessous; le
phrygien , une quinte au-dessus de l'hypo-dorien ;
l'hypo-phrygien, une quarte au-dessous du phrygien;
et le lydien, une quinte au-dessus de l'hypo-phrygien :
d'où il paroît qu'à compter de l'hypo-dorien, qui est
le mode le plus bas, il y avoit jusqu'à l'hypo-phrygien
l'intervalle d'un ton; de l'hypo-phrygien à l'hypo-
lydien, un autre ton; de l'hypo-lydien au dorien, un
semi-to?i; de celui-ci au phrygien, un ton; du phrygien
au lydien encore un ton; et du lydien au mixo-lydien
un sem\-ton : ce qui fait l'étendue d'une septième, en
cet ordre :
ï Fa mixo-lydien.
2 Mi lydien.
3 Re phrygien.
^ Ut dorien.
5 Si hypo-lydien.
6 La hypo-phiygien.
y Sol Tiypo-dorien.
Ptolémée retranchoit tous les autres modes, préten-
MOD /\2i
dant qu'on n'en ponvoit placer un plus grand nombre
dans le système diatonique d'une octave, toutes les
cordes qui !a composoient se trouvant employées. Ce
sont ces sept modes de Ptolémée, qui, en y joignant
riiypo-mixo-lydien, ajouté, dit-on, par TArétin , font
aujourd'hui les huit tons du plain-chant. (Voyez
Tons delégltse.)
Telle est la notion la plus claire qu'on peut tirer
des tons ou modes de l'ancienne musique, en tant
qu'on les regardoit comme ne différant entre eux
que du grave à l'aigu : mais ils avoient encore d'autres
différences qui les caractérisoient plus particulière-
ment, quant à l'expression; elles se tiroient du genre
de poésie qu'on mettoit en musique, de l'espèce d'in-
strument qui devoit Taccompagner, du rhythme ou
de la cadence qu'on y observoit, de l'usage où étoient
certains chants parmi certains peuples , et d'où sont
venus originairement les noms des principaux modes ^
le dorien, le phrygien, le lydien, l'ionien, l'éolien.
Il y avoit encore d'autres sortes de modes qu'on
auroit pu mieux appeler styles ou genres de composi-
tion; tels étoient le mode tragique destiné pour le
théâtre , le mode nomique consacré à Apollon , le
dithyrambique à Bacchus, etc. (Voyez Style et Mé-
lopée. )
Dans nos anciennes musiques, on appeloit aussi
modes , par rapport à la mesure , ou au temps , cer-
taines manières de fixer la valeur relative de toutes
les notes par un signe général : le mode étoit à peu
près alors ce qu'est aujourd'hui la mesure; il se mar-
quoit de même après la clef, d abord par des cercles
422 MOD
OU demi-cercles ponctués ou sans points suivis des
chiffres 2 ou 3 différemment combinés, à quoi Ton
ajouta ou substitua dans Ja suite des lignes perpendi-
culaires, différentes, selon le mode^ en nombre et en
longueur; et c'est de cet antique usage que nous est
resté celui du C et du C barré. (Voyez Prolation. )
Il y avoit en ce sens deux sortes de modes : le ma-
jeur, qui se rapportoit à la note maxime; et le mineur ,
qui étoit pour la longue : Tun et Tautre se divisoit eu
parfait et imparfait.
Le mode majeur parfait se marquoit avec trois
lignes ou bâtons qui remplissoient chacun trois es-
paces de la portée, et trois autres qui n'en remplis-
soient que deux; sous ce mode la maxime valoit trois
longues. (Voyez Planche B, Figure 2. )
Le mode majeur imparfait étoit marqué par deux
lignes qui traversoient chacune trois espaces, et deux
autres qui n'en traversoient que deux , et alors la
maxime ne valoit que deux longues. {Figure 3. )
Le mode mineur parfait étoit marqué par une seule
ligne qui traversoit trois espaces, et la longue valoit
trois brèves. [Figure 4.)
Le mode mineur imparfait étoit marqué par une
ligne qui ne traversoit que deux espaces, et la longue
n'y valoit que deux brèves. {Figure^.)
L'abbé Brossard a mêlé mal à propos les cercles
et demi-cercles avec les figures de ces modes. Ces
signes réunis n'avoient jamais lieu dans les modes
simples , mais seulement quand les mesures étoient
doubles ou conjointes.
Tout cela n'est plus eyi usage depuis long-temps ;
MOD 4^3
mais il faut nécessairement entendre ces signes pour
savoir déchiffrer les anciennes musiques : en quoi
les plus savants musiciens sont souvent fort embar-
rassés.
Modéré , adj. Ce mot indique un mouvement moyen
entre le lent et le gai ; il répond à Fitalien andante.
(Voyez Andante.)
Modulation , s. f. C'est proprement la manière
d'établir et traiter le mode ; mais ce mot se prend plus
communément aujourd'hui pour l'art de conduire
l'harmonie et le chant successivement dans plusieurs
modes d'une manière agréable à l'oreille et conforme
aux régies.
Si le mode est produit par l'harmonie , c'est d'elle
aussi que naissent les lois de la modulation. Ces lois
sont simples à concevoir, mais difficiles à bien ob-
server. Voici en quoi elles consistent.
Pour bien moduler dans un même ton, il faut ,
1 ^ en parcourir tous les sons avec un beau chant, en
rebattant plus souvent les cordes essentielles et s'y
appuyant davantage, c'est-à-dire que l'accord sensi-
ble et l'accord de la tonique doivent s'y remontrer
fréquemment, mais sous différentes faces et par dif-
férentes routes , pour prévenir la monotonie; 2» n'éta-
blir de cadences ou de repos que sur ces deux accords ,
ou tout au plus sur celui de la sous-dominante ; 3*^ enfin
n'altérer jamais aucun des sons du mode; car on ne
peut, sans le quitter, faire entendre un dièse ou un
bémol qui ne lui appartienne pas , ou en retrancher
quelqu'un qui lui appartienne.
Mais, pour passer d'un ton à un autre, il faut con-
424 MOD
sulter l'analogie, avoir égard au rapport des toniques
et à la quantité des cordes communes aux deux tons.
Partons d'abord du mode majeur : soit que 1 on con-
sidère la quinte de la tonique comme ayant avec elle
le plus simple de tous les rapports après celui de
Toctave, soit qu'on la considère comme le premier
des sons qui entrent dans la résonnance de cette même
tonique, on trouvera toujours que cette quinte, qui
est la dominante du ton, est la corde sur laquelle on
peut établir la modulation la plus analogue à celle du
ton principal.
Cette dominante, qui faisoit partie de l'accord par-
fait de cette première tonique, fait aussi partie du
sien propre, dont elle est le son fondamental. H y ^
donc liaison entre ces deux accords. De plus, cette
même dominante portant, air.si que la tonique, un
accord parfait majeur par le principe de la réson-
nance , ces deux accords ne diffèrent entre eux que
par la dissonance , qui , de la tonique passant à la do-
minante , est la sixte-ajoutée, et, de la dominante
repassant à la tonique, est la septième. Or ces deux
accords , ainsi distingués par la dissonance qui con-
vient à chacun, forment,- par les sons qui les compo-
sent rangés en ordre , précisément l'octave ou échelle
diatonique que nous appelons gamme, laquelle déter-
mine le ton.
