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Full text of "Origines de la Martinique. Le colonel François de Collart et la Martinique de son temps; colonisation, sièges, révoltes et combats de 1625 à1720"

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ORIGINES DE LA MARTINIQUE 



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LE COLONEL 






LA MARTINIQUE DE SON TEMPS 



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COLONISATION 

ES, RÉVOLTES ET COMBATS' 

DE 1625 A 1720 

yPar ij GUET 

« Je vous prie, Monseigneur, de considérw 
aue, depuis 1685, j*ay to^jours commandé 
tians toutes les entreprises, sans en 
laisser passer aucune. • 

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FRANÇOIS DE GOLLART 
ET LA MARTINIQUE 



1626-1720 



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LE COLONEL FRANÇOIS DE COLLART 
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ORIGINES DE LA MARTINIQUE 
LE COLONEL 

FRANÇOIS DE COLLART 

ET LA MARTINIQUE DE SON TEMPS 



SON père ét^t UD gentithomme de Picardie, émigré pour 
aller chercher fortune aux lies ; sa mère était une 
Bremond, de Touraine, de la très ancieoDe famille de* 
Bremond d'Ars, de Saintonge ; sa femme, une S^ate-Marthe, 
issue des grands Sainte-Marthe du Poitou ; son beau-père, 
un gouverneur de la Martinique, vainqueur de Ruyter an 
siège de cette île en 1674. 

Le colonel François de Collart comptait quarante-trois 
ans de services militaires en France et aux Colonies quand^ 
il est mort, en 1720. Il a eu douze enfants. Deux de se* 
Als, frappés à l'ennemi K ses cdtés périrent des suites da 
leurs blessures. Lui-même a été blessé deux foià en com* 
battant. Les loisirs que lui a laissés la guerre, il les a con- 
sacrés à enrichir une immense propriété rurale fondée pw 
son père & la Martinique. • 

Nous avons choisi pournotre héros cet homme de biaà, 
type du parfait colon des anciens temps^ non seulement afin 
de restreindre cette élude aux limites d'une existence, mais 



VRANQOIS Dl G0|.L4llt. 

parce que lui et les siens ont eu le rare privilège de prendre 
part à toutes les actions qui se disputent TintérAt de cette 
époque aox Antilles. 

Ce que nous projetons de présenter ici n'est donc pas uni- 
quement une biographie. C'est le récit des commencements 
de la Martinique, ayant pour cadre Thistoire d'une famille 
hoïiorable, aujourd'hui représentée en Prancq par plusieurs 
descendants* - 

Pour la plupart, les documents ayant servi à composer ce 
travail proviennent des archives coloniales conservées dans 
la Métropole. Les autres nous ont été communiqués par la 
famille elle-même» qui, nous devons le dire, s'est montrée 
sympathique à cette publication. 

L'intérêt que Ton a paru voir dans nos Origimei de ftle 
Bourbon, publiées en 1885-86 par la Revue maritime et eolo^ 
niale\ nous engageait à continuer ces sortes de recherches* 
Nous l'avons fait pour la Martinique avec iin soin que le 
lecteur, nous l'espérons, voudra bien reconnaître. . . 

Llle de la Martinique est celle de nos petites Antilles qui 
a le plus attiré l'attention du pays par ses productions, par 
sa chronique et son histoire. La vivacité, la bravoure, Tin- 
telligence, la gr&ce et la politesse de ses habitants lui ont 
fait une juste renommée. Si le palais de Versailles connais- 
sait bien le nom de cette lie parce que la marquise de Main- 
tenon daignait se souvenir qu'elle y avait passé les plus dures 
années de son enfance ; si, un siècle plus tard, les familiers 
des Tuileries se le répétaient à Tenvi parce que l'impératrice 
Joséphine se disait fière d'avoir vu le jour à la Martinique, 
la nation, plus positive, avait rendu ce nom populaire à cause 

• Oa p«at voir autti Leê originet de file Bourben et de la cotoniêaHam 
flrançaUeà Uadagoicar^ par l.Oaéi, archÎTittê-bibliothécain da rAdiniai»- 
irmtion des Goloaiet, newoelle édition rafondaa ai préeédéa d'uoa introdaa- 
tioa da TanUar — Parti. Ch. Bajla»ia-S* da SbO p. I8lt — tt aoa Oriçinei de 
VInde firançaine, Jan Begutn (M^ DMplaido). publiéaa «s 18»î par la Seeue 
marUime et coloniale^ pnia an as folama da •• pagaa. la-t*, » ehai L. 
Baudoin, Ubrairiamilîtaira, Paria. 



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KT LA MARTINIQPS r . i; \ .7 

des douceurs qui lui venaient de sa colonie privilégiée et 
qu'elle préférait aux produits similaires de nos autres pos- 
sessions lointaines. 

La culture de la canne, importée à la Martinique en 1039 
par un Rouennais du nom de Trézel — comme la manière 
d*extraire son jus précieux ^ avait fait de si rapides progrès 
que, dès le principe, le sucre martiniquais primait sur les 
places maritimes de France. C'est notamment aux ancêtres 
de ia famille de Lareinty* que Ton a dû cet avantage. Le café, 
introduit à la Martinique en 1723 par de Glieu^ y prospéra' 
merveilleusement et donna bientôt une fève d'un goût très 
apprécié. Le voluptueux arôme du Macouba* eut très long- 
temps la vogue parmi les fins priseûrs. Il y a quelque trente 
ans, c'était encore un cadeau qu*un tout petit coffret métal- 
lique plein de cette douceur dont on parfumait le tabac ordi- ^ 
naire. Rappelons enfin que nos ancêtres, sous Louis XIV, ont 
dû à cette tie savoureuse quantité de bon cacao qu'on ne trou- 
vait guère alors autre part. Pierre du Buq, de Normandie, né 
^li 1640, et un juif espagnol industrieux, Benjamin d'Acosta, 
d'Andrade, né en 1648, furent les premiers qui sortirent des 
forêts de la Gapesterre\ pour le cultiver, l'arbre qui produit 
ce fruit délicieux. 

On ne saurait trop souvent rappeler les noms de ceux qui _ 
ont créé les choses utiles. '_ 

• hà Martinique a été, pendant les XVII* et XVIII* siècleS| 
lé siège du Gouvernement général des Antilles. Ses prin- 
cipaux administrateurs furent des hommes ^minents, car^ 
pables de fixer la fortune sur un sol neuf où tout poussait 
comme par enchantement. Jadis en lutte contre les peuplades 

^ « Là où le «acre à% la C&rafelle lê Tend 48 & b% li? res le qalotal, le 
BaiUardel se Tendra 05 à M liTree. J*en appelle à M. Baillardel de la Reistj 
(«te), qui fabrique ce sucre, le plue beau de nos isles. » — Extrait d'an mé* 
moire tigné du Buq de Bellefonds, imprimé à la Martinique en f 77S par 
Pierre Ricbard, imprimeur du Roj et du Conseil souTerain (Arcfiit^ 

* Nom d'une paroisse de la Martinique. 
' Quartier de la Martinique. 



. .» 



8 FRANÇOIS DB .GOLLART BT LA MARTINIQUS 

* 

indigènes d'une part, contre les Anglais et les Hollandais de 
l'antre, elle a dû conquérir par les armes la possibilité d*ai- 
teindre à la supériorité colonisatrice et commerciale. 
. D*après cet aperçu» on s'expliquera sans peine l'attrait que 
cette colonie a exercé en France dès son origine» et l'on com- 
prendra que l'étude de son histoire puisse tenter encore au- 
jourd'hui récrivain, au moins dans certaines périodes atta* 
chantes. 

De l'arrivée de Pierre d'Esnambuc aux Antilles à l'insui^ 
rection de 1717 à la Martinique^ en passant du gouvernement 
accidenté de Jacques du Parquet et de la révolte du comman- 
deur de Poincy au siège de 1087 par les Anglais, à celui 
de lfl74 par les Hollandais, à la prise mémorable dej'tle 
Saînt-Euslache par les Martiniquais, etc., c'est un enchat* 
nement de faits dramatiques des plus instructifs et dont peu 
de nos colonies offrent le spectacle. 

Ce travail, publié dans la Revue historique de tOuesit à 
partir du l** janvier 1891, s'est trouvé divisé en cinq parties. 
Ce qui domine dans la première — formant une sorte d'in> 
troduction — c'est l'histoire de d'Esnambuc, fondateur de la 
colonisation française aux Antilles ; dans la seconde, celle ile 
Jacques du Parquet, premier gouverneur de la Martinique 
et celle du père de notre héros. La troisième est surtout 
consacrée à la biographie du gouverneur André de Sainte- 
Marthe, beau-père de François de Ck)llart, ainsi qu'aux pre- 
mières armes de celui-ci en France et aux lies. La lutte entre 
les trois colonisations anglaise, française et hollandaise dans 
les Antilles, à laquelle prend si grandement part.notre colo- 
nel, remplit la quatrième partie. Dans la cinquième enfin, 
c'est la révolte de 1717 — où CoUart joue un si beau rôle — 
qui anime le récit. 

Ckinstamment, dans le cours de ces événements lointains, 
l'occasion se présente de parler de la Métropole^ do la France, 
que les colons d'ailleurs n'oublient jamais et dont l'écrivain 
lui-môme ne peut un seul instant négliger le souvenir. ^ 

I. OuéT. 



( 



PREMIÈRE PARTIE 



dMM«M«BMMM** 



!••• !!•• du Pérou. -* d'flsiuunbtte «t du BoiSMX. -* Xi«Tmss««r. 
— Bioholton «t la Oompagnlo do 1*1U Salnt-OhristoplfcO. -* Ii*llo 
do la Tortno. — Ii*osoadxo do l*ainixml français do Oabvsao 
ot la flotta do l*ainiral ospagaol don FMérioo do Volédo* ^-' 
La Oompagnlo dos ilos d'Amériqno. — Priso do possossion do 
la Martiniqno. — Mort do d^Bsnambne, fondatoar do la oolo* 
nisation françaiso aux Antlllos. 



I 



Les groupes d'tles montagneuses qui^ pressés sur les cartes 
primitives, figurent une barrière élevée devant le golfe du 
Mexique, comme pour en défendre les approches, n*ont 
porté le nom que porte aujourd'hui Tarchipel, que vers la fln 
du XVII* siècle. Sur les ébauches géographiques de Christo- 
phe Colomb, fruits de ses rêves, Antillia, — souvenir antique 
provenant d*Aristote, dans son livre « des cho.ses naturelles )» 
— désignait une contrée imaginaire, appendice ae Tanden 
continent. Un siècle après la découverte, sur les écrits de 
Pierre Martyr, contemporain* dû grand découvreur, Lins- 
chot, géographe bien connu, rappela le nom d'Antilles. 



« On a 4e P. Martjr, ~ d'Anghiera (IfiUDait) * (14&5-1St&), nao 
eze«l]ent« hiaioire en latin de la découverte du NouTeau-Monde, îatîtuléo 
* De nsTigatione et territ de noTo mundo repertii », lSt7, ia-4*. 



10 ' FRANÇOIS Dl COLLART 

avant qu'il devlot en usage, encore un siècle 8*écouIa. Les 
documents de 1626 et de 1635 — que nous citerons — n*en 
font pas mention. Quand alors on parlait des lies semées 
dans Téchancrure des deux AmériqueSt Vidée commune était 
au Pérou. 

Certaines cartes tracées après 1525, époque de Tintrodue- 
tion des Espagrnols au Pérou, nomment les Antilles lies du 
Pérou*, et Ton appelait en France piroutiers les écumeûrs 
de ces parages*. 

Les péroutiers, ne pouvant prendre part à l'exploitation 
des mines d'or et d'argent, que les Espagnols s'étaient 
réservée, épiaient la sortie des navires retournant en Espagne 
avec un chargement et employaient toute leur bravoure, 
toute leur habileté, à enlever en gros ce qu'il leur était, inter- 
dit de recueillir autrement. 

L'un de ces piroutiers devint le fondateur de la colonisation 
française aux Antilles. 

Pierre Belain d'Esnambuc, baptisé le mars 1585' au village 

« Pour expliquer eetie sneienne ezpreMion géographique, il favt te ■ou^mir 
one le port de Carthagène d* Amérique, qui reeeTait le produit des atuee dm 
Pérou par toutes sortes de voies, était un des points principaux où allaient 
charger les galions. Un auteur appelle ee Garthagène « Tentrepôt du Péi^u ». 

11 faut se rappeler aussi quVn France, vers le commeneement du XVU* siè- 
cle, on rangeait parmi celles du Pérou, sans les confondre* aussi bien lea 
mines du Mexique que celles d*Hispaniola (Haïti) alors en pleine aetiTité. 
De cette manière, les AntiUes pouTaient êtres considérées comme des « isles 
situées à rentrée du Pérou. » 11 n^y a donc pas là, comme on Ta dit, € une 
erreur manifeste. » Voici d*ailleurs, pour donner une idée de la richesse de 
oes mines, à cette époque, l'extrait d'un mémoire remis par Colbert h 
Louis XIV en t€63 et conserré aux archÎTes coloniales, c II se mt sur les 
registres de Sérille en Espagne que, depuis Fan 1&19 jusques en 161 S, on 
apporta, dans cette seule place (Séfille), des Indes occidentales, un milliard 
cinq cent trente-six millions de lÎTres d*or. » - — 

* Le premier fut un <JUeppois nommé Legrand. Monté avec M hommes 
dHerminés sur une barque sans canon, il s*empara par surprise d*un galion 
i«olé, pendant que l'équipage de ce bâtiment dormût ou jouait aux cartes. 
Legrand revint h Dieppe avec sa prise chargée de richesses. Cet exploit (qui 
•ut lieu Tcrs 1610) —connu de-toute la Normandie, sur les cAtes d'Angleterre 
•t même en Hollande — enfiévra ces pays de la passion des aventures. De là 
mainte antre expédition que le succès ne couronna pas toi^ourt* ' 

' P. Margry, vide inA^page 4f . 



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BT LA MARTINIQUI 11 

d'Allou ville*, pays de Caux, cadet d*une ancienne famille 
normande ruinée par les guerres de religion*, avaU appris 
le métier de la mer et s'y était fait un certain renom. Dès 
1610, soit à Dieppe, soit au Havre, volontiers on lui confiait 
le commandement d'un brigantin pour aller écumer les eaux 
« du Pérou ». Cinquante hommes, quatre ou cinq canons, 
autant de pierriers, constituaient d'ordinaire son armement. 
D'Esnambuc naviguait avec Urbain du Roissey, son ami, du 
même pays, autre pauvre gentilhomme qui lui servait de 
second. Quelques fonds mis en commun, restant du produit 
de la vente de leurs ferres endettées, leur avaient permis de 
prendre un intérêt dans ces sortes d'entreprises. En réalité, 
ils pratiquaient la course, que permettaient alors les usages 
de la guerre transatlantique'. 

C'était, malgré tout, une occupation peu relevée pour un 
capitaine aussi intelligent que d'Esnambuc. La fortune 
rehausse bien des professions. Il ne la voyait qu'en rêve. Ses 
armateurs patientaient. Une seule bonne capture pouvait les 
enrichir. ^ "" 

Mais, depuis quinze ans, les deux amis tiraient de leurs 
prises de pacotille un gain si médiocre, qu'ils n'étaient pas 
éloignés de renoncer à cette navigation aussi périlleuse| que 
peu lucrative. Ils se trouvaient, eux et leurs hommes, dans 
cette disposition d'esprit qui pousse aux partis extrêmes, 



* Le village d*AlloaTiUe, à une lieae d'yvetot, eei célèbre en Normuidi* 
par son chdne énorme (14 m. de eireonf.), &géde neaf cents ans enTÎfon. La 
forme qae la natare Ini a donnée inspira Tidée (vers la fin du XVII* siècle) 
de eoastrnire nne chapelle dont l'entrée fat pratiquée dans le tronc même de 
cet arbre vénérable. La chapelle et le chêne ont été classée par raatorité 
locale au nombre des monuments historiques. AUouTille est un lieu de 
pèlerinage en Normandie, comme Notre-Dame-de-lâesse en Picardie, ete. 

* De 1589 k 1 59?, le pays de Caux souffrit beaucoup de la présence àm 
bandes de ligueurs et des troupes réunies autour du grand Béarnais, 
bientôt Henri IV. 

> Conventions verbales au traité de Vervins (15911). Bien qu*eii paix en 
Europe, les puissances signataires laisserai«>nt faire la guerre aude4à de la 
ligne équinoziale. L'avantage resterait au plus fort sans nécessiter d*inter^ 
ventioB. 



• » 



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* 



12 FRANÇOIS Dl OOLLABT 

lorsqu^UQ matin de Tun des premiers mois de rannée IttB, 
croisant dans Tarchipel des Antilles, d'Esnambuc aperçât, an 
bout de sa lunette, un galion trois fois plus fort que son 
brigantin, mais lourdement chargé ; cela se voyait à son 
allure. Décidé à tout risquer, il le poursuivit, Tattaqua, le 
harcela pendant trois heures. Ce fut en vain. Le pauvre 
péroutier désemparé conserva juste assez de forces pour 
chercher un refuge au plus près. Il le trouva sur une terre 
de facile abord qu'il sut être Saint-Christophe*. Un compa- 
triote, victime d'une aventure semblable, réfugié sur le 
môme rivage, vint à sa rencontre et lui offrit ses bons offices. 

C'était Levasseur, normand comme lui et comme lui des- 
tiné à voir son nom passer dans l'histoire coloniale. Les deux 
capitaines se contèrent leurs déboires. Levasseur, préférant 
la flibuste et la traite aux travaux de colonisation, gémissait 
doublement de son malheur. Ayant perdu son navire en 
descendant à Saint-Christophe, il s'y trouvait retenu avec 
quatre-vingts hommes d'équipage et quarante nègres, sa 
dernière prise de bois débènt^ sur les côtes d'Afrique. U se 
croyait peu capable de réussir dans cette lie; pour lui trop 
éloignée des eaux d'HispanioIa. 

Le hasard l'avait mal servi. Levasseur cherchait un séjour 
à proximité des mines de métaux précieux ; un de ces lieux 
d'abri où les galions venaient s'amarrer Jes jours de mauvais 
temps. Il était tombé sur un champ de culture où, sans être 
à même de rien prendre, on pouvait être pris. Aussi, avait-il 
dû s'y mettre en état de défense en y construisantdeux forts. 
C'était indispensable afin de se garantir des Caraïbes et plus 
encore des Espagnols, pour qui tout européen, autre qu'un 
sujet de leur nation, était un ennemi dans « les lies du Pérou. » 
Levasseur prévoyait de plus que des Anglais, réduits par un 

^ DéeonTerte ea 1499 par Chriitoph« Colomb, qai lui donaa lo non dt 
•oa patroa. 

* ÊiprettioB qn« les e^iitainei de auuriae emplofaioal eatn «nz pour 
détiçBcr nB« car^aiaoa da aA|TCa. 



\ 



/ • 



KT UL IIARTIMIQUK 



IS 



galion et descendus nouvellement dans llle la voudraient pos- 
séder tout entière. 

Ce qui compensait, aux yeux de d'Esnambuc, ces graves 
inconvénients c'était l'aspect des belles terres de Scdnt-Ghris- 
tophe. Enfant des magnifiques plaines cauchoises» et» par ce 
fait, bon appréisiateur» il entrevit là une perspective d'avenir. La 
fertilité du sol, lui apprit-on, était surtout remarquable pour- 
la culture du tabac. Levasseur y faisait travailler son monde 
avec l'espoir que la venue d'un navire lui procurerait des 
ressources en échange de sa récolte. Son espérance ne fut 
pas déçue. Cette récolte avait si bonne mine que d'Esnambuc 
en la voyant s'écria : « Voilà des balles de tabac qui valent des 
lingots d'or »» et l'idée lui vint d'exploiter cette denrée^ alors 
uniquement coloniale, dont l'usage se répandait chaque jour 
davantage. Les conditions furent bientôt réglées entre Levas- 
seur et lui... D'Esnambuc s'entendit également avec les 
Anglais^ dont les projets avoués ne différaient pas des siens. 
Il s'agissait de retourner en Europe, chacun de son côté, et 
de fonder une Compagnie de colonisation avec l'appui des 
gouvernements respectifs, comme l'avaient fait en 1002 les 
Hollandais dans llnde* en 1617 les Français au Canada*. D 
fut résolu, d'un commun accord, qu'au retour des uns et des 
autres, les terres seraient partagées entre les deux nations 
et que l'on s'entr'aiderait en cas d'attaque par les Espagnols 
ou les Caraïbes. 



V « 



n 



Ces préliminaires établis, le brigantin radoubé fut 
d'excellent tabac, échangé contre des vivres et autres mar- 
chandises. D'Esnambuc mit à la voile pour le Havre, où il 
parvint à bon port, après une traversée rapide. Son charge- 

* Sont la conduite de SamnAl Champlain, un Saintongeale, ooatemponiA 
de d^Esnambae. 



.. \ 



'r 



14 rilAMÇOIS DB OOLLAET 

ment, dès qu'il fut annoncé sur la place, se vendit très cher. 
A cause de sa rareté, paratt-il, le tabac de bonne qualité valait 
alors en France, au détail, comme à présent, de huit à dix 
francs la livre. On peut juger ce que dut produire une aussi 
belle cargaison de la feuille odorante. Les armateurs du bri- 
gantin, enthousiasmés par ce résultat inespéré, ne se conten- 
tèrent pas d'approuver l'idée de leur capitaine ; ils s'occu- 
pèrent activement de la réaliser. Après diverses démarches, 
ils firent introduire d'Esnambuc en superbe équipage auprès 
de Richelieu pour lui soumettre son projet. 

Le Cardinal, bien disposé par sa politique à favoriser les 
entreprises maritimes et coloniales, gagné d'ailleurs par les 
bonnas façons du gentilhomme de mer, consentit à devenir le 
protecteur d'une société destinée à pourvoir aux moyens de 
coloniser Saint-Christophe. La Compagnie fut montée par 
actions, chacune de deux mille livres. Richelieu voulut en 
faire partie. Il prit une action à son nom et déclara donner en 
sus un navire, dont il indiqua la valeur approximative*. 
Presque tous les associés (au nombre de treize — dont l'un 
ne prit qu'une demi-action) furent de hauts fonctionnaires*, 
qui souscrivirent à la suite du Cardinal, plutôt pour lui plaire 
qu'avec un désir de lucre. Ce qui le fait dire, c'est que, leur 
argent versé, ils abandonnèrent Texploitation aux soins des 
armateurs et ne s'en inquiétèrent plus. On ne croyait guère 
encore à la réussite de ces entreprises lointaines. 

La date du a privilège et pouvoir concédé par monseigneur 
le grand maistre et surintendant du commerce de France, 
pour aller peupler et faire habiter par les François les isles 



• C'était une frégate légère. Ella coûta •,000 lifiM, et— ee qui peut 
■onrÎM » on Tappela : la Cardinale. — > On a la prenne qua LamafU, tré- 
sorier de Richelieu, paya 11,&00 lirree an tieur Cavelet, dn Hatre, manda- 
taire de la Compagnie de Saint<Ilirietophe. 

• 11 7 aTait en tète, après Richelieu, le surintendant d'SfSat, dont on ne 
doit pas seulement rappeler le nom comme père du fameui Cinq-lfars. 
« D'Efftat, homme de sens et d'ordre », bon financier, se rendit très utile au 
Cardinal, notamment pendant le siège de la Rochells. ^ 



\ 



BT LA UARTINIQUB 



15 



de Saint-Christophe, de la Barbade, situées à t entrée du Pérou.. 
y trafiquer et négocier de toutes sortes de denrées et mar» 
chandîses... », est du 2 octobre 1686. Celle du contrat passé à 
Paris entre les différents intéressés pour le dit établissement 
est du 31 du môme mois. Etaient présents, à la signature de 
ce contrat, notamment : « Pierre deBelain^ escuyer, sieur d'Es- 
nambuc, et Urbain du Roissey, escuyer, sieur de Chardon ville, 
capitaines entretenus de la marine de Ponant*, demeurant 
ordinairement, le premier à Vertok', pays de Caux, le second 
à Rouen, de présent logez rue des Prouvaires, où pend, pour 
enseigna^ la Cornemuse. • 

Richelieu avait décidé que les noms de ces deux officiers 
seraient compris sur les listes du personnel de sa marine 
naissante ; ce qui était un grand honneur, mais entraînait à 
des obligations de soumission militaire très sérieuses. 

Tout marcha bien jusque-là. Les difficultés commencèrent 
au Havre et à Port-Louis, ports d'embarquement des hommes 
engagés. 11 s'en présenta plus qu'il n'était raisonnable d'en 
accepter. La souscription avait produit 45,000 livres, faible 
somme pour une telle entreprise'. On fut si pressé d'en faire 
l'emploi, que la quantité de vivres à embarquer né. fut pat 
calculée en proportion du nombre de passagers et du nombre 
de jours que la traversée de France à Saint-Christophe 



• A partir du tl mars 16*26, la marine française organisée par Rieheliêîi, 
fut ofUciellement diTisée en deux parties principales .* Marine dn Ponaate, 
Marine dn Levant. La première comprenait les ports de TOcéan, la seconde 
ceux de la Méditerranée. Cette division dura jusqu'au 7 mars 1669, date à 
laquelle Colbert, Contrôleur général des Finances ~ qui s'occupait 4'ûUettn. 
des affaires maritimes depuis 166i — reçut le portefelliUe de la MarÎAo 
constituée en un département unique. 

* Château ou métairie près Bennetot (lien de naissan'^e de rhistorica René 
Aubertde Vertot d*Aub<Buf, 16&&-n3&). D*Ssnambuc habita snccessiTemcnt 
au pays de Caux, AUouviUe, Yvetot, Bec-de-Mortagne (sur la routa ds 
Fécamp) et Cailleville, près Saint-Valeiy. , 

' Cette somme doit être ainsi décomptée : actions, 2&«000 livres ; achat do 
la Cardinale^ 9,000 livres ; et 11,000 livres représentant la valeur du brigantin 
(la Victoire) de MM. Cavelet et Cauviile (associés de la Compagnie), armateurs 
de d^Esnambuc et du Roissey. La CathoUgue fut frétée pfir TÉUt pour lo 
transport des passagers à Saint^Christophe. . . ^. 



16 



FRANÇOIS Dl OOLLART 



pourrait durer, éventualités de retards comprises. Ce qu'il 
faudrait de nourriture aux colons, avant la première récolte 
des plantages dans Illé, n'entra pas non plus dans les prévi- 
sions. Sans prendre souci de ces calculs, on chargea les trois 
vaisseaux la Catholique (alors au Havre), la Cardinale et la 
Victoire (alors à Port-Louis) au total de 532 hommes recrutés» 
les uns sur les côtes de Bretagne par du Roissey, les autres, 
dans le pays de Caux, par le chef de l'expédition lui-même. 

D*Esnambuc, commandant la dUholique — le plus grand 
des trois vaisseaux, qui était de 250 tonneaux et portait à lui 
seul 322 hommes — mit à la voile au Havre, à la fin de janvier 
1827. Du Roissey quitta Port-Louis vers le même temps et 
rejoignit son chef en mer le 24 février , avec les deux 
autres navires. La voyage fut d^une longueur imprévue. — 
Soixante-quinze jours y suffirent à peine, en comptant le jour 
du départ à la dernière date citée. Les vivres s'épuisèrent. On 
se vit obligé de rationner les passagers à un tel point que la 
moitié de ces malheureux périt en route et que le reste arriva 
exténué. Les trois vaisseaux abordèrent le 8 mai 1827 à 
Saint-Christophe. 

U est à noter, qu'au début de ces entreprises coloniales, 
l'expérience n'apprenait rien aux personnes chargées de les 
organiser. Dix ans ne s'étaient pas écoulés que pareil 
malheur sévissait pour la Guadeloupe, quand on alla prendre 
possession de cette lie ; quarante ans plus tard, il se repro- 
duisait pour Madagascar, et, le siècle suivant (17(Kq[, pour la 
Guyane française, à Kourou. C'était toujours la même déso- 
lation. Ceux qui ne mouraient pas de besoin pendant la 
traversée trouvaient en arrivant leur tombeau sur la terre 
que l'on avait projeté de peupler, de coloniser. Le défaut 
n'était pas dans la quantité des vivres embarqués. Lorsque 
les ressources ne permettaient pas d'en emporter davantage, 
on n'avait rien à reprocher aux armateurs. Le reproche jus- 
tement encouru parles Compagnies de commerce a toujours 
été de laisser partir trop de colons à la fois. ^ 



\ 



\ 



1 * 



IT LA MARllNigUI 



17 



Dans la circonstance, la moitié de ce qu'on avait emmené 
d'hommes^ sur les trois navires allant à Saint-Christophe, 
aurait bien suffi pour commencer rétablissement de la 

colonie. 

Les Anglais s'étaient montrés plus prévoyants. D'Esnambuc 
les trouva déjà installés, pourvus de tout en abondance et 
bien portants. Ils étaient quatre cents. Nous n^avions 
réchappé que deux cent cinquante passagers des cinq cent 
trente embarqués. 

A leur première descente à Saint-Christophe, les Anglais 
avaient occupé le milieu de Tun des deux versants de nie, qui 
est traversée par une chatne de montagnes s'élevant en 
amphithéâtre.. Nos voisins avaient repris la môme place. On 
aurait pu discuter sur leur choix. Mais comme les forts de 
Levasseur se trouvaient aux deux extrémités de llle (de TEst 
à rOuest), et que Tun de ces forts devait être attribué à. du 
Roissey, d*Esnambuc ne flt pas d'objection. 

Les sauvages résidaient sur Tautre versant de la montagne. 
Il semblait, gr&ceàcette séparation naturelle, que l'on dût 
vivre en paix avec ces insulaires. Cependant à leurs regards 
courroucés, à leurs gestes menaçants, quand ils veAfi^ent 
rôd^r non loin des habitations* nouvelles, on avait déjà, la 
preuve que l'invasion croissante des étrangers dans llle leur 
causait une violente irritation. 

Le 13 mai 1027, les terres furent partagées également et limi- 
tées de bon accord entre Anglais et Français. 

Ces arrangements terminés, d*Esnambuc reconnut devoir 
à Levasseur la somme de trois mille livres 4^argent pour 
rindemniser.de son commencement d'établissement, y com- 
pris les quarante nègres esclaves. Le contrat du 31 octobre 
(cité plus haut), avait déclaré que cette somme serait pré- 
levée sur les premiers bénéfices de la Compagnie. On verra 
qu'ils se firent bien attendre. Puis, cet engagement signé, 

• On appeUe c habitation » aux colonies nnt portion dolam ealtÎTéo (oa 
k eultïTêr) et, le plui sooTent, habita par lé poMOMOur; 

2 



V- 



^ 



Ï8 



PBANÇ0I8 Dl COLLAMt 



d'Esnambnc, à la demande de LevasseuTt fit transporter Tan- 
cien capitaine avec son équipage à 111e de la Tortue. On sait 
que cette petite lie (qui a tiré son nom de sa forme) derint» 
après bien des vicissitudes^ le berceau de la grande colonie 
française de Saint-Domingue^ dite, un siècle plus tard, la 
Reine des AniiUes* C*est ainsi que s^enchalnent certains 
événements, les moins considérables d*abord en apparence*. 



• 



III 



A peine d*Esnambuc et du Roissey s'étaient-ils installés, le 
premier à la Capesterre, le second à la Basse-Terre*, dans les 
deux territoires cédés par Levasseur, que les Caraïbes se 
soulevèrent. H fallut se battre. Quatre mois et plus de Tannée 
1627 furent employés, en diverses fois, à des luttes sanglan- 
tes. L'une d'elles, où périt un millier de sauvages, coûta la- 
vie à cent Européens. Malgré des succès répétés, au compte 



* LeTMseuf ne léuttit pat toai d*%bord à se maintenir à la Tortae. Plu 
d*nne foie U revint k Saini-Chrîetophe et plnt d*nne fois il relonma daae 
son repaire. Dn reste, altematiTement et simultanément fréquentée par Isa 
Français et les Anglais — que les Espagnols chassèrent plusieurs fois <* la 
Tortue ne fut sérieusement oceupée qu*à partir de U40» sous le commanda» 
ment du même LeTasseur, commissionné par la Compagnie des Use d*Am4» 
rique. BnTojé de 8aint*ChrisU>phe aveo un groupe de huguenots français 
(qui. selon toute apparence, ne pouvait être que son ancien équipage}, 
Levasseur (huguenot lui-même) gouverna la Tortue pendant douie ans. 
Aussi bien par la flibuste que par la culture, il y gagna une grande fortune. 
11 y construisit un foi t qui semblait le mettre à couvert de tout danger. 
Mais* grisé par ses richesses» enivré d'orgueil, ayant tyrannisé les habitants, 
dont le nombre s'était accru» Levasseur périt assassiné par deux de sss iami* 
liers. n était brave, opiniâtre, doué d*un esprit plein de ressources. Son 
principal mérite a été d'avoir su entretenir sur la cête de Saint-Domingue, 
ai proche de la Tortue, une troupe héroïque de flibustiers, la plupart firaa* 
«ais, qui nous facilita la conquête de la partie nord de la grande Ue, que 
les Espagnols finirent par nous abandonner à la fin du XVII* siècle. 

s Les colons des Antilles ont appelé, dès le principe, Ctg^uUrrê la partie 
de chacune des lies de Tarchipel qui se trouve à l'Orient cd'oh tire le vent» 
et BoêSô'Terret la partie qui se trouve à l'Occident, au-dessous du vent 



\ 



/v 






■T LA MARTINIQUE 19 

/ 

des nôtres comme à celui des Anglais, d*Esnambuc sentit 
combien il lui serait difficile, avec ses seules ressources, de 
surmonter tant d'obstacles réunis. La haine des Caraïbes, 
l'ambition à peine voilée^denos voisins, la rareté des vivres 
et des munitions, la difflculté de travailler à la culture au 
milieu d'alertes continuelles^ la périodes hommes mourant 
de misère ou de la blessure des flèches empoisonnées, tous 
les maux semblaient se liguer pour désespérer notre petite 
colonie et la conduire à une destruction finale. D'Esnambuc, 
seule âme forte au milieu de ces deux cents françai9 atfait 
blis, ne pourrait suffire longtemps à soutenir leur courage. 
De part et d'autre, à la Capesterre et à la Basse-Terre, on 
considérait comme planches de salut les deux navires restés 
à la disposition de la colonie et rien n'assurait qu'un jour 
on ne céderait pas à la tentation de s'embarquer pour aban- 
donner Saint-Christophe. C'était l'effroi de d'Esnambuc. Il 
fallait éviter à tout prix qu'un pareil malheur se produisit. 

Sur les sages avis du commandant de la colonie, il fut 
résolu quq, du Roissey irait en France instruire la Compagniei 
de ce qui s'était passé et lui réclamer des secours de toute 
espèce. 

. Parti sur la Cardintde, chargée de tabac, et débarqué le 14 
Octobre 1627 à Roscoff*, du Roissey se mit en devoir de 
répondre aux vœux de ses compagnons. Il tombait mal. 
On Mait en guerre. Richelieu arrivait au camp de la Rochelle 
(12 octobre)» où il venait présider, avec le roi, aux immenses 
travaux du siège que la résistance acharnée, des Huguenots 
soutenus par TAngleterre et le génie du gicand ministre 
ont rendu si célèbre. 

On comprend facilement qu'il fut impossible àdu Roissey de 
pénétrer jusqu'à Richelieu. Les associés de la Compagnie 
étaient dispersés. Rien d'iirportant ne pouvait se décider 
sans leur aveu ou sans un ordre suprêine. Du Roissey, natO' 

• En face IIU de Batz, à S UevM daUorlaiz. 



/ 



20 FRANCO» DB OOUJUtT 

V 

rellement indécis, ne savait que devenir. Pour l'oecuper» le 
chef-d'escadre de Launay-Razilly, l'un des associés, l'envoya 
sur les côtes d'Irlande avec la Cardinale fure une opération 
dont l'objet n'est pas expliqué*. Celte course terminée, la 
Rochelle tenant encore et ne semblant pas près de se rendre, 
du Roissey remit à la voile pour Saint*Ghristophe où il par- 
vint en mai 1628. Le résultat de son voyage n'avait pas été 
tout à fait nul. Il apportait les secours les plus nécessaires, 
provenant de la vente de sa cargaison, et amenait avec lui uh 
bon nombre- de colons qu'il avait recrutés au dernier 
moment de son séjour en Bretagne. Mais, tout bien consi- 
déré, comparée à celle des Anglais, la situation de notre 
colonie restait précaire. 

Pendant l'absence de son second, d'Esnambuc avait eu 
querelle avec les Anglais. Autrement favorisés par leur Ciom- 
pagnie que nous par la nôtre, nos voisins se plaignaient (non 
sans quelque raison, apparente au moins) de voir une poignée - 
de Français occuper autant d'espace qu'eux dont le nombre 
était quatre fois plus considérable. D*Esnambuc les avaitcal- 
mes par son adresse et sa fermeté... Il irait en France trai- 
ter cette affaire, qui pourrait s'arranger par un système 
d'affermages. Il avait fait promettre aux Anglais (sans beau- 
coup d*espoir)d'attendre son retouravant de rien entreprendre 
sur les terres qui ne leur appartenaient pas. 

Du Roissey revenu, d'Esnambuc ne tarda pas à lui confier 
le commandement de la colonie et à s'embarquer lui-même 
pour aller en France. 

Aussitôt arrivé au Havre, il partit pour la résidence royale 
et s'e:] fut demander audience au grand ministre, protecteur 
delà Compagnie de Saint-Christophe. La Rochelle s'était ren- 
due... La Cour triomphante était rentrée à Saint-Oermain... 
D'Esnambuc pourrait voir le Cardinal, que du Roissey n*avait 
pu approcher. 

• Prob&blemdAt U pUcem«Ji d« toa Utee • ^ 



ST LA If AKTINIQUi 



21 



* Richelieu venait de recevoir Tavis, par an de ses .espions» 
que l'amiral espagnol don Fédérico* de Tolède — «qui était 
venu parader cinq ou six jours devant la Rochelle avec une 
armada de quarante voiles — » allait faire route» à la tète de 
sa flotte» pour le Brésil' et passerait à son retour par les 
Antilles dans le but de chasser Français et .Anglais des lies 
où les uns et les autres s'étaient établis. Le Cardinal était fort 
animé contre TEspagne (il eut toute sa vie tant de raisons de 
rétre}. L'arrivée de d'Esnambuc à Saint-Germain fut par lui 
considérée comme très opportune. 

Les nouvelles acquisitions françaises « aux lies du Pérou « 
valaient-elles que l'on fit une expédition armée pour en assu* 
rer la conservation ? Voilà ce qu'il fallait savoir... 

Sur l'affirmative éloquem ment plaidée par d'Esnambuc et 
la peinture qu'il fit de la situation fftcheuse de notre petite 
colonie en face des Anglais, Richelieu ordonna qu'une escar 
dre portant les secours nécessaires en hommes, en vivres, en 
vêtements, etc, partirait pour les Antilles, sous le comman- 
dément de l'amiral de Cahuzac. E^le aurait principalement 

pour mission, aussi bien de combattre don Fédérico de Tolède 
se présentant en ennemi dans les eaux de Saint-GhristophOt 
que de mettre les Anglais à la raison. On peut se figurer 
l'émotion de d'Esnambuc écoutant le Cardinal détailler ces 
ordres à M. Isaac Martin de Maunoy, son principal secré- 
taire pour la marine et le pressant d'en assurer Texécution. 
Plus heureux que du Roissey, il allait rendre la vie à sa chère 
colonie qui avait mis en lui sa dernière espérance. 

Avant de résumer les événements de cette^xpéditioo — 
dont la destinée singulière devait causer tant de surprises — 
il nous faut suivre d'Esnambuc au pays de Ceux. 



* AliU : don Frédério et don F^driqn*. ' . . 

>Don Fédérico s'était déjà fait conoaltro, on 162&, par U pria* do Sfttt 
Salyador aux BaUvea. H lot avait entoito foroéa d'éTaouor lo BréoiL Maîa ilo 
7 roTinrent cinq ans aprèa ot n*ea feront chaaièa qn'oa if 14* 



-, 1 



22 FRANÇOIS DE OOIXABT , 

D'Bsnambuc avait une sœur du nom d*AdrienDe de Belaio* 
qui s'était mariée à Cailieville, près Saint-Valery, le 11 Jan* 
vier 1589^ avec Pierre DyeK écayer» sieur de Vaadroques. De 
ce mariage étaient nés quatre fils, dont trois auront place 
en cette histoire : 1* Simon Dyel du Parquet, né à Cailleville 
le 9 septembre J600;nous aurons bientAtà mentionner sa 
mort glorieuse ; ~ 2* Pierre de Vaudroques ; resté dans le pays, 
il y mourut en 1044; -- 3* Adrien de Vaudroqces. né vers 
1604, mort en 1062, capitaine un instant, sous les ordres 
de d'Esnambuc ; nous aurons plusieurs fois à reparler de lui ; 
et, — 4* Jacques Dyel, né vers 1000, mort en 1058, le seul des 
quatre frères vraiment remarquable, non moins illustre que 
son oncle. Il prit le nom de du Parquet après la mort de son 
frère atné. Ce sera le premier gouverneur de la Martinique. 

D'Esnambuc voulut se charger tout de suite de Tun au 
moins de ses neveux. Suivant que la. fortune le favoriserait 
lui-même; il avait l'intention de faire. à ce jeune parent un sort 
prospère. II emmènera Simon Tatné à son prochain retour à 
Saint-Christophe.* 

Cependant l'expédition se prépare. D'Esnambuc a quitté sa 
famille qu'il ne doit plus revoir. Cahuzac a reçu les instruc-. 
tiens du ministre le 18 février 1020. Le traité de paix signé 
le 20 avril suivant, entre Louis XIII et Charles I*' d'Angleterre» 
oblige les parties contractantes, pour les colonies, au tUUu 
quo ante bellum. Les Anglais devront rendre ce qu'ils nous 
auront pris à Saint-Christophe. D'un autre côté, si les Espa- 
gnols nous sont hostiles par intermittences — comme aux 
Anglais — tout les porte en ce moment à ménager ces der- 
niers^ Il n'est pas croyable que, de deux colonies voisines, 
contigu(^s l'une .à l'autre, l'une soit molestée, l'autre épargnée. 

* Son antra Msar s'appelait Cathefine. SUe demeurait à Dieppe, paroitM 
Saini-Jaequet, et Tivait encore à la An de Tannée IS44. 

» Richelieu eut la preuve, pendant le siège de la Roclieilê,que don Fédérico, 
venu^ soi-disant pour nous soutenir contre la llotto anglaise, frayait aree 
Buckîngham, notre ennemi, plus célAbre par sa dépravaUon ^ue par set 
talents. 






IBT LA ICAKTINIQUK 



28 



La nation vraiment à redouter pour les Espagnols en Amfirl- 
que, ce sont les Hollandais qui. Tannée préeédente, leur ont 
porté de terribles coups. Deux flottes espagnoles, chargées 
de richesses, furent défaites et enlevées par les Baitaves. ~ 
L'Espagne a peitlu là près de vingt millions d'argent La 
crainte de voir se renouveler cette perte énorme expliquait 
l'expédition de l'amiral de Tolède sur les côtes du Brésil et 
dans lé golfe du Mexique, beaucoup mieux que le projet de 
détruire notre petite colonie. Tout bien considéré, on pouvait 
attendre les événements avec une certaine confiance. 



IV 



L'escadre de Gahuzac composée de dix navires, dont trois 
vaisseaux et trois frégates*, mit i la voile au Havre^ avec 
d'Esnambuc commandant l'un d'eux*, le 5 juin 1029, et par- 
vint à la Basse-Terre de Saint-Christophe le 25 du mois 
suivant 

La première partie de cette campagne, très bien conduite, 
fut aussi rapide qu'elle pouvait l'être. La seconde, moins Jneu* 
reuse, plus dramatique, sera traversée d'incidents inattendus. 

Le 1^ juillet, Gahuzac entre en communication avec du 
Roissey. il apprend que les Anglais, sortant des limites de 
leur possession, se sont considérablement étendus sur noi 
terres. Leur résidence à la Grandè-Rade est défendue par 
un fort et cinq vaisseaux. Le 30 juillet somuMition d'avoir à 
rentrer dans leurs limites .est portée aux Anglais par ordre 
de l'amiral. Elle est renouvelée le lendemain. Le 2 août 
Gahuzac, n'ayant reçu que des réponses dérisoires, fait route 
vers la Grande-Rade distante de trois lieues du fort de du 
Roissey. Les Anglais sont prêts à se défendre. Avec ses troift 

, Trais^Boiê, Aigle, Intendant, Notre-Dame, Sainte-Anne, «Ic^ 
* La Cardinale, lur laquelle il éuit TMia <U Saiai^limleplM. 









/ ' 



,♦,■ 



24 



PRANC0I8 De COLLART 



vaisseaux, Cahuxac s*empare de quatre des leurs dans un 
rude combat d'artillerie suivi d*un abordage par nos marins, 
et, sur le champ, il conduit ses prises à la Basse-Terre 
devant le fort de du Roissey. Le 3 août, les Anglais envoient 
un parlementaire... Vives plaintes delà manière dont on' 
s*est conduit à leur égard. • • Cahuzac est très ferme. « Vous 
avez tort, leur dit-il en substance, vous êtes battus : cédez ou 
je recommence la guerre. Je vous donne jusqu'à demain 
pour réfléchir. » Le 4 août, les Anglais consentent à restituer 
ce qu'ils nous ont pris en terrains pendant l'absence de 
d'Esnambuc. Sur cette base, l'amiral fait signer, entre 
Anglais et Français, un traité de paix et d'alliance qui les 
oblige de part et d'autre à une mutuelle défense en cas 
d'attaque par les Espagnols. Le 7 août, d'Esnambuc et du 
Roissey étant remis en possession des terrains restitués, 
râmiral français donne un exemple de haute générosité. Il 
fait ramener ses prises aux Anglais, ce qui n'était pas une 
clause du traité. Le gouverneur anglais reconnaissant vient 
rémercier l'amiral de sa belle action. 

On est porté à croire après cela que les Anglais, touchés 
des bons procédés de l'amiral, ne recommenceront pas de si 
tôt leurs déprédations. Ce serait mal les connaître. L'année 
n'était pas écoulée qu'il nous fallait recourir encore au canon 
pour les maîtriser, sans réussir toutefois à leur inspirer de 
meilleurs sentiments. Le bref récit de la seconde partie de 
l'expédition de Cahuzac va nous le prouver. 

A un mois de là, voyant que la flotte espagnole, qui, sui- 
vant toutes conjectures, devait être aux Antilles vers le 
milieu d'août, n'avait pas donné signe de vie jusqu'aux pre- 
miers jours de septembre, — et croyant dès lors que le 
Cardinal avait été faussement renseigné, — Cahuzac quitta 
Saint-Christophe pour aller prendre possession de TtleSaint- 
Eustache, comme le portaient ses instructions. 

C'était jouer de malheur. A peine les vaisseaux français 
eurent-Ils disparu que ceux d'Espagne se montrèrent Cin- 



\ 



ET LA UARTINIQU9 



25 



quanta navires^ dont plusieurs étaient des prises, vinrent 
jeter Tancre devant le fort commandé par du Roissey. A 
partir de ce moment, la conduite de celui-ci devint louche ou 
du moins désordonnée. Aux sept cents hommes que Tes 
Anglais fournirent avec assez d*empressement, d'Bsnambuc/ 
obligé de se garder^ n*en put ajouter que cent vingt, sous la 
conduite de Uyel du Parquet, son neveu. Cette troupe, au 
total d'un millier d*hoiximes environ, avec les compagnons de 
du Roissey, s*occupa, une grande partie de la nuit, à se 
retrancher, à se préparer au combat pour empocher le débar» 
quement des ennemis qui ne manquerait de s'opérer dès la 
maiini Les Espagnols eh effet commencèrent à descendre à la 
Basse-Terre vers huit heures. Grêlait le 13 septembre 1629. 

Du Roissey, voyant le jeune du Parquet impatient, plein 
d*ardeur, le fait avancer sur le rivage avec sa compagnie, 
rassurant qu'il va le soutenir de toutes les forces 'dont il 
dispose. Que se passa-t-il f Ce fut comme un coup de foudre. 
Le neveu de d'Esnambuc fond sur Tennemi. Il aborde le 
capitaine de la troupe de descente, le transperce de son épée 
et tue ainsi les Espagnols qu'il peut atteindre. Il est enve- 
loppé et tombe frappé de dix-huit blessures. Trois Français 
ayant pu le suivre meurent à ses côtés. La compagnie de du 
Parquet se précipite pour venger son chef ; lancée au milieu 
d*un groupé d'ennemis dix fois supérieur, elle est écrasée. A 
cette vue, lés Anglais pris de panique, lâchent pied. La 
déroute est complète. Du Roissey perd la tête, suit les Anglais 
avec les siens, et né s'arrête, dans cette fuite insensée, qu'à 
la Gapesterre, en présence de d'Esnambuc-qui, douloureuse- 
ment surpris, apprend à la fois la panique des Anglais, 
l'écrasement de ses compagnons et la mort de son neveu. 
« La Basse-Terre est au pouvoir des Espagnols, lui crie-t-on.; 
l'ennemi s'avance.. •» Bref, malgré les exhortations de 
d'Esnambuc, malgré ses instantes prières, il faut se rendre, 
sans plus combattre, sans mesurer les conséquences désas- 
treuses qu'une telle faiblesse va nécessairement entraîner. 



• 



*• I 



-ÉMnr> 



25 



FRANÇOIS Dl OOLLAHT 



Etait-ce assez chiel pour le commandant de notre petite 
colonie de se voir abandonné à la merci d'un sort aussi révol- 
tant ? Il vole en France chercher le haut appui de Richelieu 
et l'obtient. Il ramène une escadre avec des secours de toute 
espèce. Les Anglais vaincus sont contraints de respecter nos 
droits. On respire à peine autour de lui sous lé poids de tant 
de bonheur^ et, d'un seul coup, d'Esnambuc se voit arracher 
Tensemble de ces avantages si chèrement acquis. H y avait 
de quoi briser un courage moins résistant que le sien. * 

Cependant d'Esnambuc, au souvenir de tout ce qu'il a déjà 
surmonté d'obstacles, ne cesse pas d'espérer. Quand Tinjus- 
tice des événements est trop criante, c'est que, par une sorte 
dé loi naturelle^ la Providence ménage un retour de fortune. 

En attendant, notre petite colonie va ressentir toute ^ame^- 
tume de sa défaite. Aucune humiliation, aucune souffrance 
né lui seront épargnées. ' 

Il est permis de soupçonner qu'il y avait eu dans cette 
affaira entente de Tennemi avec les Anglais. Ce tfui va se 
passer d'ailleurs donne à croire que leur panique à la des- 
cente des Espagnols n'était pas de bon àloi. 

Les Anglais s*engagèrent à quitter Saint-Christophe dans le 
plus court délai. Don Fédérico leur accorda le temps de se 
préparer. Un certédn nombre d'entre eux s'embarquèrent et 
feignirent de partir sur deux bateaux amenés de Nièves, 
colonie anglaise (voisine dé Saint-Christophe) dont les habi- 
tants s'étaient enfuis à rapproche de la flotte espagnole. 

Quant aux nôtres^ l'amiral victorieux ne voulut rien 
enteitdre. Ayant d'ailleurs des raisons pour en finir au plus 
vite, il fit passer les Français, au nombre de quatre ceatiT, 



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sur deux navires que Gahuzac avait laissés à SaintrGhristophê 
et les força de s'éloigner sur-le-champ. La Sainte- Anne -^ 
capitaine Rose» reçut à son bord du Roissey et ses hommes* 
Une barque (dont le nom n'est pas resté) commandée par un 
sieur Liot, prit d*Esnambuc avec son monde. : 

Les vents étaient contraires . • Le temps était mauvais pour 
naviguer dans Tarchipel à cette époque de Tannée. . . Rose et 
Liot errèrent pendant trois semaines avant de pouvoir 
aborder sur une terre hospitalière. L'île SaintrMartin. se 
trouva seule possible.. ; on 7 débarqua. En temps ordinaire * 
on aurait pu la joindre en quelques heures^ . - ^ 

Les colons entassés dans les deux navires avaient pâti pen-> - 
dant cette course vagabonde. Les privations avûent aigri, 
beaucoup d'entre eux. * . >« - : 

D'Esnambuc vit tout de suite s'augmenter un dissentiment 
commencé à Saint-Christophe entre les Normands qui. lui 
.étaient dévoués et les Bretons auxquels du Roissey comman* 
dait. Des conciliabules se formaient ; une trame s'ourdissait 
du côté des Bretons ... Un matin, on s'aperçut que la Sainter 
Anne était disparue, enlevant cinquante hommes du parti du * 
Roissey et le commandant lui-même. La complicité du capir 
taine Rose ne pouvait faire doute. D'Esnambuc crut d'abord 
à une excursion dans un but utile, dans un intérêt commun» 
Mais la réalité s'imposa. Son ami> son compagnon denavi-' 
gation pendant vingt ans, l'avait abandonné au momeniile 
plus critique. Cette défection, ajoutée à la conduite embaf* 
rassée de du Roissey dans les derniers événements, lui 
devinrent funestes. On sut plus tard que Richelieu l'avait fait 
enfermera laBastille*. Pour expliquer cette rigueur, il faut «s 
souvenir que le second de d'Esnambuc avait comme lui le 
grade de capitaine entretenu dans la Marine de l'État Lf 
Cardinal ne pardonnait à aucun officier de manquer à la dis** 
cipline, encore moins de ne pas donner l'exemple du courage 
et de la persistance dans les moments désespérés. On doit 



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Daurtr». 



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V. 



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FRANÇOIS DS GOLLART 



pourtant convenir que la perte de du Roissey fut plutôt favo- 
rable à la colonie. La situation des deux capitaines presque 
sur le môme pied devait faire naître des conflits. Maintenant 
la colonie va marcher sous les ordres d'un chef unique ': 
d*Esnambnc. Il est digne de la commander. ' . ' 

Les instructions secondaires données à Gahûzac avaient pu 
le détourner du principal objet de sa mission. En quittant 
Saint-Christophe, l'amiral français avait dû envoyer, dans le 
golfe du Mexique, plusieurs de ses bfttiments faire la chasse 
au galion, non pour lui-môme assurément, mais pour^ son 
maître. Richelieu , qui venait de dépenser des sommes 
énormes à là Rochelle, eût été heureux de faire enlever aux 
Espagnols quelque riche proie pour le Trésor français. C'était 
le meilleur moyen de les punir de leur duplicité. 

Caliuzac, comme on sait, avait été prendre possession de 
Saint-Eustache. Mais, à peine la cérémonie religieuse d'usage 
était elle célébrée, que l'amiral apprenant l'arrivée dé la flotte, 
espagnole, fut obligé d'abandonner llle et de se porter vérs^ 
Saint-Christophe avec les deux seuls vaisseaux qui lui res- 
taient*. Eli présence de forces aussi disproportionnées, c'eût 
été folie de souhaiter une rencontre. Elle n'était plus à crain- 
dre. Don Fédérico, à court de vivres et redoutant la saison 
déjà mauvaise,, s'était hftté de remettre à la voile et d'aller se 
réfugier dans le port de Garthagène. Gommé il n'en sortait 

• 

pas, on s'informa. On sut bientôt que ses vieilles nefs aux 
cales disjointes lui inspiraient si peu confiance qu'il n'osait 
reprendre la mer pour rétourner en Espagne. C'était proba- 
blement là le secret de son irrésolution devant la Rochelle et 
de ses intrigues avec les Anglais*. Quoi qu'il en fût, on ne 
revit plus don Fédérico à Saint-Christophe et Cahuzac y revint 
trop tard. L'expulsion de ceux qu'il venait défendre était 



. * IVoif-Jloif •% Nûtr^Ikam€. 

* « L« manTais état des naTÎres et des équipages territ da prétexta k Famiral 
don Padriqae de Tolède... » poar ezcnter le gouYernement espagnol auprès da 
LonU XIII. (Siège de la RoebelU). 



V 



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« * 



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ST LA MÀRTINIQUB 



20 



accomplie, et les Anglais semblant les suivre, il reconnut que 
son intervention devenait inutile. Sur ce , Gahuzac alla 
rejoindre ses autres vaisseaux qu'il trouva dans le golfe du 
Mexique, sauf deux. L'un* était retourné en France etTautre, 
démâté par un coup de vent, non loin de Ttle Saint-Martin» 
Tavait abordée pour s'y réparer. 

Ainsi finit ce curieux chassé-çroisé d'une flotta et d'une 
escadre ennemies autour d'une pauvre colonie de 350 Français, ' 
en passe de se voir à jamais dispersée. * . , 

11 est intéressant de savoir comment ce malheur qui la 
menaçait fut détourné de sa téta. 

Le vaisseau démftté, venu se refaire à Saint-Martin, où se 
trouvaient alors d'Esnambuc et ses compagnons, était celui 
du capitaine Giron, officier supérieur bien connu dans Tan* 
cienne marine, homme d'expérience et de grand mérite^ à la 
fois habile et brave. Sa réparation terminée, ayant appris le 
départ de la flotte espagnole et la présence de d'Ksnambuc à 
Saint-Martin, Giron vint lui proposer de le conduire à Saint- 
Christophe et de le remettre en possession de ce qu'il avait 
perdu. Était-il possible qu'avec un seul vaisseau on pût se 
relever d'une situation aussi compromise? Giron avait coç* 
fiance. D'Ksnambuc, vivement touché, 9'empressa d'accepter 
la proposition qui lui était faite d'aussi bonne grftce. Giron le 
prit à son bord et, parvenus à Saint-Christophe, ils reconnu- 
rent que les Anglais, restés dans l'Ile, malgré leur promesse 
de la quitter faite ostensiblement à don Fédérico, avaient 
augmenté leur domaine de toutes les habitations de nos 
côlons. On les voyait s'y livrer à des travaux de culture comme 
si les terres des Français leur eussent appartenu en propre. 

A cette vue, d'Esnambuc indigné somme les Anglais de 
lui rendre ce qu'ils ont pris. Ceux-ci refusant et menaçant 
d'empêcher tout débarquement, Giron, sans plus de formes, 



« La CardinaUt pour annoncer à Richelieu le enccèt de U première partie 
de rexpéditids. 






■•■«.aHkÉMiMi 



30. 



FRANÇOIS Dm OOLULM 



attaque deux de leurs navires présents dans la rade et les 
capture. Puis» ces deux-là bien amarinés, il fait déclarer à un 
troisième plus considérable qu*à la moindre résistance de sa 
part» il va le couler à coups de canon. L*autre ne bouge. Giron 
le tient en respect, et, pendant ce temps*là, dépêche ses deux 
, prises à Saint-Martin afin d'en ramener les compagnons de 
d*Esnambuc. C'était un yoyage de huit lieues à peine, 
r Les Français, tressaillant de plaisir à cette nouvelle inat- 
tendue, ne tardèrent pas à rejoindre, leur chef au nombre de 
3S0 seulement, mais résolus et bien armés par les soins de 
Giron, qui leur avait envoyé des armes et des munitions. Bref, 
d'Esnambuc à leur tôte, les nôtres reprirent pied dans 111e et 
gesticulant, menaçant, criant qu'ils allaient en découdre, ils 
regagnèrenlleurs quartiers sans que les Anglais fissent mine 
seulement de vouloir les empêcher. La petite colonie réins- 
tallée reconnut avec joie que^ pendant son absence de trois 
mois, ses habitations n'avaient pas souffert. Au contraire, 
elles avaient profilé, sous la main des Anglais qui s'étaient 
empressés d'augmenter la culture du tabac pour leur compte, 
juste compensation datant de misères. . 

Dès lors^ on parla beaucoup moins de retourner en France, 
comme la majorité des colons l'avait résolu à Saint-Martin, 
après la fuite de du Roissey. D'Esnambuc eut donc raison de. 
ne pas se décourager. La récompensé ne lui manqua pas. 
Avec ce que l'avenir réservait à sa mémoire/ il eut présente- 
ment la satisfaction de voir ses projets avancer vers la 
réussite, ce dont il avait pu douter un instant. Continuons à 
montrer ce qu'il a fait pour notre établissement aux Antilles. 
Son œuvre va se compléter. . 



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• / 



rr LA MARTINIOUft 



Si 



VI 



-* 



Lq retour de la colonie à Saint-Christophe, sous lep auspices 
du brave capitaine Giron, s'effectua dans les derniers jours 
de ranimée 1829. 

D'Esnambuc profita du calme qui suivit et auquel il n*était 
guère habitué, pour faire réparer les forts et développera 
culture do tabac* 

Autant qu'on peut savoir . d'après des indications épars98, 
on s'était contenté jusque là — ne pouvant mieux faire — 
de tirer des plantations la quantité de tabac nécessaire 



pour entretenir en magasin la valeur d'une moyenne car- 
gaison. Il s'agissait maintenant de multiplier les plantations 
et d'obtenir un approvisionnement trois ou quatre fois plus 
considérable, afin de ne pas s'exposer à perdre les occasions, 
d'échanges qu'on allait voir se renouveler plus fréquemment* 

Richelieu venait de faire établir, par ordonnance du Roi, 
« qu!il sera payé trente sols pour livre de droit d'entrée sur 
le tabac arrivant dans les ports de France, excepté sur celiû 
qui viendra de Saint-Christophe, etc. » (17 novembre 1929). 

On pouvait espérer que l'avantage accordé par cette décla- 
ration engagerait les navigateurs marchands à se porter vers 
Saint-'Christophe. Il fallait se préparer à les recevoir. Cepen- 
dant le premier effet de cette mesure, assurément très pater- 
nelle, devint dangereux pour la colonie, aussi pauvre d'expé- 
rience que de ressources alimentaires. Dès que nos colons 
eurent connaissance de la disposition fiscale qui les encou- 
rageait si bien à la culture du tabac, ils négligèrent complè- 
tement celle des vivres.* Les imprudents semblèrent oublier 



* on appelait « Ti^rti », notammenl la Blanioé, arbùto, eomma oa êêiU 
originaire da Rrétii. Sa racine — aussi grosse qae oelle de la betterave ^ 
fournit une fécule très nourrissante appelée cassate. En France, c*eet le 
tapioca. Le manioc est pour rAméri^e ce que le ris est pour Hade. . 



». •< 



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-32 . PRANÇOI8 DB COLLART 

• • • . • 

que pour recueillir il faut subsister. Ils travaillèrent avec 
tant d'ardeur à leur peiun^ comme on disait en Amérique, 
que pas un pouce de terrain ne lui fut dérobé. Puis effrayés 
de l'état ob les avait réduits leur désir de s'enrichir, sans 
cesse excité, jamais assouvi, ils revinrent au projetde retourr 
ner en France avec deux pleines cargaisons du produit de la 
plante privilégiée. ' 

Au milieu de ces aberrations qu'entretenait la/aim» nos 
colons seraient tombés dans un extrême dénuement, sans un 
hasard providentiel qui vint encoro les sauver. 

Un navire zélandais pacotilleur, faisant route pour 
Hispaniola, passait en vue de Saint-Christophe. On lui fit des 
signes. . . On le héla. . . Le capitaine de ce bâtiment consentit 
à venir aborder. • • Touché de la situation de la colonie, il 
voulut biein lui donner, à six mois de crédit, de la farine, du 
vin, de la viande salée, des chemises, des étoffes et généra- 
lement tout ce qui lui était nécessaire. Il prit pour à compte 
la quantité de tabac dont les habitants pouvaient disposer ; 
celle récoltée, prête à livrer, ne pouvait alors être bien 
considérable. 

• Six mois après, le bon capitaine reparut et son retour ne 
fut pas moins utile aux habitants. Il continua de venir 
ainsi, et, quand son bâtiment .ne suffit plus à emporter le 
produit des récoltes, il en prévint ses compatriotes. Plusieurs 
capitaines suivirent son exemple. Ifs eurent si bien lieu de 
s'en féliciter, qu'ils trouvèrent avantage à recruter des colons, 
sur les côtes de France et à les amener par petits groupes i 
Saint-Christophe. 

Ce trafic avec des marchands de Zélande et d'autres pro- 
vinces de Hollande, s'étendit à toutes les lies des Antilles et 
fut la première cause de leur prospérité. Mais la Compagnie 
{k*ançaise, aveuglée par un intérêt mal compris, s'appliqua 
sans mesure à empêcher le commerce étranger, au lieu de le 
modérer par des droits à l'importation et à rexportation. 
Nous aurons trop souvent à faire ressortir les fâcheux effets 
de cette défense impolitique. 









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ilT LA MARTINIQUI 9^ 

Touiciois, notre petite colonie put largement profiter de la 
liberté qui lui était laissée, ou plutôt qu'elle avait prise. Elle 
s'agrandit et se consolida. Le nombre des terrains mis en 
valeur ne s'augmentait plus seulement pour la culture du 
tabac, celle des vivres marchait de pair. C'est h dater de cette 
époque (1031-32) que la partie française de Saint-Christophe 
put compter son ftge d'or. 

L'année suivante (1033), deux affaires, qui se terminèrent 
sans effusion de sang, troublèrent passagèrement les esprits. 
Dans la première, d'Esnambuc obligea les Anglais à rem* 
placer une pile de 40,000 livres de tabac, qu'ils avalent 
détruite parle feu et que notre colonie aurait perdue sans la 
fermeté dont il Ût preuve. La seconde affaire, dite le différend 
du figuier, fut plus grave. D'Esnambuc dut faire prendre les 
armes à ses compagnons, des haches et des torches alluméet 
à ses nègres, pour effrayer les Anglais. Grftce à ces menaces 
et à son énergie personnelle, il fit restituer aux Françiûs âne 
assez grande quantité de terres que nos voisins avaient usur- 
pées en réglant les alignements de leur possession sur ra 
figuier d'où partaient les lignes d'abomement. Les branches 
de cet arbre (dont certaine espèce est essentiellement 
gagnante^) courbées jusqu'à terre, s'enracinant pour monter 
et descendre encore, s'étaient étendues, et continuaient de 
s'étendre, au-delà de ce que l'on aurait pu imaginer. Plue la 
végétation du figuier s'élargissait, plus les Anglais gagnaient 
de terrain. Cette borne, trop complaisante pour des gens pea 
scrupuleux, fut remplacée par un puits que d'Bsnambne Ût 
creuser et qui devint commun entre lèS deux nations. On' 
l'appela c le puits de raccommodement ». L'eau s'en trouva 
si limpide et si bonne que les marins de Dieppe, voyageante. 
Saint Christophe, la citaient comme égale en' pureté à eelle 
de leur ville, dont les sources, venant de hauteurs, sont trte 
prisées. La colonie dut encore cet avantage à d'Esnamboe. 

• La flnicr dM Indat. C'éUii pour aot ooloat « 1« ûnlm d*Mii«r » es le 

9 



34 FRANÇOIS DE OOLLÀHf 

. •• ■ • 

Le premier acte qui interdit le commerce des lies françaises 
de rAmérique avec TétraDger est une déclaration royale du 
25 novembre 16S4. 

Cette défense eût élé juste» peut-être, si la Compagnie» plus 
soigneuse de la vie de ses colons, ne les avait laissé manquer 
des choses indispensables à Texistence. Quelle illusion do 
croire qu*une colonie naissante, parce que le sol qu'elle 
exploite est riche» y doit trouver de prime abord tout en 
abondance pour sa nourriture et son entretien 1 C*est par 
légions que Pon a dû compter» aux Antilles notamment» les 
victimes de cette erreur. Les conséquences de ces anciennes 
lésineries ont été très nuisibles» pour la France» aux progrès 
de la colonisation. 

Les habitants de Saint-Christophe» outrés des privations 
qu*on leur imposait par ce dur procédé» non-seulement con- 
tinuèrent à traiter avec les Hollandais et autres marchands 
du nord de TEurope» mais ils n'envoyèrent plus que le moins 
possible de leurs produits dans les ports de France. 

Les associés de la Compagnie» ayant appris par des capi- 
taines français que les étrangers» et surtout les Bataves» 
tiraient de merveilleux profits de leur commerce étendu avec 
Saint-Christophe» commencèrent à réfléchir. Elle avait donc 
de la valeur cette petite colonie « comme abandonnée ». S'ils 
l'ignoraient» ce n'était pas la faute de d'Esnambuc qui les 
avût renseignés de toute manière^ verbalement et par écrit. 
Leur insouciance avait umené ce résultat : les colons de Saint- 
Christophe faisaient bien leurs affaires ; la Compagnie voyait 
péricliter les siennes. C'était là un abus qu'il fallait corriger 
au plus vite ! Les associés ne pouvaient admettre que l'on 
s'enrichit à leur service sans que le capital avancé par eux 
leur rapportât ce qu'ils étaient en droit d'espérer. 



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« 



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n LA MÀRTINIQÙK S& 



VII 



Au moment où les associés de la Compagnie, mieux ins- 
pirés, cherchaient de concert avec le Cardinal, à lui rendre la 
vie qui semblait s'éteindre en elle, d*Esnambuc, veillant aux 
intérêts de ses maîtres plus qu*à ses propres affaires, leur 
fournit, sinon les moyens, du moins Toccasion de relever la 
Société défaillante. 

Malgré les graves soucis que lui causait la politique en 
Europe, Richelieu n'avait pas oublié sa petite colonie. D*Bs- 
nambuc, qui lui avait écrit pour l'informer de son retour à 
Saint-Christophe et des événements survenus depuis lors* 
s*enhard)t dans sa correspondance jusqu*à faire ressortir 
aux yeux du grand ministre la nécessité qu'il y aurait pour 
la France à posséder au plus tôt les lies encore libres dans 
les petites Antilles et dont les Anglais ne tarderaient pas à 
s'emparer si on ne les prévenait. 

Le Cardinal, facile à persuader sur ce point intéressant, 
résolut d'étendre le privilège de la Société patronnée par 
lui neuf ans auparavant 

Le 12 février 1635, il signa au nom du Roi, dans son hôtel 
de la rue Saint-Honoré, par devant deux notaires, l'acte qu'on 
intitula : « Amplification des pouvoirs de la Compagnie de 
Saint-Christophe. « Etait présent : « Jacques Berruyeri 
escuyer, sieur de Manselmont, capitaine du port de mer de 
Veulette$ et Petites-^Dalles en Caux^ l'un des associés de la 
Compagnie de l'isle Saint-Christophe et isles adjacentes, tant 
pour lui que pour les autres associés de la dite Compagnie. • 
Un passage à noter dans le préambule de cet acte est celai 
qui porte que la Compagnie établie en octobre 1826 se trouve 
« comme abandonnée^ au moyen de ce qu^ aucun de ses associée 
ne s'est donné le soin £y penser^ joint que les concessions 



I 



« 



SO* FRANÇOIS DE OOilAHT 

accordées à la dite Compagnie n*étoient suffluates pour les 
obliger de s'y appliquer sérieusement. • L'aveu est bon à 
retenir. Le brave d'Esnambuc n'était rien moins que soutenu 
par ceux dans Tintérôt desquels il travaillait si coura- 
geusement. 

Maintenant il s*âgit, dit le contrat, « non-seulement rcLi- 
blir la dite Ck>mpagnie, mais même la porler à de plus 
grands desseins et entreprises pour le bien de l'EstaL » 

Sur quoi le Cardinal décide, au nom du Roi, que la nouvelle 
Société « s'intitulera dorénavant la Compagnie des Isles de 
l'Amérique, • qu'ellecontinuerala colonie de Saint-Ghristopbe 
et pourra s'établir « aux autres principales isles de TAmé- 
rique, situées depuis le 10* jusqu'au 20* degré en deçà de la 
ligne équinbxiale, qui ne sont à présent occupées par aucun 
prince chresUen. Où ils puissent s'établir avec ceux.quiy 
sont à présent, ils le feront pareillement. » Le privilège est 
accordé pour vingt années. « Le roi déclarera que... les gen- 
tilshommes... qui seront associés ne diminueront en rien ce 
qui est de leur noblesse^ qualités et immunités... » 

Le nom de d'Esnambuc ne figure pas dans cet acte du 12 
février 1035, dont les lettres patentes portant confirmation 
furent signées le 8 mars suivant. Nous voyons bien que le 
Roi, laissant à la Compagnie le soin de nommer à tous les 
autres emplois, se réserve « de pourvoir de gouverneur gé- 
néral sur toutes les isles ». Mais aucune nomination à ce haut 
emploi ne fut faite à cette époque. Jusqu'à sa moirt, d'Bsnâôn- 
bue n'eut que le titre de c capitaine général de Tisle Saint- 
Christophe », qui lui est donné par la Compagniesur le re- 
gistre de ses délibérations, bien qu'en réalité son pouvoir 
s'étendit sur toutes les lies devenues françaises dans les 
Antilles, y compris la Guadeloupe, dont son lieutenant Lié* 
nard de Lolive avait été autorisé à prendre possession. 

Aussitôt que d'Esnambuc eût reçu l'instrument authentique 
de ses pouvoirs étendus, il alla prendre possession dé la 
Martinique avec ISO Français. Ci% fait eut lieu le 1* sep- 



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BT LA IIAIITINIQÙB 



87 



tembre 1635, et Tacte qui le constate en fut dressé le 15da 
même mois. La nouvelle colonie s'établit à Tendroit que 
d'Esnambac appela du nom de son patron : Saint^Pierre. Il 
y séjourna deux mois. Un fort y fut construit en sa présence 
et garni de canons. Il confia le commandement de la colonie 
au « Sieur Jean Dupont, lieutenant de la compagnie colo* 
nelle h Saint-Christophe. • 

Dupont eut bientôt à lutter contre les Caraïbes qui voulaient 
s'opposer à ce nouvel établissement. Après avoir repoussé 
plusieurs de leurs attaques, il fit en sorte de les attirer en 
masse autour du fort. Un seul coup de canon chargé à 
mitraille jeta parmi eux une telle épouvante qu'ils s'enfuirent 
et ne reparurent plus. Quelque temps après, Dupont, qui ne 

ê 

pouvait se passer d'eux ^ & cause des vivres, alla au- 
devant de leurs chefs, les adoucit, les calma, et finit par con-» 
dure la paix en les comblant de présents. Il portait cette 
bonne nouvelle à d'Esnambuc, lorsque la barque qui le con- 
duisait, déroutée par une tempête, vint se perdre sur les côtes 
de Saint-Domingue. Dupont et son équipage restèrent pri- 
sonniers des Espagnols pendant plusieurs années. On crut à 
Saint-Christophe qu'ils avaient tous péri dans le naufrage. 

Par une lettre du 12 novembre 1035, d'Esnambuc, en infor- 
mant Richelieu de la prise de possession de laMarltuique, lut 
annonce qu'il est à la veille d'aller procéder à la même opé- 
ration à nie de la Dominique*, dans la crainte que les Anglais 
ne s'en emparent. L'événement fut conforme & ses désirs. Le 
17 noven bre 1635, d'Esnambuc alla prendre possession de la 
Dominique sur le navire le Saini-Jacques, capitaine Pierre 
Baillardel, récemment arrivé de Dieppe, et dont le nom 
reviendra sous notre plume. 

Le départ des trois cents hommes environ que d*E8- 
nambuc avait dû retirer de son tie pour commencer à peupler 



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> Silait «AtK la Martinique et la Oaadèloupa, à onze lienet d« iSine et é^ 



SS rRAfIQOIS Dl GOLLAWr 



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la Martinique et la Dominique ne pouvait affaiblir la popular 
lion de Sainl-Ghrittophe. Ce n'était plus cette colonie nais- 
sante que le moindre événement mettait en danger de 
disparaître ou d'être absorbée par les Anglais. Sur la proposi- 
tion de d'Bsnambuc, la Compagnie avait concédé en propre 
aux habitants les terres qu'ils cultivaient. Ils étaient mainte- 
nant directement intéressés à défendre leur bien et à le faire 
fructifier» moyennant un droit modéré payable annuellement 
à la Compagnie. La population française de Saint-Christophe 
comprenait alors au moins trois mille ftmes. A l'exemple des 
1 Anglais, qui s'étaient augmentés de familles recrutées en 

Angleterre, on avait fait venir des ports de Normandie des 
familles, où femmes et filles comptaient presque pour moitié. 
Chez nos voisins, comme chez les Français, des mariages 
avaient été contractés. Quelques alliances même s'étaient 
, . formées avec des femmes anglaises. C'est dire que la partie 

française de Saint-Christophe avait maintenant des prêtres, 

des paroisses, des églises— de pauvres églises en bois, cou« 
vertes en feuilles de palmier. L'ordre était maintenu dans la 
colonie et la défense assurée par des milices armées, orga- 
nisées par compagnies, à la tête desquelles se trouvaient des 
lieutenants et des capitaines. Deux de ces officiers étaient les 
neveux de d'Bsnambuc,les Dyel de Vaudroques et du Parquet, 
dont nous avons parlé, et qu'il venait d'appeler à Saint- 
Christophe. 

Comme on le voit, un progrès très sensible sous tous les 
rapports s'était accompli dans Ttle. De leur côté, les direc- 
teurs de la Compagnie tenant à Paris des assemblées régu- 
lières, à l'hôtel du président Fouquet Qb père du fameux 
surintendant), faisaient de leur mieux pour administrer la 
Société nouvelle et ne plus laisser les colons dans le besoin. 
Ceux-ci frayaient encore avec les capitaines de navire étran- 
gers; mais ce n'était plus que par exception. En fait, les 
fondements de la colonisation à Saint-Chriàtophe étaient soli- 
dement posés. L*action dé cette colonie-mère allait rayonner 



BT LA MARTINIQUK 3B 

avec un certain éclat sur les autres lies de Tarchipel devenues ' 
françaises. Le capitaine général do Saint-Christophe pouvait 
se dire : le patriotique dessein que j'avais formé, le voilà 
réalisé. 



vm 



Arrivé à ce point de son œuvre , d'Esnambue voulani, 
ainsi qu'il le dit lui-même, rendre compte de ses actions à 
Richelieu, son bienfaiteur, demanda congé pour venir en 
France. La Compagnie, qui avait enfin apprécié toute la 
valeur de son capitaine général, lui fit répondre qu'elle ne 
pouvait consentir à se séparer dé lui, même passagèrement; 
et, pour adoucir l'effet de ce refus — le plus bel éloge» ainsi 
conçu — elle ajouta quelques avantages à ceux dont il était 
déjà en possession. :. : i» 

D'Esnambuc, alors ftgé de 52 ans (il était né la même année 
que Richelieu), aurait pu rendre encore d'importants serviMS, 
si la Compagnie avait su le ménager. Mais, usé par le climat, 
épuisé par ses navigations et par ses travaux, miné par les 
soucis et les chagrins dont son existence avait été traversée^ 
d'Esnambuc mourut aux premiers mois de Tannée 1637*. Il 
fut vivement regretté de tous ceux qui l'entouraient 
Richelieu, qui le connaissait bien, dit en apprenant sa înort : 
« Cétaitun bon serviteur. » Cette louange funèbre tombée 
d'une bouche que le plus grand génie français avait rendue 
souveraine, honore, ce semble, magnifiquement la mémoire 
de d'Esnambuc. 

Des colonies de Saint-Christophe, de la Dominique, de 
Saba et de la Marliniquc, par lui rendues nôtres, cette dér-; 

* Auean docament n'a précisa la date de ton décès ; ôa a tiippo«éJniq«W 
« Ten déeambra 1636. » D*aprèa noe raeherchM, la mort da dXinambuc doit 
Itra rtportéa aux aoia da mai ou j«ia 1697. 



40 FIUNQ0I8 DB OOLLARf 

«■ ■ ■ 

nièfe seule est restée française. Pour l'histoire, plus juste 
que les événements^ ce sont autant do fleurons à sa couronne 
de liai des Tropiques, titre dont un romancier créole s*est 
plu à le décorer. 

D*Esnambuc« aussi désintéressé que brave» avait si peu 
réalisé d'argent qu'il ne s*était jamais trouvé en mesure de 
s'acquitter envers Levasseur. 

n est bien vrai que le capitaine général de Saint-Christophe 
avait été avantagé, par le contrat de 10â6| d'un dixième sur 
les bénéflces nets résultant des opérations de la Compagnie 
— la moitié d'ailleurs de ces proflts (ce dixième prélevé) 
étant destinée anx associés et l'autre moitié aux habitants. 
Mais on peut croire que ces comptes, très difficiles à établir 
(s'ils pouvaient Tôtrc), n'avaient pas été liquidés. Le voyage 
que d'Esnambuc avait projeté devait être surtout nécessité 
par celte affaire. 

Quoiqu'il en scit, Levasseur, le célèbre flibustier (bientôt 
commandant de la Tortue), n'avait pas oublié sa créance. En 
1638, on voit mentionnée sur le registre des lies d'Amérique, 
renfermant les procès- verbaux de ses délibérations, une 
réclamation ayant trait à cette créance. 

Le bref document (inédit) qui le prouve, .nous l'insérons 
ici, p&rce que cet extrait établit authentiquement un point 
historique, à savoir que Levasseur (sans avoir eu le méHte 
de d'Esnambuc) a été le premier pionnier des Antilles. 

m 
m 

€ Assemblée du mercredi 6 janvier 1038. Ledit sieur Berruyer a 
rapporté la requeste produite à la Compagnie par le sieur Levasseur, 
par laquelle il expose avoir^ conquit Visîe de SaiiU'-Christophe sur 
les sauvages^ avanê que la Compagnie fût formée^ et que le sieur 
d^Ksnambuc lui avoit promis, de le rembourser des dépenses par lui 
faites pour le récompenser de; quelque partie de ses fhils ; requeroit 
la Compagnie qu'elle lui permit de faire passer dans la dite isle 
cinquante passagers déchargés ae tous les droits dus à la Com- 
PNfaw- 



\ 



1 
I 



ET LA MARTINIf^Ùl 



f^ 



€ A esté arrêté qae sa requeste lai seroit rendue, sauf à lui à se 
pourvoir contre les héritiers du dit sieur d'Esnambue, ainsi quHI 
adrisera. » 



•.I 



Le registre des délibérations de la Compagnie des lies 
d'Amérique — source extrêmement riche — n'est pas le seul 
recueil que Ton soit à môme de consulter pour se renseignât 
sur les origines de la colonisation aux Antilles françaises. U 
en est deux autres que nous devons citer parce qu'ils- ont 
tous deux une valeur presque documentaire. 

CTesti en premier lieu, V Histoire générale des Àniilles, 
publiée en 1667 par le Père Dutertre. On doit à ce religieux 
dominicain quantité de détails assez confus, mais très pré* 
cieux.pour qui s'applique à les coordonner*. - 

C'est, en second lieu, un court mais savant travail de 
M. Pierre Margry : « Belain dEsnambue et les Normands aux 
Antilles^. » Le but de ce petit ouvrage est surtout de réta^ 
blir la personnalité de d'Esnambuc, avec son nom patro- 
nymique, auquel le Père Dutertre (« qui a été comme l'Héro* 
dote des Antilles ») avait substitué celui de la famille Dyel 
apparentée à celle de d'Esnambuc 

Grftce & l'initiative très louable de M. Margry et à la géné- 
rosité éclairée de M. le baron de Lareinty, ancien délégué de 
la Martinique, une inscription commémorât! ve a été consA- 
crée solennellement à Belain d'Esnambuc dans Téglise 
paroissiale d'Allouville, lieu de sa naissance au pays de 
Caux. 

D'après renseignement facile à i;etenir de cette première 
partie de notre étude, on voit que — même exercée loinde 
la mère patrie — la persistance héroïque d'un intelligent 
français peut fonder quelque chose de durable et laisser 



• Un antoar colonial a dît très jotUment de DatortM : « D'après roavrtfs 
de cet hittorien, où let datée (ont rarement préeiiéea el qni eai d*aao loa*. 
ffaenr détetpérante, U paraîtrait qae... » 

• Paris — Fanre - ttet. 



4t imANçois DM ooixaut n la lUHTiNiQini 

une trace lamineuse dans l'histoire du pays. Sans d'Bsnam* 
bue (cela n'est pas douteux) les Anglais possédaient tout 
l'archipel des Antilles, où nous avons encore la Martinique, 
la Guadeloupe, Marie-Oalante, les Saintes, Saint-Martin» la 
Désirade et Saint-Barthélémy. Avec leur inslinct colonisa* 
tear» les Anglais avaient eu la prévision, aussi bien que d'Bs- 
nambuc, de ce que vaudrait dans l'avenir cette admirable tle 
de Saint-Christophe. Aujourd'hui l'Angleterre en exporte an- 
nuellement une valeur moyenne de quatre millions de francs 
en denrées américaines, les meilleures assurément que pro- 
doisent les Antilles. Notre indifférence coloniale (dont nous 
ne sommes pas guéris, hélas !) nous a fait perdre l'avantage 
de partager ce beau résultat, qui profite uniquement aux 
Anglais, restés nos maîtres en l'art de coloniser. 

L'origine delà colonisation à Saint-Christophe tenaità notre 
sujet, non-seulement parce que d'Bsnambuc est parti de là 
pour conquérir la Martinique, mais parce que c'est aux émi- 
nents services accomplis par lui qu'a été due la nomina- 
tion de son neveu au gouvernement de la Martinique» 
lequel fonda, glorieusement aussi, cette colonie. Jacques 
Dyel du Parquet, dont nous allons esquisser la biographie, 
était, comme son oncle, un charmeur, un Normand remar- 
quable par son patriotisme et son dévouement. Ajoutons, 
pour compléter cet enchaînement de faits, que c'est à ce neveu 
de d'Esnambuc que Ton doit le passage et l'établissement à 
la Martinique • comme ceux do bien d'autres gentilshommes 
— de Claude de Collart (le père du colonel). Sa biographie, 
qui va trouver place dans le chapitre suivant, sera bientôt 
suivie de celle, si curieuse et instructive, du beau-père de 
notre héros. 



T^ 



,\ 



• 






\ 



SECONDE PARTIE 



«M^MWWWWM 



DëcouT-arte d« la M«rtini^u«. *• Oriffia* d« Mm aoa^. — Asp^el 
d« l*lle. — Jaeqa«s du Parquet, fondateur d« la ooloaia. ^ Som 
premier irojmg^ arae Baillard«l. — Son rotour an Vraaoo • 7- 
Il ost nommé Ueutenant-g^tfral do la Martiniqaf • —Il réunit 
onFranoo los élémonts do sa oolonio. — Olaudo do OoUart fait 
partio dos oompagnons d*émigrationdoduParguot*— N.*D.«do« 
Uosto ot lo ohâtoau do Maroliais. — Le Soini^aequ» mot à la 
▼oilo à Dioppo. — Du Parquât prond pooaosoion do aoncouTomo» 
mont. — Los auoooitours do d'Banambue à SalntrOhriatopho» — 
Lutto ontro los doux couTomours ir^néraux do Polnoy ot do , 
Tholay. — Du Parquot ott obligé d*7 prondro part à la této d'uao 
troupo amonéo par lui. -* Combat do la Point ^-dé^SaJtHe. — Ou 
Parquot ost fait prisonnior. — * 8a oaptlTlté. — Sorriooa rondns 
à la Martiniquo par ICario Bonnard on l*absonoo do du Parquot. 
— Oolui-oi ott niis on liborté. — Lour mariair*- "-* Ohuto do la 
Oompagnio dos lios d'Amériquo. ^ Du Parquot solgnour do la 
iCartiniquo. — Voyago do Olaudo do Oollart on Franoo. -« Son- 
mariago otoo ICadoloino do Bromond. — Du Parquot Tiont on 
Pranoo. » Sa Tisito à Iiouls XIY. — Son rotour à la Martini-* 
quo. — Sos troTaux ir^orioux. — Sa mort» -— Son flls aine lui 
suooédo sous la tutoUo do sa touto. — Traublos dans, l*ilo» — 
Madamo du Parquot s*ombarquo pour Franoo ; sa Biort on 
mor. — Taudroquos ot Olormont^^* Naissanoodo François do 
Gollart. ^ La Compagnio dos Indos do 1664. — Promior rooo»^ 
somont do la oolonio. 

.1 

Suivant presque tous les dictionnaires géographiques, à 
rdrticle « Martinique », Christophe Ciolomb àuxtdt nommé 
cette lie « Martinico » parce qu'elle lui serait apparue le Jour 
de la Saint-Martin, à sa seconde expédition. ' 



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4 I 



44 riUNÇOIS DB GOÎXART 

En rapprochant les dates principales relatives aux décoa- 
Yertes da grand Génois dans la mer des Caraïbes, on verra ce 
que Ton doit penser de cette indication. 

Colomb, comme on sait, a fait quatre voyages au Nouveau- 
Monde : 1492-1483-1408-1502. Au premier — le plus mémorable 
et, pour notre sujet, le plus intéressant — parti avec trois 
navires du port espagnol de Palos, le 3 août 1402, il est forcé, 
par le bris d'un gouvernail, de relâcher du 13 août au 6 septem- 
bre à Gomire des Canaries. Sa réparation terminée, il reprend 
la mer et, s'avançant droit à Touest à travers l'Atlantique — 
ce que nul n*avait encore osé — Colomb poursuit résolument 
sa marche dans cette direction pendant trente-cinq jours. Ses 
équipages que l'effroi gagne peu à peu, exaspérés à la fin par 
uneaussi vaine audace, vont recourir à la violence pour Tobli- 
ger à rebrousser chemin... Quand tout à coup, à la surprise 
générale, le 12 octobre 1402, l'escadrille tombe en vue d'une 
terre avenante, couverte d'habitants que la nouveaut4 du 
spectacle attire en foule sur le rivage. Sur l'heure, l'amiral 
appelle ce lieu charmant du beau nom de San Salvador^ parce 

qu'il sauve le succès de son entreprise, la vie de ses compa- 
gnons et la sienne. 

Après dix jours de repos à Guanahani, nom caraïbe de cette 
tle hospitalière, Colomb remet à la voile. Guidé par quelques 
indigènes dont il s'était fait accompagner, il découvre au sud 

■ 

des Lucayes, le 27 octobre, Cuba, et, le 6 décembre^ UaîHf qui 
reçoit le nom d'HUpaniola {Petite-Espagne). 

Colomb attachait un grand intérêt à prendre surtout posses- 
sion de cette lie immense où l'or abondait. Lui cherchait la 
gloire, mais ses royaux patrons étaient avides du précieux 
métal. Colomb ne devait rien négliger pour les satisfaire. 

L*empres8ement des haïtiennes autour de son campement 
devint très favorable à ses desseins. Ayant reçu de lui de 
petits présents, elles retouinèrent vers les hommes de leur 
nation moins confiants et' les amenèrent à Colomb qui les' 
traita généreusemsnt.., Un copieu^ç festin à Teuropéenne 



• a 



* » 



• *. 



ET LA IIARTINIQUS 4b 

scella sur-le-champ ralliaiice des indigènes avec les étrangers. 

Non loin de Tendroit où s*éleva deux siècles plus tard la 
ville du Gap Français, les Espagnols commencèrent» le jour de 
Noël, la construction d'un fort en palissades, qu'ils nommè- 
rent Navidad (nativité). Ce travail^ dirigé par Colomb, fut 
terminé en dix jours. 

Trente de ses compagnons avaient consenti à rester dans ce 
fort pendant que l'amiral irait porter en Europe la nouvelle 
du succès obtenu. Leur présence à Hispaniola en pourrait 
témoigner au besoin, si Colomb périssait en route. Cette 
précaution était d'autant plus utile que l'incurie d'un pilota 
lui avait fait perdre nuitamment, sur la c^te haïtienne, la 
plus grand de ses trois vaisseaux et que l'un de ses capitaines, 
très habile marin, était disparu avec le second' bâtiment. 

Colomb redoutait qu'en le devançant à Palos, cet homme 
dont il avait déjà éprouvé la perfldie, ne tentât de lui dérober 
la priorité de la découverte, source des avantages considéra*^ 
blés attachés au résultat de l'entreprise. 

Qolomb quitta donc Haïti le 16 janvier 1403. avec un seul 
navire, et, très pressé de regagner son port d'armemeni 11 
ne devait s'arrêter nulle part autant que possible, pendant 
ce premier voyage de retour. • - , 

^Cinglant vers le nord-est, du 25 au 27 janvier 1463, il fange 
de très près une terre dont il note la position, en fijoutani'éar 
son journal le mot « Jfatfanina i, répète par un groupe de 
femmes caraïbes accourues sur le rivage. A cette circonstance 
on dut ce racontar, fait en Espagne, que l'unique terre ren* 
contrée dans ces parages éteit babitee seulement par dés 



Après deux effroyables tempêtes qui l'assaillirent dans le' 
courant de février, le mirent dix fois en un p4ril extrême 
et l'obligèrent à relâcher aux Açores et à Lisbonne, Colomb 
atteignit Palos le 15 mars 1403. Sept mois et onze ioors''' 
s'étaient écoulés depuis son départ. Nous passons sur les hou* 
neurs extraordinaires qui lui furent décei*nés'piiU''te1roi>ir^ 
dinand et la reine Isabelle. 



u 



iMÊÊÊÊÊÊCam 



4S i^AÀMçots Di cauABf 

Au milieu du peuple espagnol ivre d'enthousiasme, le vail* 
lant marin jouit modestement de son triomphe, comme sll 
pressentait déjà toute la fragilité de cette gloire. •• 

Au second voyage* Colomb, quittant Cadix le 25 septembre 
1483, fit encore escale à Gomère et, le vingt-sixième jour après 
son départ des Canaries, à la demande instante de ses équi- 
pages, il atterrit à celle des petites Antilles qui fut appelée La 
Disirade (la désirée). On s'y reposa trois jours. 

Le deux novembre^ Colomb remet à la voile et poussé vers 
le sud, il déconvn La Dominiqtie,lt Snovembre, un dimanche. 
Puis, remontant vers le nord, il trouve sur sa route dans la 
même semai ne* Marie^Galanie. Les Saintes (Los Santos), La 
Guadeloupe^ ArUigoa, Saint-Christophe et plusieurs autres 
lies qui lui doivent toutes leur nom. Il arrive le 11 novembre 
à nie Saint-Martin et, le 14, à Hispaniola. 

On voit que, pour comprendre la Martinique parmi les 
découvertes de cette expédition, il faut confondre le second 
voyage d'aller avec le premier voyage de retour, effectués la 
même année 1408. 

A sa troisième campagne, Colomb, ambitionnant la décou- 
verte du continent, prit une tout autre direction que celle 
pouvant le conduire aux petites Antilles. 

Enfin, à sa quatrième et dernière expédition, Colomb, parti 
de Cadix le mai 1502, descendit i « Madanina « le 15 juin. 
11 y passa trois jours. Il eut sans doute alors la preuve que 
cette lie, déjà rencontrée par lui, était habitée aussi bien par 
des hommes que par des femmes. Le 29 juin, Colomb se 
retrouvait à Hispaniola. — 

Telles sont les dates authentiques tirées, pour notre sujet, 
des longs récits concernant les voyages du grand découvreur'. 

On chercherait d'ailleurs en vain pourquoi « Madanina > s'al- 
téra sur les anciens planisphères espagnols en c Mantinino »• 
puis en < Martinico ». Les copistes, réduits à déchiffrer 

* V. P. UÊJhjt, H«rrwa, Rob«rtaoB. A. DmmUm. Rnfk, Maigiy, •!•• ^ 



/ 






* 



KV LA UARflNlQI» 



4r 



l*écri(ure sar des cartes limées par l'usage, ont fait bien 
d'autres transformations plus difficiles à démAler. Mais il est 
clair que ces trois mots ont un air de parenté très pro- 
noncé. Si Ton observe, qu'avec un même nombre de syllabeSt 
ils commencent également par ma et se terminent successi- 
vement par nma, nino et tm, on peut conclure» sans trop de 
hardiesse, que de Madanina sont provenus Mantinino, 
Martinico et finalement le nom français Martinique. Les 
personnes qui ont eu l'occasion d'étudier les « Taiulm mariée 
séculaires s'expliqueront parfaitement ce que nous disons là. 

En résumé, la terre découverte par Christophe Colomb 
à la fin de janvier 1493, reconnue et abordée par lui le 16 
juin 1502^ était la Martinique. Le nom fortuit qu'elle porte ne 
provient donc pas de la Saint-Martin. Les sauvages la nom« 
maiênt JouanacaëraS Le doux c Madanina» n*était vraisem* 
blablement qu'une expression admirative ou plutôt un appel 
inspiré par la curiosité féminine. « • 

Colomb dut regretter, en s'éloignant, de, ne pouvoir se 
rendre à l'invita tion sommaire des caralbesses de la Marti- 
nique. Car, bien qu'on ait reproché à cette tle d'être « hachée 
et montueuse », son aspect est généralement féerique. Quel- 
ques sites, il est vrai, plus cahotés que les autres semblent 
moins faits pour charmer que pour surprendre. La preave en 
est dans ce trait piquant, déjà ancien, dont Tauteur n'avait 
certes pas l'intention de peindre agréablement la forme capri- 
cieuse de la Martinique. 

Pendant la Guerre de Sept Ans, le chef d'escadre Moora 
rendait compte au roi Georges de sa campagne aux Antilles. 
Le 15 janvier 1750, la Martinique avait obligé les troupes 
anglaises à se retirer dès le premier moment de leur attar 
que*. Moore^ voulant donner à Sa Majesté britannique une 
iBée de la structure de l'Ile qui l'avait si mal reçu, saisit une 



* VoeabulalM canllM dn P. Raymond Bnloa. 

* La Qiiad«lomp«, au laquaUa Ifooia m rattrapa,.!» léaista plaa da Ivaia 



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* » 



Ir»» 



iit FRAMÇdlï DÉ OOLLAmé 

féutlle de papier, la froissa brusquement et la repôsaot toute 
chiffonnée sur la table : « Sire, dit-il, voisi la Martinique. » 

On peut en effet, d'après cette boutade, se figurer la terre 
irolcanique* qui émerge de l'Océan à douze cent soixante-dix 
lieues marines deBrest,entrel4* 23' 20" et 14*52' 47" de latitude 
nord, et entre 63* 0" 10" et 63* 31' 32" de longitude ouest II sem- 
bleraitque les six volcans — dont on trouve dans l*!le les traces 
éteintes — se sont fait un jeu, à Tenfance de notre globe, de 
tourmenter le sol de la Martinique. Montagnes, collines, rives, 
roches, ravins et plaines, jetés pôle-mêle au plus fort de ces 
convulsions titaniques. sont restés dans un désordre que 
l'artiste nature a rendu merveilleux en le parant d'une végé. 
tation luxuriante. De l'une des hauteurs de la Montagne Pelée, 
dont l'altitude extrême est à treize cent cinquante mètres du 
niveau de la mer, et d*où s'échappent un grand nombre de 
cours d'eau, la Martinique, admirée par un beau jour, est Tun 
de ces panoramas qui laissent dans l'esprit un souvenir 
ineffaçable. 

« Cionnaissez-vous le Macouba, écrit un habitant du pays î 
Ce n^ést point Pélion sur Ossa. C'est dix ou douze 
Pélibn côte à côte dé dix ou douze Ossa, séparés les uns 
dès autres par dé profondes ravines. On s'entend à la 
voix,' quand il faut marcher des heures pour se joindre. Qui 

vetTt 'traverser ce quartier est obligé de descendre et de 

. ^ . - . . . . . .• 

motitér {^bur redescendre et remonter encore . On pa^se des 
nuages aux entrailles de la terre. •• Chaque sommet des 

. . 4 . . 

niomés s'élargit en un vaste plateau habitable, rafraîchi par 
les veiitis d'est qui viennent de la haute mer. A l'extrémité de 
l'un dé ces plateaux, au bord de l'une de ces abruptes falaises 
qui les terminent... au milieu id'une oasis de raisiniers, 
bâtissez une maisonnette. .. Quelle retraite !• . • Des horizons 

• D*aprèt des éphéméridêt soignêUMiiiêiit faitot à la Marlinîqua par «a 
doctaor médeeÎB nalnraliti», il y «ut dakît i*tU, da 1745 k i75V, o«BÎ*lî[ttit 
MèmfMat' trèt^ tétttiUat da trtaïUamâni'da'Wra^'Aiieiifta i'%)fai^ éaHii titiê 
pour aaiitar «■ nallMsr» 



•>kJ Ul 



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BT LA MARTINIQUE ' 4d' 

iaflnis, le ciel, de noires fordts, la mer*. .. quels spectacles I '• 

Il eût été extraordinaire que le résultat d'une aussi violenta 
formation ne fût pas bizarre autant pour les contours de Tlle 
que pour son relief accidenté. 

Sur une carte Adèle*, la Martinique, examinée dans son 
ensemble, présente la forme presque parfaite d'un être aqua- 
tique assez rare et des plus étranges : celle de rhippocampe. 

D'abord, au sud, la tète : bien dégagée dans la baie de Fort 
de-France et tournée vers l'ouest, elle s'incline devant le canal 
de Sainte-Lucie. La bouche ouverte est formée par la Grande*. 
Anse d*Arlet. Le front cornu s'élève du Piton Crève-Cœur au. 
Morne des Pétrifications. Le cou baissé, occupant tout Tespace. ' 
entre le bourg du Lamentin et celui du Vauclin, tient au corps 
à l'endroit qui s'enfle à partir de Fort-de-France jusqu'à là, 
rade de Saint-Pierre. La ligne de ce corps se contourne ensuite • 
à l'ouest devant le bourg du Prêcheur et s'infléchit au nord-est. 
devant celui du Macouba, extrémité nord de lllOi que baigne 
le canal de la Dominique. A l'est enfin s'allonge» entre la 
paroisse de la Trinité et la rivière du Galion, la presqu'île de 
la Caravelle. N'est-ce pas dans son ensemble, avec sa nageoire, 
dorsale, ce cheval marin dont nous avons tous considéré 
curieusement, plutôt qu'admiré, diverses espèces vivantes, 
aux aquariums des expositions ? 

Cette manière de décrire géographiquement, quand elle est 
possible, rend la mémoire facile... On peut tout de suite, à.. 
défaut de modèle, esquisser une carte de la Martinique en. 
songeante l'hippocampe. 



* Ru&, cité plu loin. 

s Voir noUmment la carte qui se troa? e dans TaUac des colonies, pttUié , 
par Tordre de M. de Chasseioup-Laabat, ministre de la marine. Fins 
ChaUamel. UM. 



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PRANÇOM DK UULLAIir 



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La situation que son oncle s'était conquise aux Antilles per- 
mettait à Jacques Dyel du Parquet de choisir celle de nos pos- 
sessions qu*il lui plairait le mieux de gouverner dans ces para- 
ges. La Martinique le séduisit, malgré la fâcheuse réputation 
qu^elle devait à la malveillance. Ce n*était pas seulement Tir- 
régularité de sa forme qui, d'après certains navigateurs, ren- 
dait celte lie inhabitable. Un inconvénient en apparence plus 
sérieux, tenant à sa faune, avait fait de la Martinique une 
sorte d'épou vantail. On ne cessait d*en gloser à Dieppe et dans 
nos autres ports normands ou bretons; 

Le premier mérite de Jacques du Parquet fut de braver ces 
préjugés et de les combattre résolument, ' 

Toutes nos colonies ont subi ainsi, dans la métropole, une 
période plus ou moins longue de dénigrement. Les serpents 
de la Martinique, les singes de Maurice, les rats de Masca* 
reigne, les fièvres de Madagascar, les marais du Tonkin, Jus- 
qu'aux neiges du Canada, ont eu^ chacun en leur temps, la 
vogue dans Topinion frondeuse. On ne s'aperçoit pas assez eu 
France que ces exagérations voulues sont propagées par la 
malignité de nos rivaux. Celles de nos colonies dont ils veulent 



* Va pour eelU parti* dn récit : les actes des paroinac de Dieppa at da car- 
tainai localités du pajs (ia Caux, cauzda la TÎUa da Laoù et dea aa?iroils^' la 
aotica géaéalogiqua Dyel, de La Cheaaaje das Bois, la ragiatra dea délibératloàa 
da la Compagaia daa Uaa d'Amériqua, déjà cité, laa diTars racuails da aôlaa 
at doeuaiaats da la coUactioa maaascrits d% Moreaa da Saiat-Méiy, « L*al- 
phabat Laffllard-Coloaiaa » coataaaat la ralaré sncciact daa aarfieaa raada^ 
par laa plua aaciaaa ofSciert et adnûaiatrataars aoloBiaaz. 



BT LA MARTINIQUE 51 

nous d*ég6ûlér sôrit dénigrées par ëùx avec une ardeur inima- 
ginable, et s! nous donnons dans le pikge, tAtou tard ils 
trouvent moyen de nous supplanter là même où personne né 
pouvait demeurer. On dirait cependant qu*aujourd*hui noire 
crédulité, trop souvent mise à l'épreuve, offre moins de pirisé 
à l'imagination trompeuse de ces égoïstes concurrents. 

Quoi qu'il en soit^ le caractère hardi du neveu de d'Bsnain- 
buCt son humeur aventureuse, son esprit pittoresque, si Ton 
peut dire, l'amenèrent à préférer, à nos autres possessions 
américaines, la Martinique, oii tout était à voir (à craindre 
aussi), à explorer, à exploiter dans l'ordre naturel, et tout à 
créer en fait de colonisation. 

* 

Avant de l'installer dans son gouvernement, il nous faut 
j eter un coup d'œil en arrière, puis revenir en France avec dq. 
Parquet, pour grouper certains détails qui Tintéressenliy lui« 
les siens et quelques personnes — officiers, marins et colons 
^ dont il s'entoura, lors de son passage définitif à la Martin 
nique, en vue de les associer à sa fortune naissante. 

Jacques du Parquet, d'abord officier au régirent de Picardie 
— ainsi peut-être que son frère aîné Dyel de Vaudroqtfes rr 
était major de place à Calais depuis le 10 novembre 1688; lorfh 
que d'Esnambuc obtint du Cardinal Richelieu, dans les pn>- 
miers mois de 1635, la nomination de ses deux neveux peur 
servir à Saint-Christophe. 

S'il nous suffit de dire — parce qu'il est tout simple de le 
penser — qu'avant leur départ qui devait s'effectuer par 
Dieppe, Vaudroques et du Parquet allèrent à Gailleville en 
Caux prendre congé de leur famille, nous pouvons affirm(Br« 
qu'aux premiers jours de novembre 1635, d'Esnambuc, ison 
retour de la Martinique, trouvait ses deux neveux à Saint- 
Christophe. 

Sur quel navire avaient-ils traversé l'Atlantique T 

Si ce détail nous attire', c'est quMl a sa valeur et que* peS 
sonne n'en a soupçonné rimpbriance. 



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52 PAANÇ0I8 D« OOLLART 

D'Bsnambuc n*avait pas eu le choix pour aller prendre 
possession de la Martinique. Un seul navire <tait alors pri- 
sent à Saint-Christophe : celai du capitaine Louis Drouait. 
qui, selon quelqae apparence, était de Nantes*. Drouait, de 
refour à Saint-Christophe après deux mois de séjour . à la 
Martinique, partit pour France le il novembre 1035, empor- 
tant une lettre (dont nous avons parlé) que d'Esnambuc 
adressait à Richelieu. 

D'Esnambuc n'avait donc eu.pour opérer la prise de posses- 
sion de la Dominique, que le navire du capitaine Pierre Bail- 
lardel à qui la Compagnie des lies d'Amérique avait confié le 
soin de passer aux Antilles un certain nombre de colons. Cette 
prise de possession eut lieu, comme on sait déjÀ, lé 17 
novembre 1635, ainsi que le prouve Tacte authentique rédigé 
par d'Esnambuc à cette même date. Or, nous savons, à n'en 
pouvoir douter, — et d'une manière assez curieuse, — que 
Baillardel était à Dieppe, lieu de son domicile, le premier ou 
Yers le premier juillet 1635*. Les deux frères Dyel étant arri- 



. * DÎTenet copias du earti Aeat de prise de possession (rorigiaal n*enstant pins) 
appellent ce capitaine Drouait, Drouanli, Dronain. Ce pourrait être aussi 
IHÔuarUVoir au besoin pour ces noms les intéressantes « Notes généalogiques » 
publiées à Nantes, en 1176, par M. de la Nicollière-Teijeiro, sur Cassaup et la 
nombreuse famille de ce grand marin. 

Autre détaU que ron nous pardonnera de ne pas négliger. Dès Forigine de 
la eoloniSv la ririère à Tembouchure de laquelle d*Esnambue «boida lors de 
son unique Toyage à la Martinique» s>8t appelée La Raxelanê* D'où Tenait là 
ce nom porté par l'épouse fameuse du grand Soliman, mère de Bijaset (ori- 
ginaire de Galicie* morte en 1557) t D*après Tusage aux cploniesv les riTières 
ou les anses prenaient le nom du premier navire dont le séjour prolongé sur 
leurs bords se rattachait à quelque fait marquant. Or quel fait plus mémo- 
rable pour la colonie que la descente de d^Esnambuc k la Martinique f On est 
donc autorisé k croire que le narire du capitaine Drouait, qui demeura 
deux m>is à Saint-Pierre, avait nom : La Roxelane. Quand les habitants 
ne surent plus la provenance de ce nom (turc ou rass^). ils le changèrent en 
celui de Rivière SaUU'Pierré^ se privant ainsi d*an souvenir local historique 
qui n'était pas sans prix. On a tort de changer les anciens noms locaux, 
lorsqu'un motif de convenance n'en fait pas une obligation absolna. 

> Neuf mois nprès le !«' juillet U3& — c'est à dire le !« avril 1631 — 
Madame de Baillardel met au jour h Dieppe, un fils qui fut baptisé à 4a 
paroisse Saint^acques et vécut de longues années. 



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ST hk MAUTINIQIim 



vés de Dieppe avant le 1*' novembre et la présence d*aacaa 
autre navire n^étant signalée à Saint-Christophe au moment 
de leur arrivée et même après^ il est constant que Vaudro- 
ques et du Parquet sont venus dans cette lie sur le S«ifU- 
Jacques^ commandé par Tancétre des Baillardel de Lareintj, ^ 
lequel a fait, quelques années plus tard, souche de sa famille 
à la Martinique. 

La suite du récit va montrer combien sont devenues fécondes 
ces premières relations maritimes du futur lieutenant- 
général de la Martinique avec le capitaine dieppois. Ce n'est 
pas en effet tout ce que nous devons tirer des services essen- 
tiels que Baillardel rendit à la Compagnie des lies d'Améri- 
que. S*il entrevit alors une récompense & venir, une fortune 
pour lui et sa famille, tout nous apprend qu'un sentiment 
patriotique le dirigea dans ses actions, ainsi qu'on va pouvoir 
en juger* 



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PRANçois Dt éôvuinr 



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III 



D'Esnambuc avait fait reconnaître ses deux noveax dans 
leur grade de capitaine» dès leor arrivée-à Saint-Christophe. 
Cette situation^ d*attente évidemment, était précaire pour 
eux. . . Lui se sentait épuisé ... La fluctuation des événements 
pouvait porter haut, dans l'administration coloniale^ces deux 
fils de sa sœur Adrienne, ou les jeter à la côte, comme ce 
pauvre Jean Dupont dont il venait d'apprendre le ùaufrage... 

Cette nouvelle lui parvint aux premiers mois de 1686. Rn 
attendant que la Compagnie décidftt qui serait nommé déflni* 
tivement à ce poste, il fallait remplacer Dupont Ce fut du 
Parquet que Baillardel conduisit à la Martinique, avec quinze 
anciens habitants, des mieux formés, et quelques serviteurs. 
La colonie était bien faible. Elle ne comptait pas alors plus de 
deux cents Français, heureusement sous la conduite d'un 
homme intelligent et dévoué, le capitaine de la Vallée. La 
venue de Jacques du Parquet avec son petit renfort soutint 
le courage de ces premiers colons, que la crainte des Caraïbes 
tenait sans cesse en éveil._ 

Baillardel se plut à- séjourner quelque temps à la Marti- 
nique. La présence de son navire bien armé, en imprimant 
un certain respect aux sauvages, permettait à nos Français de 
s'approvisionner de vivres. Du Parquet en proflta pour faire 
le tour de l'Ile et se convaincre» en la visitant à loisir avec 
Baillardel, que l'on pourrait y former une belle et riche 
colonie. Comme productions, elle offrait les mômes garanties 
pour l'avenir que celles de Saint-Chrislophe,et elle avait Tavauv 
tage sur cette dernière de ne pas manquer d'eau. En attendant 



#• FranM depuis p«m. » 



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que l'on pût abattre des bois et défricher du terrain, de vastes 
clairières copieusement arrosées^ dissimalies par des acci- 
dents rocheux, promettaient aux futurs habitants des 
c places à vivres » facilement cultivables. Le tabac de Ille, 
reconnu de qualité supérieure, assurait aux colons un profit 
marchand considérable. La fertilité du sol ne laissait rien à 
désirer pour la culture des plantes nourricières. . • 

Dans les premiers mois de 1637, Baillardel revint à Saint- 
Christophe rendre compte de sa mission et se pourvoir d*un9 . . 
cargaison de tabac, que la Martinique n'était pas encore en 
mesure de lui fournir. 

A partir de ce moment j usqu'au 16 juillet de la même année, 
date à laquelle les directeurs de la Compagnie reçoivent, en 
séance à Paris, des lettres de d*Bsnambuc et désignent Van- 
droques pour être nommé à la Martinique, les documents* ' 
laissent une lacune. Il est facile de la combler. Pendant que 
Baillardel se trouvait à la Martinique avec' du Parquet, 
d'Esnambuc avait dû écrire à la Compagnie, par quelque 
navire de passage, et proposer Vaudroques pour le gouver- 
nement de la Martinique, se réservant de faire revenir près 
de lui du Parquet, destiné dans sa pensée à le suppléer à 
Saint-Christophe s*il partait en congé, à lui succéder s'il 
vemut à mourir . . . La mort prématurée de d'Bsnambuc déran- . "^ • 

gea ses projets. Dans cette triste conjoncture, Vaudroques, 
ne pouvant prendre le commandement intérimaire qui reve- 
nait de droit au sieur du Halde, le plus ancien des capitaines 
— ignorant d'ailleurs la décision prise à son égard à Paris — 
ne pensa plus qu'à se retirer et s'embarqua sur U Sabiù^ 
Jonques. Toucher à la Martinique et prévenir du Parquet de 
l'événement qui venait de frapper safamille était tout indiqué. 
Du Parquet se joignit à son frère et tous deux rentrèrent en 
France en août ou septembre 1637, comme le registre des 
délibérations de la Compagnie en donne la preuve*. [. ; 

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* On 7 Toit, U 2 déo«mbre ltfS7, qu« les deux frèrM pytl tont « im ratonr ^. 






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Que se passa-i-il ensuite entre cette dernière date et le 2 
décembre, jour où les directeurs assemblés apprirent la mort' 
de d'Esnambuc ? 

Vaudroques (que nous retrouverons plus tard) nous est 
dépeint comme très léger, indifférent aux choses sérieuses, 
homme de plaisir, nullement fait pour gouverner une colonie- 
La comparaison entre les deux frères dut être di peu en 
faveur de l'alné, qae la Compagnie, revenant sur sa décision, 
fixa son choix sur le plus jeûne qui souhaitait ardemment 
retourner à la Martinique. 

Voilà comment se trouvent expliqués les faits secondaires 
du premier voyage aux Antilles de Jacques du Parquet et 
comment il fut nommé Ldeutenant-général de la Martinique, 
à la date du 2 décembre 1637. 

Sa commission , dont copie est conservée aux archives 
coloniales, est signée par les directeurs Martin et Berruyer. 
Nous y lisons : « L'emploi que vous avez eu dans Tisle de 
Saint-Christophe, sous le sieur d'Bsnambuc, votre oncle, 
capitaine-général de la dite isle, ayant faict voir vostre courage 
et conduite ; à ces causes, la Compagnie, assurée de vostre 
affection au service du Roy et au bien de la Compagnie, vous 
a establi. . . son Lieutenant-général en Tisle de la Martinique, 
etc. » 

Une année entière était accordée à du Parquet pour se pré- 
parer à s'embarquer et aller se mettre en possession de son 
gouvernement. "^ 

Il est pour nous très intéressant de voir comment ce laps 
de temps sera utilisé par les deux personnes qui vont pré- 
sider à Dieppe au départ de la nouvelle colonie. • • 



^ 



XT LA MARTINIQUE 57 



IV. 



Du Parquet était trop avisé pour ne pas avoir pressenti com- 
bien lui serait précieux le concours d'un marin tel que Bafl- 
lardeU à la fois propriétaire, armateur et capitaine de son 
navire. Aller fonder une colonie dans un pays ob toutes les 
choses nécessaires à l'existence devaient être emportées, 
demandait une somme de prévision considérable. CîolonsS 
vivres, meubles, vêtements, armes et munitions, uistensiles 
de culture, etc., il fallait songer à tout. L'expérience de son 
onde et celle d'autres pionniers avaient appris à du Par- 
quet les souffrances auxquelles on s'expose en traitant légè- 
rement ces sortes d'expéditions. Or le^capitaine du 5alfil- 
Jacques^ à qui la navigation de Dieppe aux lies d'Amérique 
était familière, paraissait le mieux en position de répondre, 
sous tous les rapports, à ce qu'exigeaient les circonstances. 

En fait, le premier gouverneur de la Martinique allait inau- 
gurer, pour cette lie, une entreprise quasi-personnelle, dont 
le capitaine Baillardel serait le principal instrument, en ce 
sens que l'armement du navire devenait en pareil cas d'une 
importance exceptionnelle. 

Il ne s'agissait pas seulement de conduire & la Martinique 
un groupe d'engagés n'ayant que leurs bras pour moyens 

* Nous ne parlont pat dat artîtaai qui rarameni oontentaieni à afeEpfttriir. 
La maase dea émigranta proTenait dea campagnea. On leur TanUitlM vn^ 
tagei de la caltare ; on lenr promettait dea conceaaiona de terra. •• (Tétall 
leur affaire ; ila partaient Tolontiera. Quant aux onmera dea TÎUea, on ont 
beaucoup de peine à obtenir leur coneoura. Du Parquet pendant longtempi 
n*eut qu'un aeul charpentier dana aon lie et l'endroit où eo aertitour indio- 
penaable a'éUUit a'appeU « l'Anae du Charpentior ». 

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d*6xi8tence^ sur le travail desquels on ne pouyait qu'hypo- 
théquer la dépense de leur passage et de leur entretien dans 
la colonie pendant trois ans'. Cette petite troupe réunie, il fal- 
lait l'encadrer d'hommes capables de tenir ces travailleurs, 
de les discipliner, de les instruire. Mais le point capital était 
de trouver un certain nombre de personnes en mesure de 
couvrir par leurs avances les frais de l'expédition. 

Gela était d'une extrême nécessité ; car la Compagnie des lies 
d'Amérique, qui venait de faire presque en pure perte des 
sacrifices pour l'établissement de la Guadeloupe, n'était guère 
disposée à se montrer prodigue pour celui de là Martinique. 
Tout ce qu'elle put faire, en attendant mieux^ fut de fournir 
des armes pour trois mille livres et deux mille livres d'argent 

A la fin de 1635, la moitié des pauvres diables partis de 
Dieppe en mai et juin étaient morts de misère... En 1696, 
quatre-vingts des survivants, trop affaiblis pour être à même 
de se défendre, avaient été massacrés par les sauvages. La 
famine fut si horrible en 1637, que le reste des malheureux 
engagés se vitréduit à manger « de Therbe et des cadavres* ». 

Ces désastres étaient loin d'être encourageants et si du 
Parquet, avec ses grandes qualités, et Baillardel avec sa per- 
sistance, ne s'étaient appliqués à réagir contre l'impression 
que les nouvelles delà Guadeloupe avaient causée, la réussite 
de cette affaire eût été problématique. 

Du Parquet fut donc obligé de chercher surtout en dehors 
de Dieppe le perspnnel qu'il devait embarquer pour la Mar- 
tinique. Il se rendit où ses relations de famille, de parenté, 
d'amitié, de camaraderie à son ancien régiment^ pourraient lui 
procurer des compagnons d'émigration. 

Baillardel — par l'intermédiaire des parents de sa femme 
(née Jeanne Bonhomme de Hattenville) qui était de Fauville 
— - recruta plusieurs personnes disposées à s'expatrier parmi 
les familles cauchoises des environs. Lui-même, donnant un 



«FènDnttrlM. 






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KT LA MARTINIQUE 



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exemple bien salutaire et consacrant son avoir à cette entre- 
prise^ s'était résolu à se axer à la Martinique avec sa femme 
et ses trois enfants*. 

De son côté, du Parquet dirigea sur Dieppe ses deux cousins 
Le Comte, qui étaient de Saint-Valery, un autre cousin» 
Jacques Maupas de Saint-Aubin, habitant de Gailleville, Jean 
de FrancillOB, natif de Jonville, Jean Jaham de Verpré, origi- 
naire de Valmont, qu'il avait connu officier au régiment» à 
PiCquigny en Picardie, et bien d'autres bons émigrants dont 
les noms seraient ici sans intérêt. Exceptons-en toutefois 
celui de Claude de Collart^ auquel nous devons une mention 
particulière, qu'il est nécessaire de précéder de quelques 
renseignements historiques. ^- ^ 

Laon*, ancienne résidence des rois Francs, ville forte élevée 
sur une montagne d'où elle domine une vaste plaine, n'est pas 
seulement célèbre parles sièges qu'elle soutint au Moyen Age 
et les combats livrés sous ses murs au tçmps de la Ligue. Son 
nom est demeuré populaire pour un autre motif. 

Vers 1115, la cathédrale de Laon venait d'être terminée. 



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* Ilfl étaient bien jeunes encore : neuf ans, sept ans et deux ans. Voiâ dm 
reste les dates précises de leur naissance : 1* Jean fui baptisé le 12 mai Itît 
et nommé par M. Jeanl'C Mesle et Mademoiselle Marguerite Le Senne (un frère 
de celle-ci passa à la Biartinique) ; 2o Charles fut baptisé le 9 octobre 1S31 «t 
nommé par Messire Charles de QueutteTiUe, lieutenant-général au bailliafi 
de Caux, et par Madame Marie Gnéroult, épouse de M. Gnéroult, conseilkr du, 
roi, contrôleur aux GabeUes ; 3* Nicolas fut baptisé le l^ ayril 1636 et nommé 
par M. Nicolas Le Touvet, contrôleur général des tndtes foraines, et par 
Mademoiselle Marie Le Mesle, nièce de Madame de BaillardeL — > A partir da 
Tannée 16S7, on ne trouve plus d*acte à Dieppe portant le nom de Raillardél. 
Mahe, née en 1639 à la Martinique, épousa dans Hle, en f^ noces, M. Chailet 
Vauclin, de Hautot-le-Vatois, près FauTille, à une lieue et demie dTTetot — > 
riche habitant qui donna son nom au bourg martiniqnùs du Vauclin, lUa 
de son habitation * et, en 2« noees, M. Blarraud de Sigalony, maître ehirôr* 
gien, dont le Père Labat parle avec éloges dans son c Voyage au» Ite d*Amé» 
riqite. » — Ce fut de Charles que sortit la branche qui continua fuaqnlk 
Tépoque actuelle la famille des barons de Lareinty. 

* « La Tille de Laon éuit k la fin du Xl« siècle l'une des plus importantes ds 
royaume de France. Elle était peuplée d*habiUnU industrieux et la force de 
sa position la faisait considérer comme une seconde capitale. » Aig. Thieny* 
Lgtiru sur l'Hiitoire de Franee. 1827. 



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FRANÇOIS DM COLLART 



Restait» après rachèvement de cette grandiose constroction, 
quantité de matériaux utilisables. L'administration locale 
religieuse en profita pour faire bAtir, à peu de distance de la 
ville, sur le territoire de Marchais, dépendant de révêché de 
Ijaon, une chapelle qui fut dédiée particulièrement au culte 
de la Vierge et reçut d'abord le nom de Notre-Dame de ' 
Liance'. 

Trois chevaliers du pays, partis pour la Terre-Sainte en 
1131 et revenus deux ans après, rapportèrent de Palestine une 
image de la Vierge, à laquelle se rattachait une légende mirar 
culeuse. Ils en firent présent à la chapelle de Marchais. Ces 
trois chevaliers laonnois créèrent ainsi la tradition qye la 
piété des habitants de la contrée transmit d'ftge en &ge, sous 
le nom de Notre-Dame de Liesse, qui fut substitué définitive- 
ment en 1493 i celui de Lianoe*. 

En 1384, la chapelle, devenue insuffisante, fit place à une . 
église monumentale. Bien en tretenue« grâce aux constantes 
libéralités des pèlerins et des plus hauts personnages, cette 
église subsiste encore telle que Ta vue la fin du XIV* siècle. 
Mais ce n'est que pou à peu,pendant le XV* siècle, que s'éta- 
blit la réputation du pèlerinage. On le cite comme ayant reçu 
la visite de Louis XI en 1468, celles de François 1*' et de 
toute sa famille en 1527, 1538 et 1546, de Henri II en 1554, de 
François II en 1550, de Charles IX en 1566, celle de Louis XIII, 
accompagné de la reine Anne d'Autriche, en 1618, etc.Depuis, 
Notre-Dame de Liesse a toujours été fort en honneur. Le 
rayonnement da son influence s'étendit si loin el prit tant 
d'éclat au XVI* siècle que la plupart des personnes aisées 
se donnaient le plaisir d'y faire au moins une excursion. 
Piété sincère et pure mondanité se rencontraient au fameux 



* C« virax mot signiflA « d«Toir de fldiliié du Taacal. » L'AppeUation équi- 
Taadnût ainsi à Notr*-Dame de Dépendance... dépendance du Chapitre de Laon. 

• V. Dom Ifarlot. Jleiroptilit JRemensis historia. LiUe» 1666. S toI. in- 
fol. — et JHetionnaire topographique du département de l'Aisne par IfatCOn. 
Société académique de Laos. It71. 



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pèlerinage. On dut à sa vogue croissante le château de 
Marchais, élevé à grands frais dans le voisinage de l'église 
par Nicolas de Longueval, gouverneur de Champagne. Cet 
opulent seigneur^ très aimé de François 1**, eut la satisfaction 
de le recevoir magniflquement pendant plusieurs Jours dans 
sa maison de plaisance. 

Au commencement du règne de Henri II» Longuevml, 
tombé en disgrftce par le fait même de sa faveur sous le 
règne précédent^ fut obligé* pour sauver sa tète, de céder 
le chftteau de Marchais au puissant cardinal Charles de 
Lorraine. Celui-ci, plus riche encore que le premier posses- 
seur, agrandit cette demeure princière et la transforma par 
d'heureux embellissements au point d*en faire un séjour 
enchanteur. 

Nous ne pouvons nous étendre sur ce sujet déjà traité par 
d'autres. Mais nous devons dire que la résidence du cardinal 
à Marchais, pendant un quart de siècle, et, après lui, la pos- 
session du beau domaine par les princes de sa maison, 
attirèrent en Laonnois plusieurs familles de Lorraine qui 
vinrent se fixer dans le giron seigneurial. 

Parmi ces familles compta celle qui nous intéresse. Une de 
ses branches, sortie des environs de Clermont-en-Argonne, 
s'était transplantée dans le Rethelois, vers la fin du XVI* 
siècle. Un rejeton de cette branche est passé par un mariage 
en Laonnois, au commencement du siècle suivant. 

Voici maintenant par quel lien l'exposé qui précède s'unit 
à notre sujet 

Un fragment généaIogique\ appartenant au « CaUnei 
d'Hozier >, écrit à Paris en 1707, sur indications fournies 
verbalement par le colonel François de Collart, ayant fait con- 



* Cette pièce très préeienie, rédigée à roceMion.d*nn iio«?esii règUmesl 
d'armoiries pour la famille de Collart, est cooserrée au CaMnet dse tîtrsa 
de la Bibliothèque nationale (Volume 816 des Pièce» ùrig{naiê$)XI!U conÛ&n% 
quelques erreurs: 1654, par exemple, pour 1653, année réeUe du marias» àê 
Claude, fait penser que 1640 n'est aussi qu*une date approzimatiTe. D*antrat 
dates manquent plus ou moins de préeisioB. 



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naître que le grand-père de ce dernier habitait Notre-Dame 
de Liesse et que son père partit en 1040 pour la Martinique 
où il acquit du bien, des recherches furent opérées dans le 
pays laonnois. Elles ont d'autant mieux confirmé ces rensei- 
gnements qu'il a été recueilli à cette occasion, sur les plus 
anciens registres de baptêmes de Laon et paroisses environ-' 
nantes, plusieurs noms de famille portés aux Antilles, 
notamment parmi les habitants de la Martinique*. De là, on 
a pu inférer que le passage à Laou de Jacques du Parquet, à 
la recherche de compagnons d'émigration, n'avait pas été 
infructueux. Tout porte à croire* en effet, que, présent dans la 
contrée où son ancien régiment avait tant de fois séjourné, 
du Parquet vint à Notre-Dame de Liesse, avant de s'embar- 
quer pour la Martinique. Sa visite au pèlerinage si fréquenté 
lui offrait un sûr moyen de voir nombre de personnes de 
toute condition et d'atteindre ainsi le but qu'il se proposait. 
On n'entreprenait guère alors un lointain voyage sans avoir 
invoqué la protection de la Madone. C'était un devoir, en 
quelque sorte, auquel les rois eux-mêmes se soumettaient 
volontiers et qu'un chef de colonie n'aurait pas négligé 
d'accomplir. 

Notre-Dame de Liesse est donc, selon toute probabilité, le 
point où se rencontrèrent du Parquet et Claude de Collart. 
Nous ne saurions préciser comment eut lieu cette rencontre. 
Mais nous montrerons par un document de combien de 
séductions la nature avait doué Jacques du Parquet. Beau 
visage, grand air, finesse d'esprit, perspicacité. Jugement 
prompt, parole facile et agréable... en fallait-il davantage 
pour attirer les cœurs et fixer les résolutions chancelantes T 
Ëtait-il possible que sa présence ne fût pas remarquée ; que 
l'approchant, on ne souhaitât pas lui parler, et que l'écoutant, 
on ne fût pas charmé de l'entendre T 

Cest entraîné sans doute par cette influence persuasive que 



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« Lm Caitiw, 1m Anbert, les HiDcelin, Ut dêf Chap«Uet, lai Poeqaet, 1m 
Bêmiar pour &• citer q«« eêu-là. 






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KT LA MARTINIQUI 



Claude de CoIIart se résolut à suivre du Parquet La réaliser 
tion de sou petit patrimoine en Picardie, dont la mort de ses 
auteurs l'avait mis en jouissance, lui permit de pourvoir aux 
dépenses de son voyage et d'acquérir « du bien » à la Marti- 
nique. €e que ces aliénations précipitées faisaient perdre en 
France aux émigrants, ils le regagnaient amplement sur le 
sol colonial*. 

Toujours est-il que le père de notre héros émigra dans le 
courant de Tannée où nous sommes (1638), et comme il s'éta- 
blit (ainsi que nous le verrons) tout près de l'endroit où le 
gouverneur planta son pavillon en arrivant à la Martinique^ 
on peut être assuré que Claude compta parmi les premiers 
Français qui l'y suivirent. Cela ^st d'autant plus certain, qu*en 
fait de départ à Dieppe pour cette lie, on ne voit que celui de 
du Parquet, au moment où il réunit les éléments de sa colonie. 
Ces départs se multiplièrent à mesure que la conflance,semée 
autour de lui par ce chef aimé, produisit ses fruits. Mais les 
commencements de la Martinique, en tant que population^ 
furent des plus modestes sous le rapport du nombre. Cette 
pénurie même d'émigrés épargna aux nouveaux arrivants les 
cruels déboires dont souffrit la Guadeloupe. 

Voici, au sujet de ces débuts delà colonisation aux Antilles» 
un extrait de Touvraire du Père Dutertre, renfermant une 
indication très utile à placer ici. 

« Les cinq cents hommes que MM. L'Olive et Duplessis 



* Les anciens registres de la paroisse de MareKait (de laqneUe dépendit 
jusqa*en 1691 Motre*Dame de Liesse) prouvent que Claude nY laîasait, 
moment de son départ, qu'un frère aîné nommé Antoine, qui a^init 
tard avec demoiselle Antoinette de Vignois, flUe d*un notaire rojal de Quiae. 
On remarque aussi qu*Antoine, mort le 8 septembre téSS, tut inhumé daaa Im 
sépulture de son père (un tombeau de famille) en Féglise de Idarekais, où ta 
femme Tint le rejoindre le 19 novembre 16811. Us aTaient eu einq enfanta ; 
1* Jaeqnes, devenu commissaire de la Marine (de 1706 à 1712), habitant Pliria 
en 1718 ; 2« Etienne, qu*un acte du 17 octobre 1690 dit « à Tannée du Roj » ; 
3« Jean, qui fit son instruction pour le sacerdoce dans la capitale, y veçni 
les ordres sacrés et exerça comme curé de Marchais et Notre-Dame do Lteate 
de 1689 à 1693; &• Antoine, demeurant à Paris en 1698; et 8* Loniae, 
mariée à Liesse, le 22 mai 1691, à Jean-Baptiste Rémolue» lienr d*Any. 



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M PRANÇOIt DE GOLLART 

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levèrent, tant à leurs dépens qu'aux dépens des marchands de 
Dieppe associés avec eux, furent obligés de servir trois ans 
la Compagnie pour leurs passages, outre lesquels quelques 
fmnUes pariietdiêres passèrent à leurs frais à dessein de 
demeurer dans la colonie. » 

Et, disent les « Études statistiques sur la population de 
Saint-Pierre Martinique ; publiées dans la colonie, en 1850, 
par M. le docteur Rufz : « Il y eut des personnes qui trans- 
formèrent en espérances coloniales leur patrimoine métro- 
politain. Ainsi firent MM. Hou^l à la Guadeloupe, de Poincy 
à Saint-Christophe... Ainsi arrivèrent à la Martinique du 
Parquet, Valmenier% Delavigne. L'habitation pour ceux-là ne 
fut pas le prix de rengagement ; ils payèrent autant de leur 
bourse que de leur personne. » 

Ainsi, ajouterons-nous, firent bien d'autres émigrants tout 
aussi méritants. 

D'après un recensement de la Martinique (que nous cite-, 
rons en son lieu), Claude n'avait pas beaucoup plus dé vingt 
ans quand il quitta la France. Il était fils de Simon, CoUart, 
écuyer — qui avait épousé à Marchais-Liesse, vers 1615, 
demoiselle Catherine Potier — et petit-fils d'Etienne Collart, 
écuyer, sieur de Coucy et Loutre en Rethelois, «élu de la ville 
deRethel en 1606 ». Etienne descendait au troisième degré de 
Jean Collart de Ville-sur4>>u8ance (Meuse), anobli le avril 
1481 — avec d'autres vaillants guerriers — par lettres patentes 
de René II, duc de Lorraine et de Bar, en récompense de 
leur bravoure déployée pour sa .cause au siège et à la bataille 
de Nancy*. 

Ce que nous pouvons dire encore, d*après leurs anciens 
papiers, c'est que les Collart de Lorraine n'avaient pas échappé 

« Lonii da CMqaeray 4l« Valmaaier, pané A la Martinique en 1651, était U 
frèra pniné de Gaillanme de Caoqneray, Dommé en 1640 « châtelain et garde 
de la grotte tonr de Laon ». 

* Cet lettrée donnent pour armée ans Collart de Ville : « d*or, à la faeee 
de gnenlee, chargée de trolt rotee d^argent. » Dom PeUetier. 2^oWiafrê^d€ 
lorraine et du Barrçis. 1751, in 1^, p. 136. 



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au dépérissement qui gagna au XVI* siècle presque tous les 
fiefs de cette région, dévastés par les guerres interminables. 
Dès le temps de la Ligue, ils avaient subi la décadence des 
gentilshommes retirés au fond des campagnes appauvries, 
voyant leurs belles lignées s'éteindre sur les champs de 
bataille ou dans les cloîtres. Ceux-là seuls qui, repoussant la 
fatale destinée de succomber ainsi par honneur, cherchèrent 
le salut dans les industries permises en s'expatriant, purent 
caresser l'espérance de relever leurs familles épuisées. 

Claude fut du nombre. L'exemple donné par les d'Esnambuc, 
les Dyel, les Baillardel, les Jabam. etc. lui profita, comme le 
sien a profité à d'autres. Il faut, ce semble, en louer leur 
souvenir. La fondation de notre belle colonie martiniquaise 
est due à leur féconde initiative, au bien qu'ils y ont courageu- 
sement accompli. 



V. 



Le Saint-Jacques f commandé par le capitaine Baillar- 
del, mit à la voile à Dieppe poiir la Martinique à la fin 
d'octobre 1638. Il parvint à destination le 2 décembre, 
date à laquelle ^du Parquet prit possession de son gouver- 
nement 

Sa commission de Lieutenant-général fut. lue solennelle- 
ment, en présence des colons réunis sur la plage de Saint- 
Pierre, par le sieur de la Vallée, commandant intérimaire. 

Du Parquet garda comme son second cet excellent serviteur 
« qui avait pris des soins et fait de la dépense pour la conser- . 
vation des Français nouvellement établis en Itle, et spécia- 
lement depuis Tabsence du sieur Dupont, lieutenant de feu 
M. d'Esnambuc. » Nous trouvons ce passage et celui qui suit 
dans une commission signée à Paris, le 5 janvier 1630, 
nommant le sieur de la Vallée « premier capitaine de la Mar- 



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FRANÇOIS DB OOLLART 



tinique » et lai accordant à ce titre « douce domestiques 
exempts des droits personnels dus i la Compagnie, s*il a ce 
nombre de travailleurs sur son habitation. » 

Du Parquet s'était campé à Saint-Pierre en attendant qu'une 
habitation convenable lui fût disposée. • • 

Le voisinage des Caraïbes, dix fois plus nombreux dans Tlle 
que les Français, ne le Ot pas hésiter longtemps sur le choix 
d'une résidence même provisoire. Connaissant la Martinique, 
il avait déjà ses vues sur ce point important. Ce n'était pas 
sa propre sûreté qui surtout préoccupait du Parquet ; celle 
de la colonie lui tenait beaucoup plus à cœur. Nos colons 
étaient, il est vrai, la plupart armés de mousquets ; mais 
«r ils ont si peu de poudre, qu'en cas d'attaque, ils- n'en ont 
pas chacun de quoi tirer quatre coups' ». 

Les sauvages heureusement n'avaient pas été en continuel 
état de révolte contre les étrangers. On avait entretenu leur 
indolence par des présents de pacotille, souvent renouvelés. 
Puis, comme ils étaient insatiables, on les avait habitués 
peu à peu à échanger des fruits, certains légumes, du' 
gibier, pour des colliers de verroteries et divers objets de 
minime valeur. Autrement c'eût été ruineux. D'éphémères 
désirs faisaient convoiter à ces enfants terribles tout ce 
qu'ils voyaient chez nos colons. Ils se paraient des futilités 
qu'on leur laissait prendre. De vieux lambeaux de toile à 
voiles leur servaient de cravates. Des chapeaux hors d'usage 
devenaient pour eux un couvre-chef flèrement porté. La vue 
de cent autres bagatelles éveillait leur ambition, qui n'était 
pas toujours satisfaite à si peu de frais. 

Ainsi gagnés par l'effet de notre munificence, les Caraïbes 
s'étaientdécidésà supporter les Français. Ils leur avaient aban- 
donné la partie ouest de Itle, depuis le Macouba (appellation 
d*origine caraïbe) jusqu'à la baie du sud, qui prit bientôt le nom 
de « la baie du Marin », parce que Baillardel y créa un quar- 

* Lettre de M. de Poiney & U Compagnie, août l€9f • 



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KT LA. MARTINIQUV 67 

lier. Eux 8*étaient cantonnés sur les bords de la Gapesterre, 
à Test de la Martinique. De cette mani&re, llle se trouyait 
partagée à peu près également entre le peuple conquérant et 
le peuple conquis, si Ton pouvait dire conquis ce peuple 
impatient d'un joug que lui-môme s'était fait imposer par ses 
méfaits. Bref, échange de bons procédés, cadeau pour cadeau, 
mais coup pour coup, telle avait été et telle était encore la 
politique du capitaine de la Vallée, quand du Parquet vint 
prendre le gouvernement de la Martinique. 

Il entrait dans les idées de Jacques — qui s'était donné 
le loisir d'étudier, durant près d'une année, le caractère, les 
mœurs et les usages singuliers de ces insulaires — de con\i- 
nusr i leur égard cette politique de prudence et de fermeté. 
Lies instructions qu'il avait emportées de Paris étaient d'ail- 
leurs formelles. On lui avait enjoint de conserver à tout 
prix l'amitié des Caraïbes. Il y réussit, au moins dans les 
commencements. « Nous vivons avec les sauvages, écrit-il 
un jour, comme si nous étions tous Français. » 

Néanmoins, il ne dissimula pas à ses compagnons que se 
tenir en garde et se fortifier contre toute surprise devait 
ôtre la règle absolue de leur conduite, en face de ce peuple 
primitif. Un caprice, une débauche*, un souffle de méfiance, 
une excitation de leurs Boyés^^ venue de Tintérieur ou des 
lies voisines, pouvaient mettre en mouvement, par centainesi 
par milliers, ces êtres fantasques et les pousser, du jour au 
lendemain, à envelopper les Français, que la veille ils trai- 
taient en amis. 

Il fallait donc qu'à la première alerte les colons pussent 

' Dans lears assemblées confases — où se décidaient la gaem on ia pais — > 
les sauvages s*entnaieni avec un vin de patates (sorte de pommes die tem 
très sucrées) égrugées et noyées d'eau, dans de grands Tases de terre, où Toa 
jetait en même temps de la cassave chaude, qui serrait de levain. Ce mé- 
lange, biencouTert, fermentait rapidement, et, quand il avait bouîUi, —coulé, 
passé, transvasé et reposé en baril — il formait une boisson alcoolique asaes 
forte pour troubler les esprits, dès qu'elle était absorbée abusivement. Ce vin 
s'appelait ùuyotm. 

* Sorciers. 



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'68 FRANÇOIS Dl OOLLAM^ 

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trouver un abri pour éviter le premier choc, seul redoutable. 
Cette retraite était facile à ceux qui demeuraient aux environs 
du fort Saint-Pierre, que la Vallée avait eu le temps de faire 
agrandir et consolider d'une enceinte en pierres. Mais pour 
les autres colons échelonnés vers le sud, la prudence voulait 
qu*un refuge leur fût ouvert de ce cAté. 

Du Parquet jugea que la longue pointe rocheuse élevée, 

qui semblait lui tendre la main à l'entrée de la plus grande 

baie de 111e« était le meilleur endroit pour construire un 

; nouveau fort, devant servir en même temps de résidence au 

gouverneur. Il Ty flt bfttir rapidement en palissades (comme 
on pratiquait alors) dès les premiers jours de son arrivée. 
Une habitation provisoire fut aménagée pour le gouverneur 
et son entourage au centre de cette défense improvisée, que 
Ton arma de canons, montés sur des affûts en bois. 

Du Parquet nomma sa résidence le Fori-Royal, c'est aujour- 
d'hui le Forinde-France, chef-lieu de la colonie, siège du 
gouvernement de l'Ile'. 

De son côté, le capitaine Baillardel alla fonder une habita- 
tion dans les environs du Fort Saint-Pierre, au sud de la 
rivière plus tard nommée « la Rivière des Pires », parce que 
les Jésuites y firent aussi leur demeure. Ce ne fut encore, 
pour notre capitaine marin, qu'un établissement provisoire. 

Quant à Claude de Gollart, qui trouva sans doute avanta- 
geux de se fixer le plus près possible du chef de la colonie, il 
obtint de s'établir non loin du Fort-Royal, au lieu plus tard 
appelé « la Pointe des Nègres », magnifique espace compris 
entre deux rivières dont l'une , coulant au nord du Fort- 
Royal, se nommait « Rivière de Nambueq » et l'autre, venant 
de l'est, s'appelait « Rivière du Parquet n, deux noms tuté- 

* On Terra que dn Parquet — pour des caneet d*inealQbrité qne ro& Si 
ditparaltre bien tardÎTemeni et à grands fraît — ne pnt téjoamer longtempe 
an Port*Rojal et qu*il transféra sa résidence d'abord an Carbet« pnis flnaû» 
ment dans les bants de Saînt^Pierre, où Ini fat eonstmite une très belle 
babttation presque monomentale* 



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ET LA MARTINIQUE 

laires> en quelque sorte, qui devaient être, pour le père de 
notre héros» comme un gage de prospérité. Plus heureuses 
en effet, sous ce rapport, pour Claude que pour BalUardel et 
du Parquet, les circonstances permirent que rétablissement 
Gollart devînt définitif en cet endroit judicieusement choisi. 
Tant que la descendance de Claude habita la Martinique — 
c'est-à-dire jusqu'au règne de Charles X — ce fut là le fonds 
de son patrimoine et sa résidence principale. L'habitation, 
comprise d'abord dans la paroisse de la Case-PUoUt fit ensuite, 
partie de celle du Fort-Royal. On verra les raisons de ce chan- 
gement. Le recensement des terres de la Martinique, opéré 
en 1671^ indiquera à cette date, dans le cours du récit» 
l'importance de la propriété rurale fondée par Claude de 
CoUart 



VI 



Après avoir installé du Parquet au Fort-Royal à la fin de 
janvier 1630, il nous faut montrer ce qu'était sa colonie 
à cette époque initiale. 

La colonie martiniquaise possédait alors un gouverneur, 
un premier capitaine, quatre compagnies de milices incom- 
plètement armées. Elle avait à sa disposition un grand navire : 
celui du capitaine Baillardel, qui pouvait être fort utile en cas 
de tentative d'irruption des CaraTt>es venant des lies voisines. 
Une barque, ' amenée aussi par Baillardel, permettait des 
communications presque journalières entre Saint-Pierre et le 
Port-Royal*. 

On avait pour nourriture « des tortues, des lézards, des 
crabes, du manioc et quelques fruits délicieux », le tout 
fourni le plus souvent par les sauvages. Si la chasse était 
interdite aux colons, parce que la poudre était trop rare pour 

* «••• le grand navire et la barque da tiear Baillardel ... » Père DuiertN. 
l*' volnme. p. 467, et autres paetagei que noue anrone à oiter. 






da». -.i^tm.». 



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70 



FRANÇOIS DB GOLLART 



leur permettre de se livrer à cet exercice, la pdche leur 
donnait son appoint de vivres. Les Caraïbes» très adroits à 
manier leurs pirogues sur les flots agités, concouraient à ne 
pas laisser nos Français manquer de poisson» mdme dans les 
gros temps. « Pour des babioles » on les récompensait- de 
leur peine... Du Parquet veillait à ce quUls fussent encouragés 
k tenir une sorte de marché vivrier dans chaque centre 
habité. Leur alliance productive coûtait cher sans doute 
(il le dit lui-m6me)t parce que, pour recevoir toujours» il 
fallait toujours donner. Mais elle avait ce bon côté d'obliger 
de part et d'autre à conserver le bienfait de la paix. C'était 
toujours cela de gagné en attendant que nos colons pussent 
se suffire. 
Cet avantage si désirable ne pourrait être atteint que lors- 

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que leur nombre» progressivement augmenté» rendrait pos- 
sible le développement de la culture. Couvrir de vastes ter- ^ 
rains de plantes nourricières» pour éviter toute chance, de fa- 
mine, et de tabac, pour charger les vaisseaux, dont rien n'an- 
nonçait encore la venue, étaient les deux points principaux à 
obtenir. La maigre population martiniquaise actuelle ne pré- 
sentait pas assez de ressources pour que Ton pût même es- 
sayer d'inaugurer de grands travaux. Il fallait deux troupes i 
demeure dans les forts, pour les faire respecter et les dé- 
fendre. Or, au moment où nous sommes, la colonie, avec ce 
que du Parquet avait amené d'engagés» d'officiers et d'émi- 
grés devenus propriétaires, ne comptait pas beaucoup plus de 
trois cents personnes. On juge combien du Parquetétait peu 
fier de se voir à la tête d'un aussi petit peuple» dispersé 
d'ailleurs sur une côte de dix lieues environ. 

Le gouverneur soupirait donc après un arrivage quelconque 
et de fait il était sans cesse à interroger l'horizon. . . . 

Mais lorsque» le 11 février 1639» du Parquet vit poindre 
une voile» et qu'il aperçut un grand navire se dirigeant veirs 
la Martinique et mettant le cap sur le Fort-Royal, où flottait 
maintenant le pavillon français, s'il conçut une espérance» 



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elle fut déçue. Le vaisseau qui vint ancrer dans la rade ne 
lui amenait pas un seul colon. Il ne pourrai même en tirer 
aucune assistance. Bien au contraire, Thomme considérable 
monté à bord de VEurope (nom de ce navire) deviendra, par 
un concours des plus fâcheuses circonstances, funeste à du 
Parquet et à toutes les colonies françaises des lies d'Amé- 
rique. Nous devons nous borner en ce moment à présenter ce 
personnage. 

Le commandeur c Phillipe de Lonvilliers de Poincy, cheva* 
lier de Tordre de Saint-Jean de Jérusalem, commandeur 
d'Oyzemont, chef d'escadre des vaisseaux du Roy en Breta- 
gne », avait été nommé par le Roi, le 15 février 1638, sur la 
proposition du cardinal Richelieu, Lieutenant-général de Saint 
Christophe (en remplacement du sieur du Halde qui n*avait 
pas accepté cet emploi) et, de plus, Gouverneur général des 
lies de TAmérique. Parti du Havre le 12 janvier 1639^ il venait 
faireescaleàla Martinique, après-lren te et un jours seulement 
de traversée ; ce qui était alors une belle navigation. 

« M. du Parquet le receut avec tout l'honneur deu à sa 
qualité. Il le fit saltier à sa descente à terre par TartilleHe du 
Fort, par tout son monde et par tous ses soldats, sous les 
armes et rangez en haye sur le bord de la mer. Le lendemain, 
on fit lecture de sa commission du Roy, et^ après la messe, 
le Gouverneur, les officiers et tous les habitants luy prêtèrent 
serment de fidélité, après quoy le Gouverneur luy ouvrit la 
porte du Fort-Royal et luy promit obéissance ». 

M. de Poincy resta cinq jours à la Martinique, passa, le 17 
février 1639, à la Guadeloupe ( « qil'il trouva presque abysmée 
dans ses malheurs » avec de l'Olive, son gouverneur, aveugle), 
et de là se rembarqua pour Saint-Christophe, siège de son 
gouvernement. Nous parlerons plus en détail de lui et de sa 
famille quand la suite du récit Texigera. 

Le passage de l'Europe au Fort-Royal n'avait apporté 
aucun avantage à la colonie confiée à du Parquet. Loin de là, 
le brave gouverneur, voulant dissimuler sa misère relative, 



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FRAMÇOIS DE OOLLART 






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n*avait pas ménagé la dépense afin d^recevoir dignement 
son hôte, les officiers qui l'accompagnaient, l'équipage du 
navire... . et quand de Poincy l'eut quitté pour reprendre la 
mer, du Parquet (ainsi qu'il le raconta lui-même au Père 
Dutertre) en était réduit, pour les douceurs, à un quart d'eau- 
de-vie, qu'il conservait précieusement, le destinant à être 
servi lors de quelque solennité ou dans un cas extraordinaire. 
Ce fait, en apparence peu significatif, est pourtant une preuve 
(parmi d'autres) des petits moyens à l'aide desquels on se 
résignait à entreprendre, en ces temps-là, de fonder une 
colonie. Le reste était à l'avenant. Ce qui manquait le moins 
à nos trois cents Français, c'était l'énergie d'abord et surtout 
le désir de voir la population de la colonie parvenir au double 
de son chiffre actuel. Notre gouverneur, en particulier, eût 
sacrifié beaucoup pour obtenir ce résultat. 

Au commencement de mars 1639 — quinze jours environ 
après la visite du Gouverneur général — du Parquet saisit 
l'occasion d'arriver à son but d'une manière assez curieuse. 
Ses regards, souvent portés vers la mer^ suivaient, un matin^ au 
lever du soleil, un grand vaisseau chargé de monde qui sem- 
blait vouloir s'approcher du Fort-Royal. On hésitait; On avait 
l'air de se consulter : aborderait-on, ou continuerait-on la 
route..? Telle était la question qui se débattait évidemment à 
bord entre les passagers, dont certains gestes animés tradui- 
saient les paroles. 

Gomme du Parquet le sut bientôt, ce navire^ jaugeant 280 
tonneaux^ appartenait à une Compagnie de commerce rouen- 
naise, récemment autorisée par le gouvernement français, et 
qui avait pour but de coloniser la Guyane ou du moins 
Cayenne. On était perplexe à bord parce qu'un certain nombre, 
d'émigrants, exténués de fatigue, avaient résolu de s'arrêter 
à la Martinique et que les autres voulaient passer outre. Ceux- 
ci rappelaient obstinément à leurs compagnons que cette île, 
bouleversée par les volcans, était inhospitalière à cause ^es 
sauvages cannibales, et inhabitable à cause des serpents 
dont elle était couverte, deux fléaux à redouter... 



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ET LA MARTIinQmr 



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Cependant le navire, ayant besoin de rafraldiiseemente, 
mouilla dans la rade, et le capitaine laissa la ehaloape deseen- 
dre à terre vingt passagersp en leur faisant promettre de 
revenir le plus tôt possible lui rendre compte de ce qu'ils 
auraient appris. 

En les voyant aborder, du Parquet s*empressa d'aller au» 
devant d*eux comme s'il les attendait Mis rapidement au fait 
de la situation, il comprit tout de suite Tavantage quil pour- 
rait en tirer, s*il parvenait à séduire une partie de ces émi* 
grants, déjà fâchés d'avoir quitté la France pour courir 
Taventore en un pays inhabité, 

« Il les receut avec tant de civilités, leur fit si bonne chère» 
et leur gagna si bien le cœur, qu'étant retournés au vaisseau 
et ayant parlé aux autres, soixante et deux hommes résolu- 
rent de ne pas aller plus avant Us furent le leodemûn tons 
ensemble le saluer et le prier d*agréer qu'ils habitassent avec 
luy. Il accepta leurs offres^Jés e&brassa, leur promit qu'il les 
regarderoit toute sa vie comme les compagnons de sa fortune 
et qu*il les considéreroit toujours comme ses bons amis. • 

Ce tableau est touchant. Mais n'oublions pas d'ajouter que 
le dernier quart d'eau-de-vie de du Parquet, par lui offert 
au bon moment, avait enlevé les scrupules de ceux des vingt 
premiers passagers que retenait encore l'ennui d'abandonner 
à son début une entreprise pour laquelle ils s'étaient 
engagés. 

En bien des rencontres, savoir être généreux est le propre 
de l'habileté. 

L'introduction inopinée à la Martinique de soixante-deux 
émigrés français était certes un avantage inappréciable. 
Mais — > souvent un bonheur en amène un autre — qu'était-ce 
que cette faveur de la fortune (il est vrai adroitement saisie)^ 
en comparaison de celle qui la suivit bientôt, non moins 
inattendue ?... Ce qui mit le comble à la joie du gouverneur 
et à celle de ses administré8,c'estque, l'entreprise rouennaise 
ayant échoué, les passagers venus à Cayenne se rembar» 

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FRANÇOIS DB OOLLART 



qukreat brusquement et, trois mois après avoir fait escale au 
Fort-Royàl^vinrent rejoindre leurs soixante -deux compagnons 
déjà installés*. Ce second renfort de deux cents personnes 
environ éleva la population française de la Martinique à un 
chiffre qu*une lettre de M. de Poincy au Président Fôuqùet 
porte à sept cents, mais qui parait un peu exagéré pour le 
moment où elle a été écrite (août 1630). 

Quoi qu'il en soit, Tinsuccès de l'expédition rouennaise 
profita, comme on le voit, au développement de la co- 
lonie martiniquaise. Du Parquet pouvait attendre avec 
moins d'impatience les colons que la Compagnie avait promis 
de lui envoyer. Il s'agissait maintenant de pourvoir à rentre- 
tien de cette population croissante et d*établir des relations 
commerciales régulières avec la métropole. 



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Que de preuves du Parquet a déjà données de son aptitude 
à organiser une colonie ! Sans cesse on le trouve empressé 
au milieu de son petit monde et voyageant d'un quartier à 
l'autre, afin d'encourager ses administrés, de leur commu- 
niquer d*heureuses idées, de porter quelque amélioration à 
leur état souvent besoigneux. Notre Jacques est un chef actif, 
bienveillant, comme. on doit toujours en souhaiter à la tète 
d*une colonie. 

Avant de le remettre en scène^ nous, croyons à propos 
d'apporter un solide appui à la bonne opinion que Ton a pu 

* Un« eiitr«prite nantaiie semblable (qa*il ne faut pas confondre avec 
celle ci) fut dirigée sur Cayenne en 1656, eone la conduite d*an sieur de 
LaTÎgne, parti de Nantes avec une centaine d*émigrants bretons. Le Taisseau 
qui les portait fit également escale à la Martinique. Au retour de Fexpédir 
tion, dont le sort arait été lamentable, du Parquet fut obligé d*en recoToir 
les débrist mais cette fois, uniquement inspiré par un sentiment d'humanité. 
La Guyane française fut longtemps réfractaire aux tentaUves de colonisation. 
La fondation de la TiUe de Cayenne ne remonte guère qu*à Tannée 1664 



BT LA IIAKTiraOOS 



75 



concevoir de ses mérites» en insérant ici le document auquel 
nous avons récemment fût allusion. 

Extrait d'un mémoire anonyme sur les commencements 
de la colonie française établie à nie de la Grenade, ce do- 
cument est un éloge nécrologique de Jacques du Parquet. 
Notre récit n'aurait aucun profit à reléguer la citation que 
Ton va lire à l'époque de la mort du premier gouverneur 
de la Martinique. G^est au contraire un avantage d*apprendre 
dès maintenant d'une personne qui Ta connu*ce que Ton doit 
penser de cet homme remarquable. Avec ce portrait présent 
au souvenir, on sera mieux disposé, ce semble, à pardonner 
à du Parquet les fautes que l'humaine faiblesse lui fit corn- 
mettre par instants. 

c II estoit dans les affaires subtil à les desbrouiller, prompt 
à les résoudre, entier dans ses jugemens et prudent en sas 
conseils. On admiroit la majesté qui le distlnguoit dans son 
port, une rencontre agréable en son visage, une affabilité 
charmante en ses discours, une honnesteté non pareille dans 
ses entretiens, une civilité merveilleuse dans ses accueils et 
uneaccortise grandement agréable dans les compagnies. 

• Encore estoit*il humble parmi tant de traverses et de 
fortes contradictions, patient dans ses maladies, sans que 
leur longueur affaiblit son courage. Enfin il estoit exposé à 
tous venants et tous venants s'en retoumoient avec toutes les 
satisfactions possibles. 

« Quoyque sa qualité le relevast hautement par dessus 
tout le monde, sa douceur toutefois le rendoit familier et 
sociable à tous ceux qui avoient besoin de son ayde, tant aux 
plus chestifs engagez qu'aux personnes les plus considéra- 
bles. Jamais il ne refusoit d'esoouter leurs plaintes. Il les 
entendoit avec une patience indicible et, comme un sage 
médecin, il ordonnoit aux maux les remèdes que sa prudence 

' ProbUblenient 1« mÎMionnûre Denis Matbtad* aumAniar éê d« Paviaett 
qu'il ATait accompagné plnsieurs fois à la ONsada. 



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I 



76 FRANÇOIS DB GOLLÂST 



jugeoit nécessaires» si bien que, pour ses bons advis, il 
recevoit les bénédictions de leur bouche*. » 

Tout ce que nous savons par ailleurs de Jacques Dyel do 
Parquet confirme ce jugement porté sur lui. Les réserves 
que nous pourrions faire. . . le lecteur les fera lui-même par 
la suite. 



vm. 



A l'origine de nos établissements d*outre-mer» les pouvoirs 
mal définis confiés aux gouverneurs, favorisant la tendance 
qu'ils avaient communément à exagérer l'imporlanliîe de 
leur emploi et celle de leur personnalité, les menaient au des- 
potisme le mieux caractérisé. De Poincy à Saint-Christophe, 
Houei à la Guadeloupe, Levasseur à la Tortue, devinrent peu 
^ à peu de redoutables tyrans. Sous leur main de fer, la popu- 

lation de ces lies eut à souffrir mille injustices, mille cruautés. 
La plupart de leurs officiers et employés n'échappèrent pas 
non plus à ce régime de terreur. Nous aurons Toccçision de 
voir du reste avec quel dédain le premier de ces orgueilleux 
fonctionnaires traita plus d'une fois les ordres de l'autorité 
supérieure. 

Du Parquet lui-même, charmant despote, ne fut pas sans 
encourir quelques reproches à cet égard ; non qu'il opprimât 
ses administrés, loin de là; mais parce que, sous l'influence 
d'une bonté paternelle excessive, il se laissait allerli soutenir 
leurs caprices, au détriment du principe d'autorité, que le 
plus grand nombre trouvait insupportable. Cette disposition 
f&cheuse provenait d'un violent esprit de rancune, apporté de 
Saint-Christophe par les anciens habitants, contre la Société 
maritime qui les avait engagés. Le mal avait gagné la majo- 

p ' ' ^ 

t * ArehÎTet colo niâtes, ci cité par M. IIargi7, dans un artiele intîinlé € Leê 

\ SeigneuTê de la Martinique. » Revue maritime et coloniale, lS7t. 



KT LA MAKTmiQUB 77 

rite de nos colons, et leur aversion, poiir ainsi dire instinctivet 
à endurer toute espèce d'employé nommé par la Compagnie, 
cadrait si bien avec la propre répugnance de Jacques du Par- 
quet, qu'il lui était difflcilede vaincre ces deux sentiments res* 
pectifs, entretenus par une mutuelle excitation. 

Ainsi le Conseil de la Compagnie envoie à la Martinique 
un juge et un contrôleur. Du Parquet déclare en les voyant 
arriver qu'il ne veut ni do Tun ni de Tautre. 

« Ma condition, écrit-il à ce sujet au président Fouquet, 
n'est pas de commander à des bourgeois. » Ce qui revient à 
dire : Je suis un chef militaire ;mes colons sont des militaires» 
je ne dois partager mon autorité avec aucun civil. 

Ce n'était guère acceptable. Saint-Christophe et la Guade- 
loupe avaient chacune un juge et un contrôleur. Il est vrai 
que les gouverneurs pouvaient en disposer à leur gré. La 
forme seule (judiciaire ou administrative) incombait à ces 
deux subalternes. On le fit observer à du Parquet, qui ne 
voulut même pas admettre ce tsmpérammenL 

Mais précisons. Un navire de Saint-Malo aborde à la Mar> 
Unique vers le commencement d'août 1630. Parmi les pas- 
sagers de ce navire débarquent Pierre Oaffé, le contrôleur*^ 
et Pierre Chirard, le juge. Au premier, qui n'avait pas tenu 
3a promesse d'amener un charpentier et un menuisier, si 
nécessaires dans l'Ile, du Parquet cherche querelle pour ce 
motif ; il le consigne à bord et enjoint au capitaine de le re- 
conduire en France. 

Quant au second, avocat en parlement, et d'ailleurs 
homme d'une certaine valeur, du Parquet ne s'en débarrasse 
pas aussi aisément. Chirard, sa commission à la main, fait 
valoir son droit en termes juridiques... Il appelle de l'autorité 
du gouverneur particulier à celle du Gouverneur général et 

« L*emploi de contrAleur consistait à TÎsiter, à faira pessr et à maïqutr 
les marchandises (tabac, coton, etc.) avant de les laisser sortir do llle, nia 
qne les négociants ne fussent pas trompés sur le poids et la qualité do oo 
qui leur était Utré. 



78 F1UMC0I8 DE OOfilAUT 

se tient ferme sur ce terrain où son adversaire se sent glis- 
ser. Toutefois sembler craindre la décision da Oouvemenr 
général était indigne de Jacques du Parquet II n'hésite 
pas ; il demande une barque , la fait équiper à ses frais 
et met à la voile pour Saint-Christophe avec le juge. 
Jacques dut convenir que son compagnon de voyage, qu'il 
eut le temps d'apprécier pendant la traversée, était parfaite- 
tement estimable*. N'importe! La colonie ne voulait pas 
de Ghirard. Son représentant devait lutter pour lui obtenir 
le renvoi du juge. 

« Ce qui m'a fait venir icy exprès pour voir monseigneur 
le général — dit notre gouverneur ému en présentant 
Ghirard -* est de sçavoir sa résolution, et, si il désire qu'il y 
ayt un juge à la Martinique, qu'il me donne mon congé de 
me retirer en France I » 

Cétait risquer le tout pour le tout. 

Rien ne peint mieu^ Tancien capitaine an régiment de 

Picardie que cet entrain à mionter à Tassant d'une difficulté, 

comme d*un fort à prendre à la tête de sa troupe, dix ou 
douze ans auparavant. Voilà bien l'homme un peu téméraire 
et de premier mouvement que nous verrons encore; 

Sa phrase d'introduction prononcée, du Parquet explique 
à de Poincy que la manière dont le premier juge établi à la 
Martinique s'est conduit envers les habitants les a tellement 
rebutés qu'ils ne veulent reconnaître dans cette charge que 
le gouverneur lui-même. 

« M. de Poincy, autant politique et adroit qoe M. du Par- 
quet estoit franc et généreux, fit tout ce qu'il put pour le 
contenter de paroles et l'obliger à recevoir ce juge. Mais 
voyant qu'il estoit inflexible, il fit commandement au sieur 
[ Ghirard, de la part du Roy, d'exercer cette charge. » 

(Duterlre). 

Gela entendu, de Poincy refuse de prendre au sérieux la 



* Trois moii plot tard, du Parquet ratsoeia à la p r emiè r e cgiftnraioa qaUl 
St k bi Daniuiiqae. 



ET LA MARTINIQUB 



79 



démission que lui offre si bravement du Parquet et celui-ci^ 
vaincu, pour ainsi dire, par la modération du Commandeur, 
termine l'entretien avec autant de calme qu*il lui est possible 
d'en conserver en telle occurrence. 

Disons de suite, pour terminer cet incident, que le gou- 
verneur de la Martinique dut retourner dans son lie avec 
Chirard et le faire reconnattre (4 septembre 1639) « à la teste 
des compagnies. Mais, voyant que le peuple estoit résolu de 
périr plutôt que de recevoir ce juge, M. du Parquet souffrit 
que le sieur de la Vallée s'y opposast (par une protestation 
écrite) au nom de tous les habitans. Néantmoins, pour le 
respect qu'ils portoient à leur cher gouverneur, » ils con- 
sentirent à ce que le juge achevftt un procès criminel pendant 
à la Martinique depuis plusieurs mois. « Après quoy, ils 
luy firent tant de pièces (à Chirard) » qu'il se vit forcé de 
sortir de l'Ile, au commencement de 1640. De retour en France, 
Chirard sollicita le remboursement des dépenses à lui 
causées par son déplacement. La Compagnie engagea du 
Parquet à lui donner satisfaction. 

Evidemment le gouverneur et la colonie s*étaient mis dans 
leur tort. L'administration métropolitaine ne leur dissimula 
pas son mécontentement. Cependant la Compagnie, dirigée 
par un louable esprit de prudence, patienta, puis transigea. 
Tenant compte des raisons exposées dans la supplique 
adressée au président Fouquet par le capitaine de la Vallée, 
au nom des habitants, et faisant d'ailleurs grand cas de 
Jacques du Parquet, elle le nomma sénéchal de la Martinique. 
Il ne voulait pas déjuge ; elle l'institua juge lui-même. 

Cette double fonction, de gouverneur et de chef de la justice 
(non sans inconvénients exercée par une seule main) valûen* 
tôt lui profiter abusivement dans une affaire personnelle. 
Mais, par un singulier enchaînement de circonstances, les 
suites mômes de cet abus de pouvoir feront, en quelque 
sorte, le salut de la colonie, que va frapper la pire des infor^ 
tunes : l'anarchie. 









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80 fHANÇOIS Dl OOLLARt 



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Il y a donc intérêt dès maintenant à prier le lecteur de ne 
pas oublier Tincident relatif au Juge et au contrôleur re- 
poussés par les habitants. Ce premier succès remporté sur le 
principe d*autoiité fut comme un germe de résistance qui 
s'est perpétué dans nie. Avec nombre d'excellentes qualités 
déjà connues, les descendants coloniaux des Normands opi- 
ni&tres et des Picards obstinés se sont transmis, de génération 
en génération^un fort penchant, assurément très naturel, à ne 
jamais faire que ce qu'ils veulenL Ce qu'ils veulent est sou- ^ 
vent bon, parfois critiquable. Au surplus, la vivace obstina- 
tion martiniquaise n'a jamais cessé de s'affirmer dans l'amour 
du pays. La Martinique aime la France, ainsi que la colonie 
d'origine aimait du Parquet, en frondant ses ordres, mais en 
lui restant passionnément fidèle*. 



IX 



Pendant qu'il était à Saint-Christophe, du Parquet avait 
adressé, le 19 août 1039, une longue lettre au président 
Pouquct (avec lequel il se dit en correspondance). Cette mis- 
sive, écrite au courant de la plume (du moins il le semble 
bien) est la seule complète, et signée, que nous possédions 
du premier gouverneur de la Martinique. Elle ajoute à ce 
que l'on connatt déjà sur les commencements de la colonie. 
Le style en est décousu, sans liaison aucune, mais vif, ner- 
veux, portant surtout l'empreinte de la sincérité j^ c Je vous 
prie d'excuser si je parle avec tant de liberté. Mais, ayant 
croyance que vous n'aymez que la vérité et les choses 
nalfves, je parle de la sorte ne pouvant Oatter ceux que je 
connois estre de vostre mérite, à qui rien ne doit estre celé. • 

* Oa !• voit assez aajoard*hai par 1m idées d*assimilaUoa qai se soat pro- 
pagées aux Antilles françaises dans ces derniers temps. La Martinique et la 
Quadeloape ambitionnent d'être rangées (an moins nominalement) pam^i les 
départements de la Métropole... Poor elles* la distance a été supprimée par 
les communications rapides de tonte eepèoo. 



L^ 



BT LA MARTimOUS 



81 



Il ressort, en premier lieu, de ce document, que du Par- 
quet et son oncle ont avancé, de leur propre bien, plus de 
dix-huit mille livres d'argent, pour rétablissement delà 
Martinique. Des reçus recueillis auprès des personnes à qui 
il a été Tait divers paiements decechef^ont été envoyés en 
France, jusqu'à concurrence de six mille livres. Du Parquet 
demande instamment à être remboursé de cette somme. Le 
sieur de Lespérance, ancien intendant de son oncle (et main- 
tenant le sien) continue à 'rassembler les acquits pour le 
reste de ce qu'ils ont avancé. 

Puis, du. Parquet effleure à la fois tant de sujets différents 
que nous devons nous borner à les indiquer sommairement, 
en retranchant les mots inutiles. C'est une traduction sous 
forme quasi-télégraphique : • 

c Reçu vos trois lettres. Trézel est arrivé; on espère qu'il 
pourra faire du sucre. Personne ici n'est capable d'entre- 
prendre des fortifications : que la Compagnie (qui ne veut 
rien dépenser) se rassure là-dessus ! La permission, donnée 
aux habitants des autres ties, de venir s'établir à la Marti- 
nique, me fait espérer beaucoup de monde. Les artisans an- 
noncés, et leurs femmes, seront les bienvenus. Impossible 
de faire un hôpital, cependant bien nécessaire ; on est trop 
pauvre. La Compagnie m'ordonne de commencer une ville ; 
je m'empresserai d'obéir dès qu'elle m'aura muni d'ouvriers 
de toute sorte, avec leurs outils. Le sieur Boulon, envoyé ici 
par mon oncle, est le premier chirurgien de la Martinique ; 
on est très content de lui. On lui doit six mille livres de tabac. 
Il faut les lui payer. La Compagnie vient de me fournir un 
second chirurgien ; c'est bien; je Tai placé .en bon endroit 
On me défend d'aller à Saint-Christophe : « Je promets, si Dieu 
me fait la grftce de rester à la Martinique, de n*en plus sortir, 
appréhendant qu'U n*arrive quelque eho$e en mon absence. • 
Pas de nouvelles des Espagnols. Reçu de la poudre, de la 
mèche et du plomb ; mais en si petite quantité ! Le magasin 
construit pour la Compagnie est couvert en feuilles, à la mode 
CoLULRT(250) 7 



M 



S2 . FRANÇOIS DB GOLLART 

da pays. Inutile de bfltir un magasin d*armes, il n'y aurait 
rien à mettre dedans. Pas de navires français venant assister 
111e, si ce n'est un navire de Saint-Malo, resté quinze jours. 
Il vient de repartir sans qu'on ait pu le charger de tabac. Les 
sauvsges ont tué un Français. On vit quand même en bonne 
intelligence avec eux ; journellement on les rencontre parmi 
nous, etc. > 

Telle est en raccourci la lettre de du Parquet. Elle donne 
une idée parfaite de la colonie à ses débuts et aussi de la 
manière indirecte dont le normand de Cailleville en Uaux 
savait tout demander, sans paraître y tenir beaucoup. C'était, 
de ce temps-li, le meilleur moyen d'obtenir. • • • Sa promesse 
de ne plus sortir de la Martinique si Dieu lui fait la grftce 
d'y rester, appréhendant etc., est, ce semble^ du normandisme 
le plus pur, surtout après ce qui vient de se passer dans 
l'affaire Chirard* • • . Et le magasin d'armes où il n'y aurait 
rien à mettre !•••• Est-il possible de mieux demander des 
armesT.«.« 

Maintenant, comme espace habité et comme localités, à 
l'époque où vit notre récit, qu'on se figure en somme une* 
large bande de terrain s*étendant sur la cdte depuis le quar- 
tier du Fort-Royal jusqu'à celui du Prêcheur, qui doit son 
nom à un groupe de roches s'élevant de la mer, en vue de ce 
quartier, et représentant un prédicateur en chaire ; faisant, 
suite au Prêcheur, Saint-Pierre, ayant déjà l'apparence d'une 
bourgade, autour d'une citadelle et d'une église ; puis le Car^ 
bet, village caraïbe délaissé par les sauvages» composé d'une 
enfilade d'abris communs faits en branchages et soutenus 
par des fourches ; un carbet, mot du pays, a la forme d'une 
halle, ou approchant ; puis, la Case-Pilote, dite ainsi parce 
qu'un indigène servant de guide à travers les passes pour 
pénétrer en pirogue ou en bateau dans les baies, a sa case 
en cet endroit ; et, de distance en distance^ des « habiiuii* », 

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V 

* Habitatîottt nea?«UM. 



n LA MARTINIQUE 88 

en partie défrichés, que signalent au loin de rustiques mai- 
sonnettes i toitures bombées, couvertes, soit en feuilles de 
palmier, soit en roseaux tressés, où grimpent, à la longue, 
des lianes, où végètent de petites plantes grasses à corolles 
écarlates et d*où surgit parfois la tète rousse d*un serpent, 
qui vient dans ce fouiilis chercher une proie facile parmi les 
nids gazouillants'.. 

Les demeures des habitants « bien accommodés » sont à 
un étage contenant les chambres à coucher. Le res-de- 
chaussée^ pavé en briques, comprend une salle à manger et 
d'autres pièces servant à garder les provisions de bouche. 
La cuisine, séparée ^du bâtiment prii\pipal, pour éviter tout 
danger d'incendie, est modelée en terre argileuse, d'abord 
consolidée par la chaleur solaire et cuite ensuite à Tintérienr 
par un feu de bois poussé progressivement. Le toit hémis- 
phérique est percé d'une ouverture i trappe par où s'échappe 
la fumée. . 

En prenant pour type l'établissement CioUart, nous voyons 
que l'ensemble de toute habitation coloniale un peu impor- 
tante, avec ses groupes de huttes, où logent les serviteurs 
et les engagés, offre Taspect d'un hameau, que le voisinage 
de grands arbres égayé et garantit des ardeurs du soleil. Si 
l'on ajoute à cette proximité rafraîchissante celle d'une ri- 
vière où se puise l'eau pure nécessaire à l'existence» on doit 
convenir que nos colons, tant qu'ils ne manquent pas de 
vivres, sont loin d'être à plaindre à la Martinique avec du 
Parquet et n'ont pas été mal inspirés en quittant le sol de 
leurs provinces, incessamment ravagé par les armées de 
mercenaires. •• 

La présence des sauvages fin puris naiuralibm^ comme dit 
le P. Mesland) imprime à ce tableau une couleur locale 
intense, que les habitants n'apprécient guère autour des ha^ 

* « Un gentilhomme, digne de foi, m*a dit que, dînant nveo un pfétM de 
riele, il en tomha un (serpent) du haut de la eaee au milieu du platt qui 
••toit sur la table. Mais tout cela n*arriTe qae très rarement. » (Dntertre) 






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84 



FRANCO» D« OOLLAIIT 



bitations, et, si Ton n*eût pas tiré quelqas avantage de leurs 
pérégrinations intéressées» si du Parquet n*eût pas dé- 
fendu» sous des peines sévères» de maltraiter les indigènes, 
on se fût appliqué i les éloigner d*une façon plus ou moins 
énergique. Mais nous n'avons pas à ramener en ce moment 
l'attention sur le peuple caralt>e» pour lequel, à tort ou à rai- 
son» on ne conçut aux Antilles qu'une sympathie passagère. 

L'administration métropolitaine s'était flattée d'obtenir fa- 
cilement la conversion des sauvages. Deux prêtres séculiers 
avaient été envoyés à la Martinique au capitaine de la Vallée» 
en vue d'y pourvoir. Hs étaient si peu faits pour cet apostolat» 
d'un caractère tout spécial» que du Parquet les renvoya en 
France à la fln de 1630» en exprimant le vœu qu'ils fussent 
remplacés par deux Pères dominicains. 

Contrairement à ce désir» le président Pouquet recourut à 
la société de Jésus» qui lui fournit volontiers deux religieux 
et un frère coadjuteur. La Martinique les vit arriver le jour 
du vendredi saint de l'année 1040. Du Parquet contrarié les^ 
reçut froidement. La colonie ne leur flt pas meilleur accueil. 
Mais les RR. PP. s'y prirent avec tant d'adresse qu'ils surent, 
en peu de jours» gagner l'affection des Martiniquais. € Le 
P. Bouton» le supérieur» était homme de mérite et excellent 
prédicateur. • LeP. Hampteau se rendit plus tard utile et 
agréable dans une conjecture fort intéressante pour le gou- 
verneur. Du Parquet leur concéda sans délai, et flt défricher 
pour eux, un terrain contigu à celui de l'habitation Baillardel. 
Il pourvut avec le même empressement à la construction 
d'une maison aussi bien arrangée, pour les recevoir» que les 
ressources le permettaient. 

Les deux jésuites et leur compagnon étaient venus à la 
Martinique peu de temps après le passage de Dutertre envoyé 
comme missionnaire à la Guadeloupe. C'est durant son court 
séjour à la Martinique que ce religieux connut et apprécia 
d'abord du Parquet» et» lorsqu'il vint en 1060 exercer son ^mi- 
nistère à la cure du Prêcheur» leurs relations non inter- 



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KT LA MARnmQUS 86 

rompues se resserrèrent étroitement Le gonvemeur et le 
dominicain conçurent dès lors Tun pour Tautrcf une affection 
des plus vives. Ce sentiment réciproque — que la mort seule 
éteignit — ne fut pas sans influence sur le projet que forma 
Dutertre de commencer l'histoire des Antilles. Il était obser» 
valeur, causeur, collectionneur de cartes géographiques, de. 
dessins, de lettres et de mémoires, grand preneur de notes. 
Que faut-il de plus à un écrivain quelconque, avec un bon 
jugement, pour devenir un historien véridique, sinon parfait? 
L'histoire naturelle des lies d'Amérique ayant pris une grande 
part dans son ouvrage, Dutertre fut surtout recherché par 
les naturalistes, qui, jusqu'à lui, n'aviûent aucun renseigne- 
ment sur la faune et la flore de ces pays du Nouveau-Monde. 

Cependant la Compagnie n'avait pas renoncé à placer 
auprès de du Parquet un représentant de 9es intérêts com- 
merciaux. Le 6 février 1641, elle institua une charge de 
« Commis général de la Martinique ». Un sieur Jaeqnes Le 
Chesneau de Saint-André fut choisi par le Président Fouqnêt 
pour occuper cet emploi. Parmi les instructions écrites re^ 
mises à ce fonctionnaire nous trouvons celle-ci : « Le dit sieur 
de Saint-André verra si l'habitation des Pères Jésuites se 
peut accroître facilement, parce qu'ils disent qu'elle est trop 
petite ou bien demandent que Ton leur eschange avec celle 
de Baillardel ; s'informera combien le dit Baillardel demande 
pour vendre la dite habitation. » 

Aux premiers mois de 1642, époque à laquelle M. de Saint- 
André vint prendre possession de son poste à Saint-Pierre,, 
l'habitation Baillardel, fondée en ce quartier, avait déjà plus 
de trois ans d'existence ; celle des Jésuites, établie à côté, sur 
les bords de la même rivière, qui (nous l'avons dit) prit le nom 
de « la Rivière des Pères », datait à peine de deux années. 
E31e était bien inférieure à sa voisine. L'échange était difBdlè. 
Baillardel préféra vendre et choisir un autre lieu d'établisse- 
ment. Il arrêta son choix sur les boi-ds de la baie di| sud qui 
prit dès lors le nom de « Gul-de-sac du Marin. » L'habitation 



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86 PRAMÇOIS DK GOLLART 

s'étendit à l'endroit marqué sur la carte de Dutertre : « Gar- 
bet du capitaine Pilote. » Plus tard, dans le voisinage (vers 
1650)» les Jésuites eurent aussi une habitation. L'avantage 
pour notre capitaine était qu'il pouvait ancrer son navire eb 
toute sûreté dans cette baie. Un îlot qui s*y trouve à peu près 
au centre, et qu*une carte manuscrite de 1050 appelle « Ilot 
des Baillardelles, » devait servir de point d'attache à ce bâti- 
ment. Le bourg, qui eut, en ce lieu de la Martinique» Baillar- 
del pour premier habitant, s'appela « le quartier du Marin » 
nom local conservé jusqu'à nos jours : c*est un souvenir à 
noter. 



La femme eut aux Antilles une part notable dans les évé- 
nements. Son action s'est fait sentir aux colonies françaises 
comme ailleurs, tantôt en bien, tantôt dans le sens contraire. 

A Torigine, des unions, môme légitimes, se produisirent 
entre Taméricaine, fille du sol, et l'européen de condition 
modeste*. Avec le temps, il eût été possible (ceci est un en- 
seignement pour nos colonies nouvelles en Afrique et en 
Extrême-Orient) de former une nation européo-caralbe, si 
l'Européen avait su vaincre par la douceur et les bons procé- 
dés, l'opposition de l'homme indigène, très vive à cet égard. 
On eût ainsi évité bien des luttes sanglantes. 

Les caraïbesses (que le P. Dutertre, parfois_très naïf, 
décrit aussi avantageusement qu'il pouvait se le permettre) 
attirèrent les premiers colons .français par le seul effet de 
leur présence. Par malheur, il y eut, dit un auteur colonial, 
plus d'un Enlèvement des SaKnes. Les guerres avec les sau- 
vages furent suscitées par ces violences ; ce qui peut 
compter parmi les événements les plus fâcheux. 

s. 

< Rien ii*affermii plut une conquête que l'union qui te lait des d»^% 
peuplât pnr lee mariages, » a dit Montesquieu dans son E^prii dei Lois» 

'\ ■ 






BT LA MARTINIQUV 87 * 

Mais ce n'est pas exclusivement à ce ^enre de femmes 
que nous songeons en pensant à TinOuence féminine qui se 
fit sentir aux Antilles. Nous voulons parler de femmes fran- 
çaises d'une certaine distinction, qui, par leur courage» se 
firent une célébrité locale, ou, par leur esprit d*intrigue,ame* 
nèrent de grands troubles dans la société de ces colonies. 
Citons notamment, pour Saint-Christophe, M"* de Lagr&ng6» 
femme du gouverneur particulier de cette lie, qui (nous lé 
verrons) se compromit gravement — elle et son mari — piar 
une lutte impolitique contre M. de Poincy (1639) ; et pour 1a 
Guadeloupe, la fameuse de Lafayolle, envoyée de France, 
par la Compagnie, avec douze filles de l'hôpital Saint-Joseph 
de Paris, qu'on Tavait chargée de marier (1643). Elle remplit 
sa mission en péchant dans un filet d'intrigues, pour ses 
douze pensionnaires, douze maris qui servirent dMnstruments 
à ses étranges projets de domination. Aussi bien l'une que 
l'autre, ces dames passèrent aux dites lies comme des fléaux. 
L'administration fut obligée de les renvoyer en France pour 
se débarrasser de leur action funeste* 

La Martinique eut aussi son héroïne. Mais le rôle qu'elle 
y joua tourna parfaitement à l'avantage de la colonie. La 
destinée de cette femme bien douée peut être comparée — 
si parva licet componere magnis — à celle de M"* de Main- 
tenon (qu'elle connut d'ailleurs enfant à la Martinique). 
Comme celle-ci, unie d'abord à un époux qui ne fut pasfd'après 
les documents) un vrai mari^ elle atteignit, par un second 
mariage, à une situation relativement élevée, avec cette dif- 
férence* que l'intéressante personne à laquelle nous faisons 
allusion n'était pas veuve ; ce qui jeta (justement, paraît-il) 
uni certain ridicule sur le premier conjoint, ainsi que le lec- 
teur sera mis à même de s'en rendre compte au moment 
opportun. 

On peuC se demander, en attendant, comment il se fit que ' 
du Parquet, si mal accueillant pour le pauvre Chirard^ ne se 
montra pas hostile au nouveau commis général de la Corn- 



? 



■I 



PRANCOIS Dl GOtLART 



pa^^nie. La réponse est fadle. M. de Saint-André n'était pas 
arrivé seul à la Martinique. Il venait de se marier avant son 
départ, et sa jeune femme raccompagnait Marie Bonnard^ 

« 

parisienile de naissance, possédait avec sa jeunesse un en* 
semble de qualités auquel du Parquet ne fut pas insensible. 
Tel est le secret du bon accueil que reçut tout d'abord» à la 
Martinique, le commis général de la Compagnie, bien que 
fonctionnaire essentiellement civil. 

Un renseignement* ayant sans doute un lien avec ce que 
nous venons d'indiquer, vient se ranger ici dans Tordre des 
dates. Peu après Tinstallation de M. et M** de Saint-André à 
Saint-Pierre, du Parquet prit ses dispositions pour se rap- 
procher du berceau de la colonie. Il se fit construire, à deux 
lieues environ, une habitation de plaisance dans la bottcle 
(petite lie) que forme à son embouchure la Rivière du Caràet. 
L'endroit où s'éleva cette nouvelle demeure se trouvait aussi 
bien à Tabri d'une invasion de sauvages que le Fort-Royal ; 
ce à quoi tenait beaucoup du Parquet, dans rinti3rét commun. 
Avait-il le pressentiment qu'un jour ces insulaires devien- 
draient redoutables pour la colonie ?•• • 

C'est dans le même temps que le Carbet, érigé eu paroisse 
sous le vocable de Saint-Jacques (patron du gouverneur), fut 
nommé plaisamment par les colons: « le quartier deMonsieur.» 

Mais ce n'était là encore qu'un pied à terre. Du Parquet 
avait déjà résolu de se fixer définitivement à Saint-Pierre. 
Une fois installé au Carbet (sans abandonner tout à fait le 
Fort-Royal) il ne tarda pas à jeter les fondements de la belle 
habitation qui devint, avec les années, une résidence somp- 
tueuse, vraiment digne du chef de la colonie. Située à moins 
d'une lieue du fort Saint-Pieire, sur le plateau d'un morne 
élevé, bfttie en pierres de taille, la maison magistrale, fondée 
par Jacques du Parquet, fut construite entre deux cours. Elle 
eut un corps-de-garde, une chapelle, des communs et, en 
avant — défendus par des canons — deux pavillons où la 
garde fut montée constamment, comme aux abords d'un 



KT LA liARTlNlQUB 89 

ch&teau féodal ; le tout bien distribué sur un asses grand 
espace entouré d*un bon mur. 

Cependant, quand elle fut terminée, cette demeure sei- 
gneuriale, environnée de bouquets de verdure, n*eut rien 
de rébarbatif, si Ton peut dire. Son aspect avenant, comme 
le naturel de celui qui Thabita. attirait beaucoup plus qu'il 
n*imposait. Par un concours volontaire empressé, tous les 
artisans de la colonie prêtèrent la main à Tembellissement 
de la maison commune, en quelque sorte, et si du Parquet 
y fit de grandes dépenses, elles lui furent largement rem- 
boursées par le plaisir qu'il éprouva à la voir s'élever et, 
plus encore, à Toccuper avec sa famille. 

C'est dire que la Martinique faisait de rapides progrès.. Po- * 
pulation, culture, industrie, commerce, tout s'augmentait à 
vue d'œil, et l'aisance, aurore d'une prospérité qui brilleraitt 
un jour prochain, d'un éclat inespéré, commençait à laisser 
entrevoir ses premières lueurs. Il est vrai que, jusqu'à 
prédent, le caractère des colons ne s'adoucissait pas sensi- 
blement. N'était la grande affoction vouée à « leur cher gou- 
verneur » — qui savait les prendre à la faveur d'une douce . 
familidrité — ces rudes travailleurs eussent volontiers changé 
de maître, tel on change de vêtement, quand on le sent trop 
lourd ou trop léger. . ^ 

En général, ils s'inquiétaient peