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Full text of "Oeuvres"

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OEUVRES 

DE 


J.  J.  ROUSSEAU 


TOME  XIV. 


DE  L'IMPRIMERIE  DE  P.  DÎDOT  L'AÎNÉ, 

CHEVALIER  DE  l'ORDRE  ROTAL  DE  SAIXT-MïCflEL^ 
IMPRIMEUR   DU    ROI. 


OEUVRES 


DE 


J  J  ROUSSEAU 


DICTIONNAIRE  DE  MUSIQUE. 
TOME  I. 


PARIS, 

CHEZ  E.  A.  LEQUIEN,  LIBRAIRE, 

RUE  DES  NOYERS,  No  4^- 
M  DCCG  XXI. 


û  0,3.0 


DICTIONNAIIIE 


DE  MUSIQUE^ 


Ut  psalîencli  materiem  discerent. 
Mar  j  lAX.  Cap. 


A— M. 


xrv 


Digitized  by  the  Internet  Archive 
^    in  2011  with  funding  froiji 
University  of  Toronto 


http://www.archive.org/defails/oeuvresj14rous 


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PREFACE. 


La  musique  est,  de  tous  les  beaux-arts,  celui  dont 
le  vocabulaire  est  le  plus  étendu,  et  pour  lequel  un 
dictionnaire  est,  par  conséquent,  le  plus  utile.  Ainsi 
Ton  ne  doit  pas  mettre  celui-ci  au  nombre  de  ces  com- 
pilations ridicules  que  la  mode  ou  plutôt  la  manie  des 
dictionnaires  multiplie  de  jour  en  jour.  Si  ce  livre  est 
bien  fait,  il  est  utile  aux  artistes;  s'il  est  mauvais,  ce 
n'est  ni  par  le  choix  du  sujet,  ni  par  la  forme  de  l'ou- 
vrage. Ainsi  l'on  auroit  tort  de  le  rebuter  sur  son  titre; 
il  faut  le  lire  pour  en  juger. 

L'utilité  du  sujet  n'établit  pas,  j'en  conviens,  celle 
du  livre;  elle  me  justifie  seulement  de  l'avoir  entrepris, 
et  c'est  aussi  tout  ce  que  je  puis  prétendre;  car  d'ail- 
leurs j&  sens  bien  ce  qui  manque  à  l'exécution.  C'est  ici 
moins  un  dictionnaire  en  forme,  qu'un  recueil  de  ma- 
tériaux pour  un  dictionnaire,  qui  n'attendent  qu'une 
meilleure  main  pour  être  employés.  Les  fondements 
de  cet  ouvrage  furent  jetés  si  à  la  hâte,  il  y  a  quinze 
ans,  dans  l'Encyclopédie,  que,  quand  j'ai  voulu  le  re- 
prendre sous  œuvre,  je  n'ai  pu  lui  donner  la  solidité 
qu'il  auroit  eue,  si  j'avois  eu  plus  de  temps  pour  en 
digérer  le  plan  et  pour  l'exécuter. 

Je  ne  formai  pas  de  moi-même  cette  entreprise; 
elle  me  fut  proposée  :  on  ajouta  que  le  manuscrit 
entier  de  l'Encyclopédie  devoit  être  complet  avant 
quil  en  fût  imprimé  une  seule  ligne;  on  ne  me  donna 
que  trois  mois  pour  remplir  ma  tâche,  et  trois  ans 
pouvoient  me  suffire  à  peine  pour  lire,  extraire  ,  com* 

I 


4  PRÉFACE. 

parer  et  compiler  les  auteurs  dont  j'avois  besoin  :  mais 
le  zèle  de  Tamitié  m'aveugla  sur  Timpossibilité  du 
succès.  Fidèle  à  ma  parole,  aux  dépens  de  ma  réputa- 
tion, je  fis  vite  et  mal,  ne  pouvant  bien  faire  en  si  peu 
de  temps.  Au  bout  de  trois  mois  mon  manuscrit  entier 
fut  écrit,  mis  au  net,  et  livré.  Je  ne  l'ai  pas  revu 
depuis.  Si  j'avois  travaillé  volume  à  volume  comme 
les  autres,  cet  essai,  mieux  digéré,  eût  pu  rester  dans 
Tétat  où  je  l'aurois  mis.  Je  ne  me  repens  pas  d'avoir 
été  exact,  mais  je  me  repens  d'avoir  été  téméraire,  et 
d'avoir  plus  promis  que  je  ne  pouvois  exécuter. 

Blessé  de  l'imperfection  de  mes  articles,  à  mesure 
que  les  volumes  de  l'Encyclopédie  paroissoient,  je  ré- 
solus de  refondre  le  tout  sur  mon  brouillon,  et  d'en 
faire  à  loisir  un  ouvrage  à  part  traité  avec  plus  de  soin. 
J'étois,  en  recommençant  ce  travail,  à  portée  de  tous 
les  secours  nécessaires;  vivant  au  milieu  des  artistes 
et  des  gens  de  lettres ,  je  pouvois  consulter  le  uiiR  et  les 
autres.  M.  l'abbé  Sallier  me  fournissoit,  delà  Biblio- 
tbéque  du  roi,  les  livres  et  manuscrits  dont  j'avois 
besoin,  et  souvent  je  tirois  de  ses  entretiens  des  lu- 
mières plus  sûres  que  de  mes  recherches.  Je  crois 
devoir  à  la  mémoire  de  cet  honnête  et  savant  homme 
un  tribut  de  reconnoissance  que  tous  les  gens  de  lettres 
qu'il  a  pu  servir  partageront  sûrement  avec  moi. 

Ma  retraite  à  la  campagne  m'ôta  toutes  ces  ressour- 
ces au  moment  que  je  commençois  d'en  tirer  partie. 
Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'expliquer  les  raisons  de  cette 
retraite:  on  conçoit  que,  dans  ma  façon  de  penser, 
l'espoir  de  faire  un  bon  livre  sur  la  musique  n'en  étoit 
pas  une  pour  me  retenir.  Éloigné  des  amusements  de 
la  ville ,  je  perdis  bientôt  les  goûts  qui  s'y  rapportoient  ; 
privé  des  communications  qui  pouvoient  m'éclairer 


PRÉrACE.  5 

sur  mon  ancien  objet,  j'en  perdis  aussi  toutes  les  vues; 
et  soit  que  depuis  ce  temps  Fart  ou  sa  théorie  aient  fait 
des  progrès,  n'étant  pas  même  à  portée  d'en  rien 
savoir,  je  ne  fus  plus  en  état  de  Jes  suivre.  Convaincu 
cependant  de  l'utilité  du  travail  que  j'avois  entrepris, 
je  m'y  remettois  de  temps  à  autre,  mais  toujours  avec 
moins  de  succès,  et  toujours  éprouvant  que  les  diffi- 
cultés d'un  livre  de  cette  espèce  demandent  pour  les 
vaincre  des  lumières  que  je  n'étois  plus  en  état  d'ac- 
quérir, et  une  chaleur  d'intérêt  que  j'avois  cessé  d'y 
mettre.  Enfin,  désespérant  d'être  jamais  à  portée  de 
mieux  faire,  et  voulant  quitter  pour  toujours  des  idées 
dont  mon  esprit  s'éloigne  de  plus  en  plus,  je  me  suis 
occupé,  dans  ces  montagnes,  à  rassembler  ce  que 
j'avois  fait  à  Paris  et  à  Montmorency,  et  de  cet  amas 
indigeste  est  sortie  l'espèce  de  dictionnaire  qu'on 
voit  ici. 

Cet  historique  m'a  paru  nécessaire  pour  expliquer 
comment  les  circonstances  m'ont  forcé  de  donner  en 
si  mauvais  état  un  livre  que  j'aurois  pu  mieux  faire 
avec  les  secours  dont  je  suis  privé.  Car  j'ai  toujours 
cru  que  le  respect  qu'on  doit  au  public  n'est  pas  de 
lui  dire  des  fadeurs,  mais  de  ne  lui  rien  dire  que  de 
vrai  et  d'utile ,  ou  du  moins  qu'on  ne  juge  tel  ;  de  ne  lui 
rien  présenter  sans  y  avoir  donné  tous  les  soins  dont 
on  est  capable ,  et  de  croire  qu'en  faisant  de  son  mieux, 
on  ne  fait  jamais  assez  bien  pour  lui. 

Je  n'ai  pas  cru  toutefois  que  l'état  d'imperfection 
où  j'étois  forcé  de  laisser  cet  ouvrage  dût  m'empêcher 
de  le  publier,  parcequ'un  livre  de  cette  espèce  étant 
utile  à  l'art,  il  est  infiniment  plus  aisé  d'en  faire  un  bon 
sur  celui  que  je  donne,  que  de  commencer  par  tout 
créer.  Les  connoissances  nécessaires  pour  cela  ne  sont 


6  PRÉFAC"E. 

peut-être  pas  fort  grandes;  mais  elles  sont  fort  variées, 
et  se  trouvent  rarement  réunies  dans  la  même  tête.  Ainsi 
mes  compilations  peuvent  épargner  beaucoup  de  tra- 
vail à  ceux  qui  sont  en  état  d'y  mettre  l'ordre  nécessaire  ; 
et  tel,  marquant  mes  erreurs,  peut  faire  un  excellent 
livre,  qui  n'eût  jamais  rien  fait  de  bon  sans  le  mien. 

J'avertis  donc  ceux  qui  ne  veulent  souffrir  que  des 
livres  bien  faits  de  ne  pas  .entreprendre  la  lecture  de 
celui-ci;  bientôt  ils  en  seroient  rebutés:  mais  pour 
ceux  que  le  mal  ne  détourne  pas  du  bien,  ceux  qui  ne 
sont  pas  tellement  occupés  des  fautes,  qu'ils  comptent 
pour  rien  ce  qui  les  rachète;  ceux  enfin  qui  voudront 
bien  chercher  ici  de  quoi  compenser  les  miennes,  y 
trouveront  peut-être  assez  de  bons  articles  pour 
tolérer  les  mauvais,  et,  dans  les  mauvais  même,  assez 
d'observations  neuves  et  vraies  pour  valoir  la  peine 
d'être  triées  et  choisies  parmi  le  reste  *.  Les  mugiciens 
lisent  peu,  et  cependant  je  connois  peu  d'arts  oij  la 
lecture  et  la  réflexion  soient  plus  nécessaires.  J'ai 
pensé  qu'un  ouvrage  de  la  forme  de  celui-ci  seroit  pré- 
cisément celui  qui  leur  convenoit,  et  que,  pour  le  leur 
rendre  aussi  profitable  qu'il  étoit  possible,  il  falloit 
moins  y  dire  ce  qu'ils  savent  que  ce  qu'ils  auroient 
besoin  d'apprendre. 

*  Dans  une  Lettre  à  de  Lalande,  du  mois  de  mars  1768  (t.  XIII, 
pag.  4"^)^  ^*  dans  le  premier  de  ses  Dialogues*^  Roussran  indique 
spécialement  comme  dignes  d'une  attention  particidière  et  comme 
ij'appartenant  qu'à  lui  seul,  les  articles  de  ce  Dictionnaire  se  rap- 
portant aux  mots  Accent,  Consonnance,  Diasoiiunre  ,  Expression  , 
Fugue,  Goût,  Harmonie,  Intervalle,  Licence^  Mode,  Modulation , 
Opéra,  Préparation^  Récitatifs  Son,  Tempérament,  Trio ,  Unité  de 
mélodie.  Voix,  et  surtout  l'article  Enharmonique,  dans  lequel, 
dit-il',  ce  genre,  jusqu'à  présent  très  mal  entendu,  est  mieux  cxpli- 
<yué  que  dans  aucun  livre. 


PRÉFACE.  7 

Si  les  manœuvres  et  les  croque-notes  relèvent  sou- 
vent ici  des  erreurs,  j'espère  que  les  vrais  artistes  et 
Jes  hommes  de  génie  y  trouveront  des  vues  utiles  dont 
ils  sauront  bien  tirer  parti.  Les  meilleurs  livres  sont 
ceux  que  le  vulgaire  décrie,  et  dont  les  gens  à  talent 
profitent  sans  en  parler. 

Après  avoir  exposé  les  raisons  de  la  médiocrité  de 
l'ouvrage,  et  celle  de  l'utilité  que  j'estime  qu'on  en 
peut  tirer,  j'aurois  maintenant  à  entrer  dans  le  détail 
de  l'ouvrage  même,  à  donner  un  précis  du  plan  que 
je  me  suis  tracé,  et  de  la  manière  dont  j'ai  tâché  de  le 
suivre.  Mais  à  mesure  que  les  idées  qui  s'y  rapportent 
se  sont  effacées  de  mon  esprit,  le  plan  sur  lequel  je  les 
arrangeois  s  est  de  même  effacé  de  ma  mémoire.  Mon 
premier  projet  étoit  d'en  traiter  si  relativement  les 
articles,  d'en  lier  si  bien  les  suites,  par  des  renvois^ 
que  le  tout,  avec  la  commodité  d'un  dictionnaire, 
eût  l'avantage  d'un  traité  suivi  :  mais  pour  exécuter 
ce  projet,  il  eût  fallu  me  rendre  sans  cesse  présentes 
toutes  les  parties  de  l'art,  et  n'en  traiter  aucune  sans 
me  rappeler  les  autres;  ce  que  le  défaut  de  ressources 
et  mon  goût  attiédi  m'ont  bientôt  rendu  impossible^ 
et  que  j'eusse  eu  même  bien  de  la  peine  à  faire  au 
milieu  de  mes  premiers  guides ,  et  plein  de  ma  première 
ferveur.  Livré  à  moi  seul,  n'ayant  plus  ni  savants  ni 
livres  à  consulter;  forcé,  par  conséquent,  de  traiter 
chaque  article  en  lui-même,  et  sans  égard  à  ceux  qui  s'y 
rapportoient,  pour  éviter  des  lacunes  j'ai  dû  faire  bien 
des  redites.  Mais  j'ai  cru  que  dans  un  livre  de  l'espèce 
de  celui-ci,  c'étoit  encore  un  moindre  mal  de  com- 
mettre des  fautes  que  de  faire  des  omissions. 

Je  me  suis  donc  attaché  surtout  à  bien  compléter 
le  Vocabulaire,  et  non  seulement  à  n'omettre  aucun 


8"  PRÉFACE. 

terme  technique,  mais  à  passer  plutôt  quelquefois  les 
limites  de  l'art,  que  de  n'y  pas  toujours  atteindre,  et 
cela  m'a  mis  dans  la  nécessité  de  parsemer  souvent  ce 
dictionnaire  de  mots  italiens  et  de  mots  grecs  :  les  uns, 
tellement  consacrés  par  Fusage,  qu'il  faut  les  entendre 
même  dans  la* pratique;  les  autres,  adoptés  de  même 
par  Jes  savants,  et  auxquels,  vu  la  désuétude  de  ce 
qu'ils  expriment,  on  n'a  pas  donné  de  synonymes  en 
françois.  J'ai  tâché  cependant  de  me  renfermer  dans 
ma  règle,  et  d'éviter  l'exès  de  Brossard,  qui,  donnant 
un  dictionnaire  françois  ,  en  fait  le  vocabulaire  tout 
italien,  et  î'enfîe  de  mots  absolument  étrangers  à  l'art 
qu'il  traite.  Car  qui  s'imaginera  jamais  que  la  vierge^ 
les  apôtres^  la  messe ^  les  morts ^  soient  des  termes  de 
musique,  parcequ'il  y  a  des  musiques  relatives  à  ce 
qu'ils  expriment;  que  ces  autres  mots,  page ^  feuillet , 
quatre  ,  cinq  ,  gosier  j^  raison  ^  déjà  ,  soient  aussi  des 
termes  techniques,  parcequ'on  s'en  sert  quelquefois 
en  parlant  de  l'art? 

Quant  aux  parties  qui  tiennent  à  l'art  sans  lui  être 
essentielles,  et  qui  ne  sont  pas  absolument  nécessaires 
à  l'intelligence  du  reste,  j'ai  évité,  autant  tjufe  j'ai  pu, 
d'y  entrer.  Telle  est  celle  des  instruments  de  musique, 
partie  vaste,  et  qui  rempliroit  seule  un  dictionnaire  , 
surtout  par  rapport  aux  instruments  des  anciens. 
M.  Diderot  s'étoit  chargé  de  cette  partie  dans  l'Ency- 
clopédie ;  et  comme  elle  n'entroit  pas  dans  mon  premier 
plan,  je  n'ai  eu  garde  de  l'y  ajouter  dans  la  suite, 
après  avoir  si  bien  senti  la  difficulté  d'exécuter  ce  plan 
tel  qu'il  étoit. 

J'ai  traité  la  partie  harmonique  dans  le  système  de 
la  basse  fondamentale,  quoique  ce  système,  impar- 
fait et  défectueux  à  tant  d égards,  ne  soit  point,  selon 


PRÉFACE.  ij 

hfioi,  celui  de  la  nature  et  de  la  vérité,  et  qu'il  en  résulte 
lin  remplissage  sourd  et  confus,  plutôt  qu^une  bonne 
harmonie:  mais  c'est  un  système  enfin;  c'est  le  pre- 
mier, et  c'étoit  le  seul ,  jusqu'à  celui  de  M.  Tartini ,  où 
l'on  ait  lié  par  des  principes  ces  multitudes  de  règles 
isolées  qui  sembloient  toutes  arbitraires,  et  qiii  fai- 
soient  de  l'art  harmonique  une  étude  de  mémoire 
plutôt  que  de  raisonnement.  Le  système  de  M.  Tar- 
tini, quoique  meilleur  à  mon  avis,  n'étant  pas  encore 
aussi  généralement  connu,  et  n'ayant  pas,  du  moins 
en  France,  la  même  autorité  que  celui  de  M.  Rameau, 
n'a  pas  dû  lui  être  substitué  dans  un  livre  destiné  prin- 
cipalement pour  la  nation  Françoise.  Je  me  suis  donc 
Contenté  d'exposer  de  mon  mieux  les  prmcipes  de  ce 
système  dans  un  article  de  mon  Dictionnaire;  et  du 
reste  j'ai  cru  devoir  cette  déférence  à  la  nation  pour 
laquelle  j'écrivois,  de  préférer  son  sentiment  au  mien 
sur  le  fond  de  la  doctrine  harmonique.  Je  n'ai  pas  du 
cependant  m'abstenir,  dans  l'occasion,  des  objections 
nécessaires  à  l'intelligence  des  articles  que  j'avois  à 
traiter:  c'eut'été  sacrifier  Futilité  du  livre  au  préjugé 
des  lecteurs;  c'eût  été  flatter  sans  instruire,  et  changer 
la  déférence  en  lâcheté. 

J'exhorte  les  artistes  et  les  amateurs  de  lire  ce  livre 
sans  défiance,  et  de  le  juger  avec  autant  d'impartialité 
que  j'en  ai  mis  à  l'écrire.  Je  les  prie  de  considérer  que, 
ne  professant  pas,  je  n'ai  d'autre  intérêt  ici  que  celui 
de  l'art;  et,  quand  j'en  aurois,  je  devrois  naturelle- 
ment appuyer  en  faveur  de  la  musique  françoise,  où 
je  puis  tenir  une  place,  contre  l'italienne,  où  je  ne 
puis  être  rien.  Mais  cherchant  sincèrement  le  progrès 
d'un  art  que  j'aimois  passionnément,  mon  plaisir  a 
fuit  taire  ma  vanité.   Les  premières  habitudes  m'bnt 


to      '  PRÉFACE 

Jong-lemps  attaché  à  la  musique  françoise,  et  j'en  étoii 
eïithousiaste  ouvertement.  Des  comparaisons  atten- 
tives et  impartiales  m'ont  entraîné  vers  la  musique 
italienne,  et  je  m'y  suis  livré  avec  la  même  bonne  foi. 
Si  quelquefois  j'ai  plaisanté,  c'est  pour  répondre  aux 
autres  sur  leur  propre  ton;  mais  je  n'ai  pas,  comme 
eux,  donné  des  bons  mots  pour  toute  preuve,  et  je 
jî'ai  plaisanté  qu'après  avoir  raisonné.  Maintenant  que 
les  malheurs  et  les  maux  m'ont  enfin  détaché  d'un 
goût  qui  n'avoit  pris  sur  moi  que  trop  d'empire,  je 
persiste,  par  le  seul  amour  de  la  vérité,  dans  les  juge- 
ments que  le  seul  amour  de  Fart  m'avoit  fait  porter. 
Mais,  dans  un  ouvrage  comme  celui-ci,  consacré  à  la 
musique  en  général,  je  n'en  connois  qu'une,  qui^ 
n'étant  d'aucun  pays,  est  celle  de  tous;  et  je  n'y  suis 
jamais  entré  dans  la  querelle  des  deux  musiques  que 
quand  il  s'est  agi  d'éclaircir  quelque  point  important 
au  progrès  comnum.  J'ai  fait  bien  des  fautes,  sans 
doute,  mais  je  suis  assuré  que  la  partialité  ne  m'en 
a  pas  fait  commettre  une  seule.  Si  elle  m'en  fait  imputer 
à  tort  par  les  lecteurs,  qu'y  puis-je  faire?  ce  sont  eux 
alors  qui  ne  veulent  pas  que  mon  livre  leur  soit  bon. 

Si  l'on  a  vu ,  dans  d'autres  ouvrages ,  quelques  articles 
peu  importants  qui  sont  aussi  dans  celui-ci,  ceux  qui 
pourront  faire  cette  remarque  voudront  bien  se  rap- 
peler que,  dès  l'année  lySo,  le  manuscrit  est  sorti  de 
mes  mains  sans  que  je  sache  ce  qu'il  est  devenu  depuis 
ce  temps-là.  Je  n'accuse  personne  d'avoir  pris  mes 
articles,  mais  il  n'est  pas  juste  que  d'autres  m'accusent 
d'avoir  pris  les  leurs. 

Mo  tiers-Travers ,  le  20  décembre  1764. 


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AVERTISSEMENT 


Quand  IVspèce  grammaticale  des  mots  pouvoit  embar- 
rasser quelque  lecteur,  on  Ta  désignée  par  les  abréviations 
usitées:  v.  n. ,  verbe  neutre;  s.  m.,  substantif  mascu- 
lin, etc.  On  ne  s'est  pas  asservi  à  cette  spécification  pou» 
chaque  article,  parceque  ce  n'est  pas  ici  un  dictionnaire* 
de  langue.  On  a  pris  un  soin  plus  nécessaire  pour  des  mots 
qui  ont  plusieurs  sens,  en  les  distinguant  par  une  lettre 
majuscule  quand  on  les  prend  dans  le  sens  technique,  et 
par  une  petite  lettre  quand» on  les  prend  dans  le  sens  du 
discours.  Ainsi,  ces  mots,  air  et  Air  ^  mesure  et  Mesure  ^ 
note  et  Note,  temps  et  Temps,  portée  et  Portée,  ne  sont  ja- 
mais équivoques,  et  le  sens  en  est  toujours  déterminé  pai 
la  manière  de  les  écrire.  Quelques  autres  sont  plus  embar- 
rassants, comme  Ton,  qui  a  dans  l'art  deux  acceptions 
toutes  différentes.  On  a  pris  le  parti  de  l'écrire  en  italique 
pour  distinguer  un  intervalle,  et  en  romain  pour  désigner 
une  modulation.  Au  moyen  de  cette  précaution,  la  phrase 
suivante,  par  exemple,  n'a  plus  rien  d'équivoque  : 

«  Dans  les  Tons  majeurs ,  l'intervalle  de  la  Tonique  a 
<(  la  Médiante  est  composé  d'un  Ton  majeur  et  d'un  Ton 


u  mineur.  »  * 


*  Tel  est  YÀvertissernent  mis  en  tête  des  deux  éditions  premières 
(in-4''  et  in-S"  ,  ijSS)  de  ce  Dictionnaire,  dans  l'impression  des- 
quelles la  règle  qu'on  annonce  s'y  être  prescrite  a  été  en  effet  rigou- 
reusement suivie.  Mais  nous  nous  sommes  bien  convaincus  qu'il  ne 
résultoit  autre  chose  de  cette  multiplication  de  majuscules  qu'une 
bigarrure  peu  agréable  à  l'œil,  et  sans  utilité  réelle  pour  le  lecteur, 
dont  l'intelligence  n'a  jamais  nul  effort  à  faire  pour  distinguer  le 
cas  o\x  les  mots  note,  temps,  mesure,  etc. ,  sont  employés  dans  le 
sens  technique,  de  celui  où  ils  sont  à  prendre  dans  le  sens  com^ 


12  AVERTISSEMENT. 

munément  adopté.  Nous  n'avons  donc  pas  hésité  à  suivre ,  dans 
cette  édition,  et  pour  ce  Dictionnaire  comme  pour  tous  les.  autres 
ouvrages  dont  elle  se  compose,  l'usage  généralement  reçu  relati- 
vement à  l'emploi  des  majuscules.  —  Quant  à  la  manière  différente 
d'imprimer  le  mot  ton  suivant  les  deux  acceptions  qui  lui  sont  pro- 
pres dans  Tart  musical,  on  s'est  conformé  avec  soin  aux  intentions 
de  l'auteur,  à  la  majulcule  près  ,  qui  n'a  pas  paru  plus  nécessaire 
pouv  ce  mot-là  que  pour  tous  les  autres. 

(Note  de  M.  P. ,  dians  l'édition  en  22  vol. ,  publiée  par  M.  Lefèvre.  ) 


■  V».  vvv< 


DICTIONNAIRE 

DE  MUSIQUE 


A 


A  mi  la,  A  la  mire,  ou  simplement  A,  sixième  son 
de  la  gamme  diatonique  et  naturelle  ;  lequel  s'appelle 
autrement  la,  (  Voyez  Gamme.  ) 

^  battuta.  (  Voyez  Mesuré.  ) 

A  livre  ouvert ,  ou  à  l'ouverture  du  livre.  (  Voyez 
Livre.) 

J  tempo.  (  Voyez  Mesuré.  ) 

Académie  de  Musique.  C'est  ainsi  qu'on  appeloit  au- 
trefois en  France ,  et  qu'on  appelle  encore  en  Italie  une 
assemblée  de  musiciens  ou  d'amateurs  ,  à  laquelle  les 
François  ont  depuis  donné  le  nom  de  concert.  (  Voyez 

COiVCERT.  ) 

Académie  royale  de  Musique.  C'est  le  titre  que  porte 
encore  aujourd'hui  l'Opéra  de  Paris.  Je  ne  dirai  rien 
ici  de  cet  établissement  célèbre ,  sinon  que  de  toutes 
les  académies  du  royaume  et  du  monde  ,  c'est  assuré- 
ment celle  qui  fait  le  plus  de  bruit.  (  Voyez  Opéra.  ) 

Accent.  On  appelle  ainsi ,  selon  l'acception  la  plus 
générale ,  toute  modification  de  la  voix  parlante  dans 
la  durée  ou  dans  le  ton  des  syllabes  et  des  mots  dont 
le  discours  est  composé  \  ce  qui  montre  un  rapport 


I  4  A  C  C 

très  exact  entre  les  deux  usages  des  accents  et  les  deux 
parties  de  la  mélodie,  savoir  le  rhythme  et  Imtoiia- 
tion.  Jccentus,  dit  le  grammairien  Sergius  dans  Do- 
nat,  quasi  ad  cantus.  Il  y  a  autant  d'accents  différents 
qu'il  y  a  de  manières  de  modifier  ainsi  la  voix  ;  et  il  y 
a  autant  de  genres  Ôl  accents  qu'il  y  a  de  causes  géné- 
rales de  ces  modifications. 

On  distingue  trois  de  ces  genres  dans  le  simple  dis- 
cours :  savoir ,  Y  accent  grammatical ,  qui  renferme  la 
régie  des  accents  proprement  dits  ,  par  lesquels  le  son 
des  syllabes  est  grave  ou  aigu ,  et  celle  de  la  quantité , 
par  laquelle  chaque  syllabe  est  brève  ou  longue:  Vac- 
cent  logique  ou  rationnel ,  que  plusieurs  confondent 
mal  à  propos  avec  le  précédent  \  cette  seconde  sorte 
ô^ accent  indiquant  le  rapport,  la  connexion  plus  ou 
moins  grande  que  les  propositions  et  les  idées  ont  en- 
tre elles ,  se  marque  en  partie  par  la  ponctuation  :  en- 
fin Y  accent  pathétique  ou  oratoire  ,  qui ,  par  diverses 
inflexions  de  voix ,  par  un  ton  plus  ou  moins  élevé  , 
par  un  parler  phis  vif  ou  plus  lent ,  exprime  les  senti- 
ments dont  celui  qui  parle  est  agité ,  et  les  communi- 
que à  ceux  qui  Fécoutent.  L'étude  de  ces  divers  ac- 
cents et  de  leurs  effets  dans  la  langue  doit  être  la 
prande  affaire  du  musicien  :  et  Denvs  d'Halicarnasse 
regarde  avec  raison  \ accent  en  général  comme  la  se- 
mence de  toute  musique.  Aussi  devons-nous  admettre 
pour  une  maxime  incontestable  que  le  plus  ou  moins 
à'accent  est  la  vraie  cause  qui  rend  les  langues  plus  ou 
moins  musicales  :  car  quel  seroit  le  rapport  de. la  mu- 
sique au  discours  si  les  tons  de  la  voix  chantante  n'i- 
mitoientles  accents  de  la  parole?  D'où  il  suit  que  moins 


ACC  i5 

une  langue  a  de  pareils  accents  ,  plus  la  mélodie  y  doit 
être  monotone,  languissante  et  fade,  à  moins  quelle 
ne  cherche  dans  le  bruit  et  la  force  des  sons  le  charme 
qu'elle  ne  peut  trouver  dans  leur  variété. 

Quant  à  ï accent  pathétique  et  oratoire,  qui  estFob* 
jet  le  plus  immédiat  de  la  musique  imitative  du  théâ- 
tre ,  on  ne  doit  pas  opposer  à  la  maxime  que  je  viens 
d'étabhr  que  tous  les  hommes  étant  sujets  aux  mêmes 
passions  doivent  en  avoir  également  le  langage  :  car 
autre  chose  est  \ accent  universel  de  la  nature ,  qui  arr 
rache  à  tout  homme  des  cris  inarticulés,  et  autre  chose 
V accent  de  la  langue ,  qui  engendre  la  mélodie  particu- 
lière à  une  nation.  La  seule  différence  du  plus  ou  moins 
d'imagination  et  de  sensibilité  qu'on  remarque  d'un 
peuple  à  l'autre  en  doit  introduire  une  infinie  dans  l'i- 
diome accentué,  si  j'ose  parler  ainsi.  L'Allemand,  par 
exemple,  hausse  également  et  fortement  la  voix  dans 
la  colère;  il  crie  toujours  sur  le  même  ton.  L'Italien, 
que  mille  mouvements  divers  agitent  rapidement  et 
successivement  dans  le  même  cas  ,  modifie  sa  voix  de 
mille  manières  :  le  même  fond  de  passion  régne  dans 
son  ame  ;  mais  quelle  variété  d'expression  dans  ses 
accents  et  dans  son  langage  î  Or ,  *c'est  à  cette  seule  va- 
riété, quand  le  musicien  sait  l'imiter,  qu'il  doit  l'éner- 
gie et  la  grâce  de  son  chant. 

Malheureusement  tous  ces  accents  divers ,  qui  s'ac- 
cordent parfaitement  dans  la  bouche  de  l'orateur ,  ne 
sont  pas  si  faciles  à  concilier  sous  la  plume  du  musi- 
cien ,  déjà  si  gêné  par  les  régies  particulières  de  son 
art.  On  ne  peut  douter  que  la  musique  la  plus  parfaite 
pu  du  moins  la  plus  expressive  ne  soit  celle  où  tous  les 


t6  ACC 

accents  sont  le  plus  exactement  observés  ;  mais  ce  qui 
rend  ce  concours  si  difficile  est  que  trop  de  régies  dans 
cet  art  sont  sujettes  à  se  contrarier  mutuellement,  et 
se  contrarient  d'autant  plus  que  la  langue  est  moins 
musicale  ;  car  nulle  ne  Test  parfaitement  :  autrement 
ceux  qui  s'en  servent  chanteroient  au  lieu  de  parler. 

Cette  extrême  difficulté  de  suivre  à-la-fois  les  régies 
de  tous  les  accents  obligent  donc  souvent  le  composi- 
teur à  donner  la  préférence  à  l'une  ou  à  fautre ,  selon 
les  divers  genres  de  musique  qu'il  traite.  Ainsi  les  airs 
de  danse  exigent  surtout  un  accent  rhytbmique  et  ca- 
dencé dont  en  chaque  nation  le  caractère  est  déterminé 
par  la  langue.  V accent  grammatical  doit  être  le  premier 
consulté  dans  le  récitatif,  pour  rendre  plus  sensible 
l'articulation  des  mots  ,  sujette  à  se  perdre  par  la  ra- 
pidité du  débit  dans  la  résonnance  harmonique  :  mais 
Vaccent  passionné  l'emporte  à  son  tour  dans  les  airs 
dramatiques  ;  et  tous  deux  y  sont  subordonnés ,  sur- 
tout dans  la  symphonie ,  à  une  troisième  sorte  d'«c- 
cent,  qu'on  pourroit  appeler  musical ,  et  qui  est  en 
quelque  sorte  déterminé  par  l'espèce  de  mélodie  que  le 
musicien  veut  approprier  aux  paroles. 

En  effet  le  premier  et  priucipal  objet  de  toute  musi- 
que est  de  plaire  à  l'oreille  ;  ainsi  tout  air  doit  avoir  un 
chant  agréable  :  voilà  la  première  loi,  qu il* n'est  ja- 
mais permis  d'enfi^eindre.  L'on  doit  donc  première- 
ment consulter  la  mélodie  et  Vaccent  musical  dans  le 
dessein  d'un  air  quelconque  :  ensuite  ,  s'il  est  question 
d'un  chant  dramatique  et  imitatif,  il  faut  chercher 
Vaccent  pathétique  qui  donne  au  sentiment  son  expres- 
sion ,  et  l'accent  rationnel  par  lequel  le  îiiusicien  rend 


ACC  17 

avec  justesse  les  idées  du  poète  ;  car  poirr  inspirer  aux 
autres  la  chaleur  dont  nous  sommes  animés  en  leur 
parlant ,  il  faut  leur  faire  entendre  ce  que  nous  disons. 
Ja  accent  grammatical  est  nécessaire  par  la  même  rai- 
son ;  et  cette  régie ,  pour  être  ici  la  dernière  en  ordre, 
n'est  pas  moins  indispensable  que  les  deux  précéden- 
tes, puisque  le  sens  des  propositions  et  des  phrases 
dépend  absolument  de  celui  des  mots  :  mais  le  musi- 
cien qui  sait  sa  langue  a  rarement  besoin  de  songer  à 
cet  accent;  il  ne  sauroit  chanter  son  air  sans  s'aperce- 
voir s'il  parle  bien  ou  mal ,  et  il  lui  suffit  de  savoir 
qu'il   doit  toujours   bien  parler.   Heureux   toutefois 
quand  une  mélodie  flexible  et  coulante  ne  cesse  ja- 
mais de  se  prêter  à  ce  qu'exige  la  langue  !  Les  musi- 
ciens françois  ont  en  particulier  des  secours  qui  ren- 
dent sur  ce  point  leurs  erreurs  impardonnables  ,  et 
surtout  le  Traité  de  la  Prosodie  françoise  de  M.  l'abbé 
d'Olivet ,  qu'ils  devroient  tous  consulter.  Ceux  qui  se- 
ront en  état  de  s'élever  plus  haut  pourront  étudier  la 
Grammaire  de  Port-Royal ,  et  les  savantes  notes  du  phi- 
losophe qui  Fa  commentée  ;  alors  en  appuyant  l'usage 
sur  les  régies ,  et  les  régies  sur  les  principes ,  ils  se- 
ront toujours  sûrs  de  ce  qu'ils  doivent  faire  dans  l'em- 
ploi de  Vaccent  grammatical  de  toute  espèce. 

Quant  aux  deux  autres  sortes  d'accents,  on  peut 
moins  les  réduire  en  règles,  et  la  pratique  en  demande 
moins  d'étude  et  plus  de  talent.  On  ne  trouve  point  de 
sang  froid  le  langage  des  passions ,  et  c'est  mie  vérité 
rebattue  qu'il  faut  être  ému  soi-même  pour  émouvoir 
les  autres.  Rien  ne  peut  donc  suppléer,  dans  la  re- 
cherche de  ïaccent  pathétique ,  à  ce  génie  qui  réveille" 
XIV.  2 


1 8  A  c  c 

à  volonté  tous  les  sentiments  ;  et  il  n'y  a  d'autre  art  en 
cette  partie  que  d'allumer  en  son  propre  cœur  le  feu 
qu'on  veut  porter  dans  celui  des  antres.  (Voyez  Gé- 
nie. )  Est-il  question  de  ïaccent  rationnel,  l'art  a  tout 
aussi  peu  de  prise  pour  le  saisir,  par  la  raison  qu'on 
n'apprend  point  à  entendre  à  des  sourds.  Il  faut  avouer 
aussi  que  cet  accent  est  moins  que  les  autres  du  ressort 
de  la  musique ,  parcequ'elle  est  bien  plus  le  langage 
des  sens  que  celui  de  l'esprit.  Donnez  donc  au  musi- 
cien beaucoup  d'images  ou  de  sentiments  et  peu  de 
simples  idées  à  rendre  ;  car  il  n'y  a  que  les  passions 
qui  chantent,  l'entendement  ne  fait  que  parler. 

Accent.  Sorte  d'agrément  du  chant  françois,  qui 
se  notoit  autrefois  avec  la  musique,  mais  que  les 
niaitres  de  goût  du  chant  marquent  aujourd'hui  seu- 
lement avec  du  crayon  jusqu'à  ce  que  les  écoliers  sa- 
chent le  placer  d'eux-mêmes,  lu'accent  ne  se  pratique 
que  sur  une  syllabe  longue,  et  sert  de  passage  d'une 
note  appuyée  à  une  autre  note  non  appuyée,  placée 
sur  le  même  degré;  il  consiste  en  un  coup  de  gosier 
qui  élève  le  son  d'un  degré ,  pour  reprendre  à  l'instant 
sur  la  note  suivante  le  mêtne  son  d'où  Ion  est  parti. 
Plusieurs  donnoient  le  nom  de  plainte  à  Vaccent. 
(  Voyez  le  signe  et  l'effet  de  Vaccent ,  planche  B  , 
figure  i3.  ) 

Accents.  Les  poètes  emploient  souvent  ce  mot  au 
pluriel  pour  signifier  le  chant  même,  et  l'accompa- 
gnent ordinairement  dune  épitliète,  comme  doux, 
tendres,  tristes  accents:  alors  ce  mot  reprend  exacte- 
ment le  sens  de  sa  racine  ;  car  il  vient  de  cancre , 
^cantus ,  d'où  l'on  a  fait  accentus.  comme  concentus. 


ACG  19 

Accident,  Accidentel.  On  appelle  accidents  ou 
signes  accidentels  les  bémols ,  dièses  ou  bécarres  qui  se 
trouvent  par  accident  dans  le  courant  d'un  air,  et  qui 
par  conséquent  n'étant  pas  à  la  clef  ne  se  rapportent 
pas  au  mode  ou  ton  principal.  (Voyez  Dièse,  Bémol, 
Ton  ,  Mode  ,  Clef  transpos£:e.  ) 

On  appelle  aussi  lignes  accidentelles  celles  qu'on 
ajoute  au-dessus  ou  au-dessous  de  la  portée  pour 
placer  les  notes  qui  passent  son  étendue.  (  Voyez 
Ligne,  Portée.) 

Accolade.  Trait  perpendiculaire  aux  lignes  ,  tiré 
à  la  marge  d'une  partition,  et  par  lequel  on  joint  en- 
semble les  portées  de  toutes  les  parties.  Comme  toutes 
ces  parties  doivent  s'exécuter  en  même  temps ,  on 
compte  les  lignes  d'une  partition,  non  par  les  por- 
tées mais  par  les  accolades^  et  tout  ce  qui  est  compris 
sous  une  accolade  ne  forme  qu'une  seule  ligne. 
(Voyez  Partition.) 

Accompagnateur.  Celui  qui  dans  un  concert  accom- 
pagne de  Torgue ,  du  clavecin ,  ou  de  tout  autre  instru- 
ment d'accompagnement.  (Voyez  Accompagnement.) 

Il  faut  qu'un  bon  accompagnatem^  soit  grand  musi- 
cien, qu'il  sache  à  fond  l'harmonie,  qu'il  connoisse 
bien  son  clavier,  qu'il  ait  l'oreille  sensible,  les  doigts 
souples,  et  le  goût  sûr. 

C'est  à  Y  accompagnateur  àe  donner  le  ton  aux  voix 
et  le  mouvement  à  l'orchestre.  La  première  de  ces 
fonctions  exige  qu'il  ait  toujours  sous  un  doigt  la  note 
du  chant  pour  la  refrapper  au  besoin,  et  soutenir  ou 
remettre  la  voix  quand  elle  foiblit  ou  s'égare.  La  se- 
conde exige  qu'il  marque  la  basse  et  son  accompagne- 

2. 


iiO  ACC 

ment  par  des  coups  fermes,  égaux,  détachés,  et  bien 
réglés  à  tous  égards ,  afin  de  bien  faire  sentir  la  me- 
sure aux  concertants ,  surtout  au  commencement  des 
airs. 

On  trouvera  dans  les  trois  articles  suivants  les  dé- 
tails qui  peuvent  manquer  à  celui-ci. 

Accompagnement.  C'est  l'exécution  d'une  harmonie 
complète  et  régulière  sur  un  instrument  propre  à  la 
rendre ,  tel  que  l'orgue ,  le  clavecin ,  le  téorbe ,  la  gui- 
tare, etc.  Nous  prendrons  ici  le  clavecin  pour  exem- 
ple, d'autant  plus  qu'il  est  presque  le  seul  instrument 
qui  soit  demeuré  en  usage  pour  V accompagnement. 

On  y  a  pour  guide  une  des  parties  de  là  musique, 
qui  est  ordinairement  la  basse.  On  touche  cette  basse 
de  la  main  gauche,  et  de  la  droite  l'harmonie  indi- 
quée par  la  marche  de  la  basse,  par  le  chant  des 
autres  parties  qui  marchent  en  même  temps ,  par  la 
partition  qu'on  a  devant  les  yeux ,  ou  par  les  chiffres 
qu'on  trouve  ajoutés  à  la  basse.  Les  Italiens  mé- 
prisent les  chiffres;  la  partition  même  leur  est  peu 
nécessaire;  la  promptitude  et  la  finesse  de  leur  oreille 
y  supplée,  et  ils  accompagnent  fort  bien  sans  tout  cet 
appareil.  Mais  ce  n'est  qu'à  leur  disposition  natu- 
relle qu'ils  sont  redevables  de  cette  facilité,  et  les 
autres  peuples,  qui  ne  sont  pas  nés  comme  eux  pour 
la  musique,  trouvent  à  la  pratique  de  Y  accompagne- 
ment  des  obstacles  presque  insurmontables  :  il  faut 
des  huit  et  dix  années  pour  y  réussir  passablement. 
Quelles  sont  donc  les  causes  qui  retardent  ainsi  l'avan- 
cement des  élèves  et  embarrassent  si  long-temps  les 
maîtres ,  si  la  seule  difficulté  de  l'art  ne  fait  point  cela? 


A  ce  2  1 

fl  y  en  a  deux  principales  :  Tune ,  clans  la  manière 
tle  chiffrer  les  basses;  Tautre,  dans  la  méthode  de 
Y  accompagnement.  Parlons  d'abord  de  la  première. 

Les  signes  dont  on  se  sert  pour  chiffrer  les  basses 
sont  en  trop  grand  nombre  :  il  y  a  si  peu  d'accords 
fondamentaux!  pourquoi  faut-il  tant  de  chiffres  pour 
les  exprimer?  Ces  mêmes  signes  sont  équivoques, 
obscurs,  insuffisants  :  par  exemple,  ils  ne  déterminent 
presque  jamais  respéce  des  intervalles  qu'ils  expri- 
ment, ou,  qui  pis  est,  ils  en  indiquent  d'une  autre 
espèce.  On  barre  les  uns,  pour  marquer  des  dièses  ; 
on  en  barre  d'autres,  pour  marquer  des  bémols  :  les 
intervalles  majeurs  et  les  superflus ,  même  les  dimi- 
nués ,  s'expriment  souvent  de  la  même  manière  : 
quand  les  chiffres  sont  doubles ,  ils  sont  trop  confus  ; 
quand  ils  sont  simples,  ils  n'offrent  presque  jamais 
que  l'idée  d'un  seul  intervalle;  de  sorte  qu'on  en  a 
toujours  plusieurs  à  sous-entendre  et  à  déterminer. 

Gomment  remédier  à  ces  inconvénients?  Faudra- 
t-il  multiplier  les  signes  pour  tout  exprimer?  mais  on 
se  plaint  qu'il  y  en  a  déjà  trop.  Faudra-t-iHes  réduire? 
on  laissera  plus  de  choses  à  deviner  à  l'accompagna- 
teur, qui  n'est  déjà  que  tix)p  occupé;  et  dès  qu'on  fait 
tant  que  d'employer  des  chiffres ,  il  faut  qu'ils  puis- 
sent tout  dire.  Que  faire  donc?  Inventer  de  nouveaux 
signes,  perfectionner  le  doigter,  et  faire  des  signes  et 
du  doigter  deux  moyens  combinés  qui  concourent  à 
soulager  l'accompagnateur.  C'est  ce  que  M.  Rameau 
a  tenté  avec  beaucoup  de  sagacité  dans  sa  Dissertation 
sur    les    différentes    méthodes    d'accompagnement. 


22  A  ce 

Nous    exposerons    aux   mots   chiffres  et  doigter  les 
moyens  qu'il  propose.  Passons  aux  méthodes. 

Comme  Tancienne  musique  n'étoit  pas  si  compo- 
sée que  la  nôtre  ni  pour  le  chant  ni  pour  Tharmonie , 
et  qu'il  n'y  avoit  guère  d'autre  basse  que  la  fonda- 
mentale ,  tout  Yaccompagnemen}  ne  consistoit  qu'en 
une  suite  d'accords  parfaits,  dans  lesquels  l'accom- 
pagnateur substituoit  de  temps  en  temps  quelque 
sixte  à  la  quinte,  selon  que  l'oreille  le  conduisoit  :  ils 
n'en  savoient  pas  davantage.  Aujourd'hui  qu  on  a 
varié  les  modulations ,  renversé  les  parties ,  surchargé , 
peut-être  gâté  l'harmonie  par  des  foules  de  disso- 
nances, on  est  contraint  de  suivre  d'autres  régies. 
Campion  imagina,  dit-on,  celle  qu'on  appelle  régie  de 
l'octave  (voyez  Règle  de  l'octave);  et  c'est  par  cette 
méthode  que  la  plupart  des  maîtres  enseignent  en- 
core aujourd'hui  Y  accompagnement. 

Les  accords  sont  déterminés  par  la  régie  de  l'octave 
relativement  au  rang  qu'occupent  les  notes  de  la 
basse  et  à  la  marche  qu'elles  suivent  dans  un  ton 
donné.  Ainsi  le  ton  étant  connu,  la  note  de  la  basse- 
continue  aussi  connue,  le  rang  de  cette  noté  dans  le 
ton ,  le  rang  de  la  note  qui  la  précède  immédia- 
tement ,  et  le  rang  de  la  note  qui  la  suit ,  on  ne 
se  trompera  pas  beaucoup  en  accompagnant  par  la 
*  régie  de  l'octave  ,  si  le  compositeur  a  suivi  l'har- 
monie la  plus  simple  et  la  plus  naturelle  :  mais  c'est 
ce  qu'on  ne  doit  guère  attendre  de  la  musique 
d'aujourd'hui,  si  ce  n'est  peut-être  en  Italie,  où 
l'harmonie  paroît  se  simplifier  à  mesure  qu'elle  s'al- 
tère ailleurs.  De  plus,  le  moyen  d  avoir  toutes  ces 


AGC  23 

choses  incessamment  présentes?  et,  tandis  que  Tac- 
compagnateur  s'en  instruit,  que  deviennent  les  doigts? 
A  peine  atteint-on  un  accord  qu'il  s'en  offre  un  autre , 
et  le  moment  de  la  réflexion  est  précisément  celui  de' 
Fexécution.  Il  n'y  a  qu'une  habitude  consommée  de 
musique,  une  expéi'ience  réfléchie,  la  facilité  de  lire 
une  ligne  de  musique  d'un  coup  d'oeil,  qui  puissent 
aider  en  ce  moment  :  encore  les  plus  habiles  se  trom- 
pent-ils avec  ce  secours.  Que  de  fautes  échappent, 
durant  l'exécution  ,  à  l'accompagnateur  le  mieux 
exercé! 

Attendra-t-on,  même  pour  accompagner,  que  1  o- 
reille  soit  formée ,  qu'on  sache  lire  aisément  et  rapi- 
dement toute  musique,  qu'on  puisse  débrouiller  à 
livre  ouvert  une  partition?  Mais  en  fût-on  là,  on  au- 
roit  encore  besoin  d'une  habitude  du  doigter  fondée 
sur  d'autres  principes  Ôl  accompagnement  que  ceux 
qu'on  a  donnés  jusqu'à  M.  Rameau. 

Les  maîtres  zélés  ont  bien  senti  l'insuffisance  de 
leurs  règles  :  pour  y  suppléer  ils  ont  eu  recours  à 
1  énumération  et  à  la  description  des  consonnances 
dont  chaque  dissonance  se  prépare,  s'accompagne,  et 
se  sauve  dans  tous  les  différents  cas  :  détail  prodigieux 
que  la  multitude  des  dissonances  et  de  leurs  combi- 
naisons fait  assez  sentir,  et  dont  la  mémoire  demeure 
accablée. 

Plusieurs  conseillent  d'apprendre  la  composition 
avant  de  passera  V  accompagnement  :  comme  si  \ac- 
compagnement  n'étoit  pas  la  composition  même,  à 
1  invention  près,  qu'il  faut  de  plus  au  compositeur! 
c'est  comme  si  l'on  proposoit  de  commencer  par  se 


24  A  ce 

faire  orateur  pour  apprendre  à  lire.  Combien  de  gens 
au  contraire,  veulent  que  Ton  commence  par  Taccom- 
pagnement  à  apprendre  la  composition  !  et  cet  ordre 
"•est  assurément  plus  raisonnable  et  plus  naturel. 

La  mardhe  de  la  basse ,  la  régie  de  Toctave,  la  ma- 
nière de  préparer  et  sauver  les  dissonances,  la  compo- 
sition en  général,  tout  cela  ne  concourt  guère  qu'à 
montrer  la  succession  d'un  accord  à  un  autre;  de  sorte 
qu'à  chaque  accord,  nouvel  objet,  nouveau  sujet  de 
réflexion.  Quel  travail  continuel  1  quand  l'esprit  sera- 
t-il  assez  instruit ,  quand  l'oreille  sera-t-elle  assez  exer- 
cée pour  que  les  doigts  ne  soient  plus  arrêtés  ? 

Telles  sont  les  difficultés  que  M.  Rameau  s'est  pro- 
posé d'aplanir  par  ses  nouveaux  chiffres  et  par  ses  nou- 
velles régies  d'accompagnement. 

Je  tâcherai  d'exposer  en  peu  de  mots  les  principes 
sur  lesquels  sa  méthode  est  fondée. 

Il  n'y  a  dans  Tharmonie  que  des  consonnances  et 
des  dissonances  ;  il  n  y  a  donc  que  des  accords  con- 
sonnants  et  des  accords  dissonants. 

Chacun  de  ces  accords  est  fondamentalement  di- 
visé par  tierces.  (C'est  le  système  de  M.  Rameau.  ) 
L'accord  consonnant  est  composé  de  trois  notes  , 
comme  nt  mi  sol;  et  le  dissonant  de  quatre  ,  comme 
90/5?'  i^efa;  laissant  à  part  la  supposition  et  la  suspen- 
sion, qui,  à  la  place  des  notes,  dont  elles  exigent  le 
jetranchement,  en  introduisent  d'autres  comme  par 
licence ,  mais  \ accompaqnement  n'en  porte  toujours  que 
quatre.  (Voyez  SupposrriON  et  Suspension.  ) 

Ou  des  accords  consonnants  se  succèdent ,  ou  des 
accords  dissonants  sont  suivis  d'autres  accords  dis- 


ACC  ^5 

sonants ,  ou  les  consonnants  et  les  dissonants  sont 
entrelacés. 

L  accord  con sonnant  parfait  ne  convenant  qu  à  la 
tonique ,  la  succession  des  accords  consonnants  four- 
nit autant  de  toniques ,  et  par  conséquent  autant  de 
changements  de  ton. 

Les  accords  dissonants  se  succèdent  ordinairement 
dans  un  même  ton,  si  les  sons  n'y  sont  point  altérés. 
La  dissonance  lie  le  sens  harmonique ,  un  accord  y  fait 
désirer  Tautre,  et  sentir  que  la  phrase  n  est  pas  finie. 
Si  le  ton  change  dans  cette  succession,  ce  changement 
est  toujours  annoncé  par  un  dièse  ou  par  ini  bémol. 
Quant  à  la  troisième  succession  ,  savoir  l'entrelace- 
ment des  accords  consonnants  et  dissonants ,  M.  Ra- 
meau la  réduit  à  deux  cas  seulement  ;  et  il  prononce 
en  général  qu'un  accord  consonnant  ne  peut  être  im- 
luédiatement  précédé  d'aucun  autre  accord  dissonant 
que  celui  de  septième  de  la  dominante-tonique ,  ou  de 
celui  de  sixié-quinte  de  la  sous-dominante,  excepté 
dans  la  cadence  rompue  et  dans  les  suspensions  ;  en- 
core prétend-il  qu'il  n'y  a  pas  d'exception  quant  au 
fond.  Il  me  semble  que  l'accord  parfait  peut  encore 
être  précédé  de  l'accord  de  septième  diminuée,  et 
même  de  celui  de  sixte-superflue  ;  deux  accords  origi- 
naux, dont  le  dernier  ne  se  renverse  point. 

Voilà  donc  trois  textures  différentes  des  phrases 
harmoniques  :  i .  des  toniques  qui  se  succèdent  et  for- 
ment autant  de  nouvelles  modulations  ;  i.  des  disso- 
nances qui  se  succèdent  ordinairement  dans  le  même 
ton  ;  3.  enfin  des  consonnances  et  des  dissonances  qui 
s'entrelacent,  et  où  la  consonnance  est,  selon  M,  Ra- 


y^  A  ce 

meau,  nécessairement  précédée  de  la  septième  de  la 
dominante,  ou  de  l.-î  sixte-quinte  de  la  sous-dominante. 
Que  reste-t-il  donc  à  faire  pour  la  facilité  de  Yaccompa- 
gnement,  sinon  d'indiquer  à  laccompa^nateur  quelle 
est  celle  de  ces  textures  qui  régne  dans  ce  qu'il  accom-r 
pagne  ?0r,  c'est  ce  que  M.  Rameau  veut  qu  on  exécute 
avec  des  caractères  de  son, invention. 

Un  seul  signe  peut  aisément  indiquer  le  ton ,  la  to- 
nique ,  et  son  accord. 

De  là  se  tire  la  connoissance  des  dièses  et  des  bé- 
mols qui  doivent  entrer  dans  la  composition  des  ac- 
cords d'une  tonique  à  une  autre. 

La  succession  fondamentale  par  tierces  ou  par  quin- 
tes ,  tant  en  montant  qu'en  descendant ,  donne  la  pre- 
mière texture  des  phrases  harmoniques  >  toute  compo- 
sée d'accords  consonnants. 

La  succession  fondamentale  par  quintes  ou  par 
tierces ,  en  descendant ,  donne  la  seconde  texture  , 
composée  d'accords  dissonants,  savoir  dUs  accords  de 
septième;  et  cette  succession  donne  une  harmonie 
descendante. 

L'harmonie  ascendante  est  fournie  par  une  succes- 
sion de  quintes  en  montant  ou  de  quartes  en  descen- 
dant, accompagnées  de  la  dissonance  propre  à  cette 
succession,  qui  est  la  sixte-ajoutée  ;  et  c'est  la  troisième 
texture  des  phrases  harmoniques.  Cette  dernière  n'a- 
voit  jusqu'ici  été  observée  par  personne,  pas  même 
par  M.  Rameau,  quoiqu'il  en  ait  découvert  le  prin- 
cipe dans  la  cadence  qu'il  appelle  irrégulière.  Ainsi , 
par  les  régies  ordinaires,  l'harmonie  qui  naît  d'une 
succession  de  dissonances  descend  toujours,  quoique, 


\CC  1'] 

selon  les  vrais  principes  et  selon  la  raison  ,  elle  doive 
avoir  en  montant  une  pro(jrcssion  tout  aussi  ré^julière 
qu'en  descendant. 

Les  cadences  fondamentales  donnent  la  quatrième 
texture  de  phrases  harmoniques ,  où  les  consonnances 
et  les  dissonances  s'entrelacent. 

Toutes  ces  textures  peuvent  être  indiquées  par  des 
caractères  simples,  clairs,  peu  nombreux,  qui  puis- 
sent en  même  temps  indiquer  quand  il  le  faut  la  dis- 
sonance en  général;  car  l'espèce  en  est  toujours  déter- 
minée par  la  liexture  même.  On  commence  par  s'exer- 
cer sur  ces  textures  prises  séparément  ;  puis  on  les 
fait  succéder  les  unes  aux  autres  sur  chaque  ton  et 
sur  chaque  mode  successivement. 

Avec  ces  précautions ,  M.  Hameau  prétend  qu'on 
apprend  phis  d'accompagnement  en  six  mois  qu'on 
n'en  apprenoit  auparavant  en  six  ans,  et  il  a  l'expé- 
rience pour  lui,  (  Voyez  Chiffres  et  Doigter.  ) 

K  l'égard  de  la  manière  d'accompagner  avec  intelli- 
gence, comme  elle  dépend  plus  de  Tusage  et  du  goût 
que  des  régies  qu'on  en  peut  donner,  je  me  contente- 
rai de  faire  ici  quelques  observations  générales  que  ne 
doit  ignorer  aucun  accompagnateur. 

I.  Quoique  dans  les  principes  de  M.  Rameau  Ton 
doive  touche-r  tous  les  sons  de  chaque  accord  ,  il  faut 
bien  se  garder  de  prendre  toujours  cette  régie  à  la 
lettre.  Il  y  a  des  accords  qui  seroient  insupportables 
avec  tout  ce  remplissage.  Dans  la  plupart  des  accords 
dissonants,  surtout  dans  les  accords  par  supposition, 
il  y  a  quelque  son  à  retrancher  pour  en  diminuer  la 
dureté  :  ce  son  est  quelquefois  la  septième  ,  quclquC"» 


iH  ACC 

(ois  la  quinte;  quelquefois  Tune  et  1  autre  se  retran- 
chent. On  retranche  encore  assez  souvent  la  quinte 
ou  Toctave  de  la  basse  dans  les  accords  dissonants  , 
pour  éviter  des  octaves  ou  des  quintes  de  suite  qui 
peuvent  faire  un  mauvais  effet,  surtout  aux  extrémi- 
tés. Par  la  même  raison,  quand  la  note  sensible  est 
dans  la  basse  ,  on  ne  la  met  pas  dans  Vaccompagne- 
ment;  et  Ton  double  au  lieu  de  cela  la  tierce  ou  la  sixte 
de  la  main  droite.  On  doit  éviter  aussi  les  intervalles 
de  seconde,  et  d'avoir  deux  doigts  joints  ,  car  cela  fait 
une  dissonance  fort  dure  ,.  qu'il  faut  garder  pour  quel- 
ques occasions  où  l'expression  la  demande.  En  géné- 
ral on  doit  penser  en  accompagnant  que,  quand 
M.  Rameau  veut  qu'on  remplisse  tous  les  accords,  il 
a  bien  plus  d'égard  à  la  mécanique  des  doigts  et  à  son 
système  particulier  à'accompagnenient^  qu'à  la  pureté 
de  l'harmonie.  Au  lieu  du  bruit  confus  que  fait  un  pa- 
reil accompagnement ,  il  faut  chercher  à  le  rendre  agréa- 
ble et  sonore,  et  faire  qu^il  nourrisse  et  renforce  la 
basse ,  au  lieu  de  la  couvrir  et  de  l'étouffer. 

Que  si  l'on  demande  comment  ce  retranchement  de 
sons  s'accorde  avec  la  définition  de  \ accompagnement 
par  une  harmonie  complète ,  je  réponds  que  ces  re- 
tranchements ne  sont,  dans  le  vrai ,  qu'hypothétiques , 
et  seulement  dans  le  système  de  M.  Rameau  ;  que , 
suivant  la  nature ,  ces  accords ,  en  apparence  ainsi 
mutilés ,  ne  sont  pas  moins  complets  que  les  autres  , 
puisque  les  sons  qu'on  y  suppose  ici  retranchés  les 
rendroient  choquants  et  souvent  insupportables  ; 
qu'en  effet  les  accords  dissonants  ne  sont  point  rem- 
plis dans  le  système  de  M.  Tarlini  comme  dans  celui 


A  ce  9J) 

de  M.  Rameau  ;  que  par  conséquent  des  accords  défec- 
tueux dans  celui-ci  sont  complets  dans  l'autre;  qu'en- 
fin le  bon  poût  dans  Texécution  demandant  qu'on  s'é- 
carte  souvent  de  la  régie  générale,  et  V accompagnement 
le  plus  régulier  n'étant  pas  toujours  le  ping  agréable  , 
la  définition  doit  dire  la  régie,  et  l'usage  apprendre 
quand  on  s'en  doit  écarter. 

II.  On  doit  toujours  proportionner  le  bruit  de  Yac- 
compagnement  au  caractère  de  la  musique  et  à  celui 
des  instruments  ou  des  voix  que  l'on  doit  accompa- 
gner. Ainsi  dans  un  chœur  on  frappe  de  la  main  droite 
les  accords  pleins  ;  de  la  gauche  on  redouble  l'octave 
ou  la  quinte,  quelquefois  tout  l'accord.  On  en  doit 
faire  autant  dans  le  récitatif  italien;  car  les  sons  de  la 
basse,  n'y  étant  pas  soutenus,  ne  doivent  se  faire  en- 
tendre qu'avec  toute  leur  harmonie ,  et  de  manière  à 
rappeler  fortement  et  pour  long-temps  l'idée  de  la  mo- 
dulation. Au  contraire,  dans  un  air  lent  et  doux,  quand 
ou  n'a  qu'une  voix  foible  ou  un  seul  instrument  à  ac- 
compagner, on  retranche  des  sons,  on  arpège  douce- 
ment, on  prend  le  petit  clavier.  En  un  mot  on  a  tou- 
jours attention  que  V accompagnement  ^  qui  n'est  fait  qut* 
pour  soutenir  et  embellir  le  chant ,  ne  le  gâte  et  ne  le 
couvre  pas. 

III.  Quand  on  frappe  les  mêmes  touches  pour  pro- 
longer le  son  dans  une  note  longue  ou  une  tenue,  que 
ce  soit  plutôt  au  commencement  de  la  mesure  ou  du 
temps  fort,  que  dans  un  autre  moment  :  on  ne  doit 
rebattre  qu'en  marquant  bien  la  mesure.  Dans  le  réci- 
tatif italien ,  quelque  durée  que  puisse  avoir  une  note 
de  basse,  il  ne  faut  jamais  la  frapper  qu'une  fois  ef 


JO  ACC 


fortement  avec  tout  son  accord;  on  refrappe  seule- 
ment Taccord  quand  il  change  sur  la  même  note  : 
mais  quand  un  accompagnement  de  violons  régne 
sur  le  récitatif,  alors  il  faut  soutenir  la  basse  et  en  ar- 
péger Taccf^rd. 

IV.  Quand  on  accompagne  de  la  musique  vocale, 
on  doit  par  Y  accompagnement  soutenir  la  voix  ,  la 
guider,  lui  donner  le  ton  à  toutes  les  rentrées,  et  Fy 
remettre  quand  elle  détonne  :  Taccompagnateur , 
ayant  toujours  le  chant  sous  les  yeux  et  1  harmonie 
présente  à  Fesprit,  est  chargé  spécialement  d'empê- 
cher que  la  voix  ne  s'égare.  (Voyez  Accompagnateur.  ) 

V.  On  ne  doit  pas  accompagner  de  la  même  ma- 
nière la  musique  italienne  et  la  françoise.  Dans  celle- 
ci  ,  il  faut  soutenir  les  sons ,  les  arpéger  gracieuse- 
ment et  continuellement  de  bas  en  haut,  remplir  tou- 
jours l'harmonie  autant  qu'il  se  peut,  jouer  propre- 
ment la  basse,  en  un  mot  se  prêter  à  tout  ce  qu'exige 
le  genre.  Au  contraire  ,  en  accompagnant  de  l'italien  , 
il  faut  frapper  simplement  et  détacher  les  notes  de  la 
basse,  n'y  faire  ni  trilles  ni  agréments,  lui  conserver 
la  marche  égale  et  simple  qui  lui  convient  :  Yaccompa- 
fjnement  doit  être  plein,  sec  et  sans  arpéger,  exi:epté 
le  cas  dont  j'ai  parlé  numéro  111,  et  quelques  tenues 
ou  points-d'orgue.  On  y  peut  sans  scrupule  retrancher 
des  sons;  mais  alors  il  faut  bien  choisir  ceux  qu'on 
fait  entendre:  en  sorte  qu'ils  se  fondent  dans  Fhai- 
monie  et  se  marient  bien  avec  la  voix.  Les  Italiens  ne 
veulent  pas  qu'on  entende  rien  dans  Yaccompagne- 
ment  ni  dans  la  basse  qui  puisse  distraire  un  mo- 
ment Foreille  du  chant;  et  leurs  accompagnements  sont 


ACC  3l 

toujours  (iiil<»os  sur  ce  principe  que  le  plaisir  et  Tat- 
tention  s'évaporent  en  se  partageant. 

VI.  Quoique  \ accompagnement  de  lorgue  soit  le 
même  que  celui  du  clavecin ,  le  goût  en  est  très  diffé- 
rent. Comme  les  sons  de  l'orgue  sont  soutenus,  la 
marche  en  doit  être  plus  liée  et  moins  sautillante  : 
il  faut  lever  la  main  entière  le  moins  qu'il  se  peut, 
glisser  les  doigts  d'une  touche  à  l'autre,  sans  ôter 
ceux  qui,  dans  la  place  où  ils  sont,  peuvent  servir  à 
1  accord  où  l'on  passe.  Rien  n'est  si  désagréable  que 
d'entendre  hacher  sur  l'orgue  cette  espèce  d'accom- 
pagnement sec,  arpégé,  qu'on  est  forcé  de  pratiquer 
sur  le  clavecin.  (Voyez  le  mot  Doigter.)  En  général 
l'orgue ,  cet  instrument  si  sonore  et  si  majestueux,  ne 
s'associe  avec  aucun  autre,  et  ne  fait  qu'un  mauvais 
effet  dans  V accompagnement ^  si  ce  n'est  tout  au  plus 
pour  fortifier  les  rippienes  et  les  chœurs. 

M.  Rameau,  dans  ses  Eireurs  sur  la  musique,  vient 
d'établir  ou  du  moins  d'avancer  un  nouveau  principe 
dont  il  me  censure  fort  de  n'avoir  pas  parlé  dans 
TEncyclopédie;  savoir  que  X accompagnement  représente 
te  corps  sonore.  Comme  j'examine  ce  principe  dans  un 
autre  écrit,  je  me  dispenserai  d'en  parler  dans  cet 
article ,  qui  n'est  déjà  que  trop  long.  Mes  disputes  avec 
M.  Rameau  sont  les  choses  du  monde  les  plus  inutiles 
au  progrès  de  l'art,  et  par  conséquent  au  but  de  ce 
Dictionnaire. 

Accompagnement  est  encore  toute  partie  de  basse 
ou  d'autre  instrument,  qui  est  composée  sous  un 
chant  pour  y  faire  harmonie.  Ainsi  un  solo  de  violon 
s'accompagne  du  violoncelle  ou  du  clavecin,  et  un 


32  ACC 

acco7npagnement  de  flûte  se  marie  fort  bien  avec  ]a 
voix.  L'harmonie  de  V accompagnement  ajoute  à  Tagré- 
meut  du  chant,  en  rendant  les  sons  plus  sûr^,  leur 
effet  plus  doux,  la  modulation  plus  sensible,  et  por- 
tant à  Toreille  un  témoigna(]e  de  justesse  qui  la  flatte. 
Il  y  a  même,  par  rapport  aux  voix,  une  forte  raison 
de  les  faire  toujours  accompagner  de  quelque  instru- 
ment, soit  en  partie,  soit  à  Tunisson  ;  car  quoique 
plusieurs  prétendent  qu'en  chantant  la  voix  se  mo- 
difie naturellement  selon  les  lois  du  tempérament 
(Voyez  Tempérament),  cependant  Texpérience  nous 
dit  que  les  voix  les  plus  justes  et  les  mieux  exercées 
ont  bien  de  la  peine  à  se  maintenir  long-temps  dans  la 
justesse  du  ton,  quand  rien  ne  les  y  soutient.  A  force 
de  chanter  on  monte  ou  Ton  descend  insensiblement; 
et  il  est  très  rare  qu'on  se  trouve  exactement  en  finis- 
sant dans  le  ton  d'où  l'on  étoit  parti.  C'est  pour  em- 
pêcher ces  variations  que  l'harmonie  d'un  instrument 
est  employée;  elle  maintient  la  voix  dans  le  même  dia- 
pason, ou  l'y  rappelle  aussitôt  quand  elle  s'égare.  La 
basse  est  de  toutes  les  parties  la  plus  propre  à  Y  accom- 
pagnement, celle  qui  soutient  le  mieux  la  voix,  et  satis- 
fait le  plus  l'oreille ,  parcequ'il  n'y  en  a  point  dont  les 
vibrations  soient  si  fortes,  si  déterminantes,  ni  qui 
laisse  moins  d'équivoque  dans  le  jugement  de  l'har- 
monie fondamentale. 

Accompagner,  v.  a.  et  n.  C'est  en  général  jouer  les 
parties  d'accompagnement  dans  l'exécution  d'un  mor» 
ceau  de  musique;  c'est  plus  particulièrement,  sur  un 
instrument  convenable ,  frapper  avec  chaque  note  de 
la  basse  les  accords  qu  elle  doit  porter,  et  qui  s  ap- 


ACG  33 

poUentraccompagnement.  J'ai  suffisamment  expliqué 
dans  les  précédents  articles  en  quoi  consiste  cet  ac- 
compagnement. J'ajouterai  seulement  que  ce  mot 
même  avertit  celui  qui  accompag?ie  dans  un  concert  qu  il 
n'est  chargé  que  d'une  partie  accessoire ,  qu'il  ne  doit 
s'attacher  qu'à  en  faire  valoir  d'autres ,  que  sitôt  qu'il 
a  la  moindre  prétention  pour  lui-même ,  il  gâte  l'exé- 
cution, et  impatiente  à-Ia-fois  les  concertants  et  les 
auditeurs;  plus  il  croit  se  faire  admirer,  plus  il  se 
rend  ridicule;  et  sitôt  qu'à  force  de  bruit  ou  d'ornements 
déplacés  il  détourne  à  soi  l'attention  due  à  la  partie 
principale ,  tout  ce  qu  il  montre  de  talent  et  d  exécu- 
tion montre  à-la-fois  sa  vanité  et  son  mauvais  goût. 
Pour  accompagner  divec  intelligence  et  avec  applaudis- 
sement ,  il  ne  faut  songer  qu'à  soutenir  et  faire  valoir 
les  parties  essentielles ,  et  c'est  exécuter  fort  habile- 
ment la  sienne  que  d'en  faire  sentir  l'effet  sans  la  lais- 
ser remarquer. 

Accord,  s.  m.  Union  de  deux  ou  plusieurs  sons 
rendus  à-la-fois,  et  formant  ensemble  un  tout  har- 
monique. 

L'harmonie  naturelle  produite  par  la  résonnance 
d'un  corps  sonore  est  composée  de  trois  sons  diffé- 
rents, sans  compter  leurs  octaves,  lesquels  forment 
entre  eux  Vaccord  le  plus  agréable  et  le  plus  parfait 
que  l'on  puisse  entendre  :  d'où  on  l'appelle  par  excel- 
lence ,  accord  parfait.  Ainsi  pour  rendre  complet© 
i'iiarmonie,  il  faut  que  chaque  accord  soit  au  moins 
composé  de  trois  sons.  Aussi  les  musiciens  trouvent- 
ils  dans  le  trio  la  perfection  harmonique ,  soit  parce- 
qu'ils  y  emploient  les  accords  en  entier ,  soit  parceque , 
xiv.  .  3 


34  ACC 

dans  les  occasions  où  ils  ne  les  emploient  pas  en  en- 
tier, ils  ont  Fart  de  donner  le  change  à  l'oreille,  et  de 
lui  persuader  le  contraire,  en  lui  présentant  les  sons 
principaux  des  accords  de  manière  à  lui  faire  oublier 
les  autres.  (Voyez  Tpjo.)  Cependant  Toctave  du  son 
principal  produisant  de  nouveaux  rapports  et  de  nou- 
velles consonnances  par  les  compléments  des  inter- 
valles (voyez  Complément),  on  ajoute  ordinairement 
cette  octave  pour  avoir  Fensemble  de  toutes  les  con- 
sonnances dans  un  même  accord.  (  Voyez  Conson- 
NANCE.)  De  plus,  Taddition  de  la  dissonance  (voyez 
Dissonance  )  produisant  un  quatrième  son  ajouté  à 
r<7ccorc/ parfait,  c'est  une  nécessité,  si  Ton  veut  rem? 
plir  V  accord  y  d'avoir  une  quatrième  partie  pour  expri- 
mer cette  dissonance.  Ainsi  la  suite  des  accords  ne 
peut  être  complète  et  liée  qu'au  moyen  de  quatre 
parties. 

On  divise  les  accords  en  parfaits  et  imparfaits. 
1^ accord  parfait  est  celui  dont  nous  venons  de  parler , 
lequel  est  composé  du  son  fondamental  au  grave,  de 
sa  tierce ,  de  sa  quinte ,  et  de  son  octave  :  il  se  subdivise 
en  majeur  ou  mineur  ,  selon  l'espèce  de  sa  tierce. 
(Voyez  Majeur,  Mineur.  )  Quelques  auteurs  donnent 
aussi  le  nom  de  parfaits  à  tous  les  accords^  même  dis- 
sonants, dont  le  son  fondamental  est  au  grave.  T.es 
accords  imparfaits  sont  ceux  où  régne  la  sixte  au  lieu 
de  la  quinte,  et  en  général  tous  ceux  où  le  son  grave 
n'est  pas  le  fondamental.  Ces  dénominations,  qui 
ont  été  données  avant  que  l'on  connût  la  basse  fon- 
damentale, sont  fort  mal  appliquées  :  celles  dUaccords' 


ACG  35 

directs  ou  renversés  sont  beaucoup  plus  convenables 
dans  le  même  sens.  (Voyez  Renversement.) 

Les  accords  se  divisent  encore  en  consonnants  et 
dissonants.  Les  accords  consonnants  sont  r<3!ccorc/ par- 
fait et  ses  dérivés  :  tout  autre  accord  est  dissonant.  Je 
vais  donner  une  table  des  uns  et  des  autres  selon  le 
système  de  M.  Rameau.  ^P 


3. 


36 


ACC 


'^-»/m^x/%/^  v-m/^'-v^/v  ■v*./*^'  ^ 


L. 't/^/VVA^/V  1 


V%/»,-'V*^'V.  VX..'V\/m>'V.-W/'V%^»/*r  »>»/%. 


TABLE 

DE  TOUS  LES  ACCORDS 

I      ^ECUS    DANS    l'harmonie. 


ACCORDS  FONDAMENTAUX. 

ACCORD    PARFAIT,    ET    SES    DÉRIVÉS. 
Le  son  fondamental      Sa  tierce  au  grave.     Sa  quinte  au  grave, 
au  grave. 


H 


-e- 


-e- 
-e- 


-e- 


^ 


-e- 


-e- 


Accord  parfait.  Accord  de  sixte.      Accord  de  sixte- 

quarte. 

Cet  accord  constitue  le  ton ,  et  ne  se  fait  que  sur  la 
tonique  :  sa  tierce  peut  être  majeure  ou  mineure,  et 
c'est  elle  qui  constitue  le  mode. 

ACCORD  SENSIBLE  OU  DOMINANT,    ET  SES  DÉRIVÉS. 
Le  son  fondamental       'Sa  tierce         Sa  quinte     Sa  septième 
au  grave.  au  grave.  au  grave.        au  grave. 

0 rm 


r^ 


o 


â 


-©- 


â 


-e- 


â 


O 


:q: 


SL 


Q  "     "  O 

Accord  sensible.         De  fausse-        De  petite-       De  triton, 
quinte.  sixte  majeure. 

Aucun  des  sons  de  cet  accord  ne  pcut.s'alrérer. 


AGG 


37 


ACCORD    DE  SEPTIÈME,    ET    SES    DÉRIVÉS. 


Le  son  fontlamen-       Sa  tierce 
tal  au  îïrave.  au  "rave. 


Sa  quinte  Sa  septième 


au  fïrave. 


â 


au  f;iave. 

^ 


(b 


jy 


â 


â 


_o 


T5 


o_ 


o 


Accord  De  grande-       De  petite-sixte     De  seconde. 

de  septième.  sixte.  mineure. 

La  tierce,  la  quinte,  et  la  septième,  peuvent  s'altérer 
dans  cet  accord. 

ACCORD  DE  SEPTIÈME  DIMINUÉE  ,    ET  SES  DÉRIVÉS. 
Le  son  fondamen-       Sa  tierce  Sa  quinte  Sa  septième 


tal  au  grave.  au  grave.  au  gravt 


au  ffrave. 


(^ 


4-6. 


^fr 


^-^ 


^- 


s: 


¥ 


"Kn. 


e- 


-o- 


K 


Accord  de  sepliè-  De  sixte  majeu-  De  tierce  mi-       De  seconde 
me  diminuée.  re  ,  et  fausse-  neure,  et  tri-         superflue, 

qiiinte.  ton. 

Aucun  des  sons  de  cet  accord  ne  peut  s'altérer. 

ACCORD    DE    SIXTE    AJOUTÉE,    ET    SES    DÉRIVÉS. 

Le  son  fondamen-     Sa  tierce  Sa  quinte  Sa  sixte 

au  grave.  an  grave.  au  grave. 


tal  au  grave. 


î 


4 


o_ 


¥ 


O 


-e- 


¥ 


-e- 


u 


¥ 


TT 


Accord  De  petite-sixte       De  seconde 

de  sixte  ajoutée.         ajoutée.  ajoutée. 


De  septième 
ajoutée. 

Je  joins  ici  partout  le  mot  ajoutée  pour  distiiifjuer 


38  Acc 

cet  accord  et  ses  renversés  des  productions  sembla- 
bles de  Vaccord  de  septième. 

Ce  dernier  renversement  de  septième  ajoutée  n'est 
pas  admis  par  M.  Rameau,  parceque  ce  renversement 
forme  un  accord  de  septième,  et  que  Yaccord  de  sep- 
tième est  fondamental.  Cette  raison  paroîtpeu  solide. 
Il  ne  faudroit  donc  pas  non  plus  admettre  la  grande 
sixte  comme  un  renversement,  puisque,  dans  les 
propres  principes  de  M.  Rameau,  ce  même  accord  est 
souvent  fondamental.  Mais  la  pratique  des  plus  grands 
musiciens ,  et  la  sienne  même ,  dément  l'exclusion  qu'il 
voudroit  établir. 

ACCORD    DE    SIXTE    SUPERFLUE. 


.  Cet  accord  ne  se  renverse  point,  et  aucun  de  ses 
sons  ne  peut  s'altérer.  Ce  n'est  proprement  qu'un 
accord  de  petite-sixte  majeure,  diésée  par  accident, 
et  dans  lequel  on  substitue  quelquefois  la  quinte  à 
la  quarte, 


ACG 


39 


ACCORDS  PAR  SUPPOSITIOX. 

(Voyez  Supposition.  )  * 

ACCORD    DE    NEUVIÈME,    ET    SES    DÉRIVÉS. 

Le  son  supposé      Le  son  fonda-     Sa  tierce       Sa  septième 
au  grave.  mental  au         au  grave.         au  grave, 

grave. 

— 9 


â 


è 


fc &• 


s: 


-e- 


-G- 


^ 


-e- 


-y- 


â 


-e- 


Accord  De  septième,  De  sixte-quarte,  De  septième, 

de  neuvième.  et  sixte.  et  quinte.         et  seconde. 

C'est  un  accord  de  septième  auquel  on  ajoute  un 
cinquième  son  à  la  tierce  au-dessous  du  fondamental. 

On  retranche  ordinairement  la  septième ,  c'est-à- 
dire  la  quinte  du  son  fondamental,  qui  est  ici  la  note 
marquée  en  noir;  dans  cet  état  V accord  de  neuvième 
peut  se  renverser  en  retranchant  encore  de  l'accom- 
pagnement l'octave  de  la  note  qu'on  porte  à  la  basse. 

ACCORD  DE  QUINTE  SUPERFLUE. 


à 


9- 


Ç 


-O- 


C'est  Y  accord  sensible  d'un  ton  mineur  au-dessoii«i 
duquel  on  fait  entendre  la  médiante  :  ainsi  c'est  un 
véritable  accord  de  neuvième;  mais  il  ne  se  renvers»^ 
point,  à  cause  delà  quarte  diminuée  que  donneroit 


4o  ACC 

avec  la  note  sensible  le  son  supposé  porté  à  l'aigu,  la- 
quelle quarte  est  un  intervalle  banni  de  l'harmonie. 

Af:coRD  d'onzième,  ou  quarte. 

Le  son  supposé       Id.  en  retran-  Le  son  fonda-  Sa  septième 
au  grave.         chant  deux  sons,  mental  au         au  grave. 

grave. 
^  ._  O  ._  O 


0      o 


t 


_o 


-e- 


-e- 


SL 


o 


ï: 


¥ 


o 


Accord  de  neu- 
vièwie  et  quarte. 


^5 

Accord  De  septième     De  seconde 

de  quarte,  et  quarte.         et  quinte. 


C'est  un  accord  de  septième  au-dessous  duquel  on 
ajoute  un  cinquième  son  à  la  quinte  du  fondamental. 
On  ne  frappe  guère  cet  accord  plein  à  cause  de  sa  du- 
reté ;  on  en  retranche  ordinairement  la  neuvième  et 
h.  septième ,  et,  pour  le  renverser ,  ce  retranchement 
est  indispensable. 

ACCORD    DE    SEPTIÈME    SUPERFLUE. 


-G— 


k 


-e- 


C'est  Vaccord  dominant  sous  lequel  la  basse  fait  la 
tonique. 


ACC 


4« 


ACCORD  Di:  SEPTIExME  SUPERFLUE  ,    ET  SIXTE  MINEURE. 


-Or- 

e- 


-*^ 


-&- 


C'est  VaccoTd  de  septième  diminuée  sur  la  note  sen- 
sible, sous  lequel  la  basse  fait  la  tonique. 

Ces  deux  derniers  accordas  ne  se  renversent  point , 
parceque  la  note  sensible  et  la  tonique  s'entendroient 
ensemble  dans  les  parties  supérieures  ;  ce  qui  ne  peut 
se  tolérer. 

Quoique  tous  les  accords  soient  pleins  et  complets 
dans  cette  table,  comme  il  le  falloitpour  montrerions 
leurs  éléments,  ce  n'est  pas  à  dire  quil  faille  les  em- 
ployer tels  •  on  ne  le  peut  pas  toujours  et  on  le  doit 
très  rarement.  Quant  aux  sons  qui  doivent  être  pré- 
férés selon  la  place  et  Tusage  des  accords^  c'est  dans 
ce  choix  exquis  et  nécessaire  que  consiste  le  plus 
grand  art  du  compositeur.  (Voyez  Composition,  Mé- 
lodie ,  Effet ,  Expression  ,  etc.  )    . 


FIN    de    la    table    des    ACCORDS^ 


42  ACC 

Nous  parlerons,  aux  mots  Harmonie,  Basse-fonda- 
mentale, Composition,  etc. ,  de  la  manière  d'employer 
tous  ces  accords  pour  en  former  une  harmonie  ré- 
gulière. J'ajouterai  seulement  ici  les  observations 
suivantes. 

I.  C'est  une  grande  erreur  de  penser  que  le  choix 
des  renversements  d'un  même  accord  soit  indifférent 
pour  l'harmonie  ou  pour  l'expression.  Il  n'y  a  pas  un 
de  ces  renversements  qui  n'ait  son  caractère  propre. 
Tout  le  monde  sent  l'opposition  qui  se  trouve  entre 
la  douceur  de  la  fausse-quinte  et  l'aigreur  du  triton  ; 
et  cependant  l'un  de  ces  intervalles  est  renversé  de 
l'autre.  11  en  est  de  même  de  la  septième  diminuée 
et  de  la  seconde  superflue ,  de  la  seconde  ordinaire  et 
de  la  septième.  Qui  ne  sait  combien  la  quinte  est  plus 
sonore  que  la  quarte?  \J accord  àe  grande-sixte  et  celui 
d'e  petite-sixte  mineure  sont  deux  faces  du  même 
accord  fondamental ,  mais  de  combien  l'une  n'est-elle 
pas  plus  harmonieuse  que  l'autre  !  lu  accord  de  petite- 
sixte  majeure,  au  contraire,  n'est-il  pas  plus  brillant 
que  celui  de  fausse-quinte?  Et,  pour  ne  parler  que 
du  plus  simple  de  tous  les  accords  ,  considérez  la  ma- 
jesté de  \  accord  parfait ,  la  douceur  de  Y  accord  de  sixte , 
et  la  fadeur  de  celui  de  sixte-quarte,  tous  cependant 
composés  des  mêmes  sons.  En  général  les  intervalles 
superflus,  les  dièses  dans  le  haut,  sont  propres  par 
leur  dureté  à  exprimer  l'emportement ,  la  colère ,  et 
les  passions  aiguës  :  au  contraire  les  bémols  à  l'aigu, 
et  les  intervalles  diminués,  forment  une  harmonie 
plaintive  qui  attendrit  le  cœur.  C'est  une  multitude 
d'observations  semblables  qui ,  lorsqu'un  habile  mu- 


ACC  4') 

sicicn  sait  s'en  provaloir,  le  rendent  maître  des  affec- 
tions de  ceux  qui  Fécoutent. 

II.  Le  choix  des  intervalles  simples  nest  guère 
moins  important  que  celui  des  accords  pour  la  place 
où  Ton  doit  les  employer.  C'est,  par  exemple,  dans 
le  bas  qu'il  faut  placer  les  quintes  et  les  octaves  par 
préférence ,  dans  le  haut  les  tierces  et  les  sixtes. 
Transposez  cet  ordre,  vous  gâterez  l'harmonie  en 
laissant  les  mêmes  accords. 

III.  Enfin,  Ton  rend  les  accords  plus  harmonieux 
encore  en  les  rapprochant  par  de  petits  intervalles 
plus  convenables  que  les  grands  à  la  capacité  de 
Toreille.  C'est  ce  qu'on  appelle  resserrer  Iharmonie,  et 
que  si  peu  de  musiciens  savent  pratiquer.  Les  bornes 
du  diapason  des  voix  sont  une  raison  de  plus  pour 
resserrer  les  chœurs.  On  peut  assurer  qu'un  chœur  Q%t 
mal  fait  lorsque  les  accords  divergent,  lorsque  les  par- 
ties crient,  sortent  de  leur  diapason,  et  sont  si  éloi- 
gnées les  unes  des  autres  qu  elles  semblent  n'avoir  plus 
dé  rapport  entre  elles. 

On  appelle  encore  accord  l'état  d'un  instrument 
dont  les  sons  fixes  sont  entre  eux  dans  toute  la  jus- 
tesse qu  ils  doivent  avoir.  On  dit  en  ce  sens  qu'un  in- 
strument est  d'accord  y  qu'il  n'est  pas  di! accord  ^  qu'il 
garde  ou  ne  garde  pas  son  accord.  La  même  expression 
s'emploie  pour  deux  voix  qui  chantent  ensemble , 
pour  deux  sons  qui  se  font  efntendre  à-la-fois,  soit  à 
l'unisson,  soit  en  contre-partie. 

Accord  dissonant.  Faux  accord.  Accord  faux,  sont 
autant  de  différentes  choses  qu'il  ne  faut  pas  confon- 
dre. Accord  dissonant  est  celui  qui  contient  quelque 


4-i  ACC 

dissonance;  Accord  faux  ^  celui  dont  les  sons  sont  mal. 
accordés  et  ne  gardent  pas  entre  eux  la  jutesse  des 
intervalles  ;  faux  accord,  celui  qui  choque  Foreilie , 
parcequ'il  est  mal  composé ,  et  que  les  sons,  quoique 
justes,  n'y  forment  pas  un  tout  harmonique. 

Accorder  des  instruments,  c'est  tendre  ou  lâcher 
les  cordes,  alonger  ou  raccourcir  les  tuyaux,  aug- 
menter ou  diminuer  la  masse  du  corps  sonore,  jus- 
(\\\k  ce  que  toutes  les  parties  de  l'instrument  soient 
au  ton  qu  elles  doivent  avoir. 

Pour  accorder  un  instrument,  il  faut  d'abord  fixer 
un  son  qui  serve  aux  autres  de  terme  de  comparaison. 
C  est  ce  qu'on  appelle  prendre  ou  donner  le  ^ton. 
(Voyez  Ton.  )  Ce  son  est  ordinairement  \ut  pour  l'or- 
gue et  le  clavecin,  le  la  pour  le  violon  et  la  basse,  qui 
ont  ce  la  sur  une  corde  à  vide  et  dans  un  médium  pro- 
pre à  être  aisément  saisi  par  l'oreille. 

A  l'égard  des  flûtes,  hautbois,  bassons,  et  autres 
instruments  à  vent,  ils  ont  leur  ton  à  peu  près  fixé, 
qu'on  ne  peut  guère  changer  qu'en  changeant  quel- 
que pièce  de  l'instrument.  On  peut  encore  les  alon- 
ger un  peu  à  l'emboîture  des  pièces,  ce  qui  baisse  le 
ton  de  quelque  chose;  mais  il  doit  nécessairement 
résulter  des  tons  faux  de  ces  variations  ,  parceque  la 
juste  proportion  est  rompue  entre  la  longueur  totale 
de  l'instrument  et  les  distances  d'un  trou  à  l'autre. 

Quand  le  ton  est  déterminé ,  on  y  fait  rapporter  j 

tous  les  autres  sons  de  l'instrument,  lesquels  doivent  1 

être  fixés  par  Faccord  selon  les  intervalles  qui  leur  " 

conviennent.  L'orgue  et  le  clavecin  ^'accordent  par 
quintes  jusqu'à  ce  que  la  partition  soit  faite,  et  par 


ACC  /p 

octaves  pour  le  reste  du  clavier  :  la  basse  et  le  violon , 
par  quintes;  la  viole  et  la  guitare,  par  quartes  et  par 
tierces,  etc.  En  général  on  choisit  toujours  des  inter- 
valles consonnants  et  harmonieux ,  afin  que  l'oreille 
en  saisisse  plus  aisément  la  justesse. 

Cette  justesse  des  intervalles  ne  peut,  dans  la  pra- 
tique, s'observer  à  toute  rigueur,  et  pour  qu'ils  puis- 
sent tous  s  accorde?'  entre  eux ,  il  faut  que  chacun  en 
particulier  souffre  quelque  altération.  Chaque  espèce 
d'instrument  a  pour  cela  ses  régies  particulières  et  sa 
méthode  d'accorder.  (Voyez  Tempérament.) 

On  observe  que  les  instruments  dont  on  tire  le  son 
par  inspiration,  comme  la  flûte  et  le  hautbois,  mon- 
tent insensiblement  quand  on  a  joué  quelque  temps; 
ce  qui  vient,  selon  quelques  uns,  de  l'humidité  qui, 
sortant  de  la  bouche  avec  l'air,  les  renfle  et  les  rac- 
courcit; ou  plutôt,  suivant  la  doctrine  de  M.  Euler, 
c'est  que  la  chaleur  et  la  réfraction  que  l'air  reçoit 
pendant  l'inspiration  rendent  ses  vibrations  plus  fré- 
quentes, diminuent  son  poids,  et,  augmentant  ainsi 
le  poids  relatif  de  Talmosphère,  rendent  le  son  un  peu 
plus  aigu. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  cause,  il  faut,  en  accordant^ 
avoir  égard  à  l'effet  prochain,  et  forcer  un  peu  le  vent 
quand  on  donne  ou  reçoit  le  ton  sur  ces  instruments; 
car ,  pour  reste^r  d'accord  durant  le  concert ,  ils  doivent 
être  un  peu  trop  bas  en  commençant. 

Accordeur,  s.  m.  On  appelle  accordeurs  d'orgue  ou 
de  clavecin  ceux  qui  vont  dans  les  églises  ou  dans  les 
maisons  accommoder  et  accorder  ces  instruments,  et 
qui,  pour  l'ordinaire ,  en  sont  aussi  les  facteurs. 


46  ACT 

Acoustique,  5. /.  Doctrine  ou  théorie  des  sons. 
(Voy.  Son.)  Ce  mot  est  de  l'invention  de  M.  Sauveur, 
t>t  vient  du  grec  à/oûw,  j'entends. 

Uacoustique  est  proprement  la  partie  théorique  de 
la  musique  ;  c'est  elle  qui  donne  ou  doit  donner  les 
raisons  du.plaisir  que  nous  font  Tharmonie  et  le  chant, 
qui  détermine  les  rapports  des  intervalles  harmoni- 
ques, qui  découvre  les  affections  ou  propriétés  des 
cordes  vibrantes,  etc.  (Voyez  Cordes  ,  Harmonie.) 

Acoustique  est  aussi  quelquefois  adjectif:  on  dit 
l'organe  acoustique^  un  phénomène  acoustique ^  etc. 

Acte,  s.  m.  Partie  d'un  opéra  séparée  d'une  autre 
dans  la  représentation  par  un  espace  appelé  entr  acte. 
(Voyez  Entracte.) 

L'unité  de  temps  et  de  lieu  doit  être  aussi  rigou- 
reusement observée  dans  un  acte  d'opéra  que  dans 
utie  tragédie  entière  du  genre  ordinaire,  et  même 
plus  à  certains  égards,  car  le  poète  ne  doit  point 
donner  à  un  acte  d'opéra  une  durée  hypothétique 
plus  longue  que  celle  qu'il  a  réellement,  parcequ'on  ne 
peut  supposer  que  ce  qui  se  passe  sous  nos  yeux  dure 
plus  long-temps  que  nous  ne  le  voyons  durer  en  effet; 
mais  il  dépend  du  musicien  de  précipiter  ou  ralentir 
l'action  jusqu'à  un  certain  point,  pour  augmenter  la 
vraisemblance  ou  l'intérêt  ;  liberté  qui  l'oblige  à  bien 
étudier  la  gradation  des  passions  théâtrales,  le  temps 
qu'il  faut  pour  les  développer,  celui  où  le  progrès 
est  au  plus  haut  point ,  et  celui  oii  il  convient  de  s'ar- 
rêter pour  prévenir  l  inattention,  la  langueur,  l'épuise- 
1  lient  du  spectateur.  Il  n'est  pas  non  plus  permis  de 
changer  de  décoration  et  de  faire  sauter  le  théâtre  d'un 


ACT  4? 

lieu  à  un  autre  au  milieu  d'un  acte^  même  dans  le 
genre  merveilleux,  parcequ'un  pareil  saut  choque 
la  raison ,  la  vérité ,  la  vraisemblance  ,  et  détruit 
Tillusion,  que  la  première  loi  du  théâtre  est  de  favo- 
riser en  tput.  Quand  donc  Faction  est  interrompue  par 
de  tels  changements,  le  musicien  ne  peut  savoir  ni 
comment  il  les  doit  marquer,  ni  ce  qu  il  doit  faire  de 
son  orchestre  pendant  qu  ils  durent,  à  moins  d'y  re- 
présenter le  même  chaos  qui  régne  alors  sur  la  scène. 

Quelquefois  le  premier  acte  d'un  opéra  ne  tient 
point  à  l'action  principale  et  ne  lui  sert  que  d'intro- 
duction :  alors  il  s'appelle  prologue.  (  Voyez  ce  mot.  ) 
Comme  le  prologue  ne  fait  pas  partie  de  la  pièce,  on 
ne  le  compte  point  dans  le  nombre  des  actes  qu'elle 
contient,  et  qui  est  souvent  de  cinq  dans  les  opéra 
françois ,  mais  toujours  de  trois  dans  les  italiens. 
(Voyez  Opéra.) 

Acte  de  cadence  est  un  mouvement  dans  une  des 
parties ,  et  surtout  dans  la  basse,  qui  oblige  toutes  les 
autres  parties  à  concourir  à  former  une  cadence  ou  à 
l'éviter  expressément.  (Voy.  Cadence,  Éviter.) 

Acteur,  s.  m.  Chanteur  qui  fait  un  rôle  dans  la  re- 
présentation d'un  opéra.  Outre  toutes  les  qualités  qui 
doivent  lul^être  communes  Sivec  l'acteur  dramatique, 
il  doit  en  avoir  beaucoup  de  particulières  pour  réussir 
dans  son  art.  Ainsi  il  ne  suffit  pas  qu'il  ait  un  bel  or- 
gane pour  la  parole,  s'il  ne  l'a  tout  aussi  beau  pour  le 
chant  ;  car  il  n'y  a  pas  une  telle  liaison  entre  la  voix 
parlante  et  la  voix  chantante ,  que  la  beauté  de  l'une 
suppose  toujours  celle  de  l'autre.  Si  l'on  pardonne  à 
un  acteur  le  défaut  de  quelque  qualité  qu'il  a  pu  se 


48  ACT 

flatter  d'acquérir ,  on  ne  peut  lui  pardonner  d'oser  se 
destiner  au  théâtre,  destitué  des  qualités  naturelles 
qui  y  sont  nécessaires,  telles  entre  autres  que  la  voix 
dans  un  chanteur.  Mais  par  ce  mot  voix^  j'entends 
moins  la  force  du  timbre  que  l'étendue,  la  justesse, 
et  la  flexibilité.  Je  pense  qu'un  théâtre  dont  l'objet  est 
d'émouvoir  le  cœur  par  les  chants  doit  être  interdit 
à  ces  voix  dures  et  bruyantes  qui  ne  font  qu'étourdir 
les  oreilles;  et  que,  quelque  peu  de  voix  que  puisse 
avoir  un  acteur ,  s'il  l'a  juste,  touchante,  facile,  et 
suffisamment  étendue,  il  en  a  tout  autant  qu'il  faut  : 
il  saura  toujours  bien  se  faire  entendre  s'il  sait  se 
faire  écouter. 

Avec  une  voix  convenable,  V acteur  doit  l'avoir  cul- 
tivée par  l'art  ;  et  quand  sa  voix  n'en  auroit  pas  besoin , 
il  en  auroit  besoin  lui-même  pour  saisir  et  rendre 
avec  intelligence  la  partie  musicale  de  ses  rôles.  Rien 
n'est  plus  insupportable  et  plus  dégoûtant  que  de  voir 
un  héros,  dans  les  transports  des  passions  les  plus 
vives,  contraint  et  gêné  dans  son  rôle,  peiner,  et 
s'assujettir  en  écolier  qui  répète  mal  sa  leçon;  mon- 
trer, au  lieu  des  combats  de  Famour  et  de  la  vertu, 
ceux  d'un  mauvais  chanteur  avec  la  mesure  et  l'or- 
chestre, et  plus  incertain  sur  le  ton  que  tur  le  parti 
qu'il  doit  prendre.  Il  n'y  a  ni  chaleur  ni  grâce  sans 
facilité ,  et  ï acteur  dont  le  rôle  lui  coûte  ne  le  rendra 
jamais  bien. 

Il  rie  suffit  pas  à  Yacteur  d'opéra  d'être  un  excellent 
chanteur,  s'il  n'est  encore  un  excellent  pantomime; 
car  il  ne  doit  pas  seulement  faire  sentir  ce  qu'il  dit  lui- 
même,  mais  aussi  ce  qu'il  laisse  dire  à  la  symphonie. 


ADA  49 

L  orchestre  ne  rend  pas  un  sentiment  qui  ne  doive 
sortir  de  son  ame;  &es  pas,  ses  regards,  son  geste, 
tout  doit  s'accorder  sans  cesse  avec  la  musique,  sans 
pourtant  qu'il  paroisse  y  songer  ;  il  doit  intéresser 
toujours,  même  en  gardant  le  silence,  et  quoique  oc- 
cupé d'un  rôle  difficile ,  s'il  laisse  un  instant  oublier 
le  personnage  pour  s'occuper  du  chanteur,  ce  n'est 
qu  un  musicien  sur  la  scène,  il  n'est  plus  acteur.  Tel 
excella  dans  les  autres  parties,  qui  s'est  fait  siffler 
pour  avoir  négligé  celle-ci.  Il  n'y  a  point  d^ acteur  à  qui 
l'on  ne  puisse  à  cet  égard  donner  le  célèbre  Citasse 
pour  modèle.  Cet  excellent  pantomime,  en  mettant 
toujours  son  art  au-dessus  de  lui  et  s'efforçant  tou- 
jours d'y  exceller,  s'est  ainsi  mis  lui-même  fort  au- 
dessus  de  ses  confrères  :  acteur  unique  et  homme 
estimable,  il  laissera  l'admiration  et  le  regret  de  ses 
talents  aux  amateurs  de  son  théâtre,  et  un  souvenir 
honorable  de  sa  personne  à  tous  les  honnêtes  gens. 

Adagio,  adv.  Ce  mot  écrit  à  la  tête  d'un  air  désigne 
le  second,  du  lent  au  vite,  des  cinq  principaux  degrés 
de  mouvement  distingués  dans  la  musique  italienne. 
(Voyez  Mouvement.)  Adagio  est  un  adverbe  italien, 
qui  signifie  à  l'aise ,  posément,  et  c'est  aussi  de  cette 
manière  qu'il  faut  battre  la  mesure  des  airs  auxquels 
il  s'applique. 

Le  mot  adagio  si|i  prend  quelquefois  substantive- 
ment, et  s'applique  par  métaphore  aux  morceaux  de 
musique  dont  il  détermine  le  mouvement  :  il  en  est  de 
même  des  autres  mots  semblables.  Ainsi  l'on  dira,  un 
adagio  de  Tartini ,  un  andante  de  S.-Martino ,  un 
allegro  de  Locatelli ,  etc. 

XI  v.  4 


JO  AJO 

Affettuoso,  adj.  pris  adverbialement.  Ce  mot  écrit  à 
la  tête  d'un  air  indique  un  mouvement  moyen  entre 
Vandante  et  \ adagio,  et  dans  le  caractère  du  chant  une 
expression  affectueuse  et  douce. . 

Agogé.  Conduite.  Une  des  subdivisions  de  Tan- 
oienne  mélopée ,  laquelle  donne  les  régies  de  la  mar- 
che du  chant  par  degrés  alternativement  conjoints  ou 
disjoints ,  soit  en  montant ,  soit  en  descendant.  (  Voyez 
Mélopée.  ) 

Martianus  Gapella  donne ,  après  Aristide  Quinti- 
lien ,  au  mot  agogé ,  un  autre  sens  que  j'expose  au  mot 
Tirade. 

Agréments  du  chant.  On  appelle  ainsi  dans  la  mu- 
sique françoise  certains  tours  de  gosier  et  autres  or- 
nements affectés  aux  notes  qui  sont  dans  telle  ou  telle 
position,  selon  les  régies  prescrites  par  le  goût  du 
chant.  (  Voyez  Goût  du  chant.  ) 

Les  principaux  de  ces  agréments  sont  TAccent  ,  le 
Coulé  ,  le  Flatté  ,  le  Martellement  ,  la  Cadence 
PLEINE ,  la  Cadence  brisée  ,  et  le  Port-de-voix.  (  Voyez 
ces  articles  chacun  en  son  lieu ,  et  la  Planche  B  ^fig.  1 3 .  ) 

Aigu,  adj.  Se  dit  d'un  son  perçant  ou  élevé  par  rap- 
port à  quelque  autre  son.  (  Voyez  Son.  ) 

En  ce  sens  le  mot  aigu  est  opposé  au  mot  grave.  Plus 
les  vibrations  du  corps  sonore  sont  fréquentes ,  plus  le 
son  est  aigu.  ^ 

Les  sons  considérés  sous  les  rapports  d'aigus  et  de 
graves  3ontle  sujet  de  riiarmonie.  (  Voyez  Harmonie  . 
Accord. ) 

Ajoutée,  ou  acquise ^  ou  surnuméraire^  adj.  pris  sub- 
.^tantivement.  C'étoit  dans  la  musique  grecque  la  corde 


AIR  5l 

OU  le  son  qu'ils  appeloient  ProslambanOxMenos.  (  Voyez 
ce  mot.  ) 

Sixte  ajoutée  est  une  sixte  qu'on  ajoute  à  Taccord 
parfait,  et  de  laquelle  cet  accord  ainsi  augmenté  prend 
le  nom.  (  Voyez  Accord  et  Sixte.  ) 

Air.  Chant  qu'on  adapte  aux  paroles  d'une  chanson 
ou  d'une  petite  pièce  de  poésie  propre  à  être  chantée, 
et  par  extension  l'on  appelle  air  la  chanson  même. 

Dans  les  opéra  l'on  donne  le  nom  d'airs  à  tous  les 
chants  mesurés,  pour  les  distinguer  du  récitatif ,  et 
généralement  on  appelle  air  tout  morceau  complet  de 
musique  vocale  ou  instrumentale  formant  un  chant , 
soit  que  ce  morceau  fasse  lui  seul  une  pièce  entière , 
soit  qu'on  puisse  le  détacher  du  tout  dont  il  fait  partie, 
et  l'exécuter  séparément. 

Si  le  sujet  ou  le  chant  est  partagé  en  deux  parties  , 
l'air  s'appelle  duo;  si  en  trois ,  t7-io,  etc. 

Saumaise  croit  que  ce  mot  vient  du  latin  œra;et 
Burette  est  de  son  sentiment,  quoique  Ménage  le  com- 
batte dans  ses  étymologies  de  la  langue  françoise. 

Les  Romains  avoient  leurs  signes  pour  le  rhythme 
ainsi  que  les  Grecs  avoient  les  leurs,  et  ces  signes,  ti- 
rés aussi  de  leurs  caractères  ,  se  nommoient  non  seu- 
lement 72  umerw^ ,  mais  encore  œt^a,  c'est-à-dire  nombre, 
ou  la  marque  du  nombre  :  numeri  nota,  dit  Nonnius 
Marcellus.  C'est  en  ce  sens  que  le  mot  œra  se  trouve 
employé  dans  ce  vers  de  Lucile  : 

Haec  est  ratio  ?  Perversa  aéra  !  Summa  subclucta  improbè  ! 

Et  Sextus  Rufus  s'en  est  servi  de  même. 

Or,  quoique  ce  mot  ne  se  prît  originairement  que 
pour  le  nombre  ou  la  mesure  du  chant ,  dans  la  suite 

4. 


52  AIR 

on  en  fit  le  même  usage  qu'on  avoit  fait  du  mot  nume- 

rw5,  et  l'on  se  servit  du  mot  œra  pour  désigner  le  chant 

même;  d'où  est  venu ,  selon  les  deux  auteurs  cités  ,  le 

mot  François  air^  et  l'italien  aria  pris  dans  le  même 

sens. 

Les  Grecs  avoient  plusieurs  sortes  à' airs  qu'ils  appe- 
loient  nomes  ou  chansons.  (  Voyez  Chanson.  )  Les  no- 
mes avoient  chacun  leur  caractère  et  leur  usage ,  et 
plusieurs  étoient  propres  à  quelque  instrument  parti- 
culier, à  peu  près  comme  ce  que  nous  appelons  au- 
jourd'hui pièces  ou  sonates. 

La  musique  moderne  a  diverses  espèces  ^airs  qui 
conviennent  chacune  à  quelque  espèce  de  danse  dont 
ces  airs  portent  le  nom.  (  Voyez  Menuet  ,  Gavotte  , 
Musette,  Passe-pied,  etc.  ) 

Les  airs  de  nos  opéra  sont ,  pour  ainsi  dire ,  la  toile 
ou  le  fond  sur  quoi  se  peignent  les  tableaux  de  la  mu- 
sique imitative;  la  mélodie  est  le  dessin;  l'harmonie 
est  le  coloris;  tous  les  objets  pittoresques  de  la  belle 
nature  ,  tous  les  sentiments  réfléchis  du  cœur  humain 
sont  les  modèles  que  l'artiste  imite  ;  l'attention  ,  l'inté- 
rêt ,  le  charme  de  l'oreille,  et  l'émotion  du  cœur,  sont 
la  fin  de  ces  imitations.  (  Voyez  Imitation.  )  Un  «fi/* sa- 
vant et  agréable,  un  air  trouvé  par  le  génie  et  com- 
posé par  le  goût,  est  le  chef-d'œuvre  delà  musique  ; 
c'est  là  que  se  développe  une  belle  voix,  que  brille  une 
belle  symphonie;  c'est  là  que  la  passion  vient  insensi- 
blement émouvoir  lame  par  le  sens.  Après  un  bel  air 
on  est  satisfait,  l'oreille  ne  désire  plus  rien;  il  reste 
dans  l'imagination ,  on  l'emporte  avec  soi ,  on  le  répète 
à  volonté*  sans  pouvoir  en  rendre  une  seule  note  ,  on 


i 


AIR  53 

l'exécute  clans  son  cerveau  tel  quon  1  entendit  au 
spectacle;  on  voit  la  scène,  Tacteur,  le  théâtre;  on 
entend  Taccompagnement,  Tapplaudissement;  le  vé- 
ritable amateur  ne  perd  jamais  les  beaux  airs  qu'il 
entendit  en  sa  vie  ;  il  fait  recommencer  l'opéra  quand 
il  veut. 

Les  paroles  des  airs  ne  vont  point  toujours  de  suite, 
ne  se  débitent  point  comme  celles  du  récitatif;  quoi- 
que assez  courtes  pour  l'ordinaire,  elles  se  coupent , 
se  répètent,  se  transposent  au  gré  du  compositeur  : 
elles  ne  font  pas  une  narration  qui  passe  ;  elles  pei- 
gnent ou  un  tableau  qu'il  faut  voir  sous  divers  points 
de  vue,  ou  un  sentiment  dans  lequel  le  cœur  se  com- 
plaît, duquel  il  ne  peut,  pour  ainsi  dire,  se  détacher, 
et  les  différentes  phrases  de  Vair  ne  sont  qu'autant  de 
manières  d'envisager  la  même  image.  Voilà  pourquoi 
le  sujet  doit  être  un.  C'est  par  ces  répétitions  bien  en- 
tendues ,  c'est  par  ces  coups  redoublés  qu'une  expres- 
sion qui  d'abord  n'a  pu  vous  émouvoir ,  vous  ébranle 
.enfin,  vous  agite,  vous  transporte  hors  de  vous;  et 
c'est  encore  par  le  même  principe  que  les  roulades 
qui ,  dans  les  airs  pathétiques ,  paroissent  si  déplacées, 
ne  le  sont  pourtant  pas  toujours  :  le  cœur,  pressé 
d  un  sentiment  très  vif,  l'exprime  souvent  par  des 
sons  inarticulés  plus  vivement  que  par  des  paroles. 
(  Voyez  Neume.  ) 

La  forme  des  airs  est  de  deux  espèces.  Les  petits 
airs  sont  ordinairement  composés  de  deux  reprises 
qu'on  chante  chacune  deux  fois  ;  mais  les  grands 
airs  d'opéra  sont  le  plus  souvent  en  rondeau.  (  Voyez 
Rondeau. ) 


54  ALL 

Al  segno.  Ces  mots  écrits  à  la  fin  d'un  air  en  ron- 
deau, marquent  qu  il  faut  reprendre  la  première  par- 
lie  ,  non  tout-à-fait  au  commencement ,  mais  à  l'en- 
droit où  est  marqué  le  renvoi. 

Alla  brève.  Terme  italien  qui  marque  une  sorte  de 
mesure  à  deux  temps  fort  vite ,  et  qui  se  note  pourtant 
avec  une  ronde  ou  semi-brève  par  temps.  Elle  n'est 
plus  guère  d'usage  qu'en  Italie,  et  seulement  dans  la 
musique  d'église.  Elle  répond  assez  à  ce  qu'on  appe- 
loit  en  France  du  gros-fa. 

Alla  zoppa.  Terme  italien  qui  annonce  un  mouve- 
ment contraint  et  syncopant  entre  deux  temps  sans 
syncoper  entre  deux  mesures;  ce  qui  donne  aux  notes 
une  marche  inégale  et  comme  boiteuse.  C'est  un  aver- 
tissement que  cette  même  marche  continue  ainsi  jus- 
qu'à la  fin  de  l'air. 

Allegro,  adj.  pris  adverbialement.  Ce  mot  italien  , 
écrit  à  la  tète  d'un  air ,  indique,  du  vite  au  lent,  le  se- 
cond des  cinq  principaux  degrés  de  mouvement  dis- 
tingués dans  la  musique  italienne,  ^//e^ro  signifierai"; 
et  c'est  aussi  l'indication  d'un  mouvement  gai,  le  plus 
vif  de  tous  après  \e  presto.  Mais  il  ne  faut  pas  croire 
pour  cela  que  ce  mouvement  ne  soit  propre  qu'à  des 
sujets  gais  :  il  s'applique  souvent  à  des  transports  de 
fureur ,  d'emportement  et  de  désespoir ,  qui  n'ont  rien 
moins  que  de  la  gaieté.  (  Voyez  MouvtiMent.  ) 

Le  diminutif  allegretto  indique  une  gaieté  plus  mo- 
dérée, un  peu  moins  de  vivacité  dans  la  mesure. 

Allemande,  s.f.  Sorte  d'air  ou  de  pièce  de  musique 
dont  la  mesure  est  à  quatre  temps  et  se  bat  grare- 
ment.  Il  paroît  par  son  nom  que  ce  caractère  d'air 


ANA  '  5i? 

nous  est  venu  d'Allemagne,  quoiqu'il  n'y  soit  point 
connu  du  tout.  V allemande  en  sonate  est  partout  vieil- 
lie, et  à  peine  les  musiciens  s'en  servent-ils  aujour- 
d'hui :  ceux  qui  s'en  servent  encore  lui  donnent  un 
mouvement  plus  gai. 

Allemande  est  aussi  Tair  d'une  danse  fort  com- 
mune en  Suisse  et  en  Allemagne.  Cet  air,  ainsi  que  la 
danse ,  a  beaucoup  de  gaieté  ;  il  se  bat  à  deux  temps. 

Altus.  (  Voyez  Haute-Contre.  ) 

Amateur.  Celui  qui ,  sans  être  musicien  de  profes- 
sion ,  fait  sa  partie  dans  un  concert  pour  son  plaisir 
et  par  amour  pour  la  musique. 

On  appelle  encore  amateurs  ceux  qui ,  sans  savoir 
la  musique  ou  du  moins  sans  l'exercer,  s'y  connois- 
sent,  ou  prétendent  s'y  connoitre,  et  fréquentent  les 
concerts. 

Ce  mot  est  traduit  de  l'italien  dilettante. 

Ambitus  ,  5.  m.  Nom  qu'on  donnoit  autrefois  à 
l'étendue  de  chaque  ton  ou  mode  du  grave  à  l'aigu  ; 
car  quoique  l'étendue  d'un  mode  fût  en  quelque  ma- 
nière fixée  à  deux  octaves  ,  il  y  avoit  des  modes  irré- 
guliers dont  Y  ambitus  excédoit  cette  étendue ,  et  d'au- 
tres imparfaits  où  il  n'y  arrivoit  pas. 

Dans  le  plain-chant,  ce  mot  est  encore  usité  ;  mais 
Y  ambitus  des  modes  parfaits  n'y  est  que  d'une  octave  : 
ceux  qui  la  passent  s'appellent  modes  superflus  ;  ceux 
qui  n'y  arrivent  pas,  modes  diminués.  (Voyez  Modes, 
Tons  de  l'églîse.  ) 

Amoroso.  (  Voyez  Tendrement.  ) 

Anacamptos.  Terme  de  la  musique  grecque,  qui 
signifie  une  suite  de  notes  rétrogrades ,  on  procédau» 


56  A]NT 

de  Taigu  au  grave  ;  c'est  le  contraire  de  Veuthia.  Une 
des  parties  de  l'ancienne  mélopée  portoit  aussi  le  nom 
à'anacamptosa.  (Voyez  Mélopée.) 

Andante,  adj.  pris  substantivement.  Ce  mot,  écrit  à 
la  tête  d'un  air,  désigne,  du  lent  au  vite,  le  troisième 
des  cinq  principaux  degrés  de  mouvement  distingués 
dans  la  musique  italienne,  u^ndante  est  le  participe 
du  verbe  italien  andare,  aller.  Il  caractérise  un  mou- 
vement marqué  sans  être  gai ,  et  qui  répond  à  peu 
près  à  celui  qu'on  désigne  en  françois  par  le  mot  gra- 
cieusement. (Voyez  Mouvement.) 

Le  diminutif  andantïno  indique  un  peu  moins  de 
gaieté  dans  la  mesure  ;  ce  qu'il  faut  bien  remarquer, 
le  diminutif  larghetto  signifiant  tout  le  contraire. 
(Voyez  Largo.  ) 

Anonner,  V.  n.  C'est  déchiffrer  avec  peine  et  en  hé- 
sitant la  musique  qu'on  a  sous  les  yeux. 

Antienne,  5. y.  En  Isiûn  antiphona.  Sorte  de  chant 
usité  dans  l'Église  catholique. 

Les  antiennes  ont  été  ainsi  nommées ,  parceque 
dans  leur  origine  on  les  chantoit  à  deux  chœurs  qui 
se  répondoient  alternativement,  et  l'on  comprenoit 
sous  ce  titre  les  psaumes  et  les  hymnes  que  l'on  chan- 
toit dans  l'église.  Ignace,  disciple  des  apôtres,  a  été, 
selon  Socrate,  l'auteur  de  cette  manière  de  chanter 
parmi  les  Grecs;  et  Ambroise  l'a  introduite  dans 
l'Eglise  latine.  Théodoret  en  attribue  l'invention  à 
Diodore  et  à  Flavien. 

Aujourd'hui  la  signification  de  ce  terme  est  res- 
treinte à  ceitains  passages  courts  tirés  de  l'Écriture , 
qui  conviennent  à  la  fête  qu'on  célèbre,  et  qui.  pré- 


AI'O  57 

cédant  les  psaumes  et  les  cantiques  3  en  règlent  l'in- 
tonation. 

L'on  a  aussi  conservé  le  nom  d'antiennes  à  quel- 
ques hymnes  qu'on  chante  en  l'honneur  de  la  Vierge, 
telles  que  Regina  cœli,  Salve  regina,  etc. 

Antiphonie  ,  s.  f.  Nom  que  donnoient  les  Grecs  à 
cette  espèce  de  symphonie  qui  s'exécutoit  par  diverses 
voix ,  ou  par  divers  instruments  à  l'octave  ou  à  la  dou- 
ble octave ,  par  opposition  à  celle  qui  s'exécutoit  au 
simple  unisson  ,  et  qu'ils  appeloient  homophonie. 
{ Voyez  Symphonie  ,  Homophonie.  ) 

Ce  mot  vient d'à-m,  contre;  et  de  ^wvyj ,  voix,  comme 
qui  diroit ,   opposition  de  voix. 

Antiphonier  ou  Antiphonaire  ,  s.  m.  Livre  qui  con- 
tient en  notes  les  antiennes  et  autres  chants  dont  on 
use  dans  l'Eglise  catholique. 

Apopthetus.  Sorte  de  nome  propre  aux  flûtes  dans 
l'ancienne  musique  des  Grecs. 

x^poTOME,  s.  m.  Ce  qui  reste  d'un  ton  majeur  après 
qu'on  en  a  retranché  un  litutna,  qui  est  un  intervalle 
moindre  d'un  comma  que  le  semi-ton  majeur.  Par 
conséquent  Vapotome  est  d'un  comma  plus  grand  que 
le  semi-ton  moyen.  (  Voyez  Comma  ,  Semi-Ton.  ) 

Les  Grecs  qui  n'ignoroient  pas  que  le  ton  majeur 
ne  peut,  par  des  divisions  rationnelles,  se  partager 
en  deux  parties  égales ,  le  partageoient  inégalement 
de  plusieurs  manières.  (Voyez  Intervalle.) 

De  l'une  de  ces  divisions,  inventée  par  Pythagore, 
ou  plutôt  par  Philolaûs  son  disciple,  résultoit  le  dièse 
ou  limma  d'un  côté,  et  de  l'autre  rrt/>ofowe,  dont  la 
raison  est  de  2048  à  2187. 


0C>  API* 

La  génération  de  cet  apotome  se  trouve  a  la  sep- 
tième quinte  ut  dièse  en  commençant  par  ut  naturel  ; 
car  la  quantité,  dont  cet  ut  dièse  surpasse  Yut  naturel 
îe  plus  rapproché ,  est  précisément  le  rapport  que  je 
viens  de  marquer. 

Les  anciens  donnoient  encore  le  même  nom  à  d'au- 
tres intervalles;  ils  appeloient  apotome  majeur  un  petit 
intervalle,  que  M.  Rameau  appelle  quart  de  ton  en- 
harmonique, lequel  est  formé  de  deux  sons,  en  raison 
de  125  à  128. 

Eiilsstppeioient  apotome  mineur  Tintervalle  de  deux 
sons,  en  raison  de  2025  à  2048,  intervalle  encore 
moins  sensible  à  Foreille  que  le  précédent. 

Jean  de  Mûris  et  ses  contemporains  donnent  par- 
tout le  nom  d' apotome  au  semi-ton  mineur,  et  celui  de 
dièse  au  semi-ton  majeur. 

Appréciable,  adj.  Les  sons  appréciables  sont  ceux 
dont  on  peut  trouver  ou  sentir  Funisson  et  calculer 
les  intervalles.  M.  Euler  donne  un  espace  de  huit  oc- 
taves depuis  le  son  le  plus  aigu  jusqu'au  son  le  plus 
^rave  appréciables  à  notre  oreille  ;  mais  ces  sons  ex- 
trêmes n'étant  guère  agréables ,  on  ne  passe  pas  com- 
munément dans  la  pratique  les  bornes  de  cinq  oc- 
taves, telles  que  les  donne  le  clavier  à  ravalement.  Il 
y  a  aussi  un  degré  de  force  au-delà  duquel  le  son  ne 
peut  plus  s'apprécier.  On  ne  sauroit  apprécier  le  son 
d'une  grosse  cloche  dans  le  clocher  même;  il  faut  en 
diminuer  la  force  en  s'éloignant,  pour  le  distinguer. 
De  même  les  sons  d'une  voix  qui  crie  cessent  d'être 
appréciables;  c'est  pourquoi  ceux  qui  chantent  fort 
sont  sujets  à  chanter  faux.  A  l'égard  du  bruit ,  il  ne 


ARi  :)<> 

s  apprécie  jamais ,  et  c'est  ce  qui  fait  sa  différence 
davec  le  son.  (Voyez  Bruit  et  Son.) 

Apycni  ,  adj.  plu?'.  ï^es  anciens  appeloient  ainsi  dans 
les  genres  épais  trois  des  huit  sons  stables  de  leur 
système  ou  diagramme ,  lesquels  ne  touchoient  d'au- 
cun côté  les  intervalles  serrés ,  savoir  :  la  proslamba- 
noméne,  la  néte  synnéménon,  et  la  néte  byperbolébn. 

Ils  appeloient  aussi  apycnos  ou  non  épais,  le  genre 
diatonique,  parceque  dans  les  tétracordes  de  ce  genre 
la  somme  des  deux  premiers  intervalles  étoit  plus 
grande  que  le  troisième.  (Voyez  Epais,  Genre,  Son, 
Tétracorde.) 

Arbitrio.  (Voyez  Cadeïïza.) 

Arco  ,  archet ,  s.  ni.  Ces  mots  italiens  con  larco , 
marquent  qu'après  avoir  pincé  les  cordes  il  faut  re- 
prendre \ archet  à  l'endroit  où  ils  sont  écrits. 

Ariette,  s.f.  Ce  diminutif,  venu  de  Fitalien,  signi- 
fie proprement  petit  air;  mais  le  sens  de  ce  mot  est 
changé  en  France,  et  Ton  y  donne  le  nom  Mariette  à 
de  grands  morceaux  de  musique  d'un  mouvement 
pour  l'ordinaire  assez  gai  et  marqué,  qui  se  chantent 
avec  des  accompagnements  de  symphonie ,  et  qui  sont 
communément  en  rondeau.  (Voyez  Air,  Rondeau.  ) 

Arioso,  adj.  pris  adverbialement.  Ce  mot  italien ,  à  la 
tète  d'un  air,  indique  une  manière  de  chant ,  sou- 
tenue, développée ,  et  affectée  aux  grands  airs. 

Aristoxéniens.  Secte  qui  eii^  pour  chef  Aristoxène 
de  Tarente,  disciple  d'Aristote,  et  qui  étoit  opposée 
aux  pythagoriciens  sur  la  mesure  des  intervalles  et 
sur  Ta  manière  de  déterminer  les  rapports  des  sons  ; 
de  sorte  que  les  aristoxéniens  s'en  rapportoiènt  uni- 


6o  ARP 

quement  au  jugement  de  Toreille ,  et  les  pythagori- 
ciens à  la  précision  du  calcul.  .(Voyez  Pythago- 
riciens. ) 

Armer  la  clef.  C'est  y  mettre  le  nombre  de  dièses 
ou  de  bémols  convenables  au  ton  et  au  mode  dans  le- 
quel on  veut  écrire  de  la  musique.  (Voyez  Bémol, 
Clef,  Dièse.) 

.  Arpéger  ,  v.  n.  C'est  faire  une  suite  d'arpèges. 
(  Voyez  r article  suivant.  ) 

Arpeggio,  Arpège  ou  Arpégement,  s.  m.  Manière  de  j 

faire  entendre  successivement  et  rapidement  les  divers  I 

sons  d'un  accord ,  au  lieu  de  les  frapper  tous  à-la-fois.    -      ^ 

Il  y  a  des  instruments  sur  lesquels  on  ne  peut  for- 
mer un  accord  plein  qu'en  arpégeant;  tels  sont  le 
violon,  le  violoncelle,  la  viole,  et  tous  ceux  dont  on 
joue  avec  Farchet;  car  la  convexité  du  chevalet  em- 
pêche que  l'archet  ne  puisse  appuyer  à-la-fois  sur 
toutes  les  cordes.  Pour  former  donc  des  accords  sur 
ces  instruments ,  on  est  contraint  d'arpéger ,  et  comme 
on  ne  peut  tirer  qu'autant  de  sons  qu'il  y  a  de  cordes , 
Xarpège  du  violoncelle  ou  du  violon  ne  sauroit  être 
composé  de  plus  de  quatre  sons.  Il  faut  pour  arpéger 
que  les  doigts  soient  arrangés  chacun  sur  sa  corde , 
et  que  Xarpège  se  tire  d'un  seul  et  grand  coup  d'archet 
qui  commence  fortement  sur  la  plus  grosse  corde,  et 
vienne  finir  en  tournant  et  adoucissant  sur  la  chante^ 
relie.  Si  les  doigts  ne  s'arrangeoient  sur  les  cordes  que 
successivement  ,  ou  qu'on  donnât  plusieurs  coups 
d'archet,  ce  ne  seroit  plus  arpéger,  ce  seroit  passer 
très  vite  plusieurs  notes  de  suite. 

Ce  qu'on  fait  sur  le  violon  par  nécessité ,  on  le  pra- 


ARS  6l 

tique  par  goût  sur  le  clavecin.  Comme  on  ne  peut 
tirer  de  cet  instrument  que  des  sons  qui  ne  tiennent 
pas ,  on  est  obligé  de  les  refrapper  sur  des  notes  de 
longue  durée.  Pour  faire  durer  un  accord  plus  long- 
temps, on  le  frappe  en  arpégeant,  commençant  par 
les  sons  bas ,  et  observant  que  les  doigts  qui  ont  frappé 
les  premiers  ne  quittent  point  leurs  touclies  que  tout 
\ arpège  ne  soit  achevé,  afin  que  Ton  puisse  entendre 
à-la-fois  tous  les  sons  de  Taccord.  (Voyez  AccoiMpa- 

GNEMENT.  ) 

Arpeggio  est  un  mot  italien  qu'on  a  francisé  dans 
celui  ô^ arpège.  Il  vient  du  mot  arpa ,  à  cause  que  c'est 
du  jeu  de  la  harpe  qu'on  a  tiré  l'idée  de  Varpègement. 
Arsis  et  Thésis.  Termes  de  musique  et  de  prosodie. 
Ces  deux  mots  sont  grecs.  Arsis  vient  du  verbe  atp.. 
tollo ,  j'élève  ,  et  marque  l'élévation  de  la  voix  ou  de  la 
main;  l'abaissement  qui  suit  cette  élévation  est  ce 
qu'on  appelle  2^£(7iç,  depositiç,  remissio. 

Par  rapport  donc  à  la  mesure ,  per  arsin  signifie 
en  levant^  ou  durant  le  premier  temps;  per  thesin,  en 
baissant  y  ou  durant  le  dernier  temps.  Sur  quoi  l'on  doit 
observer  que  notre  manière  de  marquer  la  mesure 
est  contraire  à  celle  des  anciens  ;  car  nous  frappons  le 
premier  temps  et  levons  le  dernier.  Pour  ôter  toute 
équivoque,  on  peut  dire  (j^xi  arsis  indique  le  temps  fort 
et  thesis  le  temps  foib le.  (Voyez  Mesure,  Temps,  Bat- 
tre LA  Mesure.  ) 

Par  rapport  à  la  voix ,  on  dit  qu'un  chant ,  un  con- 
tre-point, une  fugue,  sont  per  thesin^  quand  les  notes 
montent  du  grave  à  l'aigu  ;  per  arsin ,  quand  elles  des- 
cendent de  l  aigu  au  grave.  Fugue  per  arsin  et  thesin  , 


62  -  A(JT 

est  celle  qu  on  appelle  aujourd'hui  fugue  renversée 
ou  contre-fugue,  dans  laquelle  la  réponse  se  fait  en 
sens  contraire,  c'est-à-dire  en  descendant  si  la  guide 
a  monté,  et  en  montant  si  la  guide  a  descendu. 
(Voyez  Fugue.) 

AssAi.  Adverbe  augmentatif  qu'on  trouve  assez 
souvent  joint  au  mot  qui  indique  le  mouvement  d'un 
air.  Ainsi  presto  assai^  largo  assai  signifient ^or^  vite, 
fort  lent.  L'abbé  Brossard  a  fait  sur  ce  mot  une  de  ses 
bévues  ordinaires,  en  substituant  à  son  vrai  et  unique 
sens  celui  d'wwe  sage  médiocrité  de  lenteur  ou  de  vitesse. 
il  a  cru  çux  assai  signifioit  assez.  Sur  quoi  Ton  doit  ad- 
mirer la  singulière  idée  qu'a  eue  cet  auteur  de  préfé- 
rer, pour  son  vocabulaire,  à  sa  langue  maternelle, 
une  langue  étrangère  qu'il  n'entendoit  pas. 

Aubade,  s.f.  Concert  de  nuit  en  plein  air  sous  les 
fenêtres  de  quelqu'un.  (Voyez  Sérénade.) 

Authentique  ou  Authente,  adj.  Quand  l'octave  se 
irouve  divisée  harmoniquement,  comme  dans  cette 
[troportion  6,  4?  3?  c'est-à-dire  quand  la  quinte  est  au 
grave,  et  la  quarte  à  l'aigu,  le  mode  ou  le  ton  s'ap- 
pelle authentique  ou  authente  \  à  la  différence  du  ton 
j)lagal ,  où  l'octave  est  divisée  arithméliquement , 
comme  dans  cette  proportion  4?  3,  2;  ce  qui  met  la 
quarte  au  grave  et  la  quinte  à  l'aigu. 

A  cette  explication  adoptée  par  tous  les  auteurs, 
mais  qui  ne  dit  rien ,  j'ajouterai  la  suivante;  le  lecteur 
pourra  choisir. 

Quand  la  finale  d'un  chant  en  est  aussi  la  tonique, 
et  que  le  chant  ne  descend  pas  jusqu'à  la  dominante 
au-dessous,  le  ton  s'appelle  authentique;  mais  si  \e 


BAL  G3 

chant  descend  OU  finit  à  la  dominante,  le  ton  est  plagaL 
Je  prends  ici  ces  mots  de  tonicjue  et  de  dominante  dans 
l'acception  musicale. 

Ces  différences  d'authenteet  deplagalne  s'observent 
plus  que  dans  le  plain-chant ;  et,  soit  qu'on  place  la 
finale  au  bas  du  diapason,  ce  qui  rend  le  ton  au- 
thentique, soit  qu'on  la  place  au  milieu,  ce  qui  le  rend 
plagal,  pourvu  qu'au  surplus  la  modulation  soit  ré- 
gulière, la  musique  moderne  admet  tous  les  chants 
comme  authentiques  également  en  quelque  lieu  du 
diapason  que  puisse  tomber  la  finale.  (  Voyez  Mode.  ) 

Il  y  a  dans  les  huit  tons  de  l'Eglise  romaine  quatre 
tons  authentiques ,  savoir,  le  premier,  le  troisième,  le 
cinquième,  et  le  septième.  (Voy.  Ton  de  l'Église.) 

On  appel  oit  autrefois  fugue  authentique  celle  dont  le 
sujet  procédoit  en  montant,  mais  cette  dénomination 
n'est  plus  d'usage. 


B. 


B  fa  51 ,  ou  Bfa  b  mi ,  ou  simplement  B.  Nom  du 
septième  son  de  la  gamme  de  TArétin ,  pour  lequel 
les  Italiens  et  les  autres  peuples  de  l'Europe  répètent 
le  B ,  disant  B  mi  quand  il  est  naturel,  Bfa  quand  il  est 
bémol;  mais  les  François  l'appellent 5?.  (Voy.  Sl) 

B  mol.  (Voyez  Bémol.) 

B  quarre.  (  Voyez  Béquarre.  ) 

Ballet,  s.  m.  Action  théâtrale  qui  se  représente  par 
ia  danse  guidée  par  la  musique.  Ce  mot  vient  du  vieux 
françois  baller^  danser,  chanter,  se  réjouir. 

La  musique  d'un  ballet  doit  avoir  encore  plus  df 


64  BAL 

cadence  et  d'accent  que  la  musique  vocale,  parcc- 
qu'elle  est  chargée  de  signifier  plus  de  choses,  que 
c'est  à  elle  seule  d'inspirer  au  danseur  la  chaleur  et 
l'expression  que  le  chanteur  peut  tirer  des  paroles ,  et 
qu'il  faut  de  plus  qu'elle  supplée,  dans  le  langage  de 
l'ame  et  des  passions,  tout  ce  que  la  danse  ne  peut 
dire  aux  yeux  du  spectateur. 

Ballet  est  encore  le  nom  qu'on  donne  en  France  à 
une  bizarre  sorte  d'opéra,  où  la  danse  n'est  guère 
mieux  placée  qu«  dans  les  autres ,  et  n'y  fait  pas  un 
meilleur  effet.  Dans  la  plupart  de  ces  ballets  les  actes 
forment  autant  de  sujets  différents,  liés  seulement 
entre  eux  par  quelques  rapports  généraux  étrangers 
à  l'action,  et  que  le  spectateur  n'apeix:evroit  jamais 
si  l'auteur  n'avoit  soin  de  l'en  avertir  dans  le  pro- 
logue. 

Ces  ballets  contiennent  d'autres  ballets  qu'on  appelle 
autrement  divertissements  ou  fêtes.  Ce  sont  des  suites 
de  danses  qui  se  succèdent  sans  sujet  ni  liaison  entre 
elles,  ni  avec  l'action  principale,  et  où  les  meilleurs 
danseurs  ne  savent  vous  dire  autre  chose  sinon  qu'ils 
dansent  bien.  Cette  ordonnance,  peu  théâtrale,  suffit 
5)0ur  un  bal  où  chaque  acteur  a  rempli  son  objet  lors- 
qu'il s  est  amusé  lui-même,  et  où  l'intérêt  que  le  spec- 
tateur prend  aux  personnes  le  dispense  d'en  donner  à 
Ja  chose;  mais  ce  défaut  de  sujet  et  de  liaison  ne  doit 
jamais  être  souffert  sur  la  scène,  pas  même  dans  la 
représentation  dun  bal,  où  le  tout  doit  être  lié  par 
quelque  action  secrète  qui  soutienne  l'attention  et 
donne  de  l'intérêt  au  spectateur.  Cette  adresse  d'au- 
tour n'est  pas  sans  exemple ,  même  ù  l'Opéra  françois, 


BAL  bt) 

et  Ton  en  peut  voir  un  très  agréable  dans  les  Fêtes 
vénitiennes ,  acte  du  bal. 

En  général,  toute  danse  qui  ne  peint  rien  qu'elle- 
même,  et  tout  ballet  qui  n'est  qu'un  bal,  doivent  être 
bannis  du  théâtre  lyriquejïln  effet  Faction  de  la  scène 
est  toujours  la  représentation  d'une  autre  action,  et 
ce  qu'on  y  voit  n'est  que  l'image  de  ce  qu'on  y  sup- 
pose; de  sorte  que  ce  ne  doit  jamais  être  un  tel  ou  un 
tel  danseur  qui  se  présente  à  vous ,  mais  le  person- 
nage dont  il  est  revêtu.  Ainsi,  quoique  la  danse  de 
société  puisse  ne  rien  représenter  quelle-même,  la 
danse  théâtrale  doit  nécessairement  être  l'imitation  de 
quelque  autre  chose,  de  même  que  l'acteur  chantant 
représente  un  homme  qui  parle  ,  et  la  décoration 
d'autres  lieux  que  ceux  qu'elle  occupe. 

La  pire  sorte  de  ballets  est  celle  qui  roule  sur  des 
sujets  allégoriques  ,  et  où  par  conséquent  il  n'y  a 
qu'imitation  d'imitation.  Tout  l'art  de  ces  sortes  de 
drames  consiste  à  présenter  sous  des  images  sensibles 
des  rapports  purement  intellectuels,  et  à  faire  penser 
au  spectateur  tout  autre  chose  que  ce  qu'il  voit,  comme 
si,  loin  de  l'attacher  à  la  scène,  c'étoit  un  mérite  de 
l'en  éloigner.  Ce  genre  exige  d'ailleurs  tant  de  subtilité 
dans  le  dialogue,  que  le  musicien  se  trouve  dans  un 
pays  perdu  parmi  les  pointes,  les  allusions  et  les  épi- 
grammes,  tandis  que  le  spectateur  ne  s'oublie  pas  un 
moment:  comme  qu'on  fasse,  il  n'y  aura  jamais  que 
le  sentiment  qui  puisse  amener  celui-ci  sur  la  scène  et 
l'identifier  pour  ainsi  dire  avec  les  acteurs  ;  tout  ce  qui 
n'est  qu'intellectuel  l'arrache  à  la  pièce  et  le  rend  à 
lui-même.  Aussi  voit-on  que  les  peuples  qui  veulent  et 
XIV,  5 


66  BAll 

mettent  le  plus  d'esprit  au  théâtre  sont  ceux  qui  se 
soucient  le  moins  de  Tillusion.  Que  fera  donc  le  musi- 
cien sur  des  drames  qui  ne  donnent  aucune  prise  à 
son  art?  Si  la  musique  ne  peint  que  des  sentiments  ou 
des  images,  comment  reii^ra-t-elle  des  idées  pure- 
ment métaphysiques,  telles  que  les  allégories,  où 
Tesprit  est  sans  cesse  occupé  du  rapport  des  objets 
qu  on  lui  présente  avec  ceux  qu'on  veut  lui  rappeler? 

Quand  les  compositeurs  voudront  réfléchir  sur  les 
vrais  principes  de  leur  art,  ils  mettront,  avec  plus  de 
discernement  dans  le  choix  des  drames  dont  ils  se 
chargent,  plus  de  vérité  dans  l'expression  de  leurs 
sujets;  et  quand  les  paroles  des  opéra  diront  quelque 
chose ,  la  musique  apprendra  bientôt  à  parler. 
Barbare,  adj.  Mode  barbare.  (Voyez  Lydien.) 
Barcarolles,  5.  f.  Sorte  de  chansons  en  langue 
vénitienne  que  chantent  les  gondoliers  à  Venise.  Quoi- 
que les  airs  des  barcarolles  soient  faits  pour  le  peuple, 
et  souvent  composés  par  les  gondoliers  mêmes,  ils 
ont  tant  de  mélodie  et  un  accent  si  agréable  qu'il  n'y 
a  pas  de  musicien  dans  toute  l'Italie  qui  ne  se  pique 
d'en  savoir  et  d'en  chanter.  L'entrée  gratuite  qu'ont 
les  gondoliers  à  tous  les  théâtres  les  met  à  portée  de 
se  former  sans  frais  l'oreille  et  le  goût,  de  sorte  qu'ils 
composent  et  chantent  leurs  airs  en  gens  qui,  sans 
ignorer  les  finesses  de  la  musique,  ne  veulent  point 
^Itérer  le  genre  simple  et  naturel  de  leurs  barcarolles. 
Les  paroles  de  ces  chansons  sont  communément  plus 
que  naturelles,  comme  les  conversations  de  ceux  qui 
les  chantent;  mais  ceux  à  qui  les  peintures  fidèles  des 
mœurs  du  peuple  peuvent  plaire,  et  qui  aiment  d'ail- 


BAR  67 

leurs  le  dialecte  vénitien,  s'en  passionnent  facile- 
ment, séduits  par  la  beauté  des  airs;  de  sorte  que 
plusieurs  curieux  en  ont  de  très  amples  recueils. 

N'oublions  pas  de  remarquer,  à  la  gloire  du  Tasse, 
que  la  plupart  des  gondoliers  savent  par  cœur  une 
grande  partie  de  son  poème  de  la  Jérusalem  délivrée, 
que  plusieurs  le  savent  tout  entier,  qu'ils  passent  les 
nuits  d'été  sur  leurs  barques  à  le  chanter  alternative- 
ment d'une  barque  à  l'autre,  que  c'est  assurément  une 
belle  barcarolle  que  le  poème  du  Tasse,  qu'Homère 
seul  eut  avant  lui  l'honneur  d'être  ainsi  chanté,  et 
que  nul  autre  poème  épique  n'en  a  eu  depuis  un 
pareil. 

Bardes.  Sorte  d'hommes  très  singuliers,  et  très 
respectés  jadis  dans  les  Gaules,  lesquels  étoient  à-la- 
fois  prêtres,  prophètes,  poètes,  et  musiciens. 

Bochard  fait  dériver  ce  nom  de  parât,  chanter;  et 
Camden  convient  avec  Festus  que  barde  signifie  un 
chanteur,  en  celtique  bard. 

Baripycni,  adj.  Les  anciens  appeloient  ainsi  cinq 
des  huit  sons  ou  cordes  stables  de  leur  système  ou 
diagramme  ;  savoir,  l'hypaté-hypaton  ,  l'hypaté-mé- 
son,  la  mjèse,  la  paramèse,  et  la  nété-diézeu^ménon. 
(  Voyez  Pycni  ,  Son  ,  Tétracorde.  ) 

Baryton.  Sorte  de  voix  entre  la  taille  et  la  basse. 
(  Voyez  Concordant.  ) 

Baroque.  Une  musique  baroque  est  celle  dont  l'har- 
monie est  confuse ,  chargée  de  modulations  et  disso- 
nances, le  chant  dur  et  peu  naturel,  l'intonation  diffi- 
cile ,  et  le  mouvement  contraint, 

5. 


68  BAR 

Il  y  a  bien  Je  Tapparence  que  ce  terme  vient  du 
baroco  des  logiciens. 

Barré.  C  ba?Té,  sorte  de  mesure.  (Voyez  C.  ) 

Barres.  Traits  tirés  perpendiculairement  à  la  fin  de 
chaque  mesure,  sur  les  cinq  lignes  de  la  portée,  pour 
séparer  la  mesure  qui  finit  de  celle  qui  recommence. 
Ainsi  les  notes  contenues  entre  deux  barres  forment 
toujours  une  mesure  complète,  égale  en  valeur  et  en 
durée  à  chacune  des  autres  mesures  comprises  entre 
deux  autres  bandes ,  tant  que  le  mouvement  ne  change 
pas;  mais  comme  il  y  a  plusieurs  sortes  de  mesures 
qui  diffèrent  considérablement  en  durée,  les  mêmes 
différences  se  trouvent  dans  les  valeurs  contenues 
entre  deux  barres  de  chacune  de  ces  espèces  de  me- 
sures. Ainsi,  dans  le  grand  triple,  qui  se  marque  par  ce 
signe  r,  et  qui  se  bat  lentement,  la  somme  des  notes 
comprises  entre  deux  barres  doit  faire  une  ronde  et 
demie;  et  dans  le  petit  triple  j,  qui  se  bat  vite,  les 
deux  barres  n'enferment  que  trois  croches  ou  leur 
valeur;  de  sorte  que  huit  fois  la  valeur  contenue 
entre  deux  barres  de  cette  dernière  mesure  ne  font 
qu'une  fois  la  valeur  contenue  entre  deux  barres  de 
lautre.*  © 

Le  principal  usage  des  barres  est  de  distinguer  les 
mesures  et  d'en  indiquer  \q  frappé,  lequel  se  fait  tou- 
jours sur  la  note  qui  suit  immédiatement  la  barre. 
Elles  servent  aussi  dans  les  partitions  à  montrer  les 
mesures  correspondantes  dans  chaque  portée.  (Voyez 
Partition.  ) 

Il  n'y  a  pas  plus  de  cent  ans  qu'on  s'est  avisé  de 
tirer  des  barres  ,  de  mesure  en  mesure.  Auparavant  la 


BAS  69 

musique  étoit  simple;  on  n'y  voyoit  guère  que  dos 
rondes,  des  blanches  et  des  noires,  peu  de  croches  , 
presque  jamais  de  doubles  croches.  Avec  des  divisions 
moins  inégales ,  la  mesure  en  étoit  plus  aisée  à  sui- 
vre. Cependant  j'ai  vu  nos  meilleurs  musiciens  embar- 
rassés à  bien  exécuter  l'ancienne  musique  d'Orlande 
etdeClaudin.  Ilsseperdoient  dans  la  mesure  faute  des 
barres  auxquelles  ils  étoient  accoutumés-,  et  ne  sui- 
voient  qu'avec  peine  des  parties  chantées  autrefois 
couramment  par  les  musiciens  de  Henri  III  et  de 
Charles  IX. 

Bas,  en  musique,  signifie  la  même  chose  que  grave, 
et  ce  terme  est  opposé  à  haut  ou  aigu.  On  dit  ainsi  que 
le  ton  est  trop  bas,  qu'on  chante  trop  bas ,  qu  il  faut 
renforcer  les  sons  dans  le  bas.  Bas  signifie  aussi  quel- 
quefois doucement,  à  demi-voix;  et  en  ce  sens  il  est 
opposé  dfort.  On  dit  parler  bas,  chanter  ou  psalmodier 
à  basse-voix  :  il  chantoit  ou  parloit  si  bas  qu'on  avoit 
peine  à  l'entendre. 

Coulez  si  lentement,  et  murmui-ez  si  bas, 
Qu'Issé  ne  vous  entende  pas. 

LiV  Motte. 

Bas  se  dit  encore  dans  la  subdivision  des  dessus 
chantants,  de  celui  des  deux  qui  est  au-dessous  de 
1  autre;  ou  ,  pour  mieux  dire,  ^a^-dessus  est  un  des- 
sus dont  le  diapason  est  au-dessous  du  médium  ordi- 
naire. (  Voyez  Dessus.  ) 

Basse.  Celle  de  quatre  parties  de  la  musique  qui  est 
au-dessous  des  autres ,  la  plus  basse  de  toutes  ;  d'où 
lui  vient  le  nom  de  basse.  (  Voyez  Partition.  ) 


no  BAS 

La  basse  est  la  plus  importante  des  parties ,  c'est  sur 
elle  que  s'établit  le  corps  de  rharmonie;  aussi  est-ce 
une  maxime  chez  les  musiciens  que,  quand  la  basse 
est  bonne ,  rarement  Tharmonie  est  mauvaise. 

Il  y  a  plusieurs  sortes  de  basses.  Basse -fondamen- 
tale, dont  nous  ferons  *un  article  ci-après. 

B  as  se- continue ,  ainsi  appelée  parcequ'elle  dure  pen- 
dant toute  la  pièce;  son  principal  usage,  outre  celui 
de  régler  l'harmonie ,  est  de  soutenir  la  voix  et  de  con- 
server le  ton.  On  prétend  que  c'est  un  Ludovico 
Viana ,  dont  il  en  reste  un  traité  ,  qui ,  vers  le  com- 
mencement du  dernier  siècle ,  la  mit  le  premier  en 
usage. 

Basse-figurée,  qui ,  au  lieu  d'une  seule  note ,  en  par- 
tage la  valeur  en  plusieurs  autres  notes  sous  un  même 
accord.  (  Voyez  Harmonie-figurée.  )  * 

Basse  -  contrainte ,  dont  le  sujet  ou  le  chant,  borné 
à  un  petit  nombre  de  mesures  ,  comme  quatre  ou 
huit ,  recommence  sans  cesse ,  tandis  que  les  parties 
supérieures  poursuivent  leur  chant  et  leur  harmonie , 
et  les  varient  de  différentes  manières.  Cette  basse  ap- 
partient originairement  aux  couplets  de  la  chaconne  ; 
mais  on  ne  s  y  asservit  plus  aujourd'hui.  La  basse-con- 
trainte descendant  diatoniquement  ou  chromatique- 
ment  et  avec  lenteur  de  la  tonique  ou  de  la  dominante 
dans  les  tons  mineurs ,  est  admirable  pour  les  mor- 
ceaux pathétiques.  Ces  retours  fréquents  et  périodi- 
ques affectent  insensiblement  lame  ,  et  la  disposent  à 
la  langueur  et  à  la  tristesse.  On  en  voit  des  exemples 
dans  plusieurs  scènes  des  opéia  françois.  Mais  si  ces 
basses  font  un  bon  effet  à  l'oreille  ,  il  en  est  rarement 


BAS  71 

de  même  des  chants  qu'on  leur  adapte  ,  et  qui  ne  sont 
pour  l'ordinaire  quun  véritable  accompagnement. 
Outre  les  modulations  dures  et  mal  amenées  qu'on  y 
évite  avec  peine,  ces  chants,  retournés  de  mille  ma- 
nières ,  et  cependant  monotones  ,  produisent  des  ren- 
versements peu  harmonieux,  et  sont  eux-mêmes  assez 
peu  chantants,  en  sorte  que  le  dessus  s'y  ressent 
beaucoup  de  la  contrainte  de  la  basse. 

Basse-chaiitante  j  est  l'espèce  de  voix  qui  chante  la 
partie  de  la  basse.  Il  y  a  des  basses-récitantes  et  des  bas- 
ses-de-chœur ;  des  concordants  ou  basses-tailles  qui  tien- 
nent le  milieu  entre  la  taille  et  la  basse;  des  basses  pro- 
prement dites,  que  l'usage  fait  encore  appeler  basses- 
tailles,  et  enfin  des  basses- contre,  les  plus  graves  de 
toutes  les  voix,  qui  chantent  \3.*basse  sous  la  basse 
même  ,  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  contre- 
basses, qui  sont  des  instruments. 

Basse-fondamentale  ,  est  celle  qui  n'est  formée  que 
des  sons  fondamentaux  de  l'harmonie  ;  de  sorte  qu'au- 
dessous  de  chaque  accord  elle  fait  entendre  le  vrai 
son  fondamental  de  cet  accord,  c'est-à-dire  celui  du- 
quel il  dérive  par  les  régies  de  l'harmonie.  Par  où  l'on 
voit  que  la  basse-fondamentale  ne  peut  avoir  d'autre 
contexture  que  celle  d'une  succession  régulière  et 
fondamentale,  sans  quoi  la  marche  des  parties  supé- 
rieures seroit  mauvaise. 

Pour  bien  entendre  ceci ,  il  faut  savoir  que ,  selon  le 
système  de  M.  Fiameau,  que  j'ai  suivi  dans  cet  ou- 
vrage, tout  accord ,  quoique  formé  de  plusieurs  sons  , 
n'en  a  qu'un  qui  lui  soit  fondamental,  savoir,  celui 
qui  a  produit  cet  accord  et  qui  lui  sert  de  basse  dans 


72  BAS 

l'ordre  direct  et  naturel.  Or,  la  basse  qui  régne  sous 
toutes  les  autres  parties  n'exprime  pas  toujours  les 
sons  fondamentaux  des  accords  :  car  entre  tous  les 
sons  qui  forment  un  accord ,  le  compositeur  peut 
porter  à  la  basse  celui  qu'il  croit  préférable,  eu  égard 
à  la  marche  de  cette  basse ,  au  beau  chant ,  et  surtout 
à  l'expression,  comme  je  l'expliquerai  dans  la  suite. 
Alors  le  vrai  son  fondamental ,  au  lieu  d'être  à  aa  place 
naturelle,  quiestla  basse,  setransporte  dans  les  autres 
parties,  ou  même  ne  s'exprime  point  du  tout  ;  un  tel 
accord  s'appelle  accord  renversé.  Dans  le  fond ,  un  ac- 
cord renversé  ne  diffère  point  de  l'accord  direct  qui 
l'a  produit,  car  ce  sont  toujours  les  mêmes  sons;  mais 
ces  sons  formant  des  combinaisons  différentes ,  on  a 
long-temps  pris  toutes  ces  combinaisons  pour  autant 
d'accords  fondamentaux ,  et  on  leur  a  donné  diffé- 
rents noms  qu'on  peut  voir  au  mot  A'ccord  ,  et  qui  ont 
achevé  de  les  distinguer,  comme  si  la  différence  des 
noms  en  produisoit  réellement  dans  l'espèce. 

M.  Rameau  a  montré  dans  son  Trattéde  IHarmoniey 
et  M.  d'Alembert,  dans  ses  Eléments  de  Musique,  a  fait 
voir  encore  plus  clairement ,  que  plusieurs  de  ces 
prétendus  accords  n'étoient  que  des  renversements 
d'un  seul.  Ainsi  l'accord  de  sixte  n'est  qu'un  accord 
parfait  dont  la  tierce  est  transportée  à  la  basse  ;  en  y 
portant  la  quinte,  on  aura  l'accord  de  sixte-quarte. 
Voilà  donc  trois  combinaisons  d'un  accord  qui  n'a  que 
trois  sons  :  ceux  qui  en  ont  quatre  sont  susceptibles 
de  quatre  combinaisons ,  chaque  son  pouvant  être 
porté  à  la  basse.  Mais  en  portant  au-dessous  de  celle-ci 
une  autre  basse,  qui,  sous  toutes  les  combinaisons 


BAS  73 

d'un  même  accord  présente  toujom\s  le  son  fonda- 
mental ,  il  est  évident  qu'on  réduit  au  tiers  le  nombre 
des  accords  consonnants ,  et  au  quart  le  nombre  des 
dissonants.  Ajoutez  à  cela  tous  les  accords  par  suppo- 
sition ,  qui  se  réduisent  encore  aux  mêmes  fondamen- 
taux, vous  trouverez  Fharmonie  simplifiée  à  un  point 
qu'on  n'eût  jamais  espéré  dans  l'état  de  confusion  oii 
étoient  ses  ré^jles  avant  M.  Rameau.  C'est  certaine- 
ment, comme  l'observe  cet  auteur,  une  chose  éton- 
nante qu'on  ait  pu  pousser  la  pratique  de  cet  art  au 
point  où  elle  est  parvenue  sans  en  connoître  le  fonde- 
ment ,  et  qu'on  ait  exactement  trouvé  toutes  les  règles , 
sans  avoir  découvert  le  principe  qui  les  donne. 

Après  avoir  dit  ce  qu'est  la  basse-fondamentale  sous 
les  accords,  parlons  maintenant  de  sa  marche  et  de  la 
manière  dont  elle  lie  ces  accords  entre  eux.  Les  pré- 
ceptes de  l'art  sur  ce  point  peuvent  se  réduire  aux  six 
régies  suivantes. 

I.  La  basse-fondamentale  ne  doit  jamais  sonner 
d'autres  notes  que  celles  de  la  gamme  du  ton  on  l'on 
est ,  ou  de  celui  où  Ton  veut  passer  :  c'est  la  première 
et  la  plus  indispensable  de  toutes  ces  régies. 

IL  Par  la  seconde,  sa  marche  doit  être  tellement 
soumise  aux  lois  de  la  modulation,  qu'elle  ne  laisse 
jamais  perdre  l'idée  d'un  ton  qu'en  prenant  celle 
d'un  autre;  c'est-à-dire  que  la  basse-fondamentale  ne 
doit  jamais  être  errante  ni  laisser  oublier  un  moment 
dans  quel  ton  l'on  est. 

IIL  Par  la  troisième,  elle  est  assujettie  à  la  liaison 
des  accords  et  à  la  préparation  des  dissonances;  pré- 
paration qui  n'est,  comme  je  le  ferai  voir,  qu'un  des 


-^'  BAS 


74 

cas  de  la  liaison,  et  qui  par  conséquent  n'est  jamais 
nécessaire  quand  la  liaison  peut  exister  sans  elle. 
(  Voyez  Liaison,  Préparer.  ) 

IV.  Par  la  quatrième,  elle  doit,  après  toute  disso- 
nance ,  suivre  le  progrès  qui  lui  est  prescrit  par  la  né- 
cessité de  la  sauver.  (  Voyez  Sauver.  ) 

V.  Parla  cinquième,  qui  n'est  qu'une  suite  des  pré- 
cédentes, la  basse-fondamentale  ne  doit  marcher  que 
par  intervalles  consonnants ,  si  ce  n'est  seulement  dans 
un  acte  de  cadence  rompue  ,  ou  après  un  accord  de 
septième  diminuée  qu'elle  monte  diatoniquement  : 
toute  autre  marche  de  la  basse  -  fondamentale  est 
mauvaise. 

VI.  Enfin  ,  par  la  sixième ,  la  basse-fondamentale  ou 
Iharmonie  ne  doit  pas  syncoper,  mais  marquer  la  me- 
sure et  les  temps  par  des  changements  d'accords  bien 
cadencés;  en  sorte ,  par  exemple,  que  les  dissonances 
qui  doivent  être  préparées,  le  soient  sur  le  temps  foi- 
ble ,  mais  surtout  que  tous  les  repos  se  trouvent  sur 
le  temps  fort.  Cette  sixième  régie  souffre  une  infinité 
d'exceptions  ;  mais  le  compositeur  doit  pourtant  y 
songer ,  s'il  veut  faire  une  musique  où  le  mouvement 
soit  bien  marqué  ,  et  dont  la  mesure  tombe  avec 
grâce. 

Partout  où  ces  régies  seront  observées  l'harmonie 
sera  régulière  et  sans  faute  ;  ce  qui  n'empêchera  pas 
que  la  musique  n'en  puisse  être  détestable.  (  Voyez 
Composition.  ) 

Un  mot  d'éclaircissement  sur  la  cinquième  régie  ne 
sera  peut-être  pas  inutile.  Qu'on  retourne  comme  on 
voudra  une  b asse -fondamentale ^  si  elle  est  bien  faite, 


BAS  75 

on  n'y  trouvera  jamais  que  ces  deux  choses,  ou  des 
accords  parfaits  sur  des  mouvements  consonnants  , 
sans  lesquels  ces  accords  n'auroient  point  de  liaison  , 
ou  des  accords  dissonants  dans  des  actes  de  cadence  ; 
en  tout  autre  cas  la  dissonance  ne  sauroit  être  ni  bien 
placée,  ni  bien  sauvée. 

Il  suit  de  là  que  la  basse-fondamentale  ne  peut  mar- 
cher régulièrement  que  d'une  de  ces  trois  manières  : 
i«  monter  ou  descendre  de  tierce  ou  de  sixte;  2°  de 
quarte  ou  de  quinte;  3*^  monter  diatoniquement  au 
moyen  de  la  dissonance  qui  forme  la  liaison  ,  ou  par 
licence  sur  un  accord  parfait.  Quant  à  la  descente  dia-. 
tonique,  c'est  une  marche  absolument  interdite  à  la 
basse-fondamentale^  ou  tout  au  plus  tolérée  dans  le  cas 
de  deux  accords  parfaits  consécutifs,  séparés  par  un 
repos  exprimé  ou  sous-entendu  :  cette  règle  n'a  point 
d'autre  exception ,  et  c'est  pour  n'avoir  pas  démêlé  le 
vrai  fondement  de  certains  passages,  que  M.  Rameau 
a  fait  descendre  diatoniquement  la  basse- fondamentale 
sous  des  accords  de  septième;  ce  qui  ne  se  peut  en 
bonne  harmonie.  (  Voyez  Cadence,  Dissonance.  ) 

La  basse -fondamentale  ^  qu'on  n'ajoute  que  pour 
servir  de  preuve  à  l'harmonie,  se  retranche  dans 
l'exécution,  et  souvent  elle  y  feroit  un  fort  mauvais 
effet;  car  elle  est,  comme  dit  très  bien  M.  Rameau, 
pour  le  jugement  et  non  pour  l'oreille.  Elle  produi- 
roit  tout  au  moins  une  monotonie  très  ennuyeuse  par 
les  retours  fréquents  du  même  accord ,  qu'on  déguise 
et  qu'on  varie  plus  agréablement  en  le  combinant  en 
différentes  manières  sur  la  liasse- continue  ;  sans 
compter  que  les  divers  renversements  d'harmonie 


76  BAS 

fournissent  mille  moyens  de  prêter  de  nouvelles 
beautés  au  chant,  et  une  nouvelle  énergie  à  l'expres- 
sion. (Voyez  Accord,  Renversement.) 

Si  la  basse-fondamentale  ne  sert  pas  à  composer  de 
bonne  musique,  me  dira-t-on,  si  même  on  doit  la  re- 
trancher dans  Texécution,  à  quoi  donc  est-elle  utile? 
Je  réponds  qu  en  premier  lieu  elle  sert  de  régie  aux 
écoliers,  pour  apprendre  à  former  une  harmonie  ré- 
gulière, et  à  donner  à  toutes  les  parties  la  marche 
diatonique  et  élémentaire  qui  leur  est  prescrite  par 
cette  basse-fondamentale  ;  elle  sert  de  plus,  comme  je 
Tai  déjà  dit ,  à  prouver  si  une  harmonie  déjà  faite  est 
bonne  et  régulière;  car  toute  harmonie  qui  ne  peut  être 
soumise  aune  basse-fondamentale,  est  régulièrement 
mauvaise  :  elle  sert  enfin  à  trouver  une  basse-con- 
tinue sous  un  chant  donné;  quoiqu'à  la  vérité  celui 
qui  ne  saura  pas  faire  directement  une  basse-con- 
tinue ,  ne  fera  guère  mieux  une  basse-fondamentale ^  et 
bien  moins  encore  saura-t-il  transformer  cette  basse- 
fondamentale  en  une  bonne  basse-continue.  Voici  tou- 
tefois les  principales  régies  que  donne  M.  Rameau 
pour  ti^oiw  gy\c\  basse  fondamentale  A' \u\  chant  donné. 

I.  S'assurer  du  ton  et  du  mode  par  lesquels  on 
commence,  et  de  tous  ceux  par  où  1  on  passe.  Il  y  a 
aussi  des  régies  pour  cette  recherche  des  tons ,  mais 
si  longues ,  si  vagues ,  si  incomplètes ,  que  Toreille  est 
formée  à  cet  égard  long-temps  avant  que  les  régies 
soient  apprises ,  et  que  le  stupide  qui  voudra  tenter 
de  les  employer  n'y  gagnera  que  l'habitude  d'aller 
toujours  note  à  note,.-jsans  jamais  savoir  où  il  est. 
.     II.  Essayer  successivement  sous  chaque  note  les 


BAS  ^y 

cordes  principales  du  ton ,  commençant  par  les  plus 
analogues ,  et  passant  jusqu'aux  plus  éloignées  ,  lors- 
que l'on  s'y  voit  forcé. 

III.  Considérer  si  la  corde  choisie  peut  cadrer  avec 
le  dessus,  dans  ce  qui  précède  et  dans  ce  qui  suit, 
par  une  bonne  succession  fondamentale,  et  quand 
cela  ne  se  peut,  revenir  sur  ses  pas. 

IV.  Ne  changer  la  note  de  basse-fondamentale  que 
lorsqu'on  a  épuisé  toutes  les  notes  consécutives  du 
dessus  qui  peuvent  entrer  dans  son  accord  ,  ou  que 
quelque  note  syncopant  dans  le  chant  peut  recevoir 
deux  ou  plusieurs  notes  de  basse ,  pour  préparer  des 
dissonances  sauvées  ensuite  régulièrement. 

V.  Étudier  l'entrelacement  des  phrases,  les  suc- 
cessions possibles  de  cadences  ,  soit  pleines ,  soit 
évitées ,  et  surtout  les  repos ,  qui  viennent  ordinaire- 
ment de  quatre  en  quatre  mesures  ou  de  deux  en 
deux,  afin  de  les  faire  tomber  toujours  sur  les  ca- 
dences parfaites  ou  irrégulières. 

VI.  Enfin  observer  toutes  les  régies  données  ci-de- 
vant pour  la  composition  de  la  basse -fondamentale. 
Voilà  les  principales  observations  à  faire  pour  en 
trouver  une  sous  un  chant  donné  ;  car  il  y  en 
a  quelquefois  plusieurs  de  trouvables  :  mais  ,  quoi 
qu'on  en  puisse  dire ,  si  le  chant  a  de  l'accent  et  du 
caractère,  il  n'y  a  qu'une  bonne  basse-fondamentale 
qu'on  lui  puisse  adapter. 

Après  avoir  exposé  sommairement  la  manière  de 
composer  une  basse-fondamentale ,  il  resteroit  à  don- 
ner les  moyens  de  la  transformer  en  basse-continue; 
et  cela  seroit  facile  s'il  ne  falloit  regarder  qu'à  la 


78  BAT 

marche  diatonique  et  au  beau  chant  de  cette  basse  : 
mais  ne  croyons  pas  que  la  basse,  qui  est  le  guide  et 
le  soutien  de  Tharmonie,  Famé,  et,  pour  ainsi  dire, 
Finterpréte  du  chant,  se  borne  à  des  régies  si  simples  ; 
il  y  en  a  d'autres  qui  naissent  d'un  principe  plus 
sûr  et  plus  radical ,  principe  fécond  ,  mais  caché  , 
qui  a  été  senti  par  tous  les  artistes  de  génie,  sans 
avoir  été  développé  par  personne.  Je  pense  en  avoir 
jeté  le  germe  dans  ma  Lettre  sur  la  Musique  Françoise. 
J'en  ai  dit  assez  pour  ceux  qui  m'entendent;  je  n'en 
dirois  jamais  assez  pour  les  autres.  (Voyez  toutefois 
Unité  de  mélodie.) 

Je  ne  parle  point  ici  du  système  ingénieux  de 
M.  Serre  de  Genève,  ni  de  sa  double  basse-fondamen- 
tale, parceque  les  principes  qu'il  avoit  entrevus  avec 
une  sagacité  digne  d'éloges  ont  été  depuis  développés 
par  M.  Tartini  dans  un  ouvrage  dont  je  rendrai  compte 
avant  la  Fin  de  celui-ci.  (Voyez  Système.) 

Bâtard,  nothus.  C'est  Fépithéte  donnée  par  quel- 
ques uns  au  mode  hypophrygien,  qui  a  sa  finale  en 
si,  et  conséquemment  sa  quinte  Fausse ,  ce  qui  le  re- 
tranche des  modes  authentiques  ;  et  au  mode  éolien , 
dont  la  finale  est  en  fa ,  et  la  quarte  superflue ,  ce  qui 
l'ôte  du  nombre  des  modes  plagaux. 

Bâton.  Sorte  de  barre  épaisse  qui  traverse  perpen- 
diculairement une  ou  plusieurs  lignes  de  la  portée,  et 
qui,  selon  le  nombre  des  lignes  qu'il  embrasse,  ex- 
prime une  plus  grande  ou  moindre  quantité  de  me- 
sures qu'on  doit  passer  en  silence. 

Anciennement  il  y  avoit  autant  de  sortes  de  bâtons 
que  de  différentes  valeurs  de  notes,  depuis  la  ronde, 


BAT  79 

qui  vaut  une  mesure,  jusqu'à  la  maxime,  qui  en  va- 
loit  huit ,  et  dont  la  durée  en  silence  s'évaluoit  par  un 
bâton  qui ,  partant  d'une  ligne ,  traversoit  trois  espaces 
et  alloit  joindre  la  quatrième  ligne. 

Aujourd'hui  le  plus  grand  bâton  est  de  quatre  me- 
sures; ce  bâton  ^  partant  d'une  ligne,  traverse  la  sui- 
vante etva  joindre  la  troisième.  {Planche  A.  ^figure  12.) 
On  le  répète  une  fois ,  deux  fois ,  autant  de  fois  qu'il 
faut  pour  exprimer  huit  mesures,  ou  douze,  ou  tout 
autre  multiple  de  quatre,  et  l'on  ajoute  ordinairement 
au-dessus  un  chiffre  qui  dispense  de  calculer  la  valeur 
de  tous  ces  bâtons.  Ainsi  les  signes  couverts  du  chif- 
fre 1 6  dans  la  même  figure  1 2  indiquent  un  silence 
de  seize  mesures.  Je  ne  vois  pas  trop  à  quoi  bon  ce 
double  signe  d'une  même  chose.  Aussi  les  Italiens,  à 
qui  une  plus  grande  pratique  de  la  musique  suggère 
toujours  les  premiers  moyens  d'en  abréger  les  signes  , 
commencent-ils  à  supprimer  les  bâtons^  auxquels  ils 
substituent  le  chiffre  qui  marque  le  nombre  de  me- 
sures à  compter.  Mais  une  attention  qu'il  faut  avoir 
alors  est  de  ne  pas  confondre  ces  chiffres  dans  la  por- 
tée avec  d'autres  chiffres  semblables  qui  peuvent  mar- 
quer l'espèce  de  la  mesure  employée.  Ainsi,  dans  la 
figure  1 3 ,  il  faut  bien  distinguer  le  signe  du  trois  temps 
d'avec  le  nombre  des  pauses  à  compter,  de  peur  qu'au 
lieu  de  3 1  mesures  ou  pauses,  on  n'en  comptât  33 1 . 

Le  plus  petit  bâton  est  de  deux  mesures  ,  et  traver- 
sant un  seul  espace ,  il  s'étend  seulement  d'une  hgne 
à  sa  voisine.  [Même planche ^  figure  12.) 

Les  autres  moindres  silences,  comme  d'une  me- 
sure, d'une  demi-mesure,  d'un  temps,  d'un  demi- 


8o  BAT 

temps,  etc.,  s'expriment  par  les  mots  de  pause,  de 
demi-pause,  de  soupir,  de  detni-soupir,  etc.  (Voyez  ces 
mots.)  Il  est  aisé  de  comprendre  quen  combinant 
tous  ces  signes,  on  peut  exprimer  à  volonté  des 
silences  d'une  durée  quelconque. 

Il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  bâtons  des  silences 
d'autres  bâtons  précisément  de  même  figure,  qui,  sous 
le  nom  de  pauses  initiales,  servoient  dans  nos  anciennes 
musiques  à  annoncer  le  mode,  c'est-à-dire  la  mesure, 
et  dont  nous  parlerons  au  mot  Mode. 

Bâton  de  mesure,  est  un  bâton  fort  court,  ou  même 
un  rouleau  de  papier  dont  le  maître  de  musique  se 
sert  dans  un  concert  pour  régler  le  mouvement  et 
marquer  la  mesure  et  le  temps.  (Voyez  Battre  la 
mesure.  ) 

A  l'Opéra  de  Paris  il  n'est  pas  question  d'un  rou- 
leau de  papier ,  mais  d'un  bon  gros  bâton  de  bois  bien 
dur  dont  le  maître  frappe  avec  force  pour  être  entendu 
de  loin. 

Battement,  s.  m.  Agrément  du  chant  françois,  qui 
consiste  à  élever  et  à  battre  un  trille  sur  une  note 
qu'on  a  commencée  uniment.  Il  y  a  cette  différence  de 
la  cadence  au  battement ,  que  la  cadence  commence 
par  la  note  supérieure  à  celle  sur  laquelle  elle  est  mar- 
quée, après  quoi  l'on  bat  alternativement  cette  note 
supérieure  et  la  véritable  :  au  lieu  que  le  battement 
commence  par  le  son  même  de  la  note  qui  le  porte  ; 
après  quoi  l'on  bat  alternativement  cette  note  et  celle 
qui  est  au-dessus.  Ainsi  ces  coups  de  gosier,  mire  mi 
re  mi  re  ut  ut  sont  une  cadence;  et  ceux-ci,  re  mi  re  mi 
re  mire  ut  re  mi,  sont  un  battement. 


BAT  8l 

Battements  au  pluriel.  Lorsque  deux  sons  forts  et 
sout^ius,  comme  ceux  de  l'orgue,  sont  mal  d'accord 
et  dissonent  entre  eux  à  l'approche  d'un  intervalle 
consonnant^  ils  forment,  par  secousses  plus  ou  moins 
fréquentes,  des  renflements  de  son  qui  font  à  peu  près 
à  l'oreille  Teffet  des  battements  du  pouls  au  toucher, 
c'est  pourquoi  M.  Sauveur  leur  a  aussi  donné  le  nom 
de  battements.  Ces  battements  deviennent  d'autant  plus 
fréquents  que  l'intervalle  approche  plus  de  la  jus- 
tesse; et  lorsqu'il  y  parvient,  ils  se  confondent  avec 
les  vibrations  du  scfh. 

.  M.  Serre  prétend ,  dans  ses  Essais  sur  les  principes  de 
riiarmonie^  que  ces  battements  produits  par  la  concur- 
rence de  deux  sons  ne  sont  qu'une  apparence  acousti- 
que, occasionée  par  les  vibrations  coïncidentes  de  ces 
deux  sons  :  ces  battements ,  selon  lui,  n'ont  pas  moins 
lieu  lorsque  fintervalle  est  consonnant  ;  mais  la  rapi- 
dité avec  laquelle  ils  se  confondent  alors  ne  permettant 
pointa  l'oreille  de  les  distinguer,  il  en  dpit  résulter, 
non  la  cessation  absolue  de  ces  battements,  mais  une 
apparence  de  son  grave  et  continu,  une  espèce  de 
foible  bourdon ,  tel  précisément  que  celui  qui  résulte 
dans  les  expériences  citées  par  M.  Serre ,  et  depuis 
détaillées  par  M.  Tartini,  du  concours  de  deux  sons 
aigus  et  consonnants.  (  On  peut  voir  au  mot  Système 
que  des  dissonances  les  donnent  aussi.  )  «  Ce  qu'il  y  a 
<t  de  bien  certain,  continue  M.  Serre,  c'est  que  ces  bat- 
«  tements,  ces  vibrations  coïncidentes  qui  se  suivent 
«  avec  plus  ou  moins  de  rapidité ,  sont  exactement  iso- 
«  chrones  aux  vibrations  que  feroit  réellement  le  son 
XIV.  •   6 


82  BAT 

«  fondamental,  si,  par  le  moyen  d'un  troisième  corps 
«  sonore,  on  le  faisoit  actuellement  résonner.  »     • 

Cette  explication  très  spécieuse  n'est  peut-être  pas 
sans  difficulté  ;  car  le  rapport  de  deux  sons  n'est 
jamais  plus  composé  que  quand  il  approche  de  la  sim- 
plicitéquien  fait  une  consonnance,  et  jamais  les  vibra- 
tions ne  doivent  coïncider  plus  rarement  que  quand 
elles  touchent  presque  à  lisochronisme.  D'où  il  sui- 
vroit,  ce  me  semble,  que  les  battements  devroient  se 
ralentir  à  mesure  qu'ils  s'accélèrent,  puis  se  réunir 
tout  d'un  coup  à  l'instant  que  l'acfcord  est  juste. 

L'observation  des  battements  est  une  bonne  régie 
à  consulter  sur  le  meilleur  système  de  tempérament. 
(Voyez  Tempérament.)  Car  il  est  clair  que  de  tous  les 
tempéraments  possibles  celui  qui  laisse  le  moins  de 
battements  dans  l'orgue  est  celui  que  l'oreille  et  la  na- 
ture préfèrent.  Or  c'est  une  expérience  constante  et 
reconnue  de  tous  les  facteurs,  que  les  altérations  des 
tierces  majçjires  produisent  des  battements  plus  sensi- 
bles et  plusxlésagréables  qu«e  celles  des  quintes.  Ainsi 
la  nature  elle-même  a  choisi. 

Batterie,  s,  f.  Manière  de  frapper  et  répéter  suc- 
cessivenient  sur  diverses  cordes  d'un  instrument  les 
divers  sons  qui  composent  un  accord,  et  de  passer 
ainsi  d'accord  en  accord  par  un  même  mouvement  de 
notes.  La  batterie  n'est  qu'un  arpège  continué,  mais 
dont  toutes  les  notes  sont  détachées  au  lieu  d  être 
liées  comme  dans  1  arpège. 

Batteur  de  mesure.  Celui  qui  bat  la  mesure  dans 
un  conc<3rt.  (Voyez  larticle  suivant.)  • 

Battre  la  mesure.  C'est  en  marquer  les  temps  par 


BAT  83 

des  mouvements  de  la  main  ou  du  pied ,  qui  en  règlent 
la  durée,  et  par  lesquels  toutes  les  mesures  sembla- 
bles sont  rendues  parfaitement  égales  en  valeur  chro- 
nique, ou  en  temps  dans  l'exécution. 

Il  y  a  des  mesures  qui  ne  se  battent  qu'à  un  temps  , 
d'autres  à  deux,  à  trois  ou  à  quatre;  ce  qui  est  le  plus 
grand  nombre  de  temps  marqués  que  puisse  renfermer 
une  mesure;  encore  une  mesure  à  quatre  temps  peut- 
elle  tonjours  se  résoudre  en  deux  mesures  à  deux 
temps.  Dans  toutes  ces  différentes  mesures  le  temps 
frappé  est  toujours  sur  la  note  qui  suit  la  barre  immé- 
diatement; le  temps  levé  est  toujours  celui  qui  la  pré- 
cède, à  moins  que  la  mesure  ne  soit  à  un  seul  temps; 
et  même  alors  il  faut  toujours  supposer  le  temps 
foible,  puisqu'on  ne  sauroit  frapper  sans  avoir  levé. 

Le  degré  de  lenteur  ou  de  vitesse  qu'on  donne  à 
la  mesure  dépend  de  plusieurs  choses  :  i/^  de  la  va- 
leur des  notes  qui  composent  la  mesure.  On  voit  bien 
qu'une  mesure  qui  contient  une  ronde  doit  se  battre 
plus  posément  et  durer  davantage  que  celle  qui  ne 
contient  qu'une  noire;  i^  du  mouvement  indiqué  par 
le  mot  françois  ou  italien  qu'on  trouve  ordinairement 
à  la  tête  de  l'air,  gai,  vite,  lent,  etc.;  tous  ces  mots 
indiquent  autant  de  modifications  dans  le  mouvement 
d'une  même  sorte  de  mesure;  3°  eafin  du  caractère 
de  l'air  même,  qui,  s'il  est  bien  fait,  en  fera  néces- 
sairement sentir  le  vrai  mouvement. 

Les  musiciens  françois  ne  battent  pas  la  ??ieçM7^e 
comme  les  italiens.  Ceux-ci ^  dans  la  mesure  à  quatre 
temps,  frappent  successivement  les  deux  premiers 
temps,  et  lèvent  les  deux  autres;  ils  frappent  aussi  les 

fi. 


84  «AT 

deux  premiers  dans  la  mesure  à  trois  temps,  et  lèvent 

rie  troisième.  T<es  François  ne  frappent  jamais  que  le 
premier  temps,  et  marquent  les  autres  par  différents 
mouvements  de  la  main  à  droite  et  à  gauche.  Cepen- 
dant la  musique  françoise  auroit  beaucoup  plus  besoi n 
que  Titalienne  d'une  mesure  bien  marquée;  car  elle 
ne  porte  point  sa  évidence  en  elle-même;  ses  mouve- 
ments n'ont  aucune  précision  naturelle  ;  on  presse,  on 
ralentit  la  mesure  au  gré  du  chanteur.  Combien  les 
oreilles  ne  sont-elles  pas  choquées  à  l'Opéra  de  Paris 
du  bruit  désagréable  et  continuel  que  fait  avec  son 
bâton  celui  qui  bat  la  mesure,  et  que  le  Petit  Prophète 
compare  plaisamment  à  un  bûcheron  qui  coupe  du 
bois!  Mais  c'est  un  mal  inévitable  :  sans  ce  bruit  on  ne 
pourroit  sentir  la  mesure;  la  musique  par  elle-même 
ne  la  marque  pas  :  aussi  les  étrangers  n'aperçoivent-ils 
point  le  mouvement  de  nos  airs.  Si  l'on  y  fait  atten- 
tion, l'on  trouvera  que  c'est  ici  l'une  des  différences 
spécifiques  de  la  musique  françoise  à  l'italienne.  En 
Italie  la  mesure  est  lame  de  la  musique;  c'est  la 
mesure  bien  sentie  qui  lui  donne  cet  accent  qui  la  rend 
si  charmante;  c'est  la  mesure  aussi  qui  gouverne  le 
musicien  dans  l'exécution.  En  France,  au  contraire, 
c'est  le  musicien  qui  gouverne  la  mesure  ;  il  Ténerve 
et  la  défigure  sdns  scrupule.  Que  dis-je?  le  bon  goût 
même  consiste  à  ne  la  pas  laisser  sentir;  précaution 
dont  au  reste  elle  n'a  pas  grand  besoin.  L'Opéra  de 
Paris  est  le  seul  théâtre  de  l'Europe  où  l'on  batte  la 
mesure  sans  la  suivre,  partout  ailleurs  on  la  suit  sans 
la  battre. 

Tl  régne  là-dessus  une  erreur  populaire  qu'un  peu 


BAT  85 

de  réflexion  détruit  aisément.  On  s'imagine  qu'un 
auditeur  ne  bat  par  instinct  la  mesure  d'un  air  qu'il 
entend  que  parcequll  la  sent  vivement;  et  c'est,  au 
contraire,  parcequ  elle  n'est  pas  assez  sensible  ou 
qu'il  ne  la  sent  pas  assez,  qu'il  tâche,  à  force  de  mou- 
vements des  mains  et  des  pieds,  de  suppléer  ce  qui 
manque  en  ce  paint  à  son  oreille.  Pour  peu  qij'une 
musique  donne  prise  à  la  cadence,  on  voit  la  plupart 
des  François  qui  lécoutent  faire  mille  contorsions  et 
un  bruit  terrible,  pour  aider  la  mesure  à  marcher  ou 
leur  oreille  à  la  sentir.  Substituez  des  Italiens  ou  des 
Allemands,  vous  n'entendrez  pas  le  moindre  bruit, 
et  ne  verrez  pas  le  moindre  geste  qui  s'accorde  avec 
la  mesure.  Seroit-ce  peut-être  que  les  Allemands,  les 
Italiens,  sont  moins  sensibles  à  la  mesure  que  les 
François  ?  Il  y  a  tel  de  mes  lecteurs  qui  ne  se  feroit 
guère  presser  pour  le  dire  ;  mais  dira-t-il  aussi  que  les 
musiciens  les  plus  habiles  sont  ceux  qui  sentent  le 
moins  la  mesure  ?  il  est  incontestable  que  ce  sont  ceux 
qui  la  battent  le  moins  ;  et  quand,  à  force  d'exercice, 
ils  ont  acquis  l'habitude  de  la  sentir  continuellement, 
ils  ne  la  battent  plus  du  tout  :  c'est  un  fait  d'expérience 
qui  est  sous  les  yeux  de  tout  le  monde.  L'on  pourra 
dire  encore  que  les  mêmes  gens  à  qui  je  reproche  de 
ne  battre  la  mesure  que  parcequ'ils  ne  la  sentent  pas 
assez,  ne  la  battent  plus  dans  les  airs  oii  elle  n'est  point 
sensible  ;  et  je  répondrai  que  c'est  parcequ'alors  ils  ne 
la  sentent  point  du  tout.  H  faut  que  l'oreille  soit 
frappée  au  moins  d'un  foible  sentiment  de  mesure 
pour  que  l'instinct  cherche  à  le  renforcer. 

Les  anciens,  dit  M.  Burette,  battaient  la  mesure  en 


S6  BAT 

plusieurs  façons  :  la  plus  ordinaire  consistoit  dans  le 
mouvement  du  pied  qui  s'élevoit  de  terre  et  la  frap- 
poit  alternativement  selon  la  mesure  des  deux  temps 
égaux  ou  inégaux.  (Voyez  Rhythme.)  C'étoit  ordinai- 
rement la  fonction  du  maître  de  musique  appelé  co- 
ryphée, yopuijiatoç,  parcequ'il  étoit  placé  au  milieu  du 
chœvir  des  musiciens,  et  dans  un^  situation  élevée 
pour  être  plus  facilement  vu  et  entendu  de  toute  la 
troupe.  Ces  batteurs  de  mesure  se  nommoient  en 
grec  7ro(Jo'xTU7rot  et  7ro(Jo-J/o(pot ,  à  causc  du  bruit  de  leurs 
pieds ,  (TuvTovàpiot ,  à  cause  de  l'uniformité  du  geste,  et, 
si  Ton  peut  parler  ainsi ,  de  la  monotonie  du  rhythme, 
qu'ils  battoient  toujours  à  deux  temps.  Ils  s'appeloient 
en  Xdiûu  pedarii ,  podarii  ^  pedicularii.  Ils  garnissoient 
ordinairement  leurs  pieds  de  certaines  chaussures  ou 
sandales  de  bois  ou  de  fer,  destinées  à  rendre  1» per- 
cussion rhythmique  plus  éclatante ,  nommées  en  grec 
rpojTréj^ta,  ypoz>7ra>a,  ypouTTs^a,  et  en  latin,  pediciila ^  sca- 
hella  ou  scabilla^'k  cause  qu'elles  ressembloient  à  de 

f  V  petits  marche-pieds  ou  de  petites  escabelles. 

\^  Ils  battoient  la  mesure ,  non  seulement  du  pied ,  mais 

aussi  de  la  main  droite,  dont  ils  réunissoient  tous  les 
doigts  pour  frapper  dans  le  creux  de  la  main  gauche , 
et  celui  qui  marquoit  ainsi  le  rhythme  s'appeloit  ma- 
y-^\  C""^  nuductor.  Outre  ce  claquement  de  mains  et  le  bruit 
/  j  des  sandales,  les  anciens  avoient  encore,  pour  ^«^fre 
la  mesure^  celui  des  coquilles,  des  écailles  d'huîtres, 
et  des  ossements  d'animaux  qu'on  frappoit  l'un  contre 
l'autre,  comme  on  fait  aujourd  hui  les  castagnettes, 
îe  triangle,  et  autres  pareils  instruments. 

Tout  ce  bruit,  si  désagréable  et  si  superflu  parmi 


BÉM  87 

nous  à  cause  de  Tégalité  constante  de  la  mesure,  ne 
1  étoit  pas  de  même  chez  eux,  où  les  fréquents  clian- 
jjements  de  pieds  et  de  rhythmes  exigeoient  un  accord 
plus  difficile,  et  donnoient  au  bruit  même  une  variété 
plus  harmonieuse  et  plus  piquante.  Encore  peut-on 
dire  que  Tusage  de  battre  ainsi  ne  s'introduisit  qu'à 
mesure  que  la  mélodie  devint  plus  languissante,  et 
perdit  de  son  accent  et  de  son  énergie.  Plus  on  re- 
monte, moins  on  trouve  d'exemples  de  ces  batteurs 
de  mesure,  et  dans  la  musique  de  la  plus  haute  anti- 
quité Ton  n'en  trouve  plus  du  tout. 

Bémol  ou  B  mol,  s.  m.  Caractère  de  musique  auquel 
on  donne  à  peu  près  la  figure  d'un  b,  et  qui  fait  abais' 
ser  d'uji  semi-ton  mineur  la  note  à  laquelle  il  est  joint. 
(  Voyez  Semi-ton.  ) 

Gui  d'Arezzo  ayant  autrefois  donné  des  nom§  à  six 
des  notes  de  l'octave,  desquelles  il  fît  son  célèbre 
hexacorde ,  laissa  la  septième  sans  autre  nom  que 
celui  de  la.lettre  b,  qui  lui  est  propre,  comme  le  c  à 
l'wf,  le  d  Siu  re,  etc.  Or,  ce  ^  se  chantoit  de  deux  ma- 
nières ;  savoir,  à  un  ton  au-dessus  du  /«,  selon  Tordre 
naturel  de  la  gamme,  ou  seulement  à  un  semi-ton 
du  même  /a,  lorsqu'on  vouloit  conjoindre  les  tétra- 
-cordes;  cariln'étoit  pas  encore  question  de  nosmodes 
ou  tons  mpdernes.  Dans  le  premier  cas,  le  si  sonnant 
assez  durement  à  cause  des  trois  tons  consécutifs,  on 
jugea  qu'il  faisoit  à  l'oreille  un  effet  semblable  à  celui 
que  les  corps  anguleux  et  durs  font  à  la  main  ;  c'est 
pourquoi  on  l'appela  b  dur  ou  b  carre,  en  italien  b 
(juadro.  Dans  le  second  cas,  au  contraire,  on  trouva 
que  le  si  étoit  extrêmement  doux  ;  c'est  pourquoi  ou 


88  BÉM 

l'appela  b  mol;  par  la  même  analogie,  on  auroit  pu 
l'appeler  aussi  b  rond,  et  en  effet  les  Italiens  le  nom- 
ment quelquefois  b  tondo. 

Il  y  a  deux  manières  d'employer  le  bémol  ;  l'une 
accidentelle,  quand  dans  le  cours  du  chant  on  le  place 
à  la  gauche  d  une  note.  Cette  note  est  presque  tou- 
jours la  note  sensible  dans  les  tons  majeurs,  et  quel- 
quefois la  sixième  note  dans  les  tons  mineurs,  quand 
la  clef  n'est  pas  correctement  armée.  Le  bémol  acci^ 
dentel  n'altère  que  la  note  qu'il  touche  et  celles  qui  la 
rebattent  immédiatement,  ou  tout  au  plus  celles  qui, 
dans  la  même  mesure,  se  trouvent  sur  le  même  degré 
sans  aucun  signe  contraire. 

L'autre  manière  est  d'employer  le  bémol  à  la  clef, 
et  alors  il  la  modifie,  il  agit  dans  toute  la  suite  de  l'air 
et  sur  toutes  les  notes  placées  sur  le  même  degré,  à 
moins  que  ce  bémol  ne  soit  détruit  accidentellement 
par  quelque  dièse  ou  bécarre,  ou  que  la  clef  ne  vienne 
à  changer. 

La  position  des  bémols  à  la  clef  n'est  pas  arbitraire  : 
en  voici  la  raison;  ils  sont  destinés  à  changer  le  lieu 
des  semi-tons  de  l'échelle  ;  or ,  ces  deux  semi-tons  doi- 
vent toujours  garder  entre  eux  des  intervalles  pres- 
crits; savoir,  celui  d'une  quarte  d'un  côté,  et  celui 
d'une  quinte  de  l'autre.  Ainsi  la  note  mi,  inférieure  de 
son  semi-ton ,  fait  au  grave  la  quinte  du  si,  qui  est  son 
homologue  dans  l'autre  semi-ton;  et  à  l'aigu  la  quarte 
du  même  si;  et  réciproquement  la  note  si  fait  au  grave 
la  quarte  du  mi,  et  à  l'aigu  la  quinte  du  même  mi. 

Si  donc  laissant,  par  exemple,  le  si  naturel,  on  don- 
noit  un  bémol  au  mi  y  le  semi-ton  changeroit  de  lieu ,  et 


BÉM  89 

se  trouveroit  descendu  d'un  degré  entre  le  re  et  le  mi 
bémol.  Or,  dans  cette  position  ,  l'on  voit  que  les  deux 
semi-tons  ne  garderoient  plus  entre  eux  la  distance 
prescrite ,  car  le  re,  qui  seroit  la  note  inférieure  de 
Tun,  feroit  au  grave  la  sixte  du  si,  son  homologue 
dans  l'autre,  et  à  l'aigu,  la  tierce  du  même  5i,  et  ce  si 
feroit  au  grave  la  tierce  du  j-e,  et  à  l'aigu  ,  la  sixte  du 
même  re.  Ainsi  les  deux  semi-tons  seroient  trop  voi- 
sins d'un  côté,  et  trop  éloignés  de  l'autre. 

L'ordre  des  bémols  ne  doit  donc  pas  commencer  par 
7?ii,  ni  par  aucune  autre  note  de  l'octave  que  par  si,  la 
seule  qui  n'a  pas  le  même  inconvénient  ;  car  bien  que 
le  semi-ton  y  change  de  place ,  et ,  cessant  d'être  entre  le 
si  et  Y  ut,  descende  entre  le  si  bémol  et  le  la,  toutefois 
Tordre  prescrit  n'est  point  détruit;  le  la,  dans  ce  nou- 
vel arrangement,  se  trouvant  d'un  côté  à  la  quarte,  et 
de  l'autre  à  la  quinte  du  nii ,  son  homologue ,  et  réci- 
proquement. 

La  même  raison  qui  fait  placer  le  premier  bémol  sur 
le  si  fait  mettre  le  second  sur  le  tni,  et  ainsi  de  suite, 
en  montant  de  quarte  ou  descendant  dé  quinte  jus- 
qu'au 50/,  auquel  on  s'arrête  ordinairement ,  parceque 
le  bémol  deViit,  qu'on  trouveroit  ensuite,  ne  diffère 
point  du  si  dans  la  pratique.  Cela- fait  donc  une  suite 
de  cinq  bémols  dans  cet  ordre  : 

12         3         4'^ 
Si        Mi        La       Re        Sol. 

Toujours,  par  la  même  raison,  l'on  ne  sauroit  em- 
ployer les  derniers  bémols  k\îi  clef  sans  employer  aussi 
ceux  qui  les  précédent  :  ainsi  le  bémol  du  mi  ne  se  pose 


<)0  BÉQ 

qu'avec  celui  du  si,  celui  du  la  qu'avec  les  deux  précé- 
dents ,  et  chacun  des  suivants  qu'avec  tous  ceux  qui 
le  précédent. 

On  trouvera  dans  larticle  Clef  une  formule  pour 
sa\ioir  tout  d'un  coup  si  un  ton  ou  un  m»de  donné 
doit  porter  des  bémols  a  la  clef,  et  combien. 

Bémolisër,  V.  a.  Marquer  une  note  d'un  bémol,  ou 
armer  la  clef  par  hémoL  Bémolisez  ce  mi.  Il  faut  bémoli' 
.séria  clef  pour  le  ton  de  fa, 

Béquarre  ou  B  quarre  *,  5.  m.  Caractère  de  musique 
qui  s'écrit  ainsi  t| ,  et  qui,  placé  à  la  gauche  d'une 
fiote ,  marque  que  cette  note  ayant  été  précédemment 
haussée  par  un  dièse  ou  baissée  par  un  bémol,  doit  être 
remise  à  son  élévation  naturelle  ou  diatonique. 

Le  bécarre  fut  inventé  par  Gui  d'Arezzo.  Cet  au- 
teur, qui  donna  des  noms  aux  six  premières  notes  de 
1  octave,  n'en  laissa  point  d'autre  que  la  lettre  b  pour 
exprimer  le  si  naturel  :  car  chaque  note  avoit  dès-lors 
sa  lettre  correspondante;  et  comme  le  chant  diatoni- 
que de  ce  si  est  dur  quand  on  y  monte  depuis  \efa ,  il 
l'appela  simplement  b  dur,  ,  b  cajTé,  ou  b  carre,  par 
une  allusion  dont  j'ai  parlé  dans  l'article  précédent. 

Le  bécatTe  servit  dans  la  suite  à  détruire  l'effet  du 
bémol  antérieur  sur  la  note  qui  sm\oit\e  bécarre  ;  c'est 
que  le  bémol  se  plaçant  ordinairement  sur  le  si,  le  bé- 
i:arre,  qui  venoit  ensuite,  ne  produisoit ,  en  détruisant 
ce  bémol ,  que  son  effet  naturel ,  qui  étoit  de  représen- 
ter la  note  si  sans  altération.  A  la  fin  on  s'en  servit  par 
extension ,  et,  faute  d'auti^  signe,  pour  détruire  aussi 

*  On  écrit  actuellement  Bécarre. 


BÉQ  gi 

l'effet  du  dièse  ;  et  c'est  ainsi  qu'il  s'emploie  encore 
aujourd'hui.  Le  bécarre  efface  également  le  dièse  ou  le 
bémol  qui  l'ont  précédé. 

11  y  a  cependant  une  distinction  à  faire.  Si  le  dièse 
ou  le  bémol  étoient  accidentels,  ils  sont  détruits  sans 
retour  par  le  bécarre  dans  toutes  les  notes  qui  le  sui- 
vent médiatement  ou  immédiatement  sur  le  même  de- 
gré, jusqu'à  ce  qu'il  s'y  présente  un  nouveau  bémol 
ou  un  nouveau  dièse.  Mais  si  le  bémol  ou  le  dièse  sont 
à  la  clef,  le  bécarre  ne  les  efface  que  pour  la  note  qu'il 
précède  immédiatement,  ou  tout  au  plus  pour  toutes 
celles  qui  suivent  dans  la  même  mesure  et  sur  le  même 
degré  ;  et  à  chaque  note  altérée  à  la  clef  dont  on  veut 
détruire  l'altération ,  il  faut  autant  de  nouveaux  bé- 
carres. Tout  cela  est  assez  mal  entendu  ;  mais  tel  est 
l'usage. 

Quelques  uns  donnoient  un  autre  sens  au  bécarre, 
et ,  lui  accordant  seulement  le  droit  d'effacer  les  dièses 
ou  bémols  accidentels,  lui  ôtoient  celui  de  rien  chan- 
ger à  l'état  de  la  clef;  de  sorte  qu'en  ce  sens  sur  un  fa 
diésé ,  ou  sur  un  si  bémolisé  à  la  clef,  X^bécarre  ne  ser- 
viroit  qu'à  détruire  un  dièse  accidentel  sur  ce  si,  ou 
un  bémol  sur  ce/a,  et  signifieroit  toujours  \efa  dièse 
ou  le  si  bémol  tel  qu'il  est  à  la  clef. 

D'autres  enfin  se  servoient  bien  du  bécaiTc  pour  ef- 
facer le  bémol,  même  celui  de  la  clef,  mais  jamais 
pour  effacer  le  dièse;  c'est  le  bémol  seulement  qu'ils 
employoient  dans  ce  dernier  cas. 

Le  premier  uaage  a  tout-à-fait  prévalu  ;  ceux-ci  de- 
viennent plus  rares  et  s'abolissent  de  jour  en  jour:  mais 


i)'2  BOU 

il  est  bon  d'y  faire  attention  en  lisant  d'anciennes  mu- 
siques ,  sans  quoi  Ton  se  troniperoit  souvent. 

Bi.  Syllabe  dont  quelques  musiciens  étrangers  se 
servoient  autrefois  pour  prononcer  le  son  de  la  gamme 
que  les  François  appellent  si.  (  Voyez  Si.  ) 

BiscROME,  s.f.  Mot  italien  qui  signifie  triples-croches. 
Quand  ce  mot  est  écrit  sous  une  suite  de  notes  égales 
et  de  plus  grande  valeur  que  des  triples-croches ,  il 
marque  qu'il  faut  diviser  en  triples-croches  les  valeurs 
de  toutes  ces  notes,  selon  la  division  réelle  qui  se 
trouve  ordinairement  faite  au  premier  temps.  C'est 
une  invention  des  auteurs  adoptée  par  les  copistes  , 
surtout  dans  les  partitions ,  pour  épargner  le  papier  et 
la  peine.  (  Voyez  Crochet.  ) 

Blanche,  s.f.  C'est  le  nom  d'une  note  qui  vaut 
deux  noires  ,  ou  la  moitié  d'une  ronde.  (  Voyez  l'arti- 
cle Notes  ;  et  la  valeur  •  de  la  blanche  ,  Planche  D , 
figure  9.  ) 

Bourdon.  Basse-continue  qui  résonne  toujours  sur 
le  même  ton ,  comme  sont  communément  celles  des 
airs  appelés  musettes.  (  Voyez  Point  d'orgue.  ) 

Bourrée,  s.f.  Sorte  d'air  propre  à  une  danse  de 
même  nom ,  que  l'on  croit  venir  d'Auvergne ,  et  qui 
est  encore  en  usage  dans  cette  province.  La  bourrée  est 
à  deux  temps  gais ,  et  commence  par  une  noire  avant 
le  frappé.  Elle  doit  avoir,  comme  la  plupart  des  au- 
tres danses ,  deux  parties  et  quatre  mesures ,  ou  un 
multiple  de  quatre  à  chacune.  Dans  ce  caractère  d'air 
on  lie  assez  fréquemment  la  seconde  moitié  du  pre- 
mier temps  et  la  première  du  second  par  une  blanche 
syncopée. 


BRÈ  93 

Boutade,  s.f.  Ancienne  sorte  de  petit  ballet  qu'on 
exécutoit  ou  qu'on  paroissoit  exécuter  impromptu. 
Les  musiciens  ont  aussi  quelquefois  donné  ce  nom 
aux  pièces  ou  idées  qu'ils  exécutoient  de  même  sur 
leurs  instruments ,  et  qu'on  appeloit  autrement  Ca- 
price, Fantaisie.  (  Voyez  ces  mots.  ) 

Brailler,  v.  n.  C'est  excéder  le  volume  de  sa  voix  et 
chanter  tant  qu'on  a  de  force,  comme  font  au  lutrin 
les  marguilliers  de  village ,  et  certains  musiciens 
ailleurs. 

Branle,  s.  m.  Sorte  de  danse  fort  gaie,  qui  se 
danse  en  rond  sur  un  air  court  et  en  rondeau  , 
c'est-à-dire  avec  un  même  refrain  à  la  fin  de  chaque 
couplet. 

Bref.  Adverbe  qu'on  trouve  quelquefois  écrit  dans 
d'anciennes  musiques  au-dessus  de  la  note  qui  finit 
une  phrase  ou  un  air ,  pour  marquer  que  cette  finale 
doit  être  coupée  par  un  son  bref  et  sec ,  au  lieu  de  du- 
rer toute  sa  valeur.  (  Voyez  Couper.  )  Ce  mot  est  maiii- 
tenant  inutile  depuis  qu'on  a  un  signe  pour  l'ex- 
primer. 

Brève,  s.f.  Note  qui  passe  deux  fois  plus  vite  que 
celle  qui  la  précède  :  ainsi  la  noire  est  brève  après  une 
blanche  pointée ,  la  croche  après  une  noire  pointée. 
On  ne  pourroit  pas  de  même  appeler  brève  une  note 
qui  vaudroit  la  moitié  de. la  précédente  :  ainsi  la  noire 
n'est  pas  une  brève  après  la  blanche  simple ,  ni  la  cro- 
che après  la  noire  ,  à  moins  qu'il  ne  soit  question  de 
syncope. 

C'est  autre  chose  dans  le  plain-chant.  Pour  répon- 
dre exactement  à  la  quantité  des  syllabes ,  la  brève  v 


94  BRO 

vaut  la  moitié  de  la  longue;  de  plus,  la  longue  a  quel- 
quefois une  queue  pour  la  distinguer  de  la  brève  qui 
n'en  a  jamais,  ce  qui  est  précisément  Topposé  de  la 
musique,  où  la  ronde,  qui  n'a  point  de  queue,  est 
double  de  la  blanche  qui  en  aune.  (Voyez  Mesure, 
Valeur  DES  NOTES.) 

Brève  est  aussi  le  nom  que  donnoient  nos  anciens 
musiciens  ,  et  que  donnent  encore  aujourd'hui  les 
Italiens  à  cette  vieille  figure  de  note  que  nous  appe- 
lons carrée.  Il  y  avoit  deux  sortes  de  brèves  :  savoir,  la 
droite  ou  parfaite,  qui  se  divise  en  trois  parties  égales 
et  vaut  trois  rondes  ou  semi-brèves  dans  la  mesure 
triple,  et  \dibrève  altérée  ou  imparfaite,  qui  se  divise 
en  deux  parties  égales,  et  ne  vaut  que  deux  semi- 
brèves  dans  la  mesure  double.  Cette  dernière  sorte  de 
brève  est  celle  qui  s'indique  par  le  signe  du  C  barré; 
et  les  Italiens  nomment  encore  alla  brève  la  mesure  à 
deux  temps  fort  vites,  dont  ils  se  servent  dans  les 
musiques  da  capella.  (Voyez  Alla  brève.) 

Broderies, Doubles,  Fleurtis.  Tout  cela  se  dit  en 
musique  de  plusieurs  notes  de  goût  que  le  musicien 
ajoute  à  sa  partie  dans  l'exécution,  pour  varier  un 
chant  souvent  répété,  pour  orner  des  passages  trop 
simples ,  ou  pour  faire  briller  la  légèreté  de  son  gosier 
ou  de  ses  doigts.  Rien  ne  montra  mieux  le  bon  ou  le 
mauvais- goût  d'un  musicien  que  le  choix  et  l'usage 
qu'il  fait  de  ces  ornements.  La  vocale  françoise  est 
fort  letenue  sur  les  broderies \  elle  le  devient  même 
davantage  de  jour  en  jour,  et,  si  Ion  excepte  le  cé- 
lèbre Jélyotte  et  mademoiselle  Fel ,  aucun  acteur  fran- 
çois  ne  se  hasarde  plus  au  théâtre  à  faire  des  doubles  ; 


BRU  gS 

car  le  chant  fraiiçois ,  ayant  pris  un  ton  plus  traînant 
et  plus  lamentable  encore  depuis  quelques  années, 
ne  les  comporte  plus.  Les  Italiens  s'y  donnent  car- 
rière :  c'est  chez  eux  à  qui  en  fera  davantage ,  ému- 
lation qui  mène  toujours  à  en  faire  trop.  Cependant 
l'accent  de  leur  mélodie  étant  très  sensible,  ils  n'ont 
pas  à  craindre  que  le  vrai  chant  disparoisse  sous  ces 
ornements  que  l'auteur  même  y  a  souvent  supposés. 

A  l'égard  des  instruments,  on  fait  ce  qu'on  veut 
dans  un  solo,  mais  jamais  symphoniste  qui  brode  ne 
fut  souffert  dans  un  bon  orchestre. 

Bruit,  s.  m.  C'est  en  général  toute  émotion  de  l'air 
qui  se  rend  sensible  à  l'organe  auditif.  Mais,  en  mu- 
sique, le  mot  bruit  est  opposé  au  mot  son,  et  s'entend 
de  toute  sensation  de  l'ouïe  qui  n'est  pas  sonoie  et 
appréciable.  On  peut  supposer,  pour  expliquer  la  dif- 
férence qui  se  trouve  à  cet  égard  entre  le  bruit  et  le 
son,  que  ce  dernier  n'est  appréciable  que  par  le  con- 
cours de  ses  harmoniques,  et  que  le  bruit  ne  l'est  point 
parcequ'il  en  est  dépourvu.  Mais  outre  que  cette  ma- 
nière d'appréciation  n'est  pas  facile  à  concevoir  si 
l'émotion  de  l'air,  causée  par  le  son,  fait  vibrer  avec 
une  corde  les  aliquotes  de  cette  corde ,  on  ne  voit  pas 
pourquoi  l'émotion  cie  l'air ,  causée  par  le  ^/«iY,  ébran- 
lant cette  même  corde ,  n'ébranleroit  pas  de  même  ses 
aliquotes.  Je  ne  sache  pas  qu'on  ait  observé  aucune 
propriété  de  l'air  qui  puisse  faire  soupçonner  que 
l'agitation  qui  produit  le  son,  et  celle  qui  produit  le 
bruit  prolongé  ne  soient  pas  de  même  nature,  et  que 
l'action  et  réaction  de  l'air  et  du  corps  sonore ,  ou  de 


q6  bru 

Tair  et  du  corps  bruyant,  se  fassent  par  des  lois  dif- 
férentes dans  Fun  et  dans  Tautre  effet. 

î^e  pourroit'On  pas  conjecturer  que  le  bruit  nest 
'point  d'une  autre  natuve  que  le  son;  qu'il  n'est  lui- 
même  que  la  somme  d'une  rijukitude  confuse  de  sons 
divers,  qui  se  font  entendre  à-la-fois,  et  contrarient 
en  quelque  sorte  mutuellement  leurs  ondulations? 
Tous  les  corps  élastiques  semblent  être  plus  sonores 
à  mesure  que  leur  matière  est  plus  liomogène,  que 
le  degré  de  cohésion  est  plus  égal  partout,  et  que  le 
corps  n'est  pas ,  pour  ainsi  dire,  partagé  en  une  mul- 
titude de  petites  masses. qui,  ayant  des  solidités  dif- 
férentes ,  résonnent  conséquemment  à  différents  tons. 

Pourquoi  le  bruit  ne  seroit-il  pas  du  son,  puisqu'il 
en  excite?  car  tout  bruit  fait  résonner  les  cordes  d'un 
clavecin,  non  quelques  unes ,  comme  fait  un  son, 
mais  toutes  ensemble ,  parcequ'il  n'y  en  a  pas  une  qui 
ne  trouve  son  unisson  ou  ses  harmoniques.  Pourquoi 
\q, bruit  ne  seroit-il  pas  du  son,  puisque  avec  des  sons 
on  fait  du  bruit?  Touchez  à-la-fois  toutes  les  touches 
d'un  clavier ,  vous  produirez  une  sensation  totale  qui 
ne  sera  que  du  bi^uit,  et  qui  ne  prolongera  son  effet 
par  la  résonnance  des  cordes  que  comme  tout  autre 
bruit  qui  feroit  résonner  les  mêmes  cordes.  Pourquoi 
le  bruit  ne  seroit-il  pas  du  son,  puisqu'un  son  trop 
fort  n'est  plus  qu'un  véritable  bruit ^  comme  une  voix 
qui  crie  à  pleine  tête,  et  surtout  comme  le  son  d'une 
grosse  cloche  qu'on  entend  dans  le  clocher  même? 
car  il  est  impossible  de  l'apprécier,  si,  sortant  du  clo- 
cher, on  n'adoucit  le  son  par  l'éloignement. 

Mais,  me  dira-t-on ,  d'où  vient  ce  changement  d'un 


lîiTC  9*7 

son  excessif  en  bruit?  c'est  que  la  violence  des  vibra- 
tions rend  sensible  la  résonnance  d\in  si  grand  nombre 
d  aliquotes  ,  que  le  mélange  de  tant  de  sons  divers  fait 
alors  son  effet  ordinaire  et  n'est  plus  que  du  bruit. 
Ainsi  les  aliquotes  qui  résonnent  ne  sont  pas  seulement 
la  moitié,  le  tiers ,  le  quart,  et  toutes  les  consonnances , 
mais  la  septième  partie,  la  neuvième,  la  centième,  et 
plus  encore;  tout  cela  fait  ensemble  un  effet  semblable 
à  celui  de  toutes  les  touches  d'un  clavecin  frappées  à- 
la-fois  :  et  voilà  comment  le  son  devient  bruit. 

On  donne  aussi,  par  mépris,  le  nom  de  bruit  à  une 
musique  étourdissante  et  confuse,  où  Ton  entend  plus 
de  fracas  que  d'harmonie ,  et  plus  de  clameurs  que  de 
chant  :  Ce  nest  que  du  bruit -^  cet  opéra  fait  beaucoup  de 
bruit  et  peu  d'effet. 

BucoLiASME.  Ancienne  chanson  des  berges.  (Voyez 
Chanson.) 

C. 

C.  Cette  lettre  étoit,  dans  nos  anciennes  musiques , 
le  signe  de  la  prolation  mineure  imparfaite;  d'où  la 
même  lettre  est  restée  parmi  nous  celui  de  la  mesure 
à  quatre  temps,  laquelle  renferme  exactement  les 
mêmes  valeurs  de  notes.  (Voyez  mode,  Prolation.  ) 

C  BARRÉ.  Signe  de  la  mesure  à  quatre  temps  vites , 
ou  à  deux  temps  posés  :  il  se  marque  en  traversant  le 
C  de  haut  en  bas  par  une  ligne  perpendiculaire  à  la 
portée. 

C  sol  ut,  C  sol  fa  ut,  ou  simplement  C.  Caractère  ou 
terme  de  musique  qui  indique  la  première  note  de  la 
gamme,  que  nous  appelons  ut.  (Voyez  Gamme.)  C'est 

XIV.  rj 


98  CAD 

aussi  rancien  signe  d'une  des  trois  clefs  de  la  musique. 
(Voyez  Clef.) 

•  Cacophonie,  s.  f.  Union  discordante  de  plusieurs 
sons  mal  choisis  ou  mal  accordés.  Ce  mot  vient  de 
-/a/oç ,  mauvais,  et  de  (pwv>7,  son.  Ainsi,  c'est  mal  à 
propos  que  la  plupart  des  musiciens  prononcent  caca- 
phonie.  Peut-être  feront-ils  à  la  fin  passer  cette  pro- 
nonciation comme  ils  ont  déjà  fait  passer  celle  de 
colophane. 

Cadence,  s.  f.  Terminaison  d'une  phrase  harmo- 
nique sur  un  repos  ou  sur  un  accord  parfait,  ou,  pour 
parler  plus  généralement,  c'est  tout  passage  d'un  ac- 
cord dissonant  à  un  accord  quelconque;  car  on  ne 
peut  jamais  sortir  d'un  accord  dissonant  que  par  un 
acte  de  cadence.  Or,  comme  toute  phrase  harmonique 
est  nécessairement  liée  par  des  dissonances  exprimées 
ou  sous-entendues,  il  s'ensuit  que  toute  l'harmonie 
n'est  proprement  qu'une  suite  de  cadences. 

Ce  qu'on  appelle  acte  de  cadence  résulte  toujours  de 
deux  sons  fondamentaux,  dont  Tun  annonce  la  ca- 
dence ^  et  l'autre  la  termine. 

Comme  il  n'y  a  point  de  dissonance  sans  cadence , 
il  n'y  a  point  non  plus  de  cadence  sans  dissonance  , 
exprimée  ou  sous-entendue  ;  car,  pour  faire  sentir  le 
repos,  il  faut  que  quelque  chose  d'antérieur  le  sus- 
pende, et  ce  quelque  chose  ne  peut  être  que  la  disso- 
nance ou  le  sentiment  implicite  de  la  dissonance:  au- 
trement les  deux  accords  étant  également  parfaits ,  on 
pourroit  se  reposer  sur  le  premier;  le  second  ne  s'an- 
nonceroit  point  et  ne  seroit  pas  nécessaire.  L'accord 
formé  sur  le  premier  son  d'une  cadence  doit  donc 


CAD  99 

toujours  être  dissonant,  c'est-à-dire  porter  ou  sup- 
poser une  dissonance. 

A  regard  du  second,  il  peut  être  consonnant  ou  dis- 
sonant, selon  qu'on  veut  établir  ou  éluder  le  repos. 
S'il  est  consonnant,  la  cadence  est  pleine;  s'il  est  dis- 
sonant, la  cadence  est  évitée  ou  imitée. 

On  compte  ordinairement  quatre  espèces  de  ca- 
dences:  savoir,  cadence  parfaite,  cadence  imparfaite  oti 
irrégulière,  cadence  interrompue,  et  cadence  rompue: 
ce  sont  les  dénominations  que  leur  a  données  M.  Ra- 
meau, et  dont  on  verra  ci-après  les  raisons. 

I.  Toutes  les  fois  qu'après  un  accord  de  septième 
la  basse-fondamentale  descend  de  quinte  sur  un  ac- 
cord parfait,  c'est  une  c^cfence^<7r/àiYe  pleine,  qui  pro- 
cède toujours  d'une  dominante  tonique  à  la  tonique; 
mais  si  la  cadence  parfaite  est  évitée  par  une  disso- 
nance ajoutée  à  la  seconde  note,  on  peut  commencer 
une  seconde  cadence  en  évitant  la  première  sur  cette 
seconde  note,  éviter  derechef  cette  seconde  cadence, 
et  en  commencer  une  troisième  sur  la  troisième  note, 
enfin  continuer  ainsi  tant  qu'on  veut,  en  montant  de 
quarte  ou  descendant  de  quinte  sur  toutes  les  cordes 
du  ton  ,  et  cela  forme  une  succession  de  cadences 
parfaites  évitées.  Dans  cette  succession,  qui  est  sans 
contredit  la  plus  harmonique,  deux  parties,  savoir, 
celles  qui  font  la  septième  et  la  quinte,  descendent 
sur  la  tierce  et  l'octave  de  l'accord  suivant,  tandis 
que  deux  autres  parties ,  savoir  ,  celles  qui  font  la 
tierce  et  l'octave,  restent  pour  faire  à  leur  tour  la 
septième  et  la  quinte ,  et  descendent  ensuite  alternati- 
vement avec  les  deux  autres.  Ainsi  une  telle  succes- 

7 


Univers  ifas 

r>inii/->-riir/—  A  1 


100  CAN 

sion  donne  une  harmonie  descendante,  elle  ne  doit 
jamais  s'arrêter  qu'à  une  dominante  tonique  pour 
tomber  ensuite  sur  la  tonique  par  une  cadence  pleine. 
{Pl.A,fg.i.) 

II.  Si  la  basse-fondamentale,  au  lieu  de  descendre 
de  quinte  après  un  accord  de  septième,  descend  seule- 
ment de  tierce,  la  cadence  s'appelle  interrompue  :  celle- 
ci^ne  peut  jamais  être  pleine;  mais  il  faut  nécessaire- 
ment que  la  seconde  note  de  cette  cadence  porte  un 
autre  accord  dissonant.  On  peut  de  même  continuer  à 
descendre  de  tierce  ou  monter  de  sixte  par  des  ac- 
cords de  septième  ;  ce  qui  fait  une  deuxième  succession 
de  cadences  évitées ,  mais  bien  moins  parfaite  que  la 
précédente  :  car  la  septième ,  qui  se  sauve  sur  la  tierce 
dans  ]3i  cadence  parfaite j  se  sauve  ici  sur  l'octave,  ce 
qui  rend  moins  d'harmonie,  et  fait  même  sous-en- 
tendre  deux  octaves;  de  sorte  que,  pour  les  éviter, 
il  faut  retrancher  la  dissonance  ou  renverser  l'har- 
monie. 

Puisque  la  cadence  interrompue  ne  peut  jamais  être 
pleine,  il  s'ensuit  qu'une  phrase  ne  peut  finir  par  elle  ; 
mais  il  faut  recourir  à  la  cadence  parfaite  pour  faire 
entendre  l'accord  dominant. (Fi^z/re  i.) 

La  cadence  interroinpue  forme  encore,  par  sa  suc- 
cession, une  harmonie  descendante;  mais  il  n'y  a 
qu'un  seul  son  qui  descende.  Les  trois  autres  restent 
en  place  pour  descendre,  chacun  à  son  tour,  dans  une 
marche  semblable.  (Même figure.) 

Quelques  uns  prennent  mal  à  propos  pour  une  ca- 

deiice  interrompue  un  renversement  de  la  cadence  par- 

faite,  où  la  basse,  après  un  accord  de  septième,  des- 


CAD  lOI 

cend  de  tierce  portant  un  accord  de  sixte  :  mais  chacun 
voit  qu'une  telle  marche,  n  étant  point  fondamentale , 
ne  peut  constituer  une  cadence  particulière. 

III.  Cadence  rompue  est  celle  où  la  basse-fonda- 
mentale, au  lieu  de  monter  de  ([uarte  après  un  ac- 
cord de  septième,  comme  dans  la  cadence  parfaite^ 
monte  seulement  d'un  degré.  Cette  cadence  s'évite  le 
plus  souvent  par  une  septième  sur  la  seconde  note.  Il 
est  certain  qu'on  ne  peut  la  faire  pleine  que  par  licence , 
car  alors  il  y  a  nécessairement  défaut  de  liaison .  (Voyez 

figure?,.) 

Une  succession  de  cadences  rompues  évitées  est 
encore  descendante;  trois  sons  y  descendent,  et  l'oc- 
tave reste  seule  pour  préparer  la  dissonance  ;  mais 
une  telle  succession  est  dure,  mal  modulée,  et  se  pra- 
tique rarement. 

IV.  Quand  la  basse  descend,  par  un  intervalle  de 
quinte,  de  la  dominante  sur  la  tonique,  c'est,  comme 
je  l'ai  dit,  un  acte  de  cadence  parfaite. 

Si  au  contraire  la  basse  monte  par  quinte  de  la  toni- 
que à  la  dominante,  c'est  un  acte  de  cadence  irrégulière 
ou  imparfaite.  Pour  l'annoncer,  on  ajoute  une  sixte 
majeure  à  l'accord  de  là  tonique;  d'où  cet  accord 
prend  le  nom  de  sixte-ajoutée.  (  Voyez  Accord.  )  Cette 
sixte,  qui  fait  dissonance  sur  la  quinte,  est  aussi  traitée 
comme  dissonance  sur  la  basse-fondamentale ,  et , 
comme  telle,  obligée  de  se  sauver  en  montant  diato- 
niquement  sur  la  tierce  de  l'accord  suivant. 

La  cadence  imparfaite  forme  une  opposition  presque 
entière  à  la  cadence  parfaite.  Dans  le  premier  accord 
de  l'une  et  de  l'autre,  on  divise  la  quarte  qui  se  trouve 


ÏOÎt  CAD 

entre  la  quinte  et  l'octave  par  une  dissonance  qui  y 

produit  une  nouvelle  tierce,  et  cette  dissonance  doit 

aller  se  résoudre  sur  Faccord  suivant  par  une  marche 

fondamentale  de  quinte.  Voilà  ce  que  ces  deux  cadences 

ont  de  commun  :   voici  maintenant  ce  qu'elles  ont 

d'opposé. 

Dans  la  cadence  parfaite  ^  le  son  ajouté  se  prend  au 
haut  de  l'intervalle  de  quarte,  auprès  de  l'octave  for- 
mant tierce  avec  la  quinte,  et  produit  une  dissonance 
mineure  qui  se  sauve  en  descendant,  tandis  que  la 
basse-fondamentale  monte  de  quarte  ou  descend  de 
quinte  de  la  dominante  à  la  tonique,  pour  établir  un 
repos  parfait.  Dans  la  cadence  imparfaite,  le  son  ajouté 
se  prend  au  bas  de  l'intervalle  de  quarte  auprès  de  la 
quinte,  et,  formant  tierce  avec  l'octave,  il  produit 
une  dissonance  majeure  qui  se  sauve  en  montant, 
tandis  que  la  basse-fondamentale  descend  de  quarte 
ou  monte  de  quinte  de  la  tonique  à  la  dominante  pour 
établir  un  repos  imparfait. 

M.  Rameau ,  qui  a  le  premier  parlé  de  cette  cadence , 
et  qui  en  admet  plusieurs  renversements,  nous  dé- 
fend, dans  son  Traité  de  l'Harmonie  y  page  117,  d'ad- 
mettre celui  où  le  son  ajouté  est  au  grave  portant  un 
accord  de  septième,  et  cela  par  une  raison  peu  solide 
dont  j'ai  parlé  au  mot  Accord.  Il  a  pris  cet  accord  de 
septième  pour  fondamental  ;  de  sorte  qu'il  Fait  sauver 
une  septième  par  une  autre  septième,  une  dissonance 
par  une  dissonance  pareille ,  par  un  mouvement  sem- 
blable sur  la  basse-fondamentale.  Si  une  telle  manière 
de  traiter  les  dissonances  pouvoit  se  tolérer ,  il  fau- 
droit  se  boucher  les  oreilles  et  jeter  les  régies  au  feu. 


CAD  ,  1(33 

Mais  rharmonie,  sous  laquelle  cet  auteur  a  mis  une 
si  étrange  basse-Fondamentale,  est  visiblement  ren- 
versée d'une  cadence  imparfaite^  évitée  par  une  sep- 
tième ajoutée  sur  la  seconde  note.  (Voyez  Planche  A, 
fi(j.  4.)  Et  cela  est  si  vrai,  que  la  basse-continue  qui 
frappe  la  dissonance  est  nécessairement  obligée  de 
monter  diatoniquement  pour  la  sauver,  sans  quoi  le 
passage  ne  vaudroit  rien.  J'avoue  que  dans  le  même 
ouvrage,  ^«r/e  27?-,  M.  Rameau  donne  un  exemple 
semblable  avec  la  vraie  basse-fondamentale  ;  mais  puis- 
qu'il improuve  en  termes  formels  le  renversement 
qui  résulte  de  cette  basse,  un  tel  passage  ne  sert  qu'à 
montrer  dans  son  livre  une  contradiction  de  plus;  et 
bien  que  dans  un  ouvrage  postéiieur  [Génér.  Harmon. , 
page  id)6)  le  même  auteur  semble  reconnoître  le  vrai 
fondement  de  ce  passage,  il  en  parle  si  obscurément , 
et  dit  encore  si  nettement  que  la  septième  est  sauvée 
par  une  autre,  qu'on  voit  bien  qu'il  ne  fait  ici  qu'entre- 
voir, et  qu'au  fond  il  n'a  pas  cliangé  d  opinion  :  de 
sorte  qu'on  est  en  droit  de  rétorquer  contre  lui  le 
reproche  qu'il  fait  à  Masson  de  n'avoir  pas  su  voir  la 
cadence  imparfaite  dans  un  de  ses  renversements. 

La  même  cadence  imparfaite  se  prend  encore  de  la 
sous-dominante  à  la  tonique.  On  peut  aussi  l'éviter, 
et  lui  donner  de  cette  manière  une  succession  de  plu- 
sieurs notes ,  dont  les  accords  formeront  une  har- 
monie ascendante ,  dans  laquelle  la  sixte  et  l'octave 
montent  sur  la  tierce  et  la  quinte  de  l'accord ,  tandi-> 
que  la  tierce  et  la  quinte  restent  pour  faire  l'octave  et 
préparer  la  sixte. 

Nul  auteur,  que  je  sache,  n'a  parlé ,  jusqu'à  M.  Ra- 


io4  t;AD 

meau,  de  cette  ascension  harmonique;  lui-même  ne 
la  fait  qu'entrevoir ,  et  il  est  vrai  qu'on  ne  pourroit  ni 
pratiquer  une  longue  suite  de  pareilles  cadences,  à 
cause  des  sixtes  majeures  qui  éloigneroient  la  modu- 
lation, ni  même  en  remplir,  sans  précaution,  toute 
l'harmonie. 

Après  avoir  exposé  les  régies  et  la  constitution  des 
diverses  cadences,  passons  aux  raisons  que  M.  d'Alem- 
bert  donne,  d'après  M,  Rameau,  de  leurs  dénomi- 
nations. 

La  cadence  parfaite  consiste  dans  une  marche  de 
quinte  en  descendant;  et,  au  contraire,  Y  imparfaite 
consiste  dans  une  marche  de  quinte  en  montant  :  en 
voici  la  raison;  quand  je  dis,  ut  sol,  sol  est  déjà  ren- 
fermé dans  Yut ,  puisque  tout  son  ,  comme  ut,  porte 
avec  lui  sa  douzième,  dont  sa  quinte  50/ est  l'octave; 
ainsi,  quand  on  va  ô^utk  sol,  c'est  le  son  générateur 
qui  passe  à  son  produit,  de  manière  pourtant  que 
l'oreille  désire  toujours  de  revenir  à  ce  premier  géné- 
rateur ;  au  contraire ,  quand  on  dit  sol  ut,  c'^st  le  pro- 
duit qui  retourne  au  générateur  ;  l'oreille  est  satisfaite 
et  ne  désire  plus  rien.  De  plus,  dans  cette  marche 
50/  ut,  le  sol  se  fait  encore  entendre  dans  ut  ;  ainsi 
l'oreille  entend  à-la-fois  le  générateur  et  son  produit  : 
au  lieu  que  dans  la  marche  ut  sol,  l'oreille  qui,  dans 
le  premier  son  ,  avoit  entendu  ut  et  sol ,  n'entend  plus, 
dans  le  second,  que  sol  sans  ut.  Ainsi  le  repos  ou  la 
cadence  de  sol  à  ut,  a  plus  de  perfection  que  la  cadence 
ou  le  repos  dut  à  sol.  * 

Il  semble,   continue  M.  d'Alembeit,  que  dans  les 
principes  de  M.  Rameau  on  peut  encore  expliquer 


CAt)  io5 

rcffet  de  la  cadence  rompue  et  de  la  cadence  interrompue. 
Imaginons  ,  pour  cet  effet ,  qu'après  un  accord  de 
septième,  sol  sire  fa,  on  monte  diaioniquement  par 
une  cadence  rompue  à  Taccord  la  ut  mi  sol;  il  est  visible 
que  cet  accord  est  renversé  de  l'accord  de  sous-domi- 
nante ut  mi  sol  la  :  ainsi  la  marche  de  cadence  rompue 
équivaut  à  cette  succession  sol  si  re  fa,  ut  mi  sol  la, 
qui  n'est  autre  chose  qu'une  cadence  parfaite,  dans 
laquelle  ut,  au  lieu  d'être  traitée  comme  tonique, 
est  rendue  sous-dominante.  Or,  toute  tonique,  dit 
M.  d'Alembert,  peut  toujours  être  rendue  sous-do- 
minante, en  changeant  de  mode  :  j'ajouterai  qu'elle 
peut  même  porter  l'accord  de  sixte-ajoutée,  sans  en 
changer. 

A  l'égard  de  la  cadence  interrompue,  qui  consiste  à 
descendre  d  une  dominante  sur  une  autre  par  l'inter- 
valle de  tierce  en  cette  sorte  sol  sire  fa,  mi  sol  si  re,  il 
semble  qu'on  peut  encore  l'expliquer.  En  effet,  le  se- 
cond accord  mi  sol  si  re,  est  renversé  de  l'accord  de 
sous-dominante  sol  si  re  mi  :  ainsi  la  cadence  inler- 
rompue  équivaut  a  cette  succession,  sol  si  re  ja,  sol  si 
re  mi,  où  la  note  sol,  après  avoir  été  traitée  comme 
dominante ,  est  rendue  sous-dominante  en  chan- 
geant de  mode  ;  ce  qui  est  permis  et  dépend  du  com- 
positeur. 

Ces  explications  sont  ingénieuses,  et  montrent  quel 
usage  on  peut  faire  du  double  emploi  dans  les  pas- 
sages qui  semblent  s'y  rapporter  le  moins.  Cependant 
l'intention  de  M.  d'Alembert  n'est  sûrement  pas  qu'on 
s'en  serve  réellement  dans  ceux-ci  pour  la  pratique, 
mais  seulement  pour  l'intelligence  du  renversement. 


JOG  CAD 

Par  exemple,  le  double  emploi  de  la  cadence  inter- 
rompue sauveroit  la  dissonance  fa  par  la  dissonance 
mi,  ce  qui  est  contraire  aux  régies ,  à  Tesprit  des  ré- 
gies, et  surtout  au  jugement  de  l'oreille  ;  car  dan^  la 
sensation  du  second  accord ,  50/51  re  mi,  à  la  suite  du 
premier,  sol  si  refa ,  Toreille  s'obstine  plutôt  à  rejeter 
le  re  du  nombre  des  consonnances,  que  d'admettre 
le  mi  pour  dissonant.  En  général  les  commençants 
doivent  savoir  que  le  double  emploi  peut  être  admis 
sur  un  accord  de  septième  à  la  suite  d'un  accord  con- 
sonnant ,  mais  que  sitôt  qu'un  accord  de  septième  en 
suit  un  semblable,  le  double  emploi  ne  peut  avoir  lieu. 
Il  est  bon  qu'ils  sachent  encore  qu'on  ne  doit  changer 
de  ton  par  nul  autre  accord  dissonant  que  le  sensible; 
d^où  il  suit  que  dans  la  cadence  rompue  on  ne  peut  sup- 
poser aucun  changement  de  ton. 

Il  y  a  une  autre  espèce  de  cadence^  que  les  musi- 
ciens ne  regardent  point  comme  telle,  et  qui,  selon 
la  définition ,  en  est  pourtant  une  véritable  ;  c'est  le 
passage  de  l'accord  de  septième  diminuée  sur  la  note 
sensible  à  l'accord  de  la  tonique.  Dans  ce  passage  il 
ne  se  trouve  aucune  liaison  harmonique  ^-  et  c'est  le 
second  exemple  de  ce  défaut  dans  ce  qu'on  appelle 
cadence.  On  pourroit  regarder  les  transitions  enhar- 
moniques comme  des  manières  d'éviter  cette  même 
cadence  ^  de  même  qu'on  évite  la  cadence  parfaite  d  une 
dominante  à  sa  tonique  par  une  transition  chromati- 
que :  mais  je  me  borne  à  expliquer  ici  les  dénomina- 
tions établies. 

Cadence  est ,  en  terme  de  chant ,  ce  battement  de 
gosier  que  les  Italiens  appellent  trillo^  que  nous  appe- 


CAD  ÎO7 

Ions  aiUrcnient  tremblement ,  et  qui  se  fait  oiclinaire- 
mentsur  la  pénultième  note  dune  phrase  musicale, 
d'où  sans  doute  il  a  pris  le  nom  de  cadence.  On  dit, 
Cette  actrice  a  une  belle  cadence  ;  ce  chanteur  bat  mal  la 
cadence ,  etc. 

Il  V  a  deux  sortes  de  cadences  :  Tune  est  la  cadence 
pleine;  elle  consiste  à  ne  commencer  le  battement  de 
voix  qu'après  en  avoir  appuyé  la  note  supérieure  : 
l'autre  s'appelle  cadence  brisée ,  et  Ton  y  fait  le  batte- 
ment de  voix  sans  aucune  préparation.  (Voyez l'exem- 
ple de  l'une  et  de  l'autre  ,  P/.  B ,  figure  1 3.  ) 

Cadence  (la)  est  une  qualité  de  la  bonne  musique, 
qui  donne  à  ceux  qui  l'exécutent  ou  qui  l'écoutent  uii 
sentiment  vif  de  la  mesure,  en  sorte  qu'ils  la  mar- 
quent et  la  sentent  tomber  à  propos,  sans  qu'ils  y 
pensent  et  comme  par  instinct.  Cette  qualité  est  sur-^ 
tout  requise  dans  les  airs  à  danser  :  Ce  menuet  marque 
bien  la  cadence;  cette  chaconne  manque  de  cadence.  La 
cadence  y  en  ce  sens  étant  une  qualité,  porte  ordinai- 
rement l'article  défini  la;  au  lieu  que  la  cadence  har- 
monique porte ,  comme  individuelle ,  l'article  numéri- 
que: Une  c^àdence  parfaite  ;  trois  Ccidences  évitées ,  etc. 

Cadence  signifie  encore  la  conformité  des  pas  du 
danseur  avec  la  mesure  marquée  par  l'instrument  : 
//  sort  de  cadence  ;  il  est  bien  en  cadence.  Mais  il  faut 
observer  que  la  cadence  ne  se  marque  pas  toujours 
comme  se  bat  la  mesure.  Ainsi  le  maître  de  musique 
marque  le  mouvement  du  menuet  en  frappant  au 
commencement  de  chaque  mesure;  au  lieu  que  le 
maître  à  danser  ne  bat  que  de  deux  en  deux  mesures, 


i08  CAD 


parcequ'il  en  faut  autant  pour  former  les  quatre -pas 
du  menuet. 

Cadencé,  aclj.  Une  musique  bien  cadencée  est  celle 
où  la  cadence  est  sensible,  où  le  rbythme  et  fhar- 
monie  concourent  le  plus  parfaitement  qu  il  est  pos- 
sible à  faire  sentir  le  mouvement  :  car  le  choix  des 
accords  n'est  pas  indifférent  pour  marquer  les  temps 
de  la  mesure,  et  Ton  ne  doit  pas  pratiquer  indifférem- 
ment la  même  harmonie  sur  le  frappé  et  sur  le  levé. 
Oe  même  il  ne  suffit  pas  de  partager  les  mesures  en 
valeurs  égales  pour  en  faire  sentir  les  retours  égaux  : 
mais  le  rhythme  ne  dépend  pas  moins  de  Faccent 
qu  on  donne  à  la  mélodie  que  des  valeurs  qu'on  donne 
aux  notes  ;  car  on  peut  avoir  des  temps  très  égaux  en 
valeurs ,  et  toutefois  très  mal  cadencés  :  ce  n'est  pas 
assez  que  l'égalité  y  soit ,  il  faut  encore  qu'on  la  sente. 

Cadenza,  5.  /.  Mot  italien,  par  lequel  on  indique 
un  point  d'orgue  non  écrit,  et  que  l'auteur  laisse  à 
la  volonté  de  celui  qui  exécute  la  partie  principale , 
afin  qu'il  y  fasse,  relativement  au  caractère  de  l'air, 
les  passages  les  plus  convenables  à  sa  voix ,  à  son  in- 
strument, ou  à  son  goût. 

Ce  point  d'orgue  s'appelle  cadenza  parcequ'il  se  fait 
ordinairement  sur  la  première  note  d'une  cadence 
finale ,  et  il  s'appelle  aussi  arbitrio  à  cause  de  la  liberté 
qu'on  y  laisse  à  l'exécutant  de  se  livrer  à  ses  idées  et 
de  suivre  son  propre  goût.  La  musique  françoise, 
surtout  la  vocale,  qui  est  extrêmement  servile,  ne 
laisse  au  chanteur  aucune  pareille  liberté ,  dont  même 
il  seroit  fort  embarrassé  de  faire  usage. 

Canarder,  v.  n.  C'est,  en  jouant  du  hautbois,  tirer 


CAN  109 

mi  son  nasillard  et  rauque,  approchant  du  cri  du  ca- 
nard; c'est  ce  qui  arrive  aux  commençants,  et  surtout 
dans  le  bas ,  pour  ne  pas  serrer  assez  Tanche  des 
lèvres.  Il  est  aussi  très  ordinaire  à  ceux  qui  chantent 
la  haute-contre  de  canarder;  parceque  la  haute-contre 
est  une  voix  factice  et  forcée  qui  se  sent  toujours  de 
la  contrainte  avec  laquelle  elle  sort. 

Canarie,  s.  f.  Espèce  de  gigue  dont  lair  est  d'un 
mouvement  encore  plus  vif  que  celui  de  la  gigue 
ordinaire  :  c'est  pourquoi  Ton  le  marque  quelquefois 
par  —  :  cette  danse  n'est  plus  en  usage  aujourd'hui. 
(Voyez  Gigue.) 

Canevas,  s.  m.  C'est  ainsi  qu'on  appelle  à  l'Opéra 
de  Paris  des  paroles  que  le  musicien  ajuste  aux  notes 
d'un  air  à  parodier.  Sur  ces  paroles,  qui  ne  signifient 
rien,  le  poète  en  ajuste  d'autres  qui  ne  signifient  pas 
grand'chose,  où  l'on  ne  trouve  pour  l'ordinaire  pas 
plus  d'esprit  que  de  sens,  où  la  prosodie  françoise  est 
ridiculement  estropiée ,  et  qu'on  appelle  encore  avec 
grande  raison  des  canevas. 

Canon,  s.  m.  C'étoit  dans  la  musique  ancienne  une 
règle  ou  méthode  pour  déterminer  les  rapports  des 
intervalles.  L'on  donnoit  aussi  le  nom  de  canon  à  l'in- 
strument par  lequel  on  trouvoit  ces  rapports,  et  Pto- 
lomée  a  donné  le  même  nom  au  livre  que  nous  avons 
de  lui  sur  les  rapports  de  tous  les  intervalles  harmo- 
niques. En  général ,  on  appeloit  sectio  canonis  la  divi- 
sion du  monocorde  par  tous  ces  intervalles,  et  canon 
universalis  le  monocorde  ainsi  divisé,  ou  la  table  qui 
le  représentoit.  (Voyez  Monocorde.) 

Canon,  en   musique  moderne,  est  une  sorte  de 


iro  CAN 

fugue  qu'on  sippelle  perpétuelle,  parceque  les  parties  , 
partant  Tune  après  l'autre  ,  répètent  sans  cesse  le 
même  chant. 

Autrefois ,  dit  Zarlin,  on  mettoit  à  la  tête  des  fugues 
perpétuelles ,  qu'il  appelle  fucjlie  in  conseguenza ,  cer- 
tains avertissements  qui  marquoient  comment  il  fal- 
îoit  chanter  ces  sortes  de  fugues  ;  et  ces  avertisse- 
ments ,  étant  proprement  les  régies  de  ces  fugues  , 
s'intituloient  canoni,  régies,  canons.  De  là ,  prenant  le 
titre  pour  la  chose,  on  a,  par  métonymie,  nommé 
canon  cette  espèce  de  fugue. 

Les  canons  les  plus  aisés  à  faire  et  les  plus  communs 
se  prennent  à  Tunisson  ou  à  Toctave ,  c'est-à-dire  que 
chaque  partie  répète  sur  le  même  ton  le  chant  de  celle 
qui  la  précède.  Pour  composer  cette  espèce  de  canon , 
il  ne  faut  qu'imaginer  un  chant  à  son  gré,  y  ajouter 
en  partition  autant  de  parties  qu'on  veut,  à  voix 
égales ,  puis ,  de  toutes  ces  parties  chantées  successive- 
ment, former  un  seul  air;  tâchant  que  cette  succession 
produise  un  tout  agréable,  soit  dans  l'harmonie,  soit 
dans  le  chant. 

Pour  exécuter  un  tel  canon,  celui  qui  doit  chanter 
le  premier  part  seul,  chantant  de  suite  l'air  entier,  et 
le  recommençant  aussitôt  sans  interrompre  la  mesure. 
Dès  que  celui-ci  a  fini  le  premier  couplet,  qui  doit 
servir  de  sujet  perpétuel ,  et  sur  lequel  le  canon  entier 
a  été  composé ,  le  second  entre,  et  commence  ce  même 
premier  couplet,  tandis  que  le  premier  entré  poursuit 
le  second  :  les  autres  partent  de  même  successive- 
ment, dès  que  celui  qui  les  précède  est  à  la  fin  du 
même  premier  couplet;  en  recommençant  ainsi  sans 


CAN  m 

cesse,  on  ne  trouve  jamais  de  fin  générale,  et  Ton 
poursuit  le  canon  aussi  long-temps  qu'on  veut. 

L'on  peut  encore  prendre  une  fugue  perpétuelle  à 
la  quinte  ou  à  la  quarte ,  c'est-à-dire  que  chacpie  partie 
répétera  le  chant  de  la  précédente  une  quinte  ou  une 
quarte  plus  haut  ou  plus  bas.  Il  faut  alois  que  le  canon 
soit  imaginé  tout  entier,  di  prima  intenzione^  comme 
disent  les  Italiens,  et  que  l'on  ajoute  des  bémols  ou 
des  dièses  aux  notes  dont  les  degrés  naturels  ne  ren- 
droient  pas  exactement,  à  la  quinte  ou  à  la  quarte,  le 
chant  de  la  partie  précédente.  On  ne  doit  avoir  égard 
ici  à  aucune  modulation ,  mais  seulement  à  l'identité 
du  chant  :  ce  qui  rend  la  composition  du  canon  plus  dif- 
ficile; car  à  chaque  fois  qu'une  partie  reprend  la  fugue 
elle  entre  dans  un  nouveau  ton;  elle  en  change  pres- 
que à  chaque  note,  et,  qui  pis  est,  nulle  partie  ne  se 
trouve  à-la-fois  dans  le  même  ton  qu'une  autre;  ce  qui 
fait  que  ces  sortes  de  canons,  d'ailleurs  peu  faciles  à 
suivre,  ne  font  jamais  un  effet  agréable,  quelque 
bonne  qu'en  soit  l'harmonie,  et  quelque  bien  chantés 
qu'ils  soient. 

Il  y  a  une  troisième  sorte  de  canons,  très  rares, 
tant  à  cause  de  l'excessive  difficulté,  que  parceque 
ordinairement  dénués  d'agréments ,  ils  n'ont  d'autre 
mérite  que  d'avoir  coûté  beaucoup  de  peine  à  faire  ; 
c'est  ce  qu'on  pourroit  appeler  double  canon  renversé^ 
tant  par  l'inversion  qu'on  y  met  dans  le  chant  des 
parties ,  que  par  celle  qui  se  trouve  entre  les  parties 
mêmes  en  les  chantant.  Il  y  a  un  tel  artifice  dans  cette 
espèce  de  canons,  que,  soit  qu'on  chante  les  parties 
dans  l'ordre  naturel,  soit  qu'on  renverse  le  papier 


112  C  A  N 

pour  les  chanter  dans  un  ordre  rétrograde,  en  sorte 
que  Ton  commence  par  la  fin ,  et  que  la  basse  devienne 
le  dessus,  on  a  toujours  une  bonne  harmonie  et  un 
canon  régulier.  Voyez  (  Planche  D  ,  fig.  1 1 .  )  deux 
exemples  de  cette  espèce  de  canons  tirés  de  Bontempi, 
lequel  donne  aussi  des  régies  pour  les  composer.  Mais 
on  trouvera  le  vrai,  principe  de*  ces  régies  au  mot 
Système,  dans  l'exposition  de  celui  de  M.  Tartini. 

Pour  faire  un  canon  dont  Tharmonie  soit  un  peu 
variée,  il  faut  que  les  parties  ne  se  suivent  pas  trop 
promptement,  que  Tune  n'entre  que  long-temps  après 
l'autre.  Quand  elles  se  suivent  si  rapidement,  comme 
à  la  pause  ou  demi-pause,  on  n'a  pas  le  temps  d'y  faire 
passer  plusieurs  accords ,  et  le  canon  ne  peut  manquer 
d'être  monotone;  mais  c'est  un  moyen  de  faire  sans 
beaucoup  de  peine  des  canons  à  tant  de  parties  qu'on 
veut;  car  un  canon  de  quatre  mesures  seulement  sera 
déjà  à  huit  parties ,  si  elles  se  suivent  à  la  demi-pause; 
et,  à  chaque  mesure  qu'on  ajoutera.  Ton  gagnera 
encore  deux  parties. 

L'empereur  Charles  VI ,  qui  étoit  grand  musicien 
et  composoit  très  bien ,  se  plaisoit  beaucoup  à  faire  et 
chanter  des  canons.  L'Itahe  est  encore  pleine  de  fort 
beaux  canons  qui  ont  été  faits  pour  ce  prince  par  les^ 
meilleurs  maîtres  de  ce  pays-là. 

Cantabile.  Adjectif  italien,  qui  signifie  chantable, 
commode  à  chanter.  Il  se  dit  de  tous  les  chants  dont,  en 
quelque  mesure  que  ce  soit,  les  intervalles  ne  sont 
pas  trop  grands  ni  les  notes  trop  précipitées,  de  sorte 
qu'on  peut  les  chanter  aisément  sans  (brcer  ni  gêner 
Ja  voix.  Le  mot  cantabile  passe  aussi  peu-à-peu  dans 


I 


CAN  Il3 

Fusa^je  François.  On  dit,  Parlez^moi  du  cantabile;  un 
beau  cantabile  me  plaît  plus  que  tous  vos  airs  d'exé^ 
eut  ion. 

Cantate,  s.  f.  Sorte  de  petit  poème  lyrique,  qui 
se  chante  avec  des  accompagnements,  et  qui,  bien 
que  fait  pour  la  chambre ,  doit  recevoir  du  musicien 
la  chaleur  et  les  grâces  de  la  musique  imitative  et 
théâtrale.  Les  cantates  sont  ordinairement  composées 
de  trois  récitatifs  et  d'autant  d'airs.  Celles  qui  sont  en 
récits,  et  les  airs  en  maximes,  sont  toujours  froides 
et  mauvaises  ;  le  musicien  doit  les  rebuter.  Les  meil- 
leures sont  celles  où,  dans  une  situation  vive  et  tou- 
chante, le  principal  personnage  parle  lui-même;  car 
nos  cantates  sont  communément  à  voix  seule.  Il  y  en 
a  pourtant  quelques  unes  à  deux  voix  en  forme  de 
dialogue,  et  celles-là  sont  encore  agréables  quand  on 
y  sait  introduire  de  Tintérét.  Mais  comme  il  faut  tou- 
jours un  peu  d'échafaudage  pour  faire  une  sorte  d'ex- 
position et  mettre  l'auditeur  au  fait,  ce  n'est  pas  sans 
raison  que  les  cantates  ont  passé  de  mode,  et  qu'on 
leur  a  substitué,  même  dans  les  concerts,  des  scènes 
d'opéra. 

La  mode  des  cantates  nous  est  venue  d'Italie,  comme 
on  le  voit  par  leur  nom ,  qui  est  italien  ;  et  c'est  l'Italie 
aussi  qui  les  a  proscrites  la  première.  Les  cantates 
qu'on  y  fait  aujourd'hui  sont  de  véritables  pièces  dra- 
matiques à  plusieurs  acteurs,  qui  ne  diffèrent  des 
opéra  qu'en  ce  que  ceux-ci  se  représentent  au  théâtre, 
et  que  les  cantates  ne  s'exécutent  qu'en  concert  :  de 
sorte  que  la  cantate  est  sur  un  sujet  profane  ce  qu'est 
l'oratorio  sur  un  sujet  sacré. 

XIV,  •       8 


Il4  CAiN 

Cantatille,  s.f.  diminutif  de  cantate,  n'est  en  effet 
qu'une  cantate  fort  courte,  dont  le  sujet  est  lié  par 
quelques  vers  de  récitatif,  en  deux  ou  trois  airs  en 
rondeau  pour  l'ordinaire  avec  des  accompagnements 
de  symphonie.  Le  genre  de  la  cantatille  xaut  moins 
encore  que  celui  de  la  cantate,  auquel  on  l'a  substitué 
parmi  nous.  Mais,  comme  on  n'y  peut  développer  ni 
passions  ni  tableaux,  et  qu'elle  n  est  susceptible  que 
de  gentillesse,  c'est  une  ressource  pour  les  petits  fai~ 
seurs  de  vers  et  pour  les  musiciens  sans  génie. 

Cantique,  s.  m.  Hymne  que  l'on  chante  en  l'hon- 
neur de  la  Divinité. 

Les  premiers  et  les  plus  anciens  cantiques  furent 
composés  à  l'occasion  de  quelque  événement  mémo- 
rable ,  et  doivent  être  comptés  entre  les  plus  anciens 
monuments  historiques. 

Ces  cantiques  étoient  chantés  par  des  chœurs  de 
musique  et  souvent  accompagnés  de  danses,  comme 
il  paroît  par  l'Ecriture.  La  plus  grande  pièce  qu'elle 
nous  offre  en  ce  genre,  est  le  Cantique  des  Cantiques^ 
ouvrage  attribué  à  Salomon,  et  que  quelques  auteurs 
prétendent  n'être  que  l'épithalame  de  son  mariage 
avec  la  fille  du  roi  d'Egypte.  Mais  les  théologiens  mon- 
trent sous  cet  emblème  l'union  de  Jésus-Christ  et  de 
l'Église.  Le  sieur  de  Caliusac  ne  voyoit  dans  le  Can- 
tique  des  Cantiques  qu'un  opéra  très  bien  fait:  les 
scènes,  les  récits,  les  duo  ,  les  chœurs,  rien  n'y  man- 
quoit  selon  lui,  et  il  ne  doutoitpas  même  que  cet  opéra 
n'eût  été  représenté. 

Je  ne  sache  pas  qu'on  ait  conservé  le  nom  de  canti- 
que à  aucun  des  chants  de  l'Église  romaine  :  si  ce  n'est 


CIAR  ll5 

le  Cantique  de  Siméon ,  celui  de  Zacharie  ,  et  le 
Magnificat^  appelé  le  Cantique  de  la  Vierge.  Mais 
parmi  nous  on  appelle  cantique  tout  ce  qui  se  chante 
dans  nos  temples  ,  excepté  les  psaumes  qui ,  conser- 
vent leur  nom. 

Les  Grecs  ddnnoient  encore  le  nom  de  cantiques  à 
certains  monologues  passionnés  de  leurs  tragédies, 
qu'on  chantoit  sur  le  mode  hypodorien,  ou  sur  Thy- 
pophrygien,  comme  nous  Fapprend  Aristote  au  dix- 
neuvième  de  ses  problèmes. 

Canto.  Ce  mot  italien ,  écrit  dans  une  partition  sur 
la  portée  vide  du  premier  violon,  marque  qu'il  doit 
jouer  à  Tunisson  sur  la  partie  chantante. 

Caprice,  s.  m.  Sorte  de  pièce  de  musique  libre,  dans 
laquelle  Fauteur,  sans  s'assujettir  à  aucun  sujet, 
donne  carrière  à  son  génie  et  se  livre  à  tout  le  feu  de 
la  composition.  Le  caprice  de  Rebel  étoit  estimé  dans 
son  temps.  Aujourd'hui  les  caprices  de  Locatelli  don- 
nent de  l'exercice  à  nos  violons. 

Caractères  de  musique.  Ce  sont  les  divers  signes 
qu'on  emploie  pour  représenter  tous  les  sons  de  la 
mélodie,  et  toutes  les  valeurs  des  tepips  et  de  la  me- 
sure; de  sorte  qu'à  l'aide  de  ces  caractères  on  puisse 
lire  et  exécuter  la  musique  exactement  comme  elle  a 
été  composée,  et  cette  manière  d'écrire  s'appelle  noter. 
(Voyez  Notes.)  , 

Il  n'y  a  que  les  nations  de  l'Europe  qui  sachent 
écrire  leur  musique.  Quoique  dans  les  autres  parties 
du  monde  chaque  peuple  ait  aussi  la  sienne-,  il  ne 
paroit  pas  qu'aucun  d'eux  ait  poussé  ses  recherches 
jusqu'à  des  caractères  poui^  la  noter.  Au  moins  est-il 

8. 


ïl6  CAR 

sûr  que  les  Arabes  ni  les  Chinois,  les  deux  peuples 
étrangers  qui  ont  le  plus  cultivé  les  lettres,  n'ont  ni 
Tun  ni  l'autre  de  pareils  caractères.  A  la  vérité  les  Per- 
sans donnent  des  noms  de  villes  de  leur  pays  ou  des 
parties  du  corps  humain  aux  quarante-huit  sons  de 
leur  musique:  ils  disent,  par  exemple,  pour  donner 
l'intonation  d'un  air,  Allez  de  cette  ville  à  celle-là^  ou 
allez  du  doigt  au  coude;  mais  ils  n'ont  aucun  signe  pro- 
pre pour  exprimer  sur  le  papier  ces  mêmes  sons  :  et, 
quant  aux  Chinois,  on  trouve  dans  le  P.  du  Halde 
qu'ils  furent  étrangement  surpris  de  voir  les  jésuites 
noter  et  lire  sur  cette  même  note  tous  les  airs  chinois 
qu'on  leur  faisoit  entendre. 

Les  anciens  Grecs  se  servoient  pour  caractères  dans 
leur  musique,  ainsi  que  dans- leur  arithmétique,  des 
lettres  de  leur  alphabet;  mais  au  lieu  de  leur  donner 
dans  la  musique  une  valeur  numéraire  qui  marquât 
les  intervalles,  ils  se  contentoient  de  les  employer 
comme  signes,  les  combinant  en  diverses  manières, 
les  mutilant,  les  accouplant,  les  couchant,  les  retour- 
nant différemment,  selon  les  genres  et  les  modes; 
comme  on  peut  voir  dans  le  recueil  d'Alypiiis.  Les 
Latins  les  imitèrent  en  se  servant,  à  leur  exemple,  des 
lettres  de  l'alphabet;  et  il  nous  en  reste  encore  la 
lettre  jointe  au  nom  de  chaque  note  de  notre  échelle 
diatonique  et  naturelle. 

Gui  Arétin  imagina  les  lignes ,  les  portées ,  les 
signes  particuliers,  qui  nous  sont  demeurés  sous  le 
nom  de  notes,  et  qui  sont  aujourd'hui  la  langue  mu- 
sicale et  universelle  de  toute  l'Europe.  Comme  ces 
derniers  signes,  quoique  admis  unanimement  et  pcr- 


Cx\R  JI7 

fectionnés  depuis  l'Arétin ,  ont  encore  de  grands  dé- 
fauts ,  plusieurs  ont  tenté  de  leur  substituer  d'autres 
notes:  de  ce  nombre  ont  été  Parran,  Souhaitti,  Sau- 
veur, Dumas,  et  moi-même.  Mais  comme,  au  fond, 
tous  ces  systèmes ,  en  corrigeant  d'anciens  défauts 
auxquels  on  est  tout  accoutumé,  ne  faisoient  qu'en 
substituer  d'autres  dont  l'habitude  est  encore  à  pren- 
dre, je  pense  que  le  public  a  très  sagement  fait  de 
laisser  les  choses  comme  elles  sont ,  et  de  nous  ren- 
voyer, nous  et  nos  systèmes,  au  pays  des  vaines  spé- 
culations. 

Carillon.  Sorte  d'air  fait  pour  être  exécuté  par 
plusieurs  cloches  accordées  à  différents  tons.  Comme 
on  fait  plutôt  le  carillon  pour  les  cloches  que  les  clo- 
ches pour  le  carillon, Y  on  n'y  fait  entrer  qu'autant  de 
sons  divers  qu'il  y  a  de  cloches.  Il  faut  observer,  de 
plus,  que  tous  leurs  sons  ayant  quelque  permanence, 
chacun  de  ceux  qu'on  frappe  doit  faire  harmonie 
avec  celui  qui  le  précède  et  avec  celui  qui  le  suit  ;  assu- 
jettissement qui,  dans  un  mouvement  gai,  doit  s'éten- 
dre à  toute  une  mesure  et  même  au-delà,  afin  que  les 
sons  qui  durent  ensemble  ne  dissonent  point  à  l'oreille. 
Il  y  a  beaucoup  d'autres  observations  à  faire  pour 
composer  un  bon  carillon^  et  qui  rendent  ce  travail 
plus  pénible  que  satisfaisant;  car  c'est  toujours  une 
sotte  musique  que  celle  des  cloches,  quand  même 
tous  les  sons  en  seroient  e-xactement  justes;  ce  qui 
n'arrive  jamais.  On  trouvera  {Planche  J ,  fig.  14) 
l'exemple  d'un  carillon  consonnant,  composé  pour 
être  exécuté  sur  une  pendule  à  neuf  timbres,  faite  par 
M.  Romilly,  célèbre  horloger.  On  conçoit  que  l'ex- 


Il8  CAS 

trême  gêne,  à  laquelle  assujettissent  le  concours  har- 
monique des  sons  voisins  et  le  petit  nombre  des  tim- 
bres, ne  permet  guère  de  mettre  du  chant  dans  un 
semblable  air. 

Cartelles.  Grandes  feuilles  de  peau  d'âne  prépa- 
rées, sur  lesquelles  on  entaille  les  traits  des  portées, 
pour  pouvoir  y  noter  tout  ce  qu'on  veut  en  compo- 
sant, et  l'effacer  ensuite  avec  une  éponge;  l'autre 
côté  qui  n'a  point  de  portées,  peut  servir  à  écrire  et 
barbouiller,  et  s'efface  de  même,  pourvu  qu'on  n'y 
laisse  pas  trop  vieillir  l'encre.  Avec  une  cartelle  un 
compositeur  soigneux  en  a  pour  sa  vie,  et  épargne 
bien  des  rames  de  papier  réglé  ;  mais  il  y  a  ceci  d'in- 
commode, que  la  plume  passant  continuellement  sur 
les  lignes  entaillées,  gratte  et  s'émousse  facilement. 
Les  cartelles  viennent  toutes  de  Rome  ou  de  Napl^s. 

Castrato,  s.  m.  Musicien  qu'on  a  privé  dans  son 
enfance  des  organes  de  la  génération,  pour  lui  con- 
server la  voix  aiguë  qui  chante  la  partie  appelée 
dessus  ou  soprano.  Quelque  peu  de  rapport  qu'on  aper- 
çoive entre  deux  organes  si  différents,  il  est  cejtain 
que  la  mutilation  de  l'un  prévient  et  empêche  dans 
Fauti  e  cette  mutation  qui  survient  aux  hommes  à  l'âge 
nubile,  et  qui  baisse  tout-à-coup  leur  voix  d'une  octave. 
B  se  trouve  en  Italie  des  pères  barbares  qui,  sacrifiant 
la  nature  à  la  fonune ,  livrent  leurs  enfants  à  cette 
opération  ,  pour  le  plaisir  des  gens  voluptueux  et 
cruel«^i  qui  osent  rechercher  le  chant  de  ces  malheu- 
reux. Laissons  aux  honnêtes  femmes  des  grandes  villes 
les  ris  modestes,  l'air  dédaigneux  et  les  propos  plai- 
sants dont  ils  sont  l'éternel  objet:  mais  faisons  enten- 


CAT  119 

drc,  s'il  se  peut,  la  voix  de  la  pudeur  el  de  riiumanité 
qui  crie  et  s'élève  contre  cet  infâme  usage;  et  que  les 
princes  qui  Tencouragent  par  leurs  recherches,  rou- 
gissent luie  fois  de  nuire  en  tant  de  façons  à  la  conser- 
vation de  l'espèce  humaine. 

Au  reste,  l'avantage  de  la  voix  se  compense  dans 
les  castrat i  par  beaucoup  d'autres  pertes.  Ces  hommes 
qui  chantent  si  bien ,  mais  sans  chaleur  et  sans 
passion ,  sont  sur  le  théâtre  les  plus  maussades  acteurs 
du  monde;  ils  perdent  leur  voix  de  très  bonne  heure, 
et  prennent  un  embonpoint  dégoûtant;  ils  parlent  et 
prononcent  plus  mal  que  les  vrais  hommes,  et  il  y  a 
même  des  lettres,  telles  que  l'r,  qu'ils  ne  peuvent 
point  prononcer  du  tout. 

Quoique  .le  mot  castrato  ne  puisse  offenser  les  plus 
délicates  oreilles  ,  il  n'en  est  pas  de  même  de  son  sy- 
nonyme françois  ;  preuve  évidente  que  ce  qui  rend  les 
mots  indécents  oudéshonnêtes  dépend  moins  des  idées 
qu'on  leur  attache,  que  de  l'usage  de  la  bonne  com- 
pagnie, qui  les  tolère  ou  les  proscrit  à  son  gré. 

On  pourroit  dire  cependant  que  le  mot  italien 
s'admet  comme  représentant  une  profession ,  au  lieu 
que  le  mot  françois  ne  représente  que  la  privation 
qui  y  est  jointe. 

Gatabaucalèse.  Chanson  des  nourrices  chez  les 
anciens.  (Voyez  Chanson.) 

Catacoustique  ,  s.f.  Science  qui  a  pour  objet  les 
sons  réfléchis,  ou  cette  partie  de  l'acoustique  qui 
considère  les  propriétés  des  échos.  Ainsi  la  catacous- 
tique est  à  l'acoustique  ce  que  la  catoptrique  est  à 
l'optique. 


% 


120  OH A 

Cataphonïque  ,  5.  /.  Science  des  sons  réflécliib  . 
qu'on  appelle  aussi  catacoustique.  (  Voyez  iarticle 
précédent.  ) 

Cavatine,  s.  f.  Sorte  d'air  pour  l'ordinaire  assez 
court,  qui  n'a  ni  reprise,  ni  seconde  partie,  et  qui  s^ 
trouve  souvent  dans  des  récitatifs  obligés.  Ce  change- 
ment subit  du  récitatif  au  chant  mesuré ,  et  le  retour 
inattendu  du  chant  mesuré  au  récitatif,  produisent 
un  effet  admirable  dans  les  grandes  expressions , 
comme  sont  toujours  celles  du  récitatif  obligé. 

Le  mot  cavatina  est  italien  ;  et  quoique  je  ne  veuille 
pas,  comme  Brossard,  expliquer  dans  un  diction- 
naire françois  tous  les  mots  techniques  italiens ,  sur- 
tout lorsque  ces  mots  ont  des  synonymes  dans  notre 
langue,  je  me  crois  pourtant  obligé  d'expliquer  ceux 
de  ces  mêmes  mots  qu'on  emploie  dans  la  musique 
notée,  parcequ'en  exécutant  cette  musique,  il  con- 
vient d'entendre  les  termes  qui  s'y  trouvent ,  et  que 
l'auteur  n'y  a  pas  mis  pour  rien. 

Centonisër,  V.  n.  Terme  de  plain-chant.  C'est  com- 
poser un  chant  de  traits  recueillis  et  arrangés  pour  la 
mélodie  qu'on  a  en  vue.  Cette  manière  de  composer 
n'est  pas  de  l'invention  des  symphoniastes  modernes , 
puisque,  selon  l'abbé  Le  Bœuf,  saint  Grégoire  lui- 
même  a  centonisé. 

Chaconne,  5.  /.  Sorte  de  pièce  de  musique  faite 
pour  la  danse,  dont  la  mesure  est  bien  marquée  et  le 
mouvement  modéré.  Autrefois  il  y  avoit  des  chaconnes 
à  deux  temps  et  à  trois  ;  mais  on  n'en  fait  plus  qu'à 
trois.  Ce  sont  pour  l'ordinaire  des  chants  qu'on  ap- 
pelle couplets ,  composés  et  variés  en  diverses  ma- 


CHA  121 

iiières  sur  une  basse  contrainte  de  quatre  en  quatre 
mesures,  commençant  presque  toujours  par  le  second 
temps  pour  prévenir  Tinterruption.  On  s'est  affranchi 
peu-à-peu  de  cette  contrainte  de  la  basse ,  et  Ton  n'y 
a  presque  plus  aucun  égard. 

La  beauté  de  la  chaconne  consiste  à  trouver  des 
chants  qui  marquent  bien  le  mouvement,  et,  comme 
elle  est  souvent  fort  longue,  à  varier  tellement  les 
couplets  qu'ils  contrastent  bien  ensemble ,  et  qu'ils 
réveillent  sans  cesse  l'attention  de  l'auditeur.  Pour 
cela ,  on  passe  et  repasse  à  volonté  du  majeur  au  mi- 
neur, sans  quitter  pourtant  beaucoup  le  ton  prin- 
cipal ;  et  du  grave  au  gai ,  ou  du  tendre  au  vif,  sans 
presser  ni  ralentir  jamais  la  mesure. 

La  chaconne  est  née  en  Italie ,  et  elle  y  étoit  au- 
trefois fort  en  usage ,  de  même  qu'en  Espagne.  On  ne 
la  connoît  plus  aujourd'hui  qu'en  France  dans  nos 
opéra. 

Chanson.  Espèce  de  petit  poème  lyrique  fort  court, 
qui  roule  ordinairement  sur  des  sujets  agréables,  au- 
quel on  ajoute  un  air  pour  être  chanté  dans  des  occa- 
sions familières,  comme  à  table,  avec  ses  amis,  avec 
sa  maîtresse,  et  même  seul,  pour  éloigner  quelques 
instants  l'ennui,  si  l'on  est  riche,  et  pour  supporter 
plus  doucement  la  misère  et  le  travail ,  si  l'on  est 
pauvre. 

L'usage  des  chansons  semble  être  une  suite  natu- 
relle de  celui  de  la  parole,  et  n'est  en  effet  pas  moins 
général  ;  car  partout  où  l'on  parle ,  on  chante.  Il  n'a 
fallu  pour  les  imaginer  que  déployer  ses  organes , 
donner  un  tour  agréable  aux  idées  dont  on  aimoit  à 


112  CHA 

is'occuper,  et  fortifier  par  Texpression  dont  la  voix  est 
capable  le  sentiment  qu'on  vouloit  rendre,  ou  Timage 
qu'on  vouloit  peindre.  Aussi  les  anciens  n'avoient-ils 
point  encore  Fart  d'écrire,  qu'ils  avoient  déjà  des 
chansons.  Leurs  lois  et  leurs  histoire«s,  les  louanges 
des  dieux  et  des  héros,  furent  chantées  avant  d'être 
écrites.  Et  de  là  vient,  selon  Aristote,  que  le  même 
nom  grec  fut  donné  aux  lois  et  aux  chansons. 

Toute  la  poésie  lyrique  n'étoit  proprement  que  des 
chansons  :  mais  je  dois  me  borner  ici  à  parler  de  celle 
qui  portoit  plus  particulièrement  ce  nom ,  et  qui  en 
avoit  mieux  le  caractère  selon  nos  idées. 

Commençons  par  les  airs  de  table.  Dans  les  pre- 
miers temps,  dit  M.  de  La  Nauze,  tous  les  convives, 
au  rapport  de  Dicéarque,  de  Plutarque  et  d'Artémon  , 
chantoient  ensemble  et  d'une  seule  voix  les  louanges 
de  la  Divinité.  Ainsi  ces  chansons  étoient  de  véritables 
péans  ou  cantiques  sacrés.  Les  dieux  n'étoient  point 
pour  eux  des  trouble-fêtes ,  et  ils  ne  déjlaignoient  pas 
de  les  admettre  dans  leurs  plaisirs. 

Dans  la  suite,  les  convives  chantoient  successive- 
ment, chacun  à  son  tour,  tenant  une  branche  de 
înyrte,  qui  passoit  de  la  main  de  celui  qui  venoit  de 
chanter  à  celui  qui  cliantoit  après  lui.  Enfin,  quand 
la  muaique  se  perfectionna  dans  la  Grèce  ,  et  qu'on 
employa  la  lyre  dans  les  festins ,  il  n'y  eut  plus ,  disent 
les  auteurs  déjà  cités,  que  les  habiles  gens  qui  fussent 
en  état  de  chanter  à  table,  du  moins  en  s'accompa- 
gnant  de  la  lyre.  Les  autres,  contraints  de  s'en  tenir 
à  la  branche  de  myrte,  donnèrent  lieu  à  un  proverbe 


cil  A  123 

^'rec,  par  lequel  on  disoit  qu'un  homme  chantoit  au 
myrte ,  quand  on  vouloit  le  taxer  d  ignorance. 

Ces  chansons  accompagnées  de  la  lyre  ,  et  dont 
Terpandre  fut  Tinventeur ,  s  appellent  scolies,  mot  qui 
signifie  oblique  ou  toi^tueux ^  pour  marquer,  selon  Plu- 
tarque,  la  difficulté  de  la  chanson^  ou,  comme  le  veut 
Artémon,  la  situation  irrégulière  de  ceux  qui  cban- 
tpient;  car  comme  il  falloit  être  habile  pour  chanter 
ainsi,  chacun  ne  chantoit  pas  à  son  rang,  mais  seule- 
ment ceux  qui  savoient  la  musique,  lesquels  se  trou^ 
voient  dispersés  çà  et  là  et  placés  obliquement  Tun 
par  rapport  à  l'autre. 

Les  sujets  des  scolies  se  tiroient  non  seulement  de 
Famour  et  du  vin,  ou  du  plaisir  en  général ,  comme 
aujourd'hui,  mais  encore  de  Fliistoire,  de  la  guerre  , 
et  même  de  la  morale.  Telle  est  la  chanson  d'Aristote 
sur  Ig  mort  d'Hermias  son  ami  et  son  alhé,  laquelle 
fit  accuser  son  auteur  d'impiété. 

«  O  vertu  l  qui,  malgré  les  difficultés  que  vous  pré- 
«sentez  aux  foibles  mortels,  êtes  l'objet  charmant 
«  de  leurs' recherches  1  vertu  pure  et  aimable!  ce  fut 
«  toujours  aux  Grecs  un  destin  digned'envie  de  mou- 
«  rir  pour  vous,  et  de  souffrir  avec  constance  les 
«  maux  les  plus  affreux.  Telles  sont  les  semences 
«  d'immortalité  que  vous  répandez  dans  tous  les 
«  cœurs.  Les  fruits  en  sont  plus  précieux  que  l'or, 
«que  l'amitié  des  parents,  que  le  sommeil  le  plus 
«  tranquille.  Pour  vous  le  divin  Hercule  et  les  fils  de 
«  Léda  supportèrent  mille  travaux,  et  le  succès  de 
u  leurs  exploits  annonça  votre  puissance.  C'est  par 
«  amour  pour  vous  qu'Achille  et  Ajax  descendirent 


1^4  eu A 

«dans  Tempire  de  Pluton,  et  cest  en  vue  de  votre 
«  céleste  beauté  que  le  prince  d'Atarne  s'est  aussi 
«privé  de  la  lumière  du  soleil.  Prince  à  jamais  célé- 
«  bre  par  ses  actions ,  les  filles  de  mémoire  chanteront 
f'  sa  gloire  toutes  les  fois  qu'elles  chanteront  le  culte 
«  de  Jupiter  hospitalier,  et  le  prix  d  une  amitié  du- 
«  rable  et  sincère.  » 

Toutes  leurs  chansons  morales  n'étoient  pas  si 
graves  que  celles-là.  En  voici  une  d'un  goût  différent , 
tirée  d'Athénée  : 

«  Le  premier  de  tous  les  biens  est  la  santé  :  le  se- 
«  cond,  la  beauté;  le  troisième,  les  richesses  amassées 
«  sans  fraude;  et  le  quatrième,  la  jeunesse  qu'on  passe 
«  avec  ses  amis.  » 

Quant  aux  scolies  qui  roulent  sur  l'amour  et  le  vin , 
on  en  peut  juger  par  les  soixante-dix  odes  d'iVnacréon 
qui  nous  restent:  mais,  dans  ces  sortes  de  chansons 
mêmes,  on  voyoit  encore  briller  cet  amour  de  la  pa- 
trie et  de  la  liberté  dont  tous  les  Grecs  étoient  trans- 
portés. 

«Du  vin  et  de  la  santé,  dit  une  de  ces  chansons^ 
«  pour  ma  Clitagora  et  pour  moi ,  avec  le  secours  des 
«  Thessaliens.  »  C'est  qu'outre  que  Clitagora  étoit 
Thessalienne,  les  Athéniens  avoient  autrefois  reçu  du 
secours  des  Thessaliens  contre  la  tyrannie  des  Pisis- 
tratides. 

Ils  avoient  aussi  des  chansons  pour  les  diverses 
professions  :  telles  étoient  les  chansons  des  bergers, 
dont  une  espèce,  appelée  hucoliasme^  étoit  le  véri- 
table chant  de  ceux  qui  conduisoient  le  bétail  ;  et 
l'autre  ,  qui  est  proprement  la  pastorale ,  en  étoit 


CITA  125 

Tagrcable  imitation  :  la  chanson  des  moissonneurs, 
appelée  le  Iftierse,  du  nom  d'un  fils  de  Midas,  qui 
s'occupoit  par  goût  à  faire  la  moisson  :  la  chanson  des 
meuniers,  appelée  hyniée  ou  épiaulie\  comme  celle-ci 
tirée  de  Plutarque,  Moulez^  meule ^  moulez,  car  Fit- 
tacuSy  oui  règne  dans  l'auguste  Mitylène^  aimeàmoudre; 
parceque  Pittacus  étoit  grand  mangeur  :  la  chanson 
des  tisserands,  qui  s'appeloit  éline:  la  chanson  yule 
des  ouvriers  en  laine  :  celle  des  nourrices,  qui  s'ap- 
peloit  catabaucalèse ou  nunnie  :  la  chanson  des  amants, 
appelée  nomion  :  celle  des  femmes,  appelée  cafyce; 
harpalice,  celle  des  filles.  Ces  deux  dernières,  attendu 
le  sexe,  étoient  aussi  des  chansons  d'amour. 

Pour  des  occasions  particulières,  ils  avoient  la 
chanson  des  noces,  qui  s'appeloient  hyménée,  épitha- 
lame  Aa  chanson  de  Datis ,  pour  des  occasions  joyeuses  : 
les  lamentations,  ïiale?n,  et  le  linoSj  pour  des  occa- 
sions funèbres  et  tristes.  Ce  linos  se  cliantoit  aussi 
chez  les  Égyptiens,  et  s'appeloit  par  eux  tnaneros,  du 
nom  d'un  de  leurs  princes,  au  deuil  duquel  il  avoit 
été  chanté.  Par  un  passage  d'Euripide,  cité  par  Athé- 
née ,  on  voit  que  le  linos  pouvoit  aussi  marquer  la  joie. 

Enfin  il  y  avoit  encore  des  hymnes  ou  chansons  en 
l'honneur  des  dieux  et  des  héros;  telles  étoient  les 
iules  de  Cérès  et  Proserpine ,  la  philelie  d'Apollon ,  les 
upinges  de  Diane ,  etc. 

Ce  genre  passa  des  Grecs  aux  Latins ,  et  plusieurs 
odes  d'Horace  sont  des  chansons  galantes  ou  bachi- 
ques. Mais  cette  nation,  plus  guerrière  que  sensuelle , 
fit,  durant  très  long-temps,  un  médiocre  usage  de  la 
musique  et  des  chansons ,  et  n'a  jamais  approché ,  sur 


126  CHA 

ce  point,  des  grâces  de  la  volupté  grecque.  Il  paroit 
que  le  chant  resta  toujours  rude  et  grossier  chez  les 
Romains  :  ce  qu'ils  chantoient  aux  noces  étoit  plutôt 
des  clameurs  que  des  chansons^  et  il  n'est  guère  à  pré- 
sumer que  les  chansons  satiriques  des  soldats  aux 
triomphes  de  leurs  généraux  eussent  une  mélodie  fort 
agréable. 

Les  modernes  ont  aussi  leurs  chansons  de  diffé- 
rentes espèces,  selon  le  génie  et  le  goût  de  chaque 
nation.  Mais  les  François  remportent  sur  toute  l'Eu- 
rope duns  l'art  de  les  composer ,  sinon  pour  le  tour 
et  la  mélodie  des  airs ,  au  moins  pour  le  sel ,  la  grâce 
et  la  finesse  des  paroles;  quoique,  pour  l'ordinaire, 
l'esprit  et  la  satire  s'y  montrent  bien  mieux  encore 
que  le  sentiment  et  la  volupté.  Ils  se  sont  plus  à  cet 
amusement,  et  y  ont  excellé  dans  tous  les  temps, 
témoin  les  anciens  troubadours.  Cet  heureux  peuple 
est  toujours  gai,  tournant  tout  en  plaisanterie:  les 
{^mmes  y  sont  fort  galantes ,  leg  hommes  fort  dissipés  ; 
et  le  pays  produit  d'excellent  vin  :  le  moyen  de  n'y 
pas  chanter  sans  cesse?  Nous  avons  encore  d'an- 
ciennes cA«/i50/i.ç  de  Thibault,  comte  de  Champagne, 
i'homme  le  plus  galant  de  son  siècle,  mises  en  mu- 
sique par  Guillaume  de  Machault.  Marot  en  fit  beau- 
coup qui  nous  restent;  et,  grâce  aux  airs  d'Orlande 
et  de  Claudin  ,  nous  en  avons  aussi  plusieurs  de 
la  Pléiade  de  Charles  ix.  Je  ne  parler,  i  point  des 
chansons  plus  modernes,  par  lesquelles  les  musiciens 
Lambert,  Du Bousset,  La  Garde,  et  autres,  ont  acquis 
un  nom,  et  dont  on  trouve  autant  de  poètes  qu'il  y  a 
de  gens  de  plaisir  parmi  le  peuple  du  monde  qui  s'y 


cil  A  11^7 

livre  le  plus,  quoique  non  pas  tous  aussi  célèbres  que 
le  comte  de  Coulanges  et  Tabbé  de  l'Attei^jfnant.  La 
Provence  et  le  Languedoc  n'ont  point  non  plus  dégé- 
néré de  leur  premier  talent;  on  voit  toujours  régner 
dans  ces  provinces  un  air  de  gaieté  qui  porte  sans 
cesse  leurs  habitants  au  chant  et  à  la  danse.  Un  Pro- 
vençal menace,  dit-on,  son  ennemi  d'une  chanson^ 
comme  un  Italien  menaceroit  le  sien  d'un  coup  de 
stylet  :  chacun  a  ses  armes.  Les  autres  pays  ont  aussi 
leurs  provinces  chansonnières:  en  Angleterre,  c'est 
l'Ecosse  ;  en  Itahe  ,  c'est  Venise.    { Voyez   Barca  - 

ROLLES.) 

Nos  chansons  sont  de  plusieurs  sortes;  mais  en 
général  elles  roulent  ou  sur  l'amour,  ou  sur  le  vin,  ou 
sur  la  satire.  Les  chansons  d'amour  sont,  les  airs  ten- 
dres qu'on  appelle  encore  airs  sérieux  ;  les  romances, 
dont  le  caractère  est  d'émouvoir  lame  insensiblement 
par  le  récit  tendre  et  naïf  de  quelque  histoire  amou- 
reuse et  tragique;  les  chansons  pastorales  et  rustiques, 
dont  plusieurs  sont  faites- pour  danser,  comme  les 
musettes,  les  gavottes,  les  branles,  etc. 

Les  chansons  à  boire  sont  assez  communément  des 
airs  de  basse  ou  des  rondes  de  table  :  c'est  avec  beau- 
coup de  raison  qu'on  en  fait  peu  pour  les  dessus  ;  car 
il  n'y  a  pas  une  idée  de  débauche  plus  crapuleuse  et 
plus  vile  que  celle  d'une  femme  ivre. 

A  l'égard  des  chansons  satiriques,  elles  sont  com- 
prises sous  le  nom  de  vaudevilles,  et  lancent  indiffé- 
remment leurs  traits  sur  le  vice  et  sur  la  vertu,  en  les 
rendant  également  ridicules  ;  ce  qui  doit  proscrire  le 
vaudeville  de  la  bouche  des  gens  de  bien. 


128  CHA 

Nous  avons  encore  une  espèce  de  chanson  qu'on  ap- 
pc'lle  parodie  :  ce  sont  des  paroles  qu'on  ajuste  comme 
on  peut  sur  des  airs  de  violon  ou  d'autres  instru- 
ments, et  qu'on  fait  rimer  tant  bien  que  mal,  sans 
avoir  é^^ard  à  la  mesure  des  vers,  ni  au  caractère  de 
Fair,  ni  au  sens  des  paroles,  ni  le  plus  souvent  à  1  hon- 
nêteté. (Voyez  Parodie.) 

Chant,  5.  m.  Sorte  de  modification  de  la  voix  hu- 
maine, par  laquelle,  on  forme  des  sons  variés  et  ap- 
préciables. Observons  que  pour  donner  à  cette  défi- 
nition toute  l'universalité  qu'elle  doit  avoir,  il  ne  faut 
pas  seulement  entendre  par  sons  appréciables  ceux 
qu'on  peut  assigner  par  les  notes  de  notre  musique, 
et  rendre  par  les  touches  de  notre  clavier,  mais  tous 
ceux  dont  on  peut  trouver  ou  sentir  l'unisson ,  et  cal- 
culer les  intervalles  de  quelque  manière  que  ce  soit. 

Il  est  très  difficile  de  déteiminer  en  quoi  la  voix 
qui  forme  la  parole  diffère  de  la  voix  qui  forme  le 
chant.  Cette  différence  est  sensible,  mais  on  ne  voit 
pas  bien  clairement  en  quoi  elle  consiste;  et,  quand 
on  veut  le  chercher,  on  ne  le  trouve  pas.  M.  Dodard 
a  fait  des  observations  anatomiques,  à  la  faveur  des- 
quelles il  croit ,  à  la  vérité ,  trouver  dans  les  diffé* 
rentes  situations  du  larynx  la  cause  de  ces  deux  sortes 
de  voix;  mais  je  ne  sais  si  ces  observations,  ou  les 
conséquences  qu'il  en  tire,  sont  bien  certaines.  (Voyez 
Voix.)  Il  semble  ne  manquer  aux  sons  qui  forment  la 
parole  que  la  permanence  pour  former  un  véritable 
chant;  il  paroît  aussi  que  les  diverses  inflexions  qu'on 
donne  à  la  voix  en  parlant  forment  des  intervalles  qui 
ne  sont  point  harmoniques,  qui  ne  font  pas  partie  de 


CHA  129 

nos  systèmes  de  musique,  et  qui,  par  conséquent,  ne 
pouvant  être  exprimés  en  note ,  ne  sont  pas  propre- 
ment du  chant  pour  nous. 

Le  chant  ne  semble  pas  naturel  à  l'homme.  Quoique 
les  sauvages  de  l'Amérique  chantent,  pai  cequ  ils  par- 
lent, le  vrai  sauva^^e  ne  chauta  jamais.  Les  muets  ne 
chantent  point;  ils  ne  forment  que  des  voix  sans  per- 
manence, des  mugissements  sourds  que  le  besoin  leur 
arrache;  je  douterois  que  le  sieur  Pereyre,  avec  tout 
son  talent,  pût  jamais  tirer  d  eux  aucun  chant  musical. 
Les  enfants  crient,  pleurent,  et  ne  chantent  point. 
Les  premières  expressions  de  la  nature  n'ont  rien  en 
eux  de  mélodieux  ni  de  sonore,  et  ils  apprennent  à 
chanter,  comme  à  parler ,  à  notre  exemple.  J^q  chant 
mélodieux  et  appréciable  n'est  qu'une  imitation  paisi- 
ble et  artificielle  des  accents  de  la  voix  parlante  ou 
passionnée  :  on  crie  et;^4'on  se  plaint  sans  chanter  ; 
mais  on  imite  en  cha^itant  les  cris  et  les  plaintes;  et 
comme  de  toutes  les  imitations  la  plus  intéressante 
est  celle  des  passions  humaines ,  de  toutes  les  ma- 
nières d'imiter,  la  plus  agréable  est  le  chant. 

Chant ^  appliqué  plus  particulièrement  à  notre  mu- 
sique, en  est  la  partie  mélodieuse;  celle  qui  résulte 
de  la  durée  et  de  la  succession  des  sons;  celle  d'où  dé- 
pend toute  l'expression ,  et  à  laquelle  tout  le  reste  est 
subordonné.  (Voyez  Musique,  Mélodie.)  Les  chants 
agréables  frappent  d'abord,  ils  se  gravent  facilement 
dans  la  mémoire;  mais  ils  sont  souvent  l'écueil  des 
compositeurs ,  parcequ'il  ne  faut  que  du  savoir  pour 
entasser  des  accords,  et  qu'il  faut  du  talent  pour  ima- 
giner des  chants  gracieux.  Il  y  a  dans  chaque  nation 

XIV.  9 


i3o  CïiA 

des  tours  de  chant  triviaux  et  usés,  dans  lesquels  les 
mauvais  musiciens  retombent  sans  cesse  ;  il  y  en  a  de 
baroques,  qu'on  n'use  jamais,  parceque  le  public  les 
rebute  toujours.  Inventer  des  chants  nouveaux  appar- 
tient à  l'homme  de  génie;  trouver  de  beaux  chants  ap- 
partient à  Ibomme  de  goût. 

Enfin,  dans  son  sens  le  plus  resserré,  chant  se  dit 
seulement  de  la  musique  vocale;  et,  dans  celle  qui  est 
mêlée  de  symphonie,  on  appelle  parties  de  chant, 
celles  qui  sont  destinées  pour  les  voix. 

Chant  ambrosien.  Sorte  de  plain-chant  dont  l'in- 
vention est  attribuée  à  saint  Ambroise,  archevêque 
de  Milan.  (Voyez  Plain-chant.  ) 

Chant  grégorien.  Sorte  de  plain-chant  dont  l'inven- 
tion est  attribuée  à  saint  Grégoire,  pape,  et  qui  a  été 
substitué  ou  préféré  dans  la  plupart  des  églises  au 
chant  ambrosien.  (Voyez  Plain-chant.) 

Chant  en  ison  ,  ou  Chant  égal.  On  appelle  ainsi  un 
chant  ou  une  psalmodie  qui  ne  roule  que  sur  deux 
sons,  et  ne  forme  par  conséquent  qu'un  seul  inter- 
valle. Quelques  ordres  religieux  n'ont  dans  leurs 
églises  d'autre  chant  que  le  chant  en  ison. 

Chant  sur  le  livre.  Plain-chant  ou  contre-point  à 
quatre  parties,  que  les  musiciens  composent  et  chan- 
tent impromptu  sur  une  seule:  savoir,  le  livre  de 
chœur  qui  est  au  lutrin  ;  en  sorte  qu'excepté  la  par- 
tie notée ,  qu'on  met  ordinairement  à  la  taille ,  les 
musiciens  affectés  aux  trois  autres  parties  n'ont  que 
celle-là  pour  guide,  et  composent  chacun  la  leur  en 
chantant. 

Le  chant  sur  le  livre  demande  beaucoup  de  science , 


CHA  l3î 

d'habitude  et  d'oreille  dans  ceux  qui  Texécutent , 
d'autant  plus  qu'il  n'est  pas  toujours  aisé  de  rapporter 
les  tons  du  plain-ohant  à  ceux  de  notre  musique. 
Cependant  il  y  a  des  musiciens  d'église  si  versés  dans 
cette  sorte  de  chant,  qu'ils  y  commencent  et  pour- 
suivent même  des  fugues  ,  quand  le  sujet  en  peut 
comporter,  sans  confondre  et  croiser  les  parties,  ni 
faire  de  faute  dans  l'harmonie. 

Chanter,  v.  n.  C'est,  dans  l'acception  la  plus  géné- 
rale, former  avec  la  voix  des  sons  variés  et  appré- 
ciables (Voyez  Chant);  mais  c'est  plus  communé- 
ment faire  diverses  inflexions  de  voix,  sonores,  agréa- 
bles à  l'oreille ,  par  des  intervalles  admis  dans  la 
musique,  et  dans  les  régies  de  la  modulation. 

On  chante  plus  ou  moins  agréablement,  à  propor- 
tion qu'on  a  la  voix  plus  ou  moins  agréable  et  sonore , 
l'oreille  plus  ou  moins  juste,  l'organe  plus  ou  moins 
flexible,  le  goût  plus  ou  moins  formé,  et  plus  ou 
moins  de  pratique  de  l'art  du  chant.  A  quoi  l'on  doit 
ajouter,  dans  la  musique  imitative  et  théâtrale,  le 
degré  de  sensibilité  qui  nous  affecte  plus  ou  moins 
des  sentiments  que  nous  avons  à  rendre.  On  a  aussi 
plus  ou  moins  de  disposition  à  chanter  selon  le  climat 
sous  lequel  on  est  né,  et  selon  le  plus  ou  moins  d'ac- 
cent de  sa  langue  naturelle;  car  plus  la  langue  est  ac- 
centuée, et  par  conséquent  mélodieuse  et  chantante, 
plus  aussi  ceux  qui  la  parlent  ont  naturellement  de 
facilité  à  chanter. 

On  a  fait  un  art  du  chant -^  c'est-à-dire  que,  des  ob- 
servations sur  les  voix  qui  chantaient  le  mieux,  on  a 
composé  des  régies  pour  faciliter  et  perfectionner 

9- 


l32  CHA 

Tusage  de  ce  don  naturel.  (Voyez  Maître  a  chanter. 
Mais  il  reste  bien  des  découvertes  à  faire  sur  la  manière 
la  plus  facile,  la  plus  courte  et  la  plus  sure  d'acquérir 
cet  art. 

Chanterelle,  5./  Celle  des  cordes  du  violon  et  des 
instruments  semblables  quia  le  son  le  plus  aigu.  On 
dit  d'une  symphonie  qu'elle  ne  quitte  pas  la  chan- 
terelle,  lorsqu'elle  ne  roule  qu'entre  les  sons  de  cette 
corde  et  ceux  qui  lui  sont  les  plus  voisins,  comme  sont 
presque  toutes  les  parties  de  violon  des  opéra  de  Lulli 
et  des  symphonies  de  son  temps. 

Chanteur,  musicien  qui  chante  dans  un  concert. 
Chantre,  s.  m.  Ceux  qui  chantent  au  chœur  dans 
les  églises  catholiques  s'appellent  chantres.  On  ne  dit 
point  chanteur  à  l'église,  ni  chantre  dans  un  concert. 

Chez  les  réformés  on  appelle  chantre  celui  qui  en- 
tonne et  soutient  le  chant  des  psaumes  dans  le  temple  ; 
il  est  assis  au-dessous  de  la  chaire  du  ministre  sur  le 
devant;  sa  fonction  exige  une  voix  très  forte,  capable 
de  dominer  sur  celle  de  tout  le  peuple ,  et  de  se  faire 
entendre  jusqu'aux  extrémités  du  temple.  Quoiqu'il 
n'y  ait  ni  prosodie  ni  mesure  dans  notre  manière  de 
chanter  les  psaumes,  et  que  le  chant  en  soit  si  lent 
qu'il  est  facile  à  chacun  de  le  suivre,  il  me  semble 
qu'il  seroit  nécessaire  que  le  chantre  marquât  une 
sorte  de  mesure.  La  raison  en  est  que  le  chantre  se 
trouvant  fort  éloigné  de  certaines  parties  de  l'église , 
et  le  son  parcourant  assez  lentement  ces  grands  inter- 
valles ,  sa  voix  se  fait  à  peine  entendre  aux  extrémités , 
qu'il  a  déjà  pris  un  autre  ton  et  commencé  d'autres 
notes  i  ce  qui  devient  d'autant  plus  sensible  en  certain» 


CHA  j33 


lieux,  que  le  son  arrivant  encore  beaucoup  plus  len- 
tement d'une  extrémité  à  Tautre  que  du  milieu  où  est 
le  chantre,  la  masse  d'air  qui  remplit  le  temple  se 
trouve  parta(T;ée  à-la-fois  en  divers  sons  fort  discor- 
dants ,  qui  enjambent  sans  cesse  les  uns  sur  les  autres 
et  choquent  fortement  une  oreille  exercée;  défaut  que 
Torgue  même  ne  fait  qu'augmenter,  parcequ'au  lieu 
d'être  au  milieu  de  l'édifice  comme  le  chantre^  il  ne 
donne  le  ton  que  d'une  extrémité. 

Or,  le  remède  à  cet  inconvénient  me  paroît  très 
simple;  car  comme  les  rayons  visuels  se  communi- 
quent à  l'instant  de  l'objet  à  l'œil,  ou  du  moins  avec 
une  vitesse  incomparablement  plus  grande  que  celle 
avec  laquelle  le  son  se  transmet  du  corps  sonore  à 
l'oreille ,  il  suffit  de  substituer  l'un  à  l'autre  pour  avoir 
dans  toute  l'étendue  du  temple  un  chant  bien  simul- 
tané et  parfaitement  d'accord  :  il  ne  faut  pour  cela 
que  placer  le  chantre,  ou  quelqu'un  chargé  de  cette 
partie  de  sa  fonction,  de  manière  qu'il  soit  à  la  vue  de 
tout  le  monde ,  et  qu'il  se  serve  d'un  bâton  de  mesure 
dont  le  mouvement  s'aperçoive  aisément  de  loin, 
comme ,  par  exemple ,  un  rouleau  de  papier  ;  car  alors , 
avec  la  précaution  de  prolonger  assez  la  première 
note  pour  que  l'intonation  en  soit  partout  entendue 
avant  qu'on  poursuive,  tout  le  reste  du  chant  mar- 
chera bien  ensemble  ,  et  la  discordance  dont  je  parle 
disparoîtra  infailliblement.  On  pourroit  même,  au 
lieu  d'un  homme,  employer  un  chronomètre  dont  le 
mouvement  seroit  encore  plus  égal  dans  une  mesure 
si  lente. 

Il  résulteroit  de  là  deux  autres  avantages  :  Fun  que^ 


l34  CHI 

sans  presque  altérer  le  chant  des  psaumes,  il  seroit 
aisé  d'y  introduire  un  peu  de  prosodie,  et  d'y  observer 
du  moins  les  longues  et  les  brèves  les  plus  sensibles; 
l'autre,  que  ce  qu'il  y  a  de  monotonie  et  de  langueur 
dans  ce  chant  pourroit,  selon  la  première  intention  de 
l'auteur,  être  effacé  par  la  basse  et  les  autres  parties, 
dont  riiarmonie  est  certainement  la  plus  majestueuse 
et  la  plus  sonore  qu'il  soit  possible  d'entendre. 

Chapeau,  s.  m.  Trait  demi-circulaire,  dont  on  cou- 
vre deux  ou  plusieurs  notes,  et  qu'on  appelle  plus 
communément  liaison.  (Voyez  Liaison.) 

Chasse,  s,  f.  On  donne  ce  nom  à  certains  airs  ou  à 
certaines  fanfares  de  cors  ou  d'autres  instruments, 
qui  réveillent,  à  ce  qu'on  dit,  lidée  des  tons  que  ces 
mêmes  cors  donnent  à  la  chasse. 

Chevrotter ,  V.  n.  C'est,  au  lieu  de  battre  nettement 
et  alternativement  du  gosier  les  deux  sons  qui  for- 
ment la  cadence  ou  le  trille  (voyez  ces  mots),  en  battre 
un  seul  à  coups  précipités,  comme  plusieurs  doubles- 
croches  détachées  et  à  l'unisson,  ce  qui  se  fait  en  for- 
çant du  poumon  Tair  contre  la  glotte  fermée,  qui  sert 
alors  de  soupape,  en  sorte  qu'elle  s'ouvre  par  se- 
cousses pour  livrer  passage  à  cet  air,  et  se  referme  à 
chaque  instant  par  une  mécanique  semblable  à  celle 
du  tremblant  de  l'orgue.  Le  chevrottement  est  la  désa- 
gréable ressource  de  ceux  qui,  n'ayant  aucun  trille, 
en  cherchent  l'imitation  grossière;  mais  l'oreille  ne 
peut  supporter  cette  substitution,  et  un  seul  chevrotte- 
ment au  milieu  du  plus  beau  chant  du  monde  suffit 
pour  le  rendre  insupportable  et  ridicule. 

Chiffrer.  C'est  écrire  sur  les  notes  de  la  basse  des 


CHi  i35 


cliiffres  ou  autres  caraclères  indiquant  les  accords  que 
ces  notes  doivent  porter,  pour  servir  de  guide  à  Tac- 
compagnateur.  (Voyez  chiffres,  Accord.) 

Chiffres.  Caractères  qu'on  place  au-dessus  ou  au- 
dessous  des  notes  de  la  basse,  pour  indiquer  les  ac- 
cords qu'elles  doivent  porter.  Quoique  parmi  ces 
caractères  il  y  en  ait  plusieurs  qui  ne  sont  pas  des 
chiffres,  on  leur  en  a  généralement  donné  le  nom,  j5ar- 
ceque  c'est  la  sorte  de  signes  qui  s'y  présente  le  plus 
fréquemment. 

Comme  chaque  accord  est  composé  de  plusieurs 
sons,  s'il  a  voit  fallu  exprimer  chacun  de  ces  sons  par 
un  chiffre ,  on  auroit  tellement  multiplié  et  embrouillé 
les  chiffres,  que  l'accompagnateur  n'auroit  jamais  eu 
le  temps  de  les  lire  au  moment  de  l'exécution.  On  s'est 
donc  appliqué ,  autant  qu'on  a  pu ,  à  caractériser 
chaque  accord  par  un  seul  chiffre;  de  sorte  que  ce 
chiffre  peut  suffire  pour  indiquer,  relativement  à  la 
basse,  l'espèce  de  l'accord,  et  par  conséquent  tous  les 
sons  qui  doivent  le  composer.  Il  y  a  même  un  accord 
qui  se  trouve  chiffré  en  ne  le  chiffrant  point;  car, 
selon  la  précision  des  chiffes,  toute  note  qui  n'est 
point  chiffrée ,  ou  ne  porte  aucun  accord,  ou  porte 
l'accord  parfait. 

Le  chiffre  qui  indique  chaque  accord  est  ordinaire- 
ment celui  qui  répond  au  nom  de  l'accord  :  ainsi  l'ac- 
cord de  seconde  se  chiffre  2;  celui  de  septième,  7. 
celui  de  sixte,  6,  etc.  Il  y  a  des  accords  qui  portent 
un  double  nom ,  et  qu'on  exprime  aussi  par  un  dou- 
ble chiffre:  tels  sont  les  accords  de  sixte-quarte,  de 
sixte-quinte,  de  septième  et  sixte,  etc.  Quelquefois 


i36  ciii 

même  on  en  met  trois,  ce  qui  rentre  dans  l'inconvé- 
nient qu'on  vouloit  éviter  :  mais  comme  la  composi- 
tion des  chiffres  est  vernie  du  temps  et  du  hasard , 
plutôt  que  d'une  étude  réfléchie ,  il  n'est  pas  étonnant 
qu'il  s'y  trouve  des  fautes  et  des  contradictions. 

Voici  une  table  de  tous  les  chiffres  pratiqués  dans 
l'accompagnement  ;  sur  quoi  l'on  observera  qu'il  y 
a  plusieurs  accords  qui  se  chiffrent  diversement  en 
différents  pays,  ou  dans  le  même  pays  par  différents 
auteurs,  ou  quelquefois  parle  même.  Nous  donnons 
toutes  ces  manières,  afin  que  chacun,  pour  chiffrer, 
puisse  choisir  celle  qui  lui  paroîtra  la  plus  claire,  et 
pour  accompagner,  rapporter  chaque  chiffre  à  l'ac- 
cord qui  lui  convient ,  selon  la  manière  de  chiffrer  de 
Tauteur, 


cm  iSy 


<%  V'*.'%/*/V%'X/V  -W^  v^%/%„'*,^^^%,-%/%/^,'*^%/^  <%•»/», '*/»-'%-'«^'».^'%/%'^'*-'%'%''*y%y'^. 


TABLE  GENERALE 

DE  TOUS  LES  CHIFFRES  DE  L'ACCOMPAGNEMENT. 


idem. 


Nota.  On  a  ajouté  une  étoile  à  ceux  qui  sont  plus  usités  en  France 

aujourd'hui. 

CHIFFRES.  NOMS   DES    ACCORDS. 

Accord  parfait, 

8    Idem. 

5    Idem. 

J    Idem. 

3  P    Accord  parfait,  tierce  mineme. 

b3    Idem. 

b    Idem. 

.   >    Idem. 

3fl" Accord  parfait,  tierce  majeure. 

#3 Idem. 

#     Idem. 

5 


jf  f   Idem. 

3  k    Accord  parfait,  tierce  naturelle. 

H  3    Idem. 

H       Idem. 

Idem. 


S 


ÇA  /►    Accord  de  sixte. 


38  cHi 


CHIFFRES.  NOMS    DES    ACCORDS. 

*  6      Accord  de  sixte. 

Les  différentes  sixtes,  clans  cet  accord  ,  se  mar- 
quent par  un  accident  au  chiffre,  comme  les  tierce^ 
dans  l'accord  parfait. 

*6 


l\    Accord  de  sixte-quarte. 

6      Idem. 

A 

!>  > Accord  de  septième. 

3 


i\ 


/  5-    Idem. 


A  >    Idem. 

7      idem. 


* 


jL\    Septième  avec  tierce  majeme. 

i\ 

i\ 


ni 

Avec  tierce  mineure. 


Avec  tierce  naturelle 


7  "^  Accord  de  septième  mineure. 

*  ^7  Idem. 

n+f Accord  de  septième  majeure. 

^  ffn  Idem. 

T  fcj  De  septième  naturelle. 

^''  kl  Idem. 


7i 


i 


Septième  avec  la  quinte  fausse. 


h\ 


r  i.  ^ Idem. 

D 

^  "j    Septième  diminuée. 

'-b    Idem. 

b»?   Idem. 


CHIFFRES. 

7^ 


b 


i! 


"7 
b5 

5b 

3 


CHI 

NOMS   DES   ACCORDS. 

Septième  diminuée. 
Idem, 
Idem. 
Idem. 

Idem. 


l39 


etc. 


Id 


em. 


'  itl    Septième  superflue. 

nf    Idem. 

■^        Idem. 

i\ 

4 

2 

#7 
5 

4 

2 


Id 


em. 


Idem. 


etc. 


7*i 
6bJ 

'X7) 
b6J 

X7' 
6b 


Septième  superflue  avec  sixte  mineure. 
Idem. 

Idem. 


1 


1 4o  C  II  î 

CHIFFRES.  NOMS  DES  ACCORDS- 

b  6  r Septième  superflue  avec  sixte  mineure. 


etc. 


'V    Septième  et  seconde. 

r>    Grande  sixte. 

6  Idem. 

^5  Fausse-quinte. 

5  b  Idem. 

b5  Idem. 

6 

b5 
6 
5 
6 

*X6 


> Idem. 

?     Idem. 


V     Fausse-quinte  et  sixte  majeure. 

1 


r  ^    Idem. 


>    Idem. 


Idem. 
5 


X6 
b  5 

5b  ^ 

^r 

6" 

4 

3 

*^    Idem. 

6    Idem. 

^j^   Idem  majeure. 


Petite  sixte. 


Idem. 


CHI 

CHIFFRES.  NOMS    DES    ACCORDS. 

X6] 

4  >    Petite  sixte  majeure. 

etc. 
*X^    Petite  sixte  superflue. 

X6) 

4  /    Idem. 

3) 

#6    Idem. 

X6' 

> Idem ,  avec  la  quinte. 


i4i 


3 

X6 
5 


Idem. 


6 

4 

3 

6' 

X4 

H 

X4j 
X4i 


* Petite  sixte,  avec  la  quarte  superflue. 


Idem. 


Idem, 


Idem. 


2      Accord  de  seconde. 

4 

6 


^i 


^5 

2 


Idem. 
Idem. 
Seconde  et  quinte. 


l42 


CHI 

NOMS    DES    ACCORDS. 


CHIFFRES. 

Vr- 

^     l 

X4! 

6 
4 
6 

■4 

2 

f! 
''Il- 

y^X Idem. 

^X4    Wem. 

2}: Idem. 

4X) 

H 
b 

6 

4 

3  b 
*  X  2    Seconde  superflue 

X4) 
X2) 


Triton. 

Idem. 

Idem. 

Idem. 

Idem. 

Idem. 

Idem. 

Idem. 


! 


Triton  avec  tierce  mineure. 
Idem. 

Idem. 

Idem. 
Seconc 
Idem. 


cm  143 

CHIFFRES.  NOMS    DES    ACCORDS. 

\    Seconde  superflue. 

4  V    Idem. 

2:) 

etc. 
''^Q    Accord  de  neuvième. 

^  >    Idem. 

y  >    Idem. 


* 


^  }    Neuvième  avec  la  septième. 


9, 

n}    Idem. 


* 


/    Quarte  ou  onzième. 

5 

}    Quarte  et  neuvième. 

9 


\    Idem. 

41 

^  >    Ouarte  et 

9) 


Septième  et  quarte. 


*^ 


X5,  .. 

Idem. 


X  5    Quinte  superflue. 

5X Idem. 

Q  >    Idem. 

Quinte  superflue  et  quarte. 


*X^^ 


M 


i44  cHi 

CHIFFRES.  NOMS  DES  ACCORDS. 

.  ^,   >    Quinte  superflue  et  quarte. 


6 


* 


^  l    Septième  et  sixte. 

4>    Neuvième  et  sixte. 

6) 


FIN    DE    LA    TABLE    DES    CHIFFRES. 


Quelques  auteurs  avoient  introduit  Fusage  de  cou- 
vrir d'un  trait  toutes  les  notes  de  la  basse  qui  passoient 
sous  un  même  accord  ;  c'est  ainsi  que  les  jolies  can- 
tates de  M.  Clérambault  sont  chiffrées  :  mais  cette  in- 
vention étoit  trop  commode  pour  durer  ;  elle  montroit 
aussi  trop  clairement  à  l'œil  toutes  les  syncopes  d'har- 
monie. Aujourd'hui ,  quand  on  soutien  t  le  même  accord 
sous  quatre  différentes  notes  de  basse,  ce  sont  quatre 
chiffres  différents  qu'on  leur  fait  porter,  de  sorte  que 
l'accompagnateur,  induit  en  erreur,  se  hâte  de  cher- 
cher l'accord  même  qu'il  a  sous  la  main.  Mais  c'est  la 
mode  en  France  de  charger  les  basses  d'une  confusion 
de  chiffres  inutiles  :  on  chiffre  tout,  jusqu'aux  accords 
les  plus  évidents ,  et  celui  qui  met  le  plus  de  chiffres 
croit  être  le  plus  savant.  Une  basse  ainsi  hérissée  de 
chiffres  triviaux  rebute  l'accompagnateur,  et  lui  fait 
souvent  négliger  les  chiffres  nécessaires.  L'auteur  doit 
supposer,  ce  me  semble,  que  l'accompagnateur  sait 


les  éléments  de  l'accompagnement,  qu'il  sait  placer 
une  sixte  sur  une  médiante,  une  fausse  quinte  sur  une 
note  sensible,  une  septième  sur  une  dominante,  etc. 
Il  ne  doit  donc  pas  chiffrer  des  accords  de  cette  évi- 
dence, à  moins  qu'il  ne  faille  annoncer  un  changement 
de  ton.  Les  chiffres  ne  sont  faits  que  pour  déterminer 
le  choix  de  Tliarmonie  dans  les  cas  douteux,  oli  le 
choix  des  sons  dans  les  accords  qu'on  ne  doit  pas  rem- 
plir :  du  reste,  c'est  très  bien  fait  d  avoir  des  basses 
chiffrées  exprès  pour  les  écoliers.  Il  faut  que  les  chif- 
fres  montrent  à  ceux-ci  l'application  des  règles  :  pour 
les  maîtres,  il  suffit  d'indiquer. les  exceptions. 

M.  Rameau,  dans  sa  Dissertation  sur  les  différentes 
méthodes  d'accompagnement,  a  trouvé  un  grand  nom- 
bre de  défauts  dans  les  chiffres  établis.  Il  a  fait  voir 
(ju'ils  sont  trop  nombreux  et  pourtant  insuffisants, 
obscurs,  équivoques;  qu'ils  multiplient  inutilement 
les  accords,  et  qu'ils  n  en  montrent  en  aucune  manière 
la  liaison. 

Tous  ces.  défauts  viennent  d'avoir  voulu  rapporter 
les  chiffres  aux  notes  arbitraires  de  la  basse-continue, 
au  lieu  de  les  rapporter  immédiatement  à  l'harmonie 
fondamentale.  La  basse-continue  fait  sans  doute  une 
partie  de  l'harmonie,  mais  elle  n'en  fait  pas  le  fonde- 
ment; cette  harmonie  est  indépendante  des  notes  de 
cette  basse,  et  elle  a  son  progrès  déterminé,  auquel  la 
basse  même  doit  assujettir  sa  marche.  En  faisant  dé- 
pendre les  accords  et  les  chiffres  qui  les  annoncent  des 
notes  de  la  basse  et  de  leurs  différentes  marches ,  on 
ne  montre  que  des  combinaisons  de  l'harmonie  ;  au 
lieu  d'en  montrer  la  basse,   on  multiplie  à  l'infini  le 

XIV.  ,  o 


i46  cm 

petit  nombre  des  accords  fondamentaux ,  et  Ton  force 
en  quelque  sorte  l'accompagnateur  de  perdre  de  vue 
à  chaque  instant  la  véritable  succession  harmonique. 

Après  avoir  fait  de  très  bonnes  observations  sur  la 
mécanique  des  doigts  dans  la  pratique  de  l'accompa- 
gnement, M.  Rameau  propose  de  substituer  à  nos 
chifft'es  d'autres  chiffres  beaucoup  plus  simples,  qui 
rendent  cet  accompagnement  tout-à-fait  indépendant 
de  la  basse-continue;  de  sorte  que,  sans  égard  à  cette 
basse  et  même  sans  la  voir,  on  accompagneroit  sur  les 
chiffres  seuls  avec  plus  de  précision  qu'on  ne  peut  faire 
par  la  méthode  établie  avec  le  concours  dé  la  basse  et 
des  chiffres. 

Les  chiffres  inventés  par  M.  Rameau  indiquent  deux 
choses  :  i<*  l'harmonie  fondamentale  dans  les  accords 
parfaits ,  qui  n'ont  aucune  succession  nécessaire,  mais 
qui  constatent  toujours  le  ton  ;  2°  la  succession  har- 
monique déterminée  par  la  marche  régulière  des  doigts 
dans  les  accords  dissonants. 

Tout  cela  se  fait  au  moyen  de  sept  chiffres  seulement, 
I.  Une  lettre  de  la  gamme  indique  le  ton ,  la  tonique  et. 
son  accord  :  si  l'on  passe  d'un  accord  parfait  à  un  au- 
tre, on  change  de  ton;  c'est  l'affaire  d'une  nouvelle 
lettre.  II.  Pour  passer  de  la  tonique  à  un  accord  dis- 
sonant, M.  Rameau  n'admet  que  six  manières,  à  cha- 
cune desquelles  il  assigne  un  caractère  particulier; 
savoir  : 

1 .  Un  X  pour  l'accord  sensible  ;  pour  la  septième 
diminuée ,  il  suffit  d'ajouter  un  bémol  sous  cet  X. 

2.  Un  2  pour  l'accord  de  seconde  sur  la  tonique. 

3.  Un  7  pour  son  accord  de  septième. 


cm  i47 

4.  Cette  abréviation  aj.  pour  sa  sixte  ajoutée. 

5.  Ces  deux  chiffres  ^  relatifs  à  cette  tonique  pour 
raccord  qu'il  appelle  de  tierce-quarte ,  et  qui  revient 
à  Faccord  de  neuvième  sur  la  seconde  note. 

6.  Enfin  ce  chiffre  4  pour  Taccord  de  quarte  et  quinte 
sur  la  dominante. 

III.  Un  accord  dissonant  est  suivi  d'un  accord  par- 
fait ou  d'un  autre  accord  dissonant  :  dans  le  premier 
cas,  l'accord  s'indique  par  une  lettre  ;  le  second  se  rap- 
porte à  la  mécanique  des  doigts.  (  Voyez  Doigter.  ) 
C'est  un  doigt  qui  doit  descendre  diatoniquement ,  ou 
deux,  ou  trois.  On  indique  cela  par  autant  de  points 
l'un  sur  l'autre,  qu'il  faut  descendre  de  doigts.  Les 
doigts  qui  doivent  descendre  par  préférence  sont  in- 
diqués par  la  mécanique  ;  les  dièses  ou  bémols  qu'ils 
doivent  faire  sont  connus  par  le  ton  ou  substitués  dans 
les  chiffres  aux  points  correspondants  \  ou  bien ,  dans 
le  chromatique  et  l'enharmonique ,  on  marque  une 
petite  ligne  inclinée  en  descendant  ou  en  montant  de- 
puis la  ligne  d'une  note  connue ,  pour  marquer  qu'elle 
doit  descendre  ou  monter  d'un  semi-ton.  Ainsi  tout  est 
prévu,  et  ce  petit  nombre  de  signes  suffît  pour  expri- 
mer toute  bonne  harmonie  possible. 
.  On  sent  bien  qu'il  faut  supposer  ici  que  toute  disso- 
nance se  sauve  en  descendant;  car  s'il  y  en  avoit  qui 
se  dussent  sauver  en  montant,  s'il  y  avoit  des  marches 
de  doigts  ascendantes  dans  des  accords  dissonants , 
les  points  de  M.  Rameau  seroient  insuffisants  pour 
exprimer  cela. 

Quelque  simple  que  soit  cette  méthode ,  quelque  fa- 
vorable qu'elle  paroisse  pour  la  pratique,  elle  n'a  point 

10. 


]i4B  ciio 

eu  de  cours  :  peut-être  a-t-on  cru  que  les  chiffres  cle 
M.  Rameau  ne  corrigeoient  un  défaut  que  pour  en 
substituer  un  autre;  car  s'il  simplifie  les  signes,  s'il 
diminue  le  nombre  des  accords ,  non  seulement  il  n'ex- 
prime point  encore  la  véritable  harmonie  fondamen- 
tale ,  mais  il  rend  de  plus  ces  signes  tellement  dépen-  ^ 
dants  les  uns  des  autres ,  que  si  i  on  vient  a  s  égarer 
ou  à  se'distraire  un  instant ,  à  prendre  un  doigt  pour 
un  autre,  on  est  perdu  sans  ressource,  les  points  ne 
signifient  plus  rien ,  plus  de  moyen  de  se  remettre  jus- 
qu'à un  nouvel  accord  parfait.  Mais  avec  tant  de  raisons 
de  préférence ,  n'a-t-il  point  fallu  d'autres  objections 
encore  pour  faire  rejeter  la  méthode  de  M.  Rameau? 
Elle  étoit  nouvelle  ;  elle  étoit  proposée  par  un  homme 
supérieur  en  génie  à  tous  ses  rivaux  :  voilà  sa  con- 
damnation. 

Choeur,  5.  m.  Morceau  d'harmonie  complète  à  quatre 
parties  bu  plus ,  chanté  à-la-fois  par  toutes  les  voix  et 
joué  par  tout  l'orchestre.  On  cherche  dans  les  chœur$ 
un  bruit  agréable  et  harmonieux ,  qui  charme  et  rem- 
plisse l'oreille.  Un  beau  chœur  e?>t\e  chef-d'œuvre  d'un 
commençant,  et  c'est  par  ce  genre  d'ouvrage  qu'il  se 
montre  suffisamment  instruit  de  toutes  les  régies  de 
riiarmonie.  Les  François  passent  en  France  pour  réus- 
sir mieux  dans  cette  partie  qu'aucune  autre  nation  de 
l'Europe. 

Le  c/Wwr,  dans  la  musique  françoise,  s'appelle  quel- 
quefois grand-chœw  ,  par  opposition  ^u  petit-chœur ^  qui  || 
est  seulement  composé  de  trois  parties  ;  savoir,  deux 
dessus  ,  et  la  haute-contre  qui  leur  sert  de  basse.  On 
fait  de  temps  en  temps  entendre  séparément  ce  petit- 


CHR  l49 

chœur ^  dont  la  douceur  contraste  agréablement  avec 
la  bruyante  liarmonie  du  grand. 

On  appelle  encore  petit-chœw\  à  l'opéra  de  Paris ,  un 
certain  nombre  des  meilleurs  instruments  de  chaque 
genre ,  qui  forment  comme  un  petit  orchestre  particu- 
lier autour  du  clavecin  et  de  celui  qui  bat  la  mesure. 
Ce  petit-chœur  est  destiné  pour  les  accompagnements 
qui  demandent  le  plus  de  déHcatesse  et  de  précision. 

Il  y  a  des  musiques  à  deux  ou  plusieurs  chœurs  qui 
se  répondent  et  chantent  quelquefois  tous  ensemble  : 
on  en  peut  voir  un  exemple  dans  fopéra  de  Jephié. 
IMais  cette  pluralité  de  chœurs  simultanés,  qui  se  pra- 
tique assez  souvent  en  Italie ,  est  peu  usitée  en  France  : 
on  ti'ouve  qu'elle  ne  fait  pas  un  bien  grand  effet,  que 
la  composition  n'en  est  pas  fort  facile ,  et  qu'il  faut  un 
trop  grand  nombre  de  musiciens  pour  l'exécuter. 

Chorion.  Nome  de  la  musique  grecque,  qui  se  chan- 
toit  en  l'honneur  de  la  mère  des  dieux ,  et  qui ,  dit-on , 
fut  inventé  par  Olympe  Phrygien. 

Choriste,  s.  m.  Chanteur  non  récitant,  et  qui  ne 
chante  que  dans  les  chœurs. 

On  appelle  aussi  choristes  les  chantres  d'église  qui 
chantent  au  chœur  :  Une  antienne  à  deux  choristes. 

Quelques  musiciens  étrangers  donnent  encore  le 
nom  de  choriste  à  un  petit  instrument  destiné  à  donner 
le  ton  pour  accorder  les  autres.  (  Voyez  Ton.  ) 

Chorus.  Faire  chorus ,  c'est  répéter  en  chœur  à  l'u- 
nisson ce  qui  vient  d'être  chanté  à  voix  seule. 

Chreses  ou  Chresis.  Uile  des  parties  de  l'ancienne 
mélopée  qui  apprend  au  compositeur  à  mettre  un  tel 
arrangement  dans  la  suite  diatonique  des  sons  .  qu'il 


l5o  CHR 

en  résulte  une  bonne  modulation  et  une  mélodie  agréa- 
ble. Cette  partie  s'applique  à  différentes  successions 
de  sons,  appelées  par  les  anciens  cigoge,  euthia^  ana- 
camptos.  (  Voyez  Tirade.  ) 

Chromatique  ,  adj.  pris  quelquefois  substantivement. 
Genre  de  musique  qui  procède  par  plusieurs  semi-tons 
consécutifs.  Ce  mot  vient  du  grec  xpw^aa,  qui  signifie 
couleur^  soit  parceque  les  Grecs  marquoient  ce  genre 
par  des  caractères  rouges  ou  diversement  colorés;  soit, 
disent  les  auteurs,  parceque  lé  genre  chromatique  est 
moyen  entre  les  deux  autres ,  comme  la  couleur  est 
moyenne  entre  le  blanc  et  le  noir;  ou,  selon  d'autres, 
parceque  ce  genre  varie  et  embellit  le  diatonique  par 
ses  semi-tons,  qui  font  dans  la  musique  le  même  effet 
que  la  variété  des  couleurs  fait  dans  la  peinture. 

Boëce  attribue  à  Timothée  de  Milet  l'invention  du 
(^enre  chromatique  ;  mais  Athénée  la  donne§Épigonus. 

Aristoxène  divise  ce  genre  en  trois  espèces",  qu'il 
appelle  molle  ,  héîniolion  et  tonicum  ^  dont  on  trouvera 
les  rapports  {PL  M\f.g.  5,  n°  A),  le  tétracorde  étant 
supposé  divisé  en  60  parties  égales. 

Ptolomée  ne  divise  ce  même  genre  qu'en  deux  es- 
pèces ,  molle  ou  anticwn,  qui  procède  par  de  plus  pe- 
tits intervalles,  et  intensum^  dont  les  intervalles  sont 
plus  grands.  (Même figure,  n°  B.) 

Aujourd'hui  le  genre  chromatique  consiste  à  don- 
ner une  telle  marche  à  la  basse-fondamentale,  que  les 
parties  de  l'harmonie,  ou  du  moins  quelques  unes, 
puissent  procéder  par  semi-tons  tant  en  montant 
qu'en  descendant;  ce  qui  se  trouve  plus  fréquemment 
dans  le  mode  mineur,  à  cause  des  altérations  aux- 


CHR  l5l 

quelles  la  sixième  et  la  septième  notes  y  sont  sujettes 
par  la  nature  même  du  mode. 

Les  semi-tons  successifs  pratiqués  dans  le  chroma- 
tique ne  sont  pas  tous  du  même  genre,  mais  presque 
alternativement  mineurs  et  majeurs ,  c'est-à-dire  chro- 
tnaticjues  et  diatoniques  :  car  l'intervalle  d'un  ton  mineur 
contient  un  semi-ton  mineur  ou  chromatique  ^  et  un 
semi-ton  majeur  ou  diatonique,  mesure  que  le  tempé- 
jament  rend  commune  à  tous  les  tons,  de  sorte  qu'on 
ne  peut  procéder  par  deux  semi-tons  mineurs  con- 
joints et  successifs  sans  entrer  dans  l'enharmonique; 
mais  deux  semi-tons  majeurs  se  suivent  deux  fois  dans 
J  ordre  chromatique  de  la  gamme. 

La  route  élémentaire  de  la  basse-fondamentale  pour 
engendrer  le  chromatique  ascendant  est  de  descendre 
de  tierce ,  et  remonter  de  quarte  alternativement,  tous 
les  accords  portant  la  tierce  majeure.  Si  la  basse-fon- 
damentale procède  de  dominante  en  dominante  par 
des  cadences  parfaites  évitées,  elle  engendre  le  cAro- 
maiique  descendant.  Pour  produire  à-la-fois  l'un  et 
l'autre,  on  entrelace  la  cadence  parfaite  et  l'interrom- 
pue ,  en  les  évitant. 

Comme  à  chaque  note  on  change  de  ton  dans  le 
chromatique  ^  il  faut  borner  et  régler  ces  successions  de 
peur  de  s'égarer.  On  se  souviendra  pour  cela  que  l'es- 
pace le  plus  convenable  pour  les  mouvements  chroma- 
tiques est  entre  la  dominante  et  la  tonique  en  montant, 
et  entre  la  tonique  et  la  dominante  en  descendant. 
Dans  le  mode  majeur  on  peut  encore  descendre  chro- 
matiquement  de  la  dominante  sur  la  seconde  note*^ 
Ce  passage  est  fort  commun  en  Italie,  et,  malgré  sa 


l52  CHR 

beauté,  commencée  l'être  un  peu  trop  parmi  nous. 

Le  (^enre  chromatique  est  admirable  pour  expri- 
mer la  douleur  et  l'affliction  ;  ses  sons  renforcés  en 
montant  arrachent  lame.  Il  n'est  pas  moins  énergi- 
que en  descendant;  on  croit  alors  entendre  de  vrais 
gémissements.  Chargé  de  son  harmonie,  ce  même 
genre  devient  propre  à  tout,  mais  son  remplissage, 
en  étouffant  le  chant,  lui  ôte  une  partie  de  son  expres- 
sion ;  et  c'est  alors  au  caractère  du  mouvement  à  lui 
rendre  ce  dont  le  prive  la  plénitude  de  son  harmonie. 
Au  reste,  plus  ce  genre  a  d'énergie,  moins  il  doit  être 
prodigué  :  semblable  à  ces  mets  délicats  dont  l'abon- 
dance dégoûte  bientôt,  autant  il  charme  sobrement 
ménagé,  autant  devient-il  rebutant  quand  on  le  pro- 
digue. 

CufiONOMÉTRE ,  5.  m.  ÎSom  générique  des  instruments 
qui  servent  à  mesurer  le  temps.  Ce  mot  est  composé 
de  XP^^^'^^y  temps  y  et  àeyérpov^  mesure. 

On  dit,  en  ce  sens,  que  les  montres,  les  horloges, 
sont  des  chronomètres. 

Il  y  a  néanmoins  quelques  instruments  qu'on  a  ap- 
pelés, en  particulier  chronomètres.,  et  nommément  un 
que  M.  Sauveur  décrit  dans  ses  Principes  d'acoustique  : 
c'étoit  un  pendule  particulier  qu'il  destinoit  à  déter- 
miner exactement  les  mouvements  en  musique.  L'Af- 
filard,  dans  ses  Principes  dédiés  aux  dames  religieuses, 
avoit  mis  à  la  tète  de  tous  les  airs  des  chiffres  qui  ex- 
primoient  le  nombre  des  vibrations  de  ce  pendule  pen- 
dant la  durée  de  chaque  mesure. 

11  y  a  une  trentaine  d'années  qu'on  vit  paroître  le 
projet  d'un  instrument  semblable,  sous  le  nom  de  mé- 


CHU  i53 

tromètre,  qui  battoit  la  mesure  tout  seul  ;  mais  il  n'a 
réussi  ni  dans  un  temps  ni  dans  l'autre.  Plusieurs  pré- 
tendent cependant  qu'il  seroit  fort  à  souhaiter  qu'on 
eût  un  tel  instrument  pour  fixer  avec  précision  le 
temps  de  chaque  mesure  dans  une  pièce  de  musique  : 
on  conserveroit  par  ce  moyen  plus  facilement  le  vrai 
mouvement  des  airs,  sans  lequel  ils  perdent  leur  ca- 
ractère, et  qu'on  ne  peut  connoître  après  la  mort  des 
auteurs  que  par  une  espèce  de  tradition ,  fort  sujette  à 
s'éteindre  ou  à  s'altérer.  On  se  plaint  déjà  que  nous 
avons  oublié  les  mouvements  d'un  grand  nombre 
d'airs ,  et  il  est  à  croire  qu'on  les  a  ralentis  tous.  Si  Ton 
eût  pris  la  précaution  dont  je  parle,  et  à  laquelle  on 
ne  voit  pas  d'inconvénient,  on  auroit  aujourd'hui  le 
plaisir  d'entendre  ces  mêmes  airs  tels  que  l'auteur 
les  faisoit  exécuter. 

A  cela  les  connoisseurs  en  musique  ne  demeurent 
pas  sans  réponse.  Ils  objecteront,  dit  M.  Diderot 
[Mémoires  sur  différents  sujets  de  mathématiques) ,  contre 
tout  chronomètre  en  général ,  qu'il  n'y  a  peut-être  pas 
dans  un  air  deux  mesures  qui  soient  exactement  de  la 
même  durée,  deux  choses  contribuant  nécessaire- 
ment à  ralentir  les  unes  et  à  précipiter  les  autres ,  le 
goût  et  l'harmonie  dans  les  pièces  à  plusieurs  parties , 
le  goût  et  le  pressentiment  de  l'harmonie  dans  les  solo. 
Un  musicien  qui  sait  son  art  n'a  pas  joué  quatre  me- 
sures d'un  air  qu'il  en  saisit  le  caractère,  et  qu'il  s'y 
abandonne;  il  n'y  a  que  le  plaisir  de  l'harmonie  qui 
le  suspende.  Il  veut  ici  que  les  accords  soient  frappés , 
là  qu'ils  soient  dérobés;  c'est-à-dire  qu'il  chante  ou 
joue  plus  ou  moins  lenteujcnt  d'une  mesure  à  l'autre , 


t54  CHR 

et  racme  d'un  temps  et  d'un  quart  de  temps  à  celui 
qui  le  suit. 

A  la  vérité  cette  objection,  qui  est  d'une  grande 
force  pour  la  musique  f'rançoise,  n'en  auroit  aucune 
pour  l'italienne,  soumise  irrémissiblement  à  la  plus 
exacte  mesure  :  rien  même  ne  montre  mieux  l'oppo- 
sition parfaite  de  ces  deux  musiques,  puisque  ce  qui 
est  beauté  dans  l'une  seroit  dans  l'autre  le  plus  grand: 
défaut.  Si  la  musique  italienne  tire  son  énergie  de  cet 
asservissement  à  la  rigueur  de  la  mesure,  la  françoise 
cherche  la  sienne  à  maîtriser  à  son  gré  cette  même 
mesure,  à  la  presser,  à  la  ralentir,  selon  que  l'exige  le 
gotit  du  chant  ou  le  degré  de  flexibilité  des- organes  du 
chanteur. 

Mais,  quand  on  admettroit  Futilité  d'un  chronomè- 
frCj  il  faut  toujours,  continue  M.  Diderot,  commen- 
cer par  rejeter  tous  ceux  qu'on  a  proposés  jusqu'à 
présent,  parcequ'on  y  a  fait  du  musicien  et  du  chrono- 
mettre  deux  machines  distinctes,  dont  l'une  ne  peut 
jamais  bien  assujettir  l'autre  :  cela  n'a  presque  pas 
besoin  d'être  prouvé;  il  n'est  pas  possible  que  le  mu- 
sicien ait  pendant  toute  sa  pièce  l'œil  au  mouvement, 
et  l'oreille  au  bruit  du  pendule  ;  et,  s'il  s'oublie  un  ins- 
tant ,  adieu  le  frein  qu'on  a  prétendu  lui  donner. 

J'ajouterai  que  ,  quelque  instrument  qu'on  pût 
trouver  pour  régler  la  durée  de  la  mesure ,  il  seroit 
impossible  ,  quand  même  l'exécution  en  seroit  de 
la  dernière  facilité ,  qu'il  eût  jamais  lieu  dans  la  pra- 
tique. Les  musiciens ,  gens  confiants  ,  et  faisant , 
comme  bien  d'autres ,  de  leur  propre  goût  la  régie  du 
bon,  ne  l'adopteroient  jamais;  ils  laisseroient  le  chro- 


CLA  i55 

nomètîv,  et  ne  s'en  rapporteroient  qu'à  eux  du  vrai 
caractère  et  du  vrai  mouvement  des  airs.  Ainsi  le  seul 
bon  chîonotnètre  que  Ton  puisse  avoir,  c'est  un  habile 
musicien  qui  ait  du  goût ,  qui  ait  bien  lu  la  musique 
qu'il  doit  faire  exécuter ,  et  qui  sache  en  battre  la  me- 
sure. Machine  pour  machine ,  il  vaut  mieux  s'en  tenir 
à  celle-ci. 

Circonvolution,  5.  /.  Terme  de  plain-chant.  C'est 
une  sorte  de  périélèse  qui  se  fait  en  insérant  entre  la 
pénultième  et  la  dernière  note  de  l'intonation  d'une 
pièce  de  chant  trois  autres  notes  ;  savoir ,  une  au-des- 
sus, et  deux  au-dessous  delà  dernière  note,  lesquelles 
se  lient  avec  elle,  et  forment  un  contour  de  tierce 
avant  que  d'y  arriver;  comme  si  vous  avez  ces  trois^ 
notes ,  mi,  fa ,  mi,  pour  terminer  l'intonation  ,  vous  y 
interpolerez  par  circonvolution  ces  trois  autres  ,  fa , 
re,re,  et  vous  aurez  alors  votre  intonation  terminée 
de  cette  sorte,  mi,  fa,  fa,  re,  re ,  mi,  etc.  (Voyez  Pé- 
riélèse.) 

CiTHARiSTiQUE ,  S.  f.  Genre  de  musique  et  de  poésie 
approprié  à  l'accompagnement  de  la  cithare.  Ce  genre, 
dont  Amphion,  fils  de  Jupiter  et  d'Antiope,  fut  Tin- 
venteur,  prit  depuis  le  nom  de  lyrique. 

Clavier,  s.  m.  Portée  générale,  ou  somme  des  sons 
de  tout  le  système  qui  résulte  de  la  position  relative 
des  trois  clefs.  Cette  position  donne  une  étendue  de 
douze  lignes ,  et  par  conséquent  de  vingt-quatre  de- 
grés ,  ou  de  trois  octaves  et  une  quarte.  Tout  ce  qui 
excède  en  haut  ou  en  bas  cet  espace  ne  peut  se  noter 
qu'à  l'aide  d'une  ou  plusieurs  lignes  postiches  ou  ac- 
cidentelles ,  ajoutées  aux  cinq  qui  composent  la  portée- 


iOb  CLE 

d  une  clef.  Voyez  (  PL  A  ^fig.  5.  )  retendue  générale  du 
clavier. 

Les  notes  ou  touches  diatoniques  du  clavier.,  les- 
quelles sont  toujours  constantes,  s'expriment  par  des 
lettres  de  Falphabet,  à  la  différence  des  notes  de  la 
(jamme ,  qui ,  étant  mobiles  et  relatives  à  la  modula- 
tion ,  portent  des  noms  qui  expriment  ces  rapports. 
(  Voyez  Gamme  et  Solfier.  ) 

Chaque  octave  du  clavier  comprend  treize  sons  ;  sept 
diatoniques  et  cinq  chromatiques ,  représentés  sur  le 
clavier  instrumental  par  autant  de  touches.  (Voyez 
PL  I  .,fig.  I .  )  Autrefois  ces  treize  touches  répondoient 
à  quinze  cordes  ;  savoir,  une  de  plus>entre  le  re  dièse 
et  le  mi  naturel ,  Tautre  entre  le  sol  dièse  et  le  /«  ;  et  ces 
deux  cordes  qui  formoient  des  intervalles  enharmoni- 
ques ,  et  qu'on  faisoit  sonner  à  volonté  au  moyen  de 
deux  touches  brisées,  furent  regardées  alors  comme 
la  perfection  du  système  ;  mais ,  en  vertu  de  nos  régies 
de  miodulation ,  ces  deux  ont  été  retranchées ,  parce- 
qu'il  en  auroit  fallu  mettre  partout.  (Voyez  Clef, 
Portée.  ) 

Clef  ,  s.  f.  Caractère  de  musique  qui  se  met  au 
commencement  d'une  portée ,  pour  déterminer  le  de- 
gré d'élévation  de  cette  portée  dans  le  clavier  général , 
et  indiquer  les  noms  de  toutes  les  notes  qu'elle  contient 
dans  la  ligne  de  cette  clef. 

Anciennement  on  appeloit  clefs  les  lettres  par  les- 
quelles on  désignpit  les  sons  de  la  gamme.  Ainsi  la 
lettre  A  étoit  la  clef  de  la  note  la;  Gy  la  clef  à^  ut  ;  E ,  la 
clef  de  mi  y  etc.  A  mesure  que  le  système  s'étendit,  on 
sentit  l'embarras  et  l'inutilité  de  cette  multitude  de 


CLE  157 

défi.  Gui  d'Arezzo,  qui  les  avoit  inventées  ,  maïquolt 
une  lettre  ou  clef  an  commencement  de  chacune  des 
lignes  de  la  portée  ;  car  il  ne  plaçoit  point  encore  de 
notes  dans  les  espaces.  Dans  la  suite  on  ne  marqua 
plus  qu'une  des  sept  clefi  au  commencement  d'une 
des  lignes  seulement,  celle-là  suffisant  pour  fixer 
la  position  de  toutes  les  autres  selon  Tordre  nature). 
Enfin,  de  ces  sept  lignes  ou  clefs ,  on  en  choisit  quatre 
qu'on  nomma  claves  signatœ  ou  clefs  manjuées),  parce- 
qu'on  se  contentoit  d'en  marquer  une  sur  une  des  li- 
gnes ,  pour  donner  l'intelligence  de  toutes  les  autres; 
encore  en  retrancha-t-on  bientôt  une  des  quatre,  sa- 
voir, le  gamma  dont  on  s'étoit  servi  pour  désigner  le 
50/ d'en  bas,  c'est-à-dire  l'hipoproslambanoméne  ajou- 
tée au  système  des  Grecs. 

En  effet  Kircher  prétend  que  si  Ton  est  au  fait  des 
anciennes  écritures ,  et  qu'on  examine  bien  la  figure 
de  nos  clefs ,  on  trouvera  qu'elles  se  rapportent  chacune 
à  la  lettre  un  peu  défigurée  de  la  note  qu'elle  repré- 
sente. Ainsi  la  clef  de  sol  étoit  originairement  un  G ,  la 
clef  d'ut  un  G,  et  la  clef  de  fa  une  F. 

Nous  avons  donc  trois  clefs  à  la  quinte  l'une  de 
l'autre  :  la  clef  d'F  utfa^  ou  de  fa,  qui  est  la  plus  basse  ; 
la  clef  d'ut  ou  de  G  sol  ut,  qui  est  une  quinte  au-dessus 
de  la  première  ;  et  la  clef  de  sol  ou  de  G  re  sol,  qui  est 
une  quinte  au-dessus  de  celle  d'ut ,  dans  l'ordre  mar- 
qué PL  k,  fig.  5.  Sur  quoi  l'on  doit  remarquer  que, 
par  un  reste  de  l'ancien  usage ,  la  clef  se  pose  toujours 
sur  une  ligne  et  jamais  dans  un  espace.  On  doit  savoir 
aussi  que  la  clef  de  fa  se  fait  de  trois  manières  diffé- 
rentes :  l'une  dans  la  musique  imprimée;  une  autre 


l58  CLE 

dans  la  musique  écrite  ou  gravée  ;  et  la  dernière  dans 
le  plain-chant.  Voyez  ces  trois  figures.  [Planche  M, 
JigweS.) 

En  ajoutant  quatre  lignes  au-dessus  de  la  clef  de  sol, 
et  trois  lignes  au-dessous  de  la  clef  àe  fa ,  ce  qui  donne 
de  part  et  d'autre  la  plus  grande  étendue  de  lignes  sta- 
bles, on  voit  que  le  système  total  des  notes,  qu'on 
peut  placer  sur  les  degrés  relatifs  à  ces  clefs ,  se  monte 
à  vingt-quatre ,  c'est-à-dire  trois  octaves  et  une  quarte, 
depuis  \efa  qui  se  trouve  au-dessous  de  la  première 
ligne,  jusqu'au  si  qui  se  trouve  au-dessus  de  la  der- 
nière ,  et  tout  cela  forme  ensemble  ce  qu'on  appelle  le 
clavier  général  ;  par  où  l'on  peut  juger  que  cette  éten- 
due a  fait  long-temps  celle  du  système.  Aujourd'hui 
qu'il  acquiert  sans  cesse  de  nouveaux  degrés ,  tant  à 
l'aigu  qu'au  grave ,  on  marque  ces  degrés  sur  des  li- 
gnes postiches ,  qu'on  ajoute  en  haut  ou  en  bas  selon 
le  besoin. 

Au  lieu  de  joindre  ensemble  toutes  les  lignes ,  comme 
j'ai  fait  (  PL  A.,fg.  5.  )  pour  marquer  le  rapport  des 
clefs  ,  on  les  sépare  de  cinq  en  cinq,  parceque  c'est  à 
peu  près  aux  degrés  compris  dans  cet  espace  qu'est 
bornée  l'étendue  d'une  voix  commune.  Cette  collec- 
tion de  cinq  lignes  s'appelle  portée,  et  l'on  y  met  une 
c/<?/'pour  déterminer  le  nom  des  notes,  le  lieu  des  semi- 
tons  ,  et  montrer  quelle  place  la  portée  occupe  dans  le 
clavier. 

De  quelque  manière  qu'on  prenne  dans  le  clavier 
cinq  lignes  consécutives ,  on  y  trouve  une  clef  com- 
prise ,  et  quelquefois  deux  ;  auquel  cas  on  en  retranche 
une  comme  inutile,. L'usage  a  même  prescrit  celle  des 


CLE  l59 

deux  qu'il  faut  retrancher,  et  celle  qu'il  faut  poser  ;  ce 
qui  a  fixé  aussi  le  nombre  des  positions  assignées  à 
chaque  clef. 

Si  je  fais  une  portée  des  cinq  premières  lignes  du 
clavier,  en  commençant  par  le  bas,  j'y  trouve  la  clej 
àefa  sur  la  quatrième  ligne  :  voilà  donc  une  position 
de  clef^  et  cette  position  appartient  évidemment  aux 
notes  les  plus  graves  ;  aussi  est-elle  celle  de  la  clef  de 
basse. 

Si  je  veux  gagner  une  tierce  dans  le  haut ,  il  faut 
ajouter  une  ligne  au-dessus  ;  il  en  faut  donc  retrancher 
une  au-dessous ,  autrement  la  portée  auroit  plus  de 
cinq  lignes.  Alors  la  clef  àe fa  se  trouve  transportée  de 
la  quatrième  ligne  à  la  troisième,  et  la  c/e/d'w/ se  trouve 
aussi  sur  la  cinquième  ;  mais  comme  deux  clefs  sont 
inutiles,  on  retranche  ici  celle  à'ut.  On  voit  que  la 
portée  de  cette  clef  est  d'une  tierce  plus  élevée  que  la 
précédente. 

En  abandonnant  encore  une  ligne  en  bas  pour  en 
gagner  une  en  haut,  on  a  une  troisième  portée  où  la 
clef  Ae  fa  se  trouveroit  sur  la  deuxième  ligne ,  et  celle 
A\it  sur  la  quatrième.  Ici  l'on  abandonne  la  clef  àefa^ 
et  Ton  prend  celle  à'ut.  On  a  encore  gagné  une  tierce 
à  l'aigu,  et  on  l'a  perdue  au  grave. 

En  continuant  ainsi  de  ligne  en  ligne,  on  passe  suc- 
cessivement par  quatre  positions  différentes  de  la  clef 
^ut.  Arrivant  à  celle  de  sol,  on  la  trouve  posée  sur  la 
deuxième  ligne,  et  puis  sur  la  première;  cette  posi- 
tion embrasse  les  cinq  plus  hautes  lignes,  et  donne  le 
diapason  le  plus  aigu  que  l'on  puisse  établir  par  les 
clefs.  » 


l6o  CLË 

On  peut  voir  (PL  A^  fig.  6.)  cette  succession  des 
clefs  du  grave  à  l'aigu  ;  ce  qui  fait  en  tout  huit  portées , 
clefs  ou  positions  de  clefs  différentes. 

De  quelque  caractère  que  puisse  être  une  voix  ou 
un  instrument,  pourvu  que  son  étendue  n'excède  pas 
à  Taigu  ou  au  grave  celle  du  clavier  général,  on  peut 
dans  ce  nombre  lui  trouver  une  portée  et  une  c/e/* con- 
venables, et  il  y  en  a  en  effet  de  déterminées  pour 
toutes  les  parties  de  la  musique.  (  Voyez  Parties.  )  Si 
Tcteadue  d'une  partie  est  fort  grande,  que  le  nombre 
de  lignes  qu'il  faudroit  ajouter  au-dessus  ou  au-des- 
sous devienne  incommode,  alors  on  change  la  clef 
dans  le  courant  de  Tair.  On  voit  clairement  par  la 
figure  quelle  clef  il  faudroit  prendre  pour  élever  ou 
baisser  la  portée,  de  quelque  c/e/' qu'elle  soit  armée 
actuellement. 

On  voit  aussi  que  pour  rapporter  une  clefk  l'autre 
il  faut  les  rapporter  toutes  deux  sur  le  clavier  général, 
au  moyen  duquel  on  voit  ce  que  chaque  note.de  l  une 
des  clefs  est  à  l'égard  de  l'autre.  C'est  par  cet  exercice 
réitéré  qu'on  prend  l'habitude  de  lire  aisément  les 
partitions. 

Il  suit  de  cette  mécanique  qu'on  peut  placer  telle 
note  qu'on  voudra  de  la  gamme  sur  une  hgne  ou  sur 
un  espace  quelconque  de  la  portée,  puisqu'on  a  le 
choix  de  huit  différentes  positions,  nombre  des  notes 
de  l'octave.  Ainsi  l'on  pourroit  noter  un  air  entier  sur 
la  même  ligne,  en  changeant  Va  clef  k  chaque  degré. 
La  figure  7  montre  par  la  suite  des  clefs  la  suite  des 
notes  re.fa,  la,  ut,  mi,  sol,  si,  re,  montant  de  tierce 
en  tierce,  et  toutes  placées  sur  la  même  ligne.  La 


CLE  l6l 

ii^^iiro.  suivante  8  représente  sur  la  suite  des  mêmes 
clefs  la  note  iit^  qui  paroît  descendre  de  tierce  en  tierce 
sur  toutes  les  lignes  de  la  portée  et  au-delà,  et  qui 
cependant,  au  moyen  des  changements  de  clef,  garde 
toujours  l'unisson.  C'est  sur  des  exemples  semblables 
qu'on  doit  s'exercer  pour  connoître  au  p'remier  coup 
d'œil  le  jeu  de  toutes  les  clefs. 

Il  y  a  deux  de  leurs  positions ,  savoir,  la  c/efde  sol 
sur  la  première  ligne,  et  la  clef  àe fa  sur  la  troisième, 
dont  Fusage  paroît  s'abolir  de  jour  en  jour.  La  pre- 
mière peut  sembler  moins  nécessaire ,  puisqu'elle  ne 
rend  qu'une  position  toute  semblable  à  celle  dey^  sur 
la  quatrième  ligne ,  dont  elle  diffère  pourtant  de  deux 
octaves.  Pour  la  clef  de  fa,  il  est  évident  qu'en  l'ôtant 
tout-à-fait  de  la  troisième  ligne,  on  n'aura  plus  de 
position  équivalente,  et  que  la  composition  du  cla- 
vier, qui  est  complète  aujourd'hui,  deviendra  parla 
défectueuse. 

Clef  transposée.  On  appelle  ainsi  toute  clef  armée 
de  dièses  ou  de  bémols.  Ces  signes  y  servent  à  chan- 
ger le  lieu  des  deux  semi-tons  de  l'octave ,  comme  je 
l'ai  expliqué  au  mot  bémol,  et  à  établir  l'ordre  naturel 
de  la  gamme  sur  quelque  degré  de  l'échelle  qu'on 
veuille  choisir. 

La  nécessité  de  ces  altérations  naît  de  la  similitude 
des  modes  dans  tous  les  tons  ;  car  comme  il  n'y  a 
qu'une  formule  pour  le  mode  majeur,  il  faut  que 
tous  les  degrés  de  ce  mode  se  trouvent  ordonnés  de 
la  même  façon  sur  leur  tonique;  ce  qui  ne  peut  se 
faire  qu'à  l'aide  des  dièses  ou  des  bémols.  Il  eu  est 

X!V.  I  ( 


102  CLE 

de  même  du  mode  mineur;  mais,  comme  la  même 
combinaison  qui  donne  la  formule  pour  un  ton  ma- 
jeur la  donne  aussi  pour  un  ton  mineur  sur  une  autre 
tonique  (voyez  Mode),  il  s'ensuit  que  pour  les  vingt- 
quatre  modes  il  suffit  de  douze  combinaisons  ;  or ,  si 
avec  la  gamme  naturelle  on  compte  six  modifications 
par  dièses ,  et  cinq  par  bémols ,  ou  six  par  bémols,  et 
cinq  par  dièses,  on  trouvera  ces  douze  combinaisons 
auxquelles  se  bornent  toutes  les  variétés  possibles  de 
tons  et  de  modes  dans  le  système  établi. 

J'explique  aux  mots  dièse  et  bémol  Tordre  selon 
lequel  ils  doivent  être  placés  à  la  clef.  Mais  pour  trans- 
poser tout  d\m  coup  la  c/^' convenablement  à  un  ton 
ou  mode  quelconque ,  voici  une  formule  générale  , 
trouvée  par  M.  de  Boisgelou,  conseiller  au  Grand- 
Conseil,  et  qu  il  a  bien  voulu  me  communiquer. 

Prenant  Vut  naturel  pour  terme  de  comparaison , 
nous  appellerons  intervalles,  mineurs  la  quarte  utfa^ 
et  tous  les  intervalles  du  même  utkuine  note bémolisée 
quelconque;  tout  autre  intervalle  est  majeur.  Remar- 
quez qu'on  ne  doit  pas  prendre  par  dièse  la  note  su- 
périeure d'un  intervalle  majeur,  parcequ'alors  on 
feroit  un  intervalle  superflu  :  mais  il  faut  chercher  la 
même  chose  par  bémol ,  ce  qui  donnera  un  intervalle 
mineur.  Ainsi  l'on  ne  composera  pas  en  la  dièse, 
parceque  la  sixte  ut  la,  étant  majeure  naturellement, 
deviendroit  superflue  par  ce  dièse;  mais  on  prendra 
la  note  si  bémol ,  qui  donne  la  même  touche  par  un 
intervalle  mineur;  ce  qui  rentre  dans  la  régie. 

On  trouvera  {PL  ^,fig.  5.)  une  table  des  douze 
sons  de  l'octave  divisée  par  intervalles  majeurs  et 


CLE  l63 

mineurs,  sur  laquelle  on  transposera  la  clef  de  la  ma- 
nière ^suivante,  selon  le  ton  et  le  mode  où  Ton  veut 
composer. 

Ayant  pris  une  de  ces  douze  notes  pour  tonique 
ou  fondamentale,  il  faut  voir  d'abord  si  Fintervalle 
qu'elle  fait  avec  ut  est  majeur  ou  mineur  :  s'il  est  ma- 
jeur, il  faut  des  dièses;  s  il  est  mineur,  il  faut  des 
bémols.  Si  cette  note  est  Vut  lui-même,  l'intervalle  est 
nul,  et  il  ne  faut  ni  bémol  ni  dièse. 

Pour  déterminer  à  présent  combien  il  faut  de  dièses 
ou  de  bémols ,  soit  a  le  nombre  qui  exprime  l'inter- 
valle d'ut  à  la  note  en  question.  La  formule  par  dièse 

sera  a  —  i  x  ^ ,  qi  Jg  reste   donnera  le  nombre  des 

7 
dièses  qu'il  faut  mettre  à  la  clef.  La  formule  par  bé- 
mols sera  a  —  »  x  5,  et  le  reste  sera  le  nombre  des 

7 
bémols  qu'il  faut  mettre  à  la  clef 

Je  veux,  par  exemple,  composer  en  la,  mode  ma- 
jeur. Je  vois  d'abord  qu'il  faut  des  dièses,  parceque 
la  fait  un  intervalle  majeur  avec  ut.  L'intervalle  est 
une  sixte  dont  le  nombre  est  6;  j'en  retranche  i  ;  je 
multiplie  le  reste  5  par  2 ,  et  du  produit  lo  rejetant  7 
autant  de  fois  qu'il  se  peut,  j'ai  le  reste  3  ,  qui  marque 
le  nombre  de  dièses  dont  il  faut  armer  la  clef  pour  le 
ton  majeur  de  la. 

Que  si  je  veux  prendre/^,  mode  majeur,  je  vois, 
parla  table,  que  l'intervalle  est  mineur,  et  qu'il  faut 
par  conséquent  des  bémols.  Je  retranché  donc  i  du 
nombre  4  de  l'intervalle;  je  multiplie  par  5  le  reste  3, 
et  du  produit  1 5  rejetant  7  autant  de  fois  qu  il  se 

1 1. 


l64  ^OM 

peut,  j'ai  I  d<3  reste  :  c'est  un  bémol  qu'il  faut  mettre 

à  la  clef. 

On  voit  par  là  que  le  nombre  des  dièses  ou  des  bé- 
mols delà  clef  ne  peut  jamais  passer  six,  puisqu'ils 
doivent  être  le  reste  d'une  division  par  sept. 

Pour  les  tons  mineurs  il  faut  appliquer  la  même 
formule  des  tons  majeurs,  non  sur  la  tonique,  mais 
sur  la  note  qui  est  une  tierce  mineure  au-dessus  de 
cette  même  tonique  sur  sa  médiante. 

Ainsi,  pour  composer  en  5^,  mode  mineur,  je  trans- 
poserai la  c/e/' comme  pour  le  ton  majeur  de  7^e.  Pour 
fa  dièse  mineur,  je  la  transposerai  comme  pour  la 
riiajeur,  etc. 

Les  musiciens  ne  déterminent  les  transpositions 
qu'à  force  de  pratique,  ou  en  tâtonnant;  mais  la  règle 
que  je  donne  est  démontrée  générale  et  sans  excep- 
tion. 

CoMARCHios.  Sorte  de  nome  pour  les  flûtes  dans 
l'ancienne  musique  des  Grecs. 

CoxMMA,  s.  m.  Petit  intervalle  qui  se  trouve  dans 
quelques  cas  entre  deux  sons  produits  sous  le  même 
nom  par  des  progressions  différentes. 

On  distingue  trois  espèces  de  comma.  i  »  Le  mineur, 
dont  la  raison  est  de  2026  à  2048;  ce  qui  est  la  quan- 
tité dont  le  si  dièse,  quatrième  quinte  de  sol  dièse, 
pris  comme  tierce  majeure  de  mî,  est  surpassé  par 
X ut  naturel  qui  lui  correspond.  Ce  comma  est  la  diffé- 
rence du  semi-ton  majeur  au  semi-ton  moyen. 

1^  Le  comma  majeur  est  celui  qui  se  trouve  entre  le 
mi  produit  par  la  progression  triple  comme  quatrième 
({uinte,  en  commençant  par  ?if ,  et  le  même  mi.,  ou  sa 


COM  i65 

réplique,  considéré  comme  tierce  majeure  de  ce 
même  ut.  La  raison  en  est  de  80  à  81.  C'est  le  comma 
ordinaire,  et  il  est  la  différence  du  ton  majeur  au  ton 
mineur. 

3^  Enfin  le  comma  maxime,  qu'on  appelle  comma 
de  Pythagore,  a  son  rapport  de524288à53i44i>  et 
il  est  l'excès  du  si  dièse,  produit  par  la  progression 
triple  comme  douzième  quinte  de  Yut  sur  le  même  ut 
élevé  par  ses  octaves  au  degré  correspondant. 

Les  musiciens  entendent  par  comma  la  huitième  ou 
la  neuvième  partie  d'un  ton,  la  moitié  de  ce  qu'ils  ap- 
pellent un  quart  de  ton.  Mais  on  peut  assurer  qu'ils 
ne  savent  ce  qu  ils  veulent  dire  en  s'exprimant  ainsi, 
puisque,  pour  des  oreilles  comme  les  nôtres,  un  si 
petit  intervalle  n'est  appréciable  que  par  le  calcul. 
(Voyez  Intervalle.) 

CoMPAiR,  adj.  corrélatif  de  lui-même.  Lestons  com- 
pairs  ^  dans  le  plain-chant,  sont  l'authente,  et  le  plagal 
qui  lui  correspond.  Ainsi  le  premier  ton  est  compair 
avec  le  second,  le  troisième  avec  le  quatrième,  et 
ainsi  de  suite  :  chaque  ton  pair  est  compair  avec  l'im- 
pair qui  le  précède.  (Voyez  Tons  de  l'église.) 

Complément  d'un  intervalle  est  la  quantité  qui  lui 
manque  pour  arriver  à  l'octave  :  ainsi  la  seconde  et  la 
septième,  la  tierce  et  la  sixte,  la  quarte  et  la  quinte, 
sont  compléments  l'une  de  Tautre.  Quand  il  n'est  ques- 
tion que  d  un  intervalle ,  complément  et  renversement 
sont  la  même  chose.  Quant  aux  espèces,  le  juste  est 
complément  du  juste,  le  majeur  du  mineur,  le  super- 
flu du  diminué,  et  réciproquement.  (Voyez  Inter- 
valle. ^ 


i66  .  coM 

Composé,  adj.  Ce  mot  a  trois  sens  en  musique; 
deux  par  rapport  aux  intervalles,  et  un  par  rapport  à 
la  mesure. 

I.  Tout  intervalle  qui  passe  Fétendue  de  l'octave  est 
un  intervalle  composé^  parcequ'en  retranchant  Toc- 
tave  on  simplifie  l'intervalle  sans  le  changer.  Ainsi  la 
neuvième,  la  dixième,  la  douzième,  sont  des  inter- 
valles composés:  le  premier,  de  la  seconde  et  de  l'oc- 
tave; le  deuxième,  de  la  tierce  et  de  l'octave  ;  le  troi^ 
sième,  delà  quinte  et  de  l'octave,  etc. 

II.  Tout  intervalle  qu'on  peut  diviser  musicalement 
en  deux  intervalles  peut  encore  être  considéré  comme 
composé.  Ainsi  la  quinte  est  composée  de  deux  tierces , 
la  tierce  de  deux  secondes,  la  seconde  majeure  de 
deux  semi-tons;  mais  le  semi-ton  n'est  point  composé , 
parcequ'on  ne  peut  plus  le  diviser  ni  sur  le  clavier  ni 
par  notes.  C'est  le  sens  du  discours  qui,  des  deux  pré- 
cédentes acceptions,  doit  déterminer  celle  selon  la- 
quelle un  intervalle  est  dit  composé. 

III.  On  appelle  mesures  composées  toutes  celles  qui 
sont  désignées  par  deux  chiffres.  (Voyez  Mesure.) 

Composer,  v.  a.  Inventer  de  la  musique  nouvelle, 
selon  les  régies  de  l'art. 

Compositeur,  s.  m.  Celui  qui  compos'e  delà  musi- 
que ou  qui  sait  les  régies  de  la  composition.  Voyez  au 
mot  Composition  l'exposé  des  connoissances  néces- 
saires pour  savoir  composer.  Ce  n'est  pas  encore 
assez  pour  former  un  vrai  compositeur  :  toute  la  science 
possible  ne  suffit  point  sans  le  génie  qui  la  met.  en 
œuvre.  Quelque  effort  que  l'on  puisse  foire,  quelque 
acquis  que  l'on  puisse  avoir,  il  faut  être  né  pour  eut 


COM  167 

art;  autrement  on  n'y  fera  jamais  rien  que  de  mé- 
diocre. Il  en  est  du  compositeur  comme  du  poète  :  si  la 
nature  en  naissant  ne  Ta  formé  tel; 

S'il  n'a  reçu  du  oie!  l'influence  secrète, 

Pour  lui  Phébus  est  sourd,  et  Pégase  est  rëtif. 

Ce  que  j'entends  par  génie  n'est  point  ce  goût  bizarre 
et  capricieux  qui  sème  partout  le  baroque  et  le  diffi- 
cile, qui  ne  sait  orner Iharmonie  qu'à  force  de  disso- 
nances, de  contraste  et  de  bruit;  c'est  ce  feu  intérieur 
qui  brûle,  qui  tourmente  le  compositeur  malgré  lui, 
qui  lui  inspire  incessamment  des  chants  nouveaux  et 
toujours  agréables,  des  expressions  vives,  naturelles, 
et  qui  vont  au  cœur;  une  harmonie  pure,  touchante, 
majestueuse,  qui  renforce  et  pare  le  chant  sans  l'étouf- 
fer. C'est  ce  divin  guide  qui  a  conduit  Corelli,  Vinci, 
Ferez,  Rinaldo,  Jomelli,  Durante,  plus  savant  qu'eux 
tous,  dans  le  sanctuaire  de  l'harmonie;  Léo,  Pergo- 
lèse,  Hasse,  Terradéglias,  Galuppi,  dans  celui  du 
boa  goût  et  de  l'expression. 

CoMPOSiTiON,  s.  f.  C'est  l'art  d'inventer  et  d'écrire 
des  chants,  de  les  accompagner  d'une  harmonie  con- 
venable, de  faire,  en  un  mot,  une  pièce  complète  de 
musique  avec  toutes  ses  parties. 

La  connoissance  de  l'harmonie  et  de  ses  règles  est 
le  fondement  de  la  composition.  Sans  doute,  il  faut 
savoir  remplir  des  accords,  préparer,  sauver  des  dis- 
sonances, trouver  des  basses-fondamentales,  et  pos- 
séder toutes  les  autres  petites  connoissances  élémen- 
taires; mais  avec  les  seules  règles  de  l'harmonie,  on 
n'est  pas  plus  près  de  savoir  la  composition  qu'on  ne 


i68  coM 

l'est  d'être  un  orateur  avec  celles  de  la  grammaire.  Je 
ne  dirai  point  qu'il  faut,  outre  cela,  bien  connoître  la 
portée  et  le  caractère  des  voix  et  des  instruments,  les 
chants  qui  sont  de  facile  ou  difficile  exécution,  ce 
qui  fait  de  l'effet  et  ce  qui  n'en  fait  pas;  sentir  le  ca- 
ractère des  différentes  mesures,  celui  des  différentes 
modulations,  pour  appliquer  toujours  l'une  et  l'autre 
à  propos;  savoir  toutes  les  règles  particulières  établies 
par  convention ,  par  goût,  par  caprice,  ou  par  pédan- 
terie, comme  les  fugues,  les  imitations,  les  sujets 
contraints ,  etc.  Toutes  ces  choses  ne  sont  encore  que 
des  préparatifs  à  la  composition:  mais  il  faut  trouver 
en  soi-même  la  source  des  beaux  chants,  de  la  grande 
harmonie,  les  tableaux,  l'expression;  être  enfin  capa- 
ble de  saisir  ou  de  former  l'ordonnance  de  tout  un 
ouvrage,  d'en  suivre  les  convenances  de  toute  espèce, 
et  de  se  remplir  de  l'esprit  du  poète,  sans  s'amuser  à 
courir  après  les  mots.  C'est  avec  raison  que  nos  mu- 
siciens ont  donné  le  nom  de  paroles  aux  poèmes  qu'ils 
mettent  en  chant.  On  voit  bien,  par  leur  manière  de 
les  rendre ,  que  ce  ne  sont  en  effet  pour  eux  que  des 
paroles.  Il  semble,  surtout  depuis  quelques  années, 
que  les  régies  des  accords  aient  fait  oublier  ou  négliger 
toutes  les  autres,  et  que  Fliarmonie  n'ait  acquis  plus 
de  facilité  qu'aux  dépens  de  l'art  en  général.  Tous 
nos  artistes  savent  le  remplissage,  à  peine  en  avons- 
nous  qui  sachent  la  composition. 

Au  reste ,   quoique  les  règles  fondamentales   du 
contre-point  soient  toujours  les  mêmes,  elles  ont  plus  1 

ou  moins  de  rigueur  selon  le  nombre  des  parties  ;  car  \ 

à  mesure  qu'il  y  a  plus  de  parties ,  la  composition  de- 


COM  169 

vient  plus  difficile,  et  les  régies  sont  moins  sévères. 
La  composition  à  deux  parties  s'appelle  duo^  quand  les 
deux  parties  chantent  égalemeut,  c'est-à-dire  quand 
le  sujet  se  trouve  partagé  entre  elles  :  que  si  le  sujet 
est  dans  une  partie  seulement,  et  que  Tautre  ne  fasse 
qu'accompagner,  on  appelle  alors  la  première  récit  ou 
50/0;  et  l'autre,  accompagnement^  on  basse-continue ,  si 
c'est  une  basse.  Il  en  est  de  même  du  trio  ou  de  la  com- 
position à  trois  parties,  du  quatuor^  du  quincjue^  etc. 
(Voyez  ces  mots.) 

On  donne  aussi  le  nom  de  compositions  aux  pièces 
mêmes  de  musique  faites  dans  les  régies  de  la  compo- 
sition: c'est  pourquoi  les  duo,  trio,  quatuor,  dont  je 
viens  de  parler,  s'appellent  des  compositions. 

On  compose  ou  pour  les  voix  seulement,  ou  pour 
les  instruments,  ou  pour  les  instruments  et  les  voix. 
Le  plain-chant  et  les  chansons  sont  les  seules  compo- 
sitions qui  ne  soient  que  pour  les  voix,  encore  y  joint- 
on  souvent  quelque  instrument  pour  les  soutenir.  Les 
compositions  instrumentales  sont  pour  un  chœur  d'or- 
chestre, et  alors  elles  s'appellent  symphonies ,  concerts  ; 
ou  pour  quelque  espèce  particulière  d'instrument,  et 
elles  s'appellent yt>iece5,  sonates.  (Voyez  ces  mots.) 

Quant  aux  compositions  destinées  pour  les  voix  et 
pour  les  instruments,  elles  se  divisent  communément 
en  deux  espèces  principales;  savoir,  musique  latine 
ou  musique  d  église,  et  musique  françoise.  Les  musi- 
ques destinées  pour  l'église,  soit  psaumes,  hymnes, 
antiennes ,  répons ,  portent  en  général  le  nom  de  motets. 
(Voyez  Motet.)  La  musique  françoise  se  divise  encore 
en  musique  de  théâtre,  comme  nos  opéra,  et  en  mu- 


sique  de  chambre,  comme  nos  cantates  ou  cantatillcs. 
(  Voyez  Cantate,  Opéra.  ) 

Généralement  la  composition  latine  passe  pour  de- 
mander plus  de  science  et  de  ré(jles,  et  la  françoise 
plus  de  génie  et  de  goût. 

Dans  une  composition  Fauteur  a  pour  sujet  le  son 
physiquement  considéré,  et  pour  objet  le  seul  plaisir 
de  Toreille  ;  ou  bien  il  s'élève  à  la  musique  imitative, 
et  cherche  à  émouvoir  ses  auditeurs  par  des  effets 
moraux.  Au  premier  égard,  il  suffit  qu'il  cherche  de 
beaux  sons  et  des  accords  agréables  ;  mais  au  second 
il  doit  considérer  la  musique  par  ses  rapports  aux 
accents  de  la  voix  humaine,  et  par  les  conformités 
possibles  entre  les  sons  harmoniquement  combinés 
et  les  objets  imitables.  On  trouvera  dans  Tarticle  opéra 
quelques  idées  sur  les  moyens  d'élever  et  d'ennoblir 
Fart ,  en  faisant  de  la  musique  une  langue  plus  élo- 
quente que  le  discours  même. 

Concert,  s.  m.  Assemblée  de  musiciens  qui  exécu- 
tent des  pièces  de  musiq-ue  vocale  et  instrumentale. 
Oji  ne  se  sert  guère  du  mot  de  concert  que  pour  une 
assemblée  d'au  moins  sept  ou  huit  musiciens,  et  pour 
une  musique  à  plusieurs  parties.  Quant  aux  anciens , 
comme  ils  ne  connoissoient  pas  le  contre-point,  leurs 
concerts  ne  s'exécutoient  qu'à  Funisson  ou  à  l'octave  ; 
et  ils  en  avoient  rarement  ailleurs  qu'aux  théâtres  et 
dans  les  temples. 

Concert  spirituel.  Concert  qui  tient  lieu  de  spec- 
tacle public  à  Paris  durant  les  temps  où  les  autres 
spectacles  sont  fermés.  Il  est  établi  au  château  des 
Tuileries  ;    les  concertants  y  sont   très  nombreux , 


C  O  N  I  y  i 

et  la  salle  est  fort  bien  décorée  :  on  y  exécute  des 

motets,  des  symphonies,  et  Ton  se  donne  aussi  le 

plaisir  d'y  défigurer  de  temps  en  temps  quelcpies  airs 

italiens. 

Concertant,  adj.  Parties  concertantes  sont,  selon 

Tabbé  Brossard ,  celles  qui  ont  quelque  chose  à  réciter 

dans  une  pièce  ou  dans  un  concert;  et  ce  mot  sert  à 

les  distinguer  des  parties  qui  ne  sont  que  de  chœur. 

Il  est  vieilli  dans  ce  sens,  s'il  Ta  jamais  eu.  L'on  dit 
aujourd'hui  parties  récitantes ,  mais  on  se  sert  de  celui 
de  concertant  en  parlant  du  nombre  de  musiciens  qui 
exécutent  dans  un  concert,  et  l'on  dira  :  Nous  étions 
vingt-cinq  concertants  ;  une  assemblée  de  huit  à  dix  con-  ^ 
certants. 

Concerto,  s.  m.  Mot  italien  francisé,  qui  signifie 
généralement  une  symphonie  feite  pour  être  exécutée 
par  tout  un  orchestre  ;  mais  on  appelle  plus  particu- 
lièrement concerto  une  pièce  faite  pour  quelque  in- 
strument  particulier,  qui  joue  seul  de  temps  en  temps 
avec  un  simple  accompagnement,  après  un  commen- 
cement en  grand  orchestre  ;  et  la  pièce  continue  ainsi 
toujours  alternativement  entre  le  même  instrument 
récitant  et  l'orchestre  en  chœur.  Quant  aux  concerto 
où  tout  se  joue  en  rippieno,  et  où  nul  instrument  ne 
récite,  les  François  les  appellent  quelquefois  trio,  et 
les  Italiens  sinfonie. 

Concordant,  ou  basse-taille ,  ou  baryton;  celle  des 
parties  de  la  musique  qui  tient  le  milieu  entre  la  taille 


et  la  basse.  Le  nom  de  concordant  n  est  fïuère  en  usa 


u 


ige 


que  dans  les  musiques  d'église ,  non  plus  que  la  partie 
qu'il  désigne  ^  partout  ailleurs  cette  partie  s'appelle 


172  CON 

basse-taille  et  se  confond  avec  la  basse.  Le  concordant 
est  proprement  la  partie  qu'en  Italie  on  appelle  tejior. 
(Voyez  Parties.) 

Concours,  s.  m.  Assemblée  de  musiciens  et  de  con- 
noisseurs  autorisés ,  dans  laquelle  une  place  vacante 
de  maître  de  musique  ou  d'organiste  est  emportée,  à 
la  pluralité  des  suffrages,  par  celui  qui  a  fait  le  meil- 
leur motet,  ou  qui  s'est  distingué  par  la  meilleure 
exécution. 

Le  concours  étoit  en  usage  autrefois  dans  la  plupart 
des  cathédrales  ;  mais,  dans  ces  temps  malheureux 
où  l'esprit  d'intrigue  s'est  emparé  de  tous  les  états,  il 
est  naturel  que  le  concours  s'abolisse  insensiblement, 
et  qu'on  lui  substitue  des  moyens  plus  aisés  de  donner 
à  la  faveur  ou  à  l'intérêt  le  prix  qu'on  doit  au  talent 
et  au  mérite. 

Conjoint,  adj.  Tétracorde  co^yomf  est ,  dans  l'an- 
cienne musique,  celui  dont  la  corde  la  plus  grave  est 
à  l'unisson  de  la  corde  la  plus  aiguë  du  tétracorde  qui 
est  immédiatement  au-dessous  de  lui.  ou  dont  la  corde 
la  plus  aiguë  est  à  l'unisson  de  la  plus  grave  du  tétra- 
corde qui  est  immédiatement  au-dessus  de  lui.  Ainsi, 
dans  le  système  des  Grecs,  tous  les  cinq  tétracordes 
sont  conjomts  par  quelque  côté  :  savoir,  i^  le  tétra- 
corde méson  conjoint  au  tétracorde  hypaton  ;  2»  le  té- 
tracorde synnéménon  conjoint  au  tétracorde  méson  ; 
3°  le  tétracorde  hyperboléon  conjoint  au  tétracorde 
diézeugménon  :  et  comme  le  tétracorde  auquel  un 
autre  étoit  conjoint  lui  étoit  conjoint  réciproquement, 
cela  eût  fait  en  tout  six  tétracordes,  c'est-à-dire  plus 
qu'il  n'y  en  avoit  dans  le  système,  si  le  tétracorde 


CON  17.; 


niéson,  ciïini  conjoint  par  ses  deux  extrémités,  n'eiii 
été  pris  deux  fois  pour  une.  • 

Painii  nous,  conjoint  se  dit  d'un  intervalle  ou  degré. 
On  appelle  degrés  conjoints  ceux  qui  sont  tellement 
disposés  entre  eux  que  le  son  le  plus  aigu  du  degré 
inférieur  se  trouve  à  Tunisson  du  son  le  plus  grave  du 
degré  supérieur.  Il  faut  de  plus  qu'aucun  des  degrés 
conjoints  ne  puisse  être  partagé  en  d'autres  degrés 
plus  petits,  mais  qu'ils  soient  eux-mêmes  les  plus 
petits  qu'il  soit  possible ,  savoir  ceux  d'une  seconde.  * 
Ainsi  ces  deux  intervalles,  ut  ?e,  et  re  nii^  sont  con- 
joints; mais  ut  re  et  fa  sol  ne  le  sont  pas,  faute  de  la 
première  condition  ;  ut  mi  et  mi  sol  ne  le  sont  pas  non 
plus,  faute  de  la  seconde. 

Marche  par  degrés  conjoints  signifie  la  même 
chose  que  marche  diatonique.  (Voyez  Degré  diato- 

MQUE.  ) 

Conjointes,  s.f.  Tétracorde  des  conjointes.  (Voyez 
Synnéiménon.) 

Connexe,  adj.  Terme  de  plain-chant.  (Voy.  Mixte.) 

CoNSONNANCE,  5./.  C'est,  selon  l'étymologie  du  mot, 
l'effet  de  deux  ou  plusieurs  sons  entendus  à-la-fois; 
mais  on  restreint  communément  la  signification  de  ce 
terme  aux  intervalles, formés  par  deux  sons  dont  l'ac- 
cord plaît  à  l'oreille,  et  c'est  en  ce  sens  que  j'en  par- 
lerai dans  cet  article. 

De  cette  infinité  d'intervalles  qui  peuvent  diviser 
les  sons ,  il  n'y  en  a  qu'un  très  petit  nombre  qui  fassent 
i\e%  consonnances ;  tous  les  autres  choquent  l'oreille, 
et  sont  appelés  pour  cela  dissonances.  Ce  n'est  pas  que 
plusieurs  de  celles-ci  ne  soient  employées  dans  l'har- 


174  COIS 

monie  ;  mais  elles  ne  le  sont  qu'avec  des  précautions, 
dont  les  consonnœnces ^  toujours  agréables  par  elles- 
mêmes,  n'ont  pas  également  besoin. 

Les  Grecs  n'admettoient  que  cinq  consonnances  ;  sa- 
voir, Foctave,  la  quinte,  la  douzième,  qui  est  la  ré- 
plique de  la  quinte ,  la  quarte ,  et  l'onzième ,  qui  est 
sa  réplique.  Nous  y  ajoutons  les  tierces  et  les  sixtes 
majeures  et  mineures  ,  les  octaves  doubles  et  triples  , 
et,  en  un  mot,  les  diverses  répliques  de  tout  cela  sans 
exception  ,  selon  toute  l'étendue  du  système. 

On  distingue  les  consonnances  en  parfaites  ou  justes, 
dont  l'intervalle  ne  varie  point,  et  en  imparfaites,  qui 
peuvent  être  majeures  ou  mineures.  Les  consonnances 
parfaites  sont  l'octave  ,  la  quinte  et  la  quarte;  les  im- 
parfaites sont  les  tierces  et  les  sixtes. 

Les  consonnances  se  divisent  encore  en  simples  et 
composées.  Il  n'y  a  de  consonnances  simples  que  la 
tierce  et  la  quarte:  car  la  quinte,  par  exemple,  est 
composée  de  deux  tierces  ;  la  sixte  est  composée  de 
tierce  et  de  quarte,  etc. 

Le  caractère  physique  des  consonnances  se  tire  de 
leur  production  dans  un  même  son ,  ou,  si  Ton  veut, 
du  frémissement  des  cordes.  De  deux  cordes  bien 
d'accord  formant  entre  elles  un  intervalle  d'octave,  ou 
de  douzième  qui  est  l'octave  de  la  quinte,  ou  de  dix- 
septième  majeure  qui  est  la  double  octave  de  la  tierce 
majeure,  si  l'on  fait  sonner  la  plus  grave,  l'autre  fré- 
mit et  résonne.  A  l'égard  de  la  sixte  majeure  et  mi- 
neure, de  la  tierce  mineure ,  de  la  quinte  et  de  la  tierce 
majeure  simples,  qui  toutes  s.ont  des  combinaisons  et 
des  renversements  des  précédentes  consonnances ,  elles 


GON  175 

se  trouvent  non  directement,  mais  entre  les  diverses 
cordes  qui  frémissent  au  même  son. 

Si  je  touche  la  corde  wf ,  les  cordes  montées  à  son 
octave  ut,  à  la  quinte  50/  de  cette  octave,  à  la  tierce 
mi  de  la  double  octave,  môme  aux  octaves  de  tout 
cela  ,   iiémiront  toutes  et  résonneront  à-la-fois  ;  et 
quand  la  première  corde  seroit  seule,  on  distingue- 
roit  encore  tous  ces  sons  dans  sa  résonnance.  Voilà 
donc  Toctave,  la  tierce  majeure  et  la  quinte  directes. 
Les  autres  çonsonnances  se  trouvent  aussi  par  combi- 
naisons :   savoir  la  tierce  mineure,  de  rni  au  sol;  la 
sixte  mineure,  du  même  mi  à  \ut  d'en  haut;  la  quarte , 
du  sol  à  ce  même  ut;  et  la  sixte  majeure,  du  même  sol 
au  mi  qui  est  au-dessus  de  lui*. 

Telle  est  la  vénération  de  toutes  les  çonsonnances.  Il 
s'agiroit  de  rendre  raison  des  phénomènes. 

Premièrement  ,  le  frémissement  des  cordes  s'ex- 
plique par  Faction  de  l'air  et  le  concours  des  vibra- 
tions. (Voyez  Unisson.)  1^  Que  le  son  d'une  corde  soit 
toujours  accompagné  de  ses  harmoniques  (voyez  ce 
mot),  cela  paroît  une  propriété  du  son  qui  dépend  de 
sa  nature,  qui  en  est  inséparable,  et  au'on  ne  sau- 
roit  expliquer  qu'avec  des  hypothèses  qui  ne  sont  pas 
sans  difficulté.  La  plus  ingénieuse  qu'on  ait  jusqu'à 
présent  imaginée  sur  cette  matière  est  sans  contredit 
celle  de  M.  de  Mairan  ,  dont  M.  Rameau  dit  avoir  fait 
son  profit. 

3<*  A  l'égard  du  plaisir  que. les  çonsonnances  font  à 
l'oreille  à  l'exclusion  de  tout  autre  intervalle,  on  en 
voit  clairement  la  source  dans  leur  génération.  Les 
çonsonnances  naissent  toutes  de  l'accord  parfait,  pro- 


i']6  COIN 

duit  par  un  son  unique,  et  réciproquement  l'accord 
parfait  se  forme  par  l'assemblage  des  consonnances .  Il 
est  donc  naturel  que  Tharmonie  de  cet  accord  se  com- 
munique à  ses  parties ,  que  chacune  d'elles  y  parti- 
cipe ,  et  que  tout  autre  intervalle  qui  ne  fait  pas  partie 
de  cet  accord  n'y  participe  pas.  Or,  la  nature,  qui  a 
doué  les  objets  de  chaque  sens  de  qualités  propres  à 
le  flatter,  a  voulu  qu'un  son  quelconque  fût  toujours 
accompagné  d'autres  sons  agréables,  comme  elle  a 
voulu  qu'un  rayon  de  lumière  fût  toujours  formé  des 
plus  belles  couleurs.  Que  si  l'on  presse  la  question ,  et 
qu'on  demande  encore  d'où  naît  le  plaisir  que  cause 
l'accord  parfait  à  l'oreille ,  tandis  qu'elle  est  choquée 
du  concours  de  tout  autre  son,  que  pourroit-on  ré- 
pondre à  cela,  sinon  de  demander  à  son  tour  pour- 
quoi le  vert  plutôt  que  le  gris  réjouit  la  vue ,  et  pour- 
quoi le  parfum  de  la  rose  enchante ,  tandis  que  l'odeur 
du  pavot  déplaît? 

C-e  n'est  pas  que  les  physiciens  n'aient  expliqué  tout 
cela  ;  et  que  n'expliquent-ils  point?  Mais  que  toutes 
ces  explications  sont  conjecturales ,  et  qu'on  leur 
trouve  peu  de  solidité  quand  on  les  examine  de  près  î 
Le  lecteur  en  jugera  par  l'exposé* des  principales,  que 
je  vais  tâcher  de  faire  en  peu  de  mots. 

Ils  disent  donc  que  la  sensation  du  son  étant  pro- 
duite par  les  vibrations  du  corps  sonore  propagées 
jusqu'au  tympan  par  celles  que  l'air  reçoit  de  ce 
même  corps,  lorsque  deux  sons  se  font  entendre  en- 
semble, l'oreille  est  affectée  à-la-fois  de  leurs  diverses 
vibrations.  Si  ces  vibrations  sont  isochrones,  c'est-à- 
dire  qu'elles  s'accordent  à  commencer  et  finir  en  même 


coN  J7'7 

temps,  ce  concours  forme  runisson;  et  Toreille,  qui 
saisit  Faccord  de  ces  retours  égaux  et  bien  concor- 
dants, en  est  agréablement  aiTectée.  Si  les  vibrations 
d'un  des  deux  sons  sont  doubles  en  durée  de  celles  de 
l'autre,  durant  chaque  vibration  du  plus  grave,  l'aigu 
en  fera  précisément  deux;  et  à  la  troisième  ils  parti- 
ront ensemble.  Ainsi,  de  deux  en  deux,  chaque  vibra- 
tion impaire  de  l'aigu  concourra  avec  chaque  vibration 
du  grave  ;  et  cette  fréquente  concordance  qui  con- 
stitue l'octave,  selon  eux  moins  douce  que  l'unisson , 
le  sera  plus  qu'aucune  autre  consonnance.  Après  vient 
la  quinte,  dont  l'un  des  sons  fait  deux  vibrations, 
tandis  que  l'autre  en  fait  trois  ;  de  sorte  qu'ils  ne  s'ac- 
cordent qu'à  chaque  troisième  vibration  de  l'aigu;  en- 
suite la  double  octave,  dont  l'un  des  sons  fait  quatre 
vibrations  pendant  que  l'autre  n'en  fait  qu'une,  s'ac- 
cordant  seulement  à  chaque  quatrième  vibration  de 
l'aigu.  Pour  la  quarte,  les  vibrations  se  répondent  de 
quatre  en  quatre  à  l'aigu,  et  de  trois  en  trois  au  grave  : 
celles  de  la  tierce  majeure  sont  comme  4  et  5  ;  de  la 
sixte  majeure,  comme  3  et  5;  de  la  tierce  mineure, 
comme  5  et  6  ;  et  de  la  sixte  mineure,  comme  5  et  8. 
au-delà  de  ces  nombres  il  n'y  a  plus  que  leurs  multi- 
ples qui  produisent  des  consonnances ,  c'est-à-dire  des 
octaves  de  celles-ci  ;  tout  le  reste  est  dissonant. 

D'autres,  trouvant  l'octave  plus  agréable  que  l'u- 
nisson, et  la  quinte  plus  agréable  que  l'octave,  en 
donnent  pour  raison  que  les  retours  égaux  des  vibra- 
tions dans  l'unisson,  et  leur  concours  trop  fréquent 
dans  l'octave,  confondent,  identifient  les  sons,  et  em- 
pêchent l'oreille  d'en  apercevoir  la  diversité.   Pour 


2-78  CON 

qu'elle  puisse  avec  plaisir  comparer  les  sons ,  il  faut 
bien,  disent-ils,  que  les  vibrations  s'accordent  par  in- 
tervalles, mais  non  pas  qu'elles  se  confondent  trop 
souvent;  autrement,  au  lieu  de  deux  sons,  on  croiroit 
n'en  entendre  qu'un ,  et  l'oreille  perdroit  le  plaisir  de 
la  comparaison.  C'est  ainsi  que  du  même  principe  ou 
déduit  à  son  gré  le  pour  et  le  contre,  selon  qu'on  juge 
que  les  expériences  l'exigent. 

Mais  premièrement  toute  cette  explication  n'est, 
comme  on  voit,  fondée  que  sur  le  plaisir  qu'on  pré- 
tend que  reçoit  l'ame  par  l'organe  de  l'ouïe  du  con- 
cours des  vibrations;  ce  qui,  dans  le  fond,  n'est  déjà 
qu'une  pure  supposition.  De  plus  il  faut  supposer 
encore,  pour  autoriser  ce  système,  que  la  première 
vibration  de  chacun  des  deux  corps  sonores  com- 
mence exactement  aveq  celle  de  l'autre;  car  de  quel- 
que peu  que  l'une  précédât,  elles  ne  concourroient 
plus  dans  le  rapport  déterminé,  peut-être  même  ne 
concourroient-elles  jamais,  et  par  conséquent  Tinter- 
valle  sensible  devroit  changer,  la  cotisomiance  nexisle- 
roit  plus,  ou  ne  seroit  plus  la  même.  Enfin  il  faut 
supposer  que  les  diverses  vibrations  des  deux  sons 
d'une  consonnance  frappent  l'organe  sans  confusion , 
et  transmettent  au  cerveau  la  sensation  de  Taccord 
sans  se  nuire  mutuellement  :  chose  difficile  à  conce- 
voir et  dont  j'aurai  occasion  de  parler  aiHeurs. 

Mais ,  sans  disputer  sur  tant  de  suppositions,  voyons 
ce  qui  doit  s'ensuivre  de  ce  système.  Les  vibrations 
ou  les  sons  de  la  dernière  consonnance^  qui  est  la 
tierce  mineure ,  sont  comme  5  et  6 ,  et  l'accord  en  est 
fort  agréable.  Que  doit-il  naturellement  résulter  de 


CON  l'jfj 

deux  autres  sons  dont  les  vibrations  seroient  entre 
elles  comme  6  et  7  ?  une  consonnance  un  peu  moins 
harmonieuse,  à  la  vérité,  mais  encore  assez  agréable, 
à  cause  de  la  petite  différence  des  raisons;  car  elles  ne 
diffèrent  que  d'un  trente-sixième.  Mais  qu'on  me  dise 
comment  il  se  peut  faire  que  deux  sons,  dont  Tun  fait 
cinq  vibrations  pendant  que  l'autre  en  fait  six,  pro- 
duisent une  consonnance  agréable,  et  que  deux  sons, 
dont  l'un  fait  six  vibrations  pendant  que  l'autre  en 
fait  sept ,  produisent  une  dissonance  aussi  dure.  Quoi  ! 
dans  l'un  de  ces  rapports  les  vibrations  s'accordent  de 
six  en  six,  et  mon  oreille  est  charmée;  dans  l'autre 
elles  s'accordent  de  sept  en  sept,  et  mon  oreille  est 
écorchée  !  Je  demande  encore  comment  il  se  fait  qu'a- 
près cette  première  dissonance  la  dureté  des  autres 
n'augmente  pas  en  raison  de  la  composition  des  rap- 
ports :  pourquoi ,  par  exemple  ,  la  dissonance  qui 
résulte  du  rapport  de  89  à  90  n'est  pas  beaucoup  plus 
choquante  que  celle  qui  résulte  du  rapport  de  1 2  à  1 3. 
Si  le  retour  plus  ou  moins  fréquent  du  concours  des 
vibrations  étoit  la  cause  du  degré  de  plaisir  ou  de 
peine  que  me  font  les  accords,  1  effet  seroit  propor- 
tionné à  cette  cause ,  et  je  n'y  trouve  aucune  propor- 
tion. Donc  ce  plaisir  et  cette  peine  ne  viennent  point 
de  là. 

Il  reste  encore  à  faire  attention  aux  altérations 
dont  une  consonnance  est  susceptible  sans  cesser 
d'être  agréable  à  l'oreille ,  quoique  ces  altérations  dé- 
rangent entièrement  le  concours  périodique  des  vi- 
brations, et  que  ce  concours  même  devienne  plus 
rare  à  mesure  que  l'altération  est  moindre.  ïl  reste 

12. 


l8o  CON 

à  considérer  que  Taccord  de  Torgue  ou  du  clavecin 
ne  devroit  offrir  à  Foreillc  cp'une  cacophonie  d'au- 
tant plus  horrible  que  ces  instruments  seroient  ac- 
cordés avec  plus  de  soin;  puisque,  excepté  Toctave, 
il  ne  s'y  trouve  aucune  consonnance  dans  son  rapport 
exact. 

Dira-t-on  qu'un  rapport  approché  est  supposé  tout- 
à-fait  exact,  qu'il  est  reçu  pour  tel  par  l'oreille,  et 
qu'elle  supplée  par  instinct  ce  qui  manque  à  la  jus- 
tesse de  l'accord?  je  demande  alors  pourquoi  cette 
inégalité  de  jugement  et  d'appréciation  par  laquelle 
elle  admet  des  rapports  plus  ou  moins  rapprochés, 
et  en  rejette  d'autres  selon  la  diverse  nature  des  con- 
sonnances.  Dans  l'unisson,  par  exemple,  l'oreille  ne 
supplée  rien;  il  est  juste  ou  faux,  point  de  milieu. 
De  même  encore  dans  l'octave,  si  l'intervalle  n'est 
exact,  l'oreille  est  choquée;  elle  n'admet  point  d'ap- 
proximation. Pourquoi  en  admet-elle  plus  dans  la 
quinte,  et  moins  dans  la  tierce  majeure?  Une  expjli- 
cation  vague,  sans  preuve,  et  contraire  au  principe 
qu'on  veut  établir,  ne  rend  point  raison  de  ces  diffé- 
rences. 

Le  philosophe  qui  nous  a  donné  des  principes  d'a- 
coustique laissant  à  part  tous  ces  concours  de  vibra- 
tions ,  et  renouvelant  sur  ce  point  le  système  de  Des- 
cartes, rend  raison  du  plaisir  que  les  consonnances 
font  à  l'oreille  par  la  simplicité  des  rapports  qui  sont 
entre  les  sons  qui  les  forment.  Selon  cet  auteur  et  se- 
lon Descartes,  le  plaisir  diminue  à  mesure  que  ces 
rapports  deviennent  plus  composes;  et  quand  l'esprit 
ne  les  saisit  plus  ce  sont  de  véritables  dissonances  : 


CON  i8r 

ainsi  c'est  une  opération  de  Tespiit  qu'ils  prennent 
pour  le  principe  du  sentiment  de  l'harmonie.  D'ail- 
leurs ,  c|uoi(jue  cette  hypothèse  s'accorde  avec  le 
résultat  des  premières  divisions  harmoniques,  et 
qu'elle  s'étende  même  à  d'autres  phénomènes  qu'on 
remarque  dans  les  beaux-arts,  comme  elle  est  sujette 
aux  mêmes  objections  que  la  précédente,  il  n'est  pas 
possible  à  la  raison  de  s'en  coiitenter. 

Celle  de  toutes  qui  paroît  la  plus  satisfaisante  a  pour 
auteur  M.  Estéve,  de  la  Société  royale  de  Montpellier. 
Voici  là-dessus  comment  il  raisonne. 

Le  sentiment  du  son  est  inséparable  de  celui  de  ses 
harmoniques  ;  et  puisque  tout  son  porte  avec  soi  ses 
harmoniques  ou  pèutôt  son  accompagnement,  ce  même 
accompagnement  est  dans  l'ordre  de  nos  organes.  Il  y 
a  dans  le  son  le  plus  simple  une  gradation  de  sons  qui 
sont  et  plus  foibles  et  plus  aigus,  qui  adoucissent  par 
nuances  le  son  principal ,  et  le  font  perdre  dans  la 
grande  vitesse  des  sons  les  plus  hauts.  Voilà  ce  que 
c'est  qu'un  son,  l'accompagnement  lui  est  essentiel, 
en  fait  la  douceur  et  la  mélodie.  Ainsi  toutes  les  fois 
que  cet  adoucissement,  cet  accompagnement,  ces 
harmoniques ,  seront  renforcés  et  mieux  développés  , 
les  sons  seront  plus  mélodieux,  les  nuances  mieux 
soutenues.  C'est  une  perfection,  et  lame  y  doit  être 
sensible. 

Or  les  consonnances  ont  cette  propriété  que  les  har- 
moniques de  chacun  des  deux  sons  concourant  avec 
les  harmoniques  de  l'autre,  ces  harmoniques  se  sou- 
tiennent mutuellement,  deviennent  plus  sensibles ,, 


l82  CGN 

durent  plus  long-temps,  et  rendent  ainsi  plus  agréable 

Faccord  des  sons  qui  les  donnent. 

Pour  rendre  plus  claire  Tappiication  de  ce  principe, 
M.  Estéve  a  dressé  deux  tables,  Tune  des  consonnan- 
ces,  et  l'autre  des  dissonances  qui  sont  dans  Tordre  de 
la  gamme  ;  et  ces  tables  sont  tellement  disposées ,  qu'on 
voit  dans  chacune  le  concours  ou  l'opposition  des  har- 
moniques de  deux  sons  qui  forment  chaque  inter- 
valle. 

Parla  table  des  consonnances ,  on  voit  que  l'accord 
de  l'octave  conserve  presque  tous  ses  harmoniques , 
et  c'est  la  raison  de  l'identité  qu'on  suppose  dans  la 
pratique  de  Tharmonie  entre  les  deux  sons  de  l'octave  ; 
on  voit  que  l'accord  de  la  quinte  n (Conserve  que  trois 
harmoniques ,  que  la  quarte  n'en  conserve  que  deux , 
qu  enfin  les  consonnances  imparfaites  n'en  conservent 
qu'un,  excepté  la  sixte  majeure  qui  en  porte  deux. 

Par  la  table  des  dissonances,  on  voit  qu'elles  ne  se 
conservent  aucun  harmonique  ,  excepté  la  seule  sep- 
tième mineure  qui  conserve  son  quatrième  harmoni- 
que ,  savoir  la  tierce  majeure  de  la  troisième  octave 
du  son  aigu. 

De  ces  observations  l'auteur  conclut  que  plus  entre 
deux  sons  il  y  aura  d'harmoniques  concourants ,  plus 
l'accord  en  sera  agréable  ;  et  voilà  les  consonnances 
parfaites  :  plus  il  y  aura  d'harmoniques  détruits ,  moins 
î'ame  sera  satisfaite  de  ces  accords  ;  voilà  les  conson- 
nances imparfaites  :  que  s'il  arrive  qu'aucun  harmoni- 
que ne  soit  conservé,  les  sons  seront  privés  de  leur 
douceur  et  de  leur  mélodie  \  ils  seront  aigres  et  comme 
décharnés  ,  lame  s'v  refusera  ;  et  au  lieu  de  l'adoucis- 


CON  i83 

sèment  qirelle  éprouvoit  dans  les  consonnances ,  ne 
tiouvant  partout  qu'une  rudesse  soutenue ,  elle  éprou- 
vera un  sentiment  d'inquiétude  désagréable  qui  est 
l'effet  de  la  dissonance. 

Cette  hypothèse  est  sans  contredit  la  plus  simple .. 
la  plus  naturelle ,  la  plus  heureuse  de  toutes  :  mais  elle 
laisse  pourtant  encore  quelque  chose  à  désirer  poiu^ 
le  contentement  de  l'esprit,  puisque  les  causes  qu'elle 
assigne  ne  sont  pas  toujours  proportionnelles  aux  dif- 
férences des  effets  ;  que ,  par  exemple ,  elle  confond 
dans  la  même  catégorie  la  tierce  mineure  et  la  sep- 
tième mineure,  comme  réduites  également  à  un  seul 
harmonique,  quoique  l'une  soit  consonnante,  l'autre 
dissonante ,  et  que  l'effet  à  l'oreille  en  soit  très  diffé- 
rent. 

A  l'égard  du  principe  d'harmonie  imaginé  par  M. 
Sauveur,  et  qu'il  faisoit  consister  dans  les  battements, 
comme  il  n'est  en  nulle  façon  soutenable ,  et  qu  il  n  a 
été  adopté  de  personne ,  je  ne  m'y  arrêterai  pas  ici ,  et 
il  suffira  de  renvoyer  le  lecteur  à  ce  que  j'en  ai  dit  au 
mot  Battement. 

CoNSONNANT,  adj.  Un  intervalle  consonnant  est  celui 
qui  donne  une  consonnance  ou  qui  en  produit  l'effet , 
ce  qui  arrive  en  certains  cas  aux  dissonarK;es  par  la 
force  de  la  modulation.  Un  accord  consonnant  est  celui 
qui  n'est  composé  que  de  consonnances. 

Contra  ,  s:m.  Nom  qu'on  donnoit  autrefois  à  la  partie 
qu'on  appeloit  plus  communément  allas,  et  qu'aujour- 
d'hui nous  nommons  haute-contre.  (  Voyez  Haute- 
ConcTRE.  ) 

Contraint  ,  adj.  Ce  mot  s'applique ,  soit  à  Tharmo- 


i84  cojn 

nie,  soit  au  chant,  soit  à  la  valeur  des  notes,  quand 
par  la  nature  du  dessein  on  s'est  assujetti  à  une  loi 
d'uniformité  dans  quelqu'une  de  ces  trois  parties. 
(  Voyez  Basse-Contrainte.  ) 

Contraste,  s.  m.  Opposition  de  caractères.  Il  y  a 
contraste  dans  une  pièce  de  musique  lorsque  le  mou- 
vement passe  du  lent  au  vite ,  ou  du  vite  au  lent  ;  lors- 
que le  diapason  de  la  mélodie  passe  du  grave  à  l'aigu, 
ou  de  l'aigu  au  grave  ;  lorsque  le  chant  passe  du  doux 
au  fort,  ou  du  fort  au  doux;  lorsque  Taccompagne- 
ment  passe  du  simple  au  figuré,  ou  du  figuré  au  sim- 
ple ;  enfin  ,  lorsque  l'harmonie  a  des  jours  et  des  pleins 
alternatifs  :  et  le  contraste  le  plus  parfait  est  celui  qui 
réunit  à-la-fois  toutes  ces  oppositions. 

Il  est  très  ordinaire  aux  compositeurs  qui  manquent 
d'invention  d'abuser  du  co/ifr«5fe,  et  d'y  chercher,  pour 
nourrir  l'attention,  les  ressources  que  leur  génie  ne 
leur  fournit  pas.  Mais  le  contraste^  employé  à  propos 
et  sobrement  ménagé,  produit  des  effets  admirables. 

Contra-tenor.  Nom  donné  dans  les  commencements 
du  contre-point ,  à  la  partie  qu'on  a  depuis  nommée 
ténor  ou  taille.  (  Voyez  Taille.  ) 

Contre-chant,  s.  m.  Nom  donné  par  Gerson  et  par 
d'autres  à  ce  qu'on  appeloit  alors  plus  communément 
déchant  on  contre-point.  (Voyez  ces  mots-  ) 

Contre-danse.  Air  d'une  sorte  de  danse  de  même 
oom ,  qui  s'exécute  à  quatre ,  à  six  et  à  huit  personnes , 
et  qu'on  danse  ordinairement  dans  les  bals  après  les 
menuets ,  comme  étant  plus  gaie  et  occupant  plus  de 
monde.  Les  airs  des  contre-danses  sont  le  plus  souvent 
h  deux  temps  :  ils  doivent  être  bien  cadencés ,  brillants 


coN  i85 

et  gais,  et  avoir  cependant  beaucoup  de  simplicité; 
car,  comme  on  les  reprend  très  souvent,  ils  devien- 
droient  insupportables  s'ils  éto-ient  charges.  En  tout 
genre  les  choses  les  plus  simples  sont  celles  dont  on 
se  lasse  le  moins. 

C0ΫJTRE-FUGUE    OU   FuGUE-RENVERSÉE ,    S.  f.   SortC  dc 

fugue  dont  la  marche  est  contraire  à  celle  d'une  autre 
fugue  qu'on  a  établie  auparavant  dans  le  même  mor- 
ceau. Ainsi ,  quand  la  fugue  s'est  fait  entendre  en  mon- 
tant de  la  tonique  à  la  dominante,  ou  de  la  dominante 
à  la  tonique,  la  contre-fugue  doit  se  faire  entendre  en 
descendant  de  la  dominante  à  la  tonique,  ou  de  la  to- 
nique à  la  dominante ,  et  vice  versa  :  du  reste ,  ses  ré- 
gies sont  entièrement  semblables  à  celles  de  la  fugue. 
(Voyez  Fugue.  ) 

Contre-harmonique,  aclj.  Nom  d'une  sorte  de  pro- 
portion. (  Voyez  l^ROPORTiON.  ) 

Contre-partie,  s.f.  Ce  terme  ne  s'emploie  en  musi- 
que que  pour  signifier  une  des  deux  parties  d'un  duo 
considérée  relativement  à  l'autre. 

Contre-point  ,  5.  m.  C'est  à  peu  près  la  même  chose 
que  composition;  si  ce  n'est  que  composition  peut  se 
dire  des  chants,  et  d'une  seule  partie,  et  que  contre- 
point ne  se  dit  que  de  l'harmonie ,  et  d'une  composition 
à  deux  ou  plusieurs  parties  différentes. 

Ce  mot  de  contre-point  vient  de  ce  qu'anciennement 
les  notes  ou  signes  des  sons  étoient  de  simples  points , 
et  qu'en  composant  à  plusieurs  parties,  on  plaçoit 
ainsi  ces  points  Fun  sur  l'autre ,  ou  l'un  contre  l'autre. 

Aujourd  hui  le  nom  de  confj^e-point  s'applique  spé- 
cialement aux  parties  ajoutées  sur  un  sujet  donné, 


ibb  COiN 

pris  ordinairement  du  plain-chant.  Le  sujet  peut  être 
à  la  taille  ou  à  quelque  autre  partie  supérieure;  et  Ton 
dit  alors  que  le  contre-point  est  sous  le  sujet  :  mais  il 
est  ordinairement  à  la  basse,  ce  qui  met  le  sujet  sous 
le  contre-point.  Quand  le  contre-point  est  syllabique  ou 
note  sur  note,  on  l'appelle  contre-point  simple  ;  contre- 
point figuré^  quand  il  s'y  trouve  différentes  figures  ou 
valeurs  de  notes ,  et  qu'on  y  fait  des  desseins ,  des  fu- 
fjues ,  des  imitations  :  on  sent  bien  que  tout  cela  ne 
peut  se  faire  qu'à  l'aide  de  la  mesure ,  et  que  ce  plain- 
cbant  devient  alors  de  véritable  musique.  Une  com- 
position faite  et  exécutée  ainsi  sur-le-cbamp ,  et  sans 
préparation  sur  un  sujet  donné ,  s'appelle  chant  sur  le 
livre  ^  parcequ'alors  chacun  compose  impromptu  sa 
partie  ou  son  chant  sur  le  livre  du  chœur.  (Voyez  Chant 

SUR  LE  LIVRE.  ) 

On  a  long-temps  disputé  si  les  anciens  avoient  connu 
le  contre-point  :  mais  par  toui  ce  qui  nous  reste  de  leur 
musique  et  de  leurs  écrits,  principalement  par  les 
régies  de  pratique  d'Aristoxène,  livre  troisième,  on 
voit  clairement  qu'ils  n'en  eurent  jamais  la  moindre 
notion. 

Contre-sens,  s.  m.  Vice  dans  lequel  tombe  le  musi- 
cien, quand  il  rend  une  autre  pensée  que  celle  qu'il 
doit  rendre.  La  musique,  dit  M.  d'Alembert,  n'étant 
et  ne  devant  être  qu'une  traduction  des  paroles  qu'on 
met  en  chant,  il  est  visible  qu'on  y  peut  tomber  dans 
lîes  contre-sens  ;  et  ils  n'y  sont  guère  plus  faciles  à 
éviter  que  dans  une  véritable  traduction.  Contre-sens 
dans  lexpression,  quand  la  musique  est  triste  au  lieu 
d'être  gaie,  gaie  au  lieu  d'être  triste,  légère  au  Hou 


COP  187 

d'être  grave,  grave  au  lieu  d'être  légère,  etc.  Contre^ 
se?is  dans  la  prosodie,  lorsqu'on  est  bref  sur  des  syl- 
labes longues,  long  sur  des  syllabes  brèves,  qu'on 
n'observe  pas  l'accent  de  la  langue,  etc.  Contresens 
dans  la  déclamation,  lorsqu'on  y  exprime  par  les 
mêmes  modulations  des  sentiments  opposés  ou  diffé- 
rents, lorsqu'on  y  rend  moins  les  sentiments  que  les 
mots,  lorsqu'on  s'y  appesantit  sur  des  détails  sur  les- 
quels on  doit  glisser,  lorsque  les  répétitions  sont  en- 
tassées hors  de  propos.  Contre-sens  dans  la  ponctua- 
tion, lorsque  la  phrase  de  musique  se  termine  par  une 
cadence  parfaite  dans  les  endroits  où  le  sens  est 
suspendu,  ou  forme  un  repos  imparfait  quand  le  sens 
est  achevé.  Je  parle  ici  des  contre-sens  pris  dans  la  ri- 
gueur du  mot;  mais  le  manque  d'expression  est  peut- 
être  le  plus  énorme  de  tous.  J'aime  encore  mieux  que 
la  musique  dise  autre  chose  que  ce  qu'elle  doit  dire, 
que  de  parler  et  ne  rien  dire  du  tout. 

Co^TRE-TËMPS ,  s.  m.  Mesure  à  contre-temps  est  celle 
où  l'on  pause  sur  le  temps  (bible,  où  l'on  glisse  sur  le 
temps  fort,  et  où  le  chant  semble  être  en  contre-sens 
avec  la  mesure  (Voyez  Syncope.) 

Copiste, 5.  m.  Celui  qui  fait  profession  de  copier  de 
la  musique. 

Quelque  progrès  qu'ait  fait  l'art  typographique , 
on  n'a  jamais  pu  l'appliquer  à  la  musique  avec  autant 
de  succès  qu'à  l'écriture ,  soit  parceque  les  goûts  de 
l'esprit  étant  plus  constants  que  ceux  de  l'oreille,  on 
s'ennuie  moins  vite  des  mêmes  livres  que  des  mêmes 
chansons;  soit  par  les  difficultés  pailiculières  que  la 
combinaison  des  notes  et  des  lignes  ajoute  à  l'imprcs- 


î88  cop 

sion  de  la  musique  :  car  si  Ton  imprime  premièrement 
les  portées  et  ensuite  les  notçs,  il  est  impossible  de 
donner  à  leurs  positions  relatives  la  justesse  néces- 
saire; et  si  le  caractère  de  chaque  note  tient  à  une 
portion  de  la  portée,  comme  dans  notre  musique  im- 
primée, les  lignes  s'ajustent  si  mal  entre  elles,  il  faut 
une  si  prodigieuse  quantité  de  caractères,  et  le  tout 
tait  un  si  vilain  effet  à  l'œil,  qu'on  a  quitté  cette  ma- 
nière avec  raison  pour  lui  substituer  la  gravure.  Mais , 
outre  que  la  gravure  elle-même  n'est  pas  exempte 
d'inconvénients,  elle  a  toujours  celui  de  multiplier 
trop  ou  trop  peu  les  exemplaires  ou  les  parties,  de 
mettre  en  partition  ce  que  les  uns  voudroient*en  par- 
lies  séparées ,  ou  en  parties  séparées  ce  que  d'autres 
voudroient  en  partition,  et  de  n'offrir  guère  aux  cu- 
rieux que  de  la  musique  déjà  vieille  qui  court  dans  les 
mains  de  tout  le  monde.  Enfin  il  est  sûr  qu'en  Italie, 
le  pays  de  la  terre  où  l'on  fait  le  plus  de  musique,  on 
a  proscrit  depuis  long-temps  la  note  imprimée  sans 
que  l'usage  de  la  gravure  ait  pu  s'y  établir  :  d'où  je 
conclus  qu'au  jugement  des  experts  celui  de  la  simple 
copie  est  le  plus  commode. 

Il  est  plus  important  que  la  musique  soit  nette- 
ment et  correctement  copiée  que  la  simple  écriture , 
parceque  celui  qui  lit  et  médite  dans  son  cabinet  aper- 
çoit, corrige  aisément  les  fautes  qui  sont  dans  son 
livre,  et  que  rien  ne  l'empêche  de  suspendre  sa  lec- 
ture ou  de  la  recommencer:  mais,  dans  un  concert, 
où  chacun  ne  voit  que  sa  partie ,  et  où  la  rapidité  et  la 
continuité  de  l'exécution  ne  laissent  le  temps  de  re- 
venir sur  aucune  faute,  elles  sont  toutes  irréparables  : 


COP  189 

souvent  un  morceau  sublime  est  estropié,  l'exécu- 
tion est  interrompue  ou  même  arrêtée,  tout  va  de  tra- 
vers, partout  manque  l'ensemble  et  Teffet,  Tauditeur 
est  rebuté,  et  Fauteur  déshonoré,  par  la  seule  faute  du 
copiste. 

Déplus,  Fintelli^ence  d'une  musique  difficile  dé- 
pend beaucoup  de  la  manière  dont  elle  est  copiée; 
car,  outre  la  netteté  de  la  note,  il  y  a  divers  moyens 
de  présenter  plus  clairement  au  lecteur  les  idées  qu'on 
veut  lui  peindre  et  qu'il  doit  rendre.  On  trouve  sou- 
vent la  copie  d'un  homme  plus  lisible  que  celle  d'un 
autre,  qui  pourtant  note  plus  ajjréablement;  c'est 
que  l'un  ne  veut  que  plaire  aux  yeux,  et  que  l'autre 
est  plus  attentif  aux  soins  utiles.  Le  plus  habile  copiste 
est  celui  dont  la  musique  s'exécute  avec  le  plus  de 
facilité,  sans  que  le  musicien  même  devine  pourquoi. 
Tout  cela  m'a  persuadé  que  ce  n'étoit  pas  faire  un  ar- 
ticle inutile  que  d'exposer  un  peu  en  détail  le  devoir 
et  les  soins  d'un  bon  copiste:  tout  ce  qui  tend  à  faci- 
liter l'exécution  n'est  point  indifférent  à  la  perfection 
d'un  art  dont  elle  est  toujours  le  plus  grand  écueil.  Je 
sens  combien  je  vais  me  nuire  à  moi-même,  si  l'on 
compare  mon  travail  à  mes  régies;  mais  je  n'ignore 
pas  que  celui  qui  cherche  l'utilité  publique  doit  avoir 
oublié  la  sienne.  Homme  de  lettres,  j'ai  dit  de  mon 
état  tout  le  mal  que  j'en  pense;  je  n'ai  fait  que  de  la 
musique  françoise,  et  n'aime  que  l'italienne;  j'ai  mon- 
tré toutes  les  misères  de  la  société,  quand  j'étois  heu- 
reux par  elle  :  mauvais  copiste^  j'expose  ici  ce  que  font 
les  bons,  O  vérité  !  mon  intérêt  ne  fut  jamais  rien  devant 


2()0  COP 

toi;  qu'il  ne  souille  en  rien  le  culte  que  je  t'ai  voué. 

Je  suppose  d'abord  que  le  copiste  est  pourvu  de 
toutes  les  connoissances  nécessaires  à  sa  profession. 
Je  lui  suppose  de  plus  les  talents  qu'elle  exige  pour 
être  exercée  supérieurement.  Quels  sont  ces  talents ,. 
et  quelles  sont  ces  connoissances?  Sans  en  parler  ex- 
pressément, c'est  de  quoi  cet  article  pourra  donner 
une  suffisante  idée.  Tout  ce  que  j'oserai  dire  ici,  c'est 
que  tel  compositeur  qui  se  croit  un  fort  habile  homme, 
est  bien  loin  d  en  savoir  assez  pour  copier  correcte- 
ment la  composition  d  autrui. 

Comme  la  musique  écrite ,  surtout  en  partition , 
est  faite  pour  être  lue  de  loin  par  les  concertants,  la 
première  chose  que  doit  faire  le  copiste  est  d'employer 
les  matériaux  les  plus  convenables  pour  rendre  sa 
note  bien  lisible  et  bien  nette.  Ainsi  il  doit  choisir  de 
beau  papier  fort,  blanc,  médiocrement  fin,  et  qui  ne 
perce  point  :  on  préfère  celui  qui  n'a  pas  besoin  de 
laver,  parceque  le  lavage  avec  lalun  lui  ôte  un  peu  de? 
sa  blancheur.  L'encre  doit  être  très  noire  sans  être 
luisante  ni  gommée;  la  réglure  fine,  égale,  et  bien  mar- 
quée, mais  non  pas  noire  comme  la  note;  il  faut,  au 
contraire,  que  les  lignes  soient  un  peu  pâles,  afin  que 
les  croches,  doubles-croches,  les  soupirs  demi-sou- 
pirs, et  autres  petits  signes,  ne  se  confondent  pas  avec 
elles,  et  que  la  note  sorte  mieux.  Loin  que  la  pâleur 
des  lignes  empêche  de  lire  la  musique  à  une  certaine 
distance,  elle  aide  au  contraire  à  la  netteté;  et  quand 
même  la  ligne  échapperoit  un  moment  à  la  vue,  la 
position  des  notes  l'indique  assez  le  plus  souvent.  Lci 


COP  191 

régleurs  ne  rendent  que  du  travail  mal  fait;  si  le  co- 
piste veut  se  faire  honneur,  il  doit  régler  son  papier 
lui-même. 

Il  y  a  deux  formats  de  papier  réglé  :  Tun  pour  la 
musique  françoise ,  dont  la  longueur  est  de  bas  en 
haut;  Tautre  pour  la  musique  italienne,  dont  la  lon- 
gueur est  dans  le  sens  des  lignes.  On  peut  employer 
pour  les  deux  le  même  papier  en  le  coupant  et  réglant 
en  sens  contraire;  mais,  quand  on  Tacheté  réglé,  il 
faut  renverser  les  noms  chez  les  papetiers  de  Paris, 
demander  du  papier  à  Titalienne  quand  on  le  veut  à 
la  françoise,  et  à  la  françoise  quand  on  le  veut  à 
Titahenne  :  ce  ^«zy^ro^wo  importe  peu  dès  qu'on  en  est 
prévenu. 

Pour  copier  une  partition,  il  faut  compter  les  por- 
tées qu'enferme  Taccolade,  et  choisir  du  papier  qui 
ait,  par  page,  le  même  nombre  de  portées,  ou  un  mul- 
dple  de  ce  nombre,  afin  de  ne  perdre  aucune  portée , 
ou  d'en  perdre  le  moins  qu'il  est  possible,  quand  le 
multiple  n'est  pas  exact. 

Le  papier  à  litalienne  est  ordinairement  à  dix  por- 
tées, ce  qui  divise  chaque  page  en  deux  accolades 
de  cinq  portées  chacune  pour  les  airs  ordinaires; 
savoir,  deux  portées  pour  les  deux  dessus  de  violon, 
une  pour  la  quinte,  une  pour  le  chant,  et  une  pour 
la  basse.  Quand  on  a  des  duo  ou  des  parties  de  flûtes, 
de  hautbois,  de  cors,  de  trompettes,  alors,  à  ce  nom- 
bre de  portées  on  ne  peut  plus  mettre  qu'une  ac- 
colade par  page,  à  moins  qu'on  ne  trouve  le  moyen 
de  supprimer  quelque  portée  inutile,  comme  celle 


192  COP 

de  la  quinte,  quand  elle  marche  sans  cesse  avec  la 

basse. 

Voici  maintenant  les  observations  qu'on  doit  faire 
pour  bien  distribuer  la  partition,  i  ^  Quelque  nom- 
bre de  parties  de  symphonie  qu'on  puisse  avoir,  il 
faut  toujours  que  les  parties  de  violon,  comme  princi- 
pales, occupent  le  haut  de  l'accolade  où  les  yeux  se 
portent  plus  aisément;  ceux  qui  les  mettent  au-des- 
sous de  toutes  les  autres  et  immédiatement  sur  la 
quinte  pour  la  commodité  de  l'accompagnateur,  se 
trompent;  sans  compter  qu'il  est  ridicule  de  voir  dans 
une  partition  les  parties  de  violon  au-dessous,  par 
exemple,  de  celles  des  cors  qui  sont  beaucoup  plus 
basses.  2^  Dans  toute  la  longueur  de  chaque  morceau, 
l'on  ne  doit  jamais  rien  changer  au  nombre  des  por- 
tées ,  afin  que  chaque  partie  ait  toujours  la  sienne  au 
même  lieu  :  il  vaut  mieux  laisser  des  portées  vides , 
ou,  s'il  le  faut  absolument,  en  charger  quelqu'une 
de  deux  parties,  que  d'étendre  ou  resserrer  l'accolade 
inégalement.  Cette  régie  n'est  que  pour  la  musique 
italienne;  car  l'usage  de  la  gravure  a  rendu  les  com- 
positeurs françois  plus  attentifs  à  l'économie  de  Fes- 
pace  qu'à  la  commodité  de  l'exécution.  3^  Ce  n'est 
qu'à  toute  extrémité  qu'on  doit  mettre  deux  parties 
sur  une  même  portée;  c'est  surtout  ce  qu'on  doit 
éviter  pour  les  parties  de  violon;  car,  outre  que  la 
confusion  y  seroit  à  craindre,  il  y  auroit  équivoque 
avec  la  double-corde;  il  faut  aussi  regarder  si  jamais 
ies  parties  ne  se  croisent,  ce  qu'on  ne  pourroit  guère 
écrire  sur  la  même  portée  d'une  manière  nette  et  lisi- 
h\n.  /\^  Les  clefs  une  fois  écrites  et  correctement  ar- 


cop  1^3 

niées  ne  doivent  plus  se  répéter  non  plus  que  le  si^mb 
de  la  mesure,  si  ce  n'est- dans  la  musique  lîançoise, 
quand,  les  accolades  étant  inégales ,  chacun  ne  pour- 
roit  plus  reconnoître  sa  partie;  mais,  dans  les  parties 
séparées ,  on  doit  répéter  la  clef  au  commencement 
de  chaque  portée,  ne  fût-ce  que  pour  marquer  le  com- 
mencement de  la  ligne  au  défaut  de  Faccolade. 

Le  nombre  des  portées  ainsi  fixé,  il  faut  faire  la  di- 
vision des  mesures ,  et  ces  mesures  doivent  être  toutes 
égales  en  espace  comme  en  durée,  pour  mesurer  en 
quelque  sorte  le  temps  au  compas  et  guider  la  voix 
par  les  yeux.  Cet  espace  doit  être  assez  étendu  dans 
chaque  mesure  pour  recevoir  toutes  les  notes  qui  peu- 
vent y  entrer,  selon  sa  plus  grande  subdivision.  On  ne 
sauroit  croire  combien  ce  soin  jette  de  clarté  sur  une 
partition ,  et  dans  quel  embarras  on  se  jette  en  le  négli- 
geant. Si  Ton  serre  une  mesure  sur  uile  ronde,  com- 
ment placer  les  seize  doubles-croches  que  contient 
peut-être  une  autre  partie  dans  la  même  mesure?  Si 
Ion  ss  régie  sur  la  partie  vocale ,  comment  fixer  l'es- 
pace des  ritournelles?  en  un  mot,  si  l'on  ne  regarde 
qu'aux  divisions  d'une  des  parties,  comment  y  rap- 
porter les  divisions  souvent  contraires  des  autres 
parties  ? 

Ce  n'est  pas  assez  de  diviser  l'air  en  mesures  égales, 
il  faut  aussi  diviser  les  mesures  en  temps  égaux.  Si 
dans  chaque  partie  on  proportionne  ainsi  l'espace  à 
la  durée,  toutes  Jes  parties  et  toutes  les  notes  simul- 
tanées de  chaque  partie  se  correspondront  avec  une 
justesse  qui  fera  plaisir  aux  yeux,  et  facilitera  beau- 
coup la  lecture  d'une  partition.  Si,  par  exemple,  o». 


194  cop 

partage  une  mesure  à  quatre  temps  en  quatre  espaces 
bien  égaux  entre  eux  et  dans  chaque  partie,  qu'on 
étende  les  noires ,  qu'on  rapproche  les  croches ,  qu  on 
resserre  les  doubles-croches  à  proportion  et  chacune 
dans  son  espace,  sans  qu'on  ait  besoin  de  regarder 
une  partie  en  copiant  1  autre,  toutes  les  notes  corres- 
pondantes se  trouveront  plus  exactement  perpendi- 
culaires, que  si  on  les  eût  confrontées  en  les  écrivant; 
et  Fou  remarquera  dans  le  tout  la  plus  exacte  pro- 
portion; soit  entre  les  diverses  mesures  d'une  même 
partie,  soit  entre  les  diverses  parties  d'une  même 
mesure. 

A  l'exactitude  des  rapports  il  faut  joindre,  autant 
qu'il  se  peut,  la  netteté  des  signes.  Par  exemple  on 
n'écrira  jamais  de  notes  inutiles,  mais  sitôt  qu'on 
s'aperçoit  que  deux  parties  se  réunissent  et  marchent 
à  l'unisson ,  l'on  doit  renvoyer  de  Tune  à  l'autre  lors- 
qu'elles sont  voisines  et  sur  la  même  clef.  A  l'égard 
de  la  quinte,  sitôt  qu'elle  marche  à  l'octave  de  la 
basse ,  il  faut  aussi  l'y  renvoyer.  La  même  attention 
de  ne  pas  inutilement  multiplier  les  signes  ,  doit  em- 
pêcher d'écrire  pour  la  symphonie  les  piano  aux  en- 
trées du  chant ,  et  les  forte  quand  il  cesse  ;  partout 
ailleurs  il  les  faut  écrire  exactement  sous  le  premier 
violon  et  sous  la  basse,  et  cela  suffit  dans  une  parti- 
tion ,  où  toutes  les  parties  peuvent  et  doivent  se  régler 
sur  ces  deux-là. 

Enfin  le  devoir  du  copiste  écrivant  une  partition  est 
de  corriger  toutes  les  fausses  notes  qui  peuvent  se 
trouver  dans  son  original.  Je  n'entends  pas  par  fausses 
notes  les  fautes  de  l'ouvrage,  mais  celles  de  la  copie 


GOP  KjS 

qui  lui  sert  d'oii{jinal.  La  perfection  de  Ja  sienne  est 
de  rendre  fidèlement  les  idées  de  l'auteur  :  bonnes  ou 
mauvaises,  ce  n'est  pas  son  affaire;  car  jl  n'est  pas 
auteur  ni  correcteur,  mais  copiste.  Il  est  bien  vrai  que 
si  l'auteur  a  mis  par  mégarde  une  note  pour  une  autre , 
il  doit  la  corriger;  mais  si  ce  même  auteur  a  fait  par 
ignorance  une  faute  de  composition,  il  la  doit  laisser.. 
Qu'il  compose  mieux  lui-même,  s'il  veut  ou  s'il  peut, 
à  la  bonne  heure;  mais  sitôt  qu'il  copie,  il  doit  res- 
pecter son  original.  On  voit  par  là  qu'il  ne  suffit  pas 
au  copiste  d'être  bon  harmoniste  et  de  bien  savoir  la 
composition ,  mais  qu'il  doit  de  plus  être  exercé  dans 
les  divers  styles ,  reconnoître  un  auteur  par  sa  ma- 
nière ,  et  savoir  bien  distinguer  ce  qu'il  a  fait  de  ce 
qu'il  n'a  pas  fait.  Il  y  a  de  plus  une  sorte  de  critique 
propre  à  restituer  un  passage  par  la  comparaison  d'un 
autre ,  à  remettre  un  fort  ou  un  doux  où  il  a  été  oublié, 
à  détacher  des  phrases  fiées  mal  à  propos  ,  à  restituer 
même  des  mesures  omises  ;  ce  qui  n'est  pas  sans 
exemple,  même  dans  des  partitions.  Sans  doute,  il 
faut  du  savoir  et  du  goût  pour  rétablir  un  texte  dans 
toute  sa  pureté  :  l'on  me  dira  que  peu  de  copistes  le 
font;  je  répondrai  que  tous  le  devroient  faire. 

Avant  de  finir  ce  qui  regarde  les  partitions,  je  dois 
dire  comment  on  y  rassemble  des  parties  séparées; 
travail  embarrassant  pour  bien  des  copistes^  mais  fa- 
cile et  simple  quand  on  s'y  prend  avec  méthode. 

Pour  cela,  il  faut  d'abord  compter  avec  soin  les 
mesures  dans  toutes  les  parties  ,  pour  s'assurer 
qu'elles  sont  correctes  ;  ensuite  on  pose  toutes  les 
parties  Tune  sur  l'autre,  en  commençant  par  la  basse  ; 

i3. 


et  la  couvrant  successivement  des  autres  parties  dauft 
le  même  ordre  qu  elles  doivent  avoir  sur  la  partition.. 
On  fait  Faccolade  d'autant  de  portées  qu'on  a  de  par- 
ties ;  on  la  divise  en  mesures  égales,  puis  mettant 
toutes  ces  parties  ainsi  rangées  devant  soi  et  à  sa 
gauche  ,  on  copie  d'abord  la  première  ligne  de  la  pre- 
mière partie,  que  je  suppose  être  le  premier  violon  ; 
on  y  fait  une  légère  marque  en  crayon  à  l'endroit  où 
l'on  s'arrête;  puis  on  la  transporte  renversée  à  sa 
droite.  On  copie  de  même  la  première  ligne  du  second 
violon,  renvoyant  au  premier  partout  où  ils  marchent 
à  l'unisson,  puis,  faisant  une  marque  comme  ci-de- 
vant, on  renverse  la  partie  sur  la  précédente  à  sa 
droite;  et  ainsi  de  toutes  les  parties  l'une  après  l'autre. 
Quand  on  est  à  la  basse,  on  parcourt  des  yeux  toute 
l'accolade  pour  vérifier  si  l'harmonie  est  bonne,  si  le 
tout  est  bien  d'accord ,  et  si  l'on  ne  s'est  point  trompé. 
Cette  première  ligne  faite,  on  prend  ensemble  toutes 
les  parties  qu'on  a  renversées  l'une  sur  l'autre  à  sa 
droite,  on  les  renverse  derechef  à  sa  gauche ,  et  elles  se 
retrouvent  ainsi  dans  le  même  ordre  et  dans  la  même 
situation  où  elles  étoient  quand  on  a  commencé  :  on 
recommence  la  seconde  accolade  à  la  petite  marque 
en  crayon ,  Ton  fait  une  autre  marque  à  la  fin  de  la  se- 
conde ligne,  et  l'on  poursuit  comme  ci-devant,  jus- 
qu'à ce  que  le  tout  soit  fait. 

J'aurai  peu  de  choses  à  dire  sur  la  manière  de  tirer 
une  partition  en  parties  séparées  ;  car  c'est  l'opération 
la  plus  simple  de  l'art,  et  il  suffira  d'y  faire  les  obser-        « 
vations  suivantes.    1°  Il  faut  tellement  comparer  la        I 
longueur  des  morceaux  à  ce  que  peut  contenir  une        " 


page,  qu'on  ne  soit  jamais  obligé  de  tourner  sur  un 
même  morceau  dans  les  parties  instrumentales ,  à 
moins  qu'il  n'y  ait  beaucoup  de  mesures  à  compter 
qui  en  laissent  le  temps.  Cette  régie  oblige  de  com- 
mencer à  la  page  f 67.50  tous  les  morceaux  qui  rem- 
plissent plus  d'une  page  ;  et  il  n'y  en  a  guère  qui  en 
remplissent  plits  de  deux.  2^  hes  doux  et  les  Jbrt  doi- 
vent être  écrits  avec  la  plus  grande  exactitude  sur 
toutes  les  parties,  même  ceux  où  rentre  et  cesse^le 
chant,  qui  ne  sont  pas  pour  l'ordinaire  écrits  sur  la 
partition.  3»  On  ne  doit  point  couper  une  mesure 
d\ine  ligne  à  l'autre ,  mais  tâcher  qu'il  y  ait  toujours 
une  barre  à  la  fin  de  chaque  portée.  4*^  Toutes  les 
lignes  postiches  qui  excédent,  en  haut  ou  en  bas,  les 
cinq  de  la  portée,  ne  doivent  point  être  continues , 
mais  séparées  a  chaque  note,  de  peur  que  le  musi- 
cien, venant  à  les  confondre  avec  celles  de  la  portée, 
rie  se  trompe  de  note  et  ne  sache  plus  où  il  est.  Cette 
régie  n'est  pas  moins  nécessaire  dans  les  partitions , 
et  n'est  suivie  par  aucun  copiste  François.  5°  Les  parties 
de  hautbois,  qu'on  tire  sur  les  parties  de  violon  pour 
un  grand  orchestre,  ne  doivent  pas  être  exactement 
copiées  comme  elles  sont  dans  l'original;  mais,  outre 
l'étendue  que  cet  instrument  a  de  moins  que  le  violon , 
outre  les  doux ,  qu'il  ne  peut  faire  de  même,  outre 
Tagilité  qui  lui  nianqu?,  ou  qui  lui  va  mal  dans  cer- 
taines vitesses ,  la  force  du  hautbois  doit  être  mé- 
nagée, pour  marquer  mieux  les  notes  principales,  et 
donner  plus  d'accent  à  la  musique..  Si  j'avois  à  juger 
du  goût  d'un  svmphoniste  sans  l'entendre,  je  lui  don- 
nerois  à  tirer  sur  la  partie  de  violon  la  partie  de  hayt- 


igS  cop 

bois  :  tout  copiste  doit  savoir  le  faire.  6"  Quelquefois 
les  parties  de  cors  et  de  trompettes  ne  sont  pas  notées 
sur  le  même  ton  que  le  reste  de  Tair  ;  il  faut  les  trans- 
poser au  ton ,  ou  bien ,  si  on  les  copie  telles  qu  elles 
sont,  il  faut  écrire  au  baut  le  nom  de  la  véritable  to- 
nique. Corni  in  D  sol  re,  conii  in  E  la  fa,  etc.  7°  Il  ne 
faut  point  bigarrer  la  partie  de  quinte />u  de  viola  de 
la  clef  cR  basse  et  de  la  sienne,  mais  transporter  à  la 
clef  de  viola  tous  les  endroits  où  elle  marche  avec  la 
basse  ;  et  il  y  a  là-dessus  encore  une  autre  attention  à 
faire,  c'est  de  ne  jamais  laisser  monter  la  viola  au- 
dessus  des  parties  de  violon  ;  de  sorte  que ,  quand  la 
basse  monte  trop  baut,  il  n'en  faut  pas  prendre  Foc- 
tave,  mais  l'unisson,  afin  que  la  viola  ne  sorte  jamais 
du  médium  qui  lui  convient.  8°  La  partie  vocale  ne  se 
doit  copier  qu'en  partition  avec  la  basse,  afin  que  le 
chanteur  se  puisse  accompagner  lui-même ,  et  n'ait  pas 
la  peine  ni  de  tenir  sa  partie  à  la  main,  ni  de  compter 
ses  pauses  :  dans  les  duo  ou  trio ,  chaque  partie  de 
chant  doit  contenir,  outre  la  basse,  sa  contre-partie  ; 
et  quand  on  copie  un  récitatif  obligé,  il  faut  pour  cha- 
que partie  d'instrument  ajouter  la  partie  du  chant  à 
la  sienne,  pour  le  guider  au  défaut  de  la  mesure. 
9"  Enfin,  dans  les  parties  vocales,  il  faut  avoir  soin 
délier  ou  détacher  les  croches,  afin  que  le  chanteur 
voie  clairement  celles  qui  appartiennent  à  chaque 
syllabe.  Les  partitions  qui  sortent  des  mains  des  com- 
positeurs sont  sur  ce  point  très  équivoques,  et  le  chan- 
teur ne  sait  la  plupart  du  temps  comment  distribuer 
la  note  sur  la  parole.  Le  copiste  versé  dans  la  prosodie , 
et  qui  connoît  également  l'accent  du  discours  et  celui 


COR  199 

du  chant,  détermine  le  partage  des  notes  et  prévient 
l'indécision  du  chanteur.  Les  paroles  doivent  être 
écrites  hien  exactement  sous  les  notes,  et  correctes 
quant  aux  accents  et  à  l'orthographe;  mais  on  n'y 
doit  mettre  ni  points  ni  virgules ,  les  répétitions  fré- 
quentes et  irrégulières  rendant  la  ponctuation  gram* 
maticale  impossible;  c'est  à  la  musique  à  ponctuer  les 
paroles  :  le  copiste  ne  doit  pas  s'en  mêler  ;  car  ce  seroit 
ajouter  des  signes  que  le  compositeur  s'est  chargé  de 
rendre  inutiles. 

Je  m'arrête  pour  ne  pas  étendre  à  l'excès  cet  article  : 
j'en  ai  dit  trop  pour  tout  copiste  instruit  qui  a  une 
bonne  main  et  le  goût  de  son  métier;  je  n'en  dirois 
jamais  assez  pour  les  autres.  J'ajouterai  seulement  un 
mot  en  finissant  :  il  y  a  bien  des  intermédiaires  entre 
ce  que  le  compositeur  imagine  et  ce  qu'entendent  les 
auditeurs.  C  est  au  copiste  de  rapprocher  ces  deux 
termes  le  plus  qu'il  est  possible ,  d'indiquer  avec  clarté 
tout  ce  qu'on  doit  faire  pour  que  la  musique  exécutée 
rende  exactement  à  l'oreille  du  compositeur  ce  qui 
s'est  peint  dans  sa  tête  en  la  composant. 

Corde  sonore.  Toute  corde  tendue  dont  on  peut 
tirer  du  son.  De  peur  de  m'égarer  dans  cet  article,  j'y 
transcrirai  en  partie  celui  de  M.  d'Alembert ,  et  n'y 
ajouterai  du  mien  que  ce  qui  lui  donne  un  rapport 
plus  immédiat  au  son  et  à  la  musique. 

«  Si  une  corde  tendue  est  frappée  en  quelqu'un  de 
«  ses  points  par  une  puissance  quelconque,  elle  s'éloi- 
<f  gnera  jusqu'à  une  certaine  distance  de  la  situation 
«qu'elle  avoit  étant  en  repos,  reviendra  ensuite  et 
«  fera  des  vibrations  en  vertu  de  l'élasticité  que  sa 


200  COR 

«  tension  lui  donne,  comme  en  fait  un  pendule  qu'on 
«  tire  de  son  aplomb.  Que  si,  de  plus,  la  matière  de 
«cette  corde  est  elle-même  assez  élastique  ou  assez 
«  homojifène  pour  que  le  même  mouvement  se  com- 
te muniquc  à  toutes  ses  parties,  en  frémissant  elle 
«  rendra  du  sonnet  sa  résonnance  accoiupagnera  tou- 
«  jours  ses  vibrations.  Les  géomètres  ont  trouvé  les 
«lois  de  ces  vibrations,  et  les  musiciens  celles  des 
H  sons  qui  en  résultent. 

«  On  savoit  depuis  long-temps,  par  l'expérience  et 

fi  par  des  raisonnements  assez  vagues,  que,  toutes 

«  choses  d'ailleurs  égales,  plus  une  co7^de  étoit  tendue, 

«*  plus  ses  vibrations  étoient  promptes  ;  qu'à  tension 

<  égale,  les,  cordes  faisoient  leurs  vibrations  plus  ou 

a  moins  proraptement  en  même  raison  qu'elles  étoient 

«  moins  ou  plus  longues ,  c'est-à-dire  que  la  raison  des 

j  longueurs  étoit  toujours  inverse  de  celle  du  nom- 

«  bre  des  vibrations.  M.  Taylor,  célèbre  géomètre  an- 

.<  glois,  est  le  premier  qui  ait  démontré  les  lois  des  vi- 

5  brations  des  cordes  avec  quelque  exactitude ,  dans 

«son  savant  ouvrage  intitulé,  Methodus  increniento- 

«  rum  directa  et  inversa^  i  7  ^  ^  ?  Gt  ces  mêmes  lois  ont 

«  été  démontrées  encore  depuis  par  M.  Jean  Bernoulli, 

«  dans  le  second  tome  àes  Mémoires  de  V académie  im- 

«  périale  de,  Pçtershourg .  j?  De  la  formule  qui  résulte  de 

ces  lois,  et  qu'on  peut  trouver  dans  FEncyclopédie , 

article  Cor  Je,  je  tire  les  trois  corollaires  suivants,  qui 

servent  de  principes  à  la  théorie  de  la  musique» 

I.  Si  deux  cordes  àe.  même  matière  sont  égales  en 

j  longueur  et  en  grosseur ,  les  nombres  de  leurs  vibra- 

j  tions  en  temps  é|jaux  seront  comme,  les  racine^  dçs 


COR  201 

nombres  qui  expriment  ]e  rapport  des  tensions  des 
cordes. 

II.  Si  les  tensions  et  les  longueurs  sont  égales  ,  les 
nombres  des  vibrations  en  temps  égaux  seront  en 
raison  inverse  de  la  grosseur  ou  du  diamètre  des 
cordes. 

III.  Si  les  tensions  et  les  grosseurs  sont  égales,  les 
nombres  des  vibrations  en  temps  égaux  seront  en 
raison  inverse  des  longueurs. 

Pour  Fintelligence  de  ces  théorèmes  je  crois  devoir 
averti,  que  la  tension  des  cordes  ne  se  représente  pas 
par  les  poids  tendants ,  mais  par  les  racines  de  ces 
mêmes  poids  ;  ainsi  les  vibrations  étant  entre  elles 
comme  les  racines  carrées  des  tensions,  les  poids 
tendants  sont  entre  eux  comme  les  cubes  des  vibra- 
tions, etc. 

Des  lois  des  vibrations  des  cordes  se  déduisent  celles 
des  sons  qui  résultent  de  ces  mêmes  vibrations  dans 
la  corde  sonore.  Plus  une  corde  l'ait  de  vibrations  dans 
un  temps  donné,  plus  le  son  qu'elle  rend  est  aigu; 
moins  elle  fait  de  vibrations ,  plus  le  son  est  grave  ; 
en  sorta  que  les  sons  suivant  entre  eux  les  rapports 
des  vibrations ,  leurs  intervalles  s'expriment  par  les 
mêmes  rapports  :  ce  qui  soumet  toute  la  musique  au 
calcul. 

On  voit  par  les  théorèmes  précédents  qu'il  y  a  trois 
moyens  de  changer  le  son  d'une  corde;  savoir,  en 
changeant  le  diamètre,  c'est-à-dire  la  grosseur  de  la 
corde  ^  ou  sa  longueur,  ou  sa  tension.  Ce  que  ces  altéra- 
tions produisent  successivement  sur  une  même  corde, 
on  peut  le  produire  à-la-fois  sur  diverses  cordes.,  eu 


202  cor» 

leur  donnant  différents  degrés  de  grosseur,  de  lon- 
gueur, ou  de  tension.  Cette  méthode  combinée  est 
celle  qu'on  met  en  usage  dans  la  fabrique,  l'accord  et 
le  jeu  du  clavecin,  du  violon,  de  la  basse,  de  la  gui- 
tare, et  autres  pareils  instruments  composés  de  cordes 
de  différentes  grosseurs  et  différemment  tendues ,  les- 
quelles ont  par  conséquent  des  sons  différents.  De 
plus ,  dans  les  uns ,  comme  le  clavecin ,  ces  cordes  ont 
différentes  longueurs  fixes  par  lesquelles  les  sons  se 
varient  encore;  et  dans  les  autres,  comme  le  violon, 
les  cordes^  quoique  égales  en  longueur  fixe,  se  rac- 
courcissent ou  s'alongent  à  volonté  sous  les  doigts  du 
joueur,  et  ces  doigts  avancés  ou  reculés  sur  le  manche 
font  alors  la  fonction  de  chevalets  mobiles,  qui  don- 
nent à  la  corde  ébranlée  par  Tarchet  autant  de  sons 
divers  que  de  diverses  longueurs.  A  Tégard  des  rap- 
ports des  sons  et  de  leurs  intervalles  relativement  aux 
longueurs  des  cordes  et  à  leurs  vibrations,  voyez  Son, 
Intervalle,  Consoi^^nance. 

La  corde  sonore^  outre  le  son  principal  qui  résulte 
de  toute  sa  longueur,  rend  d'autres  sons  accessoires 
moins  sensibles,  et  ces  sons  semblent  prouver  que 
cette  corde  ne  vibre  pas  seulement  dans  toute  sa  lon- 
gueur, mais  fait  vibrer  aussi  ses  aliquotes  chacune  en 
particulier  selon  la  loi  de  leurs  dimensions.  A  quoi  je 
dois  ajouter  que  cette  propriété  qui  sert  ou  doit  servir 
de  fondement  à  toute  l'harmonie ,  et  que  plusieurs 
attribuent,  non  à  la  corde  sonore^  mais  à  l'air  frappé 
du  son,  n'est  pas  particulière  aux  cordes  seulement, 
mais  se  trouve  dans  tous  les  corps  sonores.  (Voyez 
Corps  sonore,  Harmonique.  ) 


COR  2o3 

TJiie  autre  propriété  non  moins  surprenante  de  la 
corde  sonore^  et  qui  tient  à  la  précédente,  est  que  si  le 
chevalet  qui  la  divise  n'appuie  que  légèrement  et  laisse 
un  peu  de  communication  aux  vibrations  d'une  partie 
à  Tautre,  alors,  au  lieu  du  son  total  de  chaque  partie 
ou  de  Tune  des  deux,  on  n  entendra  que  le  son  de  la 
plus  grande  aliquote  commune  aux  deux  parties. 
(Voyez  Sons  harmoniques.  ) 

Le  mot  de  corde  se  prend  figurément  en  composition 
pour  les  sons  fondamentaux  du  mode,  et  l'on  appelle 
souvent  corde  d harmonie  les  notes  de  basse  qui,  à  la 
faveur  de  certaines  dissonances ,  prolongent  la  phrase , 
varient ,  et  entrelacent  la  modulation. 

CORDE-A-JOUEh  ou  CORDE-A-VIDE.  (VoyeZ  ViDE.) 

Cordes  morîles.  (Voyez  Mobile.) 

Cordes  stables.  (Voyez  Stable.) 

Corps-dI'.-voix ,  s.  ni.  Les  voix  ont  divers  degrés  de 
force  ainsi  que  d'étendue.  Le  nombre  de  ces  degrés 
que  chacune  embrasse  porte  le  nom  de  corps-de-voix  ^ 
quand  il  s'agit  de  force,  et  de  volume  y  quand  il  s'agit 
d  étendue.  (Voyez  Volume.)  Ainsi  de  deux  voix  sem- 
blables formant  le  même  son,  celle  qui  remplit  le 
mieux  l'oreille  et  se  fait  entendre  de  plus  loin  est  dite 
avoir  plus  de  corps.  En  Italie ,  les  premières  qualités 
qu'on  recherche  dans  les  voix  sont  la  justesse  et  la 
flexibilité;  mais  en  France  on  exige  surtout  un  bon 
corps-de-voix . 

CoRPS-soNORE ,  s.  m.  On  appelle  ainsi  tout  corps  qui 
rend  ou  peut  rendre  immédiatement  du  son.  Il  ne  suit 
pas  de  cette  définition  que  tout  instrument  de  musique 
soit  un  corps  sonore;  on  ne  doit  donner  ce  nom  qu'à  la 


2o4  cou 

partie  de  l'iAstrument  qui  sonne  elle-même,  et  sans 
laquelle  il  n'y  auroit  point  de  son.  Ainsi,  dans  un  vio- 
loncelle ou  dans  un  violon ,  chaque  corde  est  un  corps 
sonore:  mais  la  caisse  de  1  instrument,  qui  ne  fait  que 
répercuter  et  réfléchir  le  son,  n'est  point  le  corps  so- 
nore et  n'en  fait  point  partie.  On  doit  avoir  cet  article 
présent  à  Fesprit  toutes  les  fois  qu'il  sera  paiié  du 
co*ys  sonore  dans  cet  ouvrage. 

CoiiiPHÉE ,  s.  m.  Celui  qui  conduisoit  le  chœur  dans 
les  spectacles  des  Grecs  et  battoit  la  mesure  dans  leur 
musique.  (Voyez  Battre  la  mesure.) 

Coulé  ,  participe  pris  substantivement.  Le  coulé  se  fait 
lorsqu'au  lieu  de  marquer  en  chantant  chaque  note 
d'un  coup  de  gosier,  ou  d'un  coup  d'archet  sur  les 
instruments  à  corde,  ou  d'un  coup  de  langue  sur  les 
instruments  à  vent,  on  p.isse  deux  ou  plusieurs  notes 
sous  la  même  articulation  en  prolongeant  la  même 
inspiration;  ou  en  continuant  de  tirer  ou  de  pousser 
le  même  coup  d'archet  sur  toutes  les  notes  couvertes 
d'un  cow/e.  Il  y  a  des  instruments ,  tels  que  le  clavecin , 
le  tympanon,  etc. ,  sur  lesquels  le  coulé  paroît  presque 
impossible  à  pratiquer  ;  et  cependant  on  vient  à  bout 
de  l'y  faire  sentir  par  un  toucher  doux  et  lié,  très  dif- 
ficile à  décrire,  et  que  l'écolier  apprend  plus  aisément 
de  l'exemple  du  maître  que  de  ses  discours.  Le  coulé 
se  marque  par  une  liaison  qui  couvre  toutes  les  notes 
qu'il  doit  embrasser. 

Couper,  v.  a.  On  coupe  une  note  lorsqu'au  lieu  de 
la  soutenir  durant  toute  sa  valeur,  on  se  contente  de 
k  frapper  au  moment  qu'elle  commence,  passant  en 
silence  le  reste  de  sa  durée.  Ce  mot  ne  s'emploie  que 


cou  2o5 


pour  les  notes  qui  ont  une  certaine  lon^jueur;  on  se 
sert  du  mot  détacher  pour  celles  qui  passent  plus  vite. 

Couplet.  Nom  qu'on  donne  dans  les  vaudevilles  et 
autres  chansons  à  cette  partie  du  poème  qu'on  appelle 
strop.'ic  dans  les  odes.  Comme  tous  les  couplets  sont 
composés  sur  la  même  mesure  de  vers,  on  les  chante 
aussir  sur  le  même  air  :  ce  qui  fait  estropier  souvent 
l'accent  et  la  prosodie,  parceque  deux  vers  françois 
n'en  sont  pas  moins  dans  la  même  mesure,  quoique 
les  longues  et  brèves  n'y  soient  pas  dans  les  mêmes 
endroits. 

Couplet  se  dit  aussi  des  doubles  et  variations  qu'on 
fait  sur  un  même  air,  en  le  reprenant  plusieurs  fois 
avec  de  nouveaux  changements,  jnais  toujours  sans 
défigurer  le  fond  de  l'air;  comme  dans  les  Folies  d'Es- 
pagne  et  dans  de  vieilles  chaçonnes.  Chaque  fois  qu'on 
reprend  ainsi  l'air  en  le  variant  différemment,  on  fait 
un  nouveau  couplet.  (Voyez  Variations.) 

Courante,  s.  f.  Air  propre  à  une  espèce  de  danse , 
ainsi  nommée  à  cause  des  allées  et  des  venues  dont 
elle  est  remplie  plus  qu'aucune  autre.  Cet  air  est  ordi- 
nairement d'une  mesure  à  trois  temps  graves ,  et  se 
note  en  triple  de  blanches  avec  deux  reprises.  Il  n'est 
plus  en  usage,  non  plus  que  la  danse  dont  il  porte  le 
nom. 

Couronne  ,  s.f.  Espèce  de  C  renversé  avec  un  point 
dans  le  milieu ,  qui  se  fait  ainsi  :  F[ 

Quand  la  couronne  ^  qu'on  appelie  aussi  point  de  re- 
pos,  est  à-la-fois  dans  toutes  les  parties  sur  la  note 
correspondante ,  c'est  le  signe  d'un  repos  général  ;  on 
doit  y  suspiendre  la  mesure ,  et  souvent  même  on  peut 


206  CKO 

finir  par  cette  note.  Ordinairement  la  partie  principale 
y  fait  à  sa  volonté  quelque  passage,  que  les  Italiens 
appellent  cadenza,  pendant  que  toutes  les  autres  pro- 
longent et  soutiennent  le  son  qui  leur  est  marqué,  ou 
même  s'arrêtent  tout-à-fait.  Mais  si  la  couronne  est  sur 
la  note  finale  d'une  seule  partie,  alors  on  l'appelle  en 
françois  point  d'orgue^  et  elle  marque  qu'il  faut  Conti- 
nuer le  son  de  cette  note  jusqu'à  ce  que  les  autres 
parties  arrivent  à  leur  conclusion  naturelle.  On  s'en 
sert  aussi  dans  les  canons  pour  marquer  l'endroit  où 
toutes  les  parties  peuvent  s'arrêter  quand  on  veut 
finir.  (Voyez  Repos  ,  Canon  ,  Point  d'orgue.) 

Crier.  C'est  forcer  tellement  la  voix  en  chantant 
que  les  sons  n'en  soient  plus  appréciables ,  et  ressem- 
blent plus  à  des  cris  qu'à  du  chant.  La  musique  fran- 
çoise  veut  être  criée  :  c'est  en  cela  que  consiste  sa  plus 
grande  expression. 

Croche,  s.f.  Note  de  musique  qui  ne  vaut  en  durée 
que  le  quart  d'une  blanche  ou  la  moitié  d'une  noire. 
H  faut  par  conséquent  huit  croches  pour  une  ronde  ou 
pour  une  mesure  à  quatre  temps.  (Voyez  Mesure, 
Valeur  des  notes.) 

On  peut  voir  [Planche  D,  figure  9)  comment  se  fait 
la  croche,  soit  seule  ou  chantée  seule  sur  une  syllabe, 
soit  liée  avec  d'autres  croches  quand  on  en  passe  plu- 
sieurs dans  un  même  temps  en  jouant,  ou  sur  une 
même  syllabe  en  chantant.  Elles  se  lient  ordinaire- 
ment de  quatre  en  quatre  dans  les  mesures  à  quatre 
temps  et  à  deux ,  de  trois  en  trois  dans  la  mesure  à  six- 
huit  ,  selon  la  division  des  temps ,  et  de  six  en  six  dans 
la  mesure  à  trois  temps ,  selon  la  division  des  mesures. 


à 


CRO  207 

Le  nom  de  croche  a  été  donné  à  cette  espèce  de  note 
à  cause  de  Tespèce  de  crochet  qui  la  distingue. 

Crochet.  Signe  d'abréviation  dans  la  note.  C'est  un 
petit  trait  en  travers  sur  la  queue  d'une  blanche  ou 
d'une  noire ,  pour  marquer  sa  division  en  croches ,  ga- 
gner de  la  place,  et  prévenir  la  confusion.  Ce  crochet 
désigne  par  conséquent  quatre  croches  au  lieu  d'une 
blanche ,  ou  deux  au  lieu  d'une  noire ,  comme  on 
\oït planche  D ,  à  l'exemple  A  de  \^  figure  i  o ,  où  les  trois 
portées  accolées  signifient  exactement  la  même  chose. 
La  ronde ,  n'ayant  point  de  queue ,  ne  peut  porter  de 
crochet  ;  mais  on  en  peut  cependant  faire  aussi  huit 
croches  par  abréviation ,  en  la  divisant  en  deux  blan- 
ches ou  quatre  noires ,  auxquelles  on  ajoute  des  c?^o- 
chets.  Le  copistedoit  soigneusement  distinguera  figure 
du  crochet^  qui  n'est  qu'une  abréviation,  de  celle  de  la 
croche ,  qui  marque  une  valeur  réelle. 

Crome,  5./.  Ce  pluriel  italien  signifie  croches.  Quand 
ce  mot  se  trouve  écrit  sous  des  notes  noires ,  blanches , 
ou  rondes,  il  signifie  la  même  chose  que  signifieroit 
le  crochet ,  et  marque  qu'il  faut  diviser  chaque  note 
en  croches ,  selon  sa  valeur.  (  Voyez  Crochet.  ) 

Croque-note  o u  Croque-sol  ^s.ju.  Nom  qu'on  donne 
par  dérision  à  ces  musiciens  ineptes ,  qui ,  versés  dans 
la  combinaison  des  notes ,  et  en  état  de  rendre  à  livre 
ouvert  les  compositions  les  plus  difficiles ,  exécutent 
au  surplus  sans  sentiment,  sans  expression ,  sans  goût. 
Un  croque-sol^  rendant  plutôt  les  sons  que  les  phrases, 
lit  la  musique  la  plus  énergique  sans  y  rien  compren- 
dre, comme  un  maître  d  école  pourroit  lire  un  chef- 


2o8  DAG 

d'œuvre  d'éloquence  écrit  avec  les  caractères  de  s< 
langue  dans  une  langue  qu'il  nentendroit  pas. 


D. 


D.  Cette  lettre  signifie  la  même  chose  dans  la  musi* 
que  françoise  que  P  dans  l'italienne ,  c'est-à-dire  doux. 
les  Italiens  l'emploient  aussi  quelquefois  de  même 
pour  le  mot  dolce ,  et  ce  mot  dolce  n'est  pas  seulement 
opposé  kfort^  mais  à  rude. 

D.  C.  (Voyez  Da  capo.  ) 

D  la  re,  D  solre^  ou  simplement  D.  Deuxième  note 
de  la  gamme  naturelle  ou  diatonique,  laquelle  s'ap- 
pelle autrement  re.  (  Voyez  Gamme.  ) 

Da  capo.  Ces  deux  mots  italiens  se  trouvent  fré- 
quemment écrits  à  la  fin  des  airs  en  rondeau,  quel- 
quefois tout  au  long,  et  souvent  en  abrégé  par  ces 
deux  lettres,  D.  C.  Ils  marquent  qu'ayant  fini  la  se- 
conde partie  de  l'air,  il  en  faut  reprendre  le  commen- 
cement jusqu'au  point  final.  Quelquefois  il  ne  faut  pas 
reprendre  tout-à-fait  au  commencement,  mais  à  un 
lieu  marqué  d'un  renvoi.  Alors,  au  lieu  de  ces  mots 
da  capo,  on  trouve  écrits  ceux-ci ,  ^^/  segno. 

Dactylique,  adj.  Nom  qu'on  donnoit,  dans  l'an- 
cienne musique,  à  cette  espèce  de  rhytLme  dont  la 
mesure  se  partageoit  en  deux  temps  égaux.  (  Voyez 
Rhythme.  ) 

On  appeloit  aussi  dactylique  une  sorte  de  nome  où 
ce  rhythme  étoit  fiéquemment  employé ,  tel  que  le 
îiome  harmatlîias  et  le  nome  orthien. 

Juîius  Polluï  révoque  en  doute  si  le  dactylicjue  étoit 


\ 


DEC  209 

une  sorte  d'instrument  ou  une  forme  de  chant,  doute 
qui  se  confirme  par  ce  qu'en  dit  Aristide  Quintilieu 
dans  son  second  livre,  et  qu'on  ne  peut  résoudre  qu'en 
supposant  que  le  mot  dactylique  signifioit  à-Ia-fois  un 
instrument  et  un  air,  comme  parmi  nous  les  mots 
musette  et  tambourin. 

Débit,  s.  m.  Récitation  précipitée.  (Voyez  l'article 
suivant.  ) 

Débiter,  v.  a.  pris  en  sens  neutre.  C'est  presser  à  des- 
sein le  mouvement  du  chant,  et  le  rendre  d'une  ma- 
nière approchante  de  la  rapidité  delà  parole;  sens 
qui  n'a  lieu,  non  plus  que  le  mot,  que  dans  la  musi- 
que françoise.  On  défigure  toujours  les  airs  en  les  débi- 
tant., parceque  la  mélodie ,  l'expression ,  la  grâce ,  y 
dépendent  toujours  de  la  précision  du  mouvement ,  et 
que  presser  le  mouvement  c'est  le  détruire.  (3n  défi- 
gure encore  le  récitatif  François  en  le  débitant  ^  parce- 
qu  alors  il  en  devient  plus  rude,  et  fait  mieux  sentir 
l'opposition  choquante  qu'il  y  a  parmi  nous  entre  l'ac- 
cent musical  et  celui  du  discours.  A  l'égard  du  récitatif 
italien ,  qui  n'est  qu'un  parler  harmonieux ,  vouloir  le 
débiter.,  ce  seroit  vouloir  parler  plus  vite  que  ia  parole  , 
et  par  conséquent  bredouiller  ;  de  sorte  qu'en  quelque 
sens  que  ce  soit ,  le  mot  débit  ne  signifie  qu'une  chose 
barbare,  qui  doit  être  proscrite  delà  musique. 

Décaméride  ,  s.f.  C'est  le  nom  de  Tun  des  éléments 
du  système  de  M.  Sauveur,  qu'on  peut  voir  dans  les 
Mémoires  de  l'académie  des  sciences  ,  année  1 70 1 . 

Pour  former  un  système  général  qui  fournisse  le 
meilleur  tempérament,  et  qu'on  puisse  ajuster  à  tous 
XIV.  ,4 


2IO  DEG 

les  systèmes,  cet  auteur,  après  avoir  divisé  Foctave 
en  43  parties,  qu'il  appelle  mérides^  et  subdivisé  cha- 
que méride  en  7  parties ,  qu'il  appelle  eptamérides^  di- 
vise encore  chaque  eptaméride  en  i  o  autres  parties , 
auxquelles  il  donne  le  nom  de  décamérides.  L'octave  se 
trouve  ainsi  divisée  en  3oio  parties  égales,  par  les- 
quelles on  peut  exprimer  sans  erreur  sensible  les  rap- 
ports de  tous  les  intervalles  de  la  musique. 

Ce  mot  est  formé  de  (îi-/a,  dix,  et  de  ppiç,  partie. 

Déchant  ou  Discant  ,  s.  m.  Terme  ancien  par  lequel* 
on  désignoit  ce  qu'on  a  depuis  appelé  contre-point. 
(  Voyez  Contre-point.  ) 

Déclamation,  s.f.  C'est,  en  musique,  l'art  de  ren- 
dre par  les  inflexions  et  le  nombre  de  la  mélodie ,  l'ac- 
cent grammatical  et  l'accent  oratoire.  (  Voyez  Accent, 
Récitatif.  ) 

Déduction  ,  s.f.  Suite  de  notes  montant  diatonique- 
ment  ou  par  degrés  conjoints.  Ce  terme  n'est  guère  en 
usage  que  dans  le  plain-chant. 

Degré,  s.  m.  Différence  de  position  ou  d'élévation 
qui  se  trouve  entre  deux  notes  placées  dans  une  même 
portée.  Sur  la  même  hgne  ou  dans  le  même  espace, 
elles  sont  au  même  degré:,  et  elles  y  seroient  encore, 
quand  même  l'une  des  deux  seroit  haussée  ou  baissée 
d'un  semi-ton  par  un  dièse  ou  par  un  bémol  :  au  con- 
traire elles  pourroient  être  à  l'unisson ,  quoique  posées 
sur  difiérents  degrés ,  comme  Y  ut  bémol  et  le  si  naturel, 
le  fa  dièse  et  le  sol  bémol ,  etc. 

Si  deux  notes  se  suivent  diatoniquement ,  de  sorte 
que  Tune  étant  sur  une  ligne ,  l'autre  soit  dans  l'epace 
voisin ,  l'intervalle  est  d'un  degî'é;  de  deux ,  si  elles  sont 


DEM  :21I 

à  la  tierce  ;  de  trois ,  si  elles  sont  à  la  quarte  ;  de  sept , 
si  elles  sont  à  l'octave ,  etc. 

Ainsi,  en  ôtant  i  du  nombre  exprimé  par  le  nom 
de  Tintervalle,  on  a  toujours  le  nombre  des  degrés  dia- 
toniques qui  séparent  les  deux  notes. 

Ces  degrés  diatoniques  ou  simplement  degrés,  sont 
encore  appelés  degrés  conjoints  ,  par  opposition  aux 
degrés  disjoints  y  qui  sont  composés  de  plusieurs  degrés 
conjoints.  Par  exemple,  Tintervalle de  seconde  est  un 
c/e^re  conjoint,  mais  celui  de  tierce  est  un  degré iW^omt , 
composé  de  deux  degrés  conjoints ,  et  ainsi  des  autres. 
(  Voyez  Conjoint,  Disjoint,  Intervalle.)  • 

Démancher,  v.  n.  C'est  sur  les  instruments  à  man- 
che, tels  que  le  violoncelle,  le  violon,  etc.,  ôter  la 
main  gauche  de  sa  position  naturelle  pour  Tavancer 
sur  une  opposition  plus  haute  ou  plus  à  l'aigu.  (  Voyez; 
Position.)  Le  compositeur  doit  connoître  l'étendue 
qu'a  l'instrument  sans  démancher,  afin  que  quand  il 
passe  cette  étendue  et  qu'il  démanche^  cela  se  fasse 
d'une  manière  praticable. 

Demi-jeu,  A  demi-jeu  ,  ou  simplement  a  demi.  Terme 
de  musique  instrumentale  qui  répond  à  litalien  sotto 
voce ,  ou  mezza  voce ,  ou.  mezzo forte ,  et  qui  indique  une 
manière  de  jouer  qui  tienne  le  milieu  entre  le  fort  et 
le  doux. 

Demi-mesure  ,  s.f  Espace  de  temps  qui  dure  la  moi- 
tié d'une  mesure.  Il  n'y  a  proprement  de  demi-mesure 
que  dans  les  mesures  dont  les  temps  sont  en  nombre 
pair;  car  dans  la  mesare  à  trois  temps,  la  première 
demi-mesure  commence  avec  le  temps  fort,  et  la  seconde 
à  contre-temps  ,  ce  qui  les  rend  inégales. 

i4. 


:212  DES 

Demi-pause,  s.f.  Caractère  de  musique  qui  se  fait 
comme  il  est  marqué  dans  \di  figure  9  de  la  Planche  D, 
et  qui  marque  un  silence ,  dont  la  durée  doit  être  égale 
à  celle  d'une  demi-mesure  à  quatre  temps,  ou  d'une 
blanche.  Comme  il  y  a  des  mesures  de  différentes  va- 
leurs ,  et  que  celle  de  la  demi-pause  ne  varie  point,  elle 
n'équivaut  à  la  moitié  d'une  mesure  que  quand  la  me- 
sure entière  vaut  une  ronde;  à  la  différence  de  la  pause 
entière,  qui  vaut  toujours  exactement  une  mesure 
grande  ou  petite.  (  Voyez  Pause.  ) 

Demi -SOUPIR.  Caractère  de  musique  qui  se  fait 
comme  il  ^st  marqué  dans  \^fig-  9  de  la  Planche  D,  et 
qai  marque  un  silence,  dont  la  durée  est  égale  à  celle 
d'une  croche  ou  de  la  moitié  d'un  soupir.  (Voyez 
Soupir.) 

Demi-temps.  Valeur  qui  dure  exactement  la  moitié 
d'un  temps.  Il  faut  appliquer  au  demi-temps  par  rap- 
port au  temps  ce  que  j'ai  dit  ci-devant  de  la  demi-me- 
sure par  rapport  à  la  mesure. 

Demi-ton.  Intervalle  de  musique  valant  à  peu  près 
la  moitié  d'un  ton,  et  qu'on  appelle  plus  communé- 
ment semi-ton.  (Voyez  Semi-ton.  ) 

Descendre,  v.  n.  C'est  baisser  la  voix,  vocem  remit- 
tere;  c'est  faire  succéder  les  sons  de  l'aigu  au  grave, 
ou  du  haut  au  bas.  Cela  se  présente  à  l'œil  par  notre 
manière  de  noter. 

Dessein,  s.  m.  C'est  l'invention  et  la  conduite  du 
sujet,  la  disposition  de  chaque  partie,  et  l'ordonnance 
générale  du  tout. 

Ce  n'est  pas  assez  de  faire  de  beaux  chants  et  une 
bonne  harmonie,  il  faut  lier  tout  cela  par  un  sujet 


DES  2 1 J 

principal,  auquel  se  rnj)portent  toutes  les  parties  de 
rouvra(|e,  et  par  lequel  il  soit  un.  Cette  unité  doit  ré- 
gner dans  le  chant,  dans  le  mouvement,  dans  le  ca- 
ractère, dans  riiarmonie,  dans  la  modulation  :  il  faut 
que  tout  cela  se  rapporte  à  une  idée  commune  qui  le 
réunisse.  La  difficulté  est  d'associer  ces  préceptes 
avec  une  élégante  variété,  sans  laquelle  tout  devient 
ennuyeux.  Sans  doute  le  musicien ,  aussi  bien  que  le 
poète  et  le  peintre,  peut  tout  oser  en  faveur  de  cette 
variété  charmante,  pourvu  que,  sous  prétexte  de  con- 
traster, on  ne  nous  donne  pas  pour  des  ouvrages 
bien  dessinés  des  musiques  toutes  hachées,  compo- 
sées de  petits  morceaux  étranglés,  et  de  caractères 
si  opposés,  que  Tassemblage  en  fasse  un  tout  mons- 
trueux : 

Non  ut  placidis  coeant  immitia,  non  ut 
Serpentes  avibus  geminentur,  tigribus  agni. 

C'est  donc  dans  une  distribution  bien  entendue  ,  dans 
une  juste  proportion  entre  toutes  les  parties,  que  con- 
siste la  perfection  du  dessein,  et  c'est  surtout  en  ce 
point  que  l'immortel  Pergolèse  a  montré  son  jugement , 
son  goût,  et  a  laissé  si  loin  derrière  lui  tous  ses  rivaux. 
Son  Stabat  Mater ^  son  Oifco^  sa  Serva  Padrona ,  sont, 
dans  trois  genres  différents,  trois  chefs-d'œuvre  de 
dessein  également  parfaits. 

Cette  idée  du  dessein  général  d'un  ouvrage  s'appli- 
que aussi  en  particulier  à  chaque  morceau  qui  le  com- 
pose. Ainsi  Ton  dessine  un  air,  un  duo,  un  chœur, 
etc.  Pour  cela,  après  avoir  imaginé  son  sujet,  on  le 
disu-ibue,  selon  les  régies  d'une  bonne  modulation, 


:^i4  DES 

dans  toutes  les  parties  où  il  doit  être  entendu,  avec 
une  telle  proportion  qu'il  ne  s'efface  point  de  Tesprit 
des  auditeurs,  et  qu'il  ne  se  représente  pourtant 
jamais  à  leur  oreille  qu'avec  les  grâces  de  la  nou- 
veauté. C'est  une  faute  de  dessein  de  laisser  oublier  son 
sujet;  c'en  est  une  plus  grande  de  le  poursuivre  jusqu'à 
l'ennui. 

Dessiner,  v  a.  Faire  le  dessein  d'une  pièce  ou  d'un 
morceau  de  musique.  (Voyez  Dessein.)  Ce  compositeur 
dessine  bien  ses  ouvrages  ;  voilà  un  chœur  fort  mal 
dessiné. 

Dessus,  s,  m.  La  plus  aiguë  des  parties  de  la  musi- 
que, celle  qui  régne  au-dessus  de  toutes  les  autres. 
C'est  dans  ce  sens  qu'on  dit,  dans  la  musique  instru- 
mentale ,  dessus  de  violon,  dessus  de  flûte  ou  de  haut- 
bois, et  en  général  dessus  de  symphonie. 

Dans  la  musique  vocale,  le  dessus  s'exécute  par  des 
voix  de  femmes,  d'enfants,  et  encore  par  des  castrati, 
dont  la  voix,  par  des  rapports  difficiles  à  concevoir, 
gagne  une  octave  en  haut,  et  en  perd  une  en  bas,  au 
moyen  de  cette  mutilation. 

Le  dessus  se  divise  ordinairement  en  premier  et 
second,  et  quelquefois  même  en  trois.  La  partie  vo- 
cale qui  exécute  le  second  dessus  s'appelle  bas-dessus , 
et  Ton  fait  aussi  des  récits  à  voix  seule  pour  cette  par- 
tie. Un  beau  bas-dessus  ^\e\\\  et  sonore  n'est  pas  moins 
estimé  en  Italie  que  les  voix  claires  et  aiguës;  mais  on 
n'en  fait  aucun  cas  en  France.  Cependant,  par  un 
caprice  de  la  mode  ,  j'ai  vu  fort  applaudir  à  l'Opéra  de 
Paris  une  mademoiselle  Gondré,  qui  en  effet  avoit  un 
fort  beau  bas-dessus. 


l)  I A  2  I  5 


Détaché  ,  participe  pris  substantivement.  Genre  d'exé- 
cution par  lequel ,  au  lieu  de  soutenir  des  notes  durant 
toute  leur  valeur,  on  les  sépare  par  des  silences  pris 
sur  cette  même  valeur,  hc  détaché ^  tout-à-fait  bref  et 
sec,  se  marque  sur  les  notes  par  des  points  alongcs. 

Détonner,  v.  n.  C'est  sortir  de  Fintonation,  c'est 
altérer  mal  à  propos  la  justesse  des  intervalles,  et  par 
conséquent  chanter  faux.  H  y  a  des  musiciens  dont 
l'oreille  est  si  juste  qu'ils  ne  détonnent  j^xmais.,  mais 
ceux-là  sont  rares.  Beiiucoup  d'autres  ne  détonnent 
point  par  une  raison  contraire;  car  pour  sortir  du  ton 
il  faudroit  y  être  entré.  Chanter  sans  clavecin,  crier, 
forcer  sa  voix  en  haut  ou  en  bas,  et  avoir  plus  d  é^^ard 
au  volume  qu'à  la  justesse,  sont  des  moyens  presque 
sûrs  de  se  gâter  l'oreille  et  de  détonner. 

DiACOMMATiQUE,  adj.  Nom  donné  par  M.  Serre  à 
une  espèce  de  quatrième  genre,  qui  consiste  en  cer- 
taines transitions  harmoniques ,  par  lesquelles  la 
même  note  restant  en  apparence  sur  le  même  degré , 
monte  ou  descend  d'un  comma ,  en  passant  d'un  ac- 
cord à  un  autre  avec  lequel  elle  paroît  faire  liaison. 

Par  exemple,  sur  ce  passage  de  basse  fa  re  dans  le 

mode  majeur  d'wf,  le  la,  tierce  majeure  de  la  pre- 
mière note,  reste  pour  devenir  quinte  de  re;  or  la 

2j  54  80  81 

quinte  juste  de  re  ou  de  re ,  n'est  pas  la ,  mais  la  ;  ainsi 
le  musicien  qui  entonne  le  la  doit  naturellement  lui 

80     8i 

donner  les  deux  intonations  consécutives  la  la,  les- 
quelles diffèrent  d'un  comma. 

De  même  dans  la  Folie  d'Espagne,   au  troisième 


2  1 6  D I A 

temps  de  la  troisième  mesure  :  on  peut  y  concevoir 

80 
que  la  tonique  re  monte  d'un  comma  pour  former  la 

81 
seconde  re  du  mode  majeur  d'i*^,  lequel  se  déclare 

dans  la  mesure  suivante  et  se  trouve  ainsi  subitement 
amené  par  ce  paralogisme  musical,  par  ce  double  em- 
ploi du  re. 

Lors  encore  que,  pour  passer  brusquement  du 
mode  mineur  de  la  en  celui  à\it  majeur,  on  change 
l'accord  de  septième  diminuée  50/  dièse,  si  y  re^fa^  en 
accord  de  simple  septième  50/,  5/,  re^fa^  le  mouve- 
ment chromatique  du  50/ dièse  au  sol  naturel  est  bien 
le  plus  sensible,  mais  il  n'est  pas  le  seul;  1ère  monte 


80 


aussi  d'un  mouvement  diacommatique  de  re  à  re  ^ 
quoique  la  note  le  suppose  permanent  sur  le  même 
degré. 

On  trouvera  quantité  d'exemples  de  ce  genre  dia- 
commatique, particulièrement  lorsque  la  modulation 
passe  subitement  du  majeur  au  mineur,  ou  du  mi- 
neur au  majeur.  C'est  surtout  dans  l'adagio,  ajoute 
M.  Serre,  que  les  grands  maîtres,  quoique  guidés 
uniquement  par  le  sentiment ,  font  usage  de  ce  genre 
de  transitions,  si  propre  à  donner  à  la  modulation 
une  apparence  d'indécision,  dont  l'oreille  et  le  sen- 
timent éprouvent  souvent  des  effets  qui  ne  sont  point 
équivoques. 

DiACOUSTiQUE ,  s.  f.  C'cst  la  recherche  des  pro- 
priétés du  son  réfracté  en  passant  à  travers  différents 
milieux,  c'est-à-dire  d'un  plus  dense  dans  un  plus 
rare,  et  au  contraire.  Comme  les  rayons  visuels  se 


1)  I  A  217 

diri(^^ent  plus  aisément  que  les  so!is  par  des  lignes  sur 
certains  points,  aussi  les  expériences  de  la  diacousli- 
que  sont-elles  infiniment  plus  dilliciles  que  celles  de  la 
dioptrique.  (  Voyez  Son.  ) 

Ce  mot  est  formé  du  grec  ^tà,  par^  et  d'àzojw,  f  en- 
tends. 

Diagramme,  s.  m.  C'étoit,  dans  la  musique  an- 
cienne, la  table  ou  le  modèle  qui  présentoit  à  Toeil 
rétendue  générale  de  tous  les  sons  d'un  système,  ou  ce 
que  nous  appelons  aujourd'hui  échelle ^  gamme ^  clavier. 
(  Voyez  ces  mots.  ) 

Dialogue,  5.  m.  Composition  à  deux  voix  ou  deux 
instruments  qui  se  répondent  Tun  à  l'autre,  et  qui 
souvent  se  réunissent.  La  plupart  des  scènes  d'opéra 
sont,  en  ce  sens,  des  dialogues,  et  les  duo  italiens  en 
sont  toujours  :  mais  ce  mot  s'applique  plus  précisé- 
ment à  l'orgue;  c'est  sur  cet  instrument  qu'un  orga- 
niste joue  des  dialogues,  en  se  répondant  avec  diffé- 
rents jeux  ou  sur  différents  claviers. 

Diapason,  s.  m.  Terme  de  l'ancienne  musique  par 
lequel  les  Grecs  exprimoient  l'intervalle  ou  la  conson- 
nance  de  l'octave.  (Voyez  Octave.) 

Les  facteurs  d'instruments  de  musique  nomment 
aujourd'hui  diapasons  certaines  tables  où  sont  mar- 
quées les  mesures  de  ces  instruments  et  de  toutes 
leurs  parties. 

On  appelle  encore  diapason  l'étendue  convenable  à 
une  voix  ou  à  un  instrument.  Ainsi,  quand  une  voix 
se  force,  on  dit  qu'elle  sort  du  diapason,  et  l'on  dit  la 
même  chose  d'un  instrument  dont  les  cordes  sont 
trop  lâches  ou  trop  tenchies ,  qui  ne  rend  que  peu  de 


2] 8  BIA 

son,  ou  qui  rend  un  son  désagréable,  parceque  le  tOM 
en  est  trop  haut  ou  trop  bas. 

Ce  mot  est  formé  de  àà. ,  par ,  et  Trao-wv ,  toutes  ;  par- 
ceque l'octave  embrasse  toutes  les  notes  du  système 
parfait. 

DiAPENTE,  s.f.  Nom  donné  par  les  Grecs  à  l'inter- 
valle que  nous  appelons  quinte,  et  qui  est  la  seconde 
des  consonnances.  (Voyez  Gonsonnance,  Intervalle, 
Quinte.  ) 

Ge  mot  est  formé  de  6tà. ,  par,  et  de  ttsvts  ,  cinq,  par- 
cequ'en  parcourant  cet  intervalle  diatoniquement  on 
prononce  cinq  différents  sons. 

Diapenter,  en  latin  Diapentissare  ,  v.  n.  Mot  bar- 
bare employé  par  Mûris  et  par  nos  anciens  musiciens. 
(Voyez  QuiNTER.  ) 

Diaphonie,  s.f.  Nom  donné  parles  Grecs  à  tout  in- 
tervalle ou  accord  dissonant,  parceque  les  deux  sons, 
se  choquant  mutuellement,  se  divisent,  pour  ainsi 
dire ,  et  font  sentir  désagréablement  leur  différence. 
Gui  Arétin  donne  aussi  le  nom  de  diaphonie  à  ce  qu'on 
a  depuis  appelé  discant,  à  cause  des  deux  parties 
qu'on  y  distingue. 

Diaptose,  intercidence  ou  petite  chute,  5./.  C'est, 
dans  le  plain-chant,  une  sorte  de  périélèse  ou  de  pas- 
sage qui  se  fait  sur  la  dernière  note  d'un  chant,  ordi- 
nairement après  un  grand  intervalle  en  montant. 
Alors,  pour  assurer  la  justesse  de  cette  finale,  on  la 
marque  deux  fois,  en  séparant  cette  répétition  par  une 
tioisième  note,  que  l'on  baisse  d'un  degré  en  manière 
de  note  sensible,  comme  ut  si  ut,  ou  mi  re  mi. 

DiASCHisMA,  s.  m.  C'est,  dans  la  musique  ancienne, 


DIA  219 

mk  intervalle  faisant  la  moitié  du  semi-ton  mineur. 

Le  rapport  en  est  de  24  à  y/ 600,  et  par  conséquent 
irrationnel. 

DiASTÈME,  5.  m.  Ce  mot,  dans  la  musique  ancienne, 
signifie  proprement  intervalle,  et  c'est  le  nom  que 
donnoient  les  Grecs  à  Tintervalle  simple,  par  oppo- 
sition à  Tintervalle  composé,  qu'ils  appeloient^j  .sfème. 

(  Voyez  INTERVALLE  ,  SYSTÈME.  ) 

DiATESSARON.  Nom  que  donnoient  les  Grecs  à  l'in- 
tervalle que  nous  appelons  quarte ,  et  qîii  est  la  troi- 
sième des  consonnances.  (Voyez  Consonmance,  Inter- 
valle, Quarte.) 

Ce  mot  est  composé  de  ^là,  par ,  et  du  génitif  de 
rsaaupsti,  quatre;  parcequ'en  parcourant  diatonique- 
ment  cet  intervalle ,  on  prononce  quatre  différents 
sons. 

Diatesseroner  ,  en  latin  Diatesseronare  ,  v.  n.  Mot 
barbare  employé  par  Mûris  et  par  nos  anciens  musi- 
ciens. (Voyez  Quarter.  ) 

Diatonique,  adj.  Le  genre  diatonique  est  celui  des 
trois  qui  procède  par  tons  et  semi-tons  majeurs,  selon 
la  division  naturelle  de  la  gamme,  c'est-à-dire  celui 
dont  le  moindre  intervalle  est  d'un  degré  conjoint; 
ce  qui  n'empêclie  pas  que  les  parties  ne  puissent  pro- 
céder par  de  plus  grands  intervalles,  pourvu  qu'ils 
soient  tous  pris  sur  des  degrés  diatoniques. 

Ce  mot  vient  du  grec  Stà ,  par ,  et  de  rôvoç ,  ton ,  c'est- 
à-dire  passant  d'un  ton  à  un  autre. 

Le  genre  diatonique  des  Grecs  résultoit  de  Tune  des 
trois  régies  principales  qu'ils  avoient  établies  pour 
l'accord  des  tétracordes.  Ce  genre  se  divisoit  en  plu- 


2  20  DIX 

sieurs  espèces,  selon  les  divers  rapports  dans  îesquel* 
se  pou  voit  diviser  Tintervalle  qui  le  déterminoit;  car 
cet  intervalle  ne  pouvoit  se  resserrer  au-delà  d'un 
certain  point  sans  changer  de  genre.  Ces  diverses  es- 
pèces du  même  genre  sont  appelées  ;^poaç,  couleurs, 
par  Ptolémée,  qui  en  distingue  six;  mais  la  seule  en 
usage  dans  la  pratique  étoit  celle  qu'il  appelle  diato- 
iiique-ditonique,  dont  le  tétracorde  étoit  composé  d'un 
semi-ton  foible  et  de  deux  tons  majeurs.  Aristoxène 
divise  ce  même  genre  en  deux  espèces  seulement  ; 
savoir,  le  diatonique  tendre  ou  mol,  et  le  syntonique  ou 
dur.  Ce  dernier  revient  au  diatonique  de  Ptolémée. 
(  Voyez  les  rapports  de  l'un  et  de  l'autre,  Flanche  M , 
figure  5.  ) 

Le  genre  diatonique  moderne  résulte  de  la  marche 
consonnante  de  la  basse  sur  les  cordes  d'un  même 
mode ,  comme  on  peut  le  voir  par  la  figure  7  de  la 
planche  K.  Les  rapports  en  ont  été  fixés  par  l'usage 
des  mêmes  cordes  en  divers  tons  ;  de  sorte  que  si  l'har^ 
monie  a  d'abord  engendré  l'échelle  diatonique ,  c'est 
la  modulation  qui  l'a  modifiée;  et  cette  échelle,  telle 
que  nous  l'avons  aujourd'hui ,  n'est  exacte  ni  quant  au 
chant  ni  quant  à  l'harmonie,  mais  seulement  quant 
au  .moyen  d'employer  les  mêmes  sons  à  divers  usages^ 

Le  genre  diatonique  est  sans  contredit  le  plus  na- 
turel des  trois ,  puisqu'il  est  le  seul  qu'on  peut  em- 
ployer sans  changer  de  ton  ;  aussi  l'intonation  en  est- 
elle  incomparablement  plus  aisée  que  celle  des  deux 
autres,  et  l'on  ne  peut  guère  douter  que  les  premiers 
chants  n'aient  été  trouvés  dans  ce  genre  :  mais  il  faut 
remarquer  que,  selon  les  lois  de  la  modulation,  qui 


DIA  22  1 

permet  et  qui  prescrit  même  le  passage  d'un  ton  et 
d'un  mode  à  l'autre ,  nous  n'avons  presque  point,  dans 
notre  musique,  de  diatonique  bien  pur.  Chaque  ton 
particulier  est  bien ,  si  Ton  veut ,  dans  le  genre  diato- 
nique; mais  on  ne  sauroit  passer  de  l'un  à  Tautre  sans 
quelque  transition  chromatique,  au  moins  sous-en- 
tendue dans  l'harmonie.  Le  diatonique  i^uY  ^  dans  le- 
quel aucun  des  sons  n'est  altéré  ni  par  la  clef  ni  acci- 
dentellement, est  appelé  par  Zarlin  diatono-diatonique , 
et  il  en  donne  pour  exemple  le  plain-chant  de  l'église. 
Si  la  clef  est  armée  d'un  bémol ,  pour  lors  c'est,  selon 
lui,  le  diatonique  mol  ^  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec 
celui  d'Aristoxène.  (Voyez  Mol.  )  A  l'égard  de  la  trans- 
position par  dièse,  cet  auteur  n'en  parle  point,  et  l'on 
ne  la  pratiquoit  pas  encore  de  son  temps.  Sans  doute 
il  lui  auroit  donné  le  nom  de  diatonique  dur,  quand 
même  il  en  auroit  résulté  un  mode  mineur,  comme 
celui  d'£  la  mi  :  car  dans  ces  temps  oii  l'on  n'avoit 
point  encore  les  notions  harmoniques  de  ce  que  nous 
appelons  tons  et  modes,  et  où  l'on  avoit  déjà  perdu 
les  autres  notions  que  les  anciens  attachoient  aux 
mêmes  mots,  on  regardoit  plus  aux  altérations  parti- 
culières des  notes  qu'aux  rapports  généraux  qui  en 
résultoient.  (Voyez  Transposition.  ) 

Sons  ou  Cordes  diatoniques.  Euclide  distingue  sous 
ce  nom ,  parmi  les  sons  mobiles ,  ceux  qui  ne  partici- 
pent point  du  genre  épais ,  même  dans  le  chromatique 
et  l'enharmonique.  Ces  sons ,  dans  chaque  genre,  sont 
au  nombre  de  cinq;  savoir,  le  troisième  de  chaque  té- 
tracorde  ;  et  ce  sont  les  mêmes  que  d'autres  auteurs 
appellent  apycni .  Voy.   Apycni,  Genre,  Tétracorde.  ^, 


222  DIE 

DiAZEUXis,  s.f.  Mot  grec  qui  signifie  division,  sépa- 
ration, disjonction.  C'est  ainsi  qu'on  appeioit,  dans 
l'ancienne  musique ,  le  ton  qui  séparoit  deux  tétracor- 
des  disjoints,  et  qui,  ajouté  à  l'un  des  deux,  en  for- 
moit  la  diapente.  C'est  notre  ton  majeur,  dont  le  rap- 
port est  de  8  à  9,  et  qui  est  en  effet  la  différence  de  la 
quinte  à  la  quarte. 

La  diazeuxis  se  trouvoit,  dans  leur  musique,  entre 
la  mèse  et  la  parainèse ,  c'est-à-dire  entre  le  son  le  plus 
aigu  du  second  tétracorde  et  le  plus  grave  du  troisième, 
ou  bien  entre  le  néte  synnéménon  et  la  paramèse  hy- 
perboléon ,  c'est-à-dire  entre  le  troisième  et  le  qua- 
trième tétracorde,  sdon  que  la  disjonction  se  faisoit 
dans  l'un  ou  dans  l'autre  lieu;  car  elle  ne  pouvoit  se 
pratiquer  à-la-fois  dans  tous  les  deux. 

Les  cordes  homologues  des  deux  tétracordes  entre 
lesquels  il  y  avoit  diazeuxis  sonnoient  la  quinte,  au  lieu 
qu'elles  sonnoient  la  quarte  quand  ils  étoient  con- 
joints. 

DiÉSER,  V.  a.  C'est  armer  la  clef  de  dièses,  pour 
changer  l'ordre  et  le  lieu  des  semi-tons  majeurs  ;  ou 
donner  à  quelque  note  un  dièse  accidentel ,  soit  pour 
le  chant,  soit  pour  la  modulation.  (  Voyez  Dièse.  ) 

DfESis,  s.  m.  C'est,  selon  le  vieux  Bacchius ,  le  plus 
petit  intervalle  de  l'ancienne  musique.  Zarlin  dit  que 
Philolaiis,  pythagoricien,  donna  le  nom  de  diesis  au 
limma  :  mais  il  ajoute  peu  après  que  le  diesis  de  Pytha- 
gore  est  la  différence  du  limma  et  de  l'apotome.  Pour 
Aristoxène ,  il  divisoit  sans  beaucoup  de  façons  le  ton 
en  deux  parties  égales ,  ou  en  trois ,  ou  en  quatre.  De 
cette  dernière  division  résultoit  le  dièse  enharmonique 


DIÈ  223 

mineur  ou  quart-de-ton;  de  la  seconde,  le  dihe  mi- 
neur chromatique  ou  le  tiers  d'un  ton  ;  et  de  la  troi- 
sième ,  le  dièse  majeur  qui  faisoit  juste  un  demi-ton. 

Dièse  ou  DiÉsis  chez  les  modernes  n'est  pas  propre- 
ment ,  comme  chez  les  anciens ,  un  intervalle  de  mu- 
sique, mais  un  signe  de  cet  intervalle,  qui  marque 
qu'il  faut  élever  le  son  de  la  note  devant  laque  lie  il  se 
trouve  au-dessus  de  celui  qu'elle  devroit  avoir  natu- 
rellement, sans  cependant  la  faire  changer  de  degré 
ni  même  de  nom.  Or,  comme  cette  élévation  se  peut 
faire  du  moins  de  trois  manières  dans  les  genres  éta- 
blis ,  il  y  a  trois  sortes  de  dièses  ;  savoir  : 

1°  Le  dièse  enharmonique  mineur  ou  simple  c^ze^e, 
qui  se  figure  par  une  croix  de  saint  André,  ainsi  ^. 
Selon  tous  nos  musiciens  qui  suivent  la  pratique  d'A- 
ristoxène,  il  élève  la  note  d'un  quart  de  ton;  mais  il 
n'est  proprement  que  l'excès  du  semi-ton  majeur  sur 
le  semi-ton  mineur.  Ainsi  du  mi  naturel  diU  fa  bémol 
il  y  a  un  dièse  enharmonique,  dont  le  rapport  est  de 
125  à  128. 

20  Le  dièse  chromatique,  double  dièse  ou  dièse  ordi- 
naire ,  marqué  par  une  double  croix  ^ ,  élève  la  note 
d'un  semi-ton  mineur.  Cet  intervalle  est  égal  à  celui 
du  bémol ,  c'est-à-dire  la  différence  du  semi-ton  ma- 
jeur au  ton  mineur;  ainsi,  pour  monter  d'un  ton  de- 
puis le  mi  naturel ,  il  faut  passer  diu/a  dièse.  Le  rapport 
de  ce  dièse  est  de  24  a  26.  (Voyez  sur  cet  article  une 
remarque  essentielle  au  mot  Semi-ton.  ) 

3°  Le  dièse  enharmonique  majeur  ou  triple  dièse , 
marqué  par  une  croix  triple  ^ ,  élève,  selon  les  aris- 
toxéniens,  la  note  d'environ  trois  quarts  de  ton.  Zar 


224  ^^^ 

lin  dit  qu'il  Téléve  d'un  semi-ton  mineur;  ce  qui  ne 
sauroit  s'entendre  de  notre  semi-ton,  puisque  alors 
ce  dièse  ne  diffèreroit  en  rien  de  notre  dièse  chroma- 
tique. 

De  ces  trois  dièses ,  dont  les  intervalles  étoient  tous 
pratiqués  dans  la  musique  ancienne,  il  n'y  a  plus  que 
le  chromatique  qui  soit  en  usage  dans  la  nôtre ,  l'in- 
tonation des  dièses  enharmoniques  étant  pour  nous 
d'une  difficulté  presque  insurmontable,  et  leur  usage 
étant  d'ailleurs  aboli  par  notre  système  tempéré. 

Le  dièse,  de  même  que  le  bémol ,  se  place  toujours 
à  ffauche  devant  la  note  qui  le  doit  porter;  et  devant 
ou  après  le  chiilre ,  \\  signifie  la  même  chose  que  de- 
vant une  note.  (  Voyez  Chiffres.  )  Les  dièses  qu'on 
mêle  parmi  les  chiffres  de  la  basse-continue  ne  sont 
souvent  que  de  simples  croix ,  comme  le  dièse  enhar- 
monique; mais  cela  ne  sauroit  causer  d'équivoque^ 
puisque  celui-ci  n'est  plus  en  usage. 

Il  y  a  deux  manières  d'employer  le  dièse  ;  l'une  acci- 
dentelle, quand,  dans  le  cours  du  chant,  on  le  place 
à  la  gauche  d'une  note.  Cette  note ,  dans  les  modes  ma- 
jeurs ,  se  trouve  le  plus  communément  la  quatrième 
du  ton  ;  dans  les  modes  mineurs  ,  il  faut  le  plus  sou- 
vent deux  dièses  accidentels  ,  surtout  en  montant , 
savoir,  un  sur  la  sixième  note ,  et  un  autre  sur  la  sep- 
tième. Le  dièse  accidentel  n'altère  que  la  note  qui  le 
suit  immédiatement,  ou  tout  au  plus  celles  qui ,  dans 
la  même  mesure,  se  trouvent  sur  le  même  degré,  et 
quelquefois  à  l'octave,  sans  aucun  signe  contraire. 

L'autre  manière  est  d'employer  le  dièse  à  la  clef,  et 
alors  il  agit  dans  toute  la  suite  de  l'air,  et  sur  toutes 


DlÈ  22:) 

les  notes  qui  sont  placées  sur  le  même  degré  où  est 
le  dièse ,  à  moins  qu'il  ne  soit  contrarié  par  quelque 
bémol  ou  bécarre,  ou  bien  que  la  clef  ne  change. 

La  position  des  dièses  à  la  clef  n'est  pas  arbitraire, 
non  plus  que  celle  des  bémols;  autrement  les  deux 
semi-tons  de  l'octave  seroient  sujets  à  se  trouver  entre 
eux  hors  des  intervalles  prescrits.  Il  faut  donc  appli- 
quer aux  dièses  un  raisonnement  semblable  à  celui 
que  nous  avons  fait  au  bémol  ;  et  l'on  trouvera  que 
l'ordre  des  dièses  g^i  convient  à  Igi  clef  est  celui  des 
notes  suivantes,  en  commençant  par^  et  montant 
successivement  de  quinte,  ou  descendant  de  quarte 
jusqu'au  /à,  auquel  on  s'arrête  ordinairement,  parce- 
que  le  dièse  du  mi ,  qui  le  suivroit ,  ne  diffère  point  du 
fa  sur  nos  claviers. 

ORDRE    DES    DIÈSES    A    LA    CLEF, 
Fa,     ut,     sol,     re,     la,     etc. 

Il  faut  remarquer  qu'on  ne  sauroit  employer  un 
dièse  à  la  clef  sans  employer  aussi  ceux  qui  le  précé- 
dent :  ainsi  le  dièse  de  ïut  ne^e  pose  qu'avec  celui  du 
fa,  celui  du  sol  qu'avec  les  deux  précédents ,  etc. 

J'ai  donrié  au  mot  Clef  transposée  une  formule  pour 
trouver  tout  d'un  coup  si  un  ton  ou  mode  doit  porter 
des  dièses  à  la  clef,  et  combien. 

Voilà  l'acception  du  mot  dièse,  et  son  usage  dans 
la  pratique.  Le  plus  ancien  manuscrit  où  j  en  aie  vu 
le  signe  employé  est  celui  de  Jean  de  Mûris  ;  ce  qui 
me  fait  croire  qu'il  pourroit  bien  être  de  son  invention  : 
mais  il  ne  paroît  avoir,  dans  ses  exemples,  que  l'effet 
XIV.  f5 


226  DIM 

du  bécarre  ;  aussi  cet  auteur  donne-t-il  toujours  le  nom 
de  dièsis  au  semi-ton  majeur. 

On  appelle  dièses ,  dans  les  calculs  harmoniques , 
certains  intervalles  plus  grands  qu'un  comma ,  et 
moindres  qu  un  semi-ton ,  qui  font  la  différence  d'au- 
tres intervalles  engendrés  par  les  progressions  et  rap- 
ports des  consonnances.  Il  y  a  trois  de  ces  dièses  :  i  "  le 
dièse  majeur,  qui  est  la  différence  du  semi-ton  majeur 
au  semi-ton  mineur,  et  dont  le  rapport  est  de  126  à 
128  ;  1^  le  dièse  mineur,  qui«st  la  différence  du  semi- 
ton  mineur  au  dièse  majeur,  et  en  rapport  de  8072  à 
3 125  ;  3**  et  le  dièse  maxime ,  en  rapport  de  2  43  à 
2  5o ,  qui  est  la  différence  du  ton  mineur  au  semi-ton 
maxime.  (Voyez  Semi-ton.  ) 

Il  faut  avouer  que  tant  d'acceptions  diverses  du 
même  mot  dans  le  même  art  ne  sont  guère  propres 
qu'à  causer  de  fréquentes  équivoques ,  et  à  produire 
un  embrouillement  continuel. 

DiEZEUGMÉNON,  génit.fémin.  plur.TétV3iCorde  diezeug- 
ménpn  ou  des  séparées,  est  le  nom  que  donnoient  les 
Grecs  à  leur  troisième  tétracorde  quand  il  étoit  dis- 
joint d'avec  le  second.  (Toyez  Tétracorde.  ) 

Diminué  ,  adj.  Intervalle  diminué  est  tout  intervalle 
mineurdonton  retranche  un  semi-ton  par  un  dièse  à  la 
note  inférieure,  ou  par  un  bémol  à  la  supérieure.  A 
l'égard  des  intervalles  justes  que  forment  les  conson- 
nances parfaites,  lorsqu'on  les  diminue  d'un  semi-ton, 
l'on  ne  doit,  point  les  appeler  diininués,  ra^às  faux 
quoiqu'on  dise  quelquefois  mal  à  propos  cjuarie  dimi 
nuée,  au  lieu  de  dire  fausse-quarte ,  et  octave  diminuée ^ 
au  lieu  de  dire  fausse- octave. 


li- 


DIS  227 

Diminution  ,  5./  Vieux  mot  qui  signifioit  la  division 
d'une  note  longue ,  comme  une  ronde  ou  une  blanche , 
en  plusieurs  autres  notes  de  moindre  valeur.  On  en- 
tendoit  encore  par  ce  mot  tous  les  fredons  et  autres 
passages  qu'on  a  depuis  appelés  roulements  ou  rou- 
lades. (  Voyez  ces  mots.  ) 

DroxiE,  s.j\  C'est,  au  rapport  de  Nicomaque,  un 
nom  que  les  anciens  donnoient  quelquefois  à  la  con- 
sonnance  de  la  quinte ,  qu'ils  appeloient  plus  commu- 
nément J/^^ente.  (Voyez  Diapente,  ) 

Direct,  adj.  Un  intervalle  direct  est  celui  qui  fait  un 
harmonique  quelconque  sui-  le  son  fondamental  qui 
le  produit  :  ainsi  la  quinte ,  la  tierce  majeure,  l'octave , 
et  leurs  répliques,  sont  rigoureusement  les  seuls  inter- 
valles directs.  Mais,  par  extension ,  l'on  appelle  encore 
intervalles  directs  tous  les  autres ,  tant  consonnants  que 
dissonants,  que  fait  chaque  partie  avec  le  son  fonda- 
mental pratique ,  qui  est  ou  doit  être  au-dessous  d'elle  : 
ainsi  la  tierce  mineure  est  un  intervalle  direct  sur  un 
accord  en  tierce  mineure ,  et  de  même  la  septième  ou 
la  sixte  ajoutée  sur  les  accords  qui  portent  leur  nom. 

Jccord  direct  est  celui  qui  a  le  son  fondamental  au 
grave,  et  dont  les  parties  sont  distribuées,  non  pas 
selon  leur  ordre  le  plus  naturel ,  mais  selon  leur  ordre 
le  plus  rapproché.  Ainsi  l'accord  parfait  c/iVec^  n'est  pas 
octave ,  quinte ,  et  tierce  ;  mais  tierce ,  quinte ,  et  octave. 

DiscANT  ou  Déchant  ,  s.  m.  C'étoit ,  dans  nos  ancien- 
nes musiques  ,  cette  espèce  de  contre-point  que  com- 
posoient  sur-le-champ  les  parties  supérieures  en  chan- 
tant impromptu  sur  le  ténor  ou  la  basse;  ce  qui  fait 
juger  de  la  lenteur  avec  laquelle  devoit  marcher  la 


i5. 


228  DIS 

musique  pour  pouvoir  être  exécutée  de  cette  manière 
par  des  musiciens  aussi  peu  habiles  que  ceux  de  ce 
temps-là.  Discantat,  dit  Jean  de  Mûris,  qui simul cum 
uno  vel pluribus  dulciter  cantat ,  ut  ex  distinctis  sonis  so- 
nus  unusfiat,  non  unilate  sùnplicitatis ,  sed  dulcis  con- 
cordisque  mixiionis  unione.  Après  avoir  expliqué  ce  qu'il 
entend  par  consonnances  et  le  choix  qu'il  convient 
de  faire  entre  elles,  il  reprend  aigrement  les  chan- 
teurs de  son  temps  qui  les  pratiquoient  presque  indif- 
remment.  «  De  quel  front ,  dit-il ,  si  nos  régies  sont 
«  bonnes ,  osent  déchanter  ou.  composer  le  discant  ceux 
«  qui  n'entendent  rien  au  choix  des  accords ,  qui  ne 
«  se  doutent  pas  même  de  ceux  qui  sont  plus  ou  moins 
«  concordants ,  qui  ne  savent  ni  desquels  il  faut  s'abs- 
«  tenir,  ni  desquels  on  doit  user  le  plus  fréquemment, 
«  ni  dans  quels  lieux  il  les  faut  employer,  ni  rien  de 
«  ce  qu'exige  la  pratique  de  l'art  bien  entendu?  S'ils 
«  rencontrent ,  c'est  par  hasard  :  leurs  voix  errent  sans 
«  régie  sur  le  ténor:  qu'elles  s'accordent,  si  Dieu  le 
«  veut;  ils  jettent  leurs  sons  à  l'aventure,  comme  la 
«  pierre  que  lance  au  but  une  main  maladroite ,  et  qui 
«  de  cent  fois  le  touche  à  peine  une.  «  Le  bon  magister 
Mûris  apostrophe  ensuite  ces  corrupteurs  de  la  pure 
et  simple  harmonie,  dont  son  siècle  abondoit  ainsi  que 
le  nôtre.  Heu!  proli  dolor!  His  temporibus  aliqui  suurn 
defectwn  inepto  proverbio  colorare  rnoliuntur.  Iste  est  ^  fjm 
innuiunty  novus  discantandi  modus ,  novis  scilicet  iiti  ™ 
consonantiis .  Offendunt  ii  inteUectwn  eoi'um  qui  taies 
defectus  agnoscunt ,  offendunt  sens  uni  ;  nani  inducere  ciim 
deberent  delectationeni y  adducunt  tristitiani.  O  incon- 
aruiwi  j}iwe7'bium  !  o  niala  coloratio  !  irrationabilis  ex- 


eusatio!  o  magnus  abusus,  magna  riiditas,  magna  bestia- 
Utas ,  ut  asinus  sumatur  pro  homine,  capra  pro  leonc , 
ovis  pro  pisce ,  serpens  pro  salmone  !  Sic  enim  concordiù:: 
confundiintur  ciim  discordiis  ^  ut  nullateniis  una  dis  tin- 
guatur  ab  aliâ.  0  !  si  antiqui  periti  musicœ  doctores  taies 
audissent  discantatores ,  guid  dixissent?  quid  fecissent  ? 
Sic  discantantem  increparent ,  et  dicerent  :  Non  hune  dis- 
cantum  quo  uteris  de  me  sumis.  Non  tuum  cantum  unum 
et  concordantem  cum  me  facis.  De  quo  te  intromittis  ? 
Mihi  non  congruis^  mihi adversarius ,  scandalwntu  milii 
es  ;  6  utinam  taceres  !  Non  concordas ,  sed  déliras  et  dis- 
cordas. 

Discordant,  adj.  On  appelle  ainsi  tout  instrument 
dont  on  joue  et  qui  n'est  pas  d'accord,  toute  voix  qui 
chante  faux ,  toute  partie  qui  ne  s'accorde  pas  avec  les 
autres.  Une  intonation  qui  n'est  pas  juste  fait  un  ton 
faux.  Une  suite  de  tons  faux  fait  un  chant  discordant  : 
c'est  la  différence  de  ces  deux  mots. 

Disdiapason,  s.  m.  Nom  que  donnoient  les  Grecs  à 
l'intervalle  que  nous  appelons  double  octave. 

Le  disdiapason  est  à  peu  près  la  plus  grande  étendue 
que  puissent  parcourir  les  voix  humaines  sans  se  for- 
cer :  il  y  en  a  même  assez  peu  qui  l'entonnent  hien 
pleinement.  C'est  pourquoi  les  Grecs  avoient  borné 
chacun  de  leurs  modes  à  cette  étendue,  et  lui  don- 
noient le  nom  de  système  parfait.  (  Voyez  Mode  , 
Genre,  Système.) 

Disjoint,  adj.  Les  Grecs  donnoient  le  nom  relatif- 
de  disjoints  à  deux  tétracordes  qui  se  su i voient  inmié- 
diatement,  lorsque  la  corde  la  plus  grave  de  l'aigu 
étoit  wnton  au-dessus  de  la  plus  aiguë  du  grave,  au 


23o  DIS 

lieu  d'être  la  même.  Ainsi  les  deux  tétracordes  hypa- 
ton  et  diezeugménon  étoient  disjoints^  et  les  deux  té- 
tracordes syunéménon  et  hyperboléon  Tétoient  aussi, 
(Voyez  Tétracorde.  ) 

On  donne  parmi  nous  le  nom  de  disjoints  aux -inter- 
valles qui  ne  se  suivent  pas  immédiatement ,  mais 
sont  séparés  par  un  autre  intervalle.  Ainsi  ces  deux 
intervalles  ut  mi  et  sol  si  sont  disjoints.  Les  degrés  qui 
ne  sont  pas  conjoints ,  mais  qui  sont  composés  de  deux 
ou  plusieurs  degrés  conjoints,  s'appellent  aussi  degrés 
disjoints.  Ainsi  chacun  des  deux  intervalles  dont  je 
viens  de  parler  forme  un  degré  disjoint. 

Disjonction.  C'étoit,  dans  Fancienne  musique,  Tes- 
pace  qui  séparoit  la  mèse  de  la  paramèse,  ou  en  gé- 
néral un  tétracorde  du  tétracorde  voisin ,  lorsqu'ils 
n'étoient  pas  conjoints.  Cet  espace  étoit  d'un  ton^  et 
s'appeloil  en  grec  «/«VïzeMJTw. 

Dissonance,  5./  Tout  son  qui  forme  avec  un  autre 
un  accord  désagréable  à  l'oreille,  ou  mieux  tout  in- 
tervalle qui  n'est  pas  consonnant.  Or,  comme  il  n'y  a 
point  d'autres  consonnances  que  celles  que  forment 
entre  eux  et  avec  le  fondamental  les  sons  de  l'accord 
parfait,  il  s'ensuit  que  tout  autre  intervalle  est  une 
véritable  dissonance  ;  même  les  anciens  comptoient 
pour  telles  les  tierces  et  les  sixtes  qu'ils  retranchoicnt 
des  accords  consonnants. 

Le  terme  de  dissonance  vient  de  deux  mots ,  l'un 
grec,  l'autre  latin,  qui  signifient  sonner  à  double.  En 
effet,  ce  qui  rend  la  dissonance  désagréable  est  que  les 
sons  qui  la  forment,  loin  de  s'unira  l'oreille,  se  re- 
poussent, pour  ainsi  dire,  et  sont  entendus  par  elle 


♦ 


DIS  2.'^.r 


romme  deux  sons  distincts,  quoique  frappés  à-la-fois. 

On  donne  le  nom  de  dissonance  tantôt  à  l'intervalle 
et  tantôt  à  chacun  des  deux  Sons  qui  le  forment. 
Mais  quoique  deux  sons  dissonnent  entre  eux,  le  nom 
de  dissonance  se  donne  plus  spécialement  à  celui  des 
deux  qui  est  étranger  à  Taccord. 

Il  y  a  une  infinité  de  dissonances  possibles;  mais 
comme,  dans  la  musique,  on  exclut  tous  les  inter- 
valles que  le  système  reçu  ne  fournit  pas,  elles  se  ré- 
duisent à  un  petit  nombre;  encore  pour  la  pratique 
ne  doit-on  choisir  parmi  celles-là  que  celles  qui  con- 
viennent au  genre  et  au  mode,  et  enfin  exclure  même 
de  ces  dernières  celles  qui  ne  peuvent  s'employer  se- 
lon les  régies  pr*escrites.  Quelles  sont  ces  régies?  ont- 
elles  quelque  fondement  naturel,  ou  sont-elles  pure- 
ment arbitraires?  Voilà  ce  que  je  me  propose  d'exa- 
miner dans  cet  article. 

Le  principe  physique  de  l'harmonie  se  tire  de  la 
production  de  l'accord  parfait  par  la  résonnance  d'un 
son  quelconque  ;  toutes  les  consonnances  en  naissent , 
et  c'est  la  nature  même  qui  les  fournit.  Il  n'en  va  pas 
ainsi  de  la  dissonance ,  du  moins  telle  que  nous  la  pra- 
' tiquons.  Nous  trouvons  bien,  si  l'on  veut,  sa  généra- 
tion dans  les  progressions  des  intervalles  consonnants 
et  dans  leurs  différences,  mais  nous  n'apercevons  pa'x 
de  raison  physique  qui  nous  autorise  à  l'introduire 
dans  le  corps  même  de  l'harmonie.  Le  P.  Mersenne 
se  contente  de  montrer  la  génération  par  le  calcul  et 
les  divers  rapports  des  dissonances ,  tant  de  celles  qui 
sont  rejetées ,  que  de  celles  qui  sont  admises;  mais  il 
ne  dit  rien  du  droit  de  les  employer.  M.  Bameau  dit 


232  DIS 


en  termes  formels  que  la  dissonance  n'est  pas  naturelle 
à  l'harmonie,  et  qu'elle  n  y  peut  être  employée  que 
par  le  secours  de  Fart;  cependant,  dans  un  autre  ou- 
vrage, il  essaie  d'en  trouver  le  principe  dans  les  rap- 
ports des  nombres  et  les  proportions,  harmonique  et 
arithmétique ,  comme  s'il  y  avoit  quelque  identité  en- 
tre les  propriétés  de  la  quantité  abstraite  et  les  sensa- 
tions de  Fouïe  :  mais  après  avoir  bien  épuisé  des  ana- 
logies ,  après  bien  des  métamorphoses  de  ces  diverses 
proportions  les  unes  dans  les  autres ,  après  bien  des 
opérations  et  d'inutiles  calculs ,  il  finit  par  établir ,  sur 
de  légères  convenances,  la  dissonance  qu'il  s'est  tant 
donné  de  peine  à  chercher.  Ainsi ,  parceque  dans  l'or- 
dre des  sons  harmoniques  la  proportion  arithmétique 
lui  donne,  par  les  longueurs  des  cordes,  une  tierce 
mineure  au  grave  (remarquez  qu'elle  la  donne  à  l'aigu 
par  le  calcul  des  vibrations),  il  ajoute  au  grave  de  la 
sous-dominante  une  nouvelle  tierce  mineure.  La  pro- 
portion harmonique  lui  donne  une  tierce  mineure  à 
1  aigu  (elle  la  donneroit  au  grave  par  les  vibrations) , 
et  il  ajoute  à  Faigu  de  la  dominante  une  nouvelle 
tierce  mineure.  Ces   tierces  ainsi  ajoutées  ne  font 
point,  il  est  vrai,  de  proportion  avec  les  rapports 
précédents  ;  les  rapports  mêmes  qu'elles  devroient 
avoir  se  trouvent  altérés  :  mais  n'importe  ;  M.  Rameau 
fait  tc^ut  valoir  pour  le  mieux;  la  proportion  lui  sert 
pour  introduire  la  dissonance,  et  le  défaut  de  propor- 
tion pour  la  faire  sentir. 

L'illustre  géomètre  qui  a  daigné  inteipréter  au 
public  le  système  de  M.  Rameau  ayant  supprimé  tous 
ces  vains  calculs,  je  suivrai  son  exemple^  ou  plutôt 


DIS  233 

je  transcrirai  ce  qu'il  dit  de  la  dissonance  :  et  M.  Ra- 
meau me  devra  des  remerciements  d'avoir  tiré  cette 
explication  des  Eléments  de  musique,  plutôt  que  de  ses 
propres  écrits. 

Supposant  qu'on  connoisse  les  cordes  essentielles 
du  ton  selon  le  système  de  M.  Rameau,  savoir,  dans 
le  ton  d'w^,  la  tonique  m^,  la'dominante  sol,  et  la  sous- 
dominante  y^,  on  doit  savoir  aussi  que  ce  même  ton 
à' ut  a  les  deux  cordes  ut  et  sol  communes  avec  le  ton 
de  sol,  et  les  deux  cordes  ut  et  fa  communes  avec  le 
ton  de  fa.  Par  conséquent  cette  marche  de  basse  ut 
5o/peut  appartenir  au  ton  à'ut  ou  au  ton  de  sol,  comme 
la  marche  de  basse  yî?  ut  ou  ut  fa  peut  appartenir  au 
ton  d'ut  ou  au  ton  de  fa.  Donc  quand  on  passe  d\it  à 
fa  ou  à  sol  dans  une  basse  fondamentale,  on  ignore 
encore  jusque-là  dans  quel  ton  Fou  est;  il  seroit  pour- 
tant avantageux  de  le  savoir,  et  de  pouvoir  par  quel- 
que moyen  distinguer  le  générateur  de  ses  quintes. 

On  obtiendra  cet  avantage  en  joignant  ensemble  les 
sons  sol  et  fa  dans  une  même  harmonie,  c'est-à-dire 
en  joignant  à  Tharmonie  sol  si  re  de  la  quinte  sol  l'autre 
quinte  fa,  en  cette  manière,  50/ 5i  re  fa;  ce  fa  ajouté 
étant  la  septième  de  sol  fait  dissonance  ;  c'est  pour  cette 
raison  que  l'accord  sol  si  refa  est  appelé  accord  dis- 
sonant ou  accord  de  septième  :  il  sert  à  distinguer  la 
quinte  50/  du  générateur  ut ,  qui  porte  toujours  sans 
mélange  et  sans  altération  l'accord  parfait  ut  mi  sol  ut, 
donné  par  la  nature  même.  (Voyez  Accord,  Conson- 
NANGE,  Harmonie.)  Parla  on  voit  que  quand  on  passe 
diut  à  sol,  on  passe  en  même  temps  d'wf  h  fa ,  parceque 
\g  fa  se  trouve  compris  dans  l'accord  de  50/,  et  le  ton 


234  I^ÎS 

d'ut  se  trouve  par  ce  moyen  entièrement  déterminé, 
parcequ'il  n'y  a  que  ce  ton  seul  auquel  les  sons^à  et 
sol  appartiennent  à-la-fois. 

Voyons  maintenant,  continue  M.  d'Alembert,  ce 
que  nous  ajouterons  à  l'harmonie^  la  ut  de  la  quinte 
fa  au-dessous  du  générateur,  pour  distinguer  cette 
harmonie  de  celle  de  ce  même  générateur.  Il  semble 
d'abord  que  Ton  doive  y  ajouter  Tautre  quinte  sol, 
afin  que  le  générateur  ut  passant  h  fa  passe  en  même 
temps  à  sol  y  et  que  le  ton  soit  déterminé  par  là,  mais 
cette  introduction  de  sol  dans  ïaccorô  fa  la  ut  donne- 
roit  deux  secondes  de  suite,  ^w^  sol,  sol  la,  c'est-à-dire 
deux  dissonances  dont  l'union  seroit  trop  désagréable 
à  l'oreille:  inconvénient  qu'il  faut  éviter;  car  si,  pour 
distinguer  le  ton,  nous  altérons  l'harmonie  de  cette 
quinte  fa,  il  ne  faut  l'altérer  que  le  moins  qu'il  est 
possible. 

C'est  pourquoi,  au  lieu  de  50/,  nous  prendrons  sa 
quinte  re,  qui  est  le  son  qui  en  approche  le  plus  ;  et  nous 
aurons  pour  la  sous-dominante^a  l'accordy^f  la  utre, 
qu'on  appelle  accord  de  grande-sixte  ou  sixte-ajoutée. 

On  peut  remarquer  ici  l'analogie  qui  s'observe 
entre  l'accord  de  la  dominante  50/  et  celui  de  la  sous- 
dominante  y«. 

La  dominante  sol,  en  montant  au-dessus  du  gé- 
nérateur, a  un  accord  tout  composé  de  tierces  en 
montant  depuis  50/;  sol  si  rey«.  Or  la  sous-dominante 
fa  étant  au-dessous  du  générateur  ut,  on  trouvera ,  en 
descendant  à' ut  \  ers  fa  par  tierces,  ut  la  fa.  re ,  qui 
contient  les  mêmes  sons  que  l'accord  /«  la  ut  re  donne 
y  la  sous-dominantey?>. 


DIS  235 

On  voit  de  plus  que  raltération  de  Tharmonie  de^ 
deux  quintes  ne  consiste  que  dans  la  tierce  mineure 
refa  ou  fa  re ,  ajoutée  de  part  et  d'autre  à  Tharmonie 
de  ces  deux  quintes. 

Cette  explication  est  d'autant  plus  ingénieuse 
qu'elle  montre  à-la-fois  l'origine,  l'usage,  la  marche 
de  la  dissonance ,  son  rapport  intime  avec  le  ton,  et  le 
moyen  de  déterminer  réciproquement  l'un  par  l'autre. 
Le  défaut  que  j'y  trouve,  mais  défaut  essentiel  qui 
fait  tout  crouler,  c'est  l'emploi  d'une  corde  étrangère 
au  ton,  comme  corde  essentielle  du  ton,  et  cela  par 
une  fausse  analogie  qui,  servant  de  base  au  système 
M.  Rameau,  le  détruit  en  s'évanouissant. 

Je  parle  de  cette  quinte  au-dessous  de  la  tonique, 
de  cette  sous-dominante,  entre  laquelle  et  la  tonique 
on  n'aperçoit  pas  la  moindre  liaison  qui  puisse  auto- 
riser l'emploi  de  cette  sous-dominante,'  non  seule- 
ment comme  corde  essentielle  du  ton,  mais  même  en 
quelque  qualité  que  ce  puisse  être.  En  effet  qu'y  a-t-il 
de  commun  entre  la  résonnance,  le  frémissement  des 
imissons  à' ut,  et  le  son  tie  sa  quinte  en-dessous?  Ce 
n'est  point  parceque  la  corde  entière  est  un  fa  que 
ses  aliquoîes  résonnent  au  son  d'ut,  mais  parcequ'elle 
est  un  multiple  de  la  corde  ut;  et  il  n'y  a  aucun  des 
multiples  de  ce  même  ut  qui  ne  donne  un  semblable 
phénomène.  Prenez  le  septuple,  il  frémira  et  réson- 
nera dans  ses  parties  ainsi  que  le  triple  :  est-ce  à  dire 
que  le  son  de  ce  septuple  ou  ses  octaves  soient  des 
cordes  essentielles  du  ton?  tant  s'en  faut,  puisqu'il  ne 
forme  pas  même  avec  la  tonique  un  rapport  com- 
mensurable  en  notes. 


236  DIS 

Je  sais  que  M.  Rameau  a  prétendu  qu'au  son  d'une 
corde  quelconque  une  autre  corde  à  sa  douzième  en- 
dessous  frémissoit  sans  résonner;  mais  outre  que  c'est 
un  étrange  phénomène  en  acoustique  qu  une  corde 
sonore  qui  vibre  et  ne  résonne  pas,  il  est  maintenant 
reconnu  que  cette  prétendue  expérience  est  une  er- 
reur, que  la  corde  grave  frémit  parcequ'elle  se  par- 
tage, et  qu'elle  paroît  ne  pas  résonner  parcequ'elle  ne 
rend  dans  ses  parties  que  l'unisson  de  l'aigu ,  qui  ne 
se  distingue  pas  aisément. 

Que  M.  Rameau  nous  dise  donc  qu'il  prend  la 
quinte  en-dessous  ,  parcequ'il  trouve  la  quinte  en- 
dessus,  et  que  ce  jeu  des  quintes  lui  paroît  commode 
pour  établir  son  système,  on  pourra  le  féliciter  d'une 
ingénieuse  invention;  mais  qu'il  ne  l'autorise  point 
(l'une  expérience  chimérique,  qu'il  ne  se  tourmente 
])oint  à  chercher  dans  les  renversements  des  propor- 
tions harmonique  et  arithmétique  les  fondements  de 
l'harmonie,  ni  à  prendre  les  propriétés  des  nombres 
pour  celles  des  sons. 

Remarquez  encore  que  si  la  contre-génération  qu'il 
suppose  pouvoit  avoir  lieu,  l'accord  de  la  sous-domi- 
nante fa  ne  devroit  point  porter  une  tierce  majeure , 
mais  mineure,  parceque  le  /«bémol  est  1  harmoni- 
que véritable  qui  lui  est  assigné  pïir  ce  renversement 

T  I 

1        3"      T 

lit  fa  la  b.  De  sorte  qu'à  ce  compte  la  gamme  du 
mode  majeur  devroit  avoir  naturellement  la  sixte 
jnineure;  mais  elle  Fa  majeure,  comme  quatrième 
quinte  ou  comme  quinte  de  la  seconde  note:  ainsi 
voilà  encore  une  contradiction.    \ 


DIS  237 

Kiiliii  remarquez  que  la  quatrième  note  donnée  par 
la  série  des  aliquotes ,  d'où  naît  le  vrai  diatonique  na- 
turel, n'est  point  l'octave  de  la  prétendue  sous-domi- 
nante dans  le  rapport  de  4  à  3,  mais  une  autre  qua- 
trième note  toute  différente  dans  le  rapport  de  11  à  8 , 
ainsi  que  tout  théoricien  doit  l'apercevoir  au  premier 
coup  d'œil. 

J'en  appelle  maintenant  à  l'expérience  et  à  l'oreille 
des  musiciens.  Qu'on  écoute  combien  la  cadence  im- 
parfaite de  la  sous-dominante  à  la  tonique  est  dure  et 
sauvage  en  comparaison  de  cette  même  cadence  dans 
sa  place  naturelle ,  qui  est  de  la  tonique  à  la  domi- 
nante. Dans  le  premier  cas  peut-on  dire  que  l'oreille 
ne  désire  plus  rien  après  l'accord  de  la  tonique?  n'at- 
tend-on pas ,  malgré  qu'on  en  ait ,  une  suite  ou  une 
fin?  or  qu'est-ce  qu'une  tonique  après  laquelle  l'oreille 
désire  quelque  chose  ?  peut-on  la  regarder  comrhe 
une  véritable  tonique,  et  n'est-on  pas  alors  réellement 
dans  le  ton  de  fa,  tandis  qu'on  pense  être  dans  celui 
lYut?  Qu'on  observe  combien  l'intonation  diatonique 
et  successive  de  la  quatrième  note  et  de  la  note  sen- 
sible, tant  en  montant  qu'en  descendant,  paroît  étran- 
gère au  mode  et  même  pénible  à  la  voix.  Si  la  longue 
habitude  y  accoutume  l'oreille  et  la  voix  du  musicien , 
la  difficulté  des  commençants  à  entonner  cette  note 
doit  lui  montrer  assez  combien  elle  est  peu  naturelle. 
On  attribue  cette  difficulté  aux  trois  tons  consécutifs  ; 
ne  devroit-on  pas  voir  que  ces  trois  tons  consécutifs, 
de  même  que  la  note  qui  les  introduit  donnent  une 
modulation  barbare  qui  n'a  nul  fondement  dans  la  na- 
ture? Elle  avoit  assurément  mieux  guidé  les  Grecs 


238  DIS 

lorsqu'elle  leur  fit  arrêter  leur  tétra corde  précisément 
au  mî  de  notre  échelle,  c'est-à-dire  à  la  note  qui  pré- 
cède cette  quatrième  :  ils  aimèrent  mieux  prendre 
cette  quatrième  en  dessous,  et  ils  trouvèrent  ainsi 
avec  leur  seule  oreille  ce  que  toute  notre  théorie  har- 
monique n'a  pu  encore  nous  faire  apercevoir. 

Si  le  témoignage  de  l'oreille  et  celui  de  la  raison  se 
réunissent,  au  moins  dans  le  système  donné,  pour 
rejeter  la  prétendue  sous-dominante  non  seulement 
du  nombre  des  cordes  essentielles  du  ton,  mais  du 
nombre  des  sons  qui  peuvent  entrer  dans  l'échelle  du 
mode,  que  devient  toute  cette  théorie  des  dissonances? 
que  devient  l'explication  du  mode  mineur  ?  que  de- 
vient tout  le  système  de  M.  Rameau? 

N'apercevant  donc  ni  dans  la  physique  ni  dans  le 
calcul  la  véritable  génération  de  la  dissonance ,  je  lui 
clierchois  une  origine  purement  mécanique  ;  et  c'est 
de  la  manière  suivante  que  je  tâchois  de  l'expliquer 
dans  l'Encyclopédie ,  sans  m'écarter  du  système  pra- 
tique de  M.  Rameau. 

Je  suppose'la  nécessité  de  la  dissonance  reconnue. 
(  Voyez  Harmonie  et  Cadence.  )  Il  s'agit  de  voir  où  l'on 
doit  prendre  cette  dissonance  et  comment  il  faut  l'em- 
ployer. 

Si  Ion  compare  successivement  tous  les  sons  de 
l'échelle  diatonique  avec  le  son  fondamental  dans  cha- 
cun des  deux  modes,  on  n'y  trouvera  pour  toute  disso- 
nance que  la  seconde  et  la  septième,  qui  n'est  qu'une 
seconde  renversée,  et  qui  fait  réellement  seconde  avec 
l'octave.  Que  la  septième  soit  renversée  de  la  seconde, 
et  non  la  seconde  de  la  septième,  c'est  ce  qui  est 


DIS  o3(^ 

évident  par  Texpression  des  rapports  ;  car  celui  de  la 
seconde  8,  9,  étant  plus  simple  que  celui  de  la  sep- 
tième 9,16,  Tintervalle  qu'il  représente  n'est  pas  par 
conséquent  lengendré,  mais  le  générateur. 

Je  sais  bien  que  d'autres  intervalles  altérés  peuvent 
devenir  dissonants;  mais  si  la  seconde  ne  s'y  trouve 
pas  exprimée  ou  sous-entendue ,  ce  sont  seulement  des 
accidents  de  modulation  auxquels  l'harmonie  n'a 
aucun  égard,  et  ces  dissonances  ne  sont  point  alors 
traitées  comme  telles.  Ainsi  c'est  une  chose  certaine 
qu'où  il  n'y  a  point  de  seconde  il  n'y  a  point  de  disso- 
nance; et  la  seconde  est  proprement  la  seule  dissonance 
qu  on  puisse  employer. 

Pour  réduire  toutes  les  consonnances  à  leur  moin- 
dre espace  ne  sortons  point  des  bornes  de  1  octave, 
elles  y  sont  toutes  contenues  dans  l'accord  parfait. 
Prenons  donc  cet  accord  parfait,  sol  sire  sol,  et  voyons 
en  quel  lieu  de  cet  accord,  que  je  ne  suppose  encore 
dans  aucun  ton,  nous  pourrions  placer  une  disso- 
nance, c'est-à-dire  une  seconde,  pour  la  rendre  le 
moins  choquante  à  l'oreille  qu'il  est  possible.  Sur  le  la 
entre  le  sol  et  le  si  elle  feroit  une  seconde  avec  l'un  et 
avec  l'autre,  et  par  conséquent  dissoneroit  double- 
ment. Il  en  seroit  de  même  entre  le  si  et  le  re,  comme 
entre  tout  intervalle  de  tierce  :  reste  l'intervalle  de 
quarte  entre  le  re  et  le  sol.  Ici  Ton  peut  introduire  un 
son  de  deux  manières  :  l '^  on  peut  ajouter  la  note  fa, 
qui  fera  seconde  avec  le  sol  et  tierce  avec  le  re;  2^  ou 
la  note  ?7u*,  qui  fera  seconde  avec  le  re  et  tierce  avec 
le  sol.  Il  est  évident  qu'on  aura  de  chacune  de  ces 
deux  manières   la  dissonance  la  moins  dure   qu'on 


24o  DIS 

puisse  trouver  j  car  elle  ne  dissonnera  qu'avec  un  seul 
son,  et  elle  engendrera  une  nouvelle  tierce,  qui,  aussi 
bien  que  les  deux  précédentes,  contribuera  à  la  dou- 
ceur de  Taccord  total.  D'un  côté  nous  aurons  l'accord 
de  septième,  et  de  l'autre  celui  de  sixte  ajoutée,  les 
deux  seuls  accords  dissonants  admis  dans  le  système 
de  la  basse  fondamentale. 

Il  ne  suffit  pas  de  faire  entendre  la  dissonance  ^  il 
faut  la  résoudrç  :  vous  ne  choquez  d'abord  Foreille 
que  pour  la  flatter  ensuite  plus  agréablement.  Voilà 
deux  sons  joints  :  d'un  côté  la  quinte  et  la  sixte,  de 
l'autre  la  septième  et  l'octave  :  tant  qu'ils  feront  ainsi 
la  seconde ,  ils  resteront  dissonants  ;  mais  que  les  par- 
ties qui  les  font  entendre  s'éloignent  d'un  degré,  que 
lune  monte  ou  que  l'autre  descende  diatoniquement, 
votre  seconde  de  part  et  d'autre  sera  devenue  une 
tierce;  c'est-à-dire  une  des  plus  agréables  consour 
nances.  Ainsi  après  sol  fa  vous  aurez  sol  mi  ou  fa  la; 
et  après  7^e  ?niy  mi  ut  ou  î^efa  :  c'est  ce  qu'on  appelle 
sauver  la  dissonance. 

Reste  à  déterminer  lequel  des  deux  sons  joints  doit 
monter  ou  descendre ,  et  lequel  doit  rester  en  place  : 
mais  le  motif  de  détermination  saute  aux  yeux.  Que  la 
quinte  ou  l'octave  restent  comme  cordes  principales , 
que  la  sixte  monte  et  que  la  septième  descende ,  comme 
sons  accessoires,  comme  dissonances.  De  plus,  si,  des 
deux  sons  joints ,  c'est  à  celui  qui  a  le  moins  de  chemin 
à  faire  de  marcher  par  préférence ,  le^a  descendra  en- 
core sur  le  ?ni  après  la  septième,  et  le  mi  de  l'accord 
de  sixte  ajoutée  montera  sur  \efa;  car  il  n'y  a  point 
d'autre  marche  plus  courte  pour  sauver  la  dissonance. 


DIS  241 

Voyons  maintenant  quelle  marche  doit  faire  le  sou 
fondamental  relativement  au  mouvement  assigné  à  la 
dissonance.  Puisque  Tiui  des  deux  sons  joints  reste  en 
place,  il  doit  faire  liaison  dans  Faccord  suivant.  L'in- 
tervalle que  doit  former  la  basse -fondamentale  en 
quittant  Taccord,  doit  donc  être  déterminé  sur  ces 
deux  conditions  :  1°  que  Toctave  du  son  fondamental 
précédent  puisse  rester  en  place  après  l'accord  de 
septième,  la  quinte  après  l'accord  de  sixte-ajoutée  ; 
1^  que  le  son  sur  lequel  se  résout  la  dissonance  soit  un 
des  harmoniques  de  celui  auquel  passe  la  basse-fonda- 
mentale. Or  le  meilleur  mouvement  de  la  basse  étant 
par  intervalle  de  quinte ,  si  elle  descend  de  quinte  dans 
le  premier  cas,  ou  qu'elle  monte  de  quinte  dans  le  se- 
cond, toutes  les  conditions  seront  parfaitement  rem- 
plies, comme  il  est  évident  par  la  seule  inspection  de 
l'exemple,  Planche  k^  figure  9. 

De  là  on  tire  un  moyen  de  connoître  à  quelle  corde 
du  ton  chacun  de  ces  deux  accords  convient  le  mieux. 
Quelles  sont  dans  chaque  ton  les  deux  cordes  les  plus 
essentielles?  c'est  la  tonique  et  la  dominante.  Com- 
ment la  basse  peut-elle  marcher  en  descendant  de 
quinte  sur  deux  cordes  essentielles  du  ton?  c  est  en 
passant  de  la  dominante  à  la  tonique  :  donc  la  domi- 
nante est  la  corde  à  laquelle  convient  le  mieux  l'ac- 
cord de  septième.  Comment  la  basse  en  montant  de 
quinte  peut-elle  marcher  sur  deux  cordes  essentielles 
du  ton?  c'est  en  passant  de  la  tonique  à  la  dominante  : 
donc  la  tonique  est  la  corde  à  laquelle  convient  Fac- 
cord de  sixte-ajoutée.  Voilà  pourquoi,  dans  l'exem- 
ple, j'ai  donné  un  dièse  au/a  de  l'accord  qui  suit  ce- 
XIV.  i6 


242  DIS 

liii-là;  carie  re  étant  dominante  tonique,  doit  porter 
la  tierce  majeure.  La  basse  peut  avoir  d'autres  mar- 
ches; mais  ce  sont  là  les  plus  parfaites,  et  les  deux 
principales  cadences.  (Voyez  Cadence.) 

Si  Ton  compare  ces  deux  dissonances  avec  le  son 
fondamental,  on  trouve  que  celle  qui  descend  est  une 
septième  mineure,  et  celle  qui  monte  une  sixte  ma- 
jeure ,  d'où  l'on  tire  cette  nouvelle  règle  que  les  disso- 
nances majeures  doivent  monter  et  les  mineures  des- 
cendre; car  en  général  un  intervalle  majeur  a  moins 
de  chemin  à  faire  en  montant,  et  un  intervalle  mineur 
en  descendant;  et  en  général  aussi,  dans  les  marches 
diatoniques,  les  moindres  intervalles  sont  à  préférer. 

Quand  l'accord  de  septième  porte  tierce  majeure, 
cette  tierce  fait  avec  la  septième  une  autre  dissonance , 
qui  est  la  fausse  quinte,  ou,  par  renversement,  le 
triton.  Cette  tierce  vis-à-vis  de  la  septième  s'appelle 
encore  dissonance  majeure,  et  il  lui  est  prescrit  de 
monter,  mais  c'est  en  qualité  de  note  sensible;  et 
sans  la  seconde,  cette  prétendue  dissonance  n'existe- 
roit  point  ou  ne  seroit  point  traitée  comme  telle. 

Une  observation  qu'il  ne  faut  pas  oublier  est  que 
les  deux  seules  notes  de  l'échelle  qui  ne  se  trouvent 
point  dans  les  harmoniques  des  deux  cordes  princi- 
pales ut  et  sol,  sont  principalement  celles  qui  s'y  trou- 
vent introduites  par  la  dissonance ^  et  achèvent  par  ce 
moyen  la  gamme  diatonique,  qui  sans  cela  seroit  im- 
parfaite :  ce  qui  explique  comment  le^a  et  le  /«,  quoi- 
que étrangers  au  mode,  se  trouvent  dans  son  échelle, 
et  pourquoi  leur  intonation  ,  toiqours  rude  malgré 
l'habitude,  éloigne  l'idée  du  ton  principal. 


DIS  243 

Il  faut  remarquer  encore  que  ces  deux  dts!?onances ^ 
savoir,  la  sixte  majeure  et  la  septième  mineure,  ne 
dillèrent  que  d'un  semi-ton  ,  et  dilfèreroient  encore 
moins  si  les  intervalles  étoient  bien  justes.  A  Faide  de 
cette  observation  Ton  peut  tirer  du  principe  de  la  ré- 
sonnance  une  ori(>ine  très  approchée  de  Tune  et  de 
1  autre,  comme  je  vais  le  montrer. 

Les  harmoniques  qui  accompagnent  un  son  quel- 
conque ne  se  bornent  pas  à  ceux  qui  composent  l'ac- 
cord paifait  :  il  y  en  a  une  infinité  d'autres  moins  sen- 
sibles à  mesure  qu'ils  deviennent  plus  aigus  et  leurs 
rapports  plus  composés,  et  ces  rapports  sont  expri- 
més par  la  série  naturelle  des  ahquotes  -4-'-L-L,  etc 
Les  six  premiers  teimes  de  cette  série  donnent  les 
sons  qui  composent  l'accord  parfait  et  ses  rrphques  ; 
le  septième  en  est  exclus  :  cependant  ce  septième 
terme  entre  comme  eux  dans  la  résonnance  totale  du 
son  générateur,  quoique  moins  sensiblement;  mais 
il  n'y  entre  point  comme  consonnance;  il  y  entre  donc 
comme  dissonance ,  et  cette  dissonance  est  donnée  par 
la  nature.  Reste  à  voir  son  rapport  avec  celles  dont  je 
viens  de  parler. 

Or,  ce  rapport  est  intermédiaire  entre  l'un  et  l'au- 
tre ,  et  fort  rapproché  de  tous  deux  ;  car  le  rapport  de 
la  sixte  majeure  est  ,  ,  et  celui  de  la  septième  mi- 
neure Ti'    Ces   deux   rapports  réduits  aux  mêmes 


termes  sont  p  et  ^. 

80       80 


Le  rapport  de  l'aliquote  y  rapproché  au  simple  par 
ses  octaves  est| ,  et  ce  rapport  réduit  au  même  terme 
avec  les  précédents,  se  trouve  intermédiaire  entre 
les  deux  de  cette  manière  5^4  f*^  jil ,  où  l'on  voit  que 

16. 


^44         .  i^is 

ce  rapport  moyen  ne  diffère  de  la  sixte  majeure  que 
d'un  3V  ou  à  peu  près  deux  comma,  et  de  la  septième 
mineure  que  d'un  7^,  qui  est  beaucoup  moins  qu'un 
comma.  Pour  employer  les  mêmes  sons  dans  le  genre 
diatonique  et  dans  divers  modes,  il  a  fallu  les  altérer  ; 
mais  cette  altération  n'est  pas  assez  grande  pour  nous 
faire  perdre  la  trace  de  leur  origine. 

J'ai  fait  voir,  au  mot  Cadence,  comment  l'intro- 
duction de  ces  deux  principales  dissonances ,  la  sep- 
tième et  la  sixte-ajoutée,  donne  le  moyen  de  lier  une 
suite  d'harmonie  en  la  faisant  monter  ou  descendre  à 
volonté  par  l'entrelacement  des  dissonances. 

Je  ne  parle  point  ici  de  la  préparation  de  la  disso- 
nance, moins  parcequ'elle  a  trop  d'exceptions  pour  en 
faire  une  régie  générale,  que  parceque  ce  n'en  est  pas 
ici  le  lieu.  (Voyez  Préparer.  )  A  l'égard  des  dissonances 
par  supposition  ou  par  suspension,  voyez  aussi  ces 
deux  mots.  Enfin  je  ne  dis  rien  non  plus  de  la  sep- 
tième diminuée ,  accord  singulier  dont  j'aurai  occa- 
sion de  parler  au  mot  Enharmonique. 

Quoique  cette  manière  de  concevoir  la  dissonance 
en  donne  une  idée  assez  nette,  comme  cette  idée  n'est 
point  tirée  du  fond  de  l'harmonie,  mais  de  certaines 
convenances  entre  les  parties,  je  suis  bien  éloigné 
d'en  faire  plus  de  cas  qu'elle  ne  mérite,  et  je  ne  l'ai 
jamais  donnée  que  pour  ce  qu'elle  valoit;  mais  on 
a  voit  jusqu'ici  raisonné  si  mal  sur  la  dissonance,  que 
je  ne  crois  pas  avoir  fait  en  cela  pis  que  les  autres. 
M.  Tartini  est  le  premier,  et  jusqu'à  présent  le  seul 
qui  ait  déduit  une  théorie  des  dissonances  des  vrais 
principes  de  l'harmonie .  Pour  éviter  d  inutiles  répé- 


DIS  245 

titions,  je  renvoie  là-dessus  au  mot  Système,  où  j'ai 
iaitTexposition  du  sien.  Je  m'abstiendrai  de  juger  s'il 
a  trouvé  ou  non  celui  de  la  nature  ;  mais  je  dois  re- 
marquer au  moins  que  les  principes  de  cet  auteur 
paroissent  avoir  dans  leurs  conséquences  cette  uni- 
versalité et  cette  connexion  qu'on  ne  trouve  guère 
que  dans  ceux  qui  mènent  à  la  vérité. 

Encore  une  observation  avant  de  finir  cet  article. 
Tout  intervalle  commensurable  est  réellement  con- 
sonnant;  il  n'y  a  de  vraiment  dissonants  que  ceux  dont 
les  rapports  sont  irrationnels,  car  il  n'y  a  que  ceux-là 
auxquels  on  ne  puisse  assigner  aucun  son  fondamen- 
tal commun.  Mais  passé  le  point  où  les  harmoniques 
naturels  sont  encore  sensibles,  cette  consonnance  des 
intervalles  commensurables  ne  s'admet  plus  que  par 
induction.  Alors  ces  intervalles  font  bien  partie  du 
système  harmonique ,  puisqu'ils  sont  dans  l'ordre  de 
sa  génération  naturelle  et  se  rapportent  au  son  fon- 
damental commun  ;  mais  ils  ne  peuvent  être  admis 
comme  consonnants  par  l'oreille ,  parcequ'elle  ne  les 
aperçoit  point  dans  l'harmonie  naturelle  du  corps  so- 
nore. D'ailleurs  plus  l'intervalle  se  compose,  plus  il 
s'élève  à  l'aigu  du  son  fondamental  :  ce  qui  se  prouve 
par  la  génération  réciproque  du  son  fondamental  et 
des  intervalles  supérieurs.  (  Voyez  le  système  de 
M.  Tartini.  )  Or,  quand  la  distance  du  son  fondamental 
au  plus  aigu  de  l'intervalle  générateur  ou  engendré 
excède  l'étendue  du  système  musical  ou  appréciable , 
tout  ce  qui  est  au-delà  de  cette  étendue  devant  être 
censé  nul,  un  tel  intervalle  n'a  point  de  fondement 
sensible,  et  doit  être  rejeté  de  la  pratique,  ou  seule- 


246  DIT 

meut  admis  comme  dissonant.  Voilà,  non  le  système 
de  M.  Rameau ,  ni  celui  de  M.  Tartini ,  ni  le  mien ,  mais 
le  texte  de  la  nature ,  qu'au  reste  je  n'entreprends  pas 
d'expliquer. 

Dissonance  majeure  est  celle  qui  se  sauve  en  mon- 
tant. Cette  dissonance  n'est  telle  que  relativement  à  la 
dissonance  mineure  ;  car  elle  fait  tierce  ou  sixte  majeure 
sur  le  vrai  son  fondamental ,  et  n'est  autre  que  la  note 
sensible  dans  un  accord  dominant,  ou  la  sixte-ajoutée 
dans  son  accord. 

Dissonance  mineure  est  celle  qui  se  sauve  en  des- 
cendant :  c'est  toujours  la  dissonance  proprement  dite, 
c  est-à-dire  la  septième  du  vrai  son  fondamental. 

La  dissonance  majeure  est  aussi  celle  qui  se  forme  par 
un  intervalle  superflu,  et  la  dissonance  mineure  est  celle 
qui  se  forme  par  un  intervalle  diminué.  Ces  diverses 
acceptions  viennent  de  ce  que  le  mot  même  de  disso- 
nance est  équivoque ,  et  signifie  quelquefois  un  inter- 
valle et  quelquefois  un  simple  son. 

Dissonnant,  partie.  (  Voyez  Dissonner.  ) 

DissONNER,  V.  n.  Il  n'y  a  que  les  sons  qui  dissonnent ,  et 
nnson  dis  sonne  c^\\?inà'\\  formedissonanceavec  un  autre 
son.  On  ne  dit  pas  qu'un  intervalle  dissonne,  on  dit  qu'il 
est  dissonant. 

Dithyrambe,  5,  m.  Sorte  de  chanson  grecque  en 
l'honneur  de  Bacchus,  laquelle  se  chantoit  sur  le  mode 
phrygien,  et  sesentoit  du  feu  et  de  la  gaieté  qu'inspire 
le  dieu  auquel  elle  étoit  consacrée.  lUie  faut  pas  de- 
mander si  nos  littérateurs  modernes  ,  toujours  sages 
et  compassés,  se  sont  récriés  sur  la  fougue  et  le  désor- 
dre des  dithyrambes.  C'est  fort  mal  fait  sans  doute  de 


DIX  247 

s'enivrer,  surtout  en  Thoniieur  de  la  divinité;  mais 
j'ainierois  mieux  encore  être  ivre  moi-même  que  de 
n'avoir  que  ce  sot  bon  sens  qui  mesure  sur  la  froide 
raison  tous  les  discours  d'un  homme  échauffé  par  le 
vin. 

DiTON,  s.  m.  C'est,  dans  la  musique  grecque,  un 
intervalle  composé  de  deux  tons ,  c'est-à-dire  une  tierce 
majeure.  (  Voyez  Intervalle,  Tierce.  ) 

Divertissement  ,  s.  m.  C'est  le  nom  qu'on  donne  à 
certains  recueils  de  danses  et  de  chansons  qu'il  est 
de  régie  à  Paris  d'insérer  dans  chaque  acte  d  un  opéra , 
soit  ballet ,  soit  tragédie  ;  divertissement  importun  dont 
Tautcur  a  soin  de  couper  l'action  dans  quelque  moment 
intéressant ,  et  que  les  acteurs  assis  et  les  spectateurs 
debout  ont  la  patience  de  voir  et  d'entendre. 

Dix-huitième,  s.f.  Intervalle  qui  comprend  dix-sept 
degrés  conjoints ,  et  par  conséquent  dix-huit  sons  dia- 
toniques, en  comptmt  les  deux  extrêmes.  C'est  la 
tlouble-octave  de  la  quarte.  (  Voyez  Quarte.  ) 

Dixième,  5. y.  Intervalle  qui  comprend  neuf  degrés 
conjoints  ,  et  par  conséquent  dix  sons  diatoniques,  en 
comptant  les  deux  qui  le  forment.  C'est  l'octave  de  la 
tierce  ou  la  tierce  de  l'octave  ;  et  la  dixième  est  majeure 
ou  mineure ,  comme  l'intervalle  simple  dont  elle  est  la 
réplique.  (  Voyez  Tierce.  ) 

Dix-neuvième,  s.f.  Intervalle  qui  comprend  dix- 
huit  degrés  conjoints,  et  par  conséquent  dix-neuf  sons 
diatoniques  ,  en  comptant  les  deux  extrêmes.  C'est  la 
double-octave  de  la  quinte.  (  Voyez  Quinte.  ) 

Dix-septième  ,  5.  /.  Intervalle  qui  comprend  seize 
degrés  conjoints ,  et  par  conséquent  dix-sept  sons  dia- 


^4^  JDOI 

toniques ,  en  comptant  les  deux  extrêmes.  C'est  la 
double-octave  de  la  tierce;  et  la  dix-septième  est  ma- 
jeure ou  mineure  comme  elle. 

Toute  corde  sonore  rend  avec  le  son  principal  celui 
de  sa  dix-septième  majeure ,  plutôt  que  celui  de  sa  tierce 
simple  ou  de  sa  dixième ,  parceque  cette  dix-septième 
est  produite  par  une  aliquote  de  la  corde  entière,  sa- 
voir, la  cinquième  partie  ;  au  lieu  que  les  y  que  donne- 
roit  la  tierce ,  ni  les  \  que  donneroit  la  dixième ,  ne 
sont  pas  une  aliquote  de  cette  même  corde.  (  Voyez 
Son  ,  Intervalle  ,  Harmonie.  ) 

Do.  Syllabe  que  les  Italiens  substituent  en  solfiant 
è  celle  d'z/f ,  dont  ils  trouvent  le  son  trop  sourd.  Le 
même  motif  a  fait  entreprendre  à  plusieurs  personnes , 
et  entre  autres  à  M.  Sauveur,  de  changer  les  noms  de 
toutes  les  syllabes  de  notre  gamme;  mais  l'ancien 
usage  a  toujours  prévalu  parmi  nous.  C'est  peut-être 
un  avantage  ;  il  est  bon  de  s'accoutumer  à  solfier  par 
des  syllabes  sourdes ,  quand  on  n'en  a  guère  de  plus 
sonores  à  leur  substituer  dans  le  chant. 

Dodécacorde.  C'est  le  titre  donné  par  Henri  Glaréan 
à  un  gros  livre  de  sa  composition  ,  dans  lequel ,  ajou- 
tant quatre  nouveaux  tons  aux  huit  usités  de  son 
temps ,  et  qui  restent  encore  aujourd'hui  dans  le  chant 
ecclésiastique  romain,  il  pense  avoir  rétabli  dans  leur 
j)ureté  les  douze  modes  d'Aristoxène ,  qui  cependant 
en  avoit  treize  ;  mais  cette  prétention  a  été  réfutée  par 
J.  B.  Doni ,  dans  son  Traité  des  Genres  et  des  Modes. 

Doigter,  v.  n.  C'est  faire  marcher  d'une  manière 
convenable  et  régulière  les  doigts  sur  quelque  instru- 
ment ,  et  principalement  sur  l'orgue  ou  le  clavecin , 


DOI  249 

pour  en  jouer  le  plus  facilement  et  le  plus  nettement 
qu'il  est  possible. 

Sur  les  instruments  à  manche,  tels  que  le  violon 
et  le  violoncelle ,  la  plus  grande  régie  du  doigter  con- 
siste dans  les  diverses  positions  de  la  main  gauche  sur 
le  manche;  c'est  par  là  que  les  mêmes  passages  peu- 
vent devenir  faciles  ou  difficiles ,  selon  les  positions 
et  selon  les  cordes  sur  lesquelles  on  peut  prendre  ces 
passages  ;  c'est  quand  un  symphoniste  est  parvenu  à 
passer  rapidement,  avec  justesse  et  précision,  par 
toutes  ces  différentes  positions ,  qu'on  dit  qu'il  possède 
bien  son  manche.  (Voyez  Position.  ) 

Sur  l'orgue  ou  le  clavecin,  le  doigter  est  autre  chose. 
Il  y  a  deux  manières  de  jouer  sur  ces  instruments  ;  sa- 
voir, l'accompagnement  et  les  pièces.  Pour  jouer  des 
pièces,  on  a  égard  à  la  facilité  de  l'exécution  et  à  la 
bonne  grâce  de  la  main.  Comme  il  y  a  un  nombre  ex- 
cessif de  passages  possibles  dont  la  plupart  demandent 
une  manière  particulière  de  faire  marcher  les  doigts  , 
et  que  d  ailleurs  chaque  pays  et  chaque  maître  a  sa 
règle,  il  faudroit  sur  cette  partie  des  détails  que  cet 
ouvrage  ne  comporte  pas,  et  sur  lesquels  l'habitude 
et  la  commodité  tiennent  lieu  de  régies ,  quand  une 
fois  on  a  la  main  bien  posée.  Les  préceptes  généraux 
qu'on  peut  donner  sont,  i^  de  placer  les  deux  mains 
sur  le  clavier,  de  manière  qu'on  n'ait  rien  de  gêné  dans 
l'attitude  :  ce  qui  oblige  d'exclure  communément  le 
pouce  de  la  main  droite ,  parceque  les  deux  pouces 
posés  sur  le  clavier,  et  principalement  sur  les  touches 
blanches,  donneroient  aux  bras  une  situation  con- 
trainte et  de  mauvaise  grâce.  Il  faut  observer  aussi 


230  DOI 

que  les  coudes  soient  un  peu  plus  élevés  que  le  niveau 
du  clavier ,  afin  que  la  main  tombe  comme  delle-même 
sur  les  touches  :  ce  qui  dépend  de  la  hauteur  du  siège  ; 
20  de  tenir  le  poignet  à  peu  près  à  la  hauteur  du  cla- 
vier, c'est-à-dire  au  niveau  du  coude  ;  les  doigts  écar- 
tés de  la  largeur  des  touches ,  et  un  peu  recourbés  sur 
elles,  pour  être  prêts  à  tomber  sur  des  touches  diffé- 
rentes ;  3 '^  de  ne  point  porter  successivement  le  même 
«loigt  sur  deux  touches  consécutives ,  mais  d'employer 
tous  les  doigts  de  chaque  main.  Ajoutez  à  ces  observa- 
tions les  régies  suivantes ,  que  je  donne  avec  con- 
fiance, parceque  je  les  tiens  de  M.  Duphli,  excellent 
maître  de  clavecin,  et  qui  possède  sur-tout  la  perfec- 
tion du  doigter. 

Cette  perfection  consiste  en  général  dans  un  mou- 
vement doux,  léger ,  et  régulier. 

Le  mouvement  des  doigts  se  prend  à  leur  racine , 
c'est-à-dire  à  la  jointure  qui  les  attache  à  la  main. 

Il  faut  que  Jes  doigts  soient  courbés  naturellement, 
et  que  chaque  doigt  ait  son  mouvement  propre  indé- 
pendant des  autres  doigts.  Il  faut  que  les  doigts  tom- 
bent sur  les  touches  et  non  qu'ils  les  frappent ,  et  de 
plus ,  qu'ils  coulent  de  l'une  à  l'autre  en  se  succédant, 
c'est-à-dire  qu'il  ne  faut  quitter  une  touche  qu'après 
en  avoir  pris  une  autre.  Ceci  regarde  particulièrement 
ie  jeu  françois. 

Pour  continuer  un  roulement,  il  faut  s'accoutumer 
à  passer  le  pouce  par-dessous  tel  doigt  que  ce  soit,  et 
à  passer  tel  autre  doigt  par-dessus  le  pouce.  Cette  ma- 
nière est  excellente ,  surtout  quand  il  se  rencontre  des 
dièses  ou  des  bémols  ;  alors  faites  en  sorte  que  le  pouce 


D  O I  2  5  l 

se  trouve  sur  la  touche  qui  précède  le  dièse  ou  le  bémol , 
ou  placez-le  immédiatement  après  :  par  ce  moyen  vous 
vous  procurerez  autant  de  doigts  de  suite  que  vous 
aurez  de  notes  à  faire. 

Évitez  autant  qu'il  se  pourra  de  toucher  du  pouce 
ou  du  cinquième  doi(jt  une  touche  blanche ,  surtout 
dans  les  roulements  de  vitesse. 

Souvent  on  exécute  un  même  roulement  avec  les 
deux  mains ,  dont  les  doigts  se  succèdent  pour  lors 
consécutivement.  Dans  ces  roulements  les  mains  pas- 
sent Tune  sur  l'autre  ;  mais  il  faut  observer  que  le  son 
de  la  preuiière  touche  sr=r  laquelle  passe  une  des  mains 
soit  aussi  lié  au  son  précédent  que  s  ils  étoient  touchés 
de  la  même  main. 

Dans  le  genre  de  musique  harmonieux  et  lié  ,  il  est 
bon  de  s'accoutumer  à  substituer  un  doigt  à  la  place 
d'un  autre  sans  relever  la  touche  :  cette  manière  donne 
des  facilité*:  pour  l'exécution  et  prolonge  la  durée  des 
sons. 

Pour  l'accompagnement ,  le  doigter  de  la  main  gau- 
che est  le  même  que  pour  les  pièces ,  parcequ'il  faut 
toujours  que  celte  main  joue  les  basses  qu'on  doit  ac- 
compagner :  ainsi  les  règles  de  M.  Duphli  y  servent 
également  pour  cette  partie,  excepté  dans  les  occa- 
sions  où  l'on  veut  augmenter  le  bruit  au  moyen  de 
l'octave,  qu'on  embrasse  du  pouce  et  du  petit  doigt; 
car  alors,  au  lieu  de  doigter,  la  main  entière  se  trans- 
porte d  une  touche  à  l'autre.  Quant  à  la  main  droite  ^ 
son  doigter  consiste  dans  l'arrangement  des  doigts ,  et 
dans  les  marches  qu'on  leur  donne  pour  faire  entendre 
les  accords  et  leur  succession  :  de  sorte  que  quiconque 


:>b2  DOI 

entend  bien  la  mécanique  des  doigts  en  cette  partie , 
possède  Fart  de  l'accompagnement.  M.  Rameau  a  fort 
Lien  expliqué  cette  mécanique  dans  sa  Dissertation  sur 
l  accompagnement  ;  et  je  crois  ne  pouvoir  mieux  faire 
que  de  donner  ici  un  précis  de  la  partie  de  cette  dis- 
sertation qui  regarde  le  doigter. 

Tout  accord  peut  s'arranger  par  tierces.  L'accord 
parfait,  c'est-à-dire  l'accord  d'une  tonique  ainsi  ar- 
rangé sur  le  clavier,  est  formé  par  trois  touches  qui 
doivent  être  frappées  du  second,  du  quatrième  et  du 
cinquième  doigt.  Dans  cette  situation  c'est  le  doigt  le 
plus  bas,  c'est-à-dire  le  second  qui  touche  la  tonique  ; 
dans  les  deux  autres  faces,  il  se  tixDuve  toujours  un 
doigt  au  moins  au-dessous  de  cett^  même  tonique  :  il 
faut  le  placer  à  la  quarte.  Quant  au  troisième  doigt, 
qui  se  trouve  au-dessus  ou  au-dessous  des  deux  au- 
tres, il  faut  le  placer  à  la  tierce  de  son  voisin. 

Une  régie  générale  pour  la  succession  des  accords 
est  qu'il  doit  y  avoir  liaison  entre  eux,  c'est-à-dire  que 
quelqu'un  des  sons  de  l'accord  précédent  doit  être 
prolongé  sur  l'accord  suivant  et  entrer  dans  son  har- 
monie. C'est  de  cette  règle  que  se  tire  toute  la  méca- 
nique du  doigter. 

Puisque  pour  passer  régulièrement  d'un  accord  à 
un  autre  il  faut  que  quelque  doigt  reste  en  place,  il 
est  évident  qu'il  n'y  a  que  quatre  manières  de  suc- 
cession régulière  entre  deux  accords  parfaits;  savoir, 
la  basse-fondamentale  montant  ou  descendant  de 
tierce  ou  de  quinte. 

Quand  la  basse  procède  par  tierces,  deux  doigts 
restent  en  place;  en  montant,  ceux  qui  formoient  la 


DOi  253 

tierce  et  la  quinte  restent  pour  former  Toctave  et  la 
tierce ,  tandis  que  celui  qui  ibrmoit  l'octave  descend 
sur  la  quinte;  en  descendant,  les  doigts  qui  formoient 
Toctave  et  la  tierce  restent  pour  former  la  tierce  et  la 
quinte ,  tandis  que  celui  qui  faisoit  la  quinte  monte  sur 
Toctave. 

Quand  la  basse  procède  par  quintes  ,  un  doigt  seul 
reste  en  place  et  les  deux  autres  marchent;  en  mon- 
tant, c'est  la  quinte  qui  reste  pour  faire  Toctave ,  tan- 
dis que  l'octave  et  la  tierce  descendent  sur  la  tierce  et 
sur  la  quinte;  en  descendant,  l'octave  reste  pour  faire 
la  quinte,  tandis  que  la  tierce  et  la  quinte  montent 
sur  l'octave  et  sur  la  tierce.  Dans  toutes  ces  succes- 
sions les  deux  mains  ont  toujours  un  mouvement 
contraire. 

En  s'exercant  ainsi  sur  divers  endroits  du  clavier  , 
on  se  familiarise  bientôt  au  jeu  des  doigts  sur  cha- 
cune de  ces  marches,  et  les  suites  d'accords  parfaits 
ne  peuvent  plus  embarrasser. 

Pour  les  dissonances,  il  faut  d'abord  remarquer 
que  tout  accord  dissonant  complet  occupe  les  quatre 
doigts,  lesquels  peuvent  être  arrangés  tous  par  tier- 
ces, ou  trois  par  tierces,  et  l'autre  joint  à  quelqu'un 
des  premiers  faisant  avec  lui  un  intervalle  de  seconde. 
Dans  le  premier  cas,  c'est  le  plus  bas  des  doigts,  c'est- 
à-dire  l'index,  qui  sonne  le  son  fondamental  de  l'ac- 
cord; dans  le  second  cas,  c'est  le  supérieur  des  deux 
doigts  joints.  Sur  cette  observation  l'on  connoît  aisé- 
ment le  doigt  qui  fait  la  dissonance,  et  qui  par  consé- 
quent doit  descendre  pour  la  sauver. 

Selon  les  différents  accords  consonnants  ou  disse- 


254  ^^^ 

nants  qui  suivent  un  accord  dissonant,  il  faut  faire 
descendre  un  doigt  seul ,  ou  deux ,  ou  trois.  A  la  suite 
d'un  accord  dissonant,  Faccord  parfait  qui  le  sauve 
se  trouve  aisément  sous  les  doigts.  Dans  une  suite 
d'accords  dissonants,  quand  un  doigt  seul  descend, 
comme  dans  la  cadence  interrompue,  c'est  toujours 
celui  qui  a  fait  la  dissonance,  c'est-à  dire  l'inférieur 
des  deux  joints,  ou  le  supérieur  de  tous,  s'ils  sont  ar- 
rangés par  tierces.  Faut-il  faire  descendre  deux  doigts, 
comme  dans  la  cadence  parfaite,  ajoutez  à  celui  dont 
je  viens  de  parler  son  voisin  au-dessous,  et,  s'il  n'en  a 
point,  le  supérieur  de  tous  :  ce  sont  les  deux  doigts 
qui  doivent  descendre.  Faut-il  en  faire  descendre  trois, 
comme  dans  la  cadence  rompue  ,  conservez  le  fonda- 
mental sur  sa  touche ,  et  faites  descendre  les  trois 
autres. 

La  suite  de  toutes  ces  différentes  successions  bien 
étudiée  vous  montre  le  jeu  des  doigts  dans  toutes  les 
phrases  possibles  ;  et  comme  c'est  des  cadences  par- 
faites que  se  tire  la  succession  la  plus  commune  des 
phrases  harmoniques ,  c'est  aussi  à  celles-là  qu'il  faut 
s'exercer  davantage  ;  on  y  trouvera  toujours  deux 
doi«ts  marchant  et  s'arrêtant  alternativement.  Si  les 
deux  doigts  d'en  haut  descendent  sur  un  accord  où  les 
deux  inférieurs  restent  en  place ,  dans  l'accord  suivant 
les  deux  supérieurs  restent ,  et  les  deux  inférieurs  des- 
cendent à  leur  tour;  ou  bien  ce  sont  les  deux  doigts 
extrêmes  qui  font  le  même  jeu  avec  les  deux  moyens. 

On  peut  trouver  encore  une  succession  harmonique 
ascendante  par  dissonances  ,  à  la  faveur  de  la  sixte- 
ajoutée  :  mais  cette  succession ,  moins  commune  que 


DOi  255 

celle  dont  je  viens  de  parler,  est  plus  difficile  à  ména- 
ger, moins  prolongée,  et  les  accords  se  remplissent 
rarement  de  tous  leurs  sons.  Toutefois  la  marche  des 
doigts  auroit  encore  ici  ses  régies;  et  en  supposant  un 
entrelacement  de  cadences  imparfaites,  on  y  trouve- 
roit  toujours,  ou  les  quatre  doigts  par  tierces  ou  deux 
doigts  joints  :  dans  le  premier  cas,  ce  seroit  aux  deux 
inférieurs  à  monter,  et  ensuite  aux  deux  supérieurs 
alternativement;  dans  le  second,  le  supérieur  des  deux 
doigts  joints  doit  monter  avec  celui  qui  est  au-dessus 
de  lui,  et,  s'il  n'y  en  a  point,  avec  le  plus  bas  de 
tous,  etc. 

On  n'imagine  pas  jusqu'à  quel  point  l'étude  du 
doigter  y  prise  de  cette  manière,  peut  faciliter  la  pra- 
tique de  l'accompagnement.  Après  un  peu  d'exercice, 
les  doigts  prennent  insensiblement  l'habitude  de  mar- 
cher comme  d'eux-mêmes;  ils  préviennent  l'esprit  et 
accompagnent  avec  une  facilité  qui  a  de  quoi  sur- 
prendre. Mais  il  faut  convenir  que  l'avantage  de  cette 
méthode  n'est  pas  sans  inconvénient,  car,  sans  parler 
des  octaves  et  des  quintes  de  suite  qu'on  y  rencontre 
à  tout  moment,  il  résulte  de  tout  ce  remplissage  une 
harmonie  brute  et  dure  dont  l'oreille  est  étrangement 
choquée,  surtout  dans  les  accords  par  supposition. 

Les  maîtres  enseignent  d'autres  manières  de  doig- 
ter, fondées  sur  les  mêmes  principes,  sujettes,  il  est 
vrai,  à  plus, d'exceptions,  mais  par  lesquelles,  retran- 
chant des  sons,  on  gêne  moins  la  main  par  trop  d'ex- 
tension, Ton  évite  les  octaves  et  les  quintes  de  suite, 
et  l'on  rend  une  harmonie,  non  pas  aussi  pleine,  mais 
plus  pure  et  plus  agréable. 


256  noR 

DoLCE.  (  Voyez  D.  ) 

DoMiiNANT,  adj.  Accord  dominant  ou  sensible  est 
celai  qui  se  pratique  sur  la  dominante  du  ton,  et  qui 
annonce  la  cadence  parfaite.  Tout  accord  parfait  ma- 
jeur devient  dominant  sitôt  qu'on  lui  ajoute  la  sep- 
tième mineure. 

Dominante,  s.  f.  C'est  des  trois  notes  essentielles 
du  ton  celle  qui  est  une  quinte  au-dessus  de  la  toni- 
que. La  tonique  et  la  dominante  déterminent  le  ton; 
elles  y  sont  chacune  la  fondamentale  d'un  accord  par- 
ticulier; au  lieu  que  la  médiante,  qui  constitue  le 
mode,  n'a  point  d'accord  à  elle,  et  fait  seulement  par- 
tie de  celui  de  la  tonique. 

M.  Rameau  donne  généralement  le  nom  de  domi- 
nante à  toute  note  qui  porte  un  accord  de  septième  ^ 
et  distingue  celle  qui  porte  l'accord  sensible  par  le 
nom  de  dominante-tonique;  mais,  à  cause  de  la  lon- 
gueur du  mot,  cette  addition  n'est  pas  adoptée  des 
artistes;  ils  continuent  d'appeler  simplement  domi- 
nante la  quinte  de  la  tonique,  et  ils  n'appellent  pas 
dominantes,  maiïs  fondamentales ,  les  autres  notes  por- 
tant accord  de  septième  ;  ce  qui  suffit  pour  s'expliquer, 
et  prévient  la  confusion. 

Dominante,  dans  le  plain-chant  est  la  note  que  l'on 
rebat  le  plus  souvent ,  à  quelque  degré  que  l'on  soit 
de  la  tonique,  il  y  a  dans  le  plain-chant  dominante  et 
tonique,  mais  point  de  médiante. 

DoKiEN,  adj.  Le  mode  dorien  étoit  un  des  plus 
anciens  de  la  musique  des  Grecs,  et  c'étoit  le  pius 
grave  ou  le  plus  bas  de  ceux  qu'on  a  depuis  appelés 
authentiques. 


DOU  2:37 

Le  caractère  de  ce  mode  ctoit  sérieux  et  grave ^ 
mais  d'une  gravité  tempérée;  ce  qui  le  reiidoit  propre 
pour  la  guerre  et  pour  les  sujets  de  religion. 

Platon  regarde  la  majesté  du  mode  dorien  comme 
très  propre  à  conserver  les  bonnes  mœurs;  et  c'est 
pour  cela  qu'il  en  permet  Tusage  dans  sa  République. 

Il  s'appeloit  dorien  parceque  c'étoit  cliez  les  peuples 
de  ce  nom  qu'il  avoit  été  d'abord  en  usage.  On  attribue 
l'invention  de  ce  mode  à  Thamiris  de  Thrace,  qui, 
ayant  eu  le  malheur  de  défier  les  muses  et  d'être 
vaincu,  fut  privé  par  elles  de  la  lyre  et  des  yeux. 

Double,  adj.  Intervalles  doubles  ou  redoublés  sont 
tous  ceux  qui  excédent  l'étendue  de  l'octave.  En  ce 
sens ,  la  dixième  est  double  de  la  tierce ,  et  la  douzième , 
double  de  la  quinte.  Quelques  uns  donnent  aussi  le 
nom  d'intervalles  doubles  à  ceux  qui  sont  composés  de 
deux  intervalles  égaux,  comme  la  fausse-quinte  qui 
est  composée  de  deux  tierces  mineures. 

Double,  s.  m.  On  appelle  doubles  des  airs  d'un 
chant  simple  en  lui-même,  qu'on  figure  et  qu'on  dou- 
ble par  l'addition  de  plusieurs  notes  qui  varient  et  or- 
nent te  chant  sans  le  gâter  :  c'est  ce  que  les  Italiens 
appellent  variàzioni.  (Voyez  Variations.) 

Il  y  a  cette  différence  des  doubles  aux  broderies  ou 
fleurtis,  que  ceux-ci  sont  à  la  bberté  du  musicien, 
qu'il  peut  les  faire  ou  les  quitter  quand  il  lui  plaît 
pour  reprendre  le  simple.  Mais  le  double  ne  se  quitte 
point,  et  sitôt  qu'on  l'a  commencé,  il  faut  le  pour^ 
suivre  jusqu'à  la  fin  de  Fair. 

Double  est  encore  un  mot  employé  à  l'Opéra  de 
Paris  pour  désigner  les  acteurs  en  sous-ordre  qui  rem- 

XIV.  I  y 


^58  Dou 

placent  les  premiers  acteurs  dans  les  rôles  que  ceux- 
ci  quittent  par  maladie  ou  par  air,  ou  lorsqu'un  opéra 
est  sur  ses  fins  et  qu'on  en  prépare  un  autre.  Il  faut 
avoir  entendu  un  opéra  en  doubles  pour  concevoir  ce 
que  c'est  qu'un  tel  spectacle ,  et  quelle  doit  être  la 
patience  de  ceux  qui  veulent  bien  le  fréquenter  en  cet 
état.  Tout  le  zèle  des  bons  citoyens  françois  bien 
pourvus  d'oreilles  à  l'épreuve  suffit  à  peine  pour  tenir 
à  ce  détestable  charivari. 

Doubler,  v.  a.  Doubler  un  air,  c'est  y  faire  des  dou- 
bles; doubler-  un  rôle,  c'est  y  remplacer  l'acteur  priur 
cipal.  (Voyez  Double.) 

Double-corde,  s.  f.  Manière  de  jeu  sur  le  violon, 
laquelle  consiste  à  toucher  deux  cordes  à-la-fois  fai- 
sant deux  parties  différentes.  La  àouble-covàe fait  sou- 
vent beaucoup  d  effet.  Il  est  difficile  déjouer  très  juste  sur 
la  double-corde. 

Double-croche,  s.  f  Note  de  musique  qui  ne  vaut 
que  le  quart  d'une  noire,  ou  la  moitié  d'une  croche. 
Il  faut  par  conséquent  seize  doubles-croches  pour  une 
ronde  ou  pour  une  mesure  à  quatre  temps.  (Voyez 
Mesure,  Valeur  des  notes.) 

On  peut  voir  la  figure  de  la  double-croche  liée  ou  dé- 
tachée dans  la  figure  9  de  la  Planche  D.  Elle  s'appelle 
double-croche  à  cause  du  double-crochet  qu  elle  porte 
à  sa  queue,  et  qu'il  faut  pourtant  bien  distinguer  du 
double-crochet  proprement  dit,  qui  fait  le  sujet  de 
l'article  suivant. 

Double-crochet,  s.  m.  Signe  d'abréviation  qui  mar- 
que la  division  des  notes  en  doubles-croches,  comme 
le  simple  erochet  marque  leur  division  en  croches  sim- 


DOU  259 

pies.  (Voyez  Crochet.)  Voyez  aussi  la  figure  et  Feffet 
du  double-crochet,  figure  10  de  la  Planche  D,  à 
Texeniple  R 

Double-emploi,  5.  m.  Ncwn  donné  par  M.  Rameau 
aux  deux  différentes  mailières  dont  on  peut  consi- 
dérer et  traiter  l'accord  de  sous-dominante;  savoir, 
comme  accord  fondamental  de  sixte-ajoutée ,  ou 
comme  accord  de  grande-sixte ,  renversé  d'un  accord 
fondamental  de  septième.  En  effet,  ces  deux  accords 
portent  exactement  les  mêmes  notes ,  se  chiffrent  de 
même,  s'emploient  sur  les  mêmes  cordes  du  ton;  de 
sorte  que  souvent  on  ne  peut  discerner  celui  que 
Tauteur  a  voulu  employer  qu'à  1  aide  de  Faccord  sui- 
vant qui  le  sauve,  et  qui  est  différent  dans  Tun  et  dans 
Tautre  cas. 

Pour  faire  ce  discernement,  on  considère  le  pro- 
grès diatonique  des  deux  notes  qui  font  la  quinte  et 
la  sixte,  et  qui,  formant  entre  elles  un  intervalle  de 
seconde,  sont  l'une  ou  l'autre  la  dissonance  de  l'ac- 
cord. Or  ce  progrès  est  déterminé  par  le  mouvement 
de  la  basse.  Si  donc  de  ces  deux  notes  la  supérieure 
est  dissonante,  elle  montera  d'un  degré  dans  l'accord 
suivant;  l'inférieure  restera  en  place,  et  l'accord  sera 
une  sixte-ajoutée.  Si  c'est  Fiiiférieure  qui  est  disso- 
nante, elle  descendra  dans  l'accord  suivant;  la  supé- 
rieure restera  en  place ,  et  l'accord  sera  celui  de  grande- 
sixte.  Voyez  les  deux  cas  du  double-emploi ^  Planche 
D,  figure  12. 

A  l'égard  du  compositeur,  Fusage  qu'il  peut  faire 
du  double-emploi  est  de  considérer  Faccord  qui  le 
comporte  sous  une  face  pour  y  entrer,  et  sous  Fautre 

^1- 


2Go  hov 

pouî-  en  sortir  ;  de  sorte  qu'y  étant  arrivé  comme  à  un 
accord  de  sixte-ajoutée,  il  le  sauve  comme  un  accord 
de  grande-sixte,  et  réciproquement. 

M.  d'Alembert  a  fait  voir  qu  uu  des  principaux 
usages  du  double-emploi  est  de  pouvoir  porter  la  suc- 
cession diatonique  de  la  gamme  jusqu'à  l'octave  sans 
changer  de  mode  ,  du  moins  en  montant  ;  car  en  des- 
cendant on  en  change.  On  trouvera  {PL  D^fig.  ï3) 
l'exemple  de  cette  gamme  et  de  sa  basse-fondamen- 
tale. Il  est  évident,  selon  le  système  de  M.  Rameau, 
que  toute  la  succession  harmonique  qui  en  résulte  est 
dans  le  même  ton;  car  on  n'y  emploie  à  la  rigueur 
que  les  trois  accords,  de  la  tonique,  de  la  dominante, 
et  de  la  sous-dominante  :  ce  dernier  donnant  par  le 
double-emploi  celui  de  septième  de  la  seconde  note , 
qui  s'emploie  sur  la  sixième. 

A  l'égard  de  ce  qu'ajoute  M.  d^Alembert  dans  ses 
Eléments  de  musique^  P^ge  80,  et  qu'il  répète  dans 
l'Encyclopédie  y  article  Double-emploi  ;  savoir  que  l'ac- 
cord de  Septième  refa  la  ut,  quand  même  on  le  regar- 
deroit  <3omme  renversé  de  fa  la  ut  ?e,  ne  peut  être 
suivi  de  l'accord  ut  mi  sol  ut,  je  ne  puis  être  de  son 
avis  sur  ce  point. 

La  preuve  qu'il  en  donne  est  que  la  dissonance  ut 
du  premier  accord  iie  peut  être  sauvée  dans  le  se- 
cond; et  cela  est  vrai,  puisqu'elle  reste  en  place  :  mais 
dans  cet  accord  de  septième  i^efa  la  ut  renversé  de  cet 
accord yà  la  ut  re  de  sixte-ajoutée,  ce  n'est  point  ut, 
mais  re  qui  est  la  dissonance;  laquelle  par  conséquent 
doit  être  sauvée  en  montant  sur  mi,  comme  elle  fait 
î  éeilement  dans  l'accord  suivant;  tellement  que  cette 


DOU  2C)[ 

marche  est  forcée  dans  la  basse  même,  qui  de  re  ne 
pourroit  sans  faute  retourner  à  ut,  mais  doit  monter 
à  m/ pour  sauver  la  dissonance. 

M.  d'Alembert  fait  voir  ensuite  que  cet  accord  rejù 
In  ut,  précédé  et  suivi  de  celui  de  la  tonique,  ne  peut 
s'autoriser  par  le  double-emploi  ;  et  cela  est  encore 
très  vrai,  puisque  cet  accord,  quoique  chiffré  d'un  7 , 
n'est  traité  comme  accord  de  septième  ni  quand  on  y 
entre  ni  quand  on  en  sort,  ou  du  moins  qu'il  n'est 
point  nécessaire  de  le  traiter  comme  tel,  mais  simple- 
ment comme  un  renversement  de  la  sixte-ajoutée, 
dont  la  dissonance  est  à  la  basse  :  sur  quoi  Ton  ne  doit 
pas  oublier  que  cette  dissonance  ne  se  prépare  jamais. 
Ainsi,  quoique  dans  un  tel  passage  il  ne  soit  pas  ques- 
tion du  double-emploi ,  que  l'accord  de  septième  n'y 
soit  qu'apparent  et  impossible  à  sauver  dans  les  régies , 
cela  n'empêche  pas  que  le  passage  ne  soit  bon  et  ré- 
gulier, comme  je  viens  de  le  prouver  aux  théoriciens, 
et  comme  je  vais  le  prouver  aux  artistes  par  un 
exemple  de  ce  passage,  qui  sûrement  ne  sera  con- 
damné d'aucun  d'eux,  ni  justifié  par  aucune  autre 
basse-fondamentale  que  la  mienne.  (Voyez  Planche 
D,  figure  14.) 

J'avoue  que  ce  renversement  de  l'accord  de  sixte- 
ajoutée  ,  qui  transporte  la  dissonance  à  la  basse ,  a  été 
blâmé  par  M.  Rameau  ;  cet  auteur,  prenant  pour  fon- 
damental l'accord  de  septième  qui  en  résulte ,  a  mieux 
aimé  faire  descendre  diatoniquement  la  basse-fonda- 
mentale, et  sauver  une  septième  par  une  autre  sep- 
tième, que  d'expliquer  cette  septième  par  un  renver- 
sement. J'avois relevé  cette  erreuret  beaucoup  d  autres 


262  DOlî 

dans  des  papiers  qui  depuis  long-temps  avoient  passé 
dans  les  mains  de  M.  d'Alembert,  quand  il  fit  ses 
Eléments  de  Musique;  de  sorte  que  ce  n'est  pas  soA  sen- 
timent que  j'attaque ,  c'est  le  mien  que  je  défends. 

Au  reste ,  on  lïe  sauroit  user  avec  trop  de  réserve  du 
double-emploi  ;  et  les  plus  grands  maîtres  sont  les  plus 
sobres  à  s'en  servir. 

Double-fugue,  s.f.  On  ïdàt  une  double-fugue ,  lors- 
qu'à la  suite  d'une  fugue  déjà  annoncée  on  annonce 
tine  autre  fugue  d'un  dessein  tout  différent,  et  il  faut 
que  cette  seconde  fugue  ait  sa  réponse  et  ses  rentrées 
ainsi  que  la  première  ,  ce  qui  ne  peut  guère  se  prati- 
quer qu'à  quatre  parties.  (Voyez  Fugue.)  On  peut  avec 
plus  de  parties  faire  entendre  à-la-fois  un  plus  grand 
nombre  encore  de  difféientes  fugues  ;  mais  la  confu- 
sion est  toujours  à  craindre,  et  c'est  alors  le  chef- 
d'œuvre  de  l'art  de  les  bien  traiter.  Pour  cela  il  faut , 
dit  M.  Rameau ,  observer  autant  qu'il  est  possible  de 
ne  les  faire  entrer  que  l'une  après  l'autre  ;  surtout  la 
première  fois ,  que  leur  progression  soit  renversée , 
•  qu'elles  soient  caractérisées  différemment,  et  que,  si 
elles  ne  peuvent  être  entendues  ensemble,  au  moins 
'  une  portion  de  l'une  s'entende  avec  une  portion  de 
l'autre.  Maïs  ces  exercices  pénibles  sont  plus  faits  pour 
les  écohers  que  pour  les  maîtres  :  ce  sont  les  semelles 
de  plomb  qu'on  attache  aux  pieds  des  jeunes  coureurs , 
pour  les  faire  courir  plus  légèrement  quand  ils  en  sont 
délivrés. 

Double-octave,  s.  f.  Intervalle  composé  de  deux 
octaves,  qu'on  appelle  autrement  quinzième,  et  que 
les  Grecs  appeloienî  disdiapason. 


Dou  263 

ha  double-oc  lave  est  en  raison  doublée  de  i  octave 
«impie,  et  c'est  le  seul  intervalle  qui  ne  change  pas 
de  nom  en  se  composant  avec  lui-même. 

Double-triple.  Ancien  nom  de  la  triple  de  blanches 
ou  de  la  mesure  à  trois  pour  deux ,  laquelle  se  bat  à 
trois  temps  ,  et  contient  une  blanche  pour  chaque 
temps.  Cette  mesure  n'est  plus  en  usage  qu'en  France, 
où  même  elle  commence  à  s'abolir. 

Doux ,  adj.  pris  adverbialement.  Ce  mot  en  musique 
est  opposé  h  fort ,  et  s'écrit  au-dessus  des  portées  pour 
la  musique  Françoise  ,  et  au-dessous  pour  Fitalienne  , 
dans  les  endroits  où  Ton  veut  faire  diminuer  le  bruit , 
tempérer  et  radoucir  J'éclat  et  la  véhémence  du  son  , 
comme  dans  les  échos  et  dans  les  parties  d'accompa- 
gnement. Les  Italiens  écrivent  dolce ,  et  plus  commu- 
nément/:'/<3'no  dans  le  même  sens  ;  mais  leurs  puristes 
en  musique  soutiennent  que  ces  deux  mots  ne  sont 
pas  synonymes ,  et  que  c'est  par  abus  que  plusieurs 
auteurs  les  emploient  comme  tels.  Ils  disent  que  piano 
signifie  simplement  une  modération  de  son,  une  di- 
minution de  bruit  ;  mais  que  dolce  indique ,  outre  cela , 
une  manière  de  jouer  ^?m  soave ,  plus  douce,  plus  liée, 
et  répondant  à  peu  près  au  mot  lourd  des  François. 

Le  doux  a"  trois  nuances  qu'il  faut  bien  distinguer  ; 
ssi\oir ,  le  de7ni-jeu,  le  doux  ^  et  le  très  doux.  Quelque 
voisines  que  paroissent  être  ces  trois  nuances  ,  un  or- 
chestre entendu  les  rend  très  sensibles  ettrès  distinctes. 

Douzième,  s.f.  Intervalle  composé  de  onze  degrés 
conjoints ,  c'est-à-dire  de  douze  sons  diatoniques  en 
comptant  les  deux  extrêmes  :  c'est  l'octave  de  la  quinte 
(  Yovez Quinte.) 


204  -DUO 

Toute  corde  sonore  rend  avec  le  son  principale  ce- 
lui de  la  douzième^  plutôt  que  celui  de  la  quinte,  parce- 
que  cette  douzième  est  produite  par  une  aliquote  de  la 
corde  entière  qui  est  le  tiers;  au  lieu  que  les  deux 
tiers  ,  qui  donneroient  la  quinte ,  ne  sont  pas  une  ali- 
quote de  cette  même  corde. 

Dramatique  ,  adj.  Cette  épithéte  se  donne  à  la  mu- 
sique imitative ,  propre  aux  pièces  de  théâtre  qui  se 
chantent,  comme  les  opéra.  On  l'appelle  aussi  musi- 
que lyrique.  (  Voyez  Imitatiois.  ) 

Duo,  5.  m.  Ce  nom  se  donne  en  général  à  toute 
musique  à  deux  parties  ;  mais  on  en  restreint  aujour- 
d'hui le  sens  à  deux  parties  récitantes,  vocales  ou  in- 
strumentales ,  à  Texclusion  des  simples  accompagne- 
ments qui  ne  sont  comptés  pour  rien.  Ainsi  Ton  ap- 
pelle cfwo  une  musique  à  deux  voix,  quoiqu'il  y  ait 
une  troisième  partie  pour  la  basse-continue ,  et  d'au- 
tres pour  la  symphonie.  En  un  mot,  pour  constituer 
un  duo  il  faut  deux  parties  principales ,  entre  lesquelles 
le  chant  soit  également  distribué. 

Les  régies  du  duo ,  et  en  général  de  la  musique  à 
deux  parties ,  sont  les  plus  rigoureuses  pour  l'har- 
monie :  on  y  défend  plusieurs  passages,  plusieurs 
mouvements  qui  seroient  permis  à  un  plus  grand 
nombre  de  parties  ;  car  tel  passage  ou  tel  accord,  qui 
piait  à  la  faveur  d'un  troisième  ou  d'un  quatrième 
son,  san^  eux  choqueroit  l'oreille.  D'ailleurs  on  ne 
seroit  pas  pardonnable  de  mal  choisir,  n'ayant  que 
deux  sons  à  prendre  dans  chaque  accord.  Ces  régies 
éloient  encore  bien  plus  sévères  autrefois  ;  mais  on 


DUO  2G5 

s'est  relâché  sur  tout  cela  dans  ces  derniers  temps  où 
tout  le  inonde  s'est  mis  à  composer. 

On  peut  envisaj^er  le  duo  sous  deux  aspects;  savoir, 
simplement  comme  un  chant  à  deux  parties ,  tel ,  par 
exemple,  que  le  premier  verset  du  Stahat  de  Pergo- 
lèse,  duo\Q  plus  parfait  et  le  plus  touchant  qui  soit 
sorti  de  la  plume  d'aucun  musicien  ;  ou  comme  partie 
de  la  musique  imitative  et  théâtrale,  tels  que  sont 
les  duo  des  scènes  d'opéra.  Dans  Fun  et  dans  l'autre 
cas ,  le  duo  est  de  toutes  les  sortes  de  musique  celle 
qui  demande  le  plus  de  goût,  de  choix,  et  la  plus 
difficile  à  traiter  sans  sortir  de  l'unité  de  mélodie. 
On  me  permettra  de  faire  ici  quelques  observations 
sur  le  duo  dramatique,  dont  les  difficultés  particu- 
lières se  joignent  à  celles  qui  sont  communes  à  tous 
les  duo. 

L'auteur  de  la  Lettre  sur  l'opéra  d'Omphale  a  sen- 
sément remarqué  que  les  duo  sont  hors  de  la  nature 
dans  la  musique  imitative  ;  car  rien  n'est  moips  na- 
turel que  de  voir  deux  personnes  se  parler  à-la-fois  du- 
rant un  certain  temps,  soit  pour  dire  la  même  chose, 
soit  pour  se  contredire ,  sans  jamais  s'écouter  ni  se 
répondre;,  et  quand  cette  supposition  pourroit  s'ad- 
mettre en  certains  cas ,  cène  seroit  pas  du  moins  dans 
la  tragédie ,  où  cette  indécence  n'est  convenable  ni  à 
la  dignité  des  personnages  qu'on  y  fait  parler ,  ni  à 
l'éducation  qu'on  leur  suppose.  Il  n'y  a  donc  que  les 
transports  d'une  passion  violente  qui  puissent  porter 
deux  interlocuteurs  héroïques  à  s'interrompre  l'un 
l'autre,  à  parler  tous  deux  à-la-fois;  et  même,  en  pa- 
reil cas ,  il  est  très  ridicule  que  ces  discours  simul- 


.766  DUO 

tanés  soient  prolongés  de  manière  à  faire  une  suite 
chacun  de  leur  côté. 

Le  premier  moyen  de  sauver  cette  absurdité  est 
donc  de  ne  placer  les  duo  que  dans  des  situations  vives 
et  touchantes,  où  Fagitation  des  interlocuteurs  les 
jette  dans  une  sorte  de  délire  capable  de  faire  oublier 
aux  spectateurs  et  à  eux-mêmes  ces  bienséances  théâ- 
trales ,  qui  renforcentlUlusion  dans  les  scènes  froides, 
et  la  détruisent  dans  la  chaleur  des  passions.  Le  se- 
cond moyen  est  de  traiter  le  plus  qu'il  est  possible  le 
duo  en  dialogue.  Ce  dialogue  ne  doit  pas  être  phrasé , 
et  divisé  en  grandes  périodes  comme  celui  du  réci- 
tatif, mais  formé  d'interrogations,  de  réponses,  d'ex- 
clamations vives  et  courtes ,  qui  donnent  occasion  à 
la  mélodie  de  passer  alternativement  et  rapidement 
d'une  partie  à  l'autre ,  sans  cesser  de  former  une  suite 
quô  l'oreille  puisse  saisir.  Une  troisième  attention  est 
de  ne  pas  prendre  indifféremment  pour  sujets  toutes 
les  passions  violentes  ,  mais  seulement  celles  qui  sont 
susceptibles  delà  mélodie  douce  et  un  peu  contrastée, 
convenable  au  duo,  pour  en  rendre  le  chant  accentué 
et  l'harmonie  agréable.  La  fureur,  l'emportement, 
marchent  trop  vite  ;  on  ne  distingue  rien ,  on  n'entend 
qu'un  aboiement  confus ,  et  le  duo  ne  fait  point  d'effet. 
D'ailleuis  ce  retour  perpétuel  d'iiijures,  d'insultes, 
conviendroit  mieux  à  deB  bouviers  qu'à  des  héros,  et 
cela  ressemble  tout-à-fait  aux  fanfaronnades  de  gens 
qui  veulent  se  fiiire  plus  de  peur  que  de  mal.  Bien 
moins  encore  faut-il  employer  ces  propos  doucereux 
d'appas,  de  chaînes,  àe  flammes ,  jargon  plat  et  froid 
que  la  passion  no  connut  jamais,  et  dont  la  bonne 


DUO  267 

musique  n'a  pas  plus  besoin  que  la  bonne  poésie. 
Ij'inslant  d'une  séparation,  celui  où  l'un  des  deux 
amants  va  à  la  mort  ou  dans  les  bras  d'un  autre ,  le 
retour  sincère  d'un  infidèle,  le  touchant  combat  d'une 
mère  et  d'un  fils  voulant  mourir  l'un  pour  l'autre; 
tous  ces  moments  d'affliction  où  Fon'ne  laisse  pas  de 
verser  des  larmes  délicieuses  :  voilà  les  vrais  sujets 
qu'il  faut  traiter  en  duo  avec  cette  simplicité  de  pa- 
roles qui  convient  au  langage  du  cœur.  Tous  ceux  qui 
ont  fréquenté  les  théâtres  lyriques  savent  combien 
ce  seul  mot  addio  peut  exciter  d'attendrissement  et 
d'émotion  dans  tout  un  spectacle.  Mais  sitôt  qu'un 
trait  d'esprit  ou  un  tour  phrasé  se  laisse  apercevoir, 
à  l'instant  le  charme  est  détruit ,  et  il  faut  s'ennuyer 
ou  rire. 

Voilà  quelques  unes  des  observations  qui  regardent 
le  poète.  A  l'égard  du  musicien,  c'est  à  lui  de  trouver 
un  chant  convenable  au  sujet,  et  distribué  de  telle 
sorte  que,  chacun  des  interlocuteurs  parlant  à  son 
tour ,  toute  la  suite  du  dialogue  ne  forme  qu'une  mé- 
lodie, qui ,  sans  changer  de  sujet,  ou  du  moins  sans 
altérer  le  mouvement ,  passe  dans  son  progrès  d'une 
partie  à  l'autre,  sans  cesser  d'être  une  et  sans  en- 
jamber. Les  <iwo  qui  font  le  plus  d'effet  sont  ceux  des 
voix  égales ,  parceque  fliarmonie  en  est  plus  rappio- 
chée  ;  et  entre  les  voix  égales  celles  qui  font  le  plus 
d'effet  sont  les  dessus,  parceque  leur  diapason  plus 
aigu  se  rend  plus  distinct,  et  que  le  son  en  est  plus 
touchant.  Aussi  les  duo  de  cette  espèce  sont-ils  les 
seuls  employés  par  les  Italiens  dans  leurs  tragédi-es  : 
et  je  ne  doute  pas  que  l'usage  des  castrati  dans  les 


2G8  •  DUO 

rôles  d'hommes  ne  soit  dû  en  partie  à  cette  observa- 
tion. Mais  quoiqu'il  doive  y  avoir  égalité  entre  les 
voix ,  et  unité  dans  la  mélodie ,  ce  n'est  pas  à  dire  que 
les  deux  parties  doivent  être  exactement  semblables 
dans  leur  tour  de  chant;  car,  outre  la  diversité  des 
styles  qui  leur  convient,  il  est  très  rare  que  la  situation 
des  deux  acteurs  soit  si  parfaitement  la  même  qu'ils 
doivent  exprimer  leurs  sentiments  de  la  même  ma- 
nière :  ainsi  le  musicien  doit  varier  leur  accent,  et 
donner  à  chacun  des  deux  le  caractère  qui  peint  le 
mieux  l'état  de  son  ame,  surtout  dans  le  récit  alter- 
natif. 

Quand  on  joint  ensemble  les  deux  parties  (  ce  qui 
doit  se  faire  rarement  et  durer  peu  ),  il  faut  trouver 
un  chant  susceptible  d'une  marche  par  tierces  ou  par 
sixtes,  dans  lequel  la  seconde  partie  fasse  son  effet 
sans  distraire  de  la  première.  (Voyez  Unité  de  mé- 
lodie.) Il  faut  garder  la  dureté  des  dissonances,  les 
sons  perçants  et  renforcés ,  \e fortissimo  de  l'orchestre 
pour  des  instants  de  désordre  et  de  transports  où  les 
acteurs,  semblant  s'oublier  eux-mêmes,  portent  leur 
égarement  dans  l'ame  de  tout  spectateur  sensible,  et 
lui  font  éprouver  le  pouvoir  de  l'harmonie  sobrement 
ménagée  :  mais  ces  instants  doivent  être  rares,  courts , 
et  amenés  avec  art.  Il  faut,  par  une  musique  douce  et 
affectueuse,  avoir  déjà  disposé  l'oreille  et  le  cœur  à 
l'émotion,  pour  que  l'une  et  l'autre  se  prêtent  à  ces 
ébranlements  violents ,  et  il  faut  qu'ils  passent  avec  la 
rapidité  qui  convient  à  notre  Toiblesse  :  car  quand 
l'agitation  est  trop  forte ,  elle  ne  peut  durer,  et  tout  ce 
qui  est  au-delà  de  la  nature  ne  touche  plus. 


DUO  269 

Comme  je  ne  me  flatte  pas  d  avoir  pu  me  faire  en- 
tendre partout  assez  clairement  dans  cet  article,  je 
crois  devoir  y  joindre  un  exemple  sur  lequel  le  lecteur 
comparant  mes  idées  pourra  les  concevoir  plus  aisé- 
ment :  il  est  tiré  de  lOlympiade  de  M.  Metastasio  :  les 
curieux  feront  bien  de  chercher  dans  la  musique  du 
mêuie  opéra,  par  Pergolèse,  comment  ce  premier  mu- 
sicien de  son  temps  et  du  nôtre  a  traité  ce  duo  dont 
voici  le  sujet. 

Mégaclès  s'etant  engagé  à  combattre  pour  son  ami 
dans  des  jeux  où  le  prix  du  vainqueur  doit  être  la  belle 
Aristée,  retrouve  dans  cette  même  Aristée  la  maî- 
tresse qu'il  adore.  Charmée  du  combat  qu'il  va  sou- 
tenir Qt  qu'elle  attribue  à  son  amour  pour  elle,  Aristée 
lui  dit  à  ce  sujet  les  choses  les  plus  tendres ,  auxquelles 
il  répond  non  moins  tendrement,  mais  avec  le  déses- 
poir secret  de  ne  pouvoir  retirer  sa  parole,  ni  se  dis- 
penser de  faire,  aux  dépens  de  tout  son  bonheur, 
celui  d'un  ami  auquel  il  doit  la  vie.  Aristée,  alarmée 
de  la  douleur  qu'elle  lit  dans  ses  yeux ,  et  que  confir- 
ment ses  discours  équivoques  et  interrompus ,  lui  té- 
moigne son  inquiétude;  et  Mégaclès,  ne  pouvant  plus 
supporter  à-la-fois  son  désespoir  et  le  trouble  de  sa 
maîtresse,  part  sans  s'expliquer,  et  la  laisse  en  proie 
aux  plus  vives  craintes.  C'est  dans  cette  situation 
qu'ils  chantent  le  duo  suivant  : 

MÉGACLÈS.    ■ 

Mia  vita addio. 

]Jj[e'  giorni  tuoi  felici. 
Ricordati  di  me. 


270  DUO 

ARISTÉE. 

Perché  cosi  mi  dici , 
Anima  mia,  peiçhè  ? 

M  EGA  CLÉS. 

Taci,  beir  idol  mio. 

ARISTÉE. 

Parla  ,  mio  doloe  amor 

ENSEMBLE. 

iMÉGACLÈs.  Ah  !  che 
AiîiSTÉE.       Ah  !  che 


parîando,    )     ,   ^. 
^  '    }  oh  Dio  ! 

tacenclo,      j 


Tu  mi  traffigi  il  cor  !  • 

ARISTÉE ,  à  part. 

Veggio  languir  chi  adoro  , 
Ne  intendo  il  suo  languir! 

MÉGACLÈS,  à  part. 

Di  gelosia  mi  moro, 
E  non  lo  posso  dir  ! 

ENSEMBLE. 

Chi  mai  provo  di  questo 
Affanno  più  fûnesto , 
Più  barbaro  dolor  ? 

Bien  que  tout  ce  dialogue  semble  n'être  qu'une  suite 
de  la  scène,  ce  qui  le  rassemble  en  un  seul  duo,  c'est 
Tunité  de  dessein  par  laquelle  le  musicien  en  réunit 
toutes  les  parties,  selon  l'intention  du  poète. 

A  l'égard  des  duo  bouffons  qu'on  emploie  dans  les 
intermèdes  et  autres  opéra-comiques,  ils  ne  sont  pas 
communément  à  voix  égales,  mais  entre  basse  et 
dessus.  S'ils  n'ont  pas  le  pathétique  des  duo  tragi- 
ques, en  revanche  ils  sont  susceptibles  d'une  variété 
plus  piquante ,  d'accents  plus  différents  et  de  carac- 
tères plus  marqués.  Toute  la  gentillesse  de  la  coquet- 


DUR  271 

terie ,  toute  la  charge  des  rôles  à  manteaux ,  tout  le 
contraste  des  sottises  de  notre  sexe  et  dç  la  ruse  de 
Taiitre,  enfin  toutes  les  idées  accessoires  dont  le 
sujet  est  susceptible  ;  ces  choses  peuvent  concourir 
toutes  à  jeter  de  ragrément  et  de  l'intérêt  dans  ces 
duo,  dont  les  régies  sont  d'ailleurs  les  mêmes  que  des 
précédents  en  ce  qui  regarde  le  dialogue  et  Funité  de 
mélodie.  Pour  trouver  un  duo  comique  parfait  à  mon 
gré  dans  toutes  ses  parties,  je  ne  quitterai  point  Fau- 
teur immortel  qui  ma  fourni  les  deux  autres  exem- 
ples j  mais  je  citerai  le  premier  duo  de  la  Serva  Pa- 
drona;  Lo  conosco  a  quegf  occhietti,  etc. ,  et  je  le  citerai 
hardiment  comme  un  modèle  de  chant  apréable , 
d'unité  de  mélodie,  dliarmonie  simple,  brillante  et 
pure,  d'accent,  de  dialogue  et  de  goût,  auquel  rien 
ne  peut  manquer,  quand  il  sera  bien  rendu  ,  que  des 
auditeurs  qui  sachent  l'entendre  et  l'estimer  ce  qu'il 
vaut. 

Duplication,  s.f.  Terme  de  plain-chant.  L'intona- 
tion par  duplication  se  fait  par  une  sorte  de  périélèse, 
en  doublant  la  pénultième  note  du  mot  qui  termine 
l'intonation  :  ce  qui  n'a  lieu  que  lorsque  cette  pénul- 
tième note  est  mimédiatement  au-dessous  de  la  der- 
nière. Alors  la  duplication  sert  à  la  marquer  davantage  ^ 
en  manière  de  note  sensible. 

Dur  ,  adj.  On  appelle  ainsi  tout  ce  qui  blesse  Foreille 
par  son  âpreté.  Il  y  a  des  voix  dures  et  glapissantes^, 
des  instruments  aigres  et  durs,  des  compositions  dures. 
La  dureté  du  bécarre  lui  fît  donner  autrefois  le  nom 
de  B  dur.  Il  y  a  des  intervalles  durs  dans  la  mélodie  ; 
tel  est  le  progrès  diatonique  des  trois  tons,  soit  en 


272  ÉCH 

montant,  soit  en  descendant,  et  telles  sont  en  g^énéral 
toutes  les  fausses  relations.  Il  y  a  dans  Fhai  nionie  des 
accords  cha^s ;  tels  que  sont  le  triton,  la  quinte  su- 
perflue, et  en  général  toutes  les  dissonances  majeures. 
La  dureté  prodiguée  révolte  l'oreille  et  rend  une  mu- 
sique désagréable;  mais,  ménagée  avec  art,  elle  sert 
au  clair-obscur,  et  ajoute  à  l'expression, 

E,         .  -  ■ 

E  si  mi,  E  la  mi,  ou  simplement  E.  Troisième  son 
delà  gamme  de  FArétin,  que  Ton  appelle  autrement 
mi.  (  Voyez  Gamme.  ) 

EcBOLÉ,  ou  élévation.  G'étoit ,  dans  les  plus  an- 
ciennes musiques  grecques,  une  altération  du  genre 
enharmonique,  lorsqu'une  corde  étoit  accidentelle- 
ment élevée  de  cinq  dièses  au-dessus  de  son  accord 
ordinaire. 

Échelle,  s.  f.  C'est  le  nom  qu'on  a  donné  à  la  suc- 
cession diatonique  des  sept  notes,  utre  mi  fa  sol  la  si 
delà  gamme  notée,  parceque  ces  notes  se  trouvent 
rangées  en  manière  d'échelons  sur  les  portées  de  notre 
musique. 

Cette  énumération  de  tous  les  sons  diatoniques  de 
notre  système,  rangés  par  ordre,  que  nous  appelons 
échelle,  les  Grecs,  dans  le  leur,  l'appeloient  tétracorde, 
parcequ'en  effet  leur  échelle  n  étoit  composée  que  de 
quatre  sons  qu'ils  répétoient  de  tétracorde  en  tétra- 
corde ,  comme  nous  faisons  d'octave  en  octave.  (  Voyez 
Tétracorde.  ) 

Saint  Grégoire  fut,  dit-on,  le  premier  qui  changea 
les  tétracordes  des  anciens  en  uneptacorde  ou  système 


ÉCIÏ  273 

de  sept  notes,  au  bout  desquelles  commençant  une 
autre  octave,  on  trouve  des  sons  semblables  répétés 
dans  le  même  ordre.  Cette  découverte  est  très  belle; 
et  il  semblera  singulier  que  les  Grecs,  qui  voyoient 
fort  bien  les  propriétés  de  Toctave,  aient  cru,  malgré 
cela,  devoir  rester  attachés  à  leurs  tétraconles.  Gré- 
goire exprima  ces  sept  notes  avec  les  sept  premières 
lettres  de  Talphabet  latin.  Gui  Arétin  donna  des  noms 
aux  six  premières;  mais  il  négligea  d'en  donner  un  à 
la  septième,  qu'en  France  on  a  depuis  appelée  si,  et 
qui  n'a  point  encore  d'autre  nom  que  B  mi  chez  la 
plupart  des  peuples  de  l'Europe. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  les  rapports  des  tons  et 
semi-tons  dont  \ échelle  est  composée  soient  des  choses 
purement  arbitraires,  et  qu'on  eût  pu  par  d'autres 
divisions  tout  aussi  bonnes  donner  aux  sons  de  cette 
échelle  un  ordre  et  des  rapports   différents.    Notre 
système  diatonique  est  le  meilleur  à  certains  égards , 
parcequ'il  est  engendré  par  les  consonnances  et  par 
les  différences  qui  sont  entre  elles.   «  Que  l'on  ait  en- 
«  tendu  plusieurs  fois,  dit  M.  Sauveur,  l'accord  de  la 
«  quinte  et  celui  de  la  quarte,  on  est  porté  naturelle- 
«  ment  à  imaginer  la  différence  qui  est  entre  eux;  elle 
«  s'unit  et  se  lie  avec  eux  dans  notre  esprit,  et  parti- 
«  cipe  à  leur  agrément:  voilà  le  ton  majeur.  Il  en  va 
«  de  même  du  ton  mineur,  qui  est  la  différence  de  la 
ft  tierce  mineure  à  la  quarte;  et  du  semi-ton  majeur, 
«<  qui  est  celle  de  la  même  quarte  à  la  tierce  majeure.  » 
Or,  le  ton  majeur,  le  ton  mineur,  et  le  semi-ton  ma- 
jeur; voilà  les  degrés  diatoniques  dont  noire  échelle 
est  composée  selon  les  rapports  suivants. 
XIV.  18 


,274  ÉCH 

sZ  M  b  ^  î^ 

3  ^  Cl    .  ^  =*  Se 

s        s     -s-h      s        s        s      -i-i, 

H  H  H  H  H 

ut  re  mi  yà  50/  /a  si  ut. 

Pour  faire  la  preuve  de  ce  calcul ,  il  faut  composer 
tous  les  rapports  compris  entre  deux  termes  conson- 
nants ,  et  1  on  trouvera  que  leur  produit  donne  exac- 
tement le  rapport  de  la  consonnance  ;  et  si  Ton  réunit 
tous  les  termes  de  Yéchelle,  on  trouvera  le  rapport 
total  en  raison  sous-double,  c'est-à-dire  comme  i  est 
à  2  ;  ce  qui  est  en  effet  le  rapport  exact  des  deux  termes 
extrêmes ,  c'est-à-dire  de  Yut  à  son  octave. 

Uéchelle  qu'on  vient  de  voir  est  celle  qu'on  nomme 
naturelle  ou  diatonique  ;  mais  les  modernes,  divisant 
ses  degrés  en  d'autres  intervalles  plus  petits,  en  ont 
tiré  une  autre  échelle ,  qu'ils  ont  appelée  échelle  semi- 
tonique  ou  chromatique,  parcequ'elle  procède  par 
semi-tons. 

Pour  former  cette  échelle  on  n'a  fait  que  partager 
en  deux  intervalles  égaux,  ou  supposés  tels,  chacun 
des  cinq  tons  entiers  de  l'octave,  sans  distinguer  le 
ton  majeur  du  ton  mineur;  ce  qui,  avec  les  deux  semi- 
tons  majeurs  qui  s'y  trouvoient  déjà,  fait  une  succes- 
sion de  douze  semi-tons  sur  treize  sons  consécutifs 
d'une  octave  à  l'autre.  ^ 

L'usage  de  cette  échelle  est  de  donner  les  moyens  de 
moduler  sur  telle  note  qu'on  veut  choisir  pour  fonda- 
mentale, et  de  pouvoir,  non  seulement  faire  sur  cette 


ÉCH  275 

note  un  intervalle  quelconque,  mais  y  établir  une 
échelle  diatonique  semblable  à  Véchelle  diatonique  de 
\ut.  Tant  qu'on  s'est  contenté  d'avoir  pour  tonique 
une  note  de  la  gamme  prise  à  volonté,  sans  s'embar- 
rasser si  les  sons  par  lesquels  devoit  pa -ser  la  modu- 
lation étoient  avec  cette  note  et  entre  eux  dans  les 
rapports  convenables  ,  Véchelle  semi-tonique  étoit  peu 
nécessaire;  quelquey«  dièse,  quelque  5i  bémol,  com- 
posoient  ce  qu'on  appeloit  les  feintes  de  la  musique  : 
c'étoient  seulement  deux  touches  à  ajouter  au  clavier 
diatonique.  Mais ,  depuis  qu'on  a  cru  sentir  la  nécessité 
d'établir  entre  les  divers  tons  une  similitude  parfaite, 
il  a  fallu  trouver  des  moyens  de  transporter  les  mêmes 
chants  et  les  mêmes  intervalles  plus  haut  ou  plus  bas, 
selon  le  ton  que  l'on  choisissoit.  Il  échelle  chromatique 
est  donc  devenue  d'une  nécessité  indispensable;  et 
c'est  par  son  moyen  qu'on  porte  un  chant  sur  tel  degré 
du  clavier  que  l'on  veut  choisir,  et  qu'on  le  rend  exac- 
tement sur  cette  nouvelle  position,  tel  qu'il  peut  avoir 
été  imaginé  pour  un  autre. 

Ces  cinq  sons  ajoutés  ne  forment  pas  dans  la  musi- 
que de  nouveaux  degrés ,  mais  ils  se  marquent  tous*" sur 
le  degré  le  plus  voisin  par  un  bémol,  si  le  degré  est 
plus  haut;  par  une  dièse,  s'il  est  plus  bas  :  et  la  note 
prend  toujours  le  nom  du  degré  sur  lequel  elle  est 
placée.  (Voyez  Bémol  et  Dièse.  ) 

Pour  assigner  maintenant  les  rapports  de  ces  nou- 
veaux intervalles ,  il  faut  savoir  que  les  deux  parties , 
ou  semi-tons  qui  composent  le  ton  majeur,  sont  dans 
les  rapports  de  i5  à  16  et  de  128  à  i35,  et  que  les 
deux  qui  composent  aussi  le  ton  mineur  sont  dans  les 

18. 


2']6  ÉCIÎ 

rapports  de  i5  à  i6,  et  de  24  à  25  :  de  sorte  qu'eA 
divisant  toute  Toctave  selon  \ échelle  semi-tonique,  on 
en  a  tous  les  termes  dans  les  rapports  exprimés  dans 
la  Planche  Yi,  figure  i. 

Mais  il  faut  remarquer  que  cette  division ,  tirée  de 
M.  Malcolm,  paroît  à  bien  des  égards  manquer  de 
justesse.  Premièrement,  les  semi-tons,  qui  doivent 
être  mineurs,  y  sont  majeurs,  et  celui  du  sol  dièse  au 
/a,  qui  doit  être  majeur,  y  est  mineur.  En  second 
lieu,  plusieurs  tierces  majeures,  comme  celle  du  la  à 
\ut  dièse  et  du  mi  au  sol  dièse,  y  sont  trop  fortes  d'un 
comma;  ce  qui  doit  les  rendre  insupportables:  enfin 
le  semi-ton  moyen  y  étant  substitué  au  semi-ton 
maxime,  donne  des  intervalles  faux  partout  où  il  est 
employé.  Sur  quoi  Ton  ne  doit  pas  oublier  que  ce 
semi-ton  moyen  est  plus  grand  que  le  majeur  même, 
c'est-à-dire  moyen  entre  le  maxime  et  le  majeur. 
(Voyez  Semi-ton.) 

Une  division  meilleure  et  plus  naturelle  seroit  donc 
de  partager  le  ton  majeur  en  deux  semi-tons,  l'un  mi- 
neur de  24  à  25,  et  l'autre  maxime  de  25  à  27,  lais- 
santMe  ton  mineur  divisé  en  deux  semi-tons,  l'un 
majeur  et  l'autre  mineur,  comme  dans  la  table  ci- 
dessus. 

Il  y  a  encore  deux  autres  échelles  semi-toniques, 
qui  viennent  de  deux  autres  manières  de  diviser  l'oc- 
tave par  semi-tons. 

La  première  se  fait  en  prenant  une  moyenne  har- 
monique ou  arithmétique  entre  les  deux  termes  du 
ton  majeur,  et  une  autre  entre  ceux  du  ton  mineur, 
qui  divise  Tun  et  l'autre  ton  en  deux  semi-tons  près- 


ÉCH  277 

que  égaux  :  ainsi  le  ton  majeur  f  est  divisé  en  ~  et  ^ 
aiitlimétiquement,  les  nombres  représentant  les  lon- 
gueurs (les  cordes  ;  mais  quand  ils  représentent  les  vi- 
brations, les  longueurs  des  coidcs  sont  réciproques  et 
en  proportion  harmonique  comme  i  --y  |;  ce  qui  met  le 
plus  grand  semi-ton  au  grave. 

De  la  même  manière  le  ton  mineur  yz  se  divise 
arithmétiquement  en  deux  semi-tons  ~  et  77»  ou  réci- 
proquement I  TT  :ït  •  ïn<iis  cette  dernière  division 
n  est  pas  harmonique. 

Toute  Toctave  ainsi  calculée  donne  les  rapports 
exprimés  dans  la  Flanche  h, figure  1. 

M.  Salmon  rapporte,  dans  les  Transactions -philoso- 
phiqiies^  qu'il  a  fait  devant  la  Société  royale  une  expé- 
rience de  cette  échelle  sur  des  cordes  divisées  exacte- 
ment selon  ces  proportions ,  et  qu'elles  furent  parfaite- 
ment d'accord  avec  d'autres  instruments  touchés  par 
les  meilleures  mains.  M.  Malcolm  ajoute  qu'ayant  cal- 
culé et  comparé  ces  rapports ,  il  en  trouva  un  plus 
grand  nombre  de  faux  dans  cette  échelle  que  dans  la 
précédente;  mais  que  les  erreurs  étoient  considéra- 
blement moindres;  ce  qui  fait  compensation. 

Enfin  l'autre  échelle  semi-tonique  est  celle  des  aris- 
toxéniens,  dont  le  P.  Mersenne  a  traité  fort  au  long, 
et  que  M.  Rameau  a  tenté  de  renouveler  dans  ces  der- 
niers temps.  Elle  consiste  à  diviser  géométriquement 
l'octave  par  onze  moyennes  proportionnelles  en  douze 
semi-tons  parfaitement  égaux.  Comme  les  rapports 
n'en  sont  pas  rationnels,  je  ne  donnerai  point  ici  ces 
rapports,  qu'on  ne  peut  exprimer  que  par  la  formule 
même ,  ou  par  les  logarithme^  des  termes  de  la  pro- 


278  ÉCH 

gression  entre  les  extrêmes  i  et  2.  (Voyez  Tempé- 
rament.) 

Comme  au  genre  diatonique  et  au  chromatique  les 
harmonistes  en  ajoutent  un  troisième,  savoir  l'enhar- 
monique, ce  troisième  genre  doit  avoir  aussi  son 
échelle^  du  moins  par  supposition;  car,  quoique  les 
intervalles  vraiment  enharmoniques  n'existent  point 
dans  notre  clavier,  il  est  certain  que  tout  passage  en- 
harmonique les  suppose,  et  que  l'esprit,  corrigeant 
sur  ce  point  la  sensation  de  l'oreille,  ne  passe  alors 
d'une  idée  à  l'autre  qu'à  la  faveur  de  cet  intervalle 
sous-entendu.  Si  chaque  ton  étoit  exactement  com- 
posé de  deux  semi'tons  mineurs ,  tout  intervalle  enhar- 
monique seroit  nul,  et  ce  genre  n'existeroit  pas;  mais 
comme  un  ton  naineur  même  contient  plus  de  deux 
semi-tons  mineurs,  le  complément  de  la  somme  de 
ces  deux  semi-tons  au  ton  ,  c'est-à-dire  l'espace  qui 
reste  entre  le  dièse  de  la  note  inférieure  et  le  hémol 
de  la  supérieure,  est  précisément  l'intervalle  enhar- 
monique, appelé  communément  quart-de-ton.  Ce 
quart-de-ton  est  de  deux  espèces;  savoir,  l'enharmo- 
nique majeur  et  l'enharmonique  mineur,  dont  on 
trouvera  les  rapports  au  mot  Quart-de-ton. 

Cette  explication  doit  suffire  à  tout  lecteur,  pour 

concevoir  aisément  Yéchelle  enharmonique  que  j'ai 

calculée  et  insérée  dans  la  Planche  1j  ^fig.  3.  Ceux  qui 

chercheront  de  plus  grands  éclaircissements  sur  ce 

point  pourront  lire  le  mot  Enharmonique. 

Écho,  s.  m.  Son  renvoyé  ou  réfléchi  par  un  corps 
solide,  et  qui  par  là  se  répète  et  se  renouvelle  à  Fo- 
reille.  Ce  mot  vient  du  grec  ^x^ç  j  son. 


ÉCH  279 

On  appelle  aussi  écho  le  lieu  où  la  répétition  se  fait 
entendre. 

On  distin(5ue  les  échos  pris  en  ce  sens  en  deux  es- 
pèces ;  savoir  : 

1°  'L'écho  simple  qui  ne  répète  la  voix  qu'une  fois, 
et  2"  Vécho  double  ou  multiple  qui  répète  les  mêmes 
sons  deux  ou  plusieurs  fois. 

Dans  les  échos  simples,  il  y  en  a  de  toniques,  c'est- 
à-dire  qui  ne  répètent  que  le  son  musical  et  soutenu; 
et  d'autres  syllabiques,  qui  répètent  aussi  la  voix  par- 
lante. 

On  peut  tirer  parti  des  échos  multiples  pour  for- 
mer des  accords  et  de  l'harmonie  avec  une  seule  voix, 
en  faisant  entre  la  voix  et  Yécho  une  espèce  de  canon 
dont  la  mesure  doit  être  réglée  sur  le  temps  qui  s'é- 
coule entre  les  sons  prononcés  et  les  mêmes  sons  ré- 
pétés. Cette  manière  de  faire  un  concert  à  soi  tout  seul 
devroit,  si  le  chanteur  étoit  habile  et  Vécho  vigoureux, 
paroître  étonnante  et  presque  magique  aux  auditeurs 
non  prévenus. 

Le  nom  d'écho  se  transporte  en  musique  à  ces 
sortes  d'airs  ou  de  pièces  dans  lesquelles,  à  l'imitation 
de  Vécho ,  l'on  répète  de  temps  en  temps  et  fort  doux 
un  certain  nombre  de  notes.  C'est  sur  l'orgue  qu'on 
emploie  le  plus  communément  cettemanière  déjouer, 
à  cause  de  la  facilité  qu'on  a  de  faire  des  échos  sur  le 
positif;  on  peut  faire  aussi  des  échos  sur  le  clavecin  au 
moyen  du  petit  clavier. 

li'abbé  Brossard  dit  qu'on  se  sert  quelquefois  du 
mot  écho  en  la  place  de  celui  de  doux  ou  piano ^  pour 
marquer  qu'il  faut  adoucir  la  voix  ou  le  son  de  lin- 


28o  EFF 

strument,  comme  pour  faire  un  écho.  Cet  usage  ne 
subsiste  plus. 

Éghomètre  ,  s.  m.  Espèce  d'échelle  graduée ,  ou  de 
régie  divisée  en  plusieurs  parties ,  dont  on  se  sert  pour 
mesurer  la  durée  ou  longueur  des  sons ,  pour  déter- 
miner leurs  valeurs  diverses,  et  même  les  rapports  de 
leurs  intervalles. 

Ce  mot  vient  du  grec  ^^o? ,  son ,  et  de  p^s-rpov ,  mesure. 

Je  n'entreprendrai  pas  la  description  de  cette  ma- 
chine, parcequ'on  n'en  fera  jamais  aucun  usage,  et 
qu'il  n'y  a  de  bon  échomètre  qu'une  oreille  sensible  et 
une  longue  habitude  de  la  musique.  Ceux  qui  vou- 
dront en  savoir  là-dessus  davantage  peuvent  consul- 
ter le  Mémoire  de  M.  Sauveur,  inséré  dans  ceux  de 
l'académie  des  sciences,  année  1701  :  ils  y  trouve- 
ront deux  échelles  de  cette  espèce,  l'une  de  M.  Sau- 
veur, et  l'autrç  de  M.  Loulié.  (Voyez  aussi  l'article 
Chronomètre.) 

ÉcLYSE,  s.f.  Abaissement.  C'étoit,  dans  les  plus  an- 
ciennes musiques  grecques,  une  altération  dans  le 
genre  enharmonique,  lorsqu'une  corde  étoit  acciden- 
tellement abaissée  de  trois  dièses  au-dessous  de  son 
accord  ordinaire.  Ainsi  Yéclyse  étoit  le  contraire  du 
spondéasnie . 

EcMÈLE,  adj.  Les  sons  ecmèles  étoient,  chez  les 
Grecs ,  ceux  de  la  voix  inappréciable  ou  parlante,  qui 
ne  peut  fournir  de  mélodie,  par  opposition  aux  sons 
emmêles  ou  musicaux. 

Effet,  s.  m.  Impression  agréable  et  forte  que  pro- 
duit une  excellente  musique  sur  l'oreille  et  l'esprit  des 
écoutants  :  ainsi  le  seul  mot  effet  signifie  en  musique 


EGA  281 

un  grand  et  bel  effet:  et  non  seulement  on  (lira  d'un 
ouvrage  qu'il  lait  de  i'ejfit,  inais  on  y  distinguera  sous 
le  Dom  de  ciioses  d\;jj-el^  toutes  celles  où  la  sensation 
produite  paroît  supérieure  aux  moyens  employés  pour 
l'exciter. 

Une  longue  pratique  peut  apprendre  à  connoître 
sur  le  papier  les  choses  à' effet;  mais  il  n'y  a  que  le 
génie  qui  les  trouve.  C'est  le  défaut  des  mauvais  com- 
positeurs et  de  tons  les  commençants  d'entasser  par- 
ties sur  par des,  instruments  sur  instruments,  pour 
trouver  Veffet  qui  les  fuit,  et  d'ouvrir,  comme  disoit 
un  ancien,  une  grande  bouche  pour  souffler  dans 
une  petite  flûte.  Vous  diriez,  à  voir  leurs  parti- 
tions si  chargées,  si  hérissées,  qu'ils  vont  vous  sur- 
prendre par  des  effets  prodigieux  ;  et  si  vous  êtes 
surpris  en  écoutant  tout  cela ,  c'est  d'entendre  une 
petite  musique  maigre,  chétive,  confuse,  sans  effet^ 
et  plus  propre  à  étourdir  les  oreilles  qu'à  les  remplir. 
Au  contraire ,  l'œil  cherche  sur  les  partitions  des^ 
grands  maîtres  ces  effets  sublimes  et  ravissants  que 
produit  leur  musique  exécutée.  C'est  que  les  menus 
détails  sont  ignorés  ou  dédaignés  du  vrai  génie,  qu'il 
ne  vous  amuse  point  par  des  foules  d  objets  petits  et 
puérils,  mais  qu'il  vous  émeut  par  de  grands  effets^ 
et  que  la  force  et  la  simplicité  réunies  forment  toujours 
son  caractère. 

Égal,  adj.  Nom  donné  par  les  Grecs  au  système 
d'Aristoxène,  parceque  cet  auteur  divisoit  générale- 
ment chacun  de  ses  tétracordes  en  trente  parties  éga- 
les, dont  il  assignoit  ensuite  un  certain  nombre  à  cha- 
cune des  trois  divisions  du  tétracorde,  selon  le  genre 


.S-2  EN  H 


et  l'espèce  du  genre  qu'il  vouloit  établir.  (  Voyez 
Genre  ,  Système.  ) 

Élégie,  sorte  de  nome  pour  les  flûtes,  inventé, 
dit-on,  par  Sacadas,  Argien. 

Élévation,  s.f.  Arsis.  U élévation  de  la  main  ou  du 
pied,  en  battant  la  mesure,  sert  à  marquer  le  temps 
loible ,  et  s'appelle  proprement  levé:  c'étoitle  contraire 
chez  les  anciens.  V élévation  de  la  voix  en  chantant, 
c'est  le  mouvement  par  lequel  on  la  porte  à  l'aigu. 

Éline.  Nom  donné  par  les  Grecs  à  la  chanson  des 
tisserands.  (Voyez  Chanson.  ) 

Emmêle  ,  adj.  Les  sons  emmêles  étoient  chez  les 
Grecs  ceux  de  la  voix  distincte,  chantante  et  appré- 
ciable, qui  peuvent  donner  une  mélodie. 

Endematie,  5./.  C'étoit  l'air  d'une  sorte  de  danse 
particulière  aux  Argiens. 

Enharmonique  ,  adj.  pris  subst.  Un  des  trois  genres 
de  la  musique  des  Grecs ,  appelé  aussi  très  fréquem- 
ment harmonie  par  Aristoxène  et  ses  sectateurs. 

Ce  genre  résultoit  d'une  division  particulière  du 
létracorde,  selon  laquelle  l'intervalle  qui  se  trouve 
entre  le  liclianos  ou  la  troisième  corde,  et  la  mèse  ou 
la  quatrième,  étant  d'un  diton  ou  d'une  tierce  ma- 
jeure, il  ne  restoit ,  pour  achever  le  tétracorde  au  grave, 
qu'un  semi-ton  à  partager  en  deux  intervalles,  savoir, 
de  l'hypate  à  la  parhypate,  et  de  la  parhypate  au  li- 
chanos.  Nous  expliquerons  au  mot  genre  comment  se 
iaisoit  cette  division. 

Le  genre  enharmonique  étoit  le  plus  doux  des  trois , 
au  rapport  d'Aristide  Quintilien  :  il  passoit  pour  très 
ancien ,  et  la  plupart  des  auteurs  en  attribuoient  Tin- 


ENH  283 

vention  à  Olympe,  Phrygien.  Mais  son  tétracorde,  ou 
plutôt  son  diatessaron  de  ce  genre,  ne  contenoit  que 
trois  cordes,  qui  formoient  entre  elles  deux  intervalles 
incomposés  :  le  premier  d'un  semi-ton  ,  et  l'autre 
d'une  tierce  majeure  ;  et  de  ces  deux  seuls  intervalles , 
répétés  de  tétracorde  en  tétracorde,  résultoit  alors 
tout  le  genre  enharmonique.  Ce  ne  fut  qu'après  Olympe 
qu'on  s'avisa  d'insérer,  à  l'imitation  des  autres  gen- 
res, une  quatrième  corde  entre  les  deux  premières, 
pour  faire  la  division  dont  je  viens  de  parler.  On  en 
trouvera  les  rapports  selon  les  systèmes  de  Ptolémée 
et  d'Aristoxène  (  PL  M.  ^figure  5.  ) 

Ce  genre  si  merveilleux,  si  admiré  des  anciens,  et, 
selon  quelques  uns ,  le  premier  trouvé  des  trois ,  ne 
demeura  pas  long-temps  en  vigueur  :  son  extrême  dif- 
ficulté le  fit  bientôt  abandonner  à  mesure  que  l'art 
gagnoit  des  combinaisons  en  perdant  de  l'énergie,  et 
qu'on  suppléoit  à  la  finesse  de  l'oreille  par  l'agilité  des 
doigts.  Aussi  Plutarque  reprend-il  vivement  les  musi- 
ciens de  son  temps  d'avoir  perdu  le  plus  beau  des 
trois  genres ,  et  d'oser  dire  que  les  intervalles  n'en 
sont  pas  sensibles  ;  comme  si  tout  ce  qui  échappe  à 
leurs  sens  grossiers,  ajoute  ce  philosophe,  devoit  être 
hors  de  la  nature. 

Nous  avons  aujourd'hui  une  sorte  de  genre  enhar- 
monique entièrement  différent  de  celui  des  Grecs  :  il 
consiste,  comme  les  deux  autres,  dans  une  progrès-* 
f  ion  particulière  de  l'harmonie ,  qui  engendre  dans  la 
marche  des  parties  des  intervalles  enharmoniques ,  en 
employant  à-la-fois  ou  successivement  entre  deux 
notes  qui  sont  à  un  ton  l'une  de  l'autre  le  bémol  do  • 


284  EN H 

supérieure  et  le  dièse  de  J'inférieure.  Mais  quoique, 
selon  la  rigueur  des  rapports ,  ce  dièse  et  ce  bémol 
dussent  former  un  intervalle  entre  eux  (  voyez  Échelle 
et  QuARr-DE-TON),cetintervalle  se  trouve  nul  au  moyen 
du  tempérament,  qui,  dans  le  système  établi,  fait  ser- 
vir le  même  son  à  deux  usages  ;  ce  qui  n'empêche  pas 
qu'un  tel  passage  ne  produise,  par  la  force  de  la  mo- 
dulation et  de  Tharmonie,  une  partie  de  l'effet  qu'on 
cherche  dans  les  transitions  enharmoniques. 

Comme  ce  genre  est  assez  peu  connu ,  et  que  nos 
auteurs  se  sont  contentés  d'en  donner  quelques  no- 
tions trop  succinctes,  je  crois  devoir  l'expliquer  ici  un 
peu  plus  au  long. 

Il  faut  remarquer  d'abord  que  l'accord  de  septième 
diminuée  est  le  seul  sur  lequel  on  puisse  pratiquer  des 
passages  vraiment  enharmoniques  ^  et  cela  en  vertu  de 
cette  propriété  singulière  qu'il  a  de  diviser  l'octave 
entière  en  quatre  intervalles  égaux.  Qu'on  prenne 
dans  les  quatre  sons  qui  composent  cet  accord  celui 
qu'on  voudra  pour  fondamental ,  on  trouvera  toujours 
également  que  les  trois  autres  sons  forment  sur  ce- 
lui-ci un  accord  de  septième  diminuée.  Or  le  son  fon- 
damental de  l'accord  de  septième  diminuée  est  tou- 
jours une  note  sensible,  de  sorte  que,  sans  rien  chan- 
ger à  cet  accord,  on  peut,  par  une  manière  de  double 
ou  de  quadruple  emploi,  le  faire  servir  successivement 
sur  quatre  différentes  fondamentales ,  c'est-à-dire  sur 
quatre  difféi*entes  notes  sensibles. 

Il  suit  de  là  que  ce  même  accord ,  sans  rien  chan- 
ger ni  à  l'accompagnement  ni  à  la  basse ,  peut  porter 
quatre  noms  différents  ,  et  par  conséquent  se  cliif- 


eNh  2,85 

fi^èrde  (Quatre  différentes  manières;  savoir,  d\in  7  b 

sous  le  nom  de  septième  diminuée  ;  d'un  ^  ^  sous 

X  4 
le  nom  de  sixte  majeure  et  fausse-quinte;  d'un      ^ 

sous  le  nom  de  tierce  mineure  et  triton  ;  et  enfin  d'un 
X  2  sous  le  nom  de  seconde  superflue.  Bien  en* 
tendu  que  la  clef  doit  être  censée  armée  différem- 
ment, selon  les  tons  où  Ton  est  supposé  être. 

Voilà  donc  quatre  manières  de  sortir  d'un  accord 
de  septième  diminuée ,  en  se  supposant  successive- 
ment dans  quatre  accords  différents  ;  car  la  marche 
fondamentale  et  naturelle  du  son  qui  porte  un  accord 
de  septième  diminuée,  est  de  se  résoudre  sur  la  toni- 
que du  mode  mineur  ^  dont  il  est  la  note  sensible* 

Imaginons  maintenant  Taccord  de  septième  dimi- 
nuée sur  ut  dièse  note  sensible,  si  je  prends  la  tierce 
mi  pour  fondamentale,  elle  deviendra  note^sensible  à 
son  tour,  et  annoncera  par  conséquent  le  mode  mi- 
neur de  fa  ;  or  cet  ut  dièse  reste  bien  dans  l'accord  de 
mi  note  sensible ,  mais  c'est  en  qualité  de  re  bémol , 
c'est-à-dire  de  sixième  note  du  ton ,  et  de  septième  di- 
minuée de  la  note  sensible  :  ainsi  cet  ut  dièse  qui , 
comme  note  sensible,  étoit  obligé  de  monter  dans  le 
ton  de  fe^  devenu  re  bémol  dans  le  ton  dejh,  est  obligé 
de  descendre  comme  septième  diminuée  :  voilà  une 
transition  enharmonique.  Si  au  lieu  de  la  tierce,  on 
prend,  dans  le  même  accord  à' ut  dièse,  la  fausse 
quinte  sol  pour  nouvelle  note  sensible,  Vut  dièse  de- 
viendra encore  re  bémol,  en  qualité  de  quatrième 
note:  autre  passage  en/i^rmo/ii^we.  Enfin,  si  l'on  prend 
pour  note  sensible  la  septième  diminuée  elle-même , 


286  ENI-I 

au  lieu  de  si  bémol ,  il  faudra  nécessairement  la  consi- 
dérer comme  la  dièse  ;  ce  qui  fait  un  troisième  passage 
enharmonique  sur  le  même  accord. 

A  la  faveur  de  ces  quatre  différentes  manières  d'en- 
visager successivement  le  même  accord,  on  passe 
d'un  ton  à  un  autre  qui  en  paroît  fort  éloigné  ;  on 
donne  aux  parties  des  progrès  différents  de  celui 
qu'elles  auroient  dû  avoir  en  premier  lieu,  et  ces  pas- 
sages ménagés  à  propos  sont  capables ,  non  seulement 
de  surprendre,  mais  de  ravir  l'auditeur,  quand  ils 
sont  bien  rendus. 

Une  autre  source  de  variété  dans  le  même  genre  se 
tire  des  différentes  manières  dont  on  peut  résoudre 
l'accord  qui  l'annonce;  car,  quoique  la  modulation  la 
plus  naturelle  soit  de  passer  de  l'accord  de  septième 
diminuée  sur  la  note  sensible  à  celui  de  la  tonique  en 
mode  mineur,  on  peut,  en  substituant  la  tierce  ma- 
jeure à  la  mineure ,  rendre  le  mode  majeur,  et  même 
y  ajouter  la  septième  pour  cbanger  cette  tonique  en 
dominante,  et  passer  ainsi  dans  un  autre  ton.  A  la  fa- 
veur de  ces  diverses  combinaisons  réunies ,  on  peut 
sortir  de  l'accord  en  douze  manières;  mais  de  ces 
douze,  il  n'y  en  a  que  neuf  qui,  donnant  la  conver- 
sion du  dièse  en  bémol  ou  réciproquement,  soient  vé- 
ritablement enharmoniques^  parceque  dans  les  trois 
autres  on  ne  change  point  de  note  sensible;  encore 
dans  ces  neuf  diverses  modulations  n'y  a-t-il  que  trois 
diverses  notes  sensibles,  chacune  desquelles  se  résout 
par  trois  passages  différents  ;  de  sorte  qu'à  bien  pren- 
dre la  chose,  on  ne  trouve  sur  chaque  note  sensible 
que  trois  vrais  passages  enharmoniques  possibles ,  tous 


EN  H  287 

les  autres  n'étant  point  réellement  enharmoniques ,  ou 
se  rapportant  à  (juelqu'un  des  trois  premiers.  (Voyez 
PL  h,  figure  4,  un  exemple  de  tous  ces  passajjes.  ) 

A  Timitation  des  modulations  du  genre  diatonique  ^ 
on  a  plusieurs  fois  essayé  de  faire  des  morceaux  en- 
tiers dans  le  genre  enharmonique^  et ,  pour  donner  une 
sorte  de  régie  aux  marches  fondamentales  de  ce  genre, 
on  Ta  divisé  en  diatonique-enharmonique ^  qui  procède 
par  une  succession  de  semi-tons  majeurs,  et  en  chro- 
matique-enharmonique, qui  procède  par  une  succession 
de  semi-tons  mineurs. 

Le  chant  de  la  première  espèce  est  diatonique, 
parceque  les  semi-tons  y  sont  majeurs  ;  et  il  est  enhar- 
monique ^  p^rceque  deux  semi-tons  majeurs  de  suite 
forment  un  ton  trop  fort  d'un  intervalle  enharmonique. 
Pour  former  cette  espèce  de  chant,  il  faut  faire  une 
basse  qui  descende  de  quarte  et  monte  de  tierce  ma- 
jeure alternativement.  Une  partie  du  trio  des  Parques 
de  Fopéra  à' Hippofyte  est  dans  ce  genre  ;  mais  il  n'a 
jamais  pu  être  exécuté  à  TOpéra  de  Paris,  quoique 
M.  Rameau  assure  qu'il  Favoit  été  ailleurs  par  des  mu- 
siciens de  bonne  volonté,  et  que  l'effet  en  fut  sur- 
prenant. 

Le  chant  de  la  seconde  espèce  est  chromatique , 
parcequ'il  procède  par  semi-tons  mineurs  ;  il  est  en^ 
harmonique  ,  parceque  les  deux  semi-tons  mineurs 
consécutifs  forment  un  ton  trop  foible  d'un  intervalle 
enharmonique.  Pour  former  cette  espèce  de  chant ,  il 
faut  faire  une  basse-fondamentale  qui  descende  de 
tierce  mineure  et  monte  de  tierce  majeure  alternative- 
ment. M.  Rameau  nous  apprend  qu'il  avoit  fait  dans 


288  ENH 

ce  genre  de  musique  un  tremblement  de  terre  dans 
Topera  des  Inder,  galantes;  mais  qu'il  fut  si  mal  servi 
qu'il  lut  obligé  de  le  changer  en  une  musique  com- 
mune. (  Voyez  les  Eléments  de  Musique  de  M.  d'Alem- 
bert ,  pages  91  ,  92 ,  98 ,  et  166.) 

Malgié  les  exemples  cités  et  Fautorité  de  M.  Ra- 
meau, je  crois  devoir  avertir  les  jeunes  artistes  que 
\ enliarnionùj ue-diatoniciue  et  ï enhannoniq ue-cliromati^ 
que  me  paroissenl  tous  deux  à  rejeter  comme  genres; 
et  je  ne  puis  croire  qu  une  musique  modulée  de  cette 
manière,  même  avec  la  plus  parfaite  exécution ,  puisse 
jamais  rien  valoir.  Mes  raisons  sont  que  les  passages 
brusques  d  une  idée  à  une  autre  idée  extrêmement 
éloignée  y  sont  si  fréquents  ,  qu'il  n'est  pas  possible  à 
l'esprit  de  suivre  ces  transitions  avec  autant  de  rapi- 
dité que  la  musique  les  présente  ;  que  l'oreille  n'a  pas 
Je  temps  d'apercevoir  le  rapport  très  secret  et  très 
composé  des  modulations,  ni  de  sous-entendre  les  in- 
tervalles supposés;  qu'on  ne  trouve  plus  dans  de  pa- 
reilles successions  ombre  de  ton  ni  de  mode  ;  qu'il  est 
également  impossible  de  retenir  celui  d'où  l'on  sort, 
ni  de  prévoir  celui  où  l'on  va;  et  qu'au  milieu  de  tout 
cela  l'on  ne  sait  plus  du  tout  où  l'on  est,  \J enharmoni- 
que n'est  qu'un  passage  inattendu  dont  l'étonnante 
impression  se  fait  fortement  et  dure  long-temps;  pas- 
sage que  par  conséquent  on  ne  doit  pas  trop  brusque- 
ment ni  trop  souvent  répéter ,  de  peur  que  1  idée  de  la 
modulation  ne  se  trouble  et  ne  se  perde  entièrement  ; 
car  sitôt  qu'on  n'entend  que  des  accords  isolés  qui 
n'ont  plus  de  rapport  sensible  et  de  fondement  com- 
mun ,  l'harmonie  n'a  plus  aussi  d'union  ni  de  suite 


ENH  289 

apparente,  et  l'effet  qui  en  résulte  n'est  qu'un  vain 
bruit  sans  liaison  et  sans  agrément.  Si  M.  Rameau, 
moins  occupé  de  calculs  inutiles,  eût  mieux  étudié  la 
métaphysique  de  son  art,  il  est  à  croire  que  le  feu  na- 
turel de  ce  savant  artiste  eût  produit  des  prodiges, 
dont  le  germe  étoit  dans  son  génie ,  mais  que  ses  pré- 
jugés ont  toujours  étouffé. 

Je  ne  crois  pas  même  que  les  simples  transitions 
enharmoniques  puissent  jamais  bien  réussir  ni  dans  les 
chœurs  ni  dans  les  airs,  parceque  chacun  de  ces  mor- 
ceaux forme  un  tout  où  doit  régner  l'unité,  et  dont 
les  parties  doivent  avoir  entre  elles  une  liaison  plus 
sensible  que  ce  genre  ne  peut  la  marquer. 

Quel  est  donc  le  vrai  lieu  de  V enharmonique?  c'est, 
selon  moi,  le  récitatif  obligé.  C'est  dans  une  scène  su- 
blime et  pathétique  où  la  voix  doit  multiplier  et  varier 
les  inflexions  musicales  à  Timitation  de  Faccent  gram- 
matical, oratoire,  et  souvent  inappréciable;  c'est,  dis- 
je,  dans  une  telle  scène  que  les  transitions  enharmo- 
niques sont  bien  placées,  quand  on  sait  les  ména^tj^er 
pour  les  grandes  expressions,  et  les  affermir,  pour 
ainsi  dire ,  par  des  traits  de  symphonie  qui  suspendent 
la  parole  et  renforcent  l'expression.  Les  Italiens,  qui 
font  un  usage  admirable  de  ce  genre,  ne  l'emploient 
que  de  cette  manière.  On  peut  voir  dans  le  premier 
récitatif  de  \ Orphée  de  Pergolèse  un  exemple  frappant 
«t  simple  des  effets  que  ce  grand  musicien  sut  tirer  de 
Y  enharmonique  ^  et  comment,  loin  de  faire  une  modu- 
lation dure,  ces  transitions,  devenues  naturelles  et 
faciles  à  entonner,  aonnent  une  douceur  énergique  à 
toute  la  déclamation, 

>:tv  If) 


290  ENS 

J'ai  déjà  dit  que  notre  genre  enharmoniqiœ  est  en^ 
tièrement  différent  de  celui  des  anciens;  j'ajouterai 
que,  quoique  nous  n'ayons  point  comme  eux  d'in- 
tervalles enharmoniques  à  entonner,  cela  n'empêche 
pas  que  Xenharmonique  moderne  ne  soit  d'une  exécu- 
tion plus  difficile  que  le  leur.  Chez  les  Grecs  les  inter- 
valles enharmoniques  ,  purement  mélodieux  ,  ne  de- 
mandoient  ni  dans  le  chanteur  ni  dans  l'écoutant  au- 
cun changement  d'idées,  mais  seulement  une  grande 
délicatesse  d'organe;  au  lieu  qu'à  cette  même  délica- 
tesse il  faut  joindre  encore,  dans  notre  musique,  une 
connoissance  exacte  et  un  sentiment  exquis  des  mé- 
tamorphoses harmoniques  les  plus  brusques  et  les 
moins  naturelles  :  car  si  l'on  n'entend  pas  la  phrase, 
on  ne  sauroit  donner  aux  mots  le  ton  qui  leur  con- 
vient, ni  chanter  juste  dans  un  système  harmonieux, 
si  l'on  ne  sent  l'harmonie. 

Ensemble,  adv.  souvent  pris  substantivement.  Je  ne 
m'arrêterai  pas  à  l'explication  de  ce  mot  pris  pour  le 
rapport  convenable  de  toutes  les  parties  d'un  ouvrage 
entre  elles  et  avec  le  tout,  parccque  c'est  un  sens 
qu'on  lui  donne  rarement  en  musique.  Ce  n'est  guère 
qu'à  l'exécution  que  ce  terme  s'applique ,  lorsque  les 
concertants  sont  si  parfaitement  d'accord,  soit  pour 
l'intonation  ,  soit  pour  la  mesure ,  qu'ils  semblent 
être  tous  animés  d'un  même  esprit,  et  que  l'exécution 
rend  fidèlement  à  l'oreille  tout  ce  que  l'œil  voit  sur  la 
partition. 

h'ensemble  ne  dépend  pas  seulement  de  l'habileté 
avec  laquelle  chacun  lit  sa  partie,  mais  de  l'intelli- 
gence avec  laquelle  il  en  sent  le  caractère  particulier 


ENS  29r 

et  la  liaison  avec  le  tout;  soit  pour  phraser  avec  exac- 
titude ,  soit  pour  suivre  la  précision  des  mouvements, 
soit  pour  saisir  le  moment  et  les  nuances  des^ôr^  et 
des  doux,  soit  enfin  pour  ajouter  aux  ornements  mar- 
qués ceux  qui  sont  si  nécessairement  supposés  par 
Tauteur,  qu  il  n'est  permis  à  personne  de  les  omettre. 
Les  musiciens  ont  beau  être  haiiiles,  il  n'y  a  d'en- 
semble qu'autant  qu'ils  ont  l'intelligence  de  la  musique 
qu'ils  exécutent,  et  qu'ils  s'entendent  entre  eux:  car 
il  seroit  impossible  de  mettre  un  parfait  ensemble  dans 
un  concert  de  sourds,  ni  dans  une  musique  dont  le 
style  seroit  parfaitement  étranger  à  ceux  qui  l'exécu- 
tent. Ce  sont  surtout  les  maîtres  de  musique,  conduc- 
teurs et  chefs  d'orchestre ,  qui  doivent  guider ,  ou  re- 
tenir, ou  presser  les  musiciens  pour  mettre  partout 
Yensemble;  et  c'est  ce  que  fait  toujours  un  bon  premier 
violon  par  une  certaine  charge  d'exécution  qui  en  im- 
prime fortement  le  caractère  dans  toutes  les  oreilles. 
La  voix  récitante  est  assujettie  à  la  basse  et  à  la  me- 
sure ;  le  premier  violon  doit  écouter  et  suivre  la  voix; 
la  symphonie  doit  écouter  et  suivre  le  premier  violon  : 
enfin  le  clavecin,  qu'on  suppose  tenu  par  le  com- 
positeur ,  doit  être  le  véritable  et  premier  guide  de 
tout. 

En  général,  plus  le  style ,  les  périodes ,  les  phrases , 
la  mélodie  et  l'harmonie  ont  de  caractère,  plus  Yen- 
semble est  facile  à  saisir,  parceque  la  même  idée  im- 
primée vivement  dans  tous  les  esprits  préside  à  toute 
l'exécution.  Au  contraire,  quand  la  musique  ne  dit 
rien ,  et  qu'on  n'y  sent  qu'une  suite  de  notes  sans  liai- 
son, il  n'y  a  point  de  tout  auquel  chacun  rapporte  sa 

'9- 


2i)2  ENT 

partie ,  et  Texécution  va  toujours  mal.  Voilà  pourquoi 
la  musique  Françoise  n'est  jamais  ensemble. 

Entonner,  v.  a.  C'est,  dans  l'exécution  d'un  chant, 
former  avec  justesse  les  sons  et  les  intervalles  qui  sont 
marqués  ;  ce  qui  ne  peut  guère  se  faire  qu'à  l'aide 
d'une  idée  commune  à  laquelle  doK'ent  se  rapporter 
ces  sons  et  ces  intervalles  ;  savoir,  celle  du  ton  et  du 
mode  où  ils  sont  employés  ;  d'où  vient  peut-être  le 
mot  entonner:  on  peut  aussi  l'attribuer  à  la  marche 
diatonique  ;  marche  qui  paroît  la  plus  commode  et  la 
plus  naturelle  à  la  voix.  Il  y  a  plus  de  difficulté  à  en- 
tonner des  intervalles  plus  grands  ou  plus  petits,  par- 
cequ'alors  la  glotte  se  modifie  par  des  rapports  trop 
grands  dans  le  premier  cas ,  ou  trop  composés  dans  le 
second. 

Entonner  est  encore  commencer  le  chant  d'une 
hymne,  d'un  psaume,  d'une  antienne,  pour  donner 
le  ton  à  tout  le  chœur.  Dans  l'Eglise  catholique,  c'est 
par  exemple,  l'officiant  qui  entonne  le  Te  Deuni;  dans 
nos  temples,  c'est  le  chantre  qui  entonne  les  psaumes. 

Entr'acte,  s.  m.  Espace  de  temps  qui  s'écoule  entre 
la  fin  d'un  acte  d'opéra  et  le  commencement  de  lacté 
suivant,  et  durant  lequel  la  représentation  est  sus- 
pendue, tandis  que  faction  est  supposée  se  continuer 
ailleurs.  L'orchestre  remplit  cet  espace  en  France  par 
l'exécution  d'une  symphonie  qui  porte  aussi  le  nom 
ô^entracte. 

Il  ne  paroît  pas  que  les  Grecs  aient  jamais  divisé 
leurs  drames  par  actes ,  ni  par  conséquent  connu  les 
entractes. 

La  représentation  n  étoit  point  suspendue  sur  leurs 


ENT  293 

diéàtres  depuis  le  comniencement  de  la  pièce  jusqu'à 
la  fin.  Ce  lurent  les  Romains  qui,  moins  épris  du  spec- 
tacle, commencèrent  les  premiers  à  le  partager  en 
plusieurs  parties,  dont  les  intervalles  offroient  du  re- 
lâche à  l'attention  des  spectateurs;  et  cet  usage  s'est 
continué  parmi  nous. 

Puisque  Yentracte  est  fait  pour  suspendre  l'atten- 
tion et  reposer  l'esprifdu  spectateur,  le  théâtre  doit 
rester  vide,  et  les  intermèdes  dont  on  le  remplissoit 
autrefois  formoient  une  interruption  de  très  mauvais 
goût,  qui  ne  pou  voit  manquer  de  nuire  à  la  pièce  en 
faisant  perdre  le  fil  de  l'action.  Cependant  Molière  lui- 
même  ne  vit  point  cette  vérité  si  simple,  et  les  en- 
tractes de  sa  dernière  pièce  étoient  remplis  par  des  in- 
termèdes. Les  François,  dont  les  spectacles  ont  plus 
de  raison  que  de  chaleur,  et  qui  n'aiment  pas  qu'on 
les  tienne  long-temps  en  silence,  ont  depuis  lors  ré- 
duit les  entractes  à  la  simplicité  qu'ils  doivent  avoir, 
et  il  est  à  désirer,  pour  la  peifection  des  théâtres, 
qu'en  cela  leur  exemple  soit  suivi  partout. 

Les  Italiens,  qu'un  sentiment  exquis  guide  souvent 
mieux  que  le  raisonnement,  ont  proscrit  la  danse  de 
l'action  dramatique  (Voyez  Opéra);  mais,  par  une 
inconséquence  qui  nait  de  la  trop  grande  durée  qu'ils 
veulent  donner  au  spectacle,  ils  remplissent  leurs  en- 
tractes des  ballets  qu'ils  bannissent  de  la  pièce;  et  s'ils 
évitent  l'absurdité  de  la  double  imitation,  ils  donnent 
dans  celle  de  la  transposition  de  scène,  et  promenant 
ainsi  le  spectateur  d'objet  en  objet,  lui  font  oublier 
faction  principale,  perdre  Fintérêt,  et,  pour  lui  don- 
ner le  plaisir  des  yeux,  lui  ôtent  celui  du  cœur,  ils 


294  E^T 

commencent  pourtant  à  sentir  le  défaut  de  ce  mons 
trueux  assemblage,  et  après  avoir  déjà  presque  chassé 
les  intermèdes  des  entractes,  sans  doute  ils  ne  tarde- 
ront pas  d'en  chasser  encore  la  danse,  et  de  la  ré- 
server, comme  il  convient,  pour  en  faire  un  spectacle 
brillant  et  isolé  à  la  fin  de  la  grande  pièce. 

Mais  quoique  le  théâtre  reste  vide  dans  \ entracte^ 
ce  n'est  pas  à  dire  que  la  md'sique  doive  être  inter- 
rompue; car  à  rOpéra,  où  elle  fait  une  partie  de  Fexis- 
tence  des  choses,  le  sens  de  Touïe  doit  avoir  une  telle 
liaison  avec  celui  de  la  vue ,  que  tant  qu'on  voit  le  lieu 
de  la  scène  on  entende  l'harmonie  qui  en  est  supposée 
inséparable,  afin  que  son  concours  ne  paroisse  ensuite 
étranger  ni  nouveau  sous  le  chant  des  acteurs. 

La  difficulté  qui  se  présente  à  ce  sujet  est  de  sa- 
voir ce  que  le  musicien  doit  dicter  a  l'orchestre  quand 
il  ne  se  passe  plus  rien  sur  la  scène  :  car  si  la  sym- 
phonie, ainsi  que  toute  la  musique  dramatique,  n  est 
qu'une  imitation  continuelle,  que  doit-elle  dire,  quand 
personne  ne  parle?  que  doit-elle  faire,  quand  il  n'y  a 
plus  d'action?  Je  réponds  à  cela  que  quoique  le  théâtre 
soit  vide,  le  cœur  des  spectateurs  ne  l'est  pas;  il  a  dû 
leur  rester  une  forte  impression  de  ce  qu'ils  viennent 
de  voir  et  d'entendre.  C'est  à  l'orchestre  à  nourrir  et 
soutenir  cette  impression  durant  Yentracte,  afin  que 
le  spectateur  ne  se  trouve  pas  au  début  de  l'acte  sui- 
vant aussi  froid  qu'il  l  étoit  au  commencement  de  la 
pièce,  et  que  l'intérêt  soit,  pour  ainsi  dire,  lié^dans 
son  ame  comme  les  événements  le  sont  dans  l'action 
représentée.  Voilà  comment  le  musicien  ne  cesse 
jamais  d'avoir  un  objet  d'imitation  ou  dans  la  situation 


EiST  296 

des  personnages,  ou  dans  celle  des  spectateurs.  Ceux- 
ci,  n'entendant  jamais  sortir  de  l'orchestre  que  Tex- 
pression  des  sentiments  qu'ils  éprouvent,  s'identi- 
fient, pour  ainsi  dire,  avec  ce  qu'ils  entendent;  et  leur 
état  est  d'autant  plus  délicieux  qu'il  régne  un  accord 
plus  parfait  entre  ce  qui  frappe  leurs  sens  et  ce  qui 
touche  leur  cœur. 

L'hahile  musicien  tire  encore  de  son  orchestre  un 
autre  avantage  pour  donner  à  la  représentation  tout 
l'effet  qu'elle  peut  avoir,  en  amenant  par  degrés  le 
spectateur  oisif  à  la  situation  dame  la  plus  favorable 
à  l'effet  des  scènes  qu'il  va  voir  dans  l'acte  suivant. 

La  durée  de  ïentractena  pas  de  mesure  fixe,  mais 
elle  est  supposée  plus  ou  moins  grande  à  proportion 
du  temps  qu'exige  la  partie  de  l'action  qui  se  passe 
derrière  le  théâtre.  Cependant  cette  durée  doit  avoir 
des  bornes  de  supposition  relativement  à  la  durée 
hypothétique  de  l'action  totale,  et  des  bornes  réelieg 
relatives  à  la  durée  de  la  représentation. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'examiner  si  la  régie  des 
vingt-quatre  heures  a  un  fondement  suffisant,  et  s'il 
n'est  jamais  permis  de  l'enfreindre;  mais  si  l'on  veut 
donner  à  la  durée  supposée  d'un  entracte  des  bornes 
tirées  de  la  nature  des  choses,  je  ne  vois  point  qu'on 
en  puisse  trouver  d'autres  que  celles  du  temps  durant 
lequel  il  ne  se  fait  aucun  changement  sensible  et  ré- 
gulier dans  la  nature,  comme  il  ne  s'en  fait  point 
d'apparent  sur  la  scène  durant  Venir  acte  ;  or,  ce 
temps  est,  dans  sa  plus  grande  étendue,  à  peu  près 
de  douze  heures,  qui  font  la  durée  moyenne  d'un 
iour  ou  d'une  nuit  :  passé  cet  espace,  il  nV  a  plus  d« 


296  ÉOL 

possibilité  ni  d'illusion  dans  la  durée  supposée  de 
Yentracte. 

Quant  à  la  durée  réelle,  elle  doit  être,  comme  je 
lai  dit,  proportionnée  et  à  la  durée  totale  de  la  repré- 
sentation, et  à  la  durée  partielle  et  relative  de  ce  qui 
se  passe  derrière  le  théâtre.  Mais  il  y  a  d'autres  bornes 
tirées  de  la  fin  générale  qu'on  se  propose,  savoir  la 
mesure  de  l'attention  :  car  on  doit  bien  se  garder  de 
faire  durer  Yentr  acte  jusqu'à.  laisser  le  spectateur  tom- 
ber dans  l'engourdissement  et  approcher  de  l'ennui. 
Cette  mesure  n'a  pas ,  au  reste,  une  telle  précision  par 
elle-même ,  que  le  musicien  qui  a  du  feu ,  du  génie  et 
de  l'ame,  ne  puisse,  à  l'aide  de  son  orchestre,  l'éten- 
dre beaucoup  plus  qu'un  autre. 

Je  ne  doute  pas  même  qu'il  n'y  ait  des  moyens 
d'abuser  le  spectateur  sur  la  durée  effective  de  ïen- 
tracte^  en  la  lui  faisant  estimer  plus  ou  moins  grande 
par  la  manière  d'entrelacer  les  caractères  de  la  sym- 
phonie. Mais  il  est  temps  de  finir  cet  article  qui  n'est 
déjà  que  trop  long. 

Entrée,  s.  f.  Air  de  symphonie  par  lequel  débute 
un  ballet. 

Entrée  se  dit  encore  à  l'Opéra  d  un  acte  entier  dans 
les  opéra-ballets  dont  chaque  acte  forme  un  sujet 
séparé;  Ventrée  de  Vertume  dans  les  Eléments;  Y  entrée 
des  Incas  dans  les  Indes  galantes. 

Enfin  entrée  se  dit  aussi  du  moment  où  chaque 
partie  qui  en  suit  une  autre  commence  à  se  faire  en- 
tendre. 

ÉoLiEN,  adj.  Le  ton  ou  mode  éolien  étoit  un  des  cinq 
modes  moyens  ou  principaux  de  la  musique  grecque, 


ÉPI  297 

et  sa  corde  fondameniale  étoit  immédiatement  au- 
dessus  de  celle  du  mode  phry^j^ien.  (  Voyez  Mode.  ) 

Le  mode  éolien  étoit  grave,  au  rapport  de  Lasus.  Je 
chante.^  dit-il,  Cérès  et  sa  fille  Mélibc'e,  épouse  de  Pluton , 
sur  le  mode  éolieu,  rempli  de  gravité. 

Le  nom  (ïéolien  que  portoit  ce  mode  ne  lui  verioit 
pas  des  îles  Éoliennes,  mais  de  TÉolie,  contrée  de 
l'Asie  Mineure,  où  il  fut  premièrement  en  usage. 

Epais,  adj.  Genre  épais,  dense,  ou  serj^é,  ttu/voç,  est, 
selon  la  définition  d'Aristoxène,  celui  où  dans  chaque 
tétracorde,  la  somme  des  deux  premiers  intervalles 
est  moindre  que  le  troisième.  Ainsi  le  genre  enharmo- 
nique est  épais,  parceque  les  deux  premiers  inter- 
valles ,  qui  sont  chacun  d'un  quart  de  ton ,  ne  forment 
ensemble  qu'un  semi-ton;  somme  beaucoup  moindre 
que  le  troisième  intervalle,  qui  est  une  tierce  majeure. 
Le  chromatique  est  aussi  un  genre  épais;  car  ces  deux 
premiers  intervalles  ne  forment  qu'un  ton  moindre 
encore  que  la  tierce  mineure  qui  suit.  Mais  le  genre 
diatonique  n'est  point  épais,  puisque  ses  deux  pre- 
miers intervalles  forment  un  ton  et  demi,  somme 
plus  grande  que  le  ton  qui  suit.  (Voyez  Genre,  Tétra- 
corde.) 

De  ce  mot  ttuxvoç  ,  comme  radical,  sont  composés  les 
termes  apycni,  baripycyii,  mesopycni,  oxipycni,  dont 
on  trouvera  les  articles  chacun  à  sa  place. 

Cette  dénomination  n'est  point  en  usage  dans  la 
musique  moderne. 

Épiaulie.  Nom  que  donnoient  les  Grecs  à  la  chan- 
son des  meuniers,  appelée  autrement  Hymée.  (Voyez 
Chanson.) 


Le  mot  burlesque  piauler  ue  tii^eroit-il  point  d'ici 
son  étymologie!  Le  piaulement  d'une  femme  ou  d'un 
enfant,  qui  pleure  et  se  lamente  lon^j-temps  sur  le 
même  ton,  ressemble  assez  à  la  chanson  d'un  moulin, 
et,  par  métaphore,  à  celle  d'un  meunier. 

Êpilène.  Chanson  des  vendangeurs,  laquelle  s'ac- 
compagnoit  de  la  flûte.  (Voyez  Athénée,  livre  V.) 

Épinicion.  Chant  de  victoire,  par  lequel  on  célé- 
broit  chez  les  Grecs  le  triomphe  des  vainqueurs. 

Épisynaphe,  s,  f.  C'est,  au  rapport  de  Bacchius  la 
conjonction  des  trois  tétracordes  consécutifs,  comme 
sont  les  tétracordes  hypaton,  méson,  et  synnéménon. 
(  Voyez  Système  ,  Tétracorde.  ) 

Epithalame,  s.  m.  Chant  nuptial  qui  se  chantoit 
autrefois  à  la  porte  des  nouveaux  époux,  pour  leur 
souhaiter  une  heureuse  union.  De  telles  chansons  ne 
sont  guère  en  usage  parmi  nous;  car  on  sait  bien  que 
c'est  peine  perdue.  Quand  on  en  fait  pour  ses  amis  et 
familiers,  on  substitue  ordinairement  à  ces  vœux  hon- 
nêtes et  simples  quelques  pensées  équivoques  et 
obscènes,  plus  conformes  au  goût  du  siècle. 

Épitrite.  Nom  d'un  des  rhythmes  de  la  musique 
grecque,  duquel  les  temps  étoient  en  raison  sesqui- 
tierce,  ou  de  3  à  4-  Ce  rhythme  étoit  représenté  par 
le  pied  que  les  poètes  et  grammairiens  appellent  aussi 
épitnte;  pied  composé  de  quatre  syllabes  dont  les 
deux  premières  sont  en  effet  aux  deux  dernières  dans 
la  raison  de  3  à  4-  (Voyez  Rhythme.  ) 

ÉPOBEyS.f.  Chant  du  troisième  couplet,  qui,  dans 
les  odes ,  terminoit  ce  que  les  Grecs  appeloient  la  pé- 
riode, laquelle  étoit  composée  de  trois  couplets  ;  savoir , 


ÉQU  299 

la  strophe,  Vantistrophe,  et  Vépode.  On  attribue  à  Archi- 
locjne  rinvcntion  de  1  e/;oJe. 

Eptacorde,  s.  m.  Lyre  ou  cithare  à  sept  cordes, 
comme,  au  dire  de  plusieurs,  étoit  celle  de  Mercure. 

Les  Grecs  doimoient  aussi  le  nom  d'eptacorde  à  un 
système  de  musique  formé  de  sept  sons,  tel  qu'est  au- 
jourd'hui notre  gamme.  \i  eptacorde  synnéménon  , 
qu'on  appeloit  autrement  lyre  de  Terpandre,  étoit  com- 
posé des  sons  exprimés  par  ces  lettres  de  la  gamme, 
E,  F,  G,  a,  b,  c,  d.  Veptacordede  Philolaûs  substituoit 
le  bécarre  au  bémol,  et  peut  s'exprimer  ainsi,  E,  F, 

G,a,~  :^''  c,  d.  l\  en  rapportoit  chaque  corde  à  une 

des  planètes ,  l'hypate  à  Saturne ,  la  parhypate  à  Ju- 
piter, et  ainsi  de  suite. 

Eptamérides,  s.  f.  Nom  donné  par  M.  Sauveur  à 
l'un  des  intervalles  de  son  système  exposé  dans  les 
Mémoires  de  l'académie,  année  1701. 

Cet  auteur  divise  d'abord  l'octave  en  43  parties  ou 
mérides;  puis  chacune  de  celles-ci  en  7  eptamérides , 
de  sorte  que  l'octave  entière  comprend  3oi  eptamé- 
rides, qu'il  subdivise  encore.  (Voyez  Décaméride.) 

Ce  mot  est  formé  de  èTTrà,  sept,  et  de  pep'ç,  partie. 

Eptaphone  ,  s.  m.  Nom  d'un  portique  de  la  ville 
d'Olympie,  dans  lequel  on  avoit  ménagé  un  écho  qui 
répétoit  la  voix  sept  fois  de  suite.  Il  y  a  grande  appa- 
rence que  l'écho  se  trouva  là  par  hasard,  et  qu'ensuite 
les  Grecs,  grands  charlatans,  en  firent  honneur  à 
l'art  de  l'architecte. 

Equisonnance,  s.f.  Nom  par  lequel  les  anciens  dis- 
tinguoient  des  autres  consonnances  celles  de  l'octave 


3oo  ÉTÉ 

et  de  la  double  octave ,  les  seules  qui  fassent  para- 
phonie.  Comme  on  a  aussi  quelquefois  besoin  de  la 
même  distinction  dans  la  musique  moderne,  on  peut 
l'employer  avec  d'autant  moins  de  scrupule ,  que  la 
sensation  de  Toctave  se  confond  très  souvent  à  Toreille 
avec  celle  de  Funisson. 

Espace,  s.  m.  Intervalle  blanc,  ou  distance  qui  se 
trouve  dans  la  portée  entre  une  ligne  et  celle  qui  la 
suit  immédiatement  au-dessus  ou  au-dessous.  Il  y  a 
quatre  espaces  dans  les  cinq  lignes,  et  il  y  a  de  plus 
deux  espaces,  Tun  au-dessus,  l'autre  au-dessous  delà 
portée  entière  :  Ton  borne,  quand  il  le  faut,  ces  (Jeux 
espaces  indéfinis  par  des  lignes  postiches  ajoutées  en 
haut  ou  en  bas ,  lesquelles  augmentent  l'étendue  de  la 
portée  et  fournissent  de  nouveaux  espaces.  Chacun  de 
ces  espaces  divise  l'intervalle  des  deux  lignes  qui  le 
terminent  en  deux  degrés  diatoniques;  savoir,  un  de 
la  ligne  inférieure  à  Y  espace,  et  l'autre  de  ï  espace  à  la 
ligne  supérieure.  (Voyez  Portée.) 

Etendue,  s.f.  Différence  de  deux  sons  donnés  qui 
en  ont  d'intermédiaires,  ou  somme  de  tous  les  inter- 
valles compris  entre  les  deux  extrêmes.  Ainsi,  la  plus 
grande  étendue  possible,  ou  celle  qui  comprend  toutes 
les  autres,  est  celle  du  plus  grave  au  plus  aigu  de  tous 
les  sons  sensibles  ou  appréciables.  Selon  les  expé- 
riences de  M.  Euler,  toute  cette  étendue  forme  un  in- 
tervalle d'environ  huit  octaves,  entre  un  son  qui  fait 
3o  vibrations  par  seconde,  et  un  autre  qui  en  fait  7 55 2 
dans  le  même  temps. 

Il  n'y  a  point  d'étendue  en  musique  entre  les  deux 
termes  de  laquelle  on  ne  puisse  insérer  une  infinité 


EXÉ  3oi 

de  sons  intermédiaires  qui  le  partagent  en  une  infi- 
nité d'intervalles;  d'où  il  suit  que  \ étendue  sonore  ou 
musicale  est  divisible  à  l'infini,  comme  celle  du  temps 
et  du  lieu.  (Voyez  Intervalle.  ) 

EuDROMÉ.  Nom  de  l'air  que  jouoient  les  hautbois 
aux  jeux  Sthéniens,  institués  dans  Argos  en  l'hon- 
neur de  Jupiter.  Hiérax,  Argien,  étoit  l'inventeur  de 
cet  air.    • 

Éviter,  v.  a.  Eviter  une  cadence,  c'est  ajouter  une 
dissonance  à  l'accord  final,  pour  changer  le  mode  ou 
prolonger  la  phrase.  (  Voyez  Cadence.  ) 

Évité  , />a?'f.  Cadence  évitée.  (Voyez  Cadence.) 

ÉvovAÉ,  s.  m.  Mot  barbare  formé  des  six  voyelles  qui 
marquent  les  syllabes  des  deux  mots ,  secw/on/w  amen, 
et  qui  n'est  d'usage  que  dans  le  plain-chant.  C^est  sur 
les  lettres  de  ce  mot  qu'on  trouve  indiquées  dans  les 
psautiers  et  antiphonaires  des  églises  catholiques  les 
notes  par  lesquelles,  dans  chaque  ton  et  dans  les  di- 
verses modifications  du  ton ,  il  faut  terminer  les  versets 
des  psaumes  ou  des  cantiques. 

L'E'i'Ofâfe  commence  toujours  par  la  dominante  du. 
ton  de  l'antienne  qui  le  précède,  et  finit  toujours  par 
la  finale. 

Euthia,  s.f.  Terme  de  la  musique  grecque,  qui  si- 
gnifie une  suite  de  notes  procédant  du  grave  à  l'aigu, 
lu  euthia  étoit  une  des  parties  de  l'ancienne  mélopée. 

Exacorde,  s.  m.  Instrument  à  six  cordes,  ou  sys- 
tème composé  de  six  sons ,  tel  que  ï exacorde  de  Gui 
d'Arezzo. 

Exécutant,  part,  pris  subst.  Musicien  qui  exécute 
sa  partie  dans  un  concert;  c'est  la  même  chose  que 


3o2  EXÉ 

concertant.  (Voyez  Concertant.)  Voyez  aussi  los  deux 
mots  qui  suivent. 

Exécuter,  v.  a.  Exécuter  une  pièce  de  musique, 
c'est  chanter  et  jouer  toutes  les  parties  qu'elle  con- 
tient, tant  vocales  qu'instrumentales,  dans  rensemhl» 
cju'elles  doivent  avoir,  et  la  rendre  telle  qu'elle  est 
notée  sur  la  partition. 

Comme  la  musique  est  faite  pour  être  entendue, 
on  n'en  peut  bien  juger  que  par  Texécution.  Telle 
partition  paroît  admirable  sur  le  papier,  qu'on  ne 
peut  entendre  exécuter  sans  dégoût  ;  et  telle  autre 
n'offre  aux  yeux  <qu'une  apparence  simple  et  com- 
mune, dont  l'exécution  ravit  par  des  effets  inatten- 
dus. Les  petits  compositeurs,  attentifs  à  donner  de  la 
symétrie  et  du  jeu  à  toutes  leurs  parties,  paroissent 
ordinairement  les  plus  habiles  gens  du  monde,  tant 
qu'on  ne  juge  de  leurs  ouvrages  que  par  les  yeux. 
Aussi  ont-ils  souvent  l'adresse  de  mettre  tant  d'instiu- 
ments  divers ,  tant  de  parties  dans  l(;ur  musique,  qu'on 
ne  puisse  rassembler  que  très  difficilement  tous  les 
sujets  nécessaires  pour  ïexécuter. 

Exécmtion.  s.  f.  L'action  d'exécuter  une  pièce  dé 
musique. 

Comme  la  musique  est  ordinairement  composée  de 
plusieurs  parties  dont  le  rapport  exact,  soit  pour  l'in- 
tonation, soit  pour  la  mesure,  est  extrêmement  diffi- 
cile à  observer,  et  dont  l'esprit  dépend  plus  du  goût 
que  des  signes,  rien  n'est  si  rare  qu'une  bonne  exécu- 
cution.  C'est  peu  de  lire  la  musique  exactement  sur  la 
note ,  il  faut  entrer  dans  toutes  les  idées  du  composi- 
reur.  sentir  et  rendre  le  li'u  de  l'expression ,  avoir  sûr- 


ï 


EXÉ  3o3 

tout  Toreille  juste  et  toujours  attentive  pour  écouter 
et  suivre  Teuseuible.  Il  faut,  en  particulier  dans  la 
musique  Irançoise ,  que  la  partie  principale  sache 
presser  ou  ralentir  le  mouvement  selon  que  l'exigent 
le  goût  (lu  chant,  le  volume  de.voix,  et  le  développe- 
ment des  bras  du  chanteur,  il  faut,  par  conséquent, 
que  toutes  les  autres  parties  soient ,  sans  relâche,  atten- 
tives à  bien  suivre  celle-là.  Aussi  l'ensemble  de  l'Opéra 
de  Paris,  où  la  musique  n'a  point  d'autre  mesure  que 
celle  du  geste,  seroit-il,  à  mon  avis  ,  ce  qu'il  y  a  de 
plus  admirable  en  fait  d'exécution. 

«  Si  les  François,  dit  Saint-Evremont,  par  leur  com- 
«  merce  avec  les  Italiens,  sont  parvenus  à  composer 
«  plus  hardiment,  les  Italiens  ont  aussi  gagné  au  com- 
«  merce  des  François,  en  ce  qu'ils  ont  appris  d'eux  à 
«  rendre  leur  exécution  plus  agréable,  plus  touchante, 
«  et  plus  parfaite.  «  Le  lecteur  se  passera  bien,  je  crois, 
de  mon  commentaire  sur  ce  passage.  Je  dirai  seule- 
ment que  les  François  croient  toute  la  terre  occupée 
de  leur  musique,  et  qu'au  contraire,  dans  les  trois 
quarts  de  l'Italie,  les  musiciens  ne  savent  pas  même 
qu'il  existe  une  musique  françoise  différente  de  la 
leur. 

On  appelle  encore  exécution  la  facilité  de  lire  et 
d exécuter  une  partie  instrumentale,  et  l'on  dit,  par 
exemple,  d'un  symphoniste,  qu'il  a  beaucoup  d'exé- 
cution,  lorsqu'il  exécute  correctement,  sans  hésiter, 
et  à  la  première  vue,  les  choses  les  plus  difficiles: 
Yexécution  prise  en  ce  sens  dépend  surtout  de  deux 
choses  :  premièrement,  d'une  habitude  parfaite  de  la 
touche  et  du  doigter  de  son  instrument;  en  second 


i 


3o4  EXP 

lieu,  d'une  grande  habitude  de  lire  la  musique  et  de 
phraser  en  la  regardant  :  car  tant  qu'on  ne  voit  que 
des  notes  isolées,  on  hésite  toujours  à  les  prononcer  : 
on  n'acquiert  la  grande  facihté  de  \ exécution  qu'en  les 
unissant  par  le  sens  commun  qu'elles  doivent  former, 
et  en  mettant  la  chose  à  la  place  du  signe.  C'est  ainsi 
que  la  mémoire  du  lecteur  ne  Taide  pas  moins  que  ses 
yeux,  et  qu'il  liroit  avec  peine  une  langue  inconnue, 
quoique  écrite  avec  les  mêmes  caractères,  et  com- 
posée des  mêmes  mots  qu'il  lit  couramment  dans  la 
sienne. 

Expression,  s.  f.  Qualité  par  laqueller  le  musicien 
sent  vivement  et  rend  avec  énergie  toutes  les  idées 
qu'il  doit  rendre,  et  tous  les  sentiments  qu'il  doit  ex- 
primer. Il  y  a  une  expression  de  composition  et  une 
d'exécution  ,  et  c'est  de  leur  concours  que  résulte 
l'effet  musical  le  plus  puissant  et  le  plus  agréable. 

Pour  donner  de  Y  expression  à  ses  ouvrages ,  le  com- 
positeur doit  saisir  et  comparer  tous  les  rapports  qui 
peuvent  se  trouver  entre  les  traits  de  son  objet  et  les 
productions  de  son  art;  il  doit  connoître  ou  sentir 
l'effet  de  tous  les  caractères,  afin  déporter  exactement 
celui  qu'il  choisit  au  degré  qui  lui  convient  ;  car  , 
comme  un  bon  peintre  ne  donne  pas  la  même  lumière 
à  tous  ses  objets,  l'habile  musicien  ne  donnera  pas 
non  plus  la  même  énergie  à  tous  ses  sentiments, 
ni  la  même  force  à  tous  ses  tableaux,  et  placera 
chaque  partie  au  lieu  qui  convient,  moins  pour  la 
faire  valoir  seule  que  pour  donner  un  plus  grand  effet 
au  tout. 

Après  avoir  bien  vu  ce  qu'il  doit  dire  il  cherche 


EXP  3o5 

comment  il  le  dira;  et  voici  où  commence  l'applica- 
tion des  préceptes  de  Tart,  qui  est  comme  la  langue 
particulière  dans  laquelle  le  musicien  veut  se  faire 
entendre. 

La  mélodie,  Tharmonie,  le  mouvement,  le  choix 
des  instruments  et  des  voix  sont  les  éléments  du  lan- 
gage musical  ;  et  la  mélodie ,  par  son  rapport  immé- 
diat avec  Taccent  grammatical  et  oratoire,  est  celui 
qui  donne  le  caractère  à  tous  les  autres.  Ainsi  c'est 
toujours  du  chant  que  se  doit  tirer  la  principale  ex- 
pression^ tant  dans  la  musique  instrumentale  que  dans 
la  vocale. 

Ce  qu'on  cherche  donc  à  rendre  par  la  mélodie, 
c'est  le  ton  dont  s'expriment  les  sentiments  qu'on  veut 
représenter;  et  l'on  doit  bien  se  garder  d'imiter  en 
cela  la  déclamation  théâtrale,  qui  n'est  elle-même 
qu'une  imitation ,  mais  la  voix  de  la  nature  parlant 
sans  affectation  et  sans  art.  Ainsi  le  musicien  cher- 
chera d'abord  un  genre  de  mélodie  qui  lui  fournisse 
les  inflexions  musicales  les  plus  convenables  au  sens 
des  paroles ,  en  subordonnant  toujours  Y  expression  des 
mots  à  celle  de  la  pensée,  et  celle-ci  même  à  la  situa- 
tion de  lame  de  l'interlocuteur  :  car ,  quand  on  est 
fortement  affecté,  tous  les  discours  que  l'on  tient 
prennent,  pour  ainsi  dire,  la  teinTe  du  sentiment  gé- 
néral qui  domine  en  nous,  et  l'on  ne  querelle  point  ce 
qu'on  aime  du  ton  dont  on  querelle  un  indifférent. 

La  parole  est  diversement  accentuée  selon  les  di- 
verses passions  qui  l'inspirent ,  tantôt  aiguë  et  véhé- 
mente, tantôt  rémisse  et  lâche,  tantôt  variée  et  impé- 
tueuse, tantôt  égale  et  tranquille  dans  ses  inflexions, 

XÏV.  20 


3o6  £XP 

De  là  le  musicien  tire  les  différences  des  modes  do 
chant  qu'il  emploie  et  des  lieux  divers  dans  lesquels 
il  maintient  la  voix,  la  faisant  procéder  dans  le  bas 
par  de  petits  intervalles  pour  exprimer  les  langueurs 
de  la  tristesse  et  de  rabattement,  lui  arrachant  dans 
le  haut  les  sons  aigus  de  l'emportement  et  de  la  dou- 
leur, et  Fentraînant  rapidement,  partons  les  inter- 
valles de  son  diapason,  dans  l'agitation  du  désespoir 
ou  l'égarement  des  passions  contrastées.  Surtout  il 
faut  bien  observer  que  le  charme  de  la  musique  ne 
consiste  pas  seulement  dans  l'imitation ,  mais  dans 
une  imitation  agréable  ;  et  que  la  déclamation  même, 
pour  faire  un  si  grand  effet,  doit  être  subordonnée  à 
la  mélodie  ;  de  sorte  qu'on  ne  peut  peindre  le  senti- 
ment sans  lui  donner  ce  charme  secret  qui  en  est  in- 
séparable, ni  toucher  le  cœur  si  l'on  ne  plaît  à  l'oreille. 
Et  ceci  est  encore  très  conforme  à  la  nature,  qui  donne 
au  ton  des  personnes  sensibles  je  ne  sais  quelles  in- 
flexions touchantes  et  délicieuses  que  n'eut  jamais 
celui  des  gens  qui  ne  sentent  rien.  IN 'allez  donc  pas 
prendre  le  baroque  pour  l'expressif,  ni  la  dureté  pour 
de  l'énergie ,  ni  donner  un  tableau  hideux  des  pas- 
sions que  vous  voulez  rendre ,  ni  faire ,  en  un  mot , 
comme  à  l'Opéra  françois,  où  le  ton  passionné  res- 
semble aux  cris  de  la  colique ,  bien  plus  qu'aux  trans- 
ports de  l'amour. 

Le  plaisir  physique  qui  résulte  de  l'harmonie  aug- 
mente à  son  tour  le  plaisir  moral  de  l'imitation ,  en 
joignant  les  sensations  agréables  des  accords  à  Vex- 
pression  de  la  mélodie  par  le  même  principe  dont  je 
viens  de  parier.  Mais  l'harmonie  fait  plus  encore  ; 


Exp  3o7 

elle  renforce  V expression  même,  en  donnant  plus  de 
justesse  et  de  précision  aux  intervalles  mélodieux; 
elle  anime  leur  caractère,  et,  marquant  exactement 
Icvu'  place  dans  Tordre  de  la  modulation,  elle  rappelle 
ce  qui  précède ,  annonce  ce  qui  doit  suivre ,  et  lie 
ainsi  les  phrases  dans  le  chant,  comme  les  idées  se 
lient  dans  le  discours.  L'harmonie,  envisagée  de  cette 
manière,  fournit  au  compositeur  de  grande  moyens 
d'expression,  qui  lui  échappent  quand  il  ne  cherche 
Yexpi^essionque  dans  la  seule  harmonie  ;  car  alors,  au 
lieu  d'animer  l'accent,  il  l'étouffé  par  ses  accords  ,  et 
tous  les  intervalles  ,  confondus  dans  un  continuel 
remplissage  ,  n'offrent  à  l'oreille  qu'une  suite  de  sons 
fondamentaux  qui  n'ont  rien  de  touchant  ni  d'agréa- 
ble ,  et  dont  l'effet  s  arrête  au  cerveau. 

Que  fera  donc  1  harmoniste  pour  concourir  à  Vex- 
pression  de  la  mélodie  et  lui  donner  plus  d'effet?  il 
évitera  soigneusement  de  couvrir  le  son  principal 
dans  la  combinaison  des  accords;  il  subordonnera 
tous  ses  accompagnements  à  la  partie  chantante;  il 
en  aiguisera  l'énergie  par  le  concours  des  autres  par- 
ties ;  il  renforcera  l'effet  de  certains  passages  par  des 
accords  sensibles  ;  il  en  dérobera  d'autres  par  suppo- 
sition ou  par  suspension,  en  les  comptant  pour  rien 
sur  la  basse  ;  il  fera  sortir  les  expressions  fortes  par 
des  dissonances  majeures;  il  réservera  les  mineures 
pour  des  sentiments  plus  doux  ;  tantôt  il  liera  toutes 
ces  parties  par  des  sons  continus  et  coulés  ;  tantôt  il 
les  fera  contraster  sur  le  chant  par  des  notes  piquées; 
tantôt  il  frappera  l'oreille  par  des  accords  pleins  ; 
tantôt  il  renforcera  l'accent  par  le  choix  d'un  seul  in- 

20, 


3o3  i:XP 

tervalle  :  partout  il  rendra  présent  et  sensible  lenchaî- 
nement  des  modulations ,  et  fera  servir  la  basse  et 
son  harmonie  à  déterminer  le  lieu  de  chaque  passage 
dans  le  mode,  afin  qu'on  n  entende  jamais  un  inter- 
valle ou  un  trait  de  chant  sans  sentir  en  même  temps 
son  rapport  avec  le  tout. 

A  regard  du  rhytlime ,  jadis  si  puissant  pour  don- 
ner de  la  force ,  de  la  variété ,  de  Fagrément  à  Thar- 
,monie  poétique  ;  si  nos  langues,  moins  accentuées  et 
moins  prosodiques ,  ont  perdu  le  charme  qui  en  ré- 
sukoit,  notre  musique  en  substitue  un  autre  plus  in- 
dépendant du  discours  dans  Tégalité  de  la  mesure,  et 
dans  les  diverses  combinaisons  de  ses  temps,  soit  à-la- 
fois  dans  le  tout,  soit  séparément  dans  chaque  partie. 
Les  quantités  de  la  langue  sont  presque  perdues  sous 
celles  des  notes  ;  et  la  musique,  au  lieu  de  parler  avec 
la  parole-,  emprunte  en  quelque  sorte  de  la  mesure 
un  langage  à  part.  La  force  de  l'expression  consiste , 
en  cette  partie ,  à  réunir  ces  deux  langages  le  plus  qu'il 
est  possible ,  et  à  faire  que ,  si  la  mesure  et  le  rhy thme 
ne  parlent  pas  de  la  même  manière ,  ils  disent  au 
moins  les  mêmes  choses. 

La  gaieté  qui  donne  de  la  vivacité  à  tous  nos  mou- 
vements en  doit  donner  de  même  à  la  mesure;  la 
tristesse  resserre  le  cœur,  ralentit  les  mouvements,  et 
la  même  langueur  se  fait  sentir  dans  les  chants  qu'elle 
inspire  ;  mais  quand  la  douleur  est  vive  ou  qu'il  se 
passe  dans  lame  de  grands  combats ,  la  parole  est 
inégale;  elle  marche  alternativement  avec  la  lenteur 
du  spondée  et  avec  la  rapidité  du  pyrrhique,  et  sou- 
vent s'arrête  tout  court  comme  dans  le  récitatif  obligé: 


1-:  X  p  ^ 


c'est  pour  cela  que  les  musiques  les  plus  expressives , 
ou  du  moins  les  plus  passionnées,  sont  communé- 
ment celles  où  les  temps ,  quoique  égaux  efltre  eux , 
sont  le  plus  inéfjalement  divisés  ;  au  lieu  que  l'image 
du  sommeil,  du  repos,  de  la  paix  de  Tame,  se  peint 
volontiers  avec  des  notes  égales ,  qui  ne  marchent  ni 
vite,  ni  lentement. 

Une  observation  que  le  compositeur  ne  doit  pas 
négliger,  c'est  que,  plus  Tharmonie  est  recherchée, 
moins  le  mouvement  doit  être  vif,  afin  que  Fesprit 
ait  le  temps  de  saisir  la  marche  des  dissonances  et  le 
rapide  enchaînement  des  modulations  ;  il  n'y  a  que 
le  dernier  emportement  des  passions  qui  permette 
d'allier  la  rapidité  de  la  mesure  et  la  dureté  des  ac- 
cords. Alors,  quand  la  tête  est  perdue ,  et  qu'à  force 
d'agitation  l'acteur  semble  ne  savoir  plus  ce  qu'il  dit , 
ce  désordre  énergique  et  terrible  peut  se  porter  ainsi 
jusqu'à  l'ame  du  spectateur ,  et  le  mettre  de  même 
hors  de  lui.  Mais  si  vous  n'êtes  bouillant  et  sublime , 
vous  ne  serez  que  baroque  et  froid;  jetez  vos  audi- 
teurs dans  le  délire,  ou  gardez-vous  d'y  tomber  :  car 
celui  qui  perd  la  raison  n'est  jamais  qu'un  insensé 
aux  yeux  de  ceux  qui  la  conservent,  et  les  fous  n'in- 
téressent plus. 

Quoique  la  plus  grande  force  de  Vexpression  se  tire 
de  la  combinaison  des  sons ,  la  qualité  de  leur  timbre 
n'est  pas  indifférente  pour  le  même  effet.  H  y  a  des 
voix  fortes  et  sonores  qui  en  imposent  par  leur  étoffe; 
d'autres  légères  et  flexibles ,  bonnes  pour  les  choses 
d'exécution;  d'autres  sensibles  et  délicates,  qui  vont 
au  cœur  par  des  chants  doux  et  pathétiques.  En  gé- 


3lO  EXP 

néral  les  dessus  et  toutes  les  voix  aiguës  sont  plus 
propres  pour  exprimer  la  tendresse  et  la  douceur ,  les 
basses  et*concordants  pour  Temportement  et  la  co- 
lère :  mais  les  Italiens  ont  banni  les  basses  de  leurs 
tragédies,  comme  une  partie  dont  le  chant  est  trop 
rude  pour  le  genre  héroïque ,  et  leur  ont  substitué  les 
tailles  ou  ténor,  dont  le  chant  a  le  même  caractère 
avec  un  effet  plus  agréable.  Ils  emploient  ces  mêmes 
basses  plus  convenablement  dans  le  comique  pour 
les  rôles  à  manteaux,  et  généralement  pour  tous  les 
caractères  de  charge. 

IjCS  instruments  ont  aussi  des  expressions  très  diffé- 
rentes selon  que  le  son  en  est  fort  ou  foible,  que  le 
timbre  en  est  aigre  ou  doux,  que  le  diapason  en  est 
grave  ou  aigu,  et  qu'on  en  peut  tirer  des  sons  en  plus 
grande  ou  moindre  quantité.  La  flûte  est  tendre,  le 
hautbois  gai,  la  trompette  guerrière,  le  cor  sonore, 
majestueux,  propre  slux  grandes  expressions .  Mais  il 
n'y  a  point  d'instrument  dont  on  tire  une  expression 
plus  variée  et  plus  universelle  que  du  violon.  Cet  in- 
strument admirable  fait  le  fond  de  tous  les  orchestres , 
et  suffit  au  grand  compositeur  pour  en  tirer  tous  les 
effets  que  les  mauvais  musiciens  cherchent  inutile- 
ment dans  l'alliage  d'une  multitude  d  instruments 
divers.  Le  compositeur  doit  connoître  le  manche  du 
violon  pour  doigter  ses  airs,  pour  disposer  ses  arpè- 
ges, pour  savoir  l'effet  des  cordes  à  vide,  et  pour  em- 
ployer et  choisir  ses  tons  selon  les  divers  caractères 
qu'ils  ont  sur  cet  instrument. 

Vainement  le  compositeur  saura-t-il  animer  son 
ouvrage ,  si  la  chaleur  qui  doit  y  régner  ne  passe  à 


EXP  3ir 

ceux  qui  Texccutent.  Le  chanteur  qui  ne  voit  que  des 
notes  dans  sa  partie  n'est  point  en  état  de  saisir  IW- 
pression  du  compositeur,  ni  d'en  donner  une  ù  ce 
qu'il  chante,  s  il  n  en  a  bien  saisi  le  sens.  Il  faut  en- 
tendre ce  qu'on  lit  pour  le  faire  entendre  aux  autres, 
et  il  ne  suffit  pas  d'être  sensible  en  général ,  si  l'on  ne 
Test  en  particulier  à  lénergie  de  la  langue  qu'on  parle. 
Commencez  donc  par  bien  connoître  le  caractère  du 
chant  que  vous  avez  à  rendre ,  sou  rapport  au  sens 
des  paroles,  la  distinction  de  ses  phrases,  l'accent 
qu'il  a  par  lui-même ,  celui  qu'il  suppose  dans  la  voix 
de  l'exécutant,  1  énergie  que  le  compositeur  a  donnée 
au  poète,  et  celle  que  vous  pouvez  donner  à  votre 
tour  au  compositeur;  alors  livrez  vos  organes  à  toute 
la  chaleur  que  ces  considérations  vous  auront  inspi- 
rée ;  faites  ce  que  vous  feriez  si  vous  étiez  à-la-fois  le 
poète,  le  compositeur,  Facteur,  et  le  chanteur;  et  vous 
aurez  toute  ^expression  qu'il  vous  est  possible  de 
donner  à  l'ouvrage  que  vous  avez  à  rendre.  De  cette 
manière  il  arrivera  naturellement  que  vous  mettrez 
de  la  délicatesse  et  des  ornements  dans  les  chants  qui 
ne  sont  qu'élégants  et  gracieux ,  du  piquant  et  du  feu 
dans  ceux  qui  sont  animés  et  gais ,  des  gémissements 
et  des  plaintes  dans  ceux  qui  sont  tendres  et  pathéti- 
ques, et  toute  l'agitation  au  forte-piano  dans  l'empor- 
tement des  passions  violentes.  Partout  où  l'on  réunira 
fortement  l'acCent  musical  à  l'accent  oratoire,  par- 
tout où  la  mesure  se  fera  vivement  sentir  et  servira 
de  guide  aux  accents  du  chant ,  partout  où  l'accom- 
pagnement et  la  voix  sauront  tellement  accorder  et 
unir  leurs  effets ,  qu'il  n'en  résulte  qu'une  mélodie  j  et 


Ji2  FAC 

que  lauditeur  trompé  attribue  à  la  voix  les  passages 
dont  rorchestie  Tembellit;  enfin  partout  où  les  orne- 
ments, sobrement  ménagés,  porteront  témoignage 
de  la  facilité  du  chanteur,  sans  couvrir  et  défigurer 
léchant,  Y  expression  sera  douce,  agréable,  et  forte; 
Toreille  sera  charmée ,  et  le  cœur  ému  ;  le  physique  et 
le  moral  concourront  à-la-fois  au  plaisir  des  écoutants, 
et  il  régnera  un  tel  accord  entre  la  parole  et  le  chant, 
que  le  tout  semblera  n'être  qu'une  langue  délicieuse 
qui  sait  tout  dire  et  plaît  toujours. 

Extension,  5./.,  est,  selon  Aristoxène,  une  des 
quatre  parties  de  la  mélopée,  qui  consiste  à  soutenir 
long-temps  certains  sons ,  et  au-delà  même  de  leur 
quantité  grammaticale.  Nous  appelons  aujourd'hui 
tenues  les  sons  ainsi  soutenus.  (Voyez  Tenue.  ) 


F. 


F  utfa^  Vfa  ut^  ou  simplement  F.  Quatrième  son 
de  la  gamme  diatonique  et  naturelle,  lequel  s'appelle 
autrement^».  (  Voyez  Gamme.  ) 

C'est  aussi  le  nom  de  la  plus  basse  des  trois  clefs  de 
la  musique.  (Voyez  Clef.) 

Face,  s.f.  Combinaison,  ou  des  sons  d'un  accord, 
en  commençant  par  un  de  ces  sons  et  prenant  les 
autres  selon  leur  suite  naturelle,  ou  des  touches  du 
clavier  qui  forment  le  même  accord.  D'où  il  suit  qu'un 
accord  peut  avoir  autant  de  faces  qu'il  y  a  de  sons 
qui  le  composent;  car  chacun  peut  être  le  premier  à 
son  tour. 

L'accord  parfait  ut  mi  sol  a  trois  faces.  Par  la  pre- 


F  A  N  3  I  3 

iiiièie,  tous  les  doijjts  sont  rangés  par  tierces,  et  la 
tonique  est  sous  Tindex  ;  par  la  seconde ,  mi  sol  ut,i[j 
a  une  quarte  entre  les  deux  derniers  doigts ,  et  la  toni- 
que est  sous  le  dernier;  par  la  troisième,  sol  ut  mi,  la 
quarte  est  entre  Findcx  et  le  quatrième,  et  la  tonique 
est  sous  celui-ci.  (  Voyez  Renversement.  ) 

Comme  les  accords  dissonants  ont  ordinairement 
quatre  sons,  ils  ont  aussi  qimtve  faces,  qu'on  peut 
trouver  avec  la  même  facilité.  (Voyez  Doigter.  ) 

Facteur,  s.  m.  Ouvrier  qui  fait  des  orgues  ou  des 
clavecins. 

Fanfare,  s.f.  Sorte  d  air  militaire,  pour  l'ordinaire 
court  et  brillant,  qui  s'exécute  par  des  trompettes,  et 
qu'on  imite  sur  d'autres  instruments.  La  fanfare  est 
communément  à  deux  dessus  de  trompettes  accom- 
pagnées de  tymbales;  et  bien  exécutée,  elle  a  quel- 
que chose  de  martial  et  de  g^i  qui  convient  fort  à  "son 
usage.  De  toutes  les  troupes  de  l'Europe,  les  alle- 
mandes sont  celles  qui  ont  les  meilleurs  instruments 
militaires:  aussi  leurs  marches  et  fanfar^es  font-elles 
un  effet  admirable.  C'est  une  chose  à  remarquer  que 
dans  tout  le  royaume  de  France  il  n'y  a  pas  un  seul 
trompette  qui  sonne  juste,  et  la  nation  la  plus  guer- 
rière de  l'Europe  a  les  instruments  militaires  les  plus 
discordants;  ce  qui  n'est  pas  sans  inconvénient. 
Durant  les  dernières  guerres,  les  paysans  de  Bohème, 
d'Autriche,  et  de  Bavière,  tous  musiciens  nés,  ne  pou- 
vant croire  que  les  troupes  réglées  eussent  des  instru- 
ments si  faux  et  si  détestables,  prirent  tous  ces  vieux 
corps  pour  de  nouvelles  levées  qu'ils  commencèrent  à 
mépriser;  et  Ton  ne  sauroit  dire  à  combien  de  braves 


3  1  Z^  FA  U 

gens  des  tons  faux  ont  coûté  la  vie  :  tant  il  est  vrai  qu^ , 
clans  Tappareil  de  la  guerre,  il  ne  faut  rien  néglip^er 
de  ce  qui  frappe  les  sens  ! 

Fantaisie,  s.  f.  Pièce  de  musique  instrumentale 
qu'on  exécute  en  la  composant.  Il  y  a  cette  différence 
du  caprice  à  la  fantaisie ,  que  le  caprice  est  un  recueil 
d'idées  singulières  et  disparates  que  rassemble  une 
imagination  échauffée,  et  qu'on  peut  même  com- 
poser à  loisir;  au  lieu  que  \^  fantaisie  peut  être  une 
pièce  très  régulière,  qui  ne  diffère  des  autres  qu'en  ce 
qu'on  l'invente  en  l'exécutant,  et  qu'elle  n'existe  plus 
sitôt  qu'elle  est  achevée.  Ainsi  le  caprice  est  dans 
l'espèce  et  l'assortiment  des  idées,  et  \si  fantaisie  dans 
leur  promptitude  à  se  présenter.  Il  suit  de  là  qu'un 
caprice  peut  fort  bien  s'écrire,  mais  jamais  une  fan- 
taisie; car  sitôt  qu'elle  est  écrite  ou  répétée,  ce  n'est 
plus  une  fantaisie,  c'est  une  pièce  ordinaire. 

Faucet.  (Voyez  Fausset.) 

Fausse-quarte.  (Voyez  Quarte.) 

Fausse-quinte,  s.  f  Intervalle  dissonant,  appelé 
par  les  Grecs  hemi-diapente ,  dont  les  deux  termes 
sont  distants  de  quatre  degrés  diatoniques ,  ainsi  que 
ceux  de  la  quinte  juste,  mais  dont  l'intervalle  est 
moindre  d'un  semi-ton;  celui  de  la  quinte  étant  de 
deux  tons  majeurs,  d'un  ton  mineur,  et  d'un  semi- 
ton  majeur,  et  celui  de  la  fausse-quinte  seulement  d'un 
ton  majeur,  d'un  ton  mineur,  et  de  deux  semi-tons 
majeurs.  Si,  sur  nos  claviers  ordinaires,  on  divise 
Foctave  en  deux  parties  égales,  on  aura  d'un  côté  la 
fausse-quinte,  conime  si  fa,  et  cj^  l'autre  le  triton, 
comme/a  si:  mais  ces  deux  intervalles,  égaux  en  ce 


fAU  2  l'y 


sens ,  ne  le  sont  ni  quant  au  nombre  des  degrés,  puis- 
que le  triton  n'en  a  que  trois,  ni  dans  la  précision  des 
rapports,  celui  de  \di fausse-quinte  étant  de  4^  ^^^-t  et 
celui  du  triton  de  32  à  45. 

L'accord  de  fausse-quinte  est  renversé  de  l'accord 
dominant,  en  mettant  la  note  sensible  au  grave. 
Voyez  au  mot  Accord  comment  celui-là  s'accom- 
pagne. 

Il  faut  bien  distinguer  la yww55e-<yMm^e  dissonance, 
delà  quintefausse  réputée  consonnance,  et  qui  n'est 
altérée  que  par  accident.  (Voyez  Quinte.) 

Fausse-relation,  5.  f  Intervalle  diminué  ou  su- 
perflu. (Voyez  Relation.) 

Fausset  ,  s.  m.  C'est  cette  espèce  de  voix  par  la- 
quelle un  homme,  sortant  à  l'aigu  du  diapason  de  sa 
voix  naturelle,  imite  celle  de  la  femme.  Un  homme  fait 
à  peu  près,  quand  il  chante  le  fausset ,  ce  que  fait  un 
tuyau  d'orgue  quand  il  octavie.  (Voyez  Octavier.) 

Si  ce  mot  vient  du  françois  faux  opposé  ajuste,  il 
faut  l'écrire  comme  je  fais  ici,  en  suivant  l'ortho- 
graphe de  l'Encyclopédie  :  mais  s'il  vient,  comme  je 
le  crois,  du  latin  faux,  faucis,  la  gorge,  il  falioit,  au 
lieu  des  deux  ss  qu'on  a  substituées ,  laisser  le  c  que 
j'y  avois  mis  ifaucet.  ' 

Faux,  adj.  et  adv.  Ce  mot  est  opposé  ajuste. 

On  chante  faux,  quand  on  n'entonne  pas  les  inter- 
valles dans  leur  justesse,  qu'on  forme  des  sons  trop 
hauts  ou  trop  bas. 

Il  y  a  des  \o\\  fausses,  des  cordes  fausses,  des  in- 
struments y«MX.  Quant  aux  voix,  on  prétend  que  le 
défaut  est  dans  l'oreille  et  non  dans  la  glotte  :  cepen- 


3l6  FKI 

dant  j'ai  vu  des  gens  qui  cliaiitoienl  très  faux,  et  qui 
accordoient  un  instrument  très  juste.  La  fausseté  de 
leur  voix  n'avoit  donc  pas  sa  cause  dans  leur  oreille. 
Pour  les  instruments,  quand  les  tons  en  sont  faux, 
c'est  que  Finstrument  est  mal  construit,  que  les  tuyaux 
en  sont  mal  proportionnés ,  ou  les  cordes  fausses,  ou 
qu  elles  ne  sont  pas  d'accord  ;  que  celui  qui  en  joue 
touche  faux ,  ou  qu'il  modifie  mal  le  vent  ou  les 
lèvres. 

Faux-accord.  Accord  discordant,  soit  parcequil 
contient  des  dissonances  proprement  dites,  soitpar- 
ceque  les  consonnances  n'en  sont  pas  justes.  (Voyez 
Accord-faux.) 

Faux-bourdon,  s.  m.  Musique  à  plusieurs  parties  , 
mais  simple  et  sans  mesure,  dont  les  notes  sont  pres- 
que toutes  égales ,  et  dont  l'harmonie  est  toujours  syl- 
labique.  C'est  la  psalmodie  des  catholiques  romains 
chantée  à  plusieurs  parties.  Le  chant  de  nos  psaumes 
à  quatre  parties  peut  aussi  passer  pour  une  espèce  de 
faux-bourdon,  mais  qui  procède  avec  beaucoup  de  len- 
teur et  de  gravité. 

Feinte,  s.  f  Altération  d'une  note  ou  d'un  inter- 
valle par  un  dièse  ou  par  un  bémol.  C'est  proprement 
le  nom  commun  et  générique  du  dièse  et  du  bémol 
accidentels.  Ce  mot  n'est  plus  en  usage,  maison  ne  lui 
en  a  point'substitué.  La  crainte  d'employer  des  tours 
surannés  énerve  tous  les  jours  notre  langue  ;  la 
crainte  d'employer  de  vieux  mots  l'appauvrit  tous  les 
jours  :  ses  plus  grands  ennemis  seront  toujours  les 
puristes. 

On  appcloit  aussi ycm^es  les  touches  chromatiques 


FIG  3i7 

du  clavier,  que  nous  appelons  aujonrcVluii  touches 
blanches,  et  cprautrefois  on  faisoit  noires,  parceque 
nos  grossiers  ancêtres  n'avoient  pas  songé  à  l'aire  le 
clavier  noir,  pour  donner  de  Féclat  à  la  main  des 
femmes.  On  appelle  encore  anjourdliiiiyèmte5-coi/- 
pées  celles  de  ces  touches  qui  sont  brisées  pour  sup- 
pléer au  ravalement. 

Fête,  5.  f.  Divertissement  de  chant  et  de  danse 
qu'on  introduit  dans  un  acte  d'opéra,  et  qui  inter- 
rompt ou  suspend  toujours  l'action. 

Cgs  fêtes  ne  sont  amusantes  qu'autant  que  l'opéra 
même  est  ennuyeux.  Dans  un  drame  intéressant  et 
bien  conduit,  il  seroit  impossible  de  les  supporter. 

La  différence  qu'on  assigne  à  l'Opéra  entre  les  mots 
de  fêle  et  de  divertissement  ^  est  que  le  premier  s'appli- 
que plus  particulièrement  aux  tragédies,  et  le  second 
aux  ballets.  ^ 

Fi.  Syllabe  avec  laquelle  quelques  musiciens  sol- 
fient le  fa  dièse,  comme  ils  solfient  par  ma  le  mi 
bémol;  ce  qui  paroît  assez  bien  entendu.  (Voyez 
Solfier.  ) 

Figuré.  Cet  adjectif  s'applique  aux  notes  ou  à  Ihar- 
monie:  aux  notes,  comme  dans  ce  mot,  basse-figurée ^ 
pour  exprimer  une  basse  dont  les  notes  portant  ac- 
cord sont  subdivisées  en  plusieurs  autres  notes  de 
moindre  valeur  (voyez  Basse-figurée);  à  Fharmonie, 
quand  on  emploie ,  par  supposition  et  dans  une 
marche  diatonique,  d'autres  notes  que  celles  qui  for- 
ment l'accord.  (Voyez  Harmonie-figurée  et  Suppo- 
sition.) 

Figurer  ,  v.  a.  C'est  passer  plusieurs  notes  pour 


3l8  FIN 

une  ;  c'est  faire  des  doubles ,  des  variations  ;  c'est 
ajouter  des  notes  au  chant  de  quelque  manière  que 
ce  soit;  enfin  c'est  donner  aux  sons  harmonieux  une 
figure  de  mélodie,  en  les  liant  par  d'autres  sons  in- 
termédiaires. (Voyez  Double,  Fleurtis,  Harmonie- 
figurée.  ) 

Filer  un  son,  c'est,  en  chantant,  ménager  sa  voix, 
en  sorte  qu'on  puisse  le  prolonger  long-temps  sans 
reprendre  haleine.  H  y  a  deux  manières  àe  filer  un 
son  :  la  première,  en  le  soutenant  toujours  également; 
ce  qui  se  fait  pour  l'ordinaire  sur  les  tenues  où  Tac- 
compagnement  travaille:  la  seconde,  en  le  renfor- 
çant; ce  qui  est  plus  usité  dans  les  passages  et  rou- 
lades. La  première  manière  demande  plus  de  justesse, 
et  les  Italiens  la  préfèrent;  la  seconde  a  plus  d'éclat, 
et  plaît  davantage  aux  François. 

Fin,  s.  f.  Ce  mot  se  place  quelquefois  sur  la  finale 
de  la  première  partie  d'un  rondeau,  pour  marquer 
qu'ayant  repris  cette  première  partie,  c'est  sur  cette 
finale  qu'on  doit  s'arrêter  et  finir.  (Voyez  Rondeau.  } 

On  n'emploie  plus  guère  ce  mot  à  cet  usage,  les 
François  lui  ayant  substitué  le  point  final,  à  l'exemple 
des  Italiens.  (Voyez  Point-final.) 

Finale,  s.  f.  Principale  corde  du  mode  qu'on  ap- 
pelle aussi  tonique,  et  sur  laquelle  l'air  ou  la  pièce  doit 
finir.  (Voyez  Mode.  ) 

Quand  on  compose  à  plusieurs  parties,  et  surtout 
des  chœurs,  il  faut  toujours  que  la  basse  tombe  en 
finissant  sur  la  note  même  de  \di  finale.  Les  autres  par- 
ties peuvent  s'arrêter  sur  sa  tierce  ou  sur  sa  qiiinte. 
Autrefois  c'étoit  une  régie  de  donner  toujours  à  la  fin 


FON  3l9 

d'une  pièce  la  tierce  majeure  à  là  finale,  même  en  mode 
mineur;  mais  cet  usage  a  été  trouvé  de  mauvais  goût 
et  tout-à-fait  abandonné. 

Fixe,  adj.  Cordes  ou  sons  fixes  ou  stables.  (Voyez 
Son,  Stable.) 

Flatté,  s.  m.  Agrément  du  chant  françois,  difficile 
à  définir,  mais  dont  on  comprendra  suffisamment 
leffet  par  un  exemple.  (Voyez  'Planche  B^fgure  i3, 
au  mot.  Flatté.  ) 

Fleurtis,  s.  m.  Sorte  de  contre-point  figuré,  lequel 
n'est  point  syllabique  ou  note  sur  note.  C'est  aussi 
lassemblage  des  divers  agréments  dont  on  orne  un 
chant  trop  simple.  Ce  mot  a  vieilli  en  tout  sens.  (  Vov. 
Broderies  ,  Doubles  ,  Variations  ,  Passages. ) 

FoiBLE,  adj.  Temps foible.  (Voyez  Temps.) 

Fondamental,  adj.  ^on  fondamental  est  celui  qui 
sert  de  fondement  à  l'accord  (  voyez  Accord),  ou  au 
ton  (Voyez  Tonique).  Bdisse-fondamentale  est  ceWe  qui 
sert  de  fondement  à  riiarmonie.  (Voyez  Basse-fonda- 
mentale).  Kccorà  fondamental  est  celui  dont  la  basse 
est  fondamentale ,  et  dont  les  sons  sont  arrangés  selon 
l'ordre  de  leur  génération  :  mais  comme  cet  ordre 
écarte  extrêmement  les  parties ,  on  les  rapproche  par 
des  combinaisons  ou  renversements  ;  et,  pourvu  que 
la  basse  reste  la  même,  l'accord  ne  laisse  pas  pour 
cela  de  porter  le  nom  àe  fondamental;  tel  est,  par 
exemple,  cet  accord  ut  mi  sol,  renfermé  dans  un  in- 
tervalle de  quinte  :  au  lieu  que  dans  Tordre  de  sa  géné- 
ration ut  sol  mi,  il  comprend  une  dixième  et  même 
une  dix-septième ,  puisque  Vût  fondamental  n  est  pas 
la  quinte  de  sol,  mais  l'octave  de  cette  quinte= 


320  FOR 

Force,  s.f.  Qualité  du  son,  appelée  aussi  quelque- 
fois intensité^  qui  le  rend  plus  sensible  et  le  fait  enten- 
tendre  de  plus  loin.  Les  vibrations  plus  ou  moins 
fréquentes  du  corps  sonore  sont  ce  qui  rend  le  son 
aigu  ou  grave;  leur  plus  grand  ou  moindre  écart  de  la 
ligne  de  repos  est  ce  qui  le  rend  fort  ou  foible  ;  quand 
cet  écart  est  trop  grand  et  qu'on  force  Tinstrument 
ou  la  voix  (voyez  Forger),  le  son  devient  bruit,  et 
cesse  d'être  appréciable. 

Forcer  la  voix  ,  c'est  excéder  en  haut  ou  en  bas  son 
diapason  ,  ou  son  volume,  à  force  d'haleine  ;  c'est  crier 
au  lieu  de  chanter.  Toute  voix  ç^viow  force  perd  sa  jus- 
tesse :  cela  arrive  même  aux  instruments  où  Ion  force 
l'archet  ou  le  vent;  et  voilà  pourquoi  les  François 
chantent  rarement  juste. 

FoRLANE ,  s.f.  Air  d'une  danse  de  même  nom ,  com- 
mune à  Venise  ,  surtout  parmi  les  gondoliers.  Sa  me- 
sure est  à  f  ;  elle  se  bat  gaiement ,  et  la  danse  est  aussi 
fort  gaie.  On  Tappelleybr/ane  parcequ'elle  a  pris  nais- 
sance dans  le  Frioul,  dont  les  habitants  s'appellent 
Forlans. 

Fort  ,  adv.  Ce  mot  s'écrit  dans  les  parties  pour 
marquer  qu'il  faut  forcer  le  son  avec  véhémence ,  mais 
sans  le  hausser  ;  chanter  à  pleine  voix ,  tirer  de  l'in- 
strument beaucoup  de  son  :  ou  bien  il  s'emploie  pour 
détruire  l'effet  du  mot  doux  employé  précédemment. 

Les  Italiens  ont  encore  le  su^eridiù^ fortissimo ,  dont 
on  n'a  guère  besoin  dans  la  musique  françoise  ;  car  on 
y  chante  ordinairement  très  fort. 

Fort,  adj.  Temps^orf.  (  Vpyez  Temps.  ) 

Forte-piako.  Substantif  italien  composé,  et  que  les 


FRA  32Ï 


musiciens  devroient  franciser,  comme  les  peintres 
ont  francisé  celui  de  chiaro-scuro ,  en  adoptant  Tidée 
qu'il  exprime.  \jÇ:  forte-piano  est  Tart  d'adoucir  et  ren- 
forcer les  sons  dans  la  mélodie  imitative,  comme  on 
fait  dans  la  parole  qu'elle  doit  imiter.  Non  seulement 
quand  on  parle  avec  chaleur  on  ne  s'exprime  point 
toujours  sur  le  même  ton,  mais  on  ne  parle  pas  tou- 
jours avec  le  même  degré  de  force.  La  musique,  en 
imitant  la  variété  des  accents  et  des  tons,  doit  donc 
imiter  aussi  les  degrés  intenses  ou  rémisses  de  la  pa- 
role, et  parler  tantôt  doux ,  tantôt  fort ,  tantôt  à  demi- 
voix;  et  voilà  ce  qu'indique  en  général  le  vaot  forte- 
piano. 

Fragments.  On  appelle  ainsi  à  l'Opéra  de  Paris  le 
choix  de  trois  ou  quatre  actes  de  ballet ,  qu'on  tire  de 
divers  opéra,  et  qu'on  rassemble,  quoiqu'ils  n'aient 
aucun  rapport  entre  eux,  pour  être  représentés  suc- 
cessivement le  même  jour,  et  remplir,  avec  leurs  en- 
tr'actes ,  la  durée  d'un  spectacle  ordinaire.  Il  n'y  a 
qu'un  homme  sans  goût  qui  puisse  imaginer  un  pareil 
ramassis,  et  qu'un  théâtre  sans  intérêt  oii  l'on  puisse 
le  supporter. 

Frappé  ,  adj.  pris  suhst.  C'est  le  temps  où  l'on  baisse 
la  main  ou  le  pied,  et  où  l'on  frappe  pour  marquer  la 
mesure.  (  Voyez  Thésis.  )  On  ne  frappe  ordinairement 
du  pied  que  le  premier  temps  de  chaque  mesure;  mais 
ceux  qui  coupent  en  deux  la  mesure  à  quatre  frap- 
pent aussi  le  troisième.  En  battant  de  la  main  la  me- 
sure, les  François  ne  frappent  jamais  que  le  premier 
temps,  et  marquent  les  autres  par  divers  mouvements 
de  main  :  mais  les  Italiens  frappent  les  deux  premiers 
,xiv.  2  i 


322  FUG 

de  la  mesure  à  trois ,  et  lèvent  le  troisième  ;  ils  frap- 
pent de  même  les  deux  premiers  de  la  mesure  à  qua- 
tre, et  lèvent  les  deux  autres.  Ces  mouvements  sont 
plus  simples  et  semblent  plus  commodes. 

Fredon  ,  s.  m.  Vieux  mot  qui  signifie  un  passage  ra- 
pide et  presque  toujours  diatonique  de  plusieurs  no- 
tes sur  la  même  syllabe;  c  est  à  peu  près  ce  que  Ton  a 
depuis  appelé  roulade,  avec  cette  différence  que  la 
roulade  dure  davantage  et  s'écrit,  au  lieu  que  le  fredon 
n'est  qu'une  courte  addition  de  goût,  ou,  comme  on 
disoit  autrefois,  une  diminution  que  le  chanteur  fait 
sur  quelque  note. 

Fredonner,  v.  n.  et  a.  F2iire  des  f redons.  Ce  mot  est 
vieux,  et  ne  s'emploie  plus  qu'en  dérision. 

Fugue,  s.f.  Pièce  ou  morceau  de  musique  où  l'on 
traite,  selon  certaines  règles  d'harmonie  et  démodu- 
lation, un  chant  appelé  sujet,  en  le  faisant  passer  suc^ 
cessivement  et  alternativement  d'une  partie  à  une 
autre. 

Voici  les  principales  régies  de  la  fugue,  dont  les 
unes  lui  sont  propres ,  et  les  autres  communes  avec 
l'imitation. 

I.  Le  sujet  procède  de  la  tonique  à  la  dominante, 
ou  de  la  dominante  à  la  tonique,  en  montant  ou  en 
descendant. 

II.  Toute  fugue  a  sa  réponse  dans  la  partie  qui  suit 
immédiatement  celle  qui  a  commencé. 

III.  Cette  réponse  doit  rendre  le  sujet  à  la  quarte 
ou  à  la  quinte ,  et  par  mouvement  semblable,  le  plus 
exactement  qu'il  est  possible;  procédant  de  la  domi- 
nante à  la  tonique,  quand  le  sujet  s'est  annoncé  de  la 


FUG  323 

tonique  à  la  dominante,  et  vice  versa.  Une  partie  peut 
aussi  reprendre  le  même  sujet  à  l'octave  ou  à  Tunisson 
de  la  précédente;  mais  alors  c'est  répétition  plutôt 
qu'une  véritable  réponse. 

IV.  Comme  l'octave  se  divise  en  deux  parties  iné- 
gales, dont  Tune  comprend  quatre  degrés  en  montant 
de  la  tonique  à  la  dominante ,  et  l'autre  seulement 
trois  en  continuant  de  monter  de  la  dominante  à  la  to- 
nique, cela  oblige  d'avoir  égard  à  cette  différence  dans 
l'expression  du  sujet,  et  de  fane  quelque  changement 
dans  la  réponse,  pour  ne  pas  quitter  les  cordes  essen- 
tielles du  mode.  C'est  autre  chose  quand  on  se  pro- 
pose de  changer  de  ton  ;  alors  l'exactitude  même  de  la 
réponse  prise  sur  une  autre  corde  produit  les  altéra- 
tions propres  à  ce  changement. 

V.  Il  faut  que  la  fugue  soit  dessinée  de  telle  sorte 
que  la  réponse  puisse  entrer  avant  la  fin  du  premier 
chant,  afin  qu  on  entende  en  partie  l'une  etlautre  à-la- 
fois,  que  par  cette  anticipation  le  sujet  se  lie  pour 
ainsi  dire  à  lui-même ,  et  que  l'art  du  compositeur  se 
montre  dans  ce  concours.  C  est  se  moquer  que  de  don- 
ner ^ouY  fugue  un  chant  qu'on  ne  fait  que  promener 
d'une  partie  à  l'autre,  sans  autre  gêne  que  de  l'accom- 
pagner ensuite  à  sa  volonté  :  cela  mérite  tout  au  plus 
le  nom  d'imitation.  (Voyez  Imitation.  ) 

Outre  ces  régies ,  qui  sont  fondamentales  ,  pour 
réussir  dans  ce  genre  de  composition,  il  y  en  a  d'au- 
tres qui ,  pour  n'être  que  de  goût ,  n'en  sont  pas  moins 
essentielles,  hes  fugues,  en  général,  rendent  la  musi- 
que plus  bruyante  qu'agréable  ;  c'est  pourquoi  elles 
conviennent  mieux  dans  les  chœurs  que  partout  aii- 


2  1 


324  FUG 

leurs.  Or,  comme  leur  principal  mérite  est  de  fixer 
toujours  Foreille  sur  le  chant  principal  ou  sujet ,  qu'on 
fait  pour  cela  passer  incessamment  de  partie  en  par- 
tie, et  de  modulation  en  modulation,  le  compositeur 
doit  mettre  tous  ses  soins  à  rendre  toujours  ce  chant 
bien  distinct,  ou  à  empêcher  qu'il  ne  soit  étouffé  ou 
confondu  parmi  les  autres  parties.  Il  y  a  pour  cela 
deux  moyens.  L'un,  dans  le  mouvement  qu'il  faut 
sans  cesse  contraster  :  de  sorte  que,  si  la  marche  de  la 
fugue  est  précipitée ,  les  autres  parties  procèdent  po- 
sément par  des  notes  longues;  et,  au  contraire,  si  la 
fugue  marche  gravement,  que  les  accompagnements 
travaillent  davantage.  Le  second  moyen  est  d'écarter 
l'harmonie,  de  peur  que  les  autres  parties,  s'appro- 
chant  trop  de  celle  qui  chante  le  sujet,  ne  se  confon- 
dent avec  elle ,  et  ne  rempôchent  de  se  faire  entendre 
assez  nettement;  en  sorte  que  ce  qui  seroit  un  vice 
partout  ailleurs  devient  ici  une  beauté. 

Unité  de  mélodie;  voilà  la  grande  régie  commune 
qu'il  fout  souvent  pratiquer  par  des  moyens  diffé- 
rents. Il  faut  choisir  les  accords,  les  intervalles  ,  afin 
qu'un  certain  son ,  et  non  pas  un  autre ,  fasse  l'effet 
principal  :  unité  de  mélodie. 

Il  faut  quelquefois  mettre  en  jeu  des  instruments 
ou  des  voix  d'espèce  différente,  afin  que  la  partie  qui 
doit  dominer  se  distingue  plus  aisément  :  unité  de  mé- 
lodie. Une  autre  attention  non  moim;  nécessaire  est, 
dans  les  divers  enchaînements  de  modulations  qu'a- 
mène la  marche  et  le  progrès  de  la  fugue,  de  faire  que 
toutes  ces  modulations  se  correspondent  à-la-fois  dans 
toutes  les  parties,  de  lier  le  tout  dans  son  progrès  par 


FUS  325 

une  exacte  conformité  de  ton,  de  peur  qu'une  partie 
étant  dans  un  ton  et  Tautre  dans  un  autre ,  l'harmonie 
entière  ne  soit  dans  aucun ,  et  ne  présente  plus  d'effet 
simple  à  l'oreille,  ni  d'idée  simple  à  l'esprit  :  unité  de 
imlodie.  En  un  mot,  dans  ioute  fugue ^  la  confusion  de 
mélodie  et  de  modulation  est  en  même  temps  ce  qu'il 
y  a  de  plus  à  craindre  et  de  plus  difficile  a  éviter;  et  le 
plaisir  que  donne  ce  genre  de  musique  étant  toujours 
médiocre ,  on  peut  dire  qu'une  heWe  fugue  est  l'inprat 
chef-d'œuvre  d'un  bon  harmoniste. 

Il  y  a  encore  plusieurs  autres  manières  àe  fugues; 
comme  les  fugues  perpétuelles  ^  appelées  canons ,  les  dou- 
bles fugues  ,  les  contre  fugues ,  ou  fugues  renversées ,  qu'on 
peut  voir  chacune  à  son  mot ,  et  qui  sei-vent  plus  à 
étaler  l'art  des  compositeurs  qu'à  flatter  l'oreille  des 
écoutants. 

Fugue,  du  latin  fuga ,  fuite  ;  parceque  les  parties, 
partant  ainsi  successivement ,  semblent  se  fuir  et  se 
poursuivre  l'une  l'autre. 

Fugue  RENVERSÉE.  C'est  une  fugue  dont  la  réponse 
se  fait  par  mouvement  contraire  à  celui  du  sujet. 
(Voyez  Contre-fugue.  ) 

Fusée,  s.f  Trait  rapide  et  continu  qui  monte  ou 
descend  pour  joindre  diatoniquement  deux  notes  à 
un  grand  intervalle  l'une  de  l'autre.  (Voyez  PL  C, 
figure  4.)  A  moins  que  la  fusée  ne  soit  notée,  il  faut , 
pour  l'exécuter ,  qu'une  des  deux  notes  extrêmes  ait 
une  durée  sur  laquelle  on  puisse  passer  la  fusée  sans 
altérer  la  mesure. 


26  GAM 


G. 


G  re  sol,  G  sol  re  ut  ^  ou  simplement  G.  Cinquième 
son  de  la  gamme  diatonique,  lequel  s'appelle  autre- 
ment so/.  (Voyez  Gamme.) 

C'est  aussi  le  nom  de  la  plus  haute  des  trois  clefs  de 
la  musique.  (Voyez  Clef.) 

Gai,  adv.  Ce  mot,  écrit  au-dessus  d'un  air  ou  d'un 
morceau  de  musique ,  indique  un  mouvement  moyen 
entre  le  vite  et  le  modéré  ;  il  répond  au  mot  italien  al- 
legro^ employé  pour  le  même  usage.  (Voyez  Allegro.) 

Ce  mot  peut  s'entendre  aussi  du  caractère  d'une 
musique,  indépendamment  du  mouvement. 

Gaillarde,  s.f.  Air  à  trois  temps  gais  d'une  danse 
de  même  nom.  On  la  nommoit  autrefois  rornanesque ^ 
parcequ'elle  nous  est,  dit-on,  venue  de  Rome,  ou  du 
moins  d'Italie. 

Cette  danse  est  hors  d'usage  depuis  long-temps.  Il 
en  est  resté  seulement  un  pas  appelé,  pas  de  gaillarde. 

Gamme,  gamm'ut,  ou  gamma-ut.  Table  ou  échelle 
inventée  par  Gui  Arétin,  sur  laquelle  on  apprend  à 
nommer  et  entonner  juste  les  degrés  de  l'octave  par 
les  six  notes  de  musique,  ut  re  mi  fa  sol  la^  suivant 
toutes  les  dispositions  qu'on  peut  leur  donner;  ce  qui 
s'appelle  solfier.  (Voyez  ce  mot.) 

Ij3l  gamme  a  aussi  été  nommée  tnain  harmonique^ 
parceque  Gui  employa  d'abord  la  figure  d'une  main  , 
sur  les  doigts  de  laquelle  il  rangea  ses  notes ,  pour 
montrer  les  rapports  de  ses  hexacordes  avec  les  cinq 
tétracordes  des  Grecs.  Cette  main  a  été  en  usage  pour 


G  A  iM  J  2  7 


apprendre  à  iioininer  les  notes  jusqu'à  Tinvention  du 
si  qui  a  aboli  chez  nous  les  muances ,  et  par  consé- 
quent la  main  harmonique  qui  sert  à  le$  expliquer. 

Gui  Arétin  ,  ayant ,  selon  Topinion  commune  , 
ajouté  au  diagramme  des  Grecs  un  tétracorde  à  Faigu , 
et  une  corde  au  grave,  ou  plutôt,  selon  Meibomius, 
ayant,  par  ces  additions,  rétabli  ce  diagramme  dans 
son  ancienne  étendue ,  il  appela  cette  corde  grave  hy- 
poproslambanoiiiénos ,  et  la  marqua  par  le  r  des  Grecs  ; 
et  comme  cette  lettre  se  trouva  ainsi  à  la  tête  de 
Téchelle,  en  plaçant  dans  le  haut  les  sons  graves,  se- 
lon la  méthode  des  anciens,  elle  a  fait  donner  à  cette 
échelle  le  nom  barbare  de  gamme. 

Cette  g atnme  donc,  dans  toute  son  étendue,  étoit 
composée  de  vingt  cordes  ou  notes,  c'est-à-dire  de 
deux  octaves  et  d'une  sixte  majeure.  Ces  cordes  étoient 
représentées  par  des  lettres  et  par  des  syllabes.  Les 
lettres  désignoient  invariablement  chacune  une  corde 
déterminée  de  l'échelle,  comme  elles  font  encore  au- 
jourd'hui; mais  comme  il  n'y  avoit  d'abord  que  six 
lettres,  enfin  que  sept,  et  qu'il  falloit  recommencer 
d'octave  en  octave,  on  distinguoit  ces  octaves  par  les 
figures  des  lettres.  La  première  octave  se  marquoit 
par  des  lettres  capitales  de  cette  manière:  r.A.B.,etc.  ; 
la  seconde,  par  des  caractères  courants  g.  a.  b.;  et 
pour  la  sixte  surnuméraire,  on  employoit  des  lettres 
doubles,  gg,  aa.  bb.^  etc. 

Quant  aux  syllabes ,  elles  ne  représentoient  que  les 
noms  qu'il  falloit  donner  aux  notes  en  les  chantant. 
Or,  comme  il  n'y  avoit  que  six  noms  pour  sept  notes , 
c'étoit  une  nécessité  qu'au  moins  un  même  nom  fût 


338  GAM 

donné  à  deux  différentes  notes;  ce  qui  se  fit  de  ma- 
nière que  ces  deux  notes  mi  fa  ou  lafa^  tombassent 
sur  les  semi-tons  :  par  conséquent ,  dès  qu'il  se  présen- 
toit  un  dièse  ou  un  bémol  qui  amenoit  un  nouveau 
semi-ton ,  c'étoient  encore  des  noms  à  cbanger  ;  ce  qui 
faisoit  donner  le  même  nom  à  différentes  notes ,  et 
différents  noms  à  la  même  note,  selon  le  progrès  du 
chant  ;  et  ces  changements  de  noms  s'appeloient 
muances. 

On  apprenoit  donc  ces  muances  par  la  gamme.  A  la 
gauche  de  chaque  degré  on  voyoit  une  lettre  qui  indi- 
quoit  la  corde  précise  appartenant  à  ce  degré;  à  la 
droite,  dans  les  cases,  on  trouyoit  les  différents  noms 
que  cette  même  note  devoit  porter  en  montant  ou  en 
descendant  par  bécarre  ou  par  bémol ,  selon  le  progrès . 

Les  difficultés  de  cette  méthode  ont  fait  faire  en 
divers  temps  plusieurs  changements  à  la  gamme.  La 
figure  i  o,P/.  A,  représente  cette  gamme  telle  qu'elle  est 
actuellement  usitée  en  Italie.  C'est  à  peu  près  la  mênie 
chose  en  Espagne  et  en  Portugal ,  si  ce  n'est  qu'on 
trouve  quelquefois  à  la  dernière  place  la  colonne  du 
bécarre,  qui  est  ici  la  première ,  ou  quelque  autre  dif- 
férence aussi  peu  importante. 

Pour  se  servir  de  cette  échelle,  si  l'on  veut  chanter 
au  naturel ,  on  applique  m£  à  F  de  la  première  colonne , 
le  long  de  laquelle  on  monte  jusqu'au  /a;  après  quoi, 
passant  à  droite  dans  la  colonne  du  h  naturel,  on 
îiomme^;  on  monte  au  la  de  la  même  colonne,  puis 
on  retourne  dans  la  précédente  à  m«,  et  ainsi  de  suite  ; 
ou  bien  on  peut  commencer  par  ut  au  C  de  la  seconde 
colonne;  ariivé  au  /«,  passer  à  /?i/ dans  la  première 


GAM  329 

colonne  ,  pnis  repasser  dans  l'autre  colonne  au  fa. 
Vdv  ce  moyen  Tune  de  ces  transitions  forme  toujours 
un  semi-ton,  savoir  lafa\  et  l'autre  toujours  un  ton  , 
savoir,  la  mi.  Par  bémol,  on  peut  commencera  Xut 
en  c  ou/",  et  faire  les  transitions  de  la  même  ma- 


nière, etc. 


En  descendant  par  bécarre  on  quitte  \ut  de  la  co- 
lonne du  milieu  pour  passer  au  mi  de  celle  par  bé- 
carre ,  ou  ^nfa  de  celle  par  bémol  ;  puis  descendant  j  us- 
qu'à  Y  ut  de  cette  nouvelle  colonne,  on  en  sort  par^u 
de  gauche  à  droite  ,  par  mi  de  droite  à  (jauche ,  etc. 

Les  Anglois  n'emploient  pas  toutes  ces  syllabes , 
mais  seulement  les  quatre  premières,  ^it  re  mi  fa  , 
changeant  ainsi  de  colonne  de  quatre  en  quatre  notes , 
ou  de  trois  en  trois  par  une  méthode  semblable  à  celle 
que  je  viens  d'expliquer ,  si  ce  n'est  qu'au  lieu  de  la  fa 
et  de  la  mi.,  il  faut  muer  par^w  id^  et  par  mi  ut. 

Les  Allemands  n'ont  point  d'autre  giamme  que  les 
lettres  initiales  qui  marquent  les  sons  fixes  dans  les 
autres  gammes.,  et  ils  solfient  même  avec  ces  lettres  de 
la  manière  qu'on  pourra  voir  au  mot  Solfier. 

La  gamme  françoise,  autrement  ôÀie^amme  du  s«, 
lève  les  embarras  de  toutes  ces  transitions.  Elle  con- 
siste en  une  simple  échelle  de  six  degrés  sur  deux  co- 
lonnes ,  outre  celle  des  lettres.  (Voyez  Planche  A  , 
fig.  II .)  La  première  colonne  à  gauche  est  pour  chanter 
par  bémol,  c'est-à-dire  avec  un  bémol  à  la  clef;  la  se- 
conde, pour  chanter  au  naturel.  Voilà  tout  le  mys- 
tère de  la  gamme  françoise,  qui  n'a  guère  plus  de  dif- 
ficulté que  d'utilité,  attendu  que  toute  autre  altération 
qu'un  bémol  la  met  à  l'instant  hors  d'usage.  Les  au- 


33o  GKN 

très  gammes  n  ont  par-dessus  celle-là  que  Tavanta^o 
d'avoir  aussi  une  colonne  pour  le  bécarre,  c'est-à-dire 
pour  un  dièse  à  la  clef;  mais  sitôt  qu'on  y  met  plus 
d'un  dièse  ou  d'un  bémol  (ce  qui  ne  se  faisoit  jamais 
autrefois),  toutes  ces  gammes  sont  également  inutiles. 
Aujourd'hui  que  les  musiciens  françois  chantent  tout 
au  naturel,  ils  n'ont  que  faire  de  gamme.  C  sol  ut,  ut , 
et  C ,  ne  sont  pour  eux  que  la  même  chose.  Mais ,  dans 
le  système  de  (rui ,  ut  est  une  chose,  et  C  en  est  une 
autre  fort  différente  ;  et  quand  il  a  donné  à  chaque  note 
une  syllabe  et  une  lettre,  il  n'a  pas  prétendu  en  faire 
des  synonymes;  ce  qui  eût  été  doubler  inutilement  les 
noms  et  les  embarras. 

Gavotte,  s.  f.  Sorte  de  danse  dont  l'air  est  à  deux 
temps,  et  se  coupe  en  deux  reprises,  dont  chacune 
commence  avec  le  second  temps  et  finit  sur  le  pre- 
m^ier.  Le  mouvement  de  la  gavotte  est  ordinairement 
gracieux,  souvent  gai,  quelquefois  aussi  tendre  et 
lent.  Elle  marque  ses  phrases  et  ses  repos  de  deux  en 
deux  mesures. 

Génie,  s.  m.  Ne  cherche  point ,  jeune  artiste,  ce  que 
c'est  que  \e*génie.  En  as-tu,  tu  le  sens  en  toi-même. 
N'en  as-tu  pas,  tu  ne  le  connoîtras  jamais.  Le  génie  du 
musicien  soumet  l'univers  entier  à  son  ait;  il  peint 
tous  les  tableaux  par  des  sons;  il  fait  parler  le  silence 
même  ;  il  rend  les  idées  par  des  sentiments ,  les  senti- 
ments par  des  accents  ;  et  les  passions  qu'il  exprime, 
il  les  excite  au  fond  des  cœurs:  la  volupté,  par  lui, 
prend  de  nouveaux  charmes  ;  la  douleur  qu'il  fait  gé- 
mir aj-rache  des  cris;  il  brûle  sans  cesse,  et  ne  se  con- 
sume jamais  :  il  exprime  avec  chaleur  les  frimas  et 


GEN  33l 

les  {places  ;  même  en  peignant  les  horreurs  de  la  moit , 
il  porte  dans  Tame  ce  sentiment  de  vie  qui  ne  Taban- 
donne  point,  et  qu'il  communique  aux  cœurs  faits 
pour  le  sentir  :  mais ,  hclas  !  il  ne  sait  rien  dire  à  ceux 
où  son  germe  n'est  pas  ,  et  ses  prodiges  sont  peu  sen- 
sibles à  qui  ne  les  peut  imiter.  Veux- tu  donc  savoir  si 
quelque  étincelle  de  ce  feu  dévorant  faiïîme;  cours  , 
vole  à  Naples  écouter  les  chefs-d'œuvre  de  Léo ,  de 
Durante^  de  Jomelli,  de  Pergolèse.  Si  tes  yeux  s'emplis- 
sent de  larmes,  si  tu  sens  ton  cœur  palpiter,  si  des 
tressaillements  t'agitent,  si  l'oppression  te  suffoque 
dans  tes  transports,  prends  le  Métastase  et  travaille; 
son  génie  échauffera  le  tien ,  tu  créeras  à  son  exemple  : 
c'est  là  ce  que  fait  le  génie ,  et  d'autres  yeux  te  ren- 
dront bientôt  les  pleurs  que  les  maîtres  t'ont  fait 
verser.  Mais  si  les  charmes  de  ce  grand  art  te  laissent 
tranquille,  si  tu  n'as  ni  délire  ni  ravissement,  si  tu  ne 
trouves  que  beau  ce  qui  transporte,  oses-tu  demander 
ce  qu'est  le  ^e/zî'e?  homme  vulgaire,  ne  profane  point 
ce  nom  sublime.  Que  t'importeroit  de  le  connoître? 
tu  ne  saurois  le  sentir  :  fais  de  la  musique  françoise. 

Geisre,  s.  m.  Division  et  disposition  du  tétracorde, 
considéré  dans'les  intervalles  des  quatre  sons  qui  le 
composent.  On  conçoit  que  cette  définition,  qui  est 
celle  d'Euclide ,  n'est  applicable  qu'à  la  musique  grec- 
que, dont  j'ai  à  parler  en  premier  lieu. 

La  bonne  constitution  de  l'accord  du  tétracorde, 
c'est-à-dire  l'établissement  d'un  getire  régulic^r,  dé- 
pendoit  des  trois  régies  suivantes,  que  je  tire  d'Aris- 
toxène. 

La  première  étoit  que  les  deux  cordes  extrêmes,  du 


332  GEN 

tétracorde  dévoient  toujours  rester  immobiles,  afiu 
que  leur  intervalle  fût  toujours  celui  d'une  quarte  juste 
ou  du  diatessaron.  Quant  aux  deux  cordes  moyennes, 
elles  varioient  à  la  vérité  ;  mais  l'intervalle  du  lichanos 
à  la  mèse  ne  devoit  jamais  passer  deux  tons,  ni  dimi- 
nuer au-delà  d  un  ton^  de  sorte  qu'on  a  voit  précisé- 
ment l'espace  d'un  ton  pour  varier  l'accord  du  licha- 
nos :  et  c'est  la  seconde  régie.  La  troisième  étoit  que 
l'intervalle  de  la  parhypate ,  ou  seconde  corde  à  Tliy- 
pate,  n'excédât  jamais  celui  de  la  même  parhypate 
au  lichanos. 

Comme  en  général  cet  accord  pouvoit  se  diversi- 
fier jde  trois  façons,  cela  constituoit  trois  principaux 
genres;  savoir,  le  diatonique,  le  chromatique,  et  l'en- 
harmonique. Ces  deux  derniers  genres,  où  les  deux 
premiers  intervalles  faisoient  toujours  ensemble  une 
somme  moindre  que  le  troisième  intervalle ,  s'ap- 
peloient,  à  cause  de  cela ,  genres  épais  ou  serrés.  (Voyez 
Epais.  ) 

Dans  le  diatonique,  la  modulation  procédoit  par 
un  semi-ton,  un  ton^  et  un  autre  ton,  si  ut  re  mi;  et 
comme  on  y  passoit  par  deux  tons  consécutifs,  de  là 
lui  venoit  le  nom  de  diatonique.  Le  chromatique  pro- 
cédoit successivement  par  deux  semi-tons  et  un  hémi- 
diton  ou  une  tierce  mineure,  si,  ut,  ut  dièse,  mi  ;  cette 
modulation  tenoit  le  milieu  entre  celles  du  diatoni- 
que et  de  l'enharmonique,  y  faisant,  pour  ainsi  dire, 
sentir  diverses  nuances  de  sons,  de  même  qu'en- 
tre deux  couleurs  principales  on  introduit  plusieurs 
jfiuances  intermédiaires;  et  de  là  vient  qu'on  appeloit 
Ce  genre  chromatique  ou  coloré.  Dans  Fenharmoni- 


GEN  333 

que,  la  modulation  procédoit  par  deux  quarts  de  ton , 
en  divisant,  selon  la  doctrine  d'Aristoxène,  le  semi- 
ton  majeur  en  deux  parties  égales,  et  un  diton  ou  une 
tierce  majeure,  comme  si^  si àièse  enharmonique,  ut^ 
et  mi;  ou  bien,  selon  les  pythagoriciens,  en  divisant 
le  semi-ton  majeur  en  deux  intervalles  inégaux,  qui 
formoient,  Tun  le  semi-ton  mineur,  c'est-à-dire  notre 
dièse  ordinaire,  et  l  autre  le  complément  de  ce  même 
semi-ton  mineur  au  semi-ton  majeur,  et  ensuite  le 
diton,  comme  ci-devant,  si^  si  dièse  ordinaire,  ut,  mi. 
Dans  le  premier  cas,  les  deux  intervalles  égaux  du  si 
à  l'it^étoient  tous  deux  enharmoniques  ou  d'un  quart 
de  ton;  dans  le  second  cas,  il  n'y  avoit  d'enharmoni- 
que que  le  passage  du  si  dièse  à  Y  ut,  c'est-à-dire  la  dif- 
férence du  semi-ton  mineur  au  semi-ton  majeur,  la- 
quelle est  le  dièse  appelé  de  Pythagore,  et  le  véritable 
intervalle  enharmonique  donné  par  la  nature. 

Comme  donc  cette  modulation,  dit  M.  Burette,  se 
tenoit  d'abord  très  serrée ,  ne  parcourant  que  de  petits 
intervalles,  des  intervalles  presque  insensibles,  on  la 
nommoit  enharmonique,  comme  qui  diroit  bien  jointe  ^ 
bien  assemblée ,  probe  coagmentata. 

Outre  ces  genres  principaux,  il  y  en  avoit  d'autres 
qui  résultoient  tous  des  divers  partages  du  tétracorde, 
ou  de  façons  de  l'accorder  différentes  de  celles  dont 
je  viens  de  parler.  Aristoxène  subdivise  le  genre  diato- 
nique en  syntonique  et  diatonique  mol.  (Voyez  Diato- 
nique), et  le  geni^e  chromatique  en  mol,  hémolien  et 
tonique  (voy«z  Chromatique),  dont  il  donne  les  dif- 
férences comme  je  les  rapporte  à  leurs  articles.  Aris- 
tide Quintilien  fait  mention  de  plusieurs  amtres  genrefi 


334  GEN 

particuliers ,  et  il  en  compte  six  qu'il  donne  pour 
très  anciens;  savoir,  le  lydien,  le  dorien,  le  phry- 
gien, Fionien,  le  myxolidien,  et  le  syntonolydien.  Ces 
six  genres,  qu  il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  tons  ou 
modes  de  mêmes  noms,  différoient  par  leurs  degrés 
ainsi  que  par  leur  accord;  les  uns  n'arrivoient  pas 
à  Toctave,  les  autres  Fatteignoient,  les  autres  la  pas- 
soient;  en  sorte  qu'ils  participoient  à-la  fois  du  genre 
et  du  mode.  On  en  peut  voir  le  détail  dans  le  Musi- 
cien grec. 

En  général  le  diatonique  se  divise  en  autant  d'es- 
pèces qu'on  peut  assigner  d'intervalles  différents  entre 
le  semi-ton  et  le  ton; 

Le  chromatique .  en  autant  d'espèces  qu'on  peut 
assigner  d'intervalles  entre  le  semi-ton  et  le  dièse  en- 
harmonique.     \ 

Quant  à  l'enharmonique,  il  ne  se  subdivise  point. 

Indépendamment  de  toutes  ces  subdivisions  ,  il  y 
avoit  encore  un  genre  commun  dans  lequel  on  n'em- 
ployoit  que  des  sons  stables  qui  appartiennent  à  tous 
les  genres ,  et  un  genre  mixte  qui  participoit  du  carac- 
tère de  deux  genres  ou  de  tous  les  trois.  Or,  il  faut  bien 
remarquer  que  dans  ce  mélange  àes  genres ,  qui  étoit 
très  rare,  on  n'employoit  pas  pour  cela  plus  de  quatre 
cordes ,  mais  on  les  tendoit  ou  relâchoit  diversement 
durant  une  même  pièce;  ce  qui  ne  paroît  pas  trop 
facile  à  pratiquer.  Je  soupçonne  que  peut-être  un 
tétracorde  étoit  accordé  dans  un  genre,  et  un  autre 
dans  un  autre;  mais  les  auteurs  ne  s'expliquent  pas 
clairement  là-dessus. 

On  lit  dans  Aristoxène  (  Liv.   i ,  Part.  II)  que,  jus- 


GEN  335 

qu  au  temps  d'Alexandre ,  le  diatonique  et  le  chroma- 
tique étoient  négliges  des  anciens  musiciens,  et  qu'ils 
ne  s'exerçoient  que  dans  le  gem^e  enharmonique, 
comme  le  seul  digne  de  leur  habileté;  mais  ce  genre 
étoit  entièrement  abandonné  du  temps  de  Plutar- 
que,  et  le  chromatique  aussi  fut  oublié,  même  avant 
Macrobe. 

L'étude  des  écrits  des  anciens ,  plus  que  le  progrès 
de  notre  musique,  nous  a  rendu  ces  idées  perdues 
chez  leurs  successeurs.  Nous  avons  comme  eux  le 
genre  diatonique,  le  chromatique,  et  renharmonique, 
mais  sans  aucunes  divisions,  et  nous  considérons  ces 
genres  sous  des  idées  fort  différentes  de  celles  qu'ils 
en  avoient;  c'étoient  pour  eux  autant  de  manières 
particulières  de  conduire  le  chant  surcertaines  cordes 
prescrites  :  pour  nous,  ce  sont  autant  de  manières  de 
conduire  le  corps  entier  de  l'harmonie,  qui  forcent 
les  parties  à  suivre  les  intervalles  prescrits  par  ces 
genres  :  de  sorte  que  le  genre  appartient  encore  plus  à 
Iharmonie  qui  l'engendre,  qu'à  la  mélodie  qui  le  fait 
sentir. 

Il  faut  encore  observer  que,  dans  notre  musique, 
les  genres  sont  presque  toujours  mixtes,  c'est-à-dire 
que  le  diatonique  entre  pour  beaucoup  dans  le  chro- 
matique, et  que  l'un  et  l'autre  sont  nécessairement 
mêlés  à  l'enharmonique.  Une  pièce  de  musique  tout 
entière  dans  un  seul  genre  seroit  très  difficile  à  con- 
duire et  ne  seroit  pas  supportable;  car  dans  le  diato- 
nique, il  seroit  impossible  de  changer  de  ton;  dans  le 
chromatique,  on  seroit  forcé  de  changer  de  ton  à 
chaque  note;  et  dans  l'enharmonique  il  n'y  auroit  ah- 


336  Gou 

solument  aucune  sorte  de  liaison.  Tout  cela  vient 
encore  des  régies  de  l'harmonie,  qui  assujettissent  la 
succession  des  accords  à  certaines  régies  incompati- 
bles avec  une  continuelle  succession  enharmonique 
ou  chromatique )  et  aussi  de  celles  de  la  mélodie,  qui 
n  en  sauroit  tirer  de  beaux  chants.  Il  n'en  étoit  pas  de 
même  des  genres  des  anciens  :  comme  les  tétracordes 
étoient  également  complets,  quoique  divisés  diffé- 
remment dans  chacun  des  trois  systèmes,  si  dans  la 
mélodie  ordinaire  un  genre  eût  emprunté  d'un  autre 
d'autres  sons  que  ceux  qui  se  trouvoient  nécessaire- 
ment communs  entre  eux ,  le  tétracorde  auix)it  eu  plus 
de  quatre  cordes,  et  toutes  les  régies  de  leur  musique 
auroient  été  confondues. 

M.  Serre,  de  Genève,  a  fait  la  distinction  d'un 
quatrième  genre ^  duquel  j'ai  parlé  dans  son  article. 

(Voyez  DiACOMMATIQUE.  ) 

Gigue,  s.f.  Air  d'une  danse  de  même  nom,  dont  la 
mesure  est  à  six-huit  et  d'un  mouvement  assez  gai. 
Les  opéra  françois  contiennent  beaucoup  de  gigues j 
et  les  gigues  de  Corelli  ont  été  long-temps  célèbres  : 
mais  ces  airs  sont  entièrement  passés  de  mode;  on 
n'en  faitphis  du  tout  en  Italie,  et  l'on  n'en  fait  plus 
guère  en  France. 

GouT,  5.  m.  De  tous  les  dons  naturels  le  goût  est 
celui  qui  se  sent  le  mieux  et  qui  s'explique  le  moins  : 
il  ne  seroit  pas  ce  qu'il  est,  si  l'on  pouvoit  le  définir, 
car  il  juge  des  objets  sur  lesquels  le  jugement  n'a  plus 
de  prise,  et  sert,  si  j'ose  parler  ainsi,  de  lunette  à  la 
raison. 

Il  y  a,  dans  la  mélodie,  des  chants  plus  agréables 


{ 


GOU  337 

que  d'autres ,  quoique  également  bien  modulés  ;  il  y  a , 
dans  l'harmonie,  des  choses  d'elCet  et  des  choses  sans 
effet ,  toutes  également  régulières  5  il  y  a  dans  Fentre- 
lacement  des  morceaux  un  ai^t  exquis  de  faire  valoir 
les  uns  par  les  autres,  qui  tient  à  quelque  chose  dû 
plus  fm  que  la  loi  des  contrastes  ;  il  y  a  dans  l'exécu- 
tion du  même  morceau  des  manières  différentes  de 
le  rendre,  sans  jamais  sortir  de  son  caractère  :  de  ces 
manières ,  les  unes  plaisent  plus  que  les  autres ,  et  loin 
de  les  pouvoir  soumettre  aux  régies,  on  ne  peut  pas 
même  les  déterminer.  Lecteur,  rendez-moi  raison  de 
ces  différences,  et  je  vous  dirai  ce  que  c'est  que  le 
goût. 

Chaque  homme  a  un  goût  particulier  par  lequel  ii 
donne  aux  choses  qu'il  appelle  belles  et  bonnes  un 
ordre  qui  n'appartient  qu'à  lui.  L'un  est  plus  touché 
des  morceaux  pathétiques  ;  l'autre  aime  mieux^les  airs 
gais  :  une  voix  douce  et  flexible  chargera  ses  chants 
d'ornements  agréables;  une  voix  sensible  et  forte  ani^ 
mera  les  siens  des  accents  de  la  passion  :  l'un  cher- 
chera la  simplicité  dans  la  mélodie  ;  l'autre  fera  cas  des 
traits  recherchés  :  et  tous  deux  appelleront  élégance 
le  goût  qu'ils  auront  préféré.  Cette  diversité  vient , 
tantôt  de  la  différente  disposition  des  organes,  dont  le 
goût  enseigne  à  tirer  parti,  tantôt  du  caractère  parti- 
culier de  chaque  homme ,  qui  le  rend  plus  sensible  à 
un  plaisir  ou  à  un  défaut  qu'à  un  autre,  tantôt  de  la 
diversité  d'âge  ou  de  sexe,  qui  tourne  les  désirs  vers 
des  objets  différents;  dans  tous  ces  cas,  chacun» 
n'ayant  que  son  goût  k  opposer  à  celui  d'un  autre,  il 
est  évident  qu'il  n'en  faut  point  disputer. 
XIV.  22 


338  Gou 

Mais  il  y  a  aussi  un  goût  général  sur  lequel  tous  les 
gens  bien  organisés  s'accordent;  et  c'est  celui-ci 
seulement  auquel  on  peut  donner  absolument  le  nom 
de  goût.  Faites  entendre  un  concert  à  des  oreilles  suf- 
fisamment exercées  et  à  des  hommes  suffisamment 
instruits ,  le  plus  grand  nombre  s'accordera ,  pour 
l'ordinaire,  sur  le  jugement  des  morceaux  et  sur 
Tordre  de  préférence  qui  leur  convient.  Demandez  à 
chacun  raison  de  son  jugement;  il  y  a  des  choses  sur 
lesquelles  ils  la  rendront  d'un  avis  presque  unanime  : 
ces  choses  sont  celles  qui  se  trouvent  soumises  aux  ré- 
gies; et  ce  jugement  commun  est  alors  celui  de  l'artiste 
ou  duconnoisseur  :  mais  de  ces  choses  qu'ils  s'accor- 
dent à  trouver  bonnes  ou  mauvaises ,  il  y  en  a  sur  les- 
quelles ils  ne  pourront  autoriser  leur  jugement  par 
aucune  raison  solide  et  commune  à  tous  ;  et  ce  dernier 
jugement  appartient  à  l'homme  de  goût.  Que  si  l'una- 
nimité parfaite  ne  s'y  trouve  pas,  c'est  que  tous  ne 
sont  pas  également  bien  organisés ,  que  tous  ne  sont 
pas  gens  de  goût^  et  que  les  préjugés  de  l'habitude  ou 
de  l'éducation  changent  souvent,  par  des  conventions 
arbitraires,  l'ordre  des  beautés  naturelles.  Quant  à 
ce  goût^  on  en  peut  disputer,  parcéqu'il  n'y  en  a  qu'un 
qui  soit  le  vrai  :  mais  je  ne  vois  guère  d'autre  moyen 
de  terminer  la  dispute  que  celui  de  compter  les  voix, 
quand  on  ne  convient  pas  même  de  celle  de  la  nature. 
Voilà  donc  ce  qui  doit  décider  de  la  préférence  entre 
la  musique  françoise  et  Titalienne. 
♦  Au  reste,  le  génie  crée,  mais  le  goût  choisit;  et  sou- 
vent un  génie  trop  abondant  a  besoin  d'un  censeur 
sévère  qui  l'empêche  d'abuser  de  ses  richesses.  Sans 


GRA  339 

goût  on  peut  faire  de  grandes  choses  ;  mais  c'est  lui 
qui  les  rend  intéressantes.  C'est  le  goût  qui  fait  saisir 
au  compositeur  les  idées  du  poète  ;  c'est  le  goût  qui 
fait  saisira  l'exécutant  les  idées  du  compositeur;  c'est 
le  goût  qui  fournit  à  l'un  et  à  l'autre  tout  ce  qui  peut 
orner  et  faire  valoir  leur  sujet  ;  et  c'est  le  goût  qui  donne 
à  l'auditeur  le  sentiment  de  toutes  ces  convenances; 
Cependant  le  goût  n'est  point  la  sensibilité  :  on  peut 
avoir  beaucoup  de  goût  avec  une  ame  froide  ;  et  tel 
homme  transporté  des  choses  vraiment  passionnées 
est  peu  touché  des  gracieuses.  Il  semble  que  le  goût 
s'attache  plus  volontiers  aux  petites  expressions,  et 
la  sensibilité  aux  grandes. 

GouT-DU-CHAiNT.  C'cst  aiusi  qu'on  appelle  en  France 
l'art  de  chanter  ou  de  jouer  les  notes  avec  les  agré- 
ments qui  leur  conviennent,  pour  couvrir  un  peu  la 
fadeur  du  chant  françois.  On  trouve  à  Paris  plusieurs 
maîtres  de  goût-de-chant  ^  et  ce  goût  a  plusieurs  termes 
qui  lui  sont  propres  ;  on  trouvera  les  principaux  au 
mot  Agréments. 

Le  goût-du-chant  consiste  aussi  beaucoup  à  donner 
artificiellement  à  la  voix  du  chanteur  le  timbre ,  bon 
ou  mauvais ,  de  quelque  acteur  ou  actrice  à  la  mode  ; 
tantôt  il  consiste  à  nasillonner,  tantôt  à  canarder, 
tantôt  à  chevrotter,  tantôt  à  glapir  :  mais  tout  cela 
sont  des  grâces  passagères  qui  changent  sans  cesse 
avec  leurs  auteurs. 

Grave  ou  Gravement.  Adverbe  qui  marque  lenteur 
dans  le  mouvement,  et  de  plus  une  certaine  gravité 
dans  l'exécution. 

Grave,  acj/'.  est  opposé  à  aigu.  Plus  les  vibrations 

22. 


34o  GUI 

Gu  corps  sonore  sont  lentes,  plus  le  son  est  grave. 
(Voyez  Son,  Gravité.) 

Gravité,  s.f.  C'est  cette  modification  du  son  par 
laquelle  on  le  considère  comme  grave  ou  bas  par  rap- 
port à  d'autres  sons  qu'on  appelle  hauts  ou  aigus.  Il 
n  y  a  point  dans  la  langue  françoise  de  corrélatif  à  ce 
mot  ;  car  celui  d'acuité  n'a  pu  passer. 

1j?l  gravité  des  sons  dépend  de  la  grosseur,  longueur, 
tension  des  cordes,  de  la  longueur  et  du  diamètre  des 
tuyaux,  et  en  général  du  volume  et  de  la  masse  des 
corps  sonores;  plus  ils  ont  de  tout  cela,  plus  leur 
gravité  est  grande  :  mais  il  n'y  a  point  de  gravité  ab- 
solue ,  et  nul  son  n  est  grave  ou  aigu  que  par  com- 
paraison. 

Gros-fa.  Certaines  vieilles  musiques  d'église,  en 
notes  carrées  ,  rondes,  ou  blanches,  s'appeloient  jadis 
du  gros-fa. 

Groupe,  s.  m.  Selon  l'abbé  Brossard,  quatre  notes 
égales  et  diatoniques,  dont  la  première  et  la  troisième 
sont  sur  le  même  degré,  forment  un  groupe.  Quand 
la  deuxième  descend  et  que  la  quatrième  monte,  c'est 
groupe  ascendant;  quand  la  deuxième  monte  et  que  la 
quatrième  descend,  c  est  groupe  descendant:  et  il  ajoute 
que  ce  nom  a  été  donné  à  ces  notes  à  cause  de  la  figure 
qu'elles  forment  ensemble. 

Je  ne  me  souviens  pas  d'avoir  jamais  ouï  employer 
ce  mot,  en  parlant,  dans  le  sens  que  lui  donne  l'abbé 
Brossard,  ni  même  de  l'avoir  lu  dans  le  même  sens 
ailleurs  que  dans  son  dictionnaire. 

Guide  ,  s.  f.  C'est  la  partie  qui  entre  la  première 
dans  une  fugue  et  annonce  le  sujet.  (Voyez  Fugue.  ) 


HAR  34 J 

Ce  mot,  commun  en  Ilaiie,  est  peu  usité  en  France 
dans  le  même  sens. 

Guidon,  s.  m.  Petit  sl.jjne  de  musique,  lequel  se 
met  à  l'extrémité  de  chaque  portée  sur  le  degré  où 
sera  placée  la  note  qui  doit  commencer  la  portée  sui- 
vante :  si  cette  première  note  est  accompagnée  acci- 
dentellement d'un  dièse ,  d'un  bémol ,  ou  d'un  bécarre , 
il  convient  d'en  accompagner  aussi  le  guidon. 

On  ne  se  sert  plus  de  giiidons  en  Italie,  surtout 
dans  les  partitions,  où  chaque  portée  ayant  toujoius 
dans  l'accolade  sa  place  fixe,  on  ne  sauroit  guère  se 
tromper  en  passant  de  l'une  à  l'autre.  Mais  les  guidons 
sont  nécessaires  dans  les  partitions  françoises,  parce- 
que,  d'une  ligne  à  l'autre,  les  accolades  embrassant 
plus  ou  moins  de  portées ,  vous  laissent  dans  une  con- 
tinuelle incertitude  de  la  portée  correspondante  à 
celle  que  vous  avez  quittée. 

Gymnopédie,  s.f.  Air  ou  nome  sur  lequel  dansoient 
à  nu  les  jeunes  Lacédémoniennes. 


H. 


Harmatias.  Nom  d'un  nome  dactylique  de  la 
musique  grecque,  inventé  par  le  premier  Olympe, 
phrygien. 

Harmonie,  s.f.  Le  sens  que  donnoient  les  Grecs  h 
ce  mot  dans  leur  musique  est  d'autant  moins  facile  à 
déterminer,  qu'étant  originairement  un  nom  propre, 
il  n'a  point  de  racines  par  lesquelles  on  puisse  le  dé- 
composer pour  en  tirer  l'étymologie.  Dans  les  anciens 
traités  qui  nous  restent ,  V harmonie  ipsiroii  être  la  partie 


342  HAR 

qui  a  pour  objet  la  succession  convenable  des  sons, 
entant  qu'ils  sont  aigus  ou  graves,  par  opposition 
aux  deux  autres  parties  appelées  rhythmica  et  metrica, 
qui  se  rapportent  au  temps  et  à  la  mesure;  ce  qui 
laisse  à  cette  convenance  une  idée  vague  et  indéter- 
minée qu'on  ne  peut  fixer  que  par  une  étude  expresse 
de  toutes  les  règles  de  l'art;  et  encore,  "après  cela, 

^  Y  harmonie  sera-t-elle  fort  difficile  à  distinguer  de  la 
mélodie ,  à  moins  qu'on  n'ajoute  à  cette  dernière  les 
idées  de  rhythme  et  de  mesure,  sans  lesquelles,  en 
effet ,  nulle  mélodie  ne  peut  avoir  un  caractère  déter- 
miné ;  au  lieu  que  V harmonie  a  le  sien  par  elle-même 
indépendamment  de  toute  autre  quantité.  (Voyez 
Mélodie.) 

On  voit,  par  un  passage  de  Nicomaque  et  par 
d'autres,  qu'ils  donnoient  aussi  quelquefois  le  nom 
d'harmonie  à  la  consonnance  de  l'octave,  et  aux  con- 
certs de  voix  et  d'instruments  qui  s'exécutoient  à 
î'octave,  et  qu'ils  appeloient  plus  communément  «:/«- 
tiphonies. 

Harmonie,  selon  les  modernes,  est  une  succession 
d'accords  selon  les  lois  de  la  modulation.  Long-temps 
cette  harmonie  n'eut  d'autres  principes  que  des  régies 
presque  arbitraires  ou  fondées  uniquement  sur  l'ap- 
probation d'une  oreille  exercée  ,  qui  jugeoit  de  la 
bonne  ou  mauvaise  succession  des  consonnances,  et 
dont  on  mettoit  ensuite  les  décisions  en  calcul.  Mais 
le  P.  Mersenne  et  M.  Sauveur  ayant  trouvé  que  tout 

,  son,  bien  que  simple  en  apparence ,  étoit  toujours 
accompagné  d'autres  sons  moins  sensibles  qui  for- 
moient  avec  lui  l'accord  parfait  mnjeur,  M.  Rameau 


est  parti  de  cette  expérience,  et  en  a  fait  la  base  de 
son  système  harmonique,  dont  il  a  rempli  beaucoup 
de  livres,  et  qu  enfin  M.  d'Alembert  a  pris  la  peine 
d'expliquer  au  public. 

M.  Tartini,  partant  d'une  aulre  expérience  plus 
neuve,  plus  délicate,  et  non  moins  certaine,  est  par- 
venu à  des  conclusions  assez  semblables  par  un  che- 
min tout  opposé.  M.  Eameau  fait  engendrer  les  dessus 
par  la  basse  ;  M.  Tartini  fait  engendrer  la  basse  par 
les  dessus  :  celui-ci  tire  \  harmonie  de  la  mélodie ,  et 
le  premier  fait  tout  le  contraire.  Pour  décider  de  la- 
quelle des  deux  écoles  doivent  sortir  les  meilleurs  ou- 
vrages, il  ne  faut  que  savoir  lequel  doit  être  fait  pour 
Tautre ,  du  chant  ou  de  Faccompagnement.  On  trou- 
vera au  mot  Système  un  court  exposé  de  celui  de 
M.  Tartini.  Je  continue  à  parler  ici  dans  celui  de 
M.  Rameau,  cjue  j'ai  suivi  dans  tout  cet  ouvrage, 
comme  le  seul  admis  dans  le  pays  où  j'écris. 

Je  dois  pourtant  déclarer  que  ce  système,  quelque 
ingénieux  qu'il  soit,  n'est  rien  moins  que  fondé  sur  la 
nature,  comme  il  le  répète  sans  cesse;  qu'il  n'est  éta- 
bli que  sur  des  analogies  et  des  convenances  qu'un 
homme  inventif  peut  renverser  demain  par  d'autres 
plus  naturelles  ;  qu'enfin  des  expériences  dont  il  le 
déduit,  l'une  est  reconnue  fausse ,  et  l'autre  ne  fournit 
point  les  conséquences  qu'il  en  tire.  En  effet,  quand 
cet  auteur  a  voulu  décorer  du  titre  de  dé  nions  Ira  tion 
les  raisonnements  sur  lesquels  il  établit  sa  théorie , 
tout  le  monde  s'est  moqué  de  lui;  l'académie  a  hau- 
tement désapprouvé  cette  qualification  obreptice;  et 
M.  Estéve,  de  la  société  royale  de  Montpellier,  lui  a 


344  HAR 

fait  voir  qu'à  commencer  par  cette  proposition ,  que , 
dans  la  loi  de  la  nature,  les  octaves  des  sons  les  repré- 
sentent et  peuvent  se  prendre  pour  eux,  il  n'y  avoit 
rien  du  tout  qui  fût  démontré ,  ni  même  solidement 
établi  dans  sa  prétendue  démonstration.  Je  reviens  à 
son  système. 

Le  principe  physique  de  la  résonnance  nous  offre 
les  accords  isolés  et  solitaires  ;  il  n'en  établit  pas  la 
succession.  Une  succession  régulière  est  pourtant  né- 
cessaire. Un  dictionnaire  de  mots  choisis  n'est  pas  une 
harangue,  ni  un  recueil  de  bons  accords  une  pièce  de 
musique  :  il  faut  un  sens,  il  faut  de  la  liaison  dans  la 
piusique  ainsi  que  dans  le  langage  ;  il  faut  que  quel- 
que chose  de  ce  qui  précède  se  transmette  à  ce  qui 
suit,  pour  que  le  tout  fasse  un  ensemble  etpuisse  être 
appelé  véritablement  un. 

Or  la  sensation  composée  qui  résulte  d'un  accord 
parfait  se  résout  dans  la  sensation  absolue  de  chacun 
des  sons  qui  le  composent,  et  dans  la  sensation  com- 
parée de  chacun  des  intervalles  que  ces  mêmes  sons 
forment  entre  eux  :  il  n'y  a  rien  au-delà  de  sensible 
dans  cet  accord;  d'où  il  suit  que  ce  n'est  que  par  le 
rapport  des  sons  et  par  l'analogie  des  intervalles  qu'on 
peut  établir  la  liaison  dont  il  s'agit,  et  c'est  là  le  vrai 
et  Funique  principe  d'où  découlent  toutes  les  lois  de 
Y  harmonie  et  de  la  modulation.  Si  donc  toute  \liar- 
vionien  étoit  formée  que  par  une  succession  d'accords 
parfaits  majeurs  ,  il  suffiroit  d'y  procéder  par  inter- 
valles semblables  à  ceux  qui  composent  un  tel  accord  ; 
car  alors ,  quelque  son  de  l'accord  précédent  se  pro- 
longeant nécessairement  dans  le  suivant,  tous  les  ac- 


IIAR  345 

cords  se  trouveroicnt  suffisamment  lies,  et  Y  harmonie 
seroit  une  au  moins  en  ce  sens. 

Mais,  outre  que  de  telles  successions  excluroient 
toute  mélodie  en  excluant  le  genre  diatonique  qui  en 
fait  la  base,  elles  n'iroient  point  au  vrai  but  de  Fart; 
puisque  la  musique,  étant  un  discours,  doit  avoir 
comme  lui  ses  périodes,  ses  phrases,  ses  suspensions , 
ses  repos,  sa  ponctuation  de  toute  espèce,  efc  que 
l'uniformité  des  marches  harmoniques  n'offriroit  rien 
de  tout  cela.  Les.  marches  diatoniques  exigeoient  que 
les  accords  majeurs  et  mineurs  fussent  entremêlés , 
et  Ton  a  senti  la  nécessité  des  dissonances  pour  mar- 
quer les  phrases  et  les  repos.  Or,  la  succession  liée 
des  accords  parfaits  majeurs  ne  donne  ni  Taccord 
parfait  mineur,  ni  la  dissonance,  ni  aucune  espèce 
de  phrase ,  et  la  ponctuation  s'y  trouve  tout-à-fait  en 
défaut. 

M.  Rameau  voulant  absolument,  dans  son  système, 
tirer  delà  nature  toute  notre  harmonie^  a  eu  recours 
pour  cet  effet  à  une  autre  expérience  de  son  invention , 
de  laquelle  j'ai  parlé  ci-devant,  et  qui  est  renversée 
de  la  première  :  il  a  prétendu  qu'un  son  quelconque 
fournissoit  dans  ses  multiples  un  accord  parfait  mi- 
neur au  grave,  dont  il  étoit  la  dominante  ou  quinte, 
comme  il  en  fournit  un  majeur  dans  ses  aliquotes, 
dont  il  est  la  tonique  ou  fondamentale.  Il  a  avancé, 
c6tome  un  fait  assuré ,  qu'une  corde  sonore  faisoit  vi- 
brer dans  leur  totalité,  sans  pourtant  les  faire  réson- 
ner, deux  autres  cordes  plus  graves,  l'une  à  sa  dou- 
zième majeure,  et  l'autre  à. sa  dix-septième;  et  de  ce 
fait,  joint  au  précédent,  il  a  déduit  fort  ingénieuse- 


346  iiAîi 

ment,  non  seulement  lintioduction  du  mode  mineur 
et  de  la  dissonance  dans  \ harmonie,  mais  les  régies  de 
la  phrase  harmonique  et  de  toute  la  modulation,  telles 
qu'on  les  trouve  aux  mots  Accord,  Accompagnement, 
Basse-fondamentale,  Cadence,  Dissonance,  Modu- 
lation. 

Mais  premièrement  l'expérience  est  fausse  :  il  est 
reconnu  que  les  cordes  accordées  au-dessous  du  son 
fondamental,  ne  frémissent  point  en  entier  à  ce  son 
fondamental,  mais  qu'elles  se  divisent  pour  en  ren- 
dre seulement  Funisson,  lequel  conséquemment  n'a 
point  d'harmoniques  en  dessous  :  il  est  reconnu  de 
plus  que  la  propriété  qu'ont  les  cordes  de  se  diviser 
n'est  point  particulière  à  celles  qui  sont  accordées  à 
la  douzième  et  à  la  dix-septième  en  dessous  du  son 
principal,  mais  qu'elle  est  commune  à  tous  ses  mul- 
tiples; d'où  il  suit  que,  les  intervalles  de  douzième  et 
de  dix-septième  en  dessous  n'étant  pas  uniques  en 
leur  manière,  on  n'en  peut  rien  conclure  en  faveur 
de  l'accord  parfait  mineur  qu'ils  représentent. 

Quand  on  supposeroit  la  vérité  de  cette  expérience, 
cela  ne  léveroit  pas  à  beaucoup  près  les  difficultés. 
Si,  comme  le  prétend  M.  Rameau,  toute  Y  harmonie 
est  dérivée  de  la  résonnance  du  corps  sonore ,  il  n'en 
dérive  donc  point  des  seules  vibrations  du  corps  so- 
nore qui  ne  résonne  pas.  En  effet,  c'est  une  étrange 
théorie  de  tirer  de  ce  qui  ne  résonne  pas  les  principes 
de  Yhormonie;  et  c'est  une  étrange  physique  de  faire 
vibrer  et  non  résonner  le  corps  sonore,  comme  si  le 
son  lui-même  étoit  autre  chose  que  l'air  ébranlé  par 
ces  vibrations.  D'ailleurs  le  corps  sonore  ne  donne 


IIAR  347 

pas  seulement,  outre  le  son  principal,  les  sons  qui 
composent  avec  lui  l'accord  parfait,  mais  une  infinité 
d'autres  sons ,  formes  par  toutes  les  aliquotes  du  corps 
sonore,  lesquels  n'entrent  point  dans  cet  accord  par- 
fait. Pourquoi  les  premiers  sont-ils  consonnants ,  et 
pourquoi  les  autres  ne  le  sont-ils  pas,  puisqu'ils  sont 
tous  également  donnés  parla  nature? 

Tout  son  donne  un  accord  vraiment  parfait,  puis- 
qu'il est  formé  de  tous  ses  harmoniques,  et  que  c'est 
par  eux  qu'il  est  un  son  :  cependant  ces  harmoniques 
ne  s'entendent  pas,  et  l'on  ne  distingue  qu'un  son 
simple,  à  moins  qu'il  ne  soit  extrêmement  fort;  d'où  il 
suit  que  la  seule  honne  harmonie  est  l'unisson,  et  qu'aus- 
sitôt qu'on  distingue  les  consonnances,  la  proportion 
naturelle  étant  altérée,  \ harmonie  a  perdu  sa  pureté. 

Cette  altération  se  fait  alors  de  deux  manières. 
Premièrement,  en  faisant  sonner  certains  harmoni- 
ques ,  et  non  pas  les  autres ,  on  change  le  rapport  de 
force  qui  doit  régner  entre  eux  tous ,  pour  produire  la 
sensation  d'un  son  unique,  et  l'unité  de  la  nature  est 
détruite.  On  produit,  en  doublant  ces  harmoniques  , 
un  effet  semblable  à  celui  qu'on  produiroit  en  étouffant 
tous  les  autres  ;  car  alors  il  ne  faut  pas  douter  qu'avec 
le  son  générateur  on  n'entendît  ceux  des  harmoniques 
qu'on  auroit  laissés  ;  au  lieu  qu'en  les  laissant  tous , 
ils  s'entre-détruisent ,  et  concourent  ensemble  à  pro- 
duire et  renforcer  la  sensation  unique  du  son  princi- 
pal. C'est  le  même  effet  que  donne  le  plein  jeu  de 
l'orgue ,  lorsqu'ôtant  successivement  les  registres  , 
on  laisse  avec  le  principal  la  doublette  et  la  quinte  ; 
car  alors  cette  quinte  et  cette  tierce,  qui  restoient 


34S  TÎAR 


confondues,  se  distinguent  séparément  et  désagréa- 
blement. 

De  plus ,  les  harmoniques  qu'on  fait  sonner  ont  eux- 
mêmes  d'autres  harmoniques,  lesquels  ne  le  sont  pas 
du  son  fondamental  :  c'est  par  ces  harmoniques  ajoutés 
que  celui  qui  les  produit  se  distingue  encore  plus  du- 
rement; et  ces  mêmes  harmoniques  qui  font  ainsi  sen- 
tir l'accord  n'entrent  point  dans  son  harmonie.  Voilà 
pourquoi  les  consonnances  les  plus  parfaites  déplai- 
sent naturellement  aux  oreilles  peu  faites  à  les  enten- 
dre, et  je  ne  doute  pas  que  l'octave  elle-même  ne 
déplût  comme  les  autres ,  si  le  mélange  des  voix 
d'hommes  et  de  femmes  n'en  donnoit  l'habitude  dès 
l'enfance. 

C'est  encore  pis  dans  la  dissonance,  puisque,  non 
seulement  les  harmoniques  du  son  qui  la  donnent, 
mais  ce  son  lui-même  n  entre  point  dans  le  système 
harmonieux  du  son  fondametital;  ce  qui  fait  que  la  dis- 
sonance se  distingue  toujours  d'une  manière  cho- 
quante parmi  tous  les  autres  sons. 

Chaque  touche  d'un  orgue,  dans  le  plein-jeu,  donne 
un  accord  parfait  tierce  majeure,  qu'on  ne  distingue 
pas  du  son  fondamental ,  à  moins  qu'on  ne  soit  d'une 
attention  extrême  et  qu'on  ne  tire  successivement  les 
jeux;  mais  ces  sons  harmoniques  ne  se  confondent 
avec  le  principal  qu'à  la  faveur  du  grand  bruit  et 
d'un  arrangement  de  registres  par  lequel  les  tuyaux 
qui  font  résonner  le  son  fondamental  couvrent  de  leur 
force  ceux  qui  donnent  ses  harmoniques.  Or  ,  on 
n'observe  point  et  l'on  ne  sauroit  observer  cette  pro- 
portion continuelle  dans  un  concert,  puisque ,  attendu 


IIAR  349 

le  renversement  de  Y /larmonie ,  il  faudroit  que  cette 
plus  grande  force  passât  à  chaque  instant  d'une  partie 
à  une  antre;  ce  qui  n'est  pas  praticable,  et  défigure- 
roit  toute  la  mélodie. 

Quand  on  joue  de  l'orgue,  chaque  touche  de  la 
basse  fait  sonner  Taccord  parfait  majeur;  mais  parce- 
que  cette  basse  n'est  pas  toujours  fondamentale,  et 
qu'on  module  souvent  en  accord  parfait  mineur,  cet 
accord  parfait  majeur  est  rarement  celui  que  frappe 
Ifi  main  droite  ;  de  sorte  qu'on  entend  la  tierce  mineure 
avec  la  majeure ,  la  quinte  avec  le  triton ,  la  septième 
superflue  avec  l'octave,  et  mille  autres  cacophonies, 
dont  nos  oreilles  sont  peu  choquées ,  parceque  l'habi- 
tude les  rend  accommodantes  ;  mais  il  n'est  point  à 
présumer  qu'il  en  fût  ainsi  d'une  oreille  naturelle- 
ment juste,  et  qu'on  mettroitpour  la  première  fois  a 
l'épreuve  de  cette  harmonie'. 

M.  Rameau  prétend  que  les  dessus  d'une  certame 
simplicité  suggèrent  naturellement  leur  basse ,  et 
qu'un  homme,  ayant  l'oreille  juste  et  non  exercée, 
entonnera  naturellement  cette  basse.  C'est  là  un  pré- 
jugé de  musicien  démenti  par  toute  expérience.  Non 
seulement  celui  qui  n'aura  jamais  entendu  ni  basse  ni 
harmonie  ne  trouvera  de  lui-même  ni  cette  harmonie 
ni  cette  basse,  mais  elles  lui  déplairont  si  on  les  lui 
fait  entendre ,  et  il  aimera  beaucoup  mieux  le  simple 
unisson. 

Quand  on  songe  que,  de  tous  les  peuples  de  la 
terre,  qui  tous  ont  une  musique  et  un  chant,  les  Eu- 
ropéens sont  les  seuls  qui  aient  une  hannonie,  des  ac- 
cords, et  qui  trouvent  ce  mélange  agréable;  quand 


35o  HAK 

on  songe  que  le  monde  a  duré  tant  de  siècles  ,^ans  que , 
de  toutes  les  nations  qui  ont  cultivé  les  beaux-arts, 
aucune  ait  connu  cette  harmonie;  qu  aucun  animal, 
qu'aucun  oiseau ,  qu'aucun  être  dans  la  nature  ne 
produit  d'autre  accord  que  l'unisson,  ni  d'autre  mu- 
sique que  la  mélodie;  que  les  langues  orientales,  si 
sonores,  si  musicales;  que  les  oreilles  grecques,  si  dé- 
licates, si  sensibles,  exercées  avec  tant  d'art,  n'ont  ja- 
mais guidé  ces  peuples  voluptueux  et  passionnés  vers 
notre  harmonie;  que  sans  elle  leur  musique  avoit  des 
effets  si  prodigieux;  qu'avec  elle  la  nôtre  en  a  de  si 
foibles  ;  qu'enfin  il  étoit  réservé  à  des  peuples  du 
Nord,  dont  les  organes  durs  et  grossiers  sont  plus 
touchés  de  l'éclat  et  du  bruit  des  voix  que  de  la  douceur 
des  accents  et  de  la  mélodie  des  inflexions,  de  faire 
cette  grande  découverte  et  de  la  donner  pour  principe 
à  toutes  les  régies  de  l'art;  quand,  dis-je,  on  fait  at- 
tention à  tout  cela ,  il  est  bien  difficile  de  ne  pas  soup- 
çonner que  toute  notre  harmonie  n'est  qu'une  inven- 
tion gothique  et  barbare,  dont  nous  ne  nous  fussions 
jamais  avisés  si  nous  eussions  été  plus  sensibles  aux 
véritables  beautés  de  l'art  et  à  la  musique  vraiment 
naturelle. 

M.  Rameau  prétend  cependant  que  Yharmonie  est 
la  source  des  plus  grandes  beautés  de  la  musique  ; 
mais  ce  sentiment  est  contredit  par  les  faits  et  par  la 
raison.  Par  les  faits,  puisque  tous  les  grands  effets 
de  la  musique  ont  cessé,  et  qu'elle  a  perdu  son  éner- 
gie et  sa  force  depuis  l'invention  du  contre-point  : 
à  quoi  j'ajoute  que  les  beautés  purement  harmoniques 
sont  des  beautés  savantes,  qui  ne  transportent  que 


HAR  35l 

des  gens  versés  dans  Tait;  au  lieu  que  les  véritables 
beautés  de  la  musique  étant  de  la  nature,  sont  et  doi- 
vent être  également  sensibles  à  tous  les  hommes  sa 


vants  et  ignorants. 


Par  la  raison,  puisque  \ harmonie  ne  fournit  au- 
cun principe  d'imitation  par  lequel  la  musique,  for- 
mant des  images  ou  exprimant  des  sentiments,  se 
puisse  élever  au  genre  dramatique  ou  imitatif,  qui  est 
la  partie  de  l'art  la  plus  noble,  et  la  seulc^  énergique, 
tout  ce  qui  ne  tient  qu'au  physique  des  sons  étant 
très  borné  dans  le  plaisir  qu'il  nous  donne,  et  n'ayant 
que  très  peu  de  pouvoir  sur  le  cœur  humain.  (Voyez 
Mélodie.  ) 

Harmonie.  Genre  de  musique.  Les  anciens  ont  sou- 
vent donné  ce  nom  au  genre  appelé  plus  communé- 
ment ^ewre  enharmonique.  (Voyez  Enharmonique.  ) 

Harmonie  directe,  est  celle  où  la  basse  est  fonda- 
mentale ,  et  où  les  parties  supérieures  conservent 
Tordre  direct  entre  elles  et  avec  cette  basse.  HIar- 
MONiE  renversée,  cst  ccllc  OÙ  le  son  générateur  ou 
fondamental  est  dans  quelqu'une  des  parties  supé- 
rieures, et  où  quelque  autre  son  de  l'accord  est  trans- 
porté à  la  basse  au-dessous  des  autres.  (  Voyez  Direct, 
Renversé.  ) 

Harmonie  figurée  ,  est  celle  où  l'on  fait  passer 
plusieurs  notes  sur  un  accord.  On  figure  Vharmonie 
par  degrés  conjoints  ou  disjoints.  Lorsqu'on  figure 
par  degrés  conjoints ,  on  emploie  nécessairement 
d'autres  notes  que  celles  qui  forment  l'accord;  des 
notes  qui  ne  sonnent  point  sur  la  basse,  et  sont  comp- 
tées pour  rien  dans  Vharmonie  :  ces  notes  intermé- 


352  HAU 

diaires  ne  doivent  pas  se  montrer  au  commencement 
des  temps ,  principalement  des  temps  forts ,  si  ce  n  est 
comme  coulés,  ports-de-voix,  ou  lorsqu'on  fait  la  pre- 
mière note  du  temps  brève  pour  appuyer  la  seconde. 
Mais,  quand  on  figure  par  degrés  disjoints,  on  ne 
peut  absolument  employer  que  les  notes  qui  forment 
Taccord,  soit  consonnant,  soit  dissonant,  h'/iarmonie 
se  figure  encore  par  des  sons  suspendus  ou  supposés. 
(Voyez  Supposition,  Suspension.) 

Harmonieux,  adj.  Tout  ce  qui  fait  de  Teffet  dans 
riiarmonie,  et  même  quelquefois  tout  ce  qui  est  sonore 
et  remplit  Foreille  dans  les  voix,  dans  les  instruments, 
dans  la  simple  mélodie. 

Harmonique,  adj.  Ce  qui  appartient  à  riiarmonie, 
comme  les  divisions  harmoniques  du  monocorde,  la 
proportion  harmonique ,  le  canon  harmonique,  etc. 

Harmoniques,  s.  des  deux  genres.  On  appelle  ainsi 
tous  les  sons  concomitants  ou  accessoires  qui ,  par  le 
principe  de  la  résonnance ,  accompagnent  un  son 
quelconque  et  le  rendent  appréciable  :  ainsi  toutes  les 
aliquotes  d'une  corde  sonore  en  donnent  les  harmoni- 
ques. Ce  mot  s'emploie  au  masculin  quand  on  sous- 
entend  le  mot  son^  et  au  féminin  quand  on  sous-en- 
tend  le  mot  corde. 

Sons  harmoniques.  (Voyez  Son.  ) 

Harmoniste,  s.  m.  Musicien  savant  dans  Tharmo- 
nie  ;  Cest  un  bon  harmoniste  ;  Durante  est  le  plus  grand 
harmoniste  de  l'Italie,  c est-à-dire  du  monde. 

Harmonomètre  ,s.m.  Instrutnent  propre  à  mesurer 
les  rapports  harmoniques.  Si  Ton  pouvoit  observer  et 
suivre  à  Foreille  et  à  l'œil  les  ventres,  les  nœuds ,  et 


iiAU  353 

toutes  les  divisions  (Fune  corde  sonore  en  vibration , 
1  on  auroit  un  harmonomèire  naturel  très  exact  ;  mais 
nos  sens  trop  grossiers  ne  pouvant  suffire  à  ces  obser- 
vations ,  on  y  supplée  par  un  monocorde  que  Ton 
divise  à  volonté  par  des  chevalets  mobiles  ;  et  c'est  le 
meilleur  harmonemètre  naturel  que  Ton  ait  trouvé  jus- 
qu  ici.  (  Voyez  Monocorde.  ) 

Harpalice.  sorte  de  chanson  propre  aux  filles  parmi 
les  anciens  Grecs.  (Voyez  Chanson.) 

Haut,  adj.  Ce  mot  signifie  la  même  chose  (\\xaigu^ 
et  ce  terme  est  opposé  à  bas.  C'est  ainsi  qu'on  dira  que 
le  ton  est  trop  haut^  qu'il  faut  monter  l'instrument 
plus  haut^ 

Haut  s'emploie  aussi  quelquefois  improprement 
lûouvfort:  Chantez  plus  haut,  on  ne  vous  entend  pas . 

Les  anciens  donnoient  à  l'ordre  des  sons  une  déno- 
mination tout  opposée  à  la  nôtre;  ils  plaçoient  en  haut 
les  sons  graves,  et  en  bas  les  sons  aigus  :  ce  qu'il  im- 
porte de  remarquer  pour  entendre  plusieurs  de  leurs 
passages. 

Haut  est  encore,  dans  celles  des  quatre  parties  de 
la  musique  qui  se  subdivisent,  Tépithéte  qui  distingue 
la  plus  élevée  ou  la  plus  aiguë.  Haute-contre,  Haute- 
taille,  Haut-dessus.  (Voyez  ces  mots.) 

Haut-dessus,  s.  m.  C'est,  quand  les  dessus  chan- 
tants se  subdivisent,  la  partie  supérieure.  Dans  les 
parties  instrumentales  on  dit  toujours  premier  dessus 
et  second  dessus;  mais  dans  le  vocal  on  dit  quelque- 
fois haut-dessus  et  bas-dessus. 

Haute-contre,  Altus  ou  Contra.  Celle  des  quatre 
parties  de  là  musique  qui  appartient  aux  voix  d'homme 

XIV.  9,3 


356  HYP 

tique,  que  celui-ci  se  rapporte  plus  communément 
aux  actions,  et  V hymne  aux  personnes.  Les  premiers 
chants  de  toutes  les  nations  ont  été  des  cantiques  ou 
des  hymnes.  Orphée  et  Linus  passoient,  chez  les 
Grecs,  pour  auteurs  des  premières  hymnes;  et  il  nous 
reste  parmi  les  poésies  d'Homère  un  recueil  dliymnes 
en  1  honneur  des  dieux. 

Hypate,  adj.  Epithéte  par  laquelle  les  Grecs  distin- 
guoient  le  tétracorde  le  plus  bas ,  et  la  plus  basse 
corde  de  chacun  des  deux  plus  bas  tétracordes  ;  ce 
qui  pour  eux  étoit  tout  le  contraire,  car  ils  suivoient 
dans  leurs  dénominations  un  ordre  rétrograde  au 
nôtre,  et  plaçoient  en  haut  le  grave  que  nous  pla- 
çons en  bas.  Ce  choix  est  arbitraire,  puisque  les  idées 
attachées  aux  mots  aigu  et  gr^ave  n'ont  aucune  liai- 
son naturelle  avec  les  idées  attachées  aux  mots  haut 
et  bas. 

On  appeloit  donc  tétracorde  hypaton ,  ou  des  hypates , 
celui  qui  étoit  le  plus  grave  de  tous  et  immédiatement 
au-dessus  de  la  proslambanomène  ou  plus  basse  corde 
du  modcj  et  la  première  corde  du  téti^acorde  qui  sui- 
voit  immédiatement  celle-là  s'appeloit  hypate-hypaton  ^ 
c'est-à-dire,  comme  le  traduisoit  les  Latins,  la. princi- 
pale du  tétracorde  des  principales.  Le  tétracorde  im- 
médiatement suivant  du  grave  à  l'aigu  s'appeloit  tétra- 
corde-méson ,  ou  des  moyennes,  et  la  plus  grave  corde 
s'appeloit  hypate-méson,  c'ést-à-dire  la  principale  des 
moyennes. 

Nicomaque  le  Géi  asénien  prétend  que  ce  mot  dVij- 
pate,  principale^  élevée  ou  suprême^  a  été  donné  à  la 
plus  grave  des  cordes  du  diapason  par  allusion  à 


ÎÏYP  357 

Saturno,  qui  des  sept  planètes  est  la  plus  éloignée  de 
nous.  On  se  doutera  bien  par  là  que  ce  INicoraaque 
étoit  pythagoricien. 

Hypate-hypaton.  C'étoit  la  plus  basse  corde  du  plus 
bas  tétracorde  des  Grecs-  et  d'un  ton  plus  haut  que  la 
proslambanoméne.  (Voyez  Farticle  précédent.) 

Hypate-méson.  C'étoit  la  plus  basse  corde  du  second 
tétracorde,  laquelle  étoit  aussi  la  plus  aiguë  du  pre- 
mier, parcequeces  deux  tétracordesétoient  conjoints. 
(Voyez  Hypate.) 

Hypatoïdes.  Sons  graves.  (  Voyez  Lepsis.  ) 

Hyperboléten,  adj.  Nome  ou  chant  de  même  carac-  - 
tère  que  Thexarmonien.  (Voyez  Hexarmonien. ) 

Hyperboléon.  Le  tétracorde  hyperboléon étohle  plus 
aigu  des  cinq  tétracordes  du  système  des  Grecs. 

Ce  mot  est  le  génitif  du  substantif  pluriel  vm^^ôlat, 
sommets,  extrémités  ;  les  sons  les  plus  aigus  étant  ^ 
Textrémité  des  autres. 

Hyper-diXzeuxis.  Disjonction  de  deux  tétracordes 
séparés  par  Tintervalle  d'une  octave ,  comme  étoient 
le  tétracorde  des  hypates  et  celui  des  hyperbolées. 

Hyper-dorien.  Mode  de  la  musique  grecque,  autre- 
ment appelé  mixo-lydien ,  duquel  la  fondamentale  ou 
tonique  étoit  une  quarte  au-dessus  de  celle  du  mode 
dorien.  (  Voyez  Mode.  ) 

On  attribue  à  Py  thoclide  l'invention  du  mode  hyper 
dorien. 

Hyper-éolien.  Le  pénultième  à  l'aigu  des  quinze 
modes  de  la  musique  des  Grecs,  et  duquel  la  fonda- 
mentale ou  tonique  étoit  une  quarte  au-dessus  de 
celle  du  mode  éolien.  (  Voyez  Mode.) 


356  HYP 

tique,  que  celui-ci  se  rapporte  plus  communément 
aux  actions,  etVhymne  aux  personnes.  Les  premiers 
chants  de  toutes  les  nations  ont  été  des  cantiques  ou 
des  hymnes.  Orphée  et  Linus  passoient,  chez  les 
Grecs,  pour  auteurs  des  premières  hymnes;  et  il  nous 
reste  parmi  les  poésies  d'Homère  un  recueil  d  hymnes 
en  1  honneur  des  dieux. 

Hypate,  adj.  Epithéte  par  laquelle  les  Grecs  distin- 
guoient  le  tétracorde  le  plus  bas  ,  et  la  plus  basse 
corde  de  chacun  des  deux  plus  bas  tétracordes  ;  ce 
qui  pour  eux  étoit  tout  le  contraire,  car  ils  sui voient 
dans  leurs  dénominations  un  ordre  rétrograde  au 
nôtre,  et  plaçoient  en  haut  le  grave  que  nous  pla- 
çons en  bas.  Ce  choix  est  arbitraire,  puisque  les  idées 
attachées  aux  mots  aigu  et  grave  n'ont  aucune  liai- 
son naturelle  avec  les  idées  attachées  aux  mots  haut 
et  bas. 

On  appeloit  donc  tétracorde  hypaton,  ou  des  hypates, 
celui  qui  étoit  le  plus  grave  de  tous  et  immédiatement 
au-dessus  de  la  proslambanomène  ou  plus  basse  corde 
du  mode^  et  la  première  corde  du  tétracorde  qui  sui- 
voit  immédiatement  celle-là  s'appeloit  hypate-hypaton  ^ 
c'est-à-dire,  comme  le  traduisoit  les  Latins,  \?i princi- 
pale du  tétracorde  des  principales.  Le  tétracorde  im- 
médiatement suivant  du  grave  à  l'aigu  s'appeloit  tétra- 
corde-méson ,  ou  des  moyennes,  et  la  plus  grave  corde 
s'appeloit  hypate-méson^  c'ést-à-dire  la  principale  des 
moyennes. 

Nicomaque  le  Géiasénien  prétend  que  ce  mot  d'A/- 
pate^  priiicipale^  élevée  ou  suprême^  a  été  donné  à  la 
plus  grave  des  cordes  du  diapason  par  allusion  à 


ITYP  357 

Saturno,  qui  des  sept  planètes  est  la  plus  éloignée  do 
nous.  On  se  doutera  bien  par  là  que  ce  INicomaque 
étoit  pythagoricien. 

Hypate-iiypaton.  C'étoit  la  plus  basse  corde  du  plus 
bas  tétracorde  des  Grecs;  et  d'un  ton  plus  haut  que  la 
proslambanoméne.  (Voyez  Farticle  précédent.) 

Hypate-méson.  C'étoit  la  plus  basse  corde  du  second 
tétracorde,  laquelle  étoit  aussi  la  plus  aiguë  du  pre- 
mier, parcequeces  deux  tétracordesétoient  conjoints. 
(Voyez  Hypate.) 

Hypatoïdes.  Sons  graves.  (  Voyez  Lepsis.  ) 

Hyperboléten,  adj.  Nome  ou  chant  de  même  carac-  - 
tère  que  Thexarmonien.  (Voyez  Hexarmonien.) 

Hyperboléon.  Le  tétracorde  hypei^boléon étohle  plus 
aigu  des  cinq  tétracordes  du  système  des  Grecs. 

Ce  mot  est  le  génitif  du  substantif  pluriel  vm^^ôlat, 
sommets,  extrémités  ;  les  sons  les  plus  aigus  étant  ^ 
Textrémité  des  autres. 

Hyper-di'azeuxis.  Disjonction  de  deux  tétracordes 
séparés  par  Tintervalle  d'une  octave ,  comme  étoient 
le  tétracorde  des  hypates  et  celui  des  hyperbolées. 

Hyper-dorten.  Mode  de  la  musique  grecque,  autre- 
ment appelé  mixo-lydien ,  duquel  la  fondamentale  ou 
tonique  étoit  une  quarte  au-dessus  de  celle  du  mode 
dorien.  (  Voyez  Mode.  ) 

On  attribue  à  Py  thoclide  l'invention  du  mode  hyper 
dorien. 

Hyper-éolien.  Le  pénultième  à  l'aigu  des  quinze 
modes  de  la  musique  des  Grecs,  et  duquel  la  fonda- 
mentale ou  tonique  étoit  une  quarte  au-dessus  de 
celle  du  mode  éolien.  (  Voyez  Mode.) 


358  HYP 

Le  mode  hyper-éolieri,  non  plus  que  riiyper-lydien 
qui  le  suit,  n'étoient  pas  si  anciens  que  les  autres  : 
Aristoxène  n'en  fait  aucune  mention;  et  Ptolémée, 
qui  n'en  admettoit  que  sept,  n'y  comprenoit  pas  ces 
deux-là. 

Hyper-iastien,  ou  inixo-lydien  aigu.  C'est  le  nom 
qu'Euclide  et  plusieurs  anciens  donnent  au  mode  ap- 
pelé plus  communément  hyper-ionien. 

Hyper-ionien.  Mode  de  la  musique  grecque,  appelé 
aussi  par  quelques  uns  liyper-iastien,  ou  niixo-lydiea 
ai^M,  lequel  avoit  sa  fondamentale  une  quarte  au- 
dessus  de  celle  du  mode  ionien.  Le  mode  ionien  est 
le  douzième  en  ordre  du  grave  à  Faigu,  selon  le  dénom- 
brement d'Alypius.  (Voyez  Mode.) 

Hyper-lydien.  Le  plus  aigu  des  quinze  modes  de  la 
musique  des  Grecs,  duquel  la  fondamentale  étoit  une 
quarte  au-dessus  de  celle  du  mode  lydien.  Ce  mode, 
non  plus  que  son  voisin  Fhyper-éoîien,  n'étoit  pas  si 
ancien  que  les  treize  autres;  et  Aristoxène,  qui  les 
nomme  tous,  ne  fait  aucune  mention  de  ces  deux-là. 
(Voyez  Mode.) 

Hyper-mixo-lydien.  Un  des  modes  de  la  musique 
grecque,  autrement  appelé  hyper-phrygien.  (Voyez 
ce  mot.) 

Hyper-phrygïen  ,  appelé  aussi  par  Euclidç  hyper- 
mixo-lydien,  est  le  plus  aigu  des  treize  modes  d' Aris- 
toxène, faisant  le  diapason  ou  Toctave  avec  Ihypo- 
dorien,  le  plus  grave  de  tous.  (Voyez  Mode.  ) 

Hypo-diazeuxis  est,  selon  le  vieux  Bacchius,  l'in- 
tervalle de  quinte  qui  se  trouve  entre  deux  tétracordes 
séparés  par  une  disjonction,  et  de  plus  par  un  troi- 


IIYP  359 

sicme  tétracordc  intermédiaire.  Ainsi  il  y  a  hjpo-dia- 
zeuxis  entre  les  tctracordes  hypatonetdiézeugménon , 
et  entre  les  tétracordes  synnéménon  et  hyperboléon. 
(  Voyez  Téïracorde.  ) 

Hypo-dorien.  Le  plus  (jrave  de  tous  les  modes  de 
Tancienne  musique.  Euclide  dit  que  c'est  le  plus 
élevé;  mais  le  vrai  sens.de  cette  expression  est  expli- 
qué au  mot  hypaic. 

Le  mode  hypo-dorien  a  sa  fondamentale  une  quarte 
au-dessous  de  celle  du  mode  dorien;  il  fut  inventé, 
dit-on,  par  Philoxène.  Ce  mode  est  affectueux,  mais 
(>ai,  alliant  la  douceur  à  la  majesté. 

Hypo-éolîen.  Mode  de  l'ancienne  musique,  appelé 
aussi  par  Euclide  liypo-lydien  cjrave.  Ce  mode  a  sa  fon- 
damentale une  qiiarte  au-dessous  de  celle  du  mode 
éolien.  (Voyez  Mode.  ) 

Hypo-iastien.  (Voyez  Hypo-ionien.  ) 

IIypo-ionien.  Le  second  des  modes  de  l'ancienne 
musique,  en  commençant  par  le  grave.  Euclide  l'ap- 
pelle aussi  hypo-iastien  et  hypo-phrygien  grave.  Sa  fon- 
damentale est  une  quarte  au-dessous  de  celle  du 
mode  ionien.  (Voyez  Mode.) 

IIypo-lydien.  Le  cinquième  mode  de  Tancienne 
musique,  en  commençant  par  le  grave.  Euclide  l'ap- 
pelle aussi  hypo-iastien  et  hypo-phrygien  grave.  Sa 
fondamentale  est  une  quarte  au-dessous  de  celle  du 
mode  lydien.  (Voyez  Mode.) 

Euclide  distingue  deux  modes  hypo-lydiens ;  savoir, 
Taigu ,  qui  est  celui  de  cet  article,  et  le  grave,  qui  est 
le  même  que  l'hypo-éolien. 

Le  mode  hypo-lydien  ctoit  propre  aux  chants  fu- 


36o  HYP 

nébres,  aux  méditations  sublimes  et  divines  :  quel- 
ques uns  en  attribuent  Tinvention  à  Polymneste  de 
Colophon,  d'autres  à  Damon  FAthénien. 

Hypo-mixo-lydiën.  Mode  ajouté  par  Gui  d'Arezzo  à 
ceux  de  Fancienne  musique  :  c'est  proprement  le  pla- 
gal  du  mode  mixo-lydien ,  et  sa  fondamentale  est  la 
même  que  celle  du  mode  dorien.  (Voyez  IMode.) 

Hypg-phrygien.  Un  des  modes  de  Tancienne  mu- 
sique dérivé  du  mode  phrygien,  dont  la  fondamen- 
tale étoit  une  quarte  au-dessus  de  la  sienne. 

Euclide  parle  encore  d'un  autre  mode  liypo-phry- 
gienau  grave  de  celui-ci  ;  c'est  celui  qu'on  appelle  plus 
correctement  liypo-ionien.  (Voyez  ce  mot.) 

Le  caractère  du  mode  hypo-phrygien  étoit  calme, 
paisible,  et  propre  à  tempérer  la  véhémence  du  phry- 
gien :  il  fut  inventé,  dit-on,  par  Damon,  l'ami  de  Py- 
thias  et  l'élève  de  Socrate. 

Hypo-proslambanoménos.  Nom  d'une  corde  ajou- 
tée, à  ce  qu'on  prétend,  par  Gui  d'Arezzo  un  ton  plus 
bas  que  la  proslambanoméne  des  Grecs;  c'est-à-dire 
au-dessous  de  tout  le  système.  L'auteur  de  cette  nou- 
velle corde  l'exprima  par  la  lettre  r  de  l'alphabet  grec , 
et  de  là  nous  est  venu  le  nom  de  la  gamme. 

Hyporchema.  Sorte  de  cantique  sur  lequel  on  dan- 
soit  aux  fêtes  des  dieux. 

Hypo-synaphe  est,  dans  la  musique  des  Grecs,  la 
disjonction  des  deux  tétracordes  séparés  par  l'inter- 
position d'un  troisième  tétracorde  conjoint  avec  cha- 
cun des  deux;  en  sorte  que  les  cordes  homologues 
des  deux  tétracordes  disjoints  par  hypo-synaphe  ont 
€ntre  elles  cinq  tons  ou  une  septième  mineure  d'in- 


iMi  36 1 

tervalle  :  tels  sont  les  deux  tctracordes  hypaion  et 
synncménon . 

I. 

Ialème.  Sorte  de  chant  funèbre  jadis  en  usage  parmi 
les  Grecs,  comme  le  linos  chez  le  même  peuple,  et  le 
manéros  chez  les  Égyptiens.  (Voyez  Chanson»,) 

Iambique,  «<//'.  Il  y  avoit  dans  la  musique  des  an- 
ciens deux  sortes  de  vers  iamhûjues ^  àowl  on  ne  faisoit 
que  réciter  les  uns  au  son  des  instruments,  au  lieu  que 
les  autres  se  chantoient.  On  ne  comprend  pas  bien 
quel  effet  devoit  produire  Taccompagnemcnt  des  in- 
struments sur  une  simple  récitation ,  et  tout  ce  qu'on 
en  peut  conclure  raisonnablement,  c'est  que  la  plus 
simple  manière  de  prononcer  la  poésie  grecque,  ou 
du  moins  Yiambigue,  se  faisoit  par  des  sons  apprécia- 
bles, harmoniques,  et  tenoit  encore  beaucoup  de  Tin- 
tonation  du  chant. 

Iastien.  Nom  donné  par  Aristoxène  et  Alypius  au 
mode  que  les  autres  auteurs  appellent  plus  commu- 
nément ionien.  (Voyez  Mode.) 

Jeu  ,  s.  m.  L'action  de  jouer  d'un  instrument. 
(Voyez  Jouer.)  On  dît  plein-jeu ,  demi-jeu,  selon  la  ma- 
nière plus  forte  ou  plus  douce  de  tirer  les  sons  de 
l'instrument. 

Imitation,  s.  f.  La  musique  dramatiqiie  ou  théâ- 
trale concourt  à  V imitation,  ainsi  que  la  poésie  et  la 
peinture  :  c'est  à  ce  principe  commun  que  se  rap- 
portent tous  les  beaux-arts,  comme  la  montré  M.  Le 
Batteux.  Mais  cette   imitation  n'a  pas  pour  tous   la 


362  IMf 

même  étendue.  Tout  ce  que  limagiiiation  peut  se  re- 
présenter est  du  ressort  de  la  poésie.  La  peinture,  qui 
n'offre  point  ses  tableaux  à  Tima^^iuation,  mais  au 
sens  et  à  un  seul  sens ,  ne  peint  que  les  objets  soumis 
à  la  vue.  La  musique  sembleroit  avoir  les  mêmes 
bornes  par  rapport  à  Fouïe ;  cependant  elle  peint  tout, 
même  les  objets  qui  ne  sont  que  visibles  :  par  un  pres- 
tige presque  inconcevable  elle  semble  mettre  Toeil 
dans  1  oreille;  et  la  plus  grande  merveille  d'un  art  qui 
n'agit  que  par  le  mouvement,  est  d'en  pouvoir  former 
jusqu'à  l'image  du  repos.  La  nuit ,  le  sommeil ,  la  soli- 
tude ,  et  le  silence,  entrent  dans  le  nombre  des  grands 
tableaux  de  la  musique.  On  sait  que  le  bruit  peut  pro- 
duire l'effet  du  silence,  et  le  silence  l'effet  du  bruit; 
comme  quand  on  s'endort  à  une  lecture  égale  et  mo- 
notone, et  qu'on  s'éveille  à  l'instant  qu'elle  cesse. 
Mais  la  musique  agit  plus  intimement  sur  nous  en 
excitant,  par  un  sens,  des  affections  semblables  à 
celles  qu'on  peut  exciter  par  un  autre;  et,  comme  le 
rapport  ne  peut  être  sensible  que  l'impression  ne  soit 
forte,  la  peinture  dénuée  de  cette  force  ne  peut  rendre 
à  la  musique  les  imilations  que  celle-ci  tire  d'elle.  Que 
toute  la  nature  soit  endormie,  celui  qui  la  contemple 
ne  dort  pas ,  et  Fart  du  musicien  consiste  à  substituer 
à  limage  insensible  de  l'objet  celle  des  mouvement^ 
que  sa  présence  excite  dans  le  cœur  du  contempla- 
teur :  non  seulement  il  agitera  la  mer ,  animera  la 
flamme  d'un  incendie  ,  fera  couler  les  ruisseaux  ^ 
tomber  la  pluie  et  grossir  les  torrents;  mais  il  peindra 
l'horreur  d'un  désert  affreux,  rembrunira  les  murs 
d'une  prison  souterraine,  calmera  la  tempête,  rendra 


iMi  36.1 

1  air  tranquille  et  serein,  et  répandra  de  rorclicstre 
une  fraîcheur  nouvelle  sur  les  bocages  :  il  ne  repré- 
sentera pas  directement  ces  choses,  mais  il  excitera 
dans  Tame  les  mêmes  mouvements  qu'on  éprouve  en 
les  voyant. 

J'ai  dit  au  mot  Harmonie  qu'on  ne  tire  d'elle  aucun 
principe  qui  mène  à  Y  imitation  musicale ,  puisqu'il  n'y 
a  aucun  rapport  entre  des  accords  et  les  objets  qu'on 
veut  peindre ,  ou  les  passions  qu'on  veut  exprimer. 
Je  ferai  voir  au  mot  Mélodie  quel  est  ce  principe  que 
rharmonie  ne  fournit  pas,  et  quels  traits  donnés  par 
la  nature  sont  employés  par  la  musique  pour  repré- 
senter ces  objets  et  ces  passions. 

Imitation,  dans  son  sens  technique,  est  l'emploi 
d'un  même  chant,  ou  d'un  chant  semblable  dans  plu- 
sieurs parties  qui  le  font  entendre  l'une  après  l'autre , 
à  l'unisson ,  à  la  quinte  ,  à  la  quarte ,  à  la  tierce ,  ou  à 
quelque  autre  intervalle  que  ce  soit,  h'imitation  est 
toujours  bien  prise,  même  en  changeant  plusieurs 
notes,  pourvu  que  ce  même  chant  se  reconnoisse  tou- 
jours et  qu'on  ne  s'écarte  point  des  lois  d'une  bonne 
modulation.  Souvent ,  pour  rendre  [imitation  plus 
sensible,  on  la  fait  précéder  de  silences  ou  dénotes 
longues ,  qui  semblent  laisser  éteindre  le  chant  au 
moment  que  V imitation  le  ranime.  On  traite  Vimitation 
comme  on  veut;  on  Tabandonne,  on  la  reprend,  on 
en  commence  une  autre  à  volonté;  en  un  mot,  les 
règles  en  sont  aussi  relâchées  que  celles  de  la  fugue 
sont  sévères  :  c'est  pourquoi  les  grands  maîtres  la  dé- 
daignent ,  et  toute  imitation  trop  affectée  décèle  pres- 
que toujours  un  écolier  en  composition. 


364  INC 

Imparfait,  adj.  Ce  mot  a  plusieurs  sens  en  musi- 
que. Un  accord  imparfait  est ,  par  opposition  à  Taccord 
parfait,  celui  qui  porte  une  sixte  ou  une  dissonance; 
et,  par  opposition  à  l'accord  plein,  c'est  celui  qui  n'a 
pas  tous  les  sons  qui  lui  conviennent  et  qui  doivent  le 
rendre  complet.  (Voyez  Accord.) 

Le  temps  ou  mode  imparfait  étoit ,  dans  nos  an- 
ciennes musiques,  celui  de  la  division  double.  (Voyez 
Mode.  ) 

Une  cadence  imparfaite  est  celle  qu'on  appelle  au- 
trement cadence  irrégulière.  (Voyez  Cadence.) 

Une  consonnance  imparfaite  est  celle  qui  peut  être 
majeure  ou  mineure,  comme  la  tierce  ou  la  sixte. 
(Voyez  Consonnance.) 

On  appelle,  dans  le  plain-cliant,  modes  imparfaits 
ceux  qui  sont  défectueux  en  haut  ou  en  bas,  et  res- 
tent en-deçà  d'un  des  deux  termes  qu'ils  doivent 
atteindre. 

Improviser,  v.  n.  C'est  faire  et  chanter  impromptu 
des  chansons ,  airs  et  paroles  ,  qu'on  accompagne 
communément  d'une  guitare  ou  autre  pareil  instru- 
ment. Il  n'y  a  rien  de  plus  commun  en  Italie  que  de 
voir  deux  masques  se  rencontrer,  se  défier,  s'atta- 
quer ,  se  riposter  ainsi  par  des  couplets  sur  le  même 
air,  avec  une  vivacité  de  dialogue,  de  chant,  d'accom- 
pagnement, dont  il  faut  avoir  été  témoin  pour  la  com- 
prendre, 

Le  mot  improvisar  est  purement  italien  ;  mais  , 
comme  il  se  rapporte  à  la  musique,  j'ai  été  contraint 
de  le  franciser  pour  faire  entendre  ce  qu  il  signifie. 

Incomposé,  adj.  Un  intervalle  incomposé  est  celui 


INS  3G5 

qui  ne  peut  se  résoudre  en  intervalles  plus  petits,  et 
n'a  point  d'autre  élément  que  lui-même  ;  tel ,  par  exem- 
ple, que  le  dièse  enharmonique,  le  comma,  même  le 
semi-ton. 

'Chez  les  Grecs,  les  intervalles  incomposés  étoient 
différents  dans  les  trois  genres,  selon  la  manière  d'ac- 
corder les  tétracordes.  Dans  le  diatonique  le  semi-ton 
et  chacun  des  deux  tons  qui  le  suivent  étoient  des  in- 
tervalles incomposés,  La  tierce  mineure  qui  se  trouve 
entre  la  troisième  et  la  quatrième  corde  dans  le  genre 
chromatique,  et  la  tierce  majeure  qui  se  trouve  entre 
les  mêmes  cordes  dansle  genre  enharmonique,  étoient 
aussi  des  intervalles  incomposés.  En  ce  sens,  il  n'y  a 
dans  le  système  moderne  qu'un  seul  intervalle  incom- 
posé,  savoir  le  semi-ton.  (Voyez  Semi-Ton.) 

Inharmonique  ,  adj.  Relation  inharmonicjue  ,  est , 
selon  M.  Savérien,  un  terme  de  musique;  et  il  ren- 
voie, pour  l  expliquer,  au  mot  Relation,  auquel  il 
n'en  parle  pas.  Ce  terme  de  musique  ne  m'est  point 
connu. 

Instrument,  5.  m.  Terme  générique  sous  lequel  on 
comprend  tous  les  corps  artificiels  qui  peuvent  ren- 
dre et  varier  les  sons  à  l'imitation  de  la  voix.  Tous  les 
corps  capables  d'agiter  l'air  par  quelque  choc .  et  d'ex- 
citer ensuite,  par  leurs  vibrations,  dans  cet  air  agité, 
des  ondulations  assez  fréquentes,  peuvent  donner  du 
son  ;  et  tous  les  corps  capables  d'accélérer  ou  retarder 
ces  ondulations  peuvent  varier  les  sons.  (Voyez  Son.) 

Il  y  a  trois  manières  de  rendre  des  sons  sur  des 
instruments  ;  savoir,  par  les  vibrations  des  cordes,  par 
celles  de  certains  corps  élastiques,  et  par  la  collision 


366  irsT 

de  Tair  enfermé  dans  des  tuyaux.  Jai  •:>arlé,  au  mot 
Musique  ,  de  Finvention  de  ces  instruments. 

Ils  se  divisent  généralement  en  ias'ruments  à  cor- 
des, instruments  à  vent,  instruments  de  percussion. 
Les  instruments  à  cordes ,  chez  les  anciens ,  étoient  en 
grand  nombre  ;  les  plus  connus  sont  les  suivants  : 
lyra^  psalterium ,  trigoniwn ,  samhuca^  cithara^  pectis, 
magas ,  barbiton,  testudo ,  epigonium ,  simmicium  ,  epan- 
doTvn,  etc.  On  touchoit  tous  ces  instruments  3i\ec  les 
doigts,  ou  avec  leplectrum,  espèce  d'archet. 

Pour  leurs  principaux  instruments  à  vent,  ils  avoient 
ceux  appelés  tibia ,  fistula ^  tuba.,  cornu ^  lituus,  etc. 

Les  instruments  de  percussion  étoient  ceux  qu'ils 
nommoient  ty?npanum ,  cymbalum  ^  crepitaculum  ^  tin- 
tinnabulum,  cjvtalwn,  etc.  Mais  plusieurs  de  ceux-ci 
ne  varioient  point  les  sons. 

On  ne  trouvera  point  ici  des  articles  pour  ces  instru- 
ments ni  pour  ceux  de  la  musique  moderne,  dont  le 
nombre  est  excessif.  La  partie  instrumentale,  dont 
un  autre  s'étoit  chargé ,  n'étant  pas  d'abord  entrée 
dans  le  plan  de  mon  travail  pour  l'Encyclopédie,  m'a 
rebuté,  par  l'étendue  des  connoissances  qu'elle  exige, 
de  la  remettre  dans  celui-ci. 

Instrumental.  Qui  appartient  au  jeu  des  instru- 
ments ;  tour  de  chant  instrumental  ;  musique  instru- 
mentale. 

Intense,  adj.  Les  sons  intenses  sont  ceux  qui  ont  le 
plus  de  force,  qui  s'entendent  de  plus  loin  :  ce  sont 
aussi  ceux  qui,  étant  rendus  par  des  cordes  fort  ten- 
dues ,  vibrent  par  là  même  plus  fortement.  Ce  mot  est 
latin,  ainsi  que  celui  de  rémisse  qui  lui  est  opposé  : 


INT  367 

mais  dans  les  écrits  de  musique  théorique  on  est  obli[jé 
de  franciser  Tun  et  l'autre. 

Intercidenge,  s.f.  Terme  de plain-chant.  (Voyez 

DlAPïOSE.) 

Intermède,  s.  m.  Pièce  de  musique  et  de  danse 
qu'on  insère  à  l'Opéra,  et  quelquefois  à  la  Comédie, 
entre  les  actes  d'une  grande  pièce,  pour  ép^ayer  et  re- 
poser en  quelque  sorte  l'esprit  du  spectateur  attristé 
par  le  tragique  et  tendu  sur  les  grands  intérêts. 

Il  y  a  des  intermèdes  qui  sont  de  véritables  drames 
comiques  ou  burlesques,  lesquels,  coupant  ainsi  l'in- 
térêt par  un  intérêt  tout  différent,  ballottent  et  tirail- 
lent, pour  aii^si  dire,  l'attention  du  spectateur  en  sens 
contraire,  et  d'une  manière  très  opposée  au  bon  goût 
et  à  la  raison.  Comme  la  danse  en  Italie  n'entre  point 
et  ne  doit  point  entrer  dans  la  constitution  du  drame 
lyrique,  on  est  forcé,  pour  l'admettre  sur  le  théâtre, 
de  remployer  hors-d'œuvre  et  détachée  de  la  pièce. 
Ce  n'est  pas  cela  que  je  blâme  ;  au  contraire,  je  pense 
qu'il  convient  d'effacer ,  par  un  ballet  agréable ,  les 
impressions  tristes  laissées  par  la  représentation  d'un 
grand  opéra ,  et  j'approuve  fort  que  ce  ballet  fasse  un 
sujet  particulier  qui  n'appartienne  point  à  la  pièce; 
mais  ce  que  je  n'approuve  pas ,  c'est  qu'on  coupe  les 
actes  par  de  semblables  ballets  qui ,  divisant  ainsi 
l'action  et  détruisant  l'intérêt,  font,  pour  ainsi  dire , 
de  chaque  acte  une  pièce  nouvelle. 

Intervalle,  s.  m.  Différence  d'un  son  à  un  autre 
entre  le  grave  et  l'aigu  ;  c'est  tout  l'espace  que  l'un 
des  deux  auroit  à  parcourir  pour  arriver  à  l'unisson  de 
l'autre.  La  différence  qu'il  y  a  deV intervalle  à  Yétendue. 


368  iNT 

est  que  Vintervalle  est  considéré  comme  indivisé,  et 
retendue  comme  divisée.  Dans  Vintervalle^  on  ne  con- 
sidère que  les  deux  termes;  dans  Tétendue,  on  en 
suppose  d'intermédiaires.  L'étendue  forme  un  sys- 
tème; mais  Vintervalle  peut  être  incomposé. 

A  prendre  ce  mot  dans  son  sens  le  plus  général ,  il 
est  évident  qu'il  y  a  une  infinité  à' intervalles;  mais, 
comme  en  musique  on  borne  le  nombre  des  sons  à 
ceux  qui  composent  un  certain  système,  on  borne 
aussi  par  là  le  nombre  des  intervalles  à  ceux  que  ces 
sons  peuvent  former  entre  eux  :  de  sorte  qu'en  com- 
binant deux  à  deux  tous  les  sons  d'un  système  quel- 
conque, on  aura  tous  les  intervalles  possibles  dans  ce 
même  système  ;  sur  quoi  il  restera  à  réduire  sous  la 
même  espèce  tous  ceux  qui  se  trouveront  égaux. 

Les  anciens  divisoient  les  intervalles  de  leur  musi- 
que en  intervalles  simples  ou  incomposés,  qu'ils  appe- 
loient  diastènies ,  et  en  intervalles  composés,  qu'ils 
appeloient  systèmes.  (Voyez  ces  mots.)  l^es  intervalles  y 
dit  Aristoxène ,  diffèrent  entre  eux  en  cinq  manières  : 
i«  En  étendue;  un  grand  intervalle  diffère  ainsi  d'un 
plus  petit.  1^  En  résonnance  ou  en  accord  ;  c'est  ainsi 
qu'un  intervalle  consonnant  diffère  d'un  dissonant. 
3°  En  quantité;  conlme  un  intervalle  simple  diffère 
d'un  intervalle  composé.  l\^  En  genre;  c'est  ainsi  que 
les  intervalles  diatoniques,  chromatiques,  enharmo- 
niques, diffèrent  entre  eux.  ^^  En  nature  de  rapport; 
comme  Vintervalle  dont  la  raison  peut  s'exprimer  en 
nond3res  diffère  d'un  intervalle  irrationnel.  Disons 
quelques  mots  de  toutes  ces  différences. 

L  Le  moindre  de  tous  les  intervalles^  selon  Bacchius 


INT  '  369 

et  GauJence,  est  le  dièse  enharmonique.  Le  plus 
^rand,  à  le  prendre  à rextrémité  (jrave  du  mode  liypo- 
dorien  jusqu'à  Textrémité  aiguë  de  Thypo-mixo-lydien , 
seroit  de  trois  octaves  complètes;  mais  comme  il  y  a 
une  quinte  à  retrancher,  ou  même  une  sixte,  selon 
un  passage  d'Adraste,  cité  par  Meihomius,  reste  la 
quarte  par-dessus  le  dis-diapason  ,  c'est-à-dire  la  dix- 
huitième,  pour  le  plus  grand  intervalle  du  diagramme 
des  Grecs. 

II.  Les  Grecs  divisoient,  comme  nous,  les  inter- 
valles en  consonnants  et  dissonants  ;  mais  leurs  divi- 
sions n'étoient  pas  les  mêmes  que  les  nôtres.  (Voyez 
CoNSONNANCE.)  Ils  subdivisoieut  encore  les  intervalles 
consonnants  en  deux  espèces,  sans  y  compter  Tunis- 
son,  qu'ils  appeloient /iomoy^Aonfe,  ou  parité  de  sons  , 
et  dont  rintervalle  est  nul.  La  première  espèce  étoit 
Yantiphonie,  ou  opposition  des  sons,  qui  se  faisoit  à 
Foctave  ou  à  la  double  octave,  et  qui  n'étoit  propre- 
ment qu'une  réplique  du  même  son,  mais  pourtant 
avec  opposition  du  grave  à  l'aigu.  La  seconde  espèce 
étoit  la  paraphonie  ,  ou  distinction  de  sons  ,  sous  la- 
quelle on  comprenoit  toute  consonnance  autre  que 
l'octave  et  ses  répliques ,  tous  les  intervalles ^  ditThéon 
de  Smyrne,  qui  ne  sont  ni  dissonants  ni  unisson. 

III.  Quand  les  Grecs  parlent  de  leurs  diastèmes  ou 
intervalles  simples,  il  ne  faut  pas  prendie  ce  terme  à 
toute  rigueur:  car  le  diésis  même  n'étoit  pas,  selon 
eux,  exempt  de  composition;  mais  il  fout  toujours  le 
rapporter  au  genre  auquel  ï intervalle  s'applique.  Par 
exemple,  le  semi-ton  est  un  intervalle  simple  dans 
le  genre  chromatique  et  dans  le  diatonique,  composé 

xiv.  24 


370  IINT 

dans  Tenharmonique.  Le  ton  est  composé  dans  le 
chromatique,  et  simple  dans  le  diatonique;  et  le  diton 
même,  ou  la  tierce  majeure,  qui  est  un  inteiualîe 
composé  dans  le  diatonique,  est  incomposé  dans  Ten- 
liarmonique.  Ainsi  ce  qui  est  sytème  dans  un  genre 
peut  être  diastème  dans  un  autre,  et  réciproquement. 

IV.  Sur  les  genres ,  divisez  successivement  le  même 
tétracorde  selon  le  genre  diatonique,  selon  le  chro- 
matique, et  selon  l'enharmonique,  vous  aurez  trois 
accords  différents ,  lesquels,  comparés  entre  eux,  au 
lieu  de  trois  intervalles^  vous  en  donneront  neuf, 
outre  les  combinaisons  et  compositions  qu'on  en  peut 
faire,  et  les  différences  de  tous  ces  intervalles  qui  en 
produiront  des  multitudes  d'autres.  Si  vous  comparez, 
par  exemple,  le  premier  intervalle  de  chaque  tétra- 
corde dans  Fenharmonique  et  dans  le  chromatique 
mol  d'iVristoxène,  vous  aurez  d'un  côté  un  quart  ou  — 
de  ton,  de  Fautre  un  tiers  ou-^^,  et  les  deux  cordes 
aiguës  feront  entre  elles  un  intervalle  qui  sera  la  dif- 
férence des  deux  précédents,  ou  la  douzième  partie 
d'un  ton. 

V.  Passant  maintenant  aux  rapports ,  cet  article  me 
mène  à  une  petite  digression. 

Les  aristoxéniens  prétendoient  avoir  bien  simplifié 
la  musique  par  leurs  divisions  égales  des  intervalles  ^ 
et  se  moquoient  fort  de  tous  les  calculs  de  Pytbagore. 
Il  me  semble  cependant  que  cette  prétendue  simpli- 
cité n'étoit  guère  que  dans  les  mots,  et  que  si  les 
pythagoriciens  avoient  un  peu  mieux  entendu  leur 
maître  et  la  musique,  ils  auroient  bientôt  fermé  Vjl 
bouche  à  leurs  adversaires. 


INT  371 

Pytliagorc  n'a  voit  pas  imagine  le  rapport  des  sons 
qu  il  calcula  le  premier;  guidé  par  1  expérience,  il 
ne  fit  que  prendre  note  de  ses  observations.  Aristo- 
xène,  incommode  de  tous  ces  calculs,  bâtit  dans  sa 
tête  un  système  tout  différent ,  et  comme  s'il  eût  pu 
changer  la  nature  à  son  gré,  pour  avoir  simplifié  les 
mots,  il  ciut  avoir  simplifié  les  choses,  au  lieu  qu'il 
fit  réellement  le  contraire. 

Gomme  les  rapports  des  consonnances  étoient  sim« 
pies  et  fiiciles  à  exprimer,  ces  deux  philosophes  étoient 
d'accord  là-dessus  :  ils  Tétoient  même  sur  les  premières 
dissonances;  car  ils  convenoient  également  que  le 
ton  étoit  la  différence  de  la  quarte  à  la  quinte  :  mais 
comment  déterminer  déjà  cette  différence  autrement 
que  par  le  calcul?  Aristoxène  partoit  pourtant  de  là 
pour  n'en  point  vouloir,  et  sur  ce  ton^  dont  il  se 
vantoit  d'ignorer  le  rapport,  il  bâtissoit  toute  sa  doc- 
trine musicale.  Qu'y  avoit-il  de  plus  aisé  que  de  lui 
montrer  la  fausseté  de  ses  opérations  et  la  justesse  de 
celles  de  Pythagore?  mais,  auroit-il  dit,  je  prends 
toujours  des  doubles,  ou  des  moitiés,  ou  des  tiers; 
cela  est  plus  simple  et  plus  tôr  fait  que  vos  comma, 
vos  hmma,  vos  apotomes.  Je  l'avoue,  eût  répondu 
Pythagore;  mais  dites-moi,  je  vous  prie,  comment 
vous  les  prenez ,  ces  doubles,  ces  moitiés,  ces  tiers. 
L'autre  eût  répliqué  qu'il  les  entonnoit  naturellement, 
ou  qu'il  les  prenoit  sur  son  monocorde.  Eh  bien ,  eût 
ditPythagore,  entonnez-moi  juste  le  quart  d'un  ton.  Si 
l'autre  eût  été  assez  charlatan  pour  le  faire,  Pythagore 
eût  ajouté:  Mais  est-il  bien  divisé  votre  monocorde? 
montrez-moi,  je  vous  prie,  de  quelle  méthode  vous 

24, 


372  liN'T 

VOUS  êtes  servi  pour  y  prendre  le  quart  ou  le  tiers  d'un 
ton.  Je  ne  saurois  voir,  en  pareil  cas  ce  qu'Aristoxène 
eût  pu  répondre  :  car,  de  dire  que  Tinstrument  avoit 
été  accordé  sur  la  voix,  outre  que  c'eût  été  tomber 
dans  le  cercle ,  cela  ne  pouvoit  convenir  aux  aristo- 
xéniens ,  puisqu'ils  avouoient  tous  avec  leur  chef  qu'il 
falloit  exercer  long-temps  la  voix  sur  un  instrument 
de  la  dernière  justesse  pour  venir  à  bout  de  bien  en- 
tonner les  intervalles  du  chromatique  mol  et  du  geme 
enharmonique. 

Or,  puisqu'il  faut  des  calculs  non  moins  composés, 
et  même  des  opérations  géométriques  plus  difficiles 
pour  mesurer  les  tiers  et  les  quarts  de  ton  d'Aristoxène 
que  pour  assigner  les  rapports  de  Pythagore,  c'est 
avec  raison  que  Nicomaque,  Boëce,  et  plusieurs  au- 
tres théoriciens  préféroient  les  rapports  justes  et 
harmoniques  de  leur  maître  aux  divisions  du  sys- 
tème aristoxénien ,  qui  n'étoient  pas  plus  simples ,  et 
qui  ne  donnoient  aucun  intervalle  dans  la  justesse  de 
sa  génération. 

Il  faut  remarquer  que  ces  raisonnements  qui  con- 
venoient  à  la  musique  des  Grecs  ne  conviendroient 
pas  également  à  la  nôtre,  parceque  tous  les  sons  de 
notre  système  s'accordent  par  des  consonnances;  ce 
qui  ne  pouvoit  se  faire  dans  le  leur  que  pour  le  seul 
genre  diatonique. 

Il  s'ensuit  de  tout  ceci  qu'x\ristoxène  distinguoil 
avec  raison  les  intervalles  en  rationnels  et  irrationnels  ; 
puisque,  bien  qu'ils  fussent  tous  rationnels  dans  le 
système  de  Pythagore,  la  plupart  des  dissonances 
étoient  irrationnelles  dans  le  sien. 


Dans  la  musique  moderne  on  considère  aussi  les 
intervalles  de  plusieurs  manières;  savoir,  ou  générale- 
ment comme  Tespace  ou  la  distance  qjuelconque  de 
deux  sons  donnés ,  ou  seulement  comme  celles  de  ces 
distances  qui  peuvent  se  noter,  ou  enfin  comme  celles 
qui  se  marquent  sur  des  degrés  difiérents.  Selon  le 
premier  sens,  toute  raison  numérique,  comme  est  le 
comma,  ou  sourde,  comme  est  le  dièse  d'Aristoxène, 
peut  exprimer  un  intervalle.  Le  second  sens  s'appli- 
que aux  seuls  intervalles  reçus  dans  le  système  de 
notre  musique,  dont  le  moindre  est  le  semi-ton  mi- 
neur ,  exprimé  sur  le  même  degré  par  un  dièse  ou 
par  un  bémol.  (Voyez  Semi-ton.)  La  troisième  accep- 
tion suppose  quelque  différence  de  position,  c'est-à- 
dire  un  ou  plusieurs  degrés  entre  les  deux  sons  qui 
forment  Y  intervalle.  C'est  à  cette  dernière  acception 
que  le  mot  est  fixé  dans  la  pratique,  de  sorte  que  deux 
intervalles  égaux,  tels  que  sont  la  fausse-quinte  et  le 
triton ,  portent  pourtant  des  noms  différents ,  si  Fun  a 
plus  de  degrés  que  l'autre. 

Nous  divisons,  comme  faisoient  les  anciens,  les 
intervalles  en  cousonnants  et  dissonants.  Les  conson- 
nances  sont  parfaites  ou  imparfaites.  (Voyez  Gonson- 
NANCE.)  Les  dissonances  sont  telles  par  leur  nature, 
ou  le  deviennent  par  accident.  Il  n'y  a  que  deux  inter- 
valles dissonants  par  leur  nature;  savoir,  la  seconde, 
et  la  septième,  en  y  comprenant  îenrs  octaves  ou  ré- 
pliques :  encore  ces  deux  peuvent-ils  se  réduire  à  un 
seul;  mais  toutes  les  consonnances  peuvent  devenir 
dissonantes  par  accident.  (Voyez  Dissonance.) 

De  plus  5  tout  intervalle  est  simple  ou  redoublé.  L'm- 


374  INT 

tervalle  simple  est  celui  qui  est  contenu  dans  les 
bornes  de  l'octave  :  tout  intervalle  qui  excède  cette 
étendue  est  redoublé ,  c'est-à-dire  composé  d'une  ou 
plusieurs  octaves,  et  de  Y  intervalle  simple  dont  il  est 
la  réplique. 

Les  intervalles  simples  se  diviseat  encore  en  directs 
et  renversés.  Prenez  pour  direct  un  intervalle  simple 
quelconque,  son  complément  à  Foctave  est  toujours 
renversé  de  celui-là,  et  réciproquement. 

Il  n'y  a  que  six  espèces  à^ intervalles  simples,  dont 
trois  sont  compléments  des  trois  autres  à  l'octave,  etpar 
conséquent  aussi  leurs  renversés.  Si  vous  prenez  d'a- 
bord les  moindres  intervalles  ^  vous  aurez  pour  directs , 
la  seconde ,  la  tierce  et  la  quarte;  pour  renversés,  la 
septième,  la  sixte  et  la  quinte  :  que  ceux-ci  soient  di- 
rects, les  autres  seront  renversés;  tout  est  réciproque. 

Pour  trouver  le  nom  d'un  intervalle  quelconque  il 
ne  faut  qu'ajouter  l'unité  au  nombre  des  degrés  qu  il 
contient  :  ainsi  \ intervalle  d'un  degré  donnera  la 
seconde;  de  deux,  la  tierce;  de  trois,  la  quarte;  de 
sept,  l'octave;  de  neuf,  la  dixième,  etc.  Mais  ce  n'est 
pas  assez  pour  bien  déterminer  un  intervalle;  car  sous 
le  même  nom  il  peut  être  majeur  ou  mineur,  juste  ou 
faux,  diminué  ou  superflu. 

Les  consonnances  imparfaites  et  les  deux  disso- 
nances naturelles  peuvent  être  majeures  ou  mineures, 
ce  qui,  sans  changer  le  degré,  fait  dans  Y  intervalle  la 
différence  d'un  semi-ton.  Que  si  d'un  intervalle  mineur 
on  ôte  encore  un  semi-ton,  cet  intervalle  devient  dimi- 
nué. Si  l'on  augmente  d'un  semi-ton  un  intervalle 
majeur,  il  devient  superflu. 


Les  consonnanccs  parfaites  sont  invariables  par 
leur  nature  :  cpiand  leur  intervalle  est  ce  qu'il  doit 
être,  elles  s'appellent^M^fes;  que  si  Ton  altère  cet  inter- 
valle d'un  semi-ton,  la  consonnance  s'appelle /«î/55e , 
et  devient  dissonance  ;  superflue ,  si  le  semi-ton  est 
ajouté;  diminuée^  s'il  est  retranché.  On  donne  mal  à 
propos  le  nom  de  fausse-quinte  à  la  quinte  diminuée  ; 
c'est  prendre  le  genre  pour  l'espèce  :  la  quinte  super- 
flue est  tout  aussi  fausse  que  la  diminuée ,  et  l'est 
même  davantage  à  tous  égards. 

On  trouvera  [Planche  G^fy.  1.  )  une  table  de  tous 
les  intervalles  simples  praticables  dans  la  musique, 
avec  leurs  noms  ,  leurs  degrés,  leurs  valeurs,  et  leurs 
rapports. 

Il  faut  remarquer  sur  cette  table  que  \  intervalle 
appelé  par  les  harmonistes  septième  superflue ^  n'est 
qu'une  septième  majeure  avec  un  accompagnement 
particulier  ;  la  véritable  septième  superflue ,  telle 
qu'elle  est  marquée  dans  la  table,  n'ayant  pas  lieu 
dans  l'harmonie,  ou  n'y  ayant  lieu  que  successivement 
comme  transition  enharmonique,  jamais  rigoureuse- 
ment dans  le  même  accord. 

On  observera  aussi  que  la  plupart  de  ces  rapports 
peuvent  se  déterminer  de  plusieurs  manières  :  j'ai  pré- 
féré la  plus  simple,  et  celle  qui  donne  les  moindres 
nombres. 

Pour  composer  ou  redoubler  un  de  ces  intei^valles 
simples ,  il  suffit  d'y  ajouter  Foctave  autant  de  fois  que 
Ton  veut;  et  pour  avoir  le  nom  de  ce  nouvel  intervalle^ 
il  faut  au  nom  de  {intervalle  simple  ajouter  autant 
de  fois  sept  qu'il  contient  d'octaves.  Réciproquement, 


376  INT 

pour  coniioître  le  simple  d'un  intervalle  redoublé  dont 
on  a  le  nom,  il  ne  faut  quen  rejeter  sept  autant  de 
fois  qu'on  le  peut;  le  reste  donnera  le  nom  de  Y  inter- 
valle simple  qui  l'a  produit.  Voulez-vous  une  quinte 
redoublée,  c'est-à-dire  l'octave  de  la  quinte,  ou  la 
quinte  de  l'octave;  à  5  ajoutez  7,  vous  aurez  12  :  la 
quinte  redoublée  est  donc  une  douzième.  Pour  trou- 
ver le  simple  d'une  douzième,  rejetez  7  du  nombre  1 1 
autant  de  fois  que  vous  le  pourrez,  le  reste  5  vous  in- 
.  dique  une  quinte.  A  l'égard  du  rapport,  il  ne  faut  que 
doubler  le  conséquent  ou  prendre  la  moitié  de  l'anté- 
cédent de  la  raison  simple  autant  de  fois  qu'on  ajoute 
d'octaves,  et  Ton  aura  la  raison  de  V intervalle  redou- 
blé. Ainsi,  2,  3  étant  la  raison  de  la  quinte,  i ,  3  ou 
2,  6  sera  celle  de  la  douzième,  etc.  Sur  quoi  l'on  ob- 
servera qu'en  terme  de  musique,  composer  ou  redou- 
bler un  intervalle j  ce  n'est  pas  l'ajouter  à  lui-même, 
c'est  y  ajouter  une  octave;  le  tripler,  c'est  en  ajouter 
'    deux,  etc. 

Je  dois  avertir  ici  que  tous  les  intervalles  exprimés 
dans  ce  dictionnaire  par  les  noms  des  notes  doivent 
toujours  se  compter  du  grave  à  l'aigu;  en  sorte  que 
cet  intervalle^  ut ,  si ^  n'est  pas  une  seconde,  mais  une 
septième;  et  si  ut  n'est  pas  une  septième,  mais  une 
seconde. 

Intonation  ,  s.f.  Action  d'entonner.  (Voyez  Enton- 
ner.) lu' intonation  peut  être  juste  ou  fausse,  trop  haute 
ou  trop  basse,  trop  forte  ou  trop  foible;  et  alors  le 
mot  intonation  ,  accompagné  d  une  épitliéte,  s'entend 
de  la  manière  d  entonner. 

Inverse.  (Voyez  Renversé.) 


JUS  077 

loMEN  OU  Ionique,  adj.  Le  mode  ionien  étoit,  en 
(♦omptant  du  grave  à  Taigu,  le  second  des  cinq  modes 
moyens  de  la  musique  des  Grecs.  Ce  mode  s'appeloit 
aussi  iastien ,  et  Euclide  l'appelle  encore  phjgien 
grave.  (Voyez  Mode.) 

Jouer  des  instruments ,  c'est  exécuter  sur  ces  in- 
struments des  airs  de  musique,  surtout  ceux  qui  leur 
sont  propres,  ou  les  chants  notés  pour  eux.  On  dit 
jouer  du  violon^  de  la  basse.,  du  hautbois,  de  la  Jlxite ; 
toucher  le  clavecin  .^  F  orgue;  sonner  de  la  trompette;  don- 
ner du  cor'.,  pincer  la  guitare.,  etc.  Mais  Falfectation  de 
ces  termes  propres  tient  de  la  pédanterie  :  le  mot 
jouer  devient  générique,  et  gagne  insensiblement  pour 
toutes  sortes  d'instruments. 

Jour.  Corde  à  jour.  (Voyez  Vide.) 

Irrégulietx,  adj.  On  appelle  dans  le  plain-chant 
modes  irréguliers  ceux  dont  l'étendue  est  trop  grande , 
ou  qui  ont  quelque  autre  irrégularité. 

On  nommoit  autrefois  cadence  irrégulière  celle  qui 
ne  tomboit  pas  sur  une  des  cordes  essentielles  du  ton  ; 
mais  M.  Rameau  a  donné  ce  nom  à  une  cadence  par- 
ticulière dans  laquelle  la  basse-fondamentale  monte 
de  quinte  ou  descend  de  quarte  après  un  accord  de 
sixte-ajoutée.  (Voyez  Cadence.) 

IsoN,  Chant  en  ison.  (Voyez  Chant.) 

Jule,  s.f.  Nom  d'une  sorte  d'hymne  ou  chanson 
parmi  les  Grecs  en  riiouneur  de  Cérès  ou  de  Proser- 
pine.  (Voyez  Chanson.) 

Juste,  adj.  Cette  épidiéte  se  donne  généralement 
aux  intervalles  dont  les  sons  sont  exactement  dans  le 
rapport  qu'ils  doivent  avoir ,  et  aux  voix  qui  entonneni 


378  LE  "M 

toujours  ces  intervalles  dans  leur  justesse;  mais  elle 
s'applique  spécialement  aux  consonnances  parfaites. 
Les  imparfaites  peuvent  être  majeures  ou  mineures  ; 
les  parfaites  ne  sont  que  justes  :  dès  qu'on  les  altère 
(Fun  semi-ton  elles  deviennent  fausses,  et  par  consé- 
quent dissonances.  (Voyez  Intervalle.) 

Juste  est  aussi  quelquefois  adverbe.  Chanter  juste , 
jouer  \vL?>\.e, 

L. 

La.  Nom  de  la  sixième  note  de  notre  gamme  in- 
ventée par  Gui  Arétin.  (Voyez  Gamme,  Solfier.) 

Large,  aclj.  Nom  d'une  sorte  de  note  dans  nos 
vieilles  musiques ,  de  laquelle  on  augmentoit  la  valeur 
en  tirant  plusieurs  traits  non  seulement  par  les  côtés  , 
mais  par  le  milieu  de  la  note ,  ce  que  Mûris  blâme 
avec  force  comme  une  horrible  innovation. 

Larghetto.  (Voyez  Largo.) 

Largo,  adv.  Ce  mot  écrit  à  la  tète  d'un  air,  indique 
un  mouvement  plus  lent  que  Vadagio ,  et  le  dernier  de 
tous  en  lenteur.  Il  marque  qu'il  faut  filer  de  longs 
sons,  étendre  les  temps  et  la  mesure,  etc. 

Le  diminutif  larghetto  annonce  un  mouvement  un 
peu  moins  lent  que  le  largo  ^  plus  que  Vandante,  et 
très  apjjrochant  de  Yandantino. 

Légèrement,  adv.  Ce  mot  indique  un  mouvement 
encore  plus  vif  que  le  gai,  un  mouvement  moyeu 
entre  le  gai  et  le  vite;  il  répond  à  peu  près  à  l'italien 
vivace. 

Lemme,  s.  m.  Silence  ou  pause  d'un  temps  bref  dans 
le  rhythme  catalectique.  (Voyez  Rhythme.) 


LIA  379 

Lentement,  adv.  Ce  mot  répond  à  Titalien  largo ^ 
et  marque  un  mouvement  lent;  son  superlatif,  très 
lentement,  marque  le  plus  tardif  de  tous  les  mou- 
vements . 

Lepsis.  Nom  grec  d'une  des  trois  parties  de  Tan- 
cienne  mélopée,  appelée  aussi  quelquefois  euthia,  par 
laquelle  le  compositeur  discerne  s  il  doit  placer  son 
chant  dans  le  système  des  sons  bas,  qu'ils  appellent 
hfpatoïdes,  dans  celui  des  sons  aigus,  qu'ils  appel- 
lent ne7oiV/c,ç ,  ou  dans  celui  des  sons  moyens,  qu'ils 
ùppeWent  inésoïdes.  (Voyez  Mélopée.) 

Levé,  adj.  pris  substantivement.  C'est  le  temps  de  la 
mesure  où  on  lève  la  main  ou  le  pied;  c'est  un  temps 
qui  suit  et  précède  le  frappé;  c'est  par  conséquent 
toujours  un  temps  foible.  Les  temps  levés  sont,  à 
deux  temps,  le  second;  à  trois  ,  le  troisième;  à  quatre, 
le  second  et  le  quatrième.  (Voyez  Arsis.) 

IjIAISON,  s.f.  Il  y  a  liaison  d'harmonie  et  liaison  de 
chant. 

La  liaison  a  lieu  dans  l'harmonie  lorsque  cette 
harmonie  procède  par  un  tel  progrès  de  sons  fonda- 
mentaux, que  quelques  uns  des  sons  qui  accompa- 
gnoient  celui  qu'on  quitte,  demeurent  et  accompa- 
gnent encore  celui  où  l'on  passe  :  il  y  a  liaison  dans 
les  accords  de  la  tonique  et  de  la  dominante,  puisque 
le  même  son  fait  la  quinte  de  la  première,  et  l'octave 
de  la  seconde  :  il  y  a  liaison  dans  les  accords  de  la  to- 
nique et  de  la  sous-dominante ,  attendu  que  le  même 
son  sert  de  quinte  à  l'une  et  d'octave  à  l'autre  :  enfin 
il  y  a  liaison  dans  les  accords  dissonants  toutes  les  fois 
que  la  dissonance  est  préparée,  puisque  cette  prépa- 


38o  Lie 

ration  elle-même  n'est  autre  chose  que  la  liaison. 
(Voyez  Préparer.) 

La  liaison  dans  le  chant  a  lieu  toutes  les  fois  qu'on 
passe  deux  ou  plusieurs  notes  sous  un  seul  coup  d'ar- 
chet ou  de  gosier,  et  se  marque  par  un  trait  recourbé 
dont  on  couvre  les  notes  qui  doivent  être  liées  en- 
semble. 

Dans  le  plain-chant  on  appelle  liaison  une  suite  de 
plusieurs  notes  passées  sur  la  même  syllabe,  parceque 
sur  le  papier  elles  sont  ordinairement  attachées  ou 
liées  ensemble. 

Quelques  uns  nomment  aussi  liaison  ce  qu'on 
nomme  plus  proprement  syncope.  (Voyez  Syncope.) 

Licence,  s.  f.  Liberté  que  prend  le  compositeur,  et 
qui  semble  contraire  aux  régies,  quoiqu'elle  soit  dans 
le  principe  des  règles;  car  voilà  ce  qui  distingue  les 
licences  des  fautes.  Par  exemple,  c'est  une  régie  en 
composition  de  ne  point  monter  de  la  tierce  mineure 
ou  de  la  sixte  mineure  à  l'octave.  Cette  régie  dérive 
de  la  loi  de  la  liaison  harmonique,  et  de  celle  de  la 
préparation.  Quand  donc  on  monte  de  la  tierce  mi- 
neure ou  de  la  sixte  mineure  à  l'octave,  en  sorte  qu'il 
y  ait  pourtant  liaison  entre  les  deux  accords ,  ou  que 
la  dissonance  y  soit  préparée,  on  prend  une  licence; 
mais  s  il  n'y  a  ni  liaison  ni  préparation,  l'on  fait  une 
faute.  De  même  c'est  une  régie  de  ne  pas  faire  deux 
quintes  justes  de  suite  entre  les  mêmes  parties,  sur- 
tout par  mouvement  semblable;  le  principe  de  cette 
régie  est  dans  la  loi  de  l'unité  du  mode.  Toutes  les 
fois  donc  qu'on  peut  faire  ces  deux  quintes  sans  faire 
sentir  deux  modes  à-la-fois,  il  y  a  licence^  mais  il  n'y  a 


LIÉ  3vSf 

point  de  faute.  Cette  explication  étoit  nécessaire  par- 
ceque  les  musiciens  n'ont  aucune  idée  bien  nette  de 
ce  mot  de  licence. 

Comme  la  plupart  des  régies  de  l'harmonie  sont 
fondées  sur  des  principes  arbitraires ,  et  changent  par 
Tusage  et  le  goût  des  compositeurs,  il  arrive  de  là  que 
ces  régies  varient,  sont  sujettes  à  la  mode,  et  que  ce 
qui  est  licence  en  un  temps  ne  Test  pas  dans  un  autre. 
Il  y  a  deux  ou  trois  siècles  qu'il  n  étoit  pas  permis  de 
faire  deux  tierces  de  suite ,  surtout  de  la  même  espèce  ; 
maintenant  on  fait  des  morceaux  entiers  tout  par 
tierces.  Nos  anciens  ne  permettoient  pas  d'entonner 
diatoniquement  trois  tons  consécutifs  ;  aujourd'hui 
nous  en  entonnons,  sans  scrupule  et  sans  peine,  au- 
tant que  la  modulation  le  permet.  Il  en  est  de  même 
des  fausses  relations ,  de  l'harmonie  syncopée ,  et  de 
mille  autres  accidents  de  composition,  qui  d'abord 
furent  des  fautes,  puis  des  licences  ^  et  n'ont  plus  rien 
d'irrégulier  aujourd  hui. 

LiCHANOS,  5.  m.  C'est  le  nom  que  portoit  parmi  les 
Grecs  la  troisième  corde  de  chacun  de  leurs  deux  pre- 
miers tétracordes,  parceque  cette  troisième  corde  se 
touchoit  de  lindex ,  qu'ils  appeloient  lichanos. 

La  troisième  corde  à  l'aigu  du  plus  bas  tétracorde, 
qui  étoit  celui  des  hypates,  s'appeloit  autrefois  licha- 
nos-hypaton  ,  quelquefois  hypatondialonos ,  enharmo- 
nios,  ou  chromatiké ,  selon  le  genre.  Celle  du  second 
tétracorde,  ou  du  tétracorde  des  moyennes,  s'appe- 
loit lichanos-niéson ^  ou  mésondiatonos ^  etc. 

Liées,  adj.  On  appelle  notes  liées  deux  ou  plusieurs 
notes  qu'on  passe  d'un  seul  coup  d'archet  sur  le  vio- 


3S2  LIG 

Ion  et  le  violoncelle,  ou  cVun  seul  coup  de  langue  sur 
la  flûte  et  le  hautbois,  en  un  mot  toutes  les  notes  qui 
sont  sous  une  même  liaison. 

Ligature,  s.  f.  C'étoit,  dans  nos  anciennes  musi- 
ques, Tunion  par  un  trait  de  deux  ou  plusieurs  notes 
passées,  ou  diatoniquement,  ou  par  degrés  disjoints 
sur  une  même  syllabe.  La  figure  de  ces  notes,  qui 
étoit  carrée,  donnoit  beaucoup  de  facilité  pour  les 
lier  ainsi  ;  ce  qu'on  ne  sauroit  faire  aujourd  hui  qu'au 
moyen  du  chapeau,  à  cause  de  la  rondeur  de  nos 
notes. 

La  valeur  des  notes  qui  composoient  la  ligature 
varioit  beaucoup  selon  qu'elles  mx>ntoient  ou  descen- 
doient,  selon  qu'elles  étoient  différemment  liées,  selon 
qu'elles  étoient  à  queue  ou  sans  queue,  selon  que  ces 
queues  étoient  placées  à  droite  ou  à  gauche,  ascen- 
dantes ou  descendantes ,  enfin  selon  un  nombre  infini 
de  repaies  si  parfaitement  oubliées  à  présent,  qu'il  n'y 
a  peut-être  pas  en  Europe  un  seul  musicien  qui  soit  en 
état  de  déchiffrer  des  musiques  de  quelque  antiquité. 
Ligne,  s.  f.  Les  lignes  de  musique  sont  ces  traits 
horizontaux  et  parallèles  qui  composent  la  portée,  et 
sur  lesquels,  ou  dans  les  espaces  qui  les  séparent,  on 
place  les  notes  selon  leurs  degrés.  La  portée  du  plain- 
chant  n'est  que  de  quatre  lignes;  celle  de  la  musique 
a  cinq  lignes  stables  et  continues ,  olitre  les  lignes  pos- 
tiches qu'on  ajoute  de  temps  en  temps  au-dessus  ou 
au-dessous  de  la  portée  pour  les  notes  qui  passent 
son  étendue. 

Les  lignes^  soit  dans  le  plain-chant,  soit  dans  la  mu- 
îsique ,  se  comptent  en  commençant  par  la  plus  basse 


Liv  383 

Cette  plus  basse  est  la  première  ;  la  plus  haute  est  la 
quatrième  dans  le  plain-cliaiit ,  la  cinquième  dans  la 
musique.  (Voyez  Portée.) 

LiiMMA,  5.  m.  Intervalle  de  la  musique  grecque,  le- 
quel est  moindre  d'un  comma  que  le  semi-ton  majeur, 
et ,  retranché  d'un  ton  majeur ,  laisse  pour  reste 
Tapotome. 

Le  rapport  du  limma  est  de  ^43  à  256;  et  sa  gé- 
nération se  trouve,  en  commençant  par  ut^  à  la  cin- 
quième quinte  si;  car  alors  la  quantité  dont  ce  si  est 
surpassé  par  \ut  voisin  est  précisément  dans  le  rap- 
port que  je  viens  d'établir. 

Philolaûs  et  tous  les  pythagoriciens  faisoient  du 
limma  un  intervalle  diatonique  qui  répondoit  à  notre 
s'emi-ton  majeur:  car,  mettant  deux  tons  majeurs 
consécutifs,  il  ne  leur  restoit  que  cet  intervalle  pour 
achever  la  quarte  juste  ou  le  tétracorde  ;  en  sorte  que, 
selon  eux,  l'intervalle  du  mi  au  fa  eût  été  moindre 
que  celui  du^à  à  son  dièse.  Notre  échelle  chromati- 
que donne  tout  le  contraire. 

LiNOS,  s.  m.  Sorte  de  chant  rustique  chez  les  an- 
ciens Grecs  :  ils  a  voient  aussi  un  chant  funèbre  du 
même  nom,  qui  revient  à  ce  que  les  Latins  ont  appelé 
nœnia.  Les  uns  disent  que  le  linos  fut  inventé  en 
Lgypte  ;  d'autres  en  attribuoient  l'invention  à  Linus , 
Eubéen. 

Livre  ouvert,  a  livre  ouvert,  ou  a  l'ouverture  du 
LIVRE,  aclv.  Chanter  ou  jouer  à  livre  ouvert,  c'est  exé- 
cuter toute  musique  qu'on  vous  présente  en  jetant  les 
yeux  dessus.  Tous  les  musiciens  se  piquent  d'exé- 
cuter à  livre  ouvert;  mais  il  y  en  a  peu  qui,  dans  cette 


384  Lou 

exécution,  prennent  bien  Fespiit  de  Fouvrage,  et  qui, 

s'ils  ne  font  pas  des  fautes  sur  la  note ,  ne  fassent  pas 

du  moins  des  contre-sens  dans  Texpression.  (Voyez 

Expression.) 

LoiNGUE,  s.f.  C'est,  dans  nos  anciennes  musiques, 
une  note  carrée  avec  une  queue  à  droite,  ainsi  fz]. 
Elle  vaut  ordinairement  quatre  mesures  à  deux  temps , 
c'est-à-dire  deux  brèves  ;  quelquefois  elle  en  vaut  trois, 
selon  le  mode.  (Voyez  Mode.) 

Mûris  et  ses  contemporains  avoient  des  longues  de 
trois  espèces  ;  savoir,  la  parfaite,  l'imparfaite,  et  la 
double.  La  longue  pa? fa  île  a,  du  côté  droit,  une  queue 
descendante,  fj  ou  ^.  Elle  vaut  trois  temps  parfaits, 
et  s'appelle  parfaite  elle-même,  à  cause,  dit  Mûris, 
de  son  rapport  numérique  avec  la  Trinité.  La  longue 
imparfaite  se  fi(^ure  comme  la  parfaite,  et  ne  se  dis- 
tingue que  par  le  mode  :  on  l'appelle  imparfaite,  par- 
cequ'elle  ne  peut  marcher  seule,  et  qu'elle  doit  tou- 
jours être  précédée  ou  suivie  d'une  brève.  La  longue 
double  contient  deux  temps  égaux  imparfaits  ;  elle  se 
figure  comme  la  longue  simple,  mais  avec  une  double 
largeur,  ^.  Mûris  cite  Aristote  pour  prouver  que 
cette  note  n'est  pas  du  plain-chant. 

Aujourd'hui  le  mot  longue  est  le  corrélatif  du  mot 
brève.  (Voyez  Brève. j  Ainsi  toute  note  qui  précède 
une  brève  est  une  longue. 

LouRE ,  s.f.  Sorte  de  danse  dont  l'air  est  assez  lent , 
et  se  marque  ordinairement  par  la  mesure  à  ^.  Quand 
chaque  temps  porte  trois  notes  ,  on  pointe  la  pre- 
mière ,  et  l'on  fait  brève  celle  du  milieu.  Loure  est  le 
nom  d'un  ancien  instrument  semblable  à  une  mu- 


LYD  385 

settc ,  sur  lequel  on  jouoit  l'air  de  la  danse  dont  il 


s  afjit. 


LouRER,  7J.  a.  et  ti.  C'est  nourrir  les  sons  avec  dou- 
ceur ,  et  marquer  la  première  note  de  chaque  temps 
plus  sensiblement  que  la  seconde  ,  quoique  de  môme 
valeur. 

Luthier,  s.  w.  Ouvrier  qui  fait  des  violons,  des  vio- 
loncelles, et  autres  instruments  semblables.  Ce  nom, 
qui  sx^f^nv^xQ  facteur  de  luths ,  est  demeuré  par  synecdo- 
que à  cette  sorte  d'ouvriers,  parcequ'autrefois  le  luth 
étoit  Tinstrument  le  plus  commun  et  dont  il  se  faisoit 
le  plus. 

Lutrin,  5.  m.  Pupitre  de  chœur  sur  lequel  on  met 
les  livres  de  chant  dans  les  églises  catholiques. 

Lycha^'OS.  (Voyez  Lichanos.  ) 

Lydien,  adj.  Nom  d'un  des  modes  de  la  musique 
des  Grecs,  lequel  occupoit  le  milieu  entre  l'éolien  et 
l'hyper-dorien.  On  l'appeloit  aussi  quelquefois  mode 
barbare,  parcequ'il  portoit  le  nom  d'un  peuple  asia- 
tique. 

Euclide  distingue  deux  modes  lydiens;  celui-ci  pro- 
prement dit,  et  un  autre  qu'il  appelle  lydien  grave ^  et 
qui  est  le  même  que  le  mode  éolien,  du  moins  quant 
à  sa  fondamentale.  (Voyez  Mode.  ) 

Le  caractère  du  mode  lydien  étoit  animé,  piquant, 
triste  cependant,  pathétique  et  propre  à  la  mollesse  ; 
c'est  pourquoi  Platon  le  bannit  de  sa  République.  C'est 
sur  ce  mode  qu'Orphée  apprivoisoit,  dit-on,  lesbétes 
mêmes,  et  qu'Amphion  bâtit  les  murs  de  Thébes.  Il 
fut  inventé,  les  uns  disent  par  cet  Amphion,  fils  de 
Jupiter  et  d'Antiope  ;  d'autres  ,  par  Olympe,  Mysien , 
XIV.  2  5 


386  MAD 

disciple  de  Marsyas  ;  d'autres  enfai ,  par  Melampides  ; 
et  Pindare  dit  qu  il  fut  employé  pour  la  première  fois 
aux  noces  de  Niobé. 

Lyrique,  adj.  Qui  appartient  à  la  lyre.  Cette  cpi- 
thète  se  donnoit  autrefois  à  la  poésie  faite  pour  être 
chantée  et  accompagnée  de  la  lyre  ou  cithare  par  le 
chanteur,  comme  les  odes  et  autres  chansons,  à  la 
différence  de  la  poésie  dramatique  ou  théâtrale,  qui 
s'accompagnoit  avec  des  flûtes  par  d'autres  que  le 
chanteur;  mais  aujourd'hui  elle  s'applique  au  con- 
traire à  la  fade  poésie  de  nos  opéra,  et,  par  exten- 
sion ,  à  la  musique  dramatique  et  imitative  du  théâtre. 
(Voyez  Lmitation.) 

Lytierse,  chansons  des  moissonneurs  chez  les  an- 
ciens Grecs.  (Voyez  Chanson.) 


M. 


Ma.  Syllabe  avec  laquelle  quelques  musiciens  sol- 
fient le  mi  bémol  comme  ils  solfient  pary^  le /a  dièse. 
(Voyez  Solfier.) 

Machicotage,  s.  m.  C'est  ainsi  qu'on  appelle,  dans 
le  plain-chant,  certaines  additions  et  compositions  de 
notes  qui  remplissent ,  par  une  marche  diatonique , 
les  intervalles  de  tierces  et  autres.  Le  nom  de  cette 
manière  de  chant  vient  de  celui  des  ecclésiastiques 
appelés  machicotSj  qui l'exécutoient  autrefois  après  les 
enfants  de  chœur. 

Madrigal.  Sorte  de  pièce  de  musique  travaillée  et 
savante,  qui  étoit  fort  à  la  mode  en  Italie  au  seizième 
siècle,    et  même  au  commencement  du  précédent. 


MAJ  387 

Les  madrigaux  se  composoieiit  ordinairement,  pour 
la  vocale,  à  cinq  ou  six  parties,  toutes  obligées,  à 
cause  des  fugues  et  desseins  dont  ces  pièces  étoient 
remplies  :  mais  les  organistes  composoient  et  exccu- 
toient  aussi  des  madrigaux  sur  Torgue;  et  l'on  pré- 
tend même  que  ce  fut  sur  cet  instrument  que  le 
madrigal  fut  inventé.  Ce  genre  de  contre-point,  qui 
étoit  assujetti  à  des  lois  très  rigoureuses ,  portoit  le 
nom  de  style  mndrig aie sque.  Plusieurs  auteurs,  pour 
y  avoir  excellé,  ont  immortalisé  leurs  noms  dans 
les  fastes  de  Fart  :  tels  furent  entre  auties,  Luca  Ma-- 
rentioy  Luigi  Prenestino ,  Pomponio  Nennay  Tommaso 
Pecci j  et  surtout  le  fameux  prince  de  P^enosa,  dont 
les  madrigaux ,  pleins  de  science  et  de  goût,  étoient 
admirés  par  tous  les  maîtres,  et  chantés  par  toutes 
les  dames. 

Magadiser,  V.  n.  C'étoit,  dans  la  musique  grecque, 
chanter  à  Toetave,  comme  faisoient  naturellement  les 
voix  de  femmes  et  d'hommes  mêlées  ensemble;  ainsi 
les  chants  magadisés  étoient  toujours  des  antiphonies. 
Ce  mot  vient  de  magas,  chevalet  d'instrument,  et,  par 
extension,  instrument  à  cordes  doubles,  montées  à 
Foctave  Tune  de  Tautre,  au  moyen  d'un  chevalet, 
comme  aujourd  hui  nos  clavecins. 

Magasin.  Hôtel  de  la  dépendance  de  l'Opéra  de 
Paris ,  où  logent  les  directeurs  et  d'autres  personnes 
attachées  à  l'Opéra,  et  dans  lequel  est  un  petit  théâ- 
tre, appelé  aussi  magasin  ou  théâtre  du  magasin ,  sur 
lequel  se  font  les  premières  répétitions.  C'est  ïodéwn 
de  la  musique  françoise.  (Voyez  Odéum.  ) 

Majeur,  adj.  Les  intervalles  susceptibles  de  varia- 

2.5, 


388  MAJ 

tions  sont  appelés  rnajeurs,  quand  ils  sont  aussi  grands 
qu'ils  peuvent  l'être  sans  devenir  faux. 

Les  intervalles  appelés  parfaits,  tels  que  Toctavejla 
quinte  et  la  quarte,  ne  varient  point  et  ne  sont  que 
justes;  sitôt  qu'on  les  altère,  ils  sont  faux.  Les  autres 
intervalles  peuvent,  sans  changer  de  nom  et  sans 
cesser  d'être  justes,  varier  d'une  certaine  différence: 
quand  cette  différence  peut  être  ôtée,  ils  sont  majeurs  ; 
mineurs^  quand  elle  peut  être  ajoutée. 

Ces  intervalles  variables  sont  au  nombre  de  cinq; 
savoir,  le  semi-ton,  le  ton,  la  tierce,  la  sixte  et  la 
septième.  A  l'égard  du  ton  et  du  semi-ton ,  leur  diffé- 
rence du  majeur  au  mineur  ne  sauroit  s'exprimer  en 
notes,  mais  en  nombres  seulement.  Le  semi-ton  ma- 
jeur est  l'intervalle  d  une  seconde  mineure,  connue  de 
si  à  utj  ou  de  mi  à  fa,  et  son  rapport  est  de  i5  à  i(). 
Le  ton  majeur  est  la  différence  de  la  quarte  à  la  quinte , 
et  son  rapport  est  de  8  à  9. 

Les  trois  autres  intervalles,  savoir,  la  tierce,  la 
sixte  et  la  septième,  diffèrent  toujours  d'un  semi-ton 
du  tnajeur  au  mineur,  et  ces  différences  peuvent  se 
noter.  Ainsi  la  tierce  mineure  a  un  ton  et  demi,  et  la 
tierce  majeure  deux  tons. 

Il  y  a  quelques  autres  plus  petits  intervalles  , 
comme  le  dièse  et  le  comma,  qu'on  distingue  en 
moindres,  mineurs,  moyens,  majeurs^  et  maximes; 
mais  comme  ces  intervalles  ne  peuvent  s'exprimer 
qu'en  nombre,  ces  distinctions  sont  inutiles  dans  la 
pratique. 

Majeur  se  dit  aussi  du  mode ,  lorsque  la  tierce  do  la 
tonique  est  majeure,  et  alors  souvent  le  mot  mode  ne 


MAI  389 

fait  que  se  sous-cntendre.  JWludcr  en  majeur,  passer 
du  majeur  au  mineur,  etc.  (Voyez  Mode.  ) 

Main  harmonique.  C'est  le  nom  que  donna  TAré- 
tiii  à  la  gamme  qu'il  inventa  pour  montrer  le  rapport 
de  ses  hexacordes  ,  de  ses  six  lettres  et  de  ses  six  syl- 
labes ,  avec  les  cinq  té tra cordes  des  Grecs.  Il  repré- 
senta cette  (jamme  sous  la  figure  d'une  main  gauche, 
sur  les  doigts  de  laquelle  étoient  marques  tous  les  sons 
de  la  gamme,  tant  par  les  lettres  correspondantes, 
que  par  les  syllabes  qu'il  y  avoit  jointes,  en  passant, 
par  la  régie  des  muances,  d'un  tétracorde  ou  d'un 
doigt  à  l'autre,  selon  le  lieu  où  se  trou  voient  les  deux 
semi-tons  de  Toctave  par  le  bécarre  ou  par  le  bé- 
mol ,  c'est-à-dire  selon  que  les  tétracordes  étoient 
conjoints  ou  disjoints.  (Voyez  Gamme,  Muances,  Sol- 
fier.) 

Maître  a  chanter.  Musicien  qui  enseigne  à  lire  la 
musique  vocale  et  à  chanter  sur  la  note. 

Les  fonctions  du  maître  à  chanter  se  rapportent  à 
deux  objets  principaux.  Le  premier,  qui  regarde  la 
culture  de  la  voix,  est  d'en  tirer  tout  ce  quelle  peut 
donner  en  fait  de  chant,  soit  par  l'étendue,  soit  par  la 
justesse,  soit  par  le  timbre,  soit  par  la  légèreté,  soit 
par  l'art  de  renforcer  ou  radoucir  les  sons ,  et  d'ap- 
prendre à  les  ménager  et  modifier  avec  tout  l'art  pos- 
sible. (Voyez  Chant,  Voix.  ) 

Le  second  objet  regarde  l'étude  des  signes,  c'est-à- 
dire  l'art  de  lire  la  note  sur  le  papier,  et  l'habitude  de 
la  déchiffrer  avec  tant  de  facilité  qu'à  l'ouverture  du 
livre  on  soit  en  état  de  chanter  toute  sorte  de  musi- 
que. (  Voyez  Note,  Solfier.) 


3  90  MAR 

Une  troisième  partie  des  fonctions  du  maître  à 
chanter  regarde  la  connoissance  de  la  langue,  surtout 
des  accents ,  de  la  quantité,  et  de  la  meilleure  manière 
de  prononcer;  parceque  les  défauts  de  la  pronon- 
ciation sont  beaucoup  plus  sensibles  dans  le  chant 
que  dans  la  parole,  et  qu'une  vocale  bien  faite  ne 
doit  être  qu'une  manière  plus  énergique  et  plus  agréa- 
ble de  marquer  la  prosodie  et  les  accents.  (Voyez 
Accent.) 

Maître  de  cfiapelle.  (Voyez  Maître  de  MUsrQUE.  ) 

Maître  de  musique.  Musicien  gagé  pour  composer 
de  la  musique  et  la  faire  exécuter.  C'est  le  maître  de 
musLc^ue  qui  bat  la  mesure  et  dirige  les  musiciens:  il 
doit  savoir  la  composition,  quoiqu'il  ne  compose  pas 
toujours  la  musique  qu'il  fait  exécuter.  A  l'Opéra  de 
Paris,  par  exemple,  Femploi  de  battre  la  mesure  est 
un  office  particulier;  au  lieu  que  la  musique  des 
opéra  est  composée  par  quiconque  en  a  le  talent  et  la 
volonté.  En  Itidie,  celui  qui  a  composé  un  opéra  en 
dirige  toujours  l'exécution ,  non  en  battant  la  mesure , 
mais  au  clavecin.  Ainsi  l'emploi  de  maître  de  musiciue 
n  a  guère  lieu  que  dans  les  églises  :  aussi  ne  dit-on- 
point  en  Italie  maître  de  musicjue  ^  mais  maître  de  cha- 
pelle ;  dénomination  qui  commence  à  passer  aussi  en 
France. 

Marche,  s.f.  Air  militaire  qui  se  joue  par  des  instru- 
ments de  guerre,  et  marque  le  métré  et  la  cadence 
des  tambours,  laquelle  est  proprement  la  marche. 

Chardin  dit  i[|u'en  Perse,  quand  on  veut  abattre 
des  maisons,  aplanir  un  terrain,  ou  faire  quelque 
autre  ouvrage    expéditif  qui  demande  une   multi- 


M AU  391 

tiule  de  bras,  on  assemble  les  habitants  de  tout  un 
fjuai  lier ,  qu'ils  travaillent  au  son  des  instruments , 
et  qu'ainsi  Touvrage  se  fait  avec  beaucoup  plus  de 
zélé  et  de  promptitude  que  si  les  instruments  n'y 
ctoient  pas. 

Le  maréchal  de  Saxe  a  montré  dans  ses  Rêveries 
que  Teffet  des  tambours  ne  se  bornoit  pas  non  plus  à 
un  vain  bruit  sans  utilité,  mais  que,  selon  que  le  mou- 
vement en  étoit  plus  vif  ou  plus  lent,  ils  portoient 
naturellement  le  soldat  à  presser  ou  ralentir  son  pas  : 
on  peut  dire  aussi  que  les  airs  des  marches  doivent 
avoir  différents  caractères ,  selon  les  occasions  où  on 
les  emploie  ;  et  c'est  ce  qu'on  a  dû  sentir  jusqu'à 
certain  point  quand  on  les  a  distingués  et  diversifiés, 
l'un  pour  la  générale,  l'autre  pour  la  marche,  l'autre 
pour  la  charge ,  etc.  Mais  il  s'en  faut  bien  qu'on  ait 
mis  à  profit  ce  principe  autant  qu'il  auroit  pu  î  être; 
on  s'est  borné  jusqu'ici  à  composer  des  airs  qui  fissent 
bien  sentir  le  métré  et  la  batterie  des  tambours  : 
encore  fort  souvent  les  airs  des  marches  remplissent- 
ils  assez  mal  cet  objet.  Les  troupes  frauçoises  ayant 
peu  d'instruments  militaires  pour  l'infanterie,  hors 
les  fifres  et  les  tambours,  ont  aussi  fort  peu  de  mar- 
ches, et  la  plupart  très  mal  faites  :  mais  il  y  en  a  d'ad- 
mirables dans  les  troupes  allemandes. 

Pour  exemple  de  l'accord  de  l'air  et  de  la  marche, 
je  donnerai  [Planche  C,  figure  3  )  la  première  partie  de 
celle  des  mousquetaires  du  roi  de  France. 

Il  n'y  a  dans  les  troupes  que  l'infanterie  et  la  ca- 
valerie légère  qui  aient  des  marches.  Les  timbales  de  la 
cavalerie  n'ont  point  de  ??irtrc/ie  réglée;  les  trompettes 


392  MAX 

nont  qu  un  ton  presque  uniforme,  et  des  fanfares. 
(Voyez  Fanfare.) 

Marcher,  v.  n.  Ce  terme  s'emploie  figurément  en 
musique,  et  se  dit  de  la  succession  des  sons  ou  des 
accords  qui  se  suivent  dans  certain  ordre.  La  basse 
et  le  dessus  marchent  paj-  mouvements  contraires  :  Mar- 
che de  basse;  marcher  à  contre-temps. 

Martellement  ,  5.  m.  Sorte  d'agrément  du  chant 
françois.  Lorsque  descendant  diatoniquement  d'une 
note  sur  une  autre  par  un  trille,  on  appuie  avec  force 
le  son  de  la  première  note  sur  la  seconde,  tombant 
ensuite  sur  cette  seconde  note  par  un  seul  coup  de 
gosier ,  on  appelle  cela  faire  un  martellement.  (  Voyez 
Planche  B,  figure  1 3.  ) 

Maxime,  adj.  On  appelle  intervalle  maxime  celui 
qui  est  plus  grand  que  le  majeur  de  la  même  espèce, 
et  qui  ne  peut  se  noter;  car  s'il  pouvoit  se  noter,  il  no 
s'appelleroit  pas  maxime ,  mais  superflu. 

Le  semi-ton  maxime  fait  la  différence  du  semi-ton 
mineur  au  ton  majeur,  et  son  rapport  est  de  25  à  27. 
11  y  auroit  entre  \ut  dièse  et  le  re  un  semi-ton  de  cette 
espèce,  si  tous  les  semi-tons  n'étolent  pas  rendus 
égaux  ou  supposés  tels  par  le  tempérament. 

Le  dièse  maxime  est  la  différence  du  ton  mineur  au 
semi-ton  maxime,  en  rapport  de243à25o. 

Enfin  le  comma  maxime,  ou  comma  de  Pythagore, 
est  la  quantité  dont  diffèrent  entre  eux  les  deux 
termes  les  plus  voisins  d'une  progression  par  quintes, 
et  d'une  progression  par  octaves,  c'est-à-dire  l'excès 
de  la  douzième  quinte  si  dièse  sur  la  septième  octave 
ut  ;  et  cet  excès,  dans  le  rapport  de  62  {288  à  53 1  44*  ? 


M  KL  ?)[)?) 

est  la  différence  que  le  tempérament  fait  évanouir. 

Maximk,  s.  f.  C'est  une  note  faite  en  carré-lonj) 
horizontal  avec  une  queue  au  côté  droit,  de  cette 
manière  d\ ,  laquelle  vaut  huit  mesures  à  deux  temps  ^ 
c  est-à-dire  deux  longues,  et  quelquefois  trois,  selon 
le  mode.  (Voyez  Mode.)  Cette  sorte  de  note  n'est  plus 
d'usage  depuis  qu'on  sépare  les  mesures  par  des 
harres ,  et  qu'on  marque  avec  des  liaisons  les  tenues 
ou  continuités  des  sons.  (Voyez  BARRt:s ,  Mesure.  ) 

Médiante,  s.  f.  C'est  la  corde  ou  la  note  qui  partage 
en  deux  tierces  Tintervalle  de  quinte  qui  se  trouve 
entre  la  tonique  et  la  dominante.  L'une  de  ces  tierces 
est  majeure,  l'autre  mineur;  et  c'est  leur  position 
relative  qui  détermine  le  mode.  Quand  la  tierce  ma- 
jeure est  au  grave,  c'est-à-dire  entre  la  médiante  et  la 
tonique,  le  mode  est  majeur;  quand  la  tierce  majeure 
esta  l'aigu  et  la  mineure  au  grave,  le  mode  est  mi- 
neur. (Voyez  Mode,  Tonique,  Dominante.) 

Médiation,  s.  f.  Partage  de  chaque  verset  d'un 
psaume  en  deux  parties,  l'une  psalmodiée  t)u  chantée 
par  un  côté  du  chœur,  et  l'autre  par  l'autre,  dans  les 
églises  catholiques. 

Médium,  s.  m.  Lieu  de  la  voix  également  distant 
de  ses  deux  extrémités  au  grave  et  à  l'aigu.  Le  haut 
est  plus  éclatant,  mais  il  est  presque  toujours  forcé; 
le  bas  est  grave  et  majestueux,  mais  il  est  plus  sourd. 

Un  beau  médium^  auquel  on  suppose  une  certaine 
latitude,  donne  les  sons  les  mieux  nourris,  les  plus 
mélodieux,  et  remplit  le  plus  agréablement  l'oreille. 
(Voyez  son.) 

Mélange,  s,  m.  Une  des  parties  de  l'ancienne  mé- 


394  ^ii^ï. 

lopée,  appelée  û'^o^/e  par  les  Grecs,  laquelle  consiste 
à  savoir  entrelacer  et  mêler  à  propos  les  modes  et  les 
genres.  (Voyez  Mélopée.) 

Mélodie  ,  s.  f.  Succession  de  sons  tellement  or- 
donnés selon  les  lois  du  rhytlime  et  de  la  modulation, 
quelle  forme  un  sens  agréable  à  Foreille;  la  mélodie 
vocale  s'appelle  chant,  et  l'instrumentale ,  symphonie. 

L'idée  du  rhythme  entre  nécessairement  dans  celle 
de  la  mélodie;  un  chant  n'est  un  chant  qu'autant  qu'il 
est  mesuré  ;  la  même  succession  de  sons  peut  recevoir 
autant  de  caractères,  autant  de  mélodies  différentes 
qu'on  peut  la  scander  différemment;  et  le  seul  chan- 
gement de  valeur  des  notes  peut  défigurer  cette  même 
succession  au  point  de  la  rendie  méconnoissable. 
Ainsi  la  mélodie  n'est  rien  par  elle-même  ;  a'est  la  me- 
sure qui  la  détermine,  et  il  n'y  a  point  de  chant  sans 
le  temps.  On  ne  doit  donc  pas  comparer  la  mélodie 
avec  l'harmonie ,  abstraction  faite  de  la  mesure  dans 
toutes  les  deux  ;  car  elle  est  essentielle  à  l'une  et  non 
pas  l'autre. 

La  mélodie  se  rapporte  à  deux  principes  différents, 
selon  la  manière  dont  on  la  considère.  Prise  par  les 
rapports  des  sons  et  par  les  régies  du  mode,  elle  a  son 
principe  dans  l'harmonie,  puisque  c'est  une  analyse 
harmonique  qui  donne  les  degrés  de  la  gamme,  les 
cordes  du  mode,  et  les  lois  de  la  modulation  ,  uniques 
éléments  du  chant.  Selon  ce  principe,  toute  la  force 
de  la  mélodie  se  borne  à  flatter  l'oreille  par  des  sons 
agréables,  comme  on  peut  flatter  la  vue  par  d'agréa- 
bles accords  de  couleur;  mais  prise  pour  un  art  d'imi- 
tation par  lequel  on  peut  affecter  l'esprit  de  diverses 


"^  .  " 


M  EL  Jijj 

images ,  émouvoir  le  cœur  de  divers  sentiments  , 
exciter  et  calmer  les  passions ,  opérer  ,  en  un  mot , 
des  effets  moraux  qui  passent  Tempire  immédiat  des 
sens,  il  lui  faut  chercher  un  autre  principe:  car  on 
ne  voit  aucune  prise  par  laquelle  la  seule  harmo- 
nie, et  tout  ce  qui  vient  d'elle,  puisse  nous  affecter 
ainsi. 

Quel  est  ce  second  principe?  il  est  dans  la  nature 
ainsi  que  le  premier;  mais  pour  Ty  découvrir  il  faut 
une  observation  plus  fine,  quoique  plus  simple,  et 
plus  de  sensibilité  dans  Tobservateur.  Ce  principe  est 
le  même  qui  fait  varier  le  ton  de  la  voix  quand  on 
parle  ,  selon  les  choses  qu'on  dit  et  les  mouvements 
qu'on  éprouve  en  les  disant.  C'est  l'accent  des  langues 
qui  détermine  la  mélodie  de  chaque  nation;  c'est  l'ac- 
cent qui  fait  qu'on  parle  en  chantant,  et  qu'on  parle 
avec  plus  ou  moins  d'énergie,  selon  que  la  langue  a 
plus  ou  moins  d'accent.  Celle  dont  l'accent  est  plus 
mai  que  doit  donner  une  mélodie  plus  vive  et  plus  pas- 
sionnée; celle  qui  n'a  que  peu  ou  point  d  accent  ne 
peut  avoir  qu'une  mélodie  languissante  et  froide,  sans 
caractère  et  sans  expression.  Voilà  les  vrais  principes  ; 
taqt  qu'on  en  sortira  et  qu'on  voudra  parler  du  pou- 
voir de  la  musique  sur  le  cœur  humain ,  on  parlera 
sans  s'entendre ,  on  ne  saura  ce  qu'on  dira. 

Si  la  musique  ne  peint  que  par  la  ?iiélodie ,  et  tiro 
d'elle  toute  sa  force,  il  s'ensuit  que  toute  musique  qui 
ne  chante  pas,  quelque  harmonieuse  qu'elle  puisse 
être,  nest  point  une  musique  imitative,  et,  ne  pou- 
vant ni  toucher  ni  peindre  avec  ses  beaux  accords , 
lasse  bientôt  les  oreilles,  et  laisse  toujours  le  cœur 


froid.  Il  suit  encore  que,  malgré  la  diversité  des  par- 
ties que  1  harmonie  a  introduites,  et  dont  on  abuse 
tant  aujourd'hui,  sitôt  que  deux  mélodies  se  font  en- 
tendre à-la-fois ,  elles  s'effacent  Fune  l'autre  et  de- 
meurent de  nul  effet,  quelque  belles  qu'elles  puissent 
être  chacune  séparément  :  d'où  Ton  peut  jU(jer  avec 
quel  goût  les  compositeurs  françois  ont  introduit  à 
leur  Opéra  l'usage  de  faire  servir  un  air  d'accompa- 
{jnement  à  un  chœur  ou  à  un  autre  air;  ce  qui  est 
comme  si  on  s  avisoit  de  réciter  deux  discours  à-la- 
fois,  pour  donner  plus  de  force  à  leur  éloquence. 
(Voyez  Unité  de  mélodie.) 

Mélodieux,  adj.  Qui  donne  de  la  mélodie.  3Iélo- 
dieux,  dans  l'usage,  se  dit  des  sons  agréables,  des 
voix  sonores,  des  chants  doux  et  gracieux,  etc. 

Mélopée,  s.  f.  C'étoit  dans  l'ancienne  musique, 
l'usage  régidier  de  toutes  les  parties  harmoniques, 
c'est-à-dire  l'art  ou  les  régies  de  la  composition  du 
chant,  desquelles  la  pratique  et  l'effet  s'appeloit  mé- 
lodie. 

Les  anciens  avoient  diverses  régies  pour  la  manière 
de  conduire  le  chant  par  degrés  conjoints,  disjoints, 
ou  mêlés ,  en  montant  ou  en  descendant.  On  en  trouve 
plusieurs  dans  Aristoxène,  lesquelles  dépendent  toutes 
de  ce  principe,  que,  dans  tout  système  harmonique, 
le  troisième  ou  le  quatrième  son  après  le  fondamental 
en  doit  toujours  frapper  la  quarte  ou  la  quinte,  selon 
que  les  tétracordes  sont  conjoints  ou  disjoints;  diffé- 
rence cjui  rend  un  mode  authentique  ou  plagal  au  gré 
du  compositeur.  C'est  le  recueil  de  toutes  ces  régies 
qui  s'appelle  mélopée. 


M KL  397 

La  rnclopée  est  composée  de  trois  parties:  savoir, 
la  prise,  lepsis^  qui  enseigne  au  musicien  en  quel  lieu 
de  la  voix  il  doit  établir  son  diapason  ;  le  mélange , 
mi.vis,  selon  lequel  il  entrelace  ou  mêle  à  propos  les 
genres  et  les  modes;  et  r usage,  chrésès,  qui  se  subdi- 
vise en  trois  autres  parties.  La  première,  appelée 
eiUhia ,  guide  la  marcbe  du  cliant,  laquelle  est,  ou  di- 
recte du  grave  à  Faigu ,  ou  renversée  de  Taigu  au 
grave,  ou  mixte,  c'est-à-dire  composée  de  l'une  et  de 
l'autre.  La  deuxième ,  appelée  agogé,  marche  alterna- 
tivement par  degrés  disjoints  en  montant,  et  conjoints 
en  descendant,  ou  au  contraire.  La  troisième,  appelée 
petteïa,  par  laquelle  il  discerne  et  choisit  les  sons  qu  il 
faut  rejeter,  ceux  qu  il  faut  admettre,  et  ceux  qu'il 
faut  employer  le  plus  fréquemment. 

Aristide  Quintilien  divise  toute  la  mélopée  en  trois 
espèces  qui  se  rapportent  à  autant  de  modes,  en  pre- 
nant ce  dernier  nom  dans  un  nouveau  sens.  La  pre- 
mière espèce  étoit  \ hypatoïde ,  appelée  ainsi  de  la 
corde  liypate ,  la  principale  ou  la  plus  basse ,  parceque 
le  chant,  régnant  seulement  sur  les  sons  graves,  ne 
s'éloignoit  pas  de  cette  corde,  et  ce  chant  étoit  ap- 
proprié au  mode  tragique.  La  seconde  espèce,  étoit  la 
mésoïde,  de  mèse ,  la  corde  du  milieu,  parceque  le 
chant  régnoit  sur  les  sons  moyens,  et  celle-ci  répon- 
doit  au  mode  nomique,  consacré  à  Apollon.  La  troi- 
sième s'appeloit  nétoCde  de  nète,  la  dernière  corde  ou 
la  plus  haute  \  son  chant  ne  s'étendoit  que  sur  les  sons 
aigus,  et  constituoit  le  mode  dithyrambique  ou  ba- 
chique. Ces  modes  en  avoient  d'autres  qui  leur  étoient 
subordonnés,  et  varioient  la  mélopée;  tels  que  l'éro- 


398  MEN 

lique  ou  amoureux,  le  comique,  rencômiaque,  des- 
tiné aux  louanges. 

Tous  ces  modes,  étant  propres  à  exciter  ou  calmer 
certaines  passions ,  influoient  beaucoup  sur  les  mœurs  ; 
et,  par  rapport  à  cette  influence,  la  mélopée  se  parta- 
geoit  encore  en  trois  genres  :  savoir,  i»  le  sysialtique ^ 
ou  celui  qui  inspiroit  les  passions  tendres  et  affec- 
tueuses, les  passions  tristes  et  capables  de  resserrer 
le  cœur,  suivant  le  sens  du  mot  grec;  1^  le  diastal- 
ticjue^  ou  celui  qui  étoit  propre  à  Fépanouir,  en  exci- 
tant la  joie,  le  courage,  la  magnanimité,  les  grands 
sentiments;  3°  Xeucliasticjuc^  qui  tenoit  le  milieu  entre 
les  deux  autres,  qui  ramenoit  famé  à  un  état  tran- 
quille. La  première  espèce  de  mélopée  convenoit  aux 
poésies  amoureuses,  aux  plaintes,  aux  regrets,  et 
autres  expressions  semblables.  La  seconde  étoit  pro- 
pre aux  tragédies,  aux  chants  de  guerre,  aux  sujets 
héroïques.  La  troisième  aux  hymnes,  aux  louanges, 
aux  instructions. 

Mélos,  s.  m.  Douceur  du  chant.  Il  est  difficile  de 
distinguer  dans  les  auteurs  grecs  le  sens  du  mot  mélos 
du  sens  du  mot  mélodie.  Platon ,  dans  son  Protagoras , 
met  le  mélos  dans  le  simple  discours ,  et  semble  en- 
tendre par  là  le  chant  de  la  parole.  Le  mélos  paroît 
être  ce  par  quoi  la  mélodie  est  agréable.  Ce  mot  vient 
de  f^-é^''  1  miel. 

Menuet,  s.  m.  Air  d'une  danse  de  même  nom,  que 
Tabbé  Brossard  dit  nous  venir  du  Poitou.  Selon  hii 
cette  danse  est  fort  gaie,  et  son  mouvement  est  fort 
vite;  mais,  au  contraire,  le  caractère  du  menuet  est 
une  élégante  et  noble  simplicité  ;  le  mouvement  en  est. 


MES  399 

plus  modéré  que  vite,  et  Ton  peut  dire  que  le  moins 
(jai  de  tous  les  genres  de  danses  usités  dans  nos  bals 
est  le  menuet.  C'est  autre  chose  sur  le  théâtre. 

La  mesure  du  menuet  est  à  trois  temps  légers ,  qu'on 
marque  par  le  3  simple,  ou  par  le  ^,  ou  parle  f.  Le 
nombre  des  mesures  de  Tair  dans  chacune  de  ses  re- 
prises doit  être  quatre  ou  un  multiple  de  quatre ,  par- 
cequ'il  en  faut  autant  pour  achever  le  pas  du  menuet; 
et  le  soin  du  musicien  doit  être  de  faire  sentir  cette 
division  par  des  chutes  bien  marquées  ,  pour  aider 
Toreille  du  danseur  et  le  maintenir  en  cadence. 

Mèse,  s.f.  Nom  de  la  corde  la  plus  aiguë  du  second 
tétracorde  des  Grecs.  (Voyez  Méson.) 

Mèse  signifie  moyenne.^  et  ce  nom  fut  donné  à  cette 
corde,  non,  comme  dit  Tabbé  Brossard,  parcequ'elle 
est  commune  ou  mitoyenne  entre  les  deux  octaves  de 
Tancien  système ,  car  elle  portoit  ce  nom  bien  avant 
que  le  système  eût  acquis  cette  étendue,  mais  parce- 
qu'elle formoit  précisément  le  milieu  entre  les  deux 
premiers  tétracordes  dont  ce  système  avoit  d'abord 
été  composé. 

Mésoïde,  s.f.  Sorte  de  mélopée  dont  les  chants  rou- 
loientsurles  cordes  moyennes,  lesquelles  s'appeloient 
aussi  mésoïdes  de  la  mèse  ou  du  tétracorde  méson. 

Mésoïdes.  Sons  moyens,  ou  pris  dans  le  médium 
du  système.  (Voyez  Mélopée.)  \ 

Méson.  Nom  donné  par  les  Grecs  à  leur  second  té- 
tracorde, en  commençant  à  compter  du  grave  ;  et  c'est 
aussi  le  nom  par  lequel  on  distingue  chacune  de  ses 
quatre  cordes  de  celles  qui  leur  correspondent  dans 
les  autres  tétracordes  :  ainsi ,  dans  celui  dont  je  parlcj 


4oO  MES 

la  première  corde  s  appelle  hypate-niéson;  la  seconde, 
parhypate-méson ;  la  troisième,  lichanos-inéson ^  oumé- 
sofi-diatonos ,  et  la  quatrième,  inèse.  (  Voyez  Système.  ) 

Méson  est  le  génitif  plm'iel  de  mèse^  moyenne,  parce- 
que  le  tétracorde  méson  occupe  le  milieu  entre  le  pre- 
mier et  le  troisième,  ou  plutôt  parceque  la  corde  mcse 
donne  son  nom  à  ce  tétracorde  dont  elle  forme  Fex- 
trémité  aiguë.  (Voyez  Planche  W^  figure  i.  ) 

Mésopycni,  adj.  Les  anciens  appeloient  ainsi,  dans 
les  genres  épais,  le  second  son  de  chaque  tétracorde. 
Ainsi  les  sons  mésopycni  étoient  cinq  en  nombre. 
(Voyez  Son,  Système,  Tétracorde.) 

Mesure,  s.  f.  Division  de  la  durée  ou  du  temps 
en  plusieurs  parties  égales,  assez  longues  pour  que 
l'oreille  en  puisse  saisir  et  subdiviser  la  quantité,  et 
assez  courtes  pour  que  1  idée  de  l'une  ne  s'eBace  pas 
avant  le  retour  de  Fautre,  et  qu'on  en  sente  l'égalité. 

Chacune  de  ces  parties  égales  s'appelle  aussi  me- 
sure: elles  se  subdivisent  en  d'autres  aliquotes  qu'on 
appelle  temps,  et  qui  se  marquent  par  des  mouve- 
ments égaux  de  la  main  ou  du  pied.  (Voyez  Battre  la 
mesure.  )  La  durée  égale  de  chaque  temps  ou  de  cha- 
que mesure  est  remplie  par  plusieurs  notes  qui  passent 
plus  ou  moins  vite  en  proportion  de  leur  nombre,  et 
auxquelles  on  donne  diverses  Figures  pour  marquer 
leurs  différentes  durées.  (Voyez  Valeur  des  notes.) 

Plusieurs,  considérant  le  progrès  de  notre  miisi- 
(jue,  pensent  que  la  mesure  est  de  nouvelle  invention, 
parcequ'un  temps  elle  a  été  négligée  ;  mais  au  con- 
traire ,  non  seulement  les  anciens  pratiquoient  la 
mesure^  ils  lui  avoient  même  donné  des  régies  très 


MJES  4oi 

sévères  et  fondées  sur  des  principes  que  la  nôtre  n'a 
plus.  En  effet,  chanter  sans  mesure  n'est  pas  chanter  ; 
et  le  sentiment  de  la  mesure  n'étant  pa.^  moins  naturel 
que  celui  de  Tintonation ,  Tinvention  de  ces  deux 
choses  n'a  pu  se  faire  séparément. 

La  mesure  des  Grecs  tenoit  à  leur  Ian^cr,je  ;  c'étoit  la 
poésie  qui  l'avoit  donnée  à  la  musique  ;  les  mesures  de 
Tune  répondoient  aux  pieds  de  Tciutre:  on  n'auroit 
pas  pu  mesurer  de  la  prose  en  musique.  Chez  nous 
c'est  le  contraire:  le  peu  de  prosodie  de  nos  langues 
fait  que  dans  nos  chants  la  valeur  des  notes  détermine 
la  quantité  des  syllabes  ;  c'est  sur  la  méîodie  qu'on 
est  forcé  de  scander  le  discours;  on  n'aperçoit  pas 
même  si  ce  qu'on  chante  est  vers  ou  prose  :  nos  poésies 
n'ayant  plus  de  pieds ,  nos  vocales  n'ont  plus  de  me- 
sures ;  le  chant  guide  et  la  parole  obéit. 

La  mesure  tomba  dans  l'oubli,  quoique  l  intonation 
fut  toujours  cultivée,  lorsque  après  les  victoires  des 
Barbares  les  langues  changèrent  de  caractère  et  perdi- 
rentleur  harmonie.  Il  n'est  pas  étonnant  que  le  métré 
qui  servoit  à  exprimer  la  mesure  de  la  poésie  fût  né- 
gligé dans  des  temps  où  on  ne  la  sentoit  plus  ,  et  où 
l'on  chantoit  moins  de  vers  que  de  prose.  Les  peuples 
ne  connoissoient  guère  "alors  d'autre  amusement  que 
les  cérémonies  de  l'égUse,  ni  d'autre  musique  que 
celle  de  l'office  ;  et  comme  cette  musique  n'exigeoit 
pas  la  régularité  du  rhythme,  cette  partie  fut  enfin 
tout-à-fait  oubliée.  Gui  nota  sa  musique  avec  des 
points  qui  n'exprimoient  pas  des  quantités  différentes , 
et  1  invention  des  notes  fut  certainement  postérieure 
à  cet  auteur. 

XIV.  26 


4o:>.  >iES 

On  attribue  communément  cette  invention  des  di- 
verses valeurs  des  notes  à  Jean  de  Mûris  ^  vers  Fan 
i33o;  mais  le  P.  Mersenne  le  nie  avec  raison,  et  il 
jpaut  n'avoir  jamais  lu  les  écrits  de  ce  chanoine  pour 
soutenir  une  opinion  qu'ils  démentent  si  clairement. 
Non  seulement  il  compare  les  valeurs  que  les  notes 
avoient  avant  lui  à  celles  qu'on  leur  donnoit  de  son 
temps,  et  dont  il  ne  se  donne  point  pour  Fauteur, 
mais  même  il  parle  de  la  mesure^  et  dit  que  les  mo- 
dernes, c'est-à-dire  ses  contemporains,  la  ralentis- 
sent beaucoup  ,  etnioderni  nunc  niorosâ  multùm  utuntur 
mensurâ  :  ce  qui  suppose  évidemment  que  la  mesure,  et 
par  conséquent  les  valeurs  des  notes,  étoient  connues 
et  usitées  avant  lui.  Ceux  qui  voudront  rechercher 
plus  en  détail  Fétat  où  étoit  cette  partie  de  la  musique 
du  temps  de  cet  auteur,  pourront  consulter  son  traite 
manuscrit  intitulé,  Spéculum  Musicœ,  qui  est  à  la  Bi- 
bliothèque du  roi  de  France,  numéro  7207 ,  pa(>.  280 
et  suivantes. 

Les  premiers  qui  donnèrent  aux  notes  quelques 
régies  de  quantité  s'attachèrent  plus  aux  valeurs  ou 
durées  relatives  de  ces  notes  qu'à  la  mesure  même  ou 
au  caractère  du  mouvement;  de  sorte  qu'avant  la  dis- 
tinction des  différentes  mesures  il  y  a  voit  des  notes  au 
moins  de  cinq  valeurs  différentes  ;  savoir,  la  maxime , 
la  longue,  la  brève,  Ja  semi-brève,  et  la  minime,  que 
l'on  peut  voir  à  leurs  mots.  Ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'est  qu'on  trouve  toutes  ces  différentes  valeurs  et 
même  davantage  dans  les  manuscrits  de  Macliault , 
sans  y  trouver  jamais  aucun  signe  de  mesure. 

Dans  la  suite,  les  rapports  en  valeur  d'une  de  ce i 


MES  4o3 

nole&à  Taiitre  dépendirent  du  temps,  de  la  piolatioii 
du  mode.  Par  Je  mode  on  déterminoit  Je  rapport  de 
la  maxime  à  la  longue,  ou  de  la  lonj>ue  à  la  brève;  par 
le  temps,  celui  de  la  longue  à  la  brève,  ou  de  la  brève 
à  la  semi-brève  ;  et  par  la  prolation ,  celui  de  la  brève  à 
la  semi-brève,  ou  dé  la  semi-brève  à  la  minime.  (Voyez 
Mode,  Prolation,  Temps.)  En  général  toutes  ces  diffé- 
jentes  modifications  se  peuvent  rapporter  à  la  mesure 
double  ou  à  la  mesure  triple ,  c'est-à-dire  à  la  division  de 
chaque  valeur  entière  en  deux  ou  trois  temps  égaux. 

Cette  manière  d'exprimer  le  temps  ou  la  mesure 
des  notes  changea  entièrement  durant  le  cours  du 
dernier  siècle.  Dès  qu'on  eut  pris  l'habitude  de  ren- 
fermer chaque  mesure  entre  deux  barres ,  il  fallut  né- 
cessairement proscrire  toutes  les  espèces  de  notes  qui 
renferm oient  plusieurs  mesures.  La  mesure  en  devint 
plus  claire,  les  partitions  mieux  ordonnées,  et  l'exé- 
cution plus  facile  ;  ce  qui  étoit  fort  nécessaire  pour 
compenser  les  difficultés  que  la  musique  acquéroit  en 
devenant  chaque  jour  plus  composée.  J  ai  vu  d'excel- 
lents musiciens  fort  embarrassés  d'exécuter  bien  en 
mesw^e  des  trio  d'Orlande  et  de  Claudin ,  compositeurs 
du  temps  de  Henri  III. 

Jusque-là  la  raison  triple  avoit  passé  pour  la  plus 
parfaite  :  mais  la  double  prit  enfin  l'ascendant,  et  le 
C,  ou  la  mesure  à  quatre  temps  fut  prise  pour  la  base 
de  toutes  les  autres.  Or,  la  mesure  à  quatre  temps  se 
résout  toujours  en  mesure  à  deux  temps  ;  ainsi  c'est 
proprement  à  la  mesure  double  qu'on  fait  rapporter 
toutes  les  autreâ ,  du  moins  quant  aux  valeurs  des 
notes  et  aux  signes  des  mesures. 

2Q* 


4o4  MES 

Au  lieu  donc  des  maximes,  longues,  brèves,  semi- 
brèves  ,  etc. ,  on  substitua  les  rondes ,  blanches ,  noires, 
croches,  doubles  et  triples-croches,  etc.,  qui  toutes 
furent  prises  en  division  sous-double;  de  sorte  que 
chaque  espèce  de  note  valoit  précisément  la  moitié 
delà  précédente.  Division  manifestement  insuffisante, 
puisque  ayant  conservé  la  mesure  triple  aussi  bien  que 
la  double  ou  quadruple ,  et  chaque  temps  pouvant  être 
divisé  comme  chaque  me^wre.  en  raison  sous-double  ou 
sous-triple  à  la  volonté  du  compositeur,  il  falloit  assi- 
gner, ou  plutôt  conserver  aux  notes  des  divisions  ré- 
pondantes à  ces  deux  raisons. 

Les  musiciens  sentirent  bientôt  le  défaut  ;  mais ,  au 
lieu  d'établir  une  nouvelle  division,  ils  tâchèrent  de 
suppléer  à  cela  par  quelque  signe  étranger  :  ainsi ,  ne 
pouvant  diviser  une  blanche  en  trois  parties  égales, 
ils  se  sont  contentés  d'écrire  trois  noires,  ajoutant  le 
chiffre  3  sur  celle  du  milieu.  Ce  chiffre  même  leur  a 
enfin  paru  trop  incommode ,  et ,  pour  tendre  des  pièges 
plus  sûrs  à  ceux  qui  ont  à  lire  leur  musique ,  ils  pren- 
nent le  parti  de  supprimer  le  3  ou  même  le  6  ;  en  sorte 
que,  pour  savoir  si  la  division  est  double  ou  triple, 
on  n^'a  d'autre  parti  à  prendre  que  celui  de  compter 
les  notes  ou  de  deviner. 

Quoiqu'il  n'y  ait  dans  notre  musique  que  deux 
sortes  de  mesures^  on  y  a  fait  tant  de  divisions,  qu'où 
en  peut  compter  au  moins  de  seize  espèces,  dont  voici 
les  signes^ 

^2666  33939    3         12    12    12 

^^''m=:.4-4-8- i6-  ^'  2-4-4-8-8-I6-       4-    8-    iCr 
(  Voyez  les  exemples  Planche  B,  figure  i .  ) 


MES  /\()^ 

De  toutes  ces  mesures  il  y  en  a  tjois  qu'on  appelle 
simples ,  parcequ'elles  n  ont  qu'un  seul  chiiïje  ou 
sijj^ne;  savoir  le  2  ou  ^  ,  le  3 ,  et  leC,  ou  quatre  temps. 
Toutes  les  autres,  qu'on  appelle  doubles,  tirent  leur 
dénomination  et  leurs  signes  de  cette  dernière  ou  de 
la  note  ronde  qui  la  remplit  ;  en  voici  la  régie  : 

Le  chiffre  inférieur  marque  un  nombre  de  notes 
de  valeur  égale,  faisant  ensemble  la  durée  d'une  ronde 
ou  d'une  mesure  à  quatre  temps. 

Le  chiffre  supérieur  montre  combien  il  faut  de  ces 
mêmes  notes  pour  remplir  chaque  mesure  de  l'air 
fpi'on  va  noter. 

Par  cette  règle  on  voit  qu  il  fauttrois  blanches  pour 
remplir  une  ynesia^e  au  signt3  3  ;  deux  noires  pour  celle 
au  signe  ^;  trois  croches  pour  celle  au  signe  g,  etc. 
Tout  cet  embarras  de  chiffres  est  mal  entendu  ;  car 
pourcpioi  ce  rapport  de  tant  de  différentes  mesures  à 
celle  de  quatre  temps  ,  qui  leur  est  si  peu  semblable? 
ou  pourquoi  ce  rapport  de  tant  de  diverses  notes  à 
une  ronde,  dont  la  durée  est  si  peu  déterminée?  Si 
tous  ces  signes  sont  institués  pour  marquer  autant  de 
différentes  sortes  de  mesures ^  il  y  en  a  beaucoup  trop; 
et  s'ils  le  sont  pour  exprimer  les  divers  degrés  de 
mouvement ,  il  n'y  en  a  pas  assez ,  puisque  indépen- 
„damment  de  l'espèce  de  mesure  et  de  la  division  des 
temps,  on  est  presque  toujours  contraint  d'ajouîer 
un  mot  au  commencement  de  l'air  pour  déterminer 
le  temps. 

Il  n'y  a  réellement  que  deux  sortes  de  mesures  dans 
notre  musique;  savoij-,  à  deux  et  trois  temps  égaux. 
Mais  comme  chaque  temps,  ainsi  que  chafiue  mesu^rej 


4oÔ  MEZ 

peut  se  diviser  en  deux  ou  en  trois  parties  égales,  cela 
fait  une  subdivision  qui  donne  quatre  espèces  de  me- 
sures en  tout;  nous  n'en  avons  pas  davantage. 

On  pourroit  cependant  en  ajouter  une  cinquième, 
en  combinant  les  deux  premières  en  une  mesure  à  deux 
temps  irtîégaux,  Tun  composé  de  deux  notes,  et  l'autre 
de  trois.  On  peut  trouver  dans  cette  mesure  des  chants 
très  bien  eadencés ,  qu  il  seroit  impossible  de  noter 
par  les  mesures  usitées.  J'en  donne  un  exemple  dans 
la  Planche  B,  figure  lo.  Le  sieur  AdolTati  fit  à  Gênes, 
en  1 75o,  un  essai  de  cette  mesure  en  grand  orchestre, 
dansfairtSe  la  sorte  mi  couda  n?ia  de  soit-opér  a  d'Ariane. 
Ce  jTiorceau  fit  de  TeFfei  et  fut  applaudi.  Malgré  cela 
je  n'apprends  pas  que  cet  exemple  ait  été  suivi. 

Mesuré,  part.  Ce  mot  répond  à  fitalien  a.  tempo  ou 
a  batuta ,  et  s'emploie,  sortant  d'un  récitatif,  pour 
marquer  le  lieu  où  Ton  dojt  commencer  à  chanter  en 
mesure. 

Métrique,  adj.  La  musique  métrique,  selon  Aristide 
Quintilien,  est  la  partie  de  la  musique  en  général  qui 
a  pour  objet  les  lettres ,  les  syllabes  ,  les  pieds  ,  les 
vers  et  le  poème;  et  il  y  a  cette  différence  entre  la 
-métrique  et  la  rhythmique ^  que  la  première  ne  s'oc- 
cupe que  de  la  forme  des  vers ,  et  la  seconde,  de  celle 
des  pieds  qui  les  composent  :  ce  qui  peut  même  s'ap- 
pliquer à  la  prose.  D'où  il  suit  que  les  langues  mo- 
dernes peuvent  encore  avoir  une  musique  métrique^ 
puisqu'elles  ont  une  poésie;  mais  non  pas  une  musi- 
que rhythmique,  puisque  leur  poésie  n'a  plus  de  pieds, 
(  Voyez  Rhythme.  ) 

Mezza-v@ce.  (  Voyez  Sotto-yoce.  ) 


M IX  407 

Mezzo-forte.  (Voyez  Sotto-yoce.) 

MI.  La  troisième  des  six  syllabes  inventées  par  Gui 
Arctin  pour  nommer  ou  solfier  les  notes ,  lorsqu'on 
ne  joint  pas  la  parole  au  chant.  (Voyez  E  si  mi, 
Gamme.) 

Mineur,  adj.  Nom  que  portent  certains  intervalles, 
quand  ils  sont  aussi  petits  qu'ils  peuvent  Fêtre  sans 
devenir  faux.  (  Voyez  Majeur,  Intervalle.  ) 

Minew^  se  dit  aussi  du  mode,  lorsque  la  tierce  de  la 
tonique  est  mineure.  (Voyez  Mode.  ) 

Minime,  adj.  On  appelle  intervalle  minime  ou  moin- 
dre, celui  qui  est  plus  petit  que  le  mineur  de  même 
espèce,  et  qui  ne  peut  se  noter;  car  s'il  pouvoit  se 
noter  il  ne  s'appelleroit  pas  minime^  mais  diminué. 

Le  semi-ton  minime  est  la  différence  du  semi-ton 
nia-xime  au  semi-ton  moyen,  dans  le  rapport  de  i25 
à  128.  (Voyez  Semi-ton.  ) 

Minime,  5.  /.  par  rapport  à  la  durée  ou  au  temps, 
est  dans  nos  anciennes  musiques  la  note  qu'aujour- 
d'hui nous  appelons  blanche.  (Voyez  Valeur  des 
notes.) 

Mixis,  s.  f.  mélange.  Une  des  parties  de  l'ancienne 
mélopée  par  laquelle  le  compositeur  apprend  à  bien 
combiner  les  intervalles  et  à  bien  distribuer  les  genres 
et  les  modes  selon  le  caractère  du  chant  qu'il  s'est  pro- 
posé de  faire.  (  Voyez  Mélopée.  ) 

Mixo-LYDiEN,  adj.  Nom  d'un  des  modes  de  l'an- 
cienne musique,  appelé  autrement  hyper-dorien.  ( Voy. 
ce  mot.)  Le  mode  mixo-lydien  étoit  le  plus  aigu  des 
sept  auxquels  Ptolémée  avoit  réduit  tous  ceux  delà 
musique  des  Grecs.  (Voyez  Mode.) 


4o8  MOD 

Ce  mode  est  affectueux,  passionné,  convenable  aux 
grands  mouvements,  et  par  cela  même  à  la  tragédie. 
Aristoxène  assure  que  Sapho  en  fut  Finventrice;  mais 
Plutarque  dit  que  d'anciennes  tables  attribuent  cette 
invention  à  Pytoclide  :  il  dit  aussi  que  les  Argiens 
mirent  à  ramende  le  premier  qui  s'en  étoit  servi,  et 
cjui  avoit  introduit  dans  la  musique  Tusage  des  sept 
cordes,  c'est-à-dire  une  tonique  sur  la  septième  corde. 

IMïXTE,  acij.  On  appelle  modes  mixtes  ou  connexes 
dans  le  plain-chant,  les  chants  dont  Tétendue  ex- 
cède leur  octave  et  entre  d'un  mode  dans  l'autre,  par- 
ticipant ainsi  de  rauîliente  et  du  plagal.  Ce  mélange 
ne  se  fait  que  des  modes  compairs,  comme  du  pre- 
mier ton  avec  le  second ,  du  troisième  avec  le  qua- 
ti^.ième,  en  un  mot  du  plagal  avec  son  authente  et  réci- 
proquement. 

Mobile,  adj.  On  appeloit  cordes  mobiles  ou  sons 
mobiles^  dans  la  musique  grecque,  les  deux  cordes 
moyennes  de  chaque  tétracorde,  parcequ' elles  s'ac- 
cordoient  différemment  selon  les  genres,  à  la  diffé- 
rence des  deux  cordes  extrêmes ,  qui ,  ne  variant 
jamais,  s'appeloient  cordes  stables.  (Voyez  Tétra- 
CQiiDE ,  Genre  ,  Son  .  ) 

Mode,  s.  m.  Disposition  régulière  du  chant  .et  de 
Faccompagnement  relativement  à  certains  sons  prin- 
cipaux sur  lesquels  une  jnéce  de  musique  est  consti- 
tuée, et  qui  s'appellent  les  cordes  essentielles  du  mode. 

Le  mode  diffère  du  ton  en  ce  que  celui-ci  n'indique 
que  la  corde  ou  le  lieu  du  système  qui  doit  servir  de 
base  au  chant,  et  le  mode  détermine  la  tierce  et  mo- 
<liiîe  toute  i'écheile  sur  ce  son  fondamental. 


MOD  4^9 

Nos  modes  ne  sont  fondés  sur  aucun  caractère  de 
sentiment,  comme  ceux  des  anciens;  mais  unique- 
ment sur  notre  système  harmonique.  Les  cordes 
essentielles  au  îuode  sont  au  nombre  de  trois,  et  for- 
ment ensemble  un  accord  parfait,  i®  La  tonique,  qui 
est  la  corde  fondamentale  du  ton  et  du  mode  (  voyez 
Ton  et  Tonique);  2°  la  dominante  à  la  quinte  de  la 
tonique  (  voyez  Dominante  )  ;  3°  enfin  la  médiante , 
qui  constitue  proprement  le  mode,  et  qui  est  à  la  tierce 
de  cette  même  tonique.  (Voyez  Médiante.)  Comme 
cette  tierce  peut  être  de  deux  espèces,  il  y  a  aussi  deux 
modes  différents.  Quand  la  médiante  fait  tierce  ma- 
jeure avec  la  tonique,  le  mode  est  majeur;  il  est  mi- 
neur, quand  la  tierce  est  mineure. 

Le  mode  majevn^  est  engendré  immédiatement  par  la 
résonnance  du  corps  sonore  qui  rend  la  tierce  majeure 
du  son  fondamental;  mais  le  mode  mineur  n'est  point 
donné  par  la  nature,  il  ne  se  trouve  que  par  analogie 
et  renversement.  Cela  est  vrai  dans  le  système  de  M. 
Tartini,  ainsi  que  dans  celui  de  M.  Rameau. 

Ce  dernier  auteur,  dans  ses  divers  ouvrages  suc- 
cessifs, a  expliqué  cette  origine  du  mode  mineur  de 
différentes  manières,  dont  aucune  n'a  contenté  son 
interprète  M.  d'Alembert.  C'est  pourquoi  M.  d'Alem- 
bert  fonde  cette  même  origine  sur  un  autre  principe, 
que  je  ne  puis  mieux  exposer  qu'en  transcrivant  les 
propres  termes  de  ce  grand  géomètre. 

«Dans  le  chnnt  ut  mi  sol,  qui  constitue  le  triode 
«  majeur,  les  sons  mi  et  sol  sont  tels- que  le  son*prin- 
«  cipal  M^es  fait  résonner  tous  deux;  mais  le  second 


4 10  -MOD 

«  son  nii  ne  fait  point  résonner  sol^  qui  n*est  que  sa 
i<  tierce  mineure. 

«  Or,  imaginons  qu  au  lieu  de  ce  son  mi  on  place 
«entre  les  sons  ut  et  50/ un  autre  son  qui  ait,  ainsi 
«  que  le  son  ut^  là  propriété  de  faire  résonner  sol,  et 
«  qui  soit  pourtant  différent  à\tt;  ce  son  qu'on  cherche 
«  doit  être  tel  qu'il  ait  pour  dix-septième  majeure  le 
«  son  50/ ou  Tune  des  octaves  de  sol:  par  conséquent 
«  le  son  cherché  doit  être  à  la  dix-septième  majeure 
«  au-dessous  de  50/,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  à  la 
«  tierce  majeure  au-dessous  de  ce  même  son  sol.  Oi-, 
«  le  son  m?  étant  à  la  tierce  mineure  au-dessous  de  sol, 
«  et  la  tierce  majeure  étant  d'un  semi-ton  plus  grande 
«  que  la  tierce  mineure,  il  s'ensuit  que  le  son  qu'on 
«  cherche  sera  d'un  semi-ton  plus  bas  que  le  mi,  et 
«  sera  par  conséquent  mi  bémol. 

«Ce  nouvel  arrangement  ut,  ??zi  bémol,  sol,  dans 
f  lequel  les  sons  ut  et  mi  bémol -font  l'un  et  l'autre  ré- 
«  sonner  sol  sans  que  ut  fasse  résonner  mi  bémol ,  n'est 
«  pas  à  la  vérité  aussi  parfait  que  le  premier  arrange- 
«  ment  ut,  mi,  sol,  parceque  dans  celui-ci  les  deux 
«  sons  mi  et  sol  sont  Tun  et  l'autre  engendrés  par  le 
«  son  principal  ut,  au  lieu  que  dans  l'autre  le  son  mi 
«bémol  n'est  pas  engendré  par  le  son  ut:  mais  cet 
«  arrangement  ut,  mi  bémol,  sol,  est  aussi  dicté  par  la 
«  nature,  quoique  moins  immédiatement  que  le  pre- 
«mier;  et  en  effet  l'expérience  prouve  que  l'oreille 
«  s'en  accommode  à  peu  près  aussi  bien. 

«  Dans  ce  chant  ut^  mi  bémol ,  sol ,  ut ,  il  est  évident 
«  que  la  tierce  ^\it  à  mi  bémol  est  mineure;  et  telle 


MOD  4  M 

.<  eèt  Torigine  du  ^eiire  ou  mode  appelé  mineur.  »  Elé- 
ments de  Musique ,  pag.  22 . 

Le  mode  une  fois  déterminé ,  tous  les  sons  de  la 
jjanime  prennent  un  nom  relatif  au  fondamental ,  et 
propre  à  la  place  qu'ils  occupent  dans  ce  mode-\h. 
Voici  les  noms  de  toutes  les  notes  relativement  à 
leur  mode,  ep  prenant  Toctave  d  uf  pour  exemple  du 
mode  majeur,  et  celle  de  la  pour  exemple  du  mode 
mineur. 

Majeur  :       Ut     Re     Mi      Fa     Soi     La     Si      Ut. 
Mineur:       La      Si      Ut     Re      Mi     Fa     Sol    La. 


"T! 


5.  o  —      ^       s       B       s^       ~: 

3  ?       3  =  1      :i      5C3 


11  faut  remarquer  que  quand  la  septième  note  n'est 
quà  un  semi-ton  de  i'octav-e,  c'est-à-dire  quand  elle 
fait  la  tierce  majeure  de  la  dominante;  comme  le  5/ 
naturel  en  majeur,  ouïe  sol  dièse  en  mineur,  alors 
cette  septième  note  s'appelle  note  sensible,  parce- 
qu'elle  annonce  la  tonique  et  fait  sentir  le  ton. 

Non  seulement  chaque  degré  prend  le  nom  qui  Ini 
convient,  mais  chaque  intervalle  est  déterminé  relati- 
vement au  mode.  Voici  les  régies  établies  pour  cela  : 

1°  La  seconde  note  doit  faire  sur  la  tonique  une 
seconde  majeure:  la  quatrième  et  la  dominante  une 
quarte  et  une  quinte  justes,  et  cela  également  dans 
les  deux  modes. 

2*^  Dans  le  mode  majeur  la  médiante  ou  tierce,  la 
sixte  et  la  septième  de  la  tonique  doivent  toujours 


Jil2  7;  J  O  D 

dire  majeures;  c'est  le  caractère  du  jnode.  Par  la  même 
raison ,  ces  trois  intervalles  doivent  être  mineurs  dems 
le  mode  mineur  :  cependant,  comme  il  faut  qu'on  y 
aperçoive  aussi  la  note  sensible,  ce  qui  ne  peut  se  faire 
sans  fausse  relation ,  tandis  que  la  sixième  note  reste 
mineure,  cela  cause  des  exceptions  auxquelles  on  a 
égard  dans  le  cours  de  Fharmonie  et  du  chant  :  mais 
il  faut  toujours  que  la  clef  avec  ses  transpositions 
donne  tous  les  intervalles  déterminés  par  rapport  à 
la  tonique  selon  Fespéce  du  7node.  On  trouvera  au 
mot  Clef  une  régie  générale  pour  cela. 

Comme  toutes  les  cordes  naturelles  de  l'octave  (Vut 
donnent  relativement  à  cette  tonique  tous  les  inter- 
valles prescrits  pour  le  mode  majeur,  et  qu'il  en  est  de 
même  de  l'octave  de  la  pour  le  mode  mineur  ,  l'exem- 
ple précédent ,  que  je  n'ai  proposé  que  pour  les  noms 
des  notes,  doit  servir  aussi  de  formule  pour  la  régie 
des  intervalles  dans  chaque  mode. 

Cette  régie  n'est  point ,  comme  on  pourroit  le  croire, 
établie  sur  des  principes  purement  arbitraires  ;  elle  a 
son  fondement  dans  la  génération  harmonique,  au 
moins  jusqu'à  certain  point.  Si  vous  donnez  l'accord 
parfait  majeur  à  la  tonique,  à  la  dominante,  et  à  la 
sous-dominante ,  vous  aurez  tous  les  sons  de  Técheile 
diatonique  pour  le  mode  majeur  :  pour  avoir  celle  du 
mode  mineur,  laissant  toujours  la  tierce  majeure  à  la 
dominante,  donnez  la  tierce  mineure  aux  deux  autres 
accords;  telle  est  l'analogie  du  mode. 

Comme  ce  mélange  d'accords  majeurs  et  mineurs 
introduit  en  mode  mineur  une  fausse  relation  entre  la 
sixième  note  et  la  note  sensible ,  on  donne  quelque- 


MOD  4l3 

fois,  pour  éviter  cette  fausse  relation,  la  tierce  ma- 
jeure à  la  quatrième  note  en  montant ,  ou  la  tierce  mi- 
neure à  la  dominante  en  descendant  ,  surtout  par 
renversement;  mais  ce  sont  alors  des  exceptions. 

Il  n'y  a  proprement  que  deux  modes ^  comme  on 
vient  de  le  voir  :  mais  comme  il  y  a  douze  sons  fonda- 
mentaux qui  donnent  autant  de  tons  dans  le  système, 
et  que  chacun  de  ces  tons  est  susceptible  du  mode  ma- 
jeur et  du  mode  mineur,  on  peut  composer  en  vingt- 
quatre  modes  ou  manières;  maneries ,  disoient  nos 
vieux  auteurs  en  leur  latin.  Il  y  en  a  même  trente- 
quatre  possibles  dans  la  manière  de  noter  ;  mais  dans 
la  pratique  on  en  exclut  dix ,  qui  ne  sont  au  fond  que 
la  répétition  de  dix  autres ,  sous  des  relations  beaucoup 
plus  difficiles ,  où  toutes  les  cordes  changeroient  de 
noms ,  et  où  l'oo  auroit  peine  à  se  reconnoitre  :  tels 
sont  les  modes  majeurs  sur  les  notes  diésées,  et  les 
modes  mineurs  sur  les  bémols.  Ainsi ,  au  lieu  de  com- 
poser en  sol  dièse  tierce  majeure,  vous  composerez  en 
la  bémol  qui  donne  les  mêmes  touches ,  et  au  lieu  de 
composer  en  i^e  bémol  mineur,  vous  prendrez  ut  dièse 
par  la  même  raison;  savoir,  pour  éviter  d'un  côté  un 
F  double  dièse,  qui  deviendroit  un  G  naturel;  et  de 
l'autre  un  B  double  bémol,  qui  deviendroit  un  A 
naturel. 

On  ne  reste  pas  toujours  dans  le  ton  ni  dans  le  mode 
par  lequel  on  a  commencé  un  air;  mais ,  soit  pour  l'ex- 
pression ,  soit  pour  la  variété,  on  change  de  ton  et  de 
mode,  selon  l'analogie  harmonique,  revenant  pour- 
tant toujours  à  celui  qu'on  a  fait  entendre  le  premier; 
ce  qui  s'appelle  moduler. 


4l4  MOD 

De  là  naît  une  nouvelle  distincxion  du  mode  en 
principal  et  relatif;  le  principal  est  celui  par  lequel 
commence  et  finit  la  pièce;  les  relatifs  sont  ceux  qu'on 
entrelace  avec  le  principal  dans  le  courant  de  la  mo- 
dulation. (Voyez  Modulation.  ) 

Le  sieur  Blainville ,  savant  musicien  de  Paris,  pro- 
posa, en  lySi,  Fessai  d'un  troisième  mode^  qu'il  ap- 
pelle mode  ??i7*xfe,  parcequ'il  participe  à  la  modulation 
des  deux  autres  ,  ou  plutôt  qu'il  en  est  composé;  mé- 
lange que  l'auteur  ne  regarde  point  comme  un  incon- 
vénient, mais  plutôt  comme  un  avantage  et  une  source 
de  variété  et  de  liberté  dans  les  chants  et  dans 
l'harmonie. 

Ce  nouveau  mode  n'étant  point  donné  par  l'analyse 
de  trois  accords  comme  les  deux  autres,  ne  se  déter- 
mine pas  comme  eux  par  des  harmoniques  essentiels 
au  mode  y  mais  par  une  gamme  entière  qui  lui  est  pro- 
])re,  tant  en  montant  qu'en  descendant;  en  sorte  que 
dans  nos  deux  modes  la  gamme  est  donnée  par  les  ac- 
cords ,  et  cpie  dans  le  mode  mixte  les  accords  sont 
donnés  parla  gamme. 

La  formule  de  cette  gamme  est  dans  la  succession 
ascendante  et  descendante  des  notes  suivantes  , 

Mi     Fa     Sol    La     Si     Ut    Re  '  Mi , 

dont  la  différence  essentielle  est,  quant  à  la  mélodie, 
dans  la  position  des  deux  semi-tons,  dont  le  premier 
se  trouve  entre  la  tonique  et  la  seconde  note,  et  l'au- 
tre entre  la  cinquième  et  la  sixième  ;  et,  quant  à  Thar- 
monie ,  en  ce  qu'il  por):e  sur  sa  tonique  la  tierce  mi- 
neure en  commençant ,  et  majeure  en  finissant,  comme 


MOD  4l5 

on  peut  le  \oiv  {PL  l^^fg-  5  )  dans  raccompagnement 
de  cette  gamme,  tant  en  montant  qu'en  descendant , 
tel  qu'il  a  été  donné  par  Tauteur  ,  et  exécuté  au  con- 
cert spirituel  le  3o  mai  i  yS  r . 

On  objecte  au  sieur  de  Blainville  que  son  mode  n'a 
ni  accord  ,  ni  corde  essentielle ,  ni  cadence  qui  lui  soit 
propre ,  et  le  distingue  suffisamment  des  modes  majeur 
ou  mineur.  Il  répond  à  cela  que  la  différence  de  son 
mode  est  moins  dans  l'harmonie  que  dans  la  mélodie  , 
et  moins  dans  le  mode  même  que  dans  la  modulation  ; 
qu'il  est  distingué  dans  son  commencement  du  mode 
majeur  par  sa  tierce  mineure  ,  et  dans  sa  fin  du  7node 
mineur  par  sa  cadence  plagale  :  à  quoi  l'on  réplique 
qu'une  modulation  qui  n'est  pas  exclusive  ne  suffit 
pas  pour  établir  un  mode;  que  la  sienne  est  inévitable 
dans  les  deux  autres  modes,  surtout  dans  le  mineur  : 
et  quant  à  sa  cadence  plagale,  qu'elle  a  lieu  nécessai- 
rement dans  le  même  7node  mineur  toutes  les  fois 
qu'on  passe  de  1  accord  de  la  tonique  à  celui  de  la  do- 
minante, comme  cela  se  pratiquoit  jadis,  même  sur 
les  finales ,  dans  les  modes  plagaux  et  dans  le  ton  du 
quart;  d'où  l'on  conclut  que  son  ?node  mixte  est  moins 
une  espèce  particulière  qu'une  dénomination   nou- 
velle à  des  manières  d'entrelacer  et  combiner  les  mo- 
des majeur  et  mineur ,  aussi  anciennes  que  l'harmonie, 
pratiquées  de  tous  les  temps  ;  et  cela  paroît  si  vrai, 
que,  même  en  commençant  sa  gamme,  l'auteur  n'ose 
donner  ni  la  quinte  ni  la  sixte  à  sa  tonique ,  de  peur  de 
déterminer  une  tonique  en  mode  mineur  par  la  pre- 
mière, ou  une  médianteen/no^fe  majeur  par  la  seconde  : 
il  laisse  l'équivoque  en  ne  remplissant  pas  son  accord' 


4l6  BIOD 

Mais,  quelque  objection  qu'on  puisse  faire  contre 
le  mode  mixte ,  dont  on  rejette  plutôt  le  nom  que  la 
pratique,  cela  n'empêchera  pas  que  la  manière  dont 
Fauteur  l'établit  et  le  traite  ne  le  fasse  connoître  pour 
un  homme  d'esprit  et  pour  un  musicien  très  versé 
dans  les  principes  de  son  art. 

Les  anciens  diffèrent  prodigieusement  entre  eux  sur 
les  définitions,  les  divisions  et  les  noms  de  leurs  tons 
ou  modes  :  obscurs  sur  toutes  les  parties  de  leur  musi- 
que, ils  sont  presque  inintelligibles  sur  celle-ci.  Tous 
conviennent  à  la  vérité  qu'un  jnode  est  un  certain  sys- 
tème on  une  constitution  de  sons,  et  il  paroit  que 
cette  constitution  n'est  autre  chose  en  elle-même 
qu'une  certaine  octave  remplie  de  tous  les  sons  inter- 
médiaires, selon  le  genre.  Euclide  et  Ptolémée  sem- 
blent la  faire  consister  dans  les  diverses  positions  des 
deux  semi-tons  de  l'octave  relativement  à  la  corde 
principale  du  mode,  comme  on  le  voit  encore  aujour- 
d'hui dans  les  huit  tons  du  plain-chant  ;  mais  le  plus 
grand  nombre  paroît  mettre  cette  différence  unique- 
ment dans  le  lieu  qu'occupe  le  diapason  du  mode  dans 
le  système  général ,  c'est-à-dire  en  ce  que  la  base  ou 
corde  principale  du  mode  est  plus  aiguë  ou  plus  grave 
étant  prise  en  divers  lieux  du  système,  toutes  les  cor- 
des de  la  série  gardant  toujours  un  même  rapport  avec 
la  fondamentale,  et  par  conséquent  changeant  d'ac- 
cord à  chaque  mode  pour  conserver  l'analogie  de  ce 
rapport  :  telle  est  la  différence  des  tons  de  notre 
musique. 

Selon  le  premier  sens,  il  n'y  auroit  que  sept  modes 
possibles  dans  le  système  diatonique;  et,  en  effet, 


MOD  417 

Ptalémée  n'en  admet  pas  davantage  :  car  il  n'y  a  que 
sept  manières  de  varier  la  position  des  deux  semi-tons 
relativement  au  son  fondamental ,  en  gardant  toujours 
entre  ces  deux  semi-tons  l'intervalle  prescrit.  Selon  le 
second  sens  il  y  auroit  autant  de  modes  possibles  que 
de  sons,  c'est-à-dire  une  infinité;  mais  si  Ton  se  ren- 
ferme de  même  dans  le  système  diatonique,  on  n'y  en 
trouvera  non  plus  que  sept,  à  moins  qu'on  ne  veuille 
prendre  pour  de  nouveaux  modes  ceux  qu'on  établi- 
roit  à  l'octave  des  premiers. 

En  combinant  ensemble  ces  deux  manières ,  on  n'a 
encore  besoin  que  de  sept  modes  ;  car  si  l'on  prend  ces 
modes  en  divers  lieux  du  système  ,  on  trouve  en  même 
temps  les  sons  fondamentaux  distingués  du  grave  à 
l'aigu;  et  les  deux  semi-tons  différemment  situés  rela- 
tivement au  son  principal. 

Mais  outre  ces  modes  on  en  peut  former  plusieurs 
autres ,  en  prenant  dans  la  même  série  et  sur  le  même 
son  fondamental  différents  sons  pour  les  cordes  essen- 
tielles an  mode:  par  exemple,  quand  on  prend  pour 
dominante  la  quinte  du  son  principal ,  le  mode  est 
authentique;  il  est  plagal  si  Ton  choisit  la  quarte;  et 
ce  sont  proprement  deux  modes  différents  sur  la  même 
fondamentale.  Or,  comme  pour  constituer  un  mode 
agréable,  il  faut,  disent  les  Grecs,  que  la  quarte  et  la 
quinte  soient  justes,  ou  du  moins  une  des  deux,  il  est 
évident  qu'on  n'a  dans  l'étendue  de  l'octave  que  cinq 
sons  fondamentaux  sur  chacun  desquels  on  puisse 
établir  un  mode  authentiaue  et  un  plagal.  Outre  ces 
dix  modes  on  en  trouve  encore  deux,  l'un  authentique  , 
qui  ne  peut  fournir  de  plagal ,  parceque  sa  quarte  fait 
xiv,  27 


4l8  MOD 

le  triton;  l'autre  plagal,  qui  ne  peut  fournir  d  authen- 
tique, parceque  sa  quinte  est  fausse.  C'est  peut-être 
ainsi  qu'il  faut  entendre  un  passage  de  Piutarque  où 
la  musique  se  plaint  que  Phrynis  Fa  corrompue  en 
voulant  tirer  de  cinq  cordes,  ou  plutôt  de  sept,  douze 
harmonies  différentes. 

Voilà  donc  douze  modes  possibles  dans  l'étendue 
d'une  octave  ou  de  deux  tétracordes  disjoints  :  que  si 
l'on  vient  à  conj oindre  les  deux  téti^acordes,  c'est-à- 
dire  à  donner  un  bémol  à  1^  septième  en  retranchant 
1  octave  ;  ou  si  l'on  divise  les  tons  entiers  par  les  inter- 
valles chromatiques,  pour  y  introduire  de  nouveaux 
modes  intermédiaires  ;  ou  si ,  ayant  seulement  égard 
aux  différences  du  grave  à  l'aigu,  on  place  d'autres 
modes  à  l'octave  des  précédents  :  tout  cela  fournira 
divers  moyens  de  multiplier  le  nombre  des  mo^^e^  beau- 
coup au-delà  de  douze.  Et  ce  sont  là  les  seules  ma- 
nières d'expliquer  les  divers  nombres  de  modes  admis 
ou  rejetés  par  les  anciens  en  divers  temps. 

L'ancienne  musique  ayant  d'abord  été  renfermée 
dans  les  bornes  étroites  du  tétracorde,  du  pentacorde, 
de  rhexacorde,  de  Teptacorde,  et  de  l'octacorde.  on 
n'y  admit  premièrement  que  trois  modes  dont  les  fon- 
damentales étoient  à  un  ton  de  distance  Tune  de 
l'autre:  le  plus  grave  des  trois  s'appeloit  le  dorien;  le 
phrygien  tenoit  le  milieu;  le  plus  aigu  étoit  le  lydien. 
En  partageant  chacun  de  ces  tons  en  deux  intervalles , 
on  fît  place  à  deux  autres  modes  ^  l'ionien  et  1  éolien, 
dont  le  premier  fut  inséré  entre  le  dorien  et  le  phry- 
gien, et  le  second  entre  le  phrygien  et  le  lydien. 
Dans  la  suite  le  système  s'élant  étendu  à  l'aigu  et 


MOD  419 

au  grave,  les  musiciens  établirent  de  part  et  d  autre 
de  nouveaux  modes ^  qui  tiroient  leur  dénomination 
des  cinq  premiers,  en  y  joignant  la  préposition  hyper ^ 
sur,  pour  ceux  d'en-haut,  et  la  préposition  hypo,  sous, 
pour  ceux  d'en-bas.  Ainsi  le  mode  lydion  étoit  suivi 
de  riiyper-dorien,  de  1  hyper-ionien,  de lliyper-pliry- 
gien,  de  Tliyper-éolien,  et  de  Thyper-lydien,  en  mon- 
tant; et  après  le  mode  dorien  venoient  lliypo-lydien, 
riiypo-éolien  ,  l'hypo-phrygien  ,  Thypo-ionien  ,  et 
rhypo-dorien  ,  en  descendant.  On  trouve  le  dénom- 
brement de  ces  quinze  modes  dans  Alipius,  auteur 
grec.  Voyez  [Planche  E)  leur  ordre  et  leurs  intervalles 
exprimés  par  les  noms  des  notes  de  notre  musique. 
Mais  il  faut  remarquer  que  Thypo-dorien  étoit  le  seul 
mode  qu'on  exécutoit  dans  toute  son  étendue  :  à  mesure 
que  les  autres  s'élevoieni,  on  en  retranchoit  des  sons 
à  l'aigu  pour  ne  pas  excéder  la  portée  de  la  voix.  Cette 
observation  sert  à  l'intelligence  de  quelques  passages 
des  anciens  par  lesquels  ils  semblent  dire  que  les 
modes  les  plus  graves  avoient  un  chant  plus  aigu;  ce 
qui  étoit  vrai  en  ce  que  ces  chants  s'éle voient  davan- 
tage au-dessus  de  la  tonique.  Pour  n'avoir  pas  connu 
cela  le  Doni  s'est  furieusement  embarrassé  dans  ces 
apparentes  contradictions. 

De  tous  ces  modes  Platon  en  rejetoit  plusieurs , 
comme  capables  d'altérer  les  mœurs.  Aristoxène,  au 
rapportd'Euciide,  en  admettoit  seulement  treize,  sup- 
primant les  deux  plus  élevés,  savoir,  l'hyper-éolien 
et  Thyper-lydien;  mais  dans  l'ouvrage  qui  nous  reste 
d'Aristoxène  il  en  nomme  seulement  six,  sur  lesquels 

^7. 


420  MOD 

il  rapporte  les  divers  sentiments  qui  régnoientdéjà  de 
son  temps. 

Enfin  Ptolémée  réduisoit  le  nombre  de  ces  modes  à 
sept,  disant  que  les  modes  n'étoient  pas  introduits 
dans  le  dessein  de  varier  les  chants  selon  le  grave  et 
l'aigu,  car  il  est  évident  qu'on  auroit  pu  les  multiplier 
fort  au-delà  de  quinze,  mais  plutôt  afin  de  faciliter  le 
passage  d'un  mode  à  l'autre  par  des  intervalles  con- 
sonnants  et  faciles  à  entonner. 

Il  renfermoit  donc  tous  les  modes  dans  l'espace 
d'une  octave  dont  le  mode  dorien  faisoit  comme  le 
centre  ;  en  sorte  que  le  mixo-lydien  étoit  une  quarte 
au-dessus,  et  Thypo-dorien  une  quarte  au-dessous;  le 
phrygien ,  une  quinte  au-dessus  de  l'hypo-dorien  ; 
l'hypo-phrygien,  une  quarte  au-dessous  du  phrygien; 
et  le  lydien,  une  quinte  au-dessus  de  l'hypo-phrygien  : 
d'où  il  paroît  qu'à  compter  de  l'hypo-dorien,  qui  est 
le  mode  le  plus  bas,  il  y  avoit  jusqu'à  l'hypo-phrygien 
l'intervalle  d'un  ton;  de  l'hypo-phrygien  à  l'hypo- 
lydien,  un  autre  ton;  de  l'hypo-lydien  au  dorien,  un 
semi-to?i;  de  celui-ci  au  phrygien,  un  ton;  du  phrygien 
au  lydien  encore  un  ton;  et  du  lydien  au  mixo-lydien 
un  sem\-ton  :  ce  qui  fait  l'étendue  d'une  septième,  en 
cet  ordre  : 

ï Fa mixo-lydien. 

2 Mi lydien. 

3 Re phrygien. 

^ Ut dorien. 

5 Si hypo-lydien. 

6 La hypo-phiygien. 

y Sol Tiypo-dorien. 

Ptolémée  retranchoit  tous  les  autres  modes,  préten- 


MOD  /\2i 

dant  qu'on  n'en  ponvoit  placer  un  plus  grand  nombre 
dans  le  système  diatonique  d'une  octave,  toutes  les 
cordes  qui  !a  composoient  se  trouvant  employées.  Ce 
sont  ces  sept  modes  de  Ptolémée,  qui,  en  y  joignant 
riiypo-mixo-lydien,  ajouté,  dit-on,  par  TArétin  ,  font 
aujourd'hui  les  huit  tons  du  plain-chant.  (Voyez 
Tons  delégltse.) 

Telle  est  la  notion  la  plus  claire  qu'on  peut  tirer 
des  tons  ou  modes  de  l'ancienne  musique,  en  tant 
qu'on  les  regardoit  comme  ne  différant  entre  eux 
que  du  grave  à  l'aigu  :  mais  ils  avoient  encore  d'autres 
différences  qui  les  caractérisoient  plus  particulière- 
ment, quant  à  l'expression;  elles  se  tiroient  du  genre 
de  poésie  qu'on  mettoit  en  musique,  de  l'espèce  d'in- 
strument qui  devoit  Taccompagner,  du  rhythme  ou 
de  la  cadence  qu'on  y  observoit,  de  l'usage  où  étoient 
certains  chants  parmi  certains  peuples ,  et  d'où  sont 
venus  originairement  les  noms  des  principaux  modes ^ 
le  dorien,  le  phrygien,  le  lydien,  l'ionien,  l'éolien. 

Il  y  avoit  encore  d'autres  sortes  de  modes  qu'on 
auroit  pu  mieux  appeler  styles  ou  genres  de  composi- 
tion; tels  étoient  le  mode  tragique  destiné  pour  le 
théâtre ,  le  mode  nomique  consacré  à  Apollon ,  le 
dithyrambique  à  Bacchus,  etc.  (Voyez  Style  et  Mé- 
lopée. ) 

Dans  nos  anciennes  musiques,  on  appeloit  aussi 
modes ,  par  rapport  à  la  mesure ,  ou  au  temps ,  cer- 
taines manières  de  fixer  la  valeur  relative  de  toutes 
les  notes  par  un  signe  général  :  le  mode  étoit  à  peu 
près  alors  ce  qu'est  aujourd'hui  la  mesure;  il  se  mar- 
quoit  de  même  après  la  clef,  d  abord  par  des  cercles 


422  MOD 

OU  demi-cercles  ponctués  ou  sans  points  suivis  des 
chiffres  2  ou  3  différemment  combinés,  à  quoi  Ton 
ajouta  ou  substitua  dans  Ja  suite  des  lignes  perpendi- 
culaires, différentes,  selon  le  mode^  en  nombre  et  en 
longueur;  et  c'est  de  cet  antique  usage  que  nous  est 
resté  celui  du C  et  du  C  barré.  (Voyez  Prolation. ) 

Il  y  avoit  en  ce  sens  deux  sortes  de  modes  :  le  ma- 
jeur, qui  se  rapportoit  à  la  note  maxime;  et  le  mineur , 
qui  étoit  pour  la  longue  :  Tun  et  Tautre  se  divisoit  eu 
parfait  et  imparfait. 

Le  mode  majeur  parfait  se  marquoit  avec  trois 
lignes  ou  bâtons  qui  remplissoient  chacun  trois  es- 
paces de  la  portée,  et  trois  autres  qui  n'en  remplis- 
soient que  deux;  sous  ce  mode  la  maxime  valoit  trois 
longues.  (Voyez  Planche  B,  Figure  2.  ) 

Le  mode  majeur  imparfait  étoit  marqué  par  deux 
lignes  qui  traversoient  chacune  trois  espaces,  et  deux 
autres  qui  n'en  traversoient  que  deux ,  et  alors  la 
maxime  ne  valoit  que  deux  longues.  {Figure  3.  ) 

Le  mode  mineur  parfait  étoit  marqué  par  une  seule 
ligne  qui  traversoit  trois  espaces,  et  la  longue  valoit 
trois  brèves.  [Figure  4.) 

Le  mode  mineur  imparfait  étoit  marqué  par  une 
ligne  qui  ne  traversoit  que  deux  espaces,  et  la  longue 
n'y  valoit  que  deux  brèves.  {Figure^.) 

L'abbé  Brossard  a  mêlé  mal  à  propos  les  cercles 
et  demi-cercles  avec  les  figures  de  ces  modes.  Ces 
signes  réunis  n'avoient  jamais  lieu  dans  les  modes 
simples ,  mais  seulement  quand  les  mesures  étoient 
doubles  ou  conjointes. 

Tout  cela  n'est  plus  eyi  usage  depuis  long-temps  ; 


MOD  4^3 

mais  il  faut  nécessairement  entendre  ces  signes  pour 
savoir  déchiffrer  les  anciennes  musiques  :  en  quoi 
les  plus  savants  musiciens  sont  souvent  fort  embar- 
rassés. 

Modéré  ,  adj.  Ce  mot  indique  un  mouvement  moyen 
entre  le  lent  et  le  gai  ;  il  répond  à  Fitalien  andante. 
(Voyez  Andante.) 

Modulation  ,  s.  f.  C'est  proprement  la  manière 
d'établir  et  traiter  le  mode  ;  mais  ce  mot  se  prend  plus 
communément  aujourd'hui  pour  l'art  de  conduire 
l'harmonie  et  le  chant  successivement  dans  plusieurs 
modes  d'une  manière  agréable  à  l'oreille  et  conforme 
aux  régies. 

Si  le  mode  est  produit  par  l'harmonie ,  c'est  d'elle 
aussi  que  naissent  les  lois  de  la  modulation.  Ces  lois 
sont  simples  à  concevoir,  mais  difficiles  à  bien  ob- 
server. Voici  en  quoi  elles  consistent. 

Pour  bien  moduler  dans  un  même  ton,  il  faut , 
1  ^  en  parcourir  tous  les  sons  avec  un  beau  chant,  en 
rebattant  plus  souvent  les  cordes  essentielles  et  s'y 
appuyant  davantage,  c'est-à-dire  que  l'accord  sensi- 
ble et  l'accord  de  la  tonique  doivent  s'y  remontrer 
fréquemment,  mais  sous  différentes  faces  et  par  dif- 
férentes routes ,  pour  prévenir  la  monotonie;  2»  n'éta- 
blir de  cadences  ou  de  repos  que  sur  ces  deux  accords , 
ou  tout  au  plus  sur  celui  de  la  sous-dominante  ;  3*^  enfin 
n'altérer  jamais  aucun  des  sons  du  mode;  car  on  ne 
peut,  sans  le  quitter,  faire  entendre  un  dièse  ou  un 
bémol  qui  ne  lui  appartienne  pas ,  ou  en  retrancher 
quelqu'un  qui  lui  appartienne. 

Mais,  pour  passer  d'un  ton  à  un  autre,  il  faut  con- 


424  MOD 

sulter  l'analogie,  avoir  égard  au  rapport  des  toniques 

et  à  la  quantité  des  cordes  communes  aux  deux  tons. 

Partons  d'abord  du  mode  majeur  :  soit  que  1  on  con- 
sidère la  quinte  de  la  tonique  comme  ayant  avec  elle 
le  plus  simple  de  tous  les  rapports  après  celui  de 
Toctave,  soit  qu'on  la  considère  comme  le  premier 
des  sons  qui  entrent  dans  la  résonnance  de  cette  même 
tonique,  on  trouvera  toujours  que  cette  quinte,  qui 
est  la  dominante  du  ton,  est  la  corde  sur  laquelle  on 
peut  établir  la  modulation  la  plus  analogue  à  celle  du 
ton  principal. 

Cette  dominante,  qui  faisoit  partie  de  l'accord  par- 
fait de  cette  première  tonique,  fait  aussi  partie  du 
sien  propre,  dont  elle  est  le  son  fondamental.  H  y  ^ 
donc  liaison  entre  ces  deux  accords.  De  plus,  cette 
même  dominante  portant,  air.si  que  la  tonique,  un 
accord  parfait  majeur  par  le  principe  de  la  réson- 
nance ,  ces  deux  accords  ne  diffèrent  entre  eux  que 
par  la  dissonance ,  qui ,  de  la  tonique  passant  à  la  do- 
minante ,  est  la  sixte-ajoutée,  et,  de  la  dominante 
repassant  à  la  tonique,  est  la  septième.  Or  ces  deux 
accords  ,  ainsi  distingués  par  la  dissonance  qui  con- 
vient à  chacun,  forment,-  par  les  sons  qui  les  compo- 
sent rangés  en  ordre ,  précisément  l'octave  ou  échelle 
diatonique  que  nous  appelons  gamme,  laquelle  déter- 
mine le  ton. 

Cette  même  gamme  de  la  tonique  forme ,  altérée 
seulement  par  un  dièse,  la  gamme  du  ton  de  la  domi- 
nante :  ce  qui  montre  la  grande  analogie  de  ces  deux 
tons,  et  donne  la  facilité  de  passer  de  l'un  à  l'autre  au 
moyen  d'une  seule  altération.  Le  ton  de  la  dominante 


MOT)  4^5 

est  donc  le  premier  qui  se  présehic  après  celui  de  la 
tonique  dans  Tordre  des  modulations. 

La  même  simplicité  de  rapport  que  nous  trouvons 
entre  une  tonique  et  sa  dominante  se  trouve  aussi 
entre  la  même  tonique  et  sa  sous  dominante  ;  car  la 
quinte  que  la  dominante  feit  à  Taigu  avec  cette  toni- 
que, la  sous-dominante  la  fait  au  grave  :  mais  cette 
sous-dominante  n'est  quinte  de  la  tonique  que  par 
renversement;  elle  est  directement  quarte  en  plaçant 
cette  tonique  au  grave  ,  comme  elle  doit  être  ;  ce  qui 
établit  la  gradation  des  rapports  :  car  en  ce  sens  la 
quarte,  dont  le  rapport  est  de  3  à  4,  suit  immédiate- 
ment la  quinte,  dont  le  rapport  est  de  2  à  3,  Que  si 
cette  sous-dominante  n'entre  pas  de  même  dans  l'ac- 
cord de  latonique,  en  revanche  la  tonique  entre  dans 
le  sien.  Car  soit  ut  mi  sol  l'accord  de  la  tonique,  celui 
de  la  sous-dominante  sera^à  la  ut;  ainsi  c'est  \ut  qui 
fait  ici  liaison,  et  les  deux  autres  sons  de  ce  nouvel 
accord  sont  précisément  les  deux  dissonances  des 
précédents.  D'ailleurs  il  nefiiut  pas  altérer  plus  de  sons 
pour  ce  nouveau  ton  que  pour  celui  de  la  dominante  ; 
ce  sont  dans  Tune  et  dans  l'autre  toutes  les  mêmes 
cordes  du  ton  principal ,  à  un  près.  Donnez  un  bémol 
à  la  note  sensible  si  ^  et  toutes  les  notes  du  ton  d'«f 
serviront  à  celui  de  fa.  Le  ton  de  la  sous-dominante 
n'est  donc  guère  moins  analogue  au  ton  principal  que 
celui  de  la  dominante. 

On  doit  remarquer  encore  qu'après  s'être  servi  de 
la  première  modulation  pour  passer  d'un  ton  prin- 
cipal w^  à  celui  de  sa  dominante  5o/,  on  est  obligé  d'em- 
ployer la  seconde  pour  revenir  au  ton  principal  :  car 


426  MOD 

si  sol  est  dominante  du  ton  d'wf,  ut  est  sous-domi-         j 
nante  du  ton  de  sol;  ainsi  1  une  de  ces  modulations  I 

n'est  pas  moins  nécessaire  que  Tautre. 

Le  troisième  son  qui  entre  dans  l'accord  de  la 
tonique  est  celui  de  sa  tierce  ou  médiante,  et  c'est 
aussi  le  plus  simple  des  rapports  après  les  deux  pré- 
cédents j^  y.  Voilà  donc  une  nouvelle  modulation  qui  se 
présente,  et  d'autant  plus  analogue  que  deux  des  sons 
de  la  tonique  principale  entrent  aussi  dans  l'accord 
mineur  de  sa  médiante  ;  car  le  premier  accord  étant 
ut  mi  sol,  celui-ci  sera  mi  sol  si,  où  l'on  voit  que  mi  et 
sol  sont  communs. 

Mais  ce  qui  éloigne  un  peu  cette  modulation ,  c'est  la 
quantité  de  sons  qu'il  y  faut  altérer,  même  pour  le 
mode  mineur ,  qui  convient  le  mieux  à  ce  mi.  J'ai 
donné  ci-devant  la  formule  de  l'échelle  pour  les  deux 
modes  :  or ,  appliquant  cette  formule  à  mi  mode  mi- 
neur ,  on  n'y  trouve  à  la  vérité  que  le  quatrième  son 
fa  altéré  par  un  dièse  en  descendant;  mais,  en  mon- 
tant, on  en  trouve  encore  deux  autres  ,  savoir,  la  prin- 
cipale tonique  ut^  et  sa  seconde  note  re,  qui  devient 
ici  note  sensible  :  il  est  certain  que  l'altération  de  tant 
de  sons,  et  surtout  de  la  tonique,  éloigne  le  mode  et 
affoiblit  l'analogie. 

Si  l'on  renverse  la  tierce  comme  on  a  renversé  la 
quinte ,  et  qu'on  prenne  cette  tierce  au-dessous  de  la 
ionique  sur  la  sixième  note  la ,  qu'on  devroit  appeler 
aussi  sous-médiante  ou  médiante  en-dessous ,  on  for- 
mera sur  ce  la  une  modulation  plus  analogue  au  ton 
principal  que  n'étoit  celle  de  mi;  car  l'accord  parfait 
de  cette  sous-médiante  étant  la  ut  mij  on  y  retrouve , 


comme  dans  celui  Je  la  médiante,  deux  des  sons  qui 
entrent  dans  Taccoid  de  la  tonique,  savoir,  ut  et  mi; 
et  de  plus ,  réchelle  de  ce  nouveau  ton  étant  compo- 
sée, du  moins  en  descendant,  des  mômes  sons  que 
celle  du  ton  principal ,  et  n'ayant  que  deux  sons  alté- 
rés en  montant,  c'est-à-dire  un  de  moins  que  Téchelle 
de  la  médiante ,  il  s'ensuit  que  la  modulation  de  la 
sixième  noto  est  préférable  à  celle  de  cette  médiante  , 
d'autant  plus  que  la  tonique  principale  y  fait  une  des 
cordes  essentielles  du  mode,  ce  qui  est  plus  propre  à 
rapprocher  l'idée  de  la  modulation.  Le  mi  peut  venir 
ensuite. 

Voilà  donc  quatre  cordes  ,  mi  fa  sol  la ,  sur  chacune 
desquelles  on  peut  moduler  en  sortant  du  ton  majeur 
d'ut.  Restent  le  re  et  le  si,  les  deux  harmoniques  delà 
dominante.  Ce  dernier ,  comme  note  sensible ,  ne  peut 
devenir  tonique  par  aucune  bonne  modulation.,  du 
moins  immédiatement  :  ce  seroit  appliquer  brusque- 
ment au  même  son  des  idées  trop  opposées  et  lui  don- 
ner une  harmonie  trop  éloignée  de  la  principale.  Pour 
la  seconde  note  re,  on  peut  encore  à  la  faveur  d'une 
marche  consonnante  delà  basse-fondamentale,  y  mo- 
duler en  tierce  mineure,  pourvu  qu'on  n'y  reste  qu'un 
instant,  afin  qu'on  n'ait  pas  le  temps  d'oublier  la  mo- 
dulation de  Vut ,  qui  lui-même  y  est  altéré;  autrement 
il  faudroit,  au  lieu  de  revenir  immédiatement  en  ut  ^ 
passer  par  d'autres  tons  intermédiaires ,  où  il  seroit 
dangereux  de  s'égarer. 

En  suivant  les  mêmes  analogies,  on  modulera  dans 
l'ordre  suivant,  pour  sortir  d'un  ton  mineur;  la  mé- 
diante premièrement ,  ensuite  la  dominante ,  la  sous» 


4^8  MOD 

dorainante  et  la  sous-mëdiante  ou  sixième  note.  Le  à 
mode  de  chacun  de  ces  tons  accessoires  est  déterminé  1 
par  sa  médiante  prise  dans  Féchelle  du  ton  principal. 
Par  exemple,  sortant  d'un  ton  majeur  ut  pour  modu- 
ler sur  sa  médiante ,  on  fait  mineur  le  mode  de  cette 
médiante,  parceque  la  dominante  50/ du  ton  principal 
fait  tierce  mineure  sur  cette  médiante  mi  :  au  con- 
traire, sortant  d'un  ton  mineur  la,  on  module  sur  sa 
médiante  ut  en  mode  majeur,  parceque  la  dominante 
ini,  du  ton  d'où  l'on  sort ,  fait  tierce  majeure  sur  la  to- 
nique de  celui  où  l'on  entre,  etc. 

Ces  régies  renfermées  dans  une  formule  générale, 
sont  que  les  modes  de  la  dominante  et  de  la  sous-do- 
minante soient  semblables  à  celui  de  la  tonique ,  et 
que  la  médiante  et  la  sixième  note  portent  le  mode 
opposé.  Il  faut  remarquer  cependant  qu'en  vertu  du 
droit  qu'on  a  de  passer  du  majeur  au  mineur,  et  réci- 
proquement, dans  un  même  ton ,  on  peut  aussi  chan- 
ger l'ordre  du  mode  d'un  ton  à  l'autre  ;  mais  en  s  éloi- 
gnant ainsi  de  la  modulation  naturelle  il  faut  songer  au 
retour  :  car  c'est  une  régie  générale  que  tout  morceau 
de  musique  doit  finir  dans  le  ton  par  lequel  il  a 
commencé. 

J'ai  rassemblé  dans  deux  exemples  fort  courts  tous 
les  tons  dans  lesquels  on  peut  passer  immédiatement  5 
le  premier ,  en  sortant  du  mode  majeur ,  et  l'autre ,  en 
èortant  du  mode  mineur.  Chaque  note  indique  une 
modulation ,  et  la  valeur  des  notes  dans  chaque  exem- 
ple indique  aussi  la  durée  relative  convenable  à  cha- 
cun de  ces  modes  selon  son  rapport  avec  le  ton  prin- 
cipal. (  Voyez  PL  B  ,/^.  6  et  7.  ) 


MOD  4^9 

Ces  modulations  immédiates  fournissent  les  moyens 
tîe  passer  par  les  mêmes  régies  dans  des  tons  plus 
éloignés,  et  de  revenir  ensuite  au  ton  principal ,  qu  il 
ne  faut  jamais  perdre  de  vue.  Mais  il  ne  suffit  pas  de 
connoître  les  routes  qu'on  doit  suivre ,  il  faut  savoir 
aussi  comment  y  entrer.  Voici  le  sommaire  des  pré- 
ceptes qu'on  peut  donner  en  cette  partie. 

Dans  la  mélodie ,  il  ne  faut,  pour  annoncer  la  mo- 
dulation  qu'on  a  choisie  ,  que  faire  entendre  les  alté- 
rations qu'elle  produit  dans  les  sons  du  ton  d'où  l'on 
sort,  pour  les  rendre  propres  au  ton  où  l'on  entre.  Est- 
on  en  ut  majeur ,  il  ne  faut  que  sonner  wnfa  dièse  pour 
annoncer  le  ton  de  la  dominante,  ou  un  5Z  bémol  pour 
annoncer  le  ton  de  la  sous-dominante.  Parcourez  en- 
suite les  cordes  essentielles  du  ton  où  vous  entrez;  s  il 
est  bien  choisi,  votre  modulation  sera  toujours  bonne 
et  régulière. 

Dans  l'harmonie,  il  y  a  un  peu  plus  de  difficulté  :  car 
comme  il  faut  que  le  changement  de  ton  se  fasse  en 
même  temps  dans  toutes  les  parties,  on  doit  prendre 
garde  à  l'harmonie  et  au  chant,  pour  éviter  de  suivre 
à-la-fois  deux  différentes  modulations-.  Huygens  a  fort 
bien  remarqué  que  la  proscription  des  deux  quintes 
consécutives  a  cette  régie  pour  principe  :  en  effet  on 
ne  peut  guère  former  entre  deux  parties  plusieurs 
quintes  justes  de  suite  sans  moduler  en  deux  tons 
différents. 

Pour  annoncer  un  ton  ,  plusieurs  prétendent  qu'il 
suffit  de  former  l'accord  parfait  de  sa  tonique  ,  et  cela 
est  indispensable  pour  donner  le  mode  ;  mais  il  est 
certain  que  le  ton  ne  peut  être  bien  déterminé  que  par 


43o  MOE 

Taccord  sensible  ou  dominant  :  il  faut  donc  faire  en- 
tendre cet  accord  en  commençant  la  nouvelle  modu- 
lation. La  bonne  régie  seroit  que  la  septième  ou  dis- 
sonance mineure  y  fût  toujours  préparée ,  au  moins  la 
première  fois  qu  on  la  fait  entendre  ;  mais  cette  régie 
n  est  pas  praticable  dans  toutes  les  modulations  per- 
mises ;  et  pourvu  que  la  basse-fondamentale  marche 
par  intervalles  consonnants  ,  qu'on  observe  la  liaison 
harmonique,  Tanalogie  du  mode,  et  qu'on  évite  les 
fausses  relations,  la  modulation  est  toujours  bonne. 
Les  compositeurs  donnent  pour  une  autre  régie  de  ne 
changer  de  ton  qu'après  une  cadence  parfaite  ;  mais 
cette  régie  est  inutile,  et  personne  ne  s'y  assujettit. 

Toutes  les  manières  possibles  de  passer  d'un  ton 
dans  un  autre  se  réduisent  à  cinq  pour  le  mode  ma- 
jeur,  et  à  quatre  pour  le  mode  mineur  ;  lesquelles  on 
trouvera  énoncées  par  une  basse-fondamentale  pour 
chaque  modulation  dans  la  Planche  B,Jig.  8.  S'il  y  a 
quelque  autre  modulation  qui  ne  revienne  à  aucune  de 
ces  neuf,  à  moins  que  cette  modulation  ne  soit  enhar- 
monique, elle  est  mauvaise  infailliblement.  (  Voyez 
Enharmonique.  ) 

Moduler,  f.  n.  C'est  composer  ou  préluder,  §oit  par 
écrit,  soit  sur  un  instrument,  soit  avec  la  voix ,  en  sui- 
vant les  régies  delà  modulation.  (  Voyez  Modulation.  ) 

Moeurs  ,  s.f.  Partie  considérable  de  la  musique  des 
Grecs  ,  appelée  par  eux  hermosmenon ,  laquelle  consis- 
toit  à  connoître  et  choisir  le  bienséant  en  chaque 
genre ,  et  ne  leur  permettoit  pas  de  donner  à  chaque 
sentiment,  à  chaque  obj^t,  à  chaque  caractère  toutes 
Jes  formes  dont  il  étoit  susceptible,  mais  les  obligeoit 


MON  43l 

de  se  borner  à  ce  qui  étoit  convenable  au  sujet,  àToc- 
casion,  aux  personnes,  aux  circonstances.  Les  mœurs 
consistoient  encore  à  tellement  accorder  et  propoi- 
tionner  dans  une  pièce  toutes  les  parties  de  la  mu- 
sique ,  le  mode,  le  temps ,  le  rhytlime,  la  mélodie  ,  et 
même  les  changements,  qu'on  sentît  dans  le  tout  une 
certaine  conformité  qui  n'y  laissât  point  de  disparate, 
et  le  rendît  parfaitement  un.  Cette  seule  partie,  dont 
l'idée  n'est  pas  même  connue  dans  notre  musique, 
montre  à  quel  point  de  perfection  devoit  être  porté  uu 
art  où  l'on  avoit  même  réduit  en  régies  ce  qui  est  hon- 
nête ,  convenable ,  et  bienséant. 
Moindre,  adj.  (  Voyez  Minime.  ) 
Mol,  adj.  Épi  thé  te  que  donne  Aristoxène  et  Pto- 
lémée  à  une  espèce  du  genre  diatonique  et  à  une 
espèce  du  genre  chromatique  dont  j'ai  parlé  au  mot 
Genre. 

Pour  la  musique  moderne ,  le  mot  mol  n'y  est  em- 
ployé que  dans  la  composition  du  mot  bémol  ou  B  moL 
par  opposition  au  mot  bécarre  ,  qui  jadis  s'appeloit 
aussi  B  dur. 

Zarlin  cependant  appelle  diatonique  mo/ une  espèce 
du  genre  diatonique  dont  j'ai  parlé  ci-devant.  (Voyez 
Diatonique.  ) 

Monocorde,  5.  m.  Instrument  ayant  une  seule  corde 
qu'on  divise  à  volonté  par  des  chevalets  mobiles,  le^ 
quel  sert  à  trouver  les  rapports  des  intervalles  el 
toutes  les  divisions  du  canon  harmonique.  Comme  la 
partie  des  instruments  n'entre  point  dans  mon  plan, 
je  ne  parlerai  pas  plus  long-temps  de  celui-ci. 

MoNODiE,  s.  f\  Chant  à  voix  seule,  par  opposition 


432  MOT 

à  ce  que  les  anciens  appeloient  chorodles^  ou  musiques 

exécutées  par  le  chœur. 

Monologue,  s.  m.  Scène  d'opéra  où  Tacteur  est  seul 
et  ne  parle  qu'avec  lui-même.  C'est  dans  les  mono- 
logues que  se  déploient  toutes  les  forces  de  la  musique  ; 
le  musicien  pouvant  s'y  livrer  à  toute  l'ardeur  de  son 
génie,  sans  être  gêné  dans  la  longueur  de  ses  mor- 
ceaux par  la  présence  d'un  interlocuteur.  Ces  réci- 
tatifs obligés,  qui  font  un  si  grand  effet  dans  les  opéra 
italiens,  n'ont  lieu  que  dans  les  monologues. 

Monotonie,  s.  f.  C'est,  au  propre,  une  psalmodie 
ou  un  chant  qui  marche  toujours  sur  le  même  ton  ; 
mais  ce  mot  ne  s'emploie  guère  que  dans  le  figuré. 

Monter,  v.  n.  C'est  faire  succéder  les  sons  du  bas 
en  haut,  c'est-à-dire  du  grave  à  l'aigu.  Cela  se  pré- 
sente à  l'œil  par  notre  manière  dç  noter. 

Motif,  5.  m.  Ce  mot,  francisé  de  l'italien  motlvo, 
n'est  guère  employé  dans  le  sens  technique  que  par 
les  compositeurs  :  il  signifie  l'idée  primitive  et  prin- 
cipale sur  laquelle  le  compositeur  détermine  son 
sujet  et  arrange  son  dessein,  c'est  le  motif  ç\\\\^  pour 
ainsi  dire ,  lui  met  la  plume  à  la  main  pour  jeter  sur 
le  papier  telle  chose  et  non  pas  telle  autre.  Dans  ce 
sens  le  motif  principal  doit  être  toujours  présent  à 
l'esprit  du  compositeur,  et  il  doit  faire  en  sorte  qu  il 
le  soit  aussi  toujours  à  l'esprit  des  auditeurs.  On  dit 
qu'un  auteur  bat  la  campagne  lorsqu'il  perd  son  motif 
de  vue ,  et  qu'il  coud  des  accords  ou  des  chants  qu'au- 
cun sens  commun  n'unit  entre  eux. 

Outre  ce  motifs  qui  n'-est  que  l'idée  principale  de  la 
pièce,  il  y  a  des  motifs  particuliers ,  qui  sont  les  idées 


MOT  433 

déterminantes  de  la  modulation,  des  entrelacements, 
des  textm'es  harmoniques;  et  sur  ces  idées,  que  Ton 
pressent  dans  Texécution,  l'on  juge  si  Fauteur  a  bien 
suivi  ces  motifs^  ou  s'il  a  pris  le  change,  comme  il 
arrive  souvent  à  ceux  qui  procèdent  note  après  note , 
et  qui  manquent  de  savoir  ou  d'invention.  C'est  dans 
cette  acception  qu'on  dit  motif  de  fugue,  motif  de  ca- 
dence, motif  de  changement  de  mode,  etc. 

MoTTKT,  5.  m.  Ce  mot  signifioit  anciennement  une 
composition  fort  recherchée,  enrichie  de  toutes  les 
beautés  de  Fart,  et  cela  sur  une  période  fort  courte: 
d'où  lui  vient,  selon  quelques  uns,  le  nom  de  mottet^ 
comme  si  ce  n'étoit  qu'un  mot. 

Aujourd'hui  l'on  donne  le  nom  de  mottet  à  toute 
pièce  de  musique  faite  sur  des  paroles  latines  à  l'usage 
de  rr^glise  romaine,  comme  psaumes,  hymnes,  an- 
tiennes, répons ,  etc.  Et  tout  cela  s'appelle  en  général 
musique  latine. 

Les  François  réussissent  mieux  dans  ce  genre  de 
musique  que  dans  la  françoise,  la  langue  étant  moins 
défavorable;  mais  ils  y  recherchent  trop  de  travail, 
et,  comme  le  leur  a  reproché  l'abbé  Dubos ,  ils  jouent 
trop  sur  le  mot.  En  général  la  musique  latine  n'a  pas 
assez  de  gravité  pour  l'usage  auq*iel  elle  est  destinée  ; 
on  n'y  doit  point  rechercher  l'imitation,  comme  dans 
la  musique  théâtrale  :  les  chants  sacrés  ne  doivent 
point  représenter  le  tumulte  des  passions  humaines , 
mais  seulement  la  majesté  de  celui  à  qui  ils  s'adres- 
sent, et  l'égalité  dame  de  ceux  qui  les  prononcent. 
Quoi  que  puissent  dire  les  paroles,  toute  autre  expres- 
sion dans  le  chant  est  un  contre-sens.  Il  faut  n'avoir, 
XIV.  28 


434  MOU 

je  ne  dis  pas  aucune  piété,  mais  je  dis  aucun  goût 

pour  préférer  dans  les  églises  la  musique  au  plain- 

chant. 

Les  musiciens  du  treizième  et  du  quatorzième 
siècle  donnoient  le  nom  de  mottetus  à  la  partie  que 
nous  nommons  aujourd'hui  haute-contre.  Ce  nom  et 
d'autres  aussi  étranges  causent  souvent  bien  de  l'em- 
barras à  ceux  qui  s'appliquent  à  déchiffrer  les  anciens 
manuscrits  de  musique ,  laquelle  ne  s'écrivoit  pas  en 
partition  comme  à  présent. 

Mouvement,  s.  m.  Degré  de  vitesse  ou  de  lenteur 
que  donne  à  la  mesure  le  caractère  de  la  pièce  qu'on 
exécute.  Chaque  espèce  de  mesure  a  un  mouvement 
qui  lui  est  le  plus  propre,  et  qu'on  désigne  en  italien 
par  ces  mots  tempo  giusto.  Mais  outre  celui-là  il  y  a 
cinq  principales  modifications  de  mouvement  qui,  dans 
l'ordre  du  lent  au  vite ,  s'expriment  par  les  mots  larrjo , 
adagio,  andante,  allegro ,  presto  ;  et  ces  mots  se  rendent 
en  francois  par  les  suivants,  lent,  modéré,  gracieux , 
gai,  vite.  Il  faut  cependant  observer  que,  le  mouve- 
ment ayant  toujours  beaucoup  moins  de  précision 
dans  la  musique  françoise,  les  mots  qui  le  désignent 
y  ont  un  sens  beaucoup  plus  vague  que  dans  la  mu- 
sique italienne. 

Chacun  de  ces  degrés  se  subdivise  et  se  modifie 
encore  en  d'autres,  dans  lesquels  il  faut  distinguer 
ceux  qui  n'indiquent  que  le  degré  de  vitesse  ou  de 
lenteur,  comme  larghetto,  andantino ,  allegretto ,  pres- 
tissimo; et  ceux  qui  marquent  de  plus  le  caractère  et 
l'expression  de  l'air,  comme  agitato ,  vivace ,  gustoso, 
cou  brio  ,  etc.  Les  premiers  peuvent  être  saisis  et 


MUA  435 

rendus  par  tous  les  musiciens,  mais  il  n'y  a  que  ceux 
qui  ont  du  sentiment  et  du  goût  qui  sentent  et  rendent 
les  autres. 

Quoique  généralement  les  mouvements  lents  con- 
viennent aux  passions  tristes,  et  les  mouvements  ani- 
més aux  passions  gaies,  il  y  a  pourtant  souvent  des 
modifications  par  lesquelles  une  passion  parle  sur  le 
ton  d'une  autre,  il  est  vrai  toutefois  que  la  gaieté  ne 
s'exprime  guère  avec  lenteur;  mais  souvent  les  dou- 
leurs les  plus  vives  ont  le  langage  le  plus  emporté 

Mouvement  est  encore  la  marche  ou  le  progrès  des 
sons  du  grave  à  Taigu ,  ou  de  Faigu  au  grave  :  ainsi 
quand  on  dit  qu'il  faut,  autant  qu'on  le  peut,  faire 
marcher  la  basse  et  le  dessus  par  mouvements  con- 
traires,  cela  signifie  que  Tune  des  parties  doit  monter 
tandis  que  l'autre  descend.  Mouvement  semblable  ^  c'est 
quand  les  deux  parties  marchent  en  même  sens. 
Quelques  uns  appellent  mouvement  oblique  celui  où 
Tune  des  parties  reste  en  place  tandis  que  l'autre 
monte  ou  descend. 

Le  savant  Jérôme  Mei,  à  l'imitation  d'Aristoxène, 
distingue  généralement  dans  la  voix  humaine  deux 
sortes  de  mouvement  :  savoir,  celui  de  la  voix  parlante, 
qu'il  appelle  mouvement  continu ,  et  qui  ne  se  fixe  qu  au 
moment  qu'on  se  tait;  et  celui  de  la  voix  chantante, 
qui  marche  par  intervalles  déterminés,  et  qu'il  appelle 
mouvement  diastématique  ou  intervallatif. 

MuANCES,  s.  f.  On  appelle  ainsi  les  diverses  ma- 
nières d'appliquer  aux  notes  les  syllabes  de  la  gamme 
selon  les  diverses  positions  des  deux  semi-tons  de 
l'octave,  et  selon  les  différentes  routes  pour  y  arriver. 

28. 


436  MUS 

Comme  TArétin  n'inventa  que  six  de  ces  syllabes,  et 
qu'il  y  a  sept  notes  à  nommer  dans  une  octave,  il 
falloit  nécessairement  répéter  le  nom  de  quelque  note  ; 
cela  fit  qu'on  nomma  toujours  mi  fa  on  fa  la  les  deux 
notes  entre  lesquelles  se  trouvoit  un  des  semi-tons.  Ces 
noms  déterminoient  en  même  temps  ceux  des  notes 
les  plus  voisines ,  soit  en  montant ,  soit  en  descendant. 
Or,  comme  les  deux  semi-tons  sont  sujets  à  changer 
de  place  dans  la  modulation,  et  qu'il  y  a  dans  la  mu- 
sique une  multitude  de  manières  différentes  de  leur 
appliquer  les  six  mêmes  syllabes,  ces  manières  s'ap- 
peloient  muances,  parceque  les  mêmes  notes  y  clian- 
geoient  incessamment  de  noms.  (Voyez  Gamme.  ) 

Dans  le  siècle  dernier  on  ajouta  en  France  la  syl- 
labe si  aux  six  premières  de  la  gamme  de  l'Arétin.  Par 
ce  moyen  la  septième  note  de  l'échelle  se  trouvant 
nommée,  les  muances  devinrent  inutiles  et  furent  pro- 
scrites de  la  musique  françoise  ;  mais  chez  toutes  les 
autres  nations,  où,  selon  l'esprit  du  métier,  les  musi- 
ciens prennent  toujours  leur  vieille  routine  pour  la 
perfection  de  l'art,  on  n'a  point  adopté  le  si:  et  il  y  a 
apparence  qu'en  Italie,  en  Espagne,  en  Allemagne,  en 
Angleterre,  les  muances  serviront  long-temps  encore  à 
la  désolation  des  commençants. 

Muances,  dans  la  musique  ancienne.  (Voyez  Muta- 
tions.) 

Musette,  s.  f  Sorte  d'air  convenable  à  l'instru- 
ment de  ce  nom,  dont  I9  mesure  est  à  deux  ou  trois 
temps ,  le  caractère  naïf  et  doux  ,  le  mouvement  un 
peu  lent,  portant  une  basse  pour  1  ordinaire  en  tenue 
ou  point  d'orgue,  telle  que  la  peut  faire  une  musette. 


MUS  4^7 

et  qu'on  appelle  à  cause  Je  cela  basse  de  musette.  Sur 
ces  airs  on  forme  des  danses  d'un  caractère  convena- 
ble, et  qui  portent  aussi  le  nom  de  musettes. 

Musical,  aclj.  Appartenant  à  la  musique.  (Voyez 
Musique.  ) 

Musicalement,  adv.  D'une  manière  musicale,  dans 
les  régies  de  la  musique.  (  Voyez  Musique.  ) 

Musicien,  s.  m.  Ce  nom  se  donne  également  à 
celui  qui  compose  la  musique  et  à  celui  qui  1  exé- 
cute. Le  premier  s'appelle  aussi  compositeur.  (Voyez 
ce  mot.  ) 

Les  anciens  musiciens  étoient  des  poètes,  des  phi- 
losophes ,  des  orateurs  du  premier  ordre ,  tels  étoient 
Orphée,  Terpandre,  Stésichore,  etc.  Aussi  Boëce  ne 
veut-il  pas  honorer  du  nom  de  musicien  celui  qui  pra- 
tique seulement  la  musique  par  le  ministère  servile 
des  doigts  et  de  la  voix,  mais  celui  qui  possède  cette 
science  par  le  raisonnement  et  la  spéculation  :  et  il 
semble  de  plus  que  pour  s'élever  aux  grandes  expres- 
sions de  la  musique  oratoire  et  imitative,  il  faudroit 
avoir  fait  une  étude  particulière  des  passions  hu- 
maines et  du  langage  de  la  nature.  Cependant  les  mu- 
siciens de  nos  jours,  bornés  pour  la  plupart  à  la  prati- 
que des  notes  et  de  quelques  tours  de  chant,  ne  seront 
guère  offensés,  je  pense,  quand  on  ne  les  tiendra  pas 
poui'  de  grands  philosophes . 

Musique,  s.f.  Art  de  combiner  les  sons  d'une  ma- 
nière agréable  à  l'oreille.  Cet  art  devient  une  science, 
et  même  très  profonde,  quand  on  veut  trouver  les 
principes  de  ces  combinaisons  et  les  raisons  des  affec- 
tions qa'elles  nous  causent.  Aristide  Quintilien  définit 


438  MUS 

la  musique  l'art  du  beau  et  de  la  décence  dans  les  voix 
et  dans  les  mouvements.  Il  n'est  pas  étonnant  qu'avec 
des  définitions  si  vagues  et  si  générales  les  anciens 
aient  donné  une  étendue  prodigieuse  à  Tart  qu'ils  dé- 
finissoient  ainsi, 

On  suppose  communément  que  le  mot  de  musique 
vient  de  musa,  parcequ'on  croit  que  les  muses  ont  in- 
venté cet  art:  mais  Kircher,  d'après  Diodore,  fait 
venir  ce  nom  d'un  mot  égyptien ,  prétendant  que  c'est 
en  Egypte  que  la  musique  a  commencé  à  se  rétablir 
après  le  déluge,  et  qu'on  en  reçut  la  première  idée  du 
son  que  rendoient  les  roseaux  qui  croissent  sur  les 
bords  du  Nil  quand  le  vent  souffloit  dans  leurs  tuyaux. 
Quoi  qu'il  en  soit  de  l'étymologie  du  nom,  l'origine 
de  l'art  est  certainement  plus  près  de  l'homme,  et  si 
la  parole  n'a  pas  commencé  par  du  chant,  il  est  sûr 
au  moins  qu'on  chante  partout  où  l'on  parle. 

La  musique  se  divise  naturellement  en  musique  théO' 
rique  ou  spéculative ^  et  en  musique  pratique. 

La  musique  spéculative  est,  si  l'on  peut  parler  ainsi , 
la  connoissance  de  la  matière  musicale,  c'est-à-dire 
des  différents  rapports  du  grave  à  laigu,  du  vite  au 
lent,  de  l'aigre  au  doux,  du  fort  au  foibie,  dont  les 
sons  sont  susceptibles;  rapports  qui,  comprenant 
toutes  les  combinaisons  possibles  de  la  musique  et 
des  sons,  semblent  comprendre  aussi  toutes  les  causes 
des  impressions  que  peut  faire  leur  succession  sur 
i  oreille  et  sur  l'ame. 

La  musique  pratique  est  l'art  d'appliquer  et  mettre 
en  usage  les  principes  de  la  spéculative,  c'est-à-dire 
de  conduire  et  disposer  les  sons  par  rapport  à  la  con- 


MUS  439 

sonnance,  à  la  durée,  à  la  succession,  de  telle  sorte 
fjue  le  tout  produise  sur  Toreille  Teifet  qu'on  s'est  pro- 
posé; c'est  cet  art  qu'on  appelle  composition.  (Voyez 
ce  mot.  )  A  l'égard  de  la  production  actuelle  des  sons 
par  les  voix  ou  par  les  instruments,  qu'on  appelle 
exécution,  c'est  la  partie  purement  mécanique  et  opé- 
rative,  qui ,  supposant  seulement  la  faculté  d'entonner 
juste  les  intervalles,  de  marquer  juste  les  durées,  de 
donner  aux  sons  le  degré  prescrit  dans  le  ton  et  la 
valeur  prescrite  dans  le  temps ,  ne  demande  en  rigueur 
d'autre  connoissance  que  celle  des  caractères  de  la 
musique,  et  l'habitude  de  les  exprimer. 

La  musique  spéculative  se  divise  en  deux  parties; 
savoir,  la  connoissance  du  rapport  des  sons  ou  de 
leurs  intervalles,  et  celle  de  leurs  durées  relatives , 
c'est-à-dire  de  la  mesure  et  du  temps. 

La  première  est  proprement  celle  que  les  anciens 
ont  appelée  musique  harmonique  :  elle  enseigne  en 
quoi  consiste  la  nature  du  chant,  et  marque  ce  qui  est 
consonnant,  dissonant,  agréable  ou  déplaisant  dans 
la  modulation;  elle  fait  connoître  en  un  mot  les  di- 
verses manières  dont  les  sons  affectent  l'oreille  par 
leur  timbre,  par  leur  force,  par  leurs  intervalles,  ce 
qui  s'applique  également  à  leur  accord  et  à  leur  suc- 
cession. 

La  seconde  a  été  appelée  rhjthmique,  parcequ'elle 
traite  des  sons  eu  égard  au  temps  et  à  la  quantité  :  elle 
contient  l'explication  du  rhytlime,  du  mètre,  des  me- 
sures longues  et  courtes ,  vives  et  lentes  ,  des  temps 
et  des  diverses  parties  dans  lesquelles  on  les  divise 
pour  y  appliquer  la  succession  des  sons. 


44o  MUS 

La  musique  pî^atique  se  divise  aussi  en  deux  parties, 
qui  répondent  aux  deux  précédentes. 

Celle  qui  répond  à  la  musique  harmonique^  et  que 
les  anciens  appeloient  mélopée^  contient  les  régies 
pour  combiner  et  varier  les  intervalles  consonnants  et 
dissonants  d'une  manière  agréable  et  harmonieuse. 
(  Voyez  Mélopée  .  ) 

La  seconde,  qui  répond  à  la  musique  rhythmique ,  et 
qu'ils  appeloient  r/ijfAmoyyee,  contient  les  régies  pour 
l'application  des  temps,  des  pieds,  des  mesures, 
en  un  mot,  pour  la  pratique  du  rliythme.  (Voyez 
Rhythme.) 

Porphyre  donne  une  autre  division  de  la  musique, 
en  tant  qu'elle  a  pour  objet  le  mouvement  muet  ou 
sonore,  et,  sans. la  distinguer  en  spéculative  et  pra- 
tique, il  y  trouve  les  six  parties  suivantes  :  la  rhythmi- 
que,  pour  les  mouvements  de  la  danse;  la  métrique ^ 
pour  la  cadence  et  le  nombre  des  vers;  V organique, 
pour  la  pratique  des  instruments;  la  poétique,  pour 
les  tons  et  l'accent  de  la  poésie;  Xhypocritique^  pour 
les  attitudes  des  pantomimes;  et  ï harmonique,  pour 
le  chant. 

La  musique  se  divise  aujourd'hui  plus  simplement 
en  mélodie  et  en  harmonie;  car  la  rhythmique  n  est 
plus  rien  pour  nous ,  et  la  métrique  est  très  peu  de 
chose,  attendu  que  nos  vers  dans  le  chant  prennent 
presque  uniquement  leur  mesure  de  la  musique:  et 
perdent  le  peu  qu'ils  en  ont  par  eux-mêmes. 

Par  la  mélodie  on  dirige  la  succession  des  sons  de 
manière  à  produire  des  chants  agréables,  (  Voyez 
Mélodie  ,  Chant  ,  Modulation.  ) 


MUS  44* 

L'iiarmoiiie  consiste  à  unir  à  chacun  des  sons  cFune 
succession  ré(>ulière  deux  ou  plusieurs  autres  sons 
qui ,  frappant  l'oreille  en  même  temps  ,  la  flattent  par 
leur  concours.  (Voyez  Harmonie.  ) 

On  pourroit  et  Ton  devroit  peut-être  encore  diviser 
la  musique  en  naturelle  et  imitative.  La  première ,  bor- 
née au  seul  physique  des  sons  et  n'agissant  que  sur  le 
sens,  ne  porte  point  ses  impressions  jusqu'au  cœur, 
et  ne  peut  donner  que  des  sensations  plus  ou  moins 
agréables  :  telle  est  la  musique  des  chansons ,  des 
hymnes,  des  cantiques,  de  tous  les  chants  qui  ne 
sont  que  des  combinaisons  de  sons  mélodieux,  et  en 
général  toute  musique  qui  n'est  qu'harmonieuse. 

La  seconde ,  par  des  inflexions  vives ,  accentuées  , 
et  pour  ainsi  dire  parlantes ,  exprime  toutes  les  pas- 
sions, peint  tous  les  tableaux,  rend  tous  les  objets, 
soumet  la  nature  entière  à  ses  savantes  imitations,  et 
porte  ainsi  jusqu'au  cœur  de  l'homme  des  sentiments 
propres  à  l'émouvoir.  Cette  musique  vraiment  lyrique 
et  théâtrale  étoit  celle  des  anciens  poèmes ,  et  c'est  de 
nos  jours  celle  qu'on  s'efforce  d'appliquer  aux  drames 
qu'on  exécute  en  chant  sur  nos  théâtres.  Ce  n'est  que 
dans  cette  musique ,  et  non  dans  l'harmonique  ou  na- 
turelle ,  qu'on  doit  chercher  la  raison  des  effets  prodi- 
gieux qu'elle  a  produits  autrefois.  Tant  qu'on  cher- 
chera des  effets  moraux  dans  le  seul  physique  des 
sons  ,  on  ne  les  y  trouvera  point ,  et  l'on  raisonnera 
sans  s'entendre. 

Les  anciens  écrivains  diffèrent  beaucoup  entre  eux 
sur  la  nature,  l'objet,  l'étendue,  et  les  parties  de  la 
musique.  En  général  ils  donnoient  à  ce  mot  un  sens 


44^  MUS 

beaucoup  plus  étendu  que  celui  qui  lui  reste  aujour- 
d'hui :  non  seulement  sous  le  nom  de  miisique  ils  com- 
prenoient,  comme  on  vient  de  le  voir,  la  danse,  le 
geste ,  la  poésie,  mais  même  la  collection  de  toutes  les 
sciences.  Hermès  définit  la  musique  la  connoissance 
de  Tordre  de  toutes  choses  ;  c'étoit  aussi  la  doctrine  de 
lecole  de  Pythagore  et  de  celle  de  Platon ,  qui  ensei- 
gnoient  que  tout  dans  l'univers  étoit  musique.  Selon 
Hésychius  ,  les  Athéniens  donnoient  à  tous  les  arts  le 
nom  de  musique  ;  et  tout  cela  n'est  plus  étonnant  de- 
puis qu'un  musicien  moderne  a  trouvé  dans  la  musi- 
que le  principe  de  tous  les  rapports  et  le  fondement  de 
toutes  les  sciences. 

De  là  toutes  ces  musiques  sublimes  dont  nous  par- 
lent les  philosophes;  musique  divine,  musique  des 
hommes,  musique  céleste,  musique  terrestre,  musique 
active,  musique  contemplative,  musique  énonciative, 
intellective ,  oratoire  ,  etc. 

C  est  sous  ces  vastes  idées  qu'il  faut  entendre  plu- 
sieurs passages  des  anciens  sur  la  musique,  qui  se- 
roient  inintelligibles  dans  le  sens  que  nous  donnons 
aujourd'hui  à  ce  mot. 

Il  paroît  que  la  musique  a  été  Fun  des  premiers  arts  : 
on  le  trouve  mêlé  parmi  les  plus  anciens  monuments 
du  genre  humain.  Il  est  très  vraisemblable  aussi  que 
la  musique  vocale  a  été  trouvée  avant  l'instrumentale , 
si  même  il  y  a  jamais  eu  parmi  les  anciens  une  mu- 
sique vraiment  instrumentale,  c'est-à-dire  faite  uni- 
quement pour  les  instruments.  Non  seulement  les 
hommes,  avant  d'avoir  trouvé  aucun  instrument^ 
ont  dû  faire  des  observations  sur  les  différents  tons 


MUS  /[A3 

de  leur  voix,  mais  ils  ont  dû  apprendre  de  bonne  heure, 
par  le  concert  naturel  des  oiseaux ,  à  modifier  leur  voix 
et  leur  gosier  d'une  manière  agréable  et  mélodieuse  ; 
après  cela  les  instruments  à  vent  ont  dû  être  les  pre- 
miers inventés.  Diodore  et  d'autres  auteurs  en  attri- 
buent Tinvention  à  l'observation  du  sifflement  des 
vents  dans  les  roseaux  ou  autres  tuyaux  des  plantes. 
C'est  aussi  le  sentiment  de  Lucrèce  : 

At  liquidas  avium  voces  imitarier  ore 
Antè  fuit  multo,  quàm  liEvia  carmina  cantu 
Concelebrare  homines  possent,  auresque  juvare  ; 
Et  Zepliyri  cava  per  calamorum  sibila  primùrn 
Agrestes  docuere  cavas  inflare  cicutas. 

LuGRET.,  De  Bat.  rer. ,  Lib.  v. 

A  l'égard  des  autres  sortes  d'instruments ,  les  cordes 
sonores  sont  si  communes  que  les  hommes  en  ont  dû 
observer  de  bonne  heure  les  différents  tons;  ce  qui  a 
donné  naissance  aux  instruments  à  corde.  (  Vovez 
Corde.  ) 

Les  instruments  qu'on  bat  pour  en  tirer  du  son , 
comme  les  tambours  et  les  timbales  ,  doivent  leur  ori- 
gine au  bruit  sourd  que  rendent  les  corps  creux  quand 
on  les  frappe. 

Il  est  difficile  de  sortir  de  ces  généralités  pour  con- 
stater quelque  fait  sur  l'invention  de  la  musique  ré- 
duite en  art.  Sans  remonter  au-delà  du  déluge,  plu- 
sieurs anciens  attribuent  cette  invention  à  Mercure , 
aussi  bien  que  celle  de  la  lyre;  d'autres  veulent  que 
les  Grecs  en  soient  redevables  à  Cadmus ,  qui ,  en  se 
sauvant  de  la  cour  du  roi  de  Phénicie ,  amena  en  Grèce 
la  musicienne  îlermione  ou  Harmonie;  d'où  il  s'en- 


■\  i  /\  M  13  S 

suivioit  que  cet  art  étoit  connu  en  Pbénicie  avant 
Cacinms.  Dans  un  endroit  du  dialogue  de  Pluiarque 
sur  la  musicjue^  Lysias  dit  que  c'est  Amphion  qui  la 
inventée  ;  dans  un  autre  ,  Sotérique  dit  que  c'est  Apol- 
lon ;  dans  un  autre  encore,  il  semble  en  faire  hon- 
neur à  Olympe  :  on  ne  s'accorde  guère  sur  tout  cela  , 
et  c'est  ce  qui  n'importe  pas  beaucoup  non  plus.  A  ces 
premiers  inventeurs  succédèrent  Chiron,  Démodocus, 
Hermès ,  Orphée ,  qui ,  selon  quelques  uns  ,  inventa  la 
lyre  ;  après  ceux-là  vint  Phœmius  ,  puis  Terpandre  , 
contemporain  de  Lycurgue,  et  qui  donna  des  régies 
à  la  musique  :  quelques  personnes  lui  attribuent  l'in- 
vention des  premiers  modes.  Enfin  l'on  ajoute  Thaïes 
et  Thamiris  qu'on  dit  avoir  été  l'inventeur  de  la  mu- 
sique instrumentale. 

Ces  grands  musiciens  vivoient  la  plupart  avant  Ho- 
mère :  d'autres  plus  modernes  sont  Lasus  d'Her- 
mione,  Melnippides,  Philoxène ,  Timothée ,  Phryn- 
nis,  Épigonius,  Lysandre  ,  Simmicus  et  Diodore,  qui 
tous  ont  considérablement  perfectionné  la  musique. 

Lasus  est,  à  ce  qu'on  prétend,  le  premier  qui  ait 
écrit  sur  cet  art  du  temps  de  Darius  Hystaspes.  Epi- 
gonius inventa  l'instrument  de  quarante  cordes  qui 
portoit  son  nom  ;  Simmicus  inventa  aussi  un  instru- 
ment de  trente-cinq  cordes  ,  appelé  simmicium. 

Diodore  perfectionna  la  flûte  ety  ajouta  de  nouveaux 
trous ,  et  Timothée  la  lyre ,  en  y  ajoutant  une  nou- 
velle corde  ;  ce  qui  le  fit  mettre  à  l'amende  par  les  La- 
cédémoniens. 

Comme  les  anciens  auteurs  s'expliquent  fort  obscu- 
rément sur  les  inventeurs  des  instruments  de  inusi- 


MUS  44^^ 

que^  ils  sont  aussi  fort  obscurs  sur  les  instruments 
mêmes  :  à  peine  en  connoissons-nous  autre  chose  que 
les  noms.  (Voyez  Instrument.  ) 

La  musique  étoit  dans  la  plus  grande  estime  chez 
divers  peuples  de  Tantiquité,  et  principalement  chez 
les  Grecs ,  et  cette  estime  étoit  proportionnée  à  la  puis- 
sance et  aux  effets  surprenants  qu'ils  attribuoient  à 
cet  art.  Leurs  auteurs  ne  croient  pas  nous  en  donner 
une  trop  grande  idée  en  nous  disant  qu'elle  étoit  en 
usage  dans  le  ciel ,  et  qu'elle  faisoit  l'amusement  prin- 
cipal des  dieux  et  des  âmes  des  bienheureux.  Platon 
ne  craint  pas  de  dire  qu'on  ne  peut  faire  de  change- 
ment dans  la  musique  qui  n'en  soit  un  dans  la  consti- 
tution de  Tétat,  et  il  prétend  qu'on  peut  assigner  les 
sons  capables  de  faire  naître  la  bassesse  de  lame,  lin- 
solence,  et  les  vertus  contraires.  Aristote,  qui  semble 
n'avoir  écrit  sa  politique  que  pour  opposer  ses  senti- 
ments à  ceux  de  Platon ,  est  pourtant  d'accord  avec 
lui  touchant  la  puissance  de  la  musique  sur  les  mœurs. 
Le  judicieux  Polybe  nous  dit  que  la  musique  étoit  né- 
cessaire pour  adoucir  les  mœurs  des  Arcades,  qui  ha- 
bitoient  un  pays  où  l'air  est  triste  et  froid  ;  que  ceux 
de  Cynéte,  qui  négligèrent  la  musique,  surpassèrent 
en  cruauté  tous  les  Grecs,  et  qu'il  n'y  a  point  de  ville, 
où  l'on  ait  tant  vu  de  crimes.  Athénée  nous  assure 
qu'autrefois  toutes  les  lois  divines  et  humaines,  les 
exhortations  à  la  vertu  ,  la  connoissance  de  ce  quicon- 
cernoit  les  dieux  et  les  héros,  les  vies  et  les  actions  des 
hommes  illustres,  étoient  écrites  en  vers  et  chantées 
publiquement  par  des  chœurs  au  son  des  instruments  : 
et  nous  voyons  par  nos  livres  sacrés  que  tels  étoieuf , 


44^  MUS 

dès  les  premiers  temps,  les  usages  des  Israélites.  On 
n'avoit  point  trouvé  de  moyen  plus  efficace  pour  gra- 
ver dans  Fesprit  des  hommes  les  principes  de  la  mo- 
rale et  l'amour  de  la  vertu;  ou  plutôt  tout  cela  n'étoit 
point  Fellet  d'un  moyen  prémédité,  mais  de  la  gran- 
deur des  sentiments  et  de  lélévation  des  idées  qui 
cherchoient ,  par  des  accents  proportionnés,  à  se  faire 
un  langage  digne  d'elles. 

La  musique  faisoit  partie  de  l'étude  des  anciens  py- 
thagoriciens :  ils  s'en  servoient  pour  exciter  le  cœur  à 
des  actions  louables,  et  pour  s'enflammer  de  l'amour 
de  la  vertu.  Selon  ces  philosophes,  notre  ame  n'étoit 
pour  ainsi  dire  formée  que  d  harmonie  ,  et  ils  croyoient 
rétablir ,  par  le  moyen  de  l'harmonie  sensuelle ,  l'har- 
monie intellectuelle  et  priuiitive  des  facultés  de  lame , 
c'est-à-dire  celle  qui,  selon  eux ,  existoit  en  elle  avant 
qu'elle  animât  nos  corps ,  et  lorsqu'elle  habitoit  les 
cieux. 

La  musique  est  déchue  aujourd'hui  de  ce  degré  de 
puissance  et  de  majesté  au  point  de  nous  faire  douter 
de  la  vérité  des  merveilles  qu'elle  opéroit  autrefois, 
quoique  attestées  par  les  plus  judicieux  historiens  et 
par  les  plus  graves  philosophes  de  l'antiquité.  Cepen- 
dant on  retrouve  dans  Ihistoire  moderne  quelques 
faits  semblables.  Si  Timothée  excitoit  les  fureurs 
d'Alexandre  par  le  mode  phrygien ,  et  les  calmoit  par 
le  mode  lydien,  une  musique  plus  moderne  renché- 
rissoit  encore  en  excitant,  dit-on,  dans  Eric,  roi  de 
Danemarck,  une  telle  fureur  qu'il  tuoit  ses  meilleurs 
domestiques  :  sans  doute  ces  malheureux  étoient 
moins  sensibles  que  leur  prince  à  la  musique,  autre- 


MUS  447 

ment  il  eût  pu  courir  la  moitié  du  dan^jer.  D'Aubigny 
rapporte  une  autre  histoire  toute  pareille  à  celle  de 
Timothée  :  il  dit  que,  sous  Henri  III,  le  musicien 
Claudin ,  jouant  aux  noces  du  duc  de  Joyeuse  sur  le 
mode  phrygien,  anima ,  non  le  roi,  mais  un  courtisan, 
qui  s'oublia  jusqu'à  mettre  la  main  aux  armes  en  pré- 
sence de  son  souverain  ;  mais  le  musicien  se  hâta  de 
le  calmer  en  prenant  le  mode  hypo-plirygien  :  cela 
est  dit  avec  autant  d'assurance  que  si  le  musicien 
Claudin  avoit  pu  savoir  exactement  en  quoi  consis- 
toit  le  mode  phrygien  et  le  mode  hypo-phrygien. 

Si  notre  musique  a  peu  de  pouvoir  sur  les  affections 
de  lame,  en  revanche  elle  est  capable  d'agir  physi- 
quement sur  les  corps  ;  témoin  l'histoire  de  la  taren- 
tule ,  trop  connue  pour  en  parler  ici  ;  témoin  ce  che- 
valier gascon  dont  parle  Boyle,  lequel ,  au  son  d  une 
cornemuse ,  ne  pouvoit  retenir  son  urine  ;  à  quoi  il 
faut  ajouter  ce  que  raconte  le  même  auteur  de  ces 
femmes  qui  fondoient  en  larmes  lorsqu'elles  enten- 
doient  un  certain  ton  dont  le  reste  des  auditeurs 
n'étoit  point  affecté  :  et  je  connois  à  Paris  une  femme 
de  condition,  laquelle  ne  peut  écouter  quelque  musi- 
(jue  que  ce  soit  sans  être  saisie  d'un  rire  involontaire 
et  convulsif.  On  lit  aussi  dans  \ Histoire  de  f  académie 
des  sciences  de  Paris  qu'un  musicien  fut  guéri  d'une  vio- 
lente fièvre  par  un  concert  qu'on  fit  dans  sa  chambre. 

Les  sons  agissent  même  sur  les  corps  inanimés  , 
comme  on  le  voit  par  le  frémissement  et  la  réson- 
nance  d'un  corps  sonore  au  son  d'un  autre  avec  le- 
quel il  est  accordé  dans  certain  rapport.  Morhoff  fait 
mention  d'un  certain  Petter,  Hollandois,  qui  brisoit 


4i8  MUS 

lui  verre  au  son  de  sa  voix.  Kircher  parle  d'une  grande 
pierre  qui  frémissoit  au  son  d'un  certain  tuyau  d'or- 
gue. -Le  P.  Mersenne  parle  aussi  d'une  sorte  de  car- 
reau que  le  jeu  d'orgue  ébranloit  comme  auroit  pu 
faire  un  tremblement  de  terre.  Boy  le  ajoute  que  les 
stalles  tremblent  souvent  au  son  des  orgues  ;  qu  il  les 
a  senties  frémir  sous  sa  main  au  son  de  l'orgue  ou  de 
la  voix,  et  qu'on  l'a  assuré  que  celles  qui  étoient  bien 
faites  trembloient  toutes  à  quelque  ton  déterminé. 
Tout  le  monde  a  ouï  parler  du  fameux  pilier  d'une 
église  de  Reims,  qui  s'ébranle  sensiblement  au  son 
d'une  certaine  cloche,  tandis  que  les  autres  piliers 
restent  immobiles  ;  mais  ce  qui  ravit  au  son  Ihonneur 
du  merveilleux  est  que  ce  même  pilier  s'ébranle  éga- 
lement quand  on  a  ôté  le  batail  de  la  cloche. 

Tous  ces  exemples,  dont  la  plupart  appartiennent 
plus  au  son  qu'à  la  musique^  et  dont  la  physique  peut 
donner  quelque  explication ,  ne  nous  rendent  point 
plus  intelligibles  ni  plus  croyables  les  effets  merveil- 
leux et  presque  divins  que  les  anciens  attribuent  à  la 
musique.  Plusieurs  auteurs  se  sont  tourmentés  pour 
tâcher  d  en  rendre  raison  :  Wallis  les  attribue  en  partie 
à  la  nouveauté  de  l'art,  et  les  rejette  en  partie  sur 
l'exagération  des  auteurs  ;  d'autres  en  font  honneur 
seulement  à  la  poésie;  d'autres  supposent  que  les 
Grecs  ,  plus  sensibles  que  nous  par  la  constitution  de 
leur  climat  ou  par  leur  manière  de  vivre,  pouvoient 
être  émus  de  choses  qui  ne  nous  auroicnt  nullement 
touchés. 

M.  Burette,  même  en  adoptant  tous  ces  faits,  pré- 
tend  qu  ils   ne  prouvent  point  la   perfection  de  la 


MUS  449 

musique  qui  les  a  produits  ;  il  n'y  voit  rien  que  de 
mauvais  racleurs  de  village  n'aient  pu  faire,  selon 
lui ,  tout  aussi  bien  que  les  premiers  musiciens  du 
monde. 

La  plupart  de  ces  sentiments  sont  fondés  sur  la  per- 
suasion où  nous  sommes  de  l'excellence  de  notre 
musique,  et  sur  le  mépris  que  nous  avons  pour  celle 
des  anciens.  Mais  ce  mépris  est-il  lui-même  aussi  bien 
fondé  que  nous  le  prétendons  ?  c'est  ce  qui  a  été  exa- 
miné bien  des  fois ,  et  qui ,  vu  l'obscurité  de  la  matière 
et  l'insuffisance  des  juges,  auroit  grand  besoin  de 
Fétre  mieux.  De  tous  ceux  qui  se  sont  mêlés  jusqu'ici 
de  cet  examen,  Vossius,  dans  son  traité  de  Virihus 
cantûs  et  rhythmi^  paroît  être  celui  qui  a  le  mieux  dis- 
cuté la  question  et  le  plus  approché  de  la  vérité.  J'ai 
jeté  là-dessus  quelques  idées  dans  un  autre  écrit  non 
public  encore,  où  mes  idées  seront  mieux  placées  que 
dans  cet  ouvrage,  qui  n'est  pas  fait  pour  arrêter  le 
lecteur  à  discuter  mes  opinions. 

On  a  beaucoup  souhaité  de  voir  quelques  fragments 
de  musique  ancienne.  Le  P.  Kircher  et  M.  Burette  ont 
travaillé  là-dessus  à  contenter  la  curiosité  du  public  : 
pour  le  mettre  plus  à  portée  de  profiter  de  leurs  soins , 
j  ai  transcrit  dans  la  Planche  C  deux  morceaux  de  mu- 
sique grecque,  traduits  en  note  moderne  par  ces  au- 
teurs. Mais  qui  osera  juger  de  l'ancienne  musique  sur 
de  tels  échantillons?  Je  les  suppose  fidèles  ,  je  veux 
même  que  ceux  qui  voudroient  en  juger  connoissent 
suffisamment  le  génie  et  l'accent  de  la  langue  grecque  ; 
qu'ils  réfléchissent  qu'un  Italien  est  juge  incompé- 
tent d'un  air  françois,  qu'un  François  n'entend  rien 
XIV.  29 


45o  MUS 

du  tout  à  la  mélodie  italienne  ;  puis  qu'il  compare  les 

temps  et  les  lieux ,  et  qu'il  prononce  s'il  l'ose. 

Pour  mettre  le  lecteur  à  portée  déjuger  des  divers 
accents  musicaux  des  peuples ,  j'ai  transcrit  aussi  dans 
la  Planche  un  air  chinois  tiré  du  P.  du  Halde ,  un  air 
persan  tiré  du  chevalier  Chardin ,  et  deux  chansons 
des  sauvages  de  l'Amérique ,  tirées  du  P.  Mersenne. 
On  trouvera  dans  tous  ces  morceaux  une  conformité 
de  modulation  avec  notre  musique,  qui  pourra  faire 
admirer  aux  uns  la  bonté  et  l'universalité  de  nos  ré- 
pies ,  et  peut-être  rendre  suspecte  à  d'autres  l'intel- 
ligence ou  la  fidélité  de  ceux  qui  nous  ont  transmis 
ces  airs. 

J'ai  ajouté  dans  la  même  Planche  le  célèbre  rans- 
des'vaches,  cet  air  si  chéri  des  Suisses  qu'il  fut  dé- 
fendu ,  sous  peine  d^  mort ,  de  le  jouer  dans  leurs 
troupes,  parcequ'il  faisoit fondre  en  larmes,  déserter 
ou  mourir  ceux  qui  l'entendoient ,  tant  il  excitoit  en 
eux  l'ardent  désir  de  revoir  leur  pays.  On  chercheroit 
en  vain  dans  cet  air  les  accents  énergiques  capables 
de  produire  de  si  étonnants  effets  :  ces  effets ,  qui 
n'ont  aucun  lieu  sur  les  étrangers ,  ne  viennent  que 
de  l  habitude ,  des  souvenirs ,  de  mille  circonstances 
qui,  retracées  par  cet  air  à  ceux  qui  l'entendent,  et 
leur  rappelant  leur  pays ,  leurs  anciens  plaisirs ,  leur 
jeunesse,  et  toutes  leurs  façons  de  vivre,  excitent  en 
eux  une  douleur  amère  d'avoir  perdu  tout  cela.  La 
musique  alors  n'agit  point  précisément  comme  musi- 
^we,  mais  comme  signe  mémoratif.  Cet  air,  quoique 
toujours  le  même,  ne  produit  plus  aujourd'hui  les 
mêmes  effets  qu'il  produisoit  ci-devant  sur  les  Suisses , 


MUS  45i 

parceque ,  ayant  perdu  le  goût  de  leur  première  sim- 
plicité ,  ils  ne  la  regrettent  plus  quand  on  la  leur  rap- 
pelle :  tant  il  est  vrai  que  ce  n'est  pas  dans  leur  action 
physique  qu'il  faut  chercher  les  plus  grands  effets 
des  sons  sur  le  cœur  humain  ! 

La  manière  dont  les  anciens  notoient  leur  musique 
étoit  établie  sur  un  fondement  très  simple,  qui  étoit 
le  rapport  des  chiffres ,  c'est-à-dire  par  les  lettres  de 
leur  alphabet;  mais,  au  lieu  de  se  borner  sur  cette 
idée  à  un  petit  nombre  de  caractères  faciles  à  retenir, 
ils  se  perdirent  dans  des  multitudes  de  signes  diffé- 
rents dont  ils  embrouillèrent  gratuitement  leur  mu- 
sique; en  sorte  quils  avoient  autant  de  manières  de 
noter  que  de  genres  et  de  modes.  Boëce  prit  dans  l'al- 
phabet latin  des  caractères  correspondants  à  ceux  des 
Grecs  :  le  pape  Grégoire  perfectionna  sa  méthode.  En 
1024,  Gui  d'Arezzo,  bénédictin,  introduisit  Tusage 
des  portées  (voyez  Portée),  sur  les  lignes  desquelles 
il  marqua  les  notes  en  forme  de  points  (  voyez  Notes)  , 
désignant  par  leur  position  lélévation  ou  l'abaisse- 
ment de  la  voix.  Kircher  cependant  prétend  que  cette 
invention  est  antérieure  à  Gui;  et,  en  effet,  je  n'ai 
pas  vu  dans  les  écrits  de  ce  moine  qu  il  se  l'attribue  : 
mais  il  inventa  la  gamme,  et  appliqua  aux  notes  de 
son  hexacorde  les  noms  tirés  de  l'hymne  de  saint 
Jean-Baptiste,  qu'elles  conservent  encore  aujourd'hui 
(voyez  PL  G,fig.  2);  enfin  cet  homme  né  pour  la 
musique  inventa  différents  instruments  appelés  poiy- 
plectra  ,  tels  que  le  clavecin,  l'épinette,  la  vielle,  etc. 
(  Voyez  Gamme.  ) 

Les  caractères  de  la  musique  ont,  selon  l'opinion 


45î2  MUS 

commune ,  reçu  leur  dernière  augmentation  considé- 
rable en  i33o,  temps  où  l'on  dit  que  Jean  de  Mûris, 
appelé  mal  à  propos  par  quelques  uns  Jean  de  Meurs 
ou  de  Muriây  docteur  de  Paris,  quoique  Gesner  le 
fasse  Anglois ,  inventa  les  différentes  figures  des  notes 
qui  désignent  la  durée  ou  la  quantité ,  et  que  nous 
appelons  aujourd'hui  rondes,  blanches,  noires,  etc. 
Mais  ce  sentiment,  bien  que  très  commun,  meparoît 
peu  fondé ,  à  en  juger  par  son  traité  de  musique,  in- 
titulé Spéculum  MusiccBy  que  j'ai  eu  le  courage  de  lire 
presque  entier  pour  y  constater  l'invention  que  l'on 
attribue  à  cet  auteur.  Au  reste,  ce  grand  musicien  a 
eu,  comme  le  roi  des  poètes,  l'honneur  d'être  ré- 
clamé par  divers  peuples  ;  car  les  Italiens  le  préten* 
dent  aussi  de  leur  nation,  trompés  apparemment  par 
une  fraude  ou  une  erreur  de  Bontempi  qui  le  dit 
Perugino  au  lieu  de  Parigino. 

Lasus  est  ou  paroît  être,  comme  il  est  dit  ci-dessus, 
le  premier  qui  ait  écrit  sur  la  musique  :  mais  son  ou- 
vrage est  perdu ,  aussi  bien  que  plusieurs  autres  livres 
des  Grecs  et  des  Romains  sur  la  même  matière.  Aris- 
toxène,  disciple  d'Aristote  et  chef  de  secte  en  musi- 
que^ est  le  plus  ancien  auteur  qui  nous  reste  sur  cette 
science;  après  lui  vient  Euclide  d'Alexandrie:  Aris- 
tide Ouintilien  écrivoit  après  Cicéron  ;  Alypius  vient 
ensuite;  puis  Gaudentius,  Nicomaque,  etBacchius. 

Marc  Meibomius  nous  a  donné  une  belle  édition 
de  ces  sept  auteurs  grecs,  avec  la  traduction  latine  et 
des  notes. 

Plutarque  a  écrit  un  dialogue  sur  la  musique.  Pto- 
Icmée,  célèbre  mathématicien,  écrivit  en  grec  les 


MUS  4^3 

principes  de  riiarmonie  vers  le  temps  de  Tempereur 
Antonin  :  cet  auteur  garde  un  milieu  entre  les  pytha- 
goriciens et  les  aristoxéniens.  Long-temps  après, 
Manuel  Bryennius  écrivit  aussi  sur  le  même  sujet. 

Parmi  les  Latins ,  Boëce  a  écrit  du  temps  de  Théo- 
doric ,  et  non  loin  du  même  temps  ,  Martianus ,  Cas^ 
siodore,  et  saint  Augustin. 

Les  modernes  sont  en  grand  nombre  ;  les  plus 
connus  sont,  Zarlin ,  Salinas,  Valgulio,  Galilée,  Mei, 
Doni,  Kircher,  Mersenne,  Parran,  Perrault ,  Wallis , 
Descartes,  Holder,  Mengoli ,  Maîcolm,  Burette,  Val- 
loti  ;  enfin  M.  Tartini ,  dont  le  livre  est  plein  de  pro- 
fondeur ,  de  génie ,  de  longueurs  et  d'obscurité  ;  et 
M.  Rameau,  dont  les  écrits  ont  ceci  de  singulier  qu'ils 
ont  fait  une  grande  fortune  sans  avoir  été  lus  de  per* 
sonne.  Cette  lecture  est  d'ailleurs  devenue  absolu- 
ment superflue  depuis  que  M.  d'Alembert  a  pris  la 
peine  d'expliquer  au  public  le  système  de  la  basse- 
fondamentale  ,  la  seule  chose  utile  et  intelligible  qu  on 
trouve  dans  les  écrits  de  ce  musicien. 

Mutations  ou  Muances,  peragoXau  On  appeloit  ainsi 
dans  la  musique  ancienne  généralement  tous  les  pas- 
sages d'un  ordre  ou  d'un  sujet  de  chant  à  un  autre. 
Aristoxène  définit  la  mutation  une  espèce  de  passion 
dans  l'ordre  de  la  mélodie  ;  Bacchius ,  un  changement 
de  sujet,  ou  la  transposition  du  semblable  dans  un 
lieu  dissemblable  ;  Aristide  Quintilien ,  une  variation 
dans  le  système  proposé  et  dans  le  caractère  de  la 
voix  ;  Martianus  Capella ,  une  transition  de  la  voix 
dans  un  autre  ordre  de  sons. 

Toutes  ces  définitions  obscures  et  trop  générales 


454  MUS 

ont  besoin  d'être  éclaircies  par  les  divisions  ;  mais  les 
auteurs  ne  s'accordent  pas  mieux  sur  ces  divisions 
que  sur  la  définition  même.  Cependant  on  recueille 
à  peu  près  que  toutes  ces  mutations  pouvoient  se  ré- 
duire à  cinq  espèces  principales  :  i»  mutation  dans  le 
genre ,  lorsque  le  chant  passoit ,  par  exemple ,  du  dia- 
tonique au  chromatique  ou  à  Tenharmonique ,  et  ré- 
ciproquement ;  2»  dans  le  système,  lorsque  la  modula- 
tion unissoit  deux  tétracordes  disjoints  ou  en  séparoit 
deux  conjoints  ;  ce  qui  revient  au  passage  du  bécarre 
au  bémol,  et  réciproquement;  3*^  dans  le  mode,  quand 
on  passoit ,  par  exemple ,  du  dorien  au  phrygien  ou  au 
lydien,  et  réciproquement,  etc.  ;  4**  dans  le  rhythme, 
quand  on  passoit  du  vite  au  lent,  ou  d'une  mesure  à 
une  autre  ;  5°  enfin  dans  la  mélopée ,  lorsqu'on  inter- 
rompoit  un  chant  grave,  sérieux,  magnifique,  par  un 
chant  enjoué,  gai,  impétueux,  etc. 


FIN    DU    TOME    QUATORZIÈME. 


[JuvërsïtaT 
mUOTHECA 


La  Bibliothèque 
Université  d'Ottawa 

Échéance 

Celui  qui  rapporte  un  volume 
après  la  dernière  date  timbrée 
ci-dessous  devra  payer  une  amen- 
de de  cinq  cents,  plus  deux  cents 
pour   chaque   jour   de    retard. 


The  Library 
University  of  Ottawa 

Date   due 

For  failure  to  return  a  book  on 
or  before  the  last  date  stamped 
below  there  will  be  a  fine  of  five 
cents,  and  an  extra  charge  of  two 
cents  for  each  additional   day. 


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COO   ROUSSEAU,  JE  OEUVRES 
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