Cette même gamme de la tonique forme , altérée
seulement par un dièse, la gamme du ton de la domi-
nante : ce qui montre la grande analogie de ces deux
tons, et donne la facilité de passer de l'un à l'autre au
moyen d'une seule altération. Le ton de la dominante
MOT) 4^5
est donc le premier qui se présehic après celui de la
tonique dans Tordre des modulations.
La même simplicité de rapport que nous trouvons
entre une tonique et sa dominante se trouve aussi
entre la même tonique et sa sous dominante ; car la
quinte que la dominante feit à Taigu avec cette toni-
que, la sous-dominante la fait au grave : mais cette
sous-dominante n'est quinte de la tonique que par
renversement; elle est directement quarte en plaçant
cette tonique au grave , comme elle doit être ; ce qui
établit la gradation des rapports : car en ce sens la
quarte, dont le rapport est de 3 à 4, suit immédiate-
ment la quinte, dont le rapport est de 2 à 3, Que si
cette sous-dominante n'entre pas de même dans l'ac-
cord de latonique, en revanche la tonique entre dans
le sien. Car soit ut mi sol l'accord de la tonique, celui
de la sous-dominante sera^à la ut; ainsi c'est \ut qui
fait ici liaison, et les deux autres sons de ce nouvel
accord sont précisément les deux dissonances des
précédents. D'ailleurs il nefiiut pas altérer plus de sons
pour ce nouveau ton que pour celui de la dominante ;
ce sont dans Tune et dans l'autre toutes les mêmes
cordes du ton principal , à un près. Donnez un bémol
à la note sensible si ^ et toutes les notes du ton d'«f
serviront à celui de fa. Le ton de la sous-dominante
n'est donc guère moins analogue au ton principal que
celui de la dominante.
On doit remarquer encore qu'après s'être servi de
la première modulation pour passer d'un ton prin-
cipal w^ à celui de sa dominante 5o/, on est obligé d'em-
ployer la seconde pour revenir au ton principal : car
426 MOD
si sol est dominante du ton d'wf, ut est sous-domi- j
nante du ton de sol; ainsi 1 une de ces modulations I
n'est pas moins nécessaire que Tautre.
Le troisième son qui entre dans l'accord de la
tonique est celui de sa tierce ou médiante, et c'est
aussi le plus simple des rapports après les deux pré-
cédents j^ y. Voilà donc une nouvelle modulation qui se
présente, et d'autant plus analogue que deux des sons
de la tonique principale entrent aussi dans l'accord
mineur de sa médiante ; car le premier accord étant
ut mi sol, celui-ci sera mi sol si, où l'on voit que mi et
sol sont communs.
Mais ce qui éloigne un peu cette modulation , c'est la
quantité de sons qu'il y faut altérer, même pour le
mode mineur , qui convient le mieux à ce mi. J'ai
donné ci-devant la formule de l'échelle pour les deux
modes : or , appliquant cette formule à mi mode mi-
neur , on n'y trouve à la vérité que le quatrième son
fa altéré par un dièse en descendant; mais, en mon-
tant, on en trouve encore deux autres , savoir, la prin-
cipale tonique ut^ et sa seconde note re, qui devient
ici note sensible : il est certain que l'altération de tant
de sons, et surtout de la tonique, éloigne le mode et
affoiblit l'analogie.
Si l'on renverse la tierce comme on a renversé la
quinte , et qu'on prenne cette tierce au-dessous de la
ionique sur la sixième note la , qu'on devroit appeler
aussi sous-médiante ou médiante en-dessous , on for-
mera sur ce la une modulation plus analogue au ton
principal que n'étoit celle de mi; car l'accord parfait
de cette sous-médiante étant la ut mij on y retrouve ,
comme dans celui Je la médiante, deux des sons qui
entrent dans Taccoid de la tonique, savoir, ut et mi;
et de plus , réchelle de ce nouveau ton étant compo-
sée, du moins en descendant, des mômes sons que
celle du ton principal , et n'ayant que deux sons alté-
rés en montant, c'est-à-dire un de moins que Téchelle
de la médiante , il s'ensuit que la modulation de la
sixième noto est préférable à celle de cette médiante ,
d'autant plus que la tonique principale y fait une des
cordes essentielles du mode, ce qui est plus propre à
rapprocher l'idée de la modulation. Le mi peut venir
ensuite.
Voilà donc quatre cordes , mi fa sol la , sur chacune
desquelles on peut moduler en sortant du ton majeur
d'ut. Restent le re et le si, les deux harmoniques delà
dominante. Ce dernier , comme note sensible , ne peut
devenir tonique par aucune bonne modulation., du
moins immédiatement : ce seroit appliquer brusque-
ment au même son des idées trop opposées et lui don-
ner une harmonie trop éloignée de la principale. Pour
la seconde note re, on peut encore à la faveur d'une
marche consonnante delà basse-fondamentale, y mo-
duler en tierce mineure, pourvu qu'on n'y reste qu'un
instant, afin qu'on n'ait pas le temps d'oublier la mo-
dulation de Vut , qui lui-même y est altéré; autrement
il faudroit, au lieu de revenir immédiatement en ut ^
passer par d'autres tons intermédiaires , où il seroit
dangereux de s'égarer.
En suivant les mêmes analogies, on modulera dans
l'ordre suivant, pour sortir d'un ton mineur; la mé-
diante premièrement , ensuite la dominante , la sous»
4^8 MOD
dorainante et la sous-mëdiante ou sixième note. Le à
mode de chacun de ces tons accessoires est déterminé 1
par sa médiante prise dans Féchelle du ton principal.
Par exemple, sortant d'un ton majeur ut pour modu-
ler sur sa médiante , on fait mineur le mode de cette
médiante, parceque la dominante 50/ du ton principal
fait tierce mineure sur cette médiante mi : au con-
traire, sortant d'un ton mineur la, on module sur sa
médiante ut en mode majeur, parceque la dominante
ini, du ton d'où l'on sort , fait tierce majeure sur la to-
nique de celui où l'on entre, etc.
Ces régies renfermées dans une formule générale,
sont que les modes de la dominante et de la sous-do-
minante soient semblables à celui de la tonique , et
que la médiante et la sixième note portent le mode
opposé. Il faut remarquer cependant qu'en vertu du
droit qu'on a de passer du majeur au mineur, et réci-
proquement, dans un même ton , on peut aussi chan-
ger l'ordre du mode d'un ton à l'autre ; mais en s éloi-
gnant ainsi de la modulation naturelle il faut songer au
retour : car c'est une régie générale que tout morceau
de musique doit finir dans le ton par lequel il a
commencé.
J'ai rassemblé dans deux exemples fort courts tous
les tons dans lesquels on peut passer immédiatement 5
le premier , en sortant du mode majeur , et l'autre , en
èortant du mode mineur. Chaque note indique une
modulation , et la valeur des notes dans chaque exem-
ple indique aussi la durée relative convenable à cha-
cun de ces modes selon son rapport avec le ton prin-
cipal. ( Voyez PL B ,/^. 6 et 7. )
MOD 4^9
Ces modulations immédiates fournissent les moyens
tîe passer par les mêmes régies dans des tons plus
éloignés, et de revenir ensuite au ton principal , qu il
ne faut jamais perdre de vue. Mais il ne suffit pas de
connoître les routes qu'on doit suivre , il faut savoir
aussi comment y entrer. Voici le sommaire des pré-
ceptes qu'on peut donner en cette partie.
Dans la mélodie , il ne faut, pour annoncer la mo-
dulation qu'on a choisie , que faire entendre les alté-
rations qu'elle produit dans les sons du ton d'où l'on
sort, pour les rendre propres au ton où l'on entre. Est-
on en ut majeur , il ne faut que sonner wnfa dièse pour
annoncer le ton de la dominante, ou un 5Z bémol pour
annoncer le ton de la sous-dominante. Parcourez en-
suite les cordes essentielles du ton où vous entrez; s il
est bien choisi, votre modulation sera toujours bonne
et régulière.
Dans l'harmonie, il y a un peu plus de difficulté : car
comme il faut que le changement de ton se fasse en
même temps dans toutes les parties, on doit prendre
garde à l'harmonie et au chant, pour éviter de suivre
à-la-fois deux différentes modulations-. Huygens a fort
bien remarqué que la proscription des deux quintes
consécutives a cette régie pour principe : en effet on
ne peut guère former entre deux parties plusieurs
quintes justes de suite sans moduler en deux tons
différents.
Pour annoncer un ton , plusieurs prétendent qu'il
suffit de former l'accord parfait de sa tonique , et cela
est indispensable pour donner le mode ; mais il est
certain que le ton ne peut être bien déterminé que par
43o MOE
Taccord sensible ou dominant : il faut donc faire en-
tendre cet accord en commençant la nouvelle modu-
lation. La bonne régie seroit que la septième ou dis-
sonance mineure y fût toujours préparée , au moins la
première fois qu on la fait entendre ; mais cette régie
n est pas praticable dans toutes les modulations per-
mises ; et pourvu que la basse-fondamentale marche
par intervalles consonnants , qu'on observe la liaison
harmonique, Tanalogie du mode, et qu'on évite les
fausses relations, la modulation est toujours bonne.
Les compositeurs donnent pour une autre régie de ne
changer de ton qu'après une cadence parfaite ; mais
cette régie est inutile, et personne ne s'y assujettit.
Toutes les manières possibles de passer d'un ton
dans un autre se réduisent à cinq pour le mode ma-
jeur, et à quatre pour le mode mineur ; lesquelles on
trouvera énoncées par une basse-fondamentale pour
chaque modulation dans la Planche B,Jig. 8. S'il y a
quelque autre modulation qui ne revienne à aucune de
ces neuf, à moins que cette modulation ne soit enhar-
monique, elle est mauvaise infailliblement. ( Voyez
Enharmonique. )
Moduler, f. n. C'est composer ou préluder, §oit par
écrit, soit sur un instrument, soit avec la voix , en sui-
vant les régies delà modulation. ( Voyez Modulation. )
Moeurs , s.f. Partie considérable de la musique des
Grecs , appelée par eux hermosmenon , laquelle consis-
toit à connoître et choisir le bienséant en chaque
genre , et ne leur permettoit pas de donner à chaque
sentiment, à chaque obj^t, à chaque caractère toutes
Jes formes dont il étoit susceptible, mais les obligeoit
MON 43l
de se borner à ce qui étoit convenable au sujet, àToc-
casion, aux personnes, aux circonstances. Les mœurs
consistoient encore à tellement accorder et propoi-
tionner dans une pièce toutes les parties de la mu-
sique , le mode, le temps , le rhytlime, la mélodie , et
même les changements, qu'on sentît dans le tout une
certaine conformité qui n'y laissât point de disparate,
et le rendît parfaitement un. Cette seule partie, dont
l'idée n'est pas même connue dans notre musique,
montre à quel point de perfection devoit être porté uu
art où l'on avoit même réduit en régies ce qui est hon-
nête , convenable , et bienséant.
Moindre, adj. ( Voyez Minime. )
Mol, adj. Épi thé te que donne Aristoxène et Pto-
lémée à une espèce du genre diatonique et à une
espèce du genre chromatique dont j'ai parlé au mot
Genre.
Pour la musique moderne , le mot mol n'y est em-
ployé que dans la composition du mot bémol ou B moL
par opposition au mot bécarre , qui jadis s'appeloit
aussi B dur.
Zarlin cependant appelle diatonique mo/ une espèce
du genre diatonique dont j'ai parlé ci-devant. (Voyez
Diatonique. )
Monocorde, 5. m. Instrument ayant une seule corde
qu'on divise à volonté par des chevalets mobiles, le^
quel sert à trouver les rapports des intervalles el
toutes les divisions du canon harmonique. Comme la
partie des instruments n'entre point dans mon plan,
je ne parlerai pas plus long-temps de celui-ci.
MoNODiE, s. f\ Chant à voix seule, par opposition
432 MOT
à ce que les anciens appeloient chorodles^ ou musiques
exécutées par le chœur.
Monologue, s. m. Scène d'opéra où Tacteur est seul
et ne parle qu'avec lui-même. C'est dans les mono-
logues que se déploient toutes les forces de la musique ;
le musicien pouvant s'y livrer à toute l'ardeur de son
génie, sans être gêné dans la longueur de ses mor-
ceaux par la présence d'un interlocuteur. Ces réci-
tatifs obligés, qui font un si grand effet dans les opéra
italiens, n'ont lieu que dans les monologues.
Monotonie, s. f. C'est, au propre, une psalmodie
ou un chant qui marche toujours sur le même ton ;
mais ce mot ne s'emploie guère que dans le figuré.
Monter, v. n. C'est faire succéder les sons du bas
en haut, c'est-à-dire du grave à l'aigu. Cela se pré-
sente à l'œil par notre manière dç noter.
Motif, 5. m. Ce mot, francisé de l'italien motlvo,
n'est guère employé dans le sens technique que par
les compositeurs : il signifie l'idée primitive et prin-
cipale sur laquelle le compositeur détermine son
sujet et arrange son dessein, c'est le motif ç\\\\^ pour
ainsi dire , lui met la plume à la main pour jeter sur
le papier telle chose et non pas telle autre. Dans ce
sens le motif principal doit être toujours présent à
l'esprit du compositeur, et il doit faire en sorte qu il
le soit aussi toujours à l'esprit des auditeurs. On dit
qu'un auteur bat la campagne lorsqu'il perd son motif
de vue , et qu'il coud des accords ou des chants qu'au-
cun sens commun n'unit entre eux.
Outre ce motifs qui n'-est que l'idée principale de la
pièce, il y a des motifs particuliers , qui sont les idées
MOT 433
déterminantes de la modulation, des entrelacements,
des textm'es harmoniques; et sur ces idées, que Ton
pressent dans Texécution, l'on juge si Fauteur a bien
suivi ces motifs^ ou s'il a pris le change, comme il
arrive souvent à ceux qui procèdent note après note ,
et qui manquent de savoir ou d'invention. C'est dans
cette acception qu'on dit motif de fugue, motif de ca-
dence, motif de changement de mode, etc.
MoTTKT, 5. m. Ce mot signifioit anciennement une
composition fort recherchée, enrichie de toutes les
beautés de Fart, et cela sur une période fort courte:
d'où lui vient, selon quelques uns, le nom de mottet^
comme si ce n'étoit qu'un mot.
Aujourd'hui l'on donne le nom de mottet à toute
pièce de musique faite sur des paroles latines à l'usage
de rr^glise romaine, comme psaumes, hymnes, an-
tiennes, répons , etc. Et tout cela s'appelle en général
musique latine.
Les François réussissent mieux dans ce genre de
musique que dans la françoise, la langue étant moins
défavorable; mais ils y recherchent trop de travail,
et, comme le leur a reproché l'abbé Dubos , ils jouent
trop sur le mot. En général la musique latine n'a pas
assez de gravité pour l'usage auq*iel elle est destinée ;
on n'y doit point rechercher l'imitation, comme dans
la musique théâtrale : les chants sacrés ne doivent
point représenter le tumulte des passions humaines ,
mais seulement la majesté de celui à qui ils s'adres-
sent, et l'égalité dame de ceux qui les prononcent.
Quoi que puissent dire les paroles, toute autre expres-
sion dans le chant est un contre-sens. Il faut n'avoir,
XIV. 28
434 MOU
je ne dis pas aucune piété, mais je dis aucun goût
pour préférer dans les églises la musique au plain-
chant.
Les musiciens du treizième et du quatorzième
siècle donnoient le nom de mottetus à la partie que
nous nommons aujourd'hui haute-contre. Ce nom et
d'autres aussi étranges causent souvent bien de l'em-
barras à ceux qui s'appliquent à déchiffrer les anciens
manuscrits de musique , laquelle ne s'écrivoit pas en
partition comme à présent.
Mouvement, s. m. Degré de vitesse ou de lenteur
que donne à la mesure le caractère de la pièce qu'on
exécute. Chaque espèce de mesure a un mouvement
qui lui est le plus propre, et qu'on désigne en italien
par ces mots tempo giusto. Mais outre celui-là il y a
cinq principales modifications de mouvement qui, dans
l'ordre du lent au vite , s'expriment par les mots larrjo ,
adagio, andante, allegro , presto ; et ces mots se rendent
en francois par les suivants, lent, modéré, gracieux ,
gai, vite. Il faut cependant observer que, le mouve-
ment ayant toujours beaucoup moins de précision
dans la musique françoise, les mots qui le désignent
y ont un sens beaucoup plus vague que dans la mu-
sique italienne.
Chacun de ces degrés se subdivise et se modifie
encore en d'autres, dans lesquels il faut distinguer
ceux qui n'indiquent que le degré de vitesse ou de
lenteur, comme larghetto, andantino , allegretto , pres-
tissimo; et ceux qui marquent de plus le caractère et
l'expression de l'air, comme agitato , vivace , gustoso,
cou brio , etc. Les premiers peuvent être saisis et
MUA 435
rendus par tous les musiciens, mais il n'y a que ceux
qui ont du sentiment et du goût qui sentent et rendent
les autres.
Quoique généralement les mouvements lents con-
viennent aux passions tristes, et les mouvements ani-
més aux passions gaies, il y a pourtant souvent des
modifications par lesquelles une passion parle sur le
ton d'une autre, il est vrai toutefois que la gaieté ne
s'exprime guère avec lenteur; mais souvent les dou-
leurs les plus vives ont le langage le plus emporté
Mouvement est encore la marche ou le progrès des
sons du grave à Taigu , ou de Faigu au grave : ainsi
quand on dit qu'il faut, autant qu'on le peut, faire
marcher la basse et le dessus par mouvements con-
traires, cela signifie que Tune des parties doit monter
tandis que l'autre descend. Mouvement semblable ^ c'est
quand les deux parties marchent en même sens.
Quelques uns appellent mouvement oblique celui où
Tune des parties reste en place tandis que l'autre
monte ou descend.
Le savant Jérôme Mei, à l'imitation d'Aristoxène,
distingue généralement dans la voix humaine deux
sortes de mouvement : savoir, celui de la voix parlante,
qu'il appelle mouvement continu , et qui ne se fixe qu au
moment qu'on se tait; et celui de la voix chantante,
qui marche par intervalles déterminés, et qu'il appelle
mouvement diastématique ou intervallatif.
MuANCES, s. f. On appelle ainsi les diverses ma-
nières d'appliquer aux notes les syllabes de la gamme
selon les diverses positions des deux semi-tons de
l'octave, et selon les différentes routes pour y arriver.
28.
436 MUS
Comme TArétin n'inventa que six de ces syllabes, et
qu'il y a sept notes à nommer dans une octave, il
falloit nécessairement répéter le nom de quelque note ;
cela fit qu'on nomma toujours mi fa on fa la les deux
notes entre lesquelles se trouvoit un des semi-tons. Ces
noms déterminoient en même temps ceux des notes
les plus voisines , soit en montant , soit en descendant.
Or, comme les deux semi-tons sont sujets à changer
de place dans la modulation, et qu'il y a dans la mu-
sique une multitude de manières différentes de leur
appliquer les six mêmes syllabes, ces manières s'ap-
peloient muances, parceque les mêmes notes y clian-
geoient incessamment de noms. (Voyez Gamme. )
Dans le siècle dernier on ajouta en France la syl-
labe si aux six premières de la gamme de l'Arétin. Par
ce moyen la septième note de l'échelle se trouvant
nommée, les muances devinrent inutiles et furent pro-
scrites de la musique françoise ; mais chez toutes les
autres nations, où, selon l'esprit du métier, les musi-
ciens prennent toujours leur vieille routine pour la
perfection de l'art, on n'a point adopté le si: et il y a
apparence qu'en Italie, en Espagne, en Allemagne, en
Angleterre, les muances serviront long-temps encore à
la désolation des commençants.
Muances, dans la musique ancienne. (Voyez Muta-
tions.)
Musette, s. f Sorte d'air convenable à l'instru-
ment de ce nom, dont I9 mesure est à deux ou trois
temps , le caractère naïf et doux , le mouvement un
peu lent, portant une basse pour 1 ordinaire en tenue
ou point d'orgue, telle que la peut faire une musette.
MUS 4^7
et qu'on appelle à cause Je cela basse de musette. Sur
ces airs on forme des danses d'un caractère convena-
ble, et qui portent aussi le nom de musettes.
Musical, aclj. Appartenant à la musique. (Voyez
Musique. )
Musicalement, adv. D'une manière musicale, dans
les régies de la musique. ( Voyez Musique. )
Musicien, s. m. Ce nom se donne également à
celui qui compose la musique et à celui qui 1 exé-
cute. Le premier s'appelle aussi compositeur. (Voyez
ce mot. )
Les anciens musiciens étoient des poètes, des phi-
losophes , des orateurs du premier ordre , tels étoient
Orphée, Terpandre, Stésichore, etc. Aussi Boëce ne
veut-il pas honorer du nom de musicien celui qui pra-
tique seulement la musique par le ministère servile
des doigts et de la voix, mais celui qui possède cette
science par le raisonnement et la spéculation : et il
semble de plus que pour s'élever aux grandes expres-
sions de la musique oratoire et imitative, il faudroit
avoir fait une étude particulière des passions hu-
maines et du langage de la nature. Cependant les mu-
siciens de nos jours, bornés pour la plupart à la prati-
que des notes et de quelques tours de chant, ne seront
guère offensés, je pense, quand on ne les tiendra pas
poui' de grands philosophes .
Musique, s.f. Art de combiner les sons d'une ma-
nière agréable à l'oreille. Cet art devient une science,
et même très profonde, quand on veut trouver les
principes de ces combinaisons et les raisons des affec-
tions qa'elles nous causent. Aristide Quintilien définit
438 MUS
la musique l'art du beau et de la décence dans les voix
et dans les mouvements. Il n'est pas étonnant qu'avec
des définitions si vagues et si générales les anciens
aient donné une étendue prodigieuse à Tart qu'ils dé-
finissoient ainsi,
On suppose communément que le mot de musique
vient de musa, parcequ'on croit que les muses ont in-
venté cet art: mais Kircher, d'après Diodore, fait
venir ce nom d'un mot égyptien , prétendant que c'est
en Egypte que la musique a commencé à se rétablir
après le déluge, et qu'on en reçut la première idée du
son que rendoient les roseaux qui croissent sur les
bords du Nil quand le vent souffloit dans leurs tuyaux.
Quoi qu'il en soit de l'étymologie du nom, l'origine
de l'art est certainement plus près de l'homme, et si
la parole n'a pas commencé par du chant, il est sûr
au moins qu'on chante partout où l'on parle.
La musique se divise naturellement en musique théO'
rique ou spéculative ^ et en musique pratique.
La musique spéculative est, si l'on peut parler ainsi ,
la connoissance de la matière musicale, c'est-à-dire
des différents rapports du grave à laigu, du vite au
lent, de l'aigre au doux, du fort au foibie, dont les
sons sont susceptibles; rapports qui, comprenant
toutes les combinaisons possibles de la musique et
des sons, semblent comprendre aussi toutes les causes
des impressions que peut faire leur succession sur
i oreille et sur l'ame.
La musique pratique est l'art d'appliquer et mettre
en usage les principes de la spéculative, c'est-à-dire
de conduire et disposer les sons par rapport à la con-
MUS 439
sonnance, à la durée, à la succession, de telle sorte
fjue le tout produise sur Toreille Teifet qu'on s'est pro-
posé; c'est cet art qu'on appelle composition. (Voyez
ce mot. ) A l'égard de la production actuelle des sons
par les voix ou par les instruments, qu'on appelle
exécution, c'est la partie purement mécanique et opé-
rative, qui , supposant seulement la faculté d'entonner
juste les intervalles, de marquer juste les durées, de
donner aux sons le degré prescrit dans le ton et la
valeur prescrite dans le temps , ne demande en rigueur
d'autre connoissance que celle des caractères de la
musique, et l'habitude de les exprimer.
La musique spéculative se divise en deux parties;
savoir, la connoissance du rapport des sons ou de
leurs intervalles, et celle de leurs durées relatives ,
c'est-à-dire de la mesure et du temps.
La première est proprement celle que les anciens
ont appelée musique harmonique : elle enseigne en
quoi consiste la nature du chant, et marque ce qui est
consonnant, dissonant, agréable ou déplaisant dans
la modulation; elle fait connoître en un mot les di-
verses manières dont les sons affectent l'oreille par
leur timbre, par leur force, par leurs intervalles, ce
qui s'applique également à leur accord et à leur suc-
cession.
La seconde a été appelée rhjthmique, parcequ'elle
traite des sons eu égard au temps et à la quantité : elle
contient l'explication du rhytlime, du mètre, des me-
sures longues et courtes , vives et lentes , des temps
et des diverses parties dans lesquelles on les divise
pour y appliquer la succession des sons.
44o MUS
La musique pî^atique se divise aussi en deux parties,
qui répondent aux deux précédentes.
Celle qui répond à la musique harmonique^ et que
les anciens appeloient mélopée^ contient les régies
pour combiner et varier les intervalles consonnants et
dissonants d'une manière agréable et harmonieuse.
( Voyez Mélopée . )
La seconde, qui répond à la musique rhythmique , et
qu'ils appeloient r/ijfAmoyyee, contient les régies pour
l'application des temps, des pieds, des mesures,
en un mot, pour la pratique du rliythme. (Voyez
Rhythme.)
Porphyre donne une autre division de la musique,
en tant qu'elle a pour objet le mouvement muet ou
sonore, et, sans. la distinguer en spéculative et pra-
tique, il y trouve les six parties suivantes : la rhythmi-
que, pour les mouvements de la danse; la métrique ^
pour la cadence et le nombre des vers; V organique,
pour la pratique des instruments; la poétique, pour
les tons et l'accent de la poésie; Xhypocritique^ pour
les attitudes des pantomimes; et ï harmonique, pour
le chant.
La musique se divise aujourd'hui plus simplement
en mélodie et en harmonie; car la rhythmique n est
plus rien pour nous , et la métrique est très peu de
chose, attendu que nos vers dans le chant prennent
presque uniquement leur mesure de la musique: et
perdent le peu qu'ils en ont par eux-mêmes.
Par la mélodie on dirige la succession des sons de
manière à produire des chants agréables, ( Voyez
Mélodie , Chant , Modulation. )
MUS 44*
L'iiarmoiiie consiste à unir à chacun des sons cFune
succession ré(>ulière deux ou plusieurs autres sons
qui , frappant l'oreille en même temps , la flattent par
leur concours. (Voyez Harmonie. )
On pourroit et Ton devroit peut-être encore diviser
la musique en naturelle et imitative. La première , bor-
née au seul physique des sons et n'agissant que sur le
sens, ne porte point ses impressions jusqu'au cœur,
et ne peut donner que des sensations plus ou moins
agréables : telle est la musique des chansons , des
hymnes, des cantiques, de tous les chants qui ne
sont que des combinaisons de sons mélodieux, et en
général toute musique qui n'est qu'harmonieuse.
La seconde , par des inflexions vives , accentuées ,
et pour ainsi dire parlantes , exprime toutes les pas-
sions, peint tous les tableaux, rend tous les objets,
soumet la nature entière à ses savantes imitations, et
porte ainsi jusqu'au cœur de l'homme des sentiments
propres à l'émouvoir. Cette musique vraiment lyrique
et théâtrale étoit celle des anciens poèmes , et c'est de
nos jours celle qu'on s'efforce d'appliquer aux drames
qu'on exécute en chant sur nos théâtres. Ce n'est que
dans cette musique , et non dans l'harmonique ou na-
turelle , qu'on doit chercher la raison des effets prodi-
gieux qu'elle a produits autrefois. Tant qu'on cher-
chera des effets moraux dans le seul physique des
sons , on ne les y trouvera point , et l'on raisonnera
sans s'entendre.
Les anciens écrivains diffèrent beaucoup entre eux
sur la nature, l'objet, l'étendue, et les parties de la
musique. En général ils donnoient à ce mot un sens
44^ MUS
beaucoup plus étendu que celui qui lui reste aujour-
d'hui : non seulement sous le nom de miisique ils com-
prenoient, comme on vient de le voir, la danse, le
geste , la poésie, mais même la collection de toutes les
sciences. Hermès définit la musique la connoissance
de Tordre de toutes choses ; c'étoit aussi la doctrine de
lecole de Pythagore et de celle de Platon , qui ensei-
gnoient que tout dans l'univers étoit musique. Selon
Hésychius , les Athéniens donnoient à tous les arts le
nom de musique ; et tout cela n'est plus étonnant de-
puis qu'un musicien moderne a trouvé dans la musi-
que le principe de tous les rapports et le fondement de
toutes les sciences.
De là toutes ces musiques sublimes dont nous par-
lent les philosophes; musique divine, musique des
hommes, musique céleste, musique terrestre, musique
active, musique contemplative, musique énonciative,
intellective , oratoire , etc.
C est sous ces vastes idées qu'il faut entendre plu-
sieurs passages des anciens sur la musique, qui se-
roient inintelligibles dans le sens que nous donnons
aujourd'hui à ce mot.
Il paroît que la musique a été Fun des premiers arts :
on le trouve mêlé parmi les plus anciens monuments
du genre humain. Il est très vraisemblable aussi que
la musique vocale a été trouvée avant l'instrumentale ,
si même il y a jamais eu parmi les anciens une mu-
sique vraiment instrumentale, c'est-à-dire faite uni-
quement pour les instruments. Non seulement les
hommes, avant d'avoir trouvé aucun instrument^
ont dû faire des observations sur les différents tons
MUS /[A3
de leur voix, mais ils ont dû apprendre de bonne heure,
par le concert naturel des oiseaux , à modifier leur voix
et leur gosier d'une manière agréable et mélodieuse ;
après cela les instruments à vent ont dû être les pre-
miers inventés. Diodore et d'autres auteurs en attri-
buent Tinvention à l'observation du sifflement des
vents dans les roseaux ou autres tuyaux des plantes.
C'est aussi le sentiment de Lucrèce :
At liquidas avium voces imitarier ore
Antè fuit multo, quàm liEvia carmina cantu
Concelebrare homines possent, auresque juvare ;
Et Zepliyri cava per calamorum sibila primùrn
Agrestes docuere cavas inflare cicutas.
LuGRET., De Bat. rer. , Lib. v.
A l'égard des autres sortes d'instruments , les cordes
sonores sont si communes que les hommes en ont dû
observer de bonne heure les différents tons; ce qui a
donné naissance aux instruments à corde. ( Vovez
Corde. )
Les instruments qu'on bat pour en tirer du son ,
comme les tambours et les timbales , doivent leur ori-
gine au bruit sourd que rendent les corps creux quand
on les frappe.
Il est difficile de sortir de ces généralités pour con-
stater quelque fait sur l'invention de la musique ré-
duite en art. Sans remonter au-delà du déluge, plu-
sieurs anciens attribuent cette invention à Mercure ,
aussi bien que celle de la lyre; d'autres veulent que
les Grecs en soient redevables à Cadmus , qui , en se
sauvant de la cour du roi de Phénicie , amena en Grèce
la musicienne îlermione ou Harmonie; d'où il s'en-
■\ i /\ M 13 S
suivioit que cet art étoit connu en Pbénicie avant
Cacinms. Dans un endroit du dialogue de Pluiarque
sur la musicjue^ Lysias dit que c'est Amphion qui la
inventée ; dans un autre , Sotérique dit que c'est Apol-
lon ; dans un autre encore, il semble en faire hon-
neur à Olympe : on ne s'accorde guère sur tout cela ,
et c'est ce qui n'importe pas beaucoup non plus. A ces
premiers inventeurs succédèrent Chiron, Démodocus,
Hermès , Orphée , qui , selon quelques uns , inventa la
lyre ; après ceux-là vint Phœmius , puis Terpandre ,
contemporain de Lycurgue, et qui donna des régies
à la musique : quelques personnes lui attribuent l'in-
vention des premiers modes. Enfin l'on ajoute Thaïes
et Thamiris qu'on dit avoir été l'inventeur de la mu-
sique instrumentale.
Ces grands musiciens vivoient la plupart avant Ho-
mère : d'autres plus modernes sont Lasus d'Her-
mione, Melnippides, Philoxène , Timothée , Phryn-
nis, Épigonius, Lysandre , Simmicus et Diodore, qui
tous ont considérablement perfectionné la musique.
Lasus est, à ce qu'on prétend, le premier qui ait
écrit sur cet art du temps de Darius Hystaspes. Epi-
gonius inventa l'instrument de quarante cordes qui
portoit son nom ; Simmicus inventa aussi un instru-
ment de trente-cinq cordes , appelé simmicium.
Diodore perfectionna la flûte ety ajouta de nouveaux
trous , et Timothée la lyre , en y ajoutant une nou-
velle corde ; ce qui le fit mettre à l'amende par les La-
cédémoniens.
Comme les anciens auteurs s'expliquent fort obscu-
rément sur les inventeurs des instruments de inusi-
MUS 44^^
que^ ils sont aussi fort obscurs sur les instruments
mêmes : à peine en connoissons-nous autre chose que
les noms. (Voyez Instrument. )
La musique étoit dans la plus grande estime chez
divers peuples de Tantiquité, et principalement chez
les Grecs , et cette estime étoit proportionnée à la puis-
sance et aux effets surprenants qu'ils attribuoient à
cet art. Leurs auteurs ne croient pas nous en donner
une trop grande idée en nous disant qu'elle étoit en
usage dans le ciel , et qu'elle faisoit l'amusement prin-
cipal des dieux et des âmes des bienheureux. Platon
ne craint pas de dire qu'on ne peut faire de change-
ment dans la musique qui n'en soit un dans la consti-
tution de Tétat, et il prétend qu'on peut assigner les
sons capables de faire naître la bassesse de lame, lin-
solence, et les vertus contraires. Aristote, qui semble
n'avoir écrit sa politique que pour opposer ses senti-
ments à ceux de Platon , est pourtant d'accord avec
lui touchant la puissance de la musique sur les mœurs.
Le judicieux Polybe nous dit que la musique étoit né-
cessaire pour adoucir les mœurs des Arcades, qui ha-
bitoient un pays où l'air est triste et froid ; que ceux
de Cynéte, qui négligèrent la musique, surpassèrent
en cruauté tous les Grecs, et qu'il n'y a point de ville,
où l'on ait tant vu de crimes. Athénée nous assure
qu'autrefois toutes les lois divines et humaines, les
exhortations à la vertu , la connoissance de ce quicon-
cernoit les dieux et les héros, les vies et les actions des
hommes illustres, étoient écrites en vers et chantées
publiquement par des chœurs au son des instruments :
et nous voyons par nos livres sacrés que tels étoieuf ,
44^ MUS
dès les premiers temps, les usages des Israélites. On
n'avoit point trouvé de moyen plus efficace pour gra-
ver dans Fesprit des hommes les principes de la mo-
rale et l'amour de la vertu; ou plutôt tout cela n'étoit
point Fellet d'un moyen prémédité, mais de la gran-
deur des sentiments et de lélévation des idées qui
cherchoient , par des accents proportionnés, à se faire
un langage digne d'elles.
La musique faisoit partie de l'étude des anciens py-
thagoriciens : ils s'en servoient pour exciter le cœur à
des actions louables, et pour s'enflammer de l'amour
de la vertu. Selon ces philosophes, notre ame n'étoit
pour ainsi dire formée que d harmonie , et ils croyoient
rétablir , par le moyen de l'harmonie sensuelle , l'har-
monie intellectuelle et priuiitive des facultés de lame ,
c'est-à-dire celle qui, selon eux , existoit en elle avant
qu'elle animât nos corps , et lorsqu'elle habitoit les
cieux.
La musique est déchue aujourd'hui de ce degré de
puissance et de majesté au point de nous faire douter
de la vérité des merveilles qu'elle opéroit autrefois,
quoique attestées par les plus judicieux historiens et
par les plus graves philosophes de l'antiquité. Cepen-
dant on retrouve dans Ihistoire moderne quelques
faits semblables. Si Timothée excitoit les fureurs
d'Alexandre par le mode phrygien , et les calmoit par
le mode lydien, une musique plus moderne renché-
rissoit encore en excitant, dit-on, dans Eric, roi de
Danemarck, une telle fureur qu'il tuoit ses meilleurs
domestiques : sans doute ces malheureux étoient
moins sensibles que leur prince à la musique, autre-
MUS 447
ment il eût pu courir la moitié du dan^jer. D'Aubigny
rapporte une autre histoire toute pareille à celle de
Timothée : il dit que, sous Henri III, le musicien
Claudin , jouant aux noces du duc de Joyeuse sur le
mode phrygien, anima , non le roi, mais un courtisan,
qui s'oublia jusqu'à mettre la main aux armes en pré-
sence de son souverain ; mais le musicien se hâta de
le calmer en prenant le mode hypo-plirygien : cela
est dit avec autant d'assurance que si le musicien
Claudin avoit pu savoir exactement en quoi consis-
toit le mode phrygien et le mode hypo-phrygien.
Si notre musique a peu de pouvoir sur les affections
de lame, en revanche elle est capable d'agir physi-
quement sur les corps ; témoin l'histoire de la taren-
tule , trop connue pour en parler ici ; témoin ce che-
valier gascon dont parle Boyle, lequel , au son d une
cornemuse , ne pouvoit retenir son urine ; à quoi il
faut ajouter ce que raconte le même auteur de ces
femmes qui fondoient en larmes lorsqu'elles enten-
doient un certain ton dont le reste des auditeurs
n'étoit point affecté : et je connois à Paris une femme
de condition, laquelle ne peut écouter quelque musi-
(jue que ce soit sans être saisie d'un rire involontaire
et convulsif. On lit aussi dans \ Histoire de f académie
des sciences de Paris qu'un musicien fut guéri d'une vio-
lente fièvre par un concert qu'on fit dans sa chambre.
Les sons agissent même sur les corps inanimés ,
comme on le voit par le frémissement et la réson-
nance d'un corps sonore au son d'un autre avec le-
quel il est accordé dans certain rapport. Morhoff fait
mention d'un certain Petter, Hollandois, qui brisoit
4i8 MUS
lui verre au son de sa voix. Kircher parle d'une grande
pierre qui frémissoit au son d'un certain tuyau d'or-
gue. -Le P. Mersenne parle aussi d'une sorte de car-
reau que le jeu d'orgue ébranloit comme auroit pu
faire un tremblement de terre. Boy le ajoute que les
stalles tremblent souvent au son des orgues ; qu il les
a senties frémir sous sa main au son de l'orgue ou de
la voix, et qu'on l'a assuré que celles qui étoient bien
faites trembloient toutes à quelque ton déterminé.
Tout le monde a ouï parler du fameux pilier d'une
église de Reims, qui s'ébranle sensiblement au son
d'une certaine cloche, tandis que les autres piliers
restent immobiles ; mais ce qui ravit au son Ihonneur
du merveilleux est que ce même pilier s'ébranle éga-
lement quand on a ôté le batail de la cloche.
Tous ces exemples, dont la plupart appartiennent
plus au son qu'à la musique^ et dont la physique peut
donner quelque explication , ne nous rendent point
plus intelligibles ni plus croyables les effets merveil-
leux et presque divins que les anciens attribuent à la
musique. Plusieurs auteurs se sont tourmentés pour
tâcher d en rendre raison : Wallis les attribue en partie
à la nouveauté de l'art, et les rejette en partie sur
l'exagération des auteurs ; d'autres en font honneur
seulement à la poésie; d'autres supposent que les
Grecs , plus sensibles que nous par la constitution de
leur climat ou par leur manière de vivre, pouvoient
être émus de choses qui ne nous auroicnt nullement
touchés.
M. Burette, même en adoptant tous ces faits, pré-
tend qu ils ne prouvent point la perfection de la
MUS 449
musique qui les a produits ; il n'y voit rien que de
mauvais racleurs de village n'aient pu faire, selon
lui , tout aussi bien que les premiers musiciens du
monde.
La plupart de ces sentiments sont fondés sur la per-
suasion où nous sommes de l'excellence de notre
musique, et sur le mépris que nous avons pour celle
des anciens. Mais ce mépris est-il lui-même aussi bien
fondé que nous le prétendons ? c'est ce qui a été exa-
miné bien des fois , et qui , vu l'obscurité de la matière
et l'insuffisance des juges, auroit grand besoin de
Fétre mieux. De tous ceux qui se sont mêlés jusqu'ici
de cet examen, Vossius, dans son traité de Virihus
cantûs et rhythmi^ paroît être celui qui a le mieux dis-
cuté la question et le plus approché de la vérité. J'ai
jeté là-dessus quelques idées dans un autre écrit non
public encore, où mes idées seront mieux placées que
dans cet ouvrage, qui n'est pas fait pour arrêter le
lecteur à discuter mes opinions.
On a beaucoup souhaité de voir quelques fragments
de musique ancienne. Le P. Kircher et M. Burette ont
travaillé là-dessus à contenter la curiosité du public :
pour le mettre plus à portée de profiter de leurs soins ,
j ai transcrit dans la Planche C deux morceaux de mu-
sique grecque, traduits en note moderne par ces au-
teurs. Mais qui osera juger de l'ancienne musique sur
de tels échantillons? Je les suppose fidèles , je veux
même que ceux qui voudroient en juger connoissent
suffisamment le génie et l'accent de la langue grecque ;
qu'ils réfléchissent qu'un Italien est juge incompé-
tent d'un air françois, qu'un François n'entend rien
XIV. 29
45o MUS
du tout à la mélodie italienne ; puis qu'il compare les
temps et les lieux , et qu'il prononce s'il l'ose.
Pour mettre le lecteur à portée déjuger des divers
accents musicaux des peuples , j'ai transcrit aussi dans
la Planche un air chinois tiré du P. du Halde , un air
persan tiré du chevalier Chardin , et deux chansons
des sauvages de l'Amérique , tirées du P. Mersenne.
On trouvera dans tous ces morceaux une conformité
de modulation avec notre musique, qui pourra faire
admirer aux uns la bonté et l'universalité de nos ré-
pies , et peut-être rendre suspecte à d'autres l'intel-
ligence ou la fidélité de ceux qui nous ont transmis
ces airs.
J'ai ajouté dans la même Planche le célèbre rans-
des'vaches, cet air si chéri des Suisses qu'il fut dé-
fendu , sous peine d^ mort , de le jouer dans leurs
troupes, parcequ'il faisoit fondre en larmes, déserter
ou mourir ceux qui l'entendoient , tant il excitoit en
eux l'ardent désir de revoir leur pays. On chercheroit
en vain dans cet air les accents énergiques capables
de produire de si étonnants effets : ces effets , qui
n'ont aucun lieu sur les étrangers , ne viennent que
de l habitude , des souvenirs , de mille circonstances
qui, retracées par cet air à ceux qui l'entendent, et
leur rappelant leur pays , leurs anciens plaisirs , leur
jeunesse, et toutes leurs façons de vivre, excitent en
eux une douleur amère d'avoir perdu tout cela. La
musique alors n'agit point précisément comme musi-
^we, mais comme signe mémoratif. Cet air, quoique
toujours le même, ne produit plus aujourd'hui les
mêmes effets qu'il produisoit ci-devant sur les Suisses ,
MUS 45i
parceque , ayant perdu le goût de leur première sim-
plicité , ils ne la regrettent plus quand on la leur rap-
pelle : tant il est vrai que ce n'est pas dans leur action
physique qu'il faut chercher les plus grands effets
des sons sur le cœur humain !
La manière dont les anciens notoient leur musique
étoit établie sur un fondement très simple, qui étoit
le rapport des chiffres , c'est-à-dire par les lettres de
leur alphabet; mais, au lieu de se borner sur cette
idée à un petit nombre de caractères faciles à retenir,
ils se perdirent dans des multitudes de signes diffé-
rents dont ils embrouillèrent gratuitement leur mu-
sique; en sorte quils avoient autant de manières de
noter que de genres et de modes. Boëce prit dans l'al-
phabet latin des caractères correspondants à ceux des
Grecs : le pape Grégoire perfectionna sa méthode. En
1024, Gui d'Arezzo, bénédictin, introduisit Tusage
des portées (voyez Portée), sur les lignes desquelles
il marqua les notes en forme de points ( voyez Notes) ,
désignant par leur position lélévation ou l'abaisse-
ment de la voix. Kircher cependant prétend que cette
invention est antérieure à Gui; et, en effet, je n'ai
pas vu dans les écrits de ce moine qu il se l'attribue :
mais il inventa la gamme, et appliqua aux notes de
son hexacorde les noms tirés de l'hymne de saint
Jean-Baptiste, qu'elles conservent encore aujourd'hui
(voyez PL G,fig. 2); enfin cet homme né pour la
musique inventa différents instruments appelés poiy-
plectra , tels que le clavecin, l'épinette, la vielle, etc.
( Voyez Gamme. )
Les caractères de la musique ont, selon l'opinion
45î2 MUS
commune , reçu leur dernière augmentation considé-
rable en i33o, temps où l'on dit que Jean de Mûris,
appelé mal à propos par quelques uns Jean de Meurs
ou de Muriây docteur de Paris, quoique Gesner le
fasse Anglois , inventa les différentes figures des notes
qui désignent la durée ou la quantité , et que nous
appelons aujourd'hui rondes, blanches, noires, etc.
Mais ce sentiment, bien que très commun, meparoît
peu fondé , à en juger par son traité de musique, in-
titulé Spéculum MusiccBy que j'ai eu le courage de lire
presque entier pour y constater l'invention que l'on
attribue à cet auteur. Au reste, ce grand musicien a
eu, comme le roi des poètes, l'honneur d'être ré-
clamé par divers peuples ; car les Italiens le préten*
dent aussi de leur nation, trompés apparemment par
une fraude ou une erreur de Bontempi qui le dit
Perugino au lieu de Parigino.
Lasus est ou paroît être, comme il est dit ci-dessus,
le premier qui ait écrit sur la musique : mais son ou-
vrage est perdu , aussi bien que plusieurs autres livres
des Grecs et des Romains sur la même matière. Aris-
toxène, disciple d'Aristote et chef de secte en musi-
que^ est le plus ancien auteur qui nous reste sur cette
science; après lui vient Euclide d'Alexandrie: Aris-
tide Ouintilien écrivoit après Cicéron ; Alypius vient
ensuite; puis Gaudentius, Nicomaque, etBacchius.
Marc Meibomius nous a donné une belle édition
de ces sept auteurs grecs, avec la traduction latine et
des notes.
Plutarque a écrit un dialogue sur la musique. Pto-
Icmée, célèbre mathématicien, écrivit en grec les
MUS 4^3
principes de riiarmonie vers le temps de Tempereur
Antonin : cet auteur garde un milieu entre les pytha-
goriciens et les aristoxéniens. Long-temps après,
Manuel Bryennius écrivit aussi sur le même sujet.
Parmi les Latins , Boëce a écrit du temps de Théo-
doric , et non loin du même temps , Martianus , Cas^
siodore, et saint Augustin.
Les modernes sont en grand nombre ; les plus
connus sont, Zarlin , Salinas, Valgulio, Galilée, Mei,
Doni, Kircher, Mersenne, Parran, Perrault , Wallis ,
Descartes, Holder, Mengoli , Maîcolm, Burette, Val-
loti ; enfin M. Tartini , dont le livre est plein de pro-
fondeur , de génie , de longueurs et d'obscurité ; et
M. Rameau, dont les écrits ont ceci de singulier qu'ils
ont fait une grande fortune sans avoir été lus de per*
sonne. Cette lecture est d'ailleurs devenue absolu-
ment superflue depuis que M. d'Alembert a pris la
peine d'expliquer au public le système de la basse-
fondamentale , la seule chose utile et intelligible qu on
trouve dans les écrits de ce musicien.
Mutations ou Muances, peragoXau On appeloit ainsi
dans la musique ancienne généralement tous les pas-
sages d'un ordre ou d'un sujet de chant à un autre.
Aristoxène définit la mutation une espèce de passion
dans l'ordre de la mélodie ; Bacchius , un changement
de sujet, ou la transposition du semblable dans un
lieu dissemblable ; Aristide Quintilien , une variation
dans le système proposé et dans le caractère de la
voix ; Martianus Capella , une transition de la voix
dans un autre ordre de sons.
Toutes ces définitions obscures et trop générales
454 MUS
ont besoin d'être éclaircies par les divisions ; mais les
auteurs ne s'accordent pas mieux sur ces divisions
que sur la définition même. Cependant on recueille
à peu près que toutes ces mutations pouvoient se ré-
duire à cinq espèces principales : i» mutation dans le
genre , lorsque le chant passoit , par exemple , du dia-
tonique au chromatique ou à Tenharmonique , et ré-
ciproquement ; 2» dans le système, lorsque la modula-
tion unissoit deux tétracordes disjoints ou en séparoit
deux conjoints ; ce qui revient au passage du bécarre
au bémol, et réciproquement; 3*^ dans le mode, quand
on passoit , par exemple , du dorien au phrygien ou au
lydien, et réciproquement, etc. ; 4** dans le rhythme,
quand on passoit du vite au lent, ou d'une mesure à
une autre ; 5° enfin dans la mélopée , lorsqu'on inter-
rompoit un chant grave, sérieux, magnifique, par un
chant enjoué, gai, impétueux, etc.
FIN DU TOME QUATORZIÈME.
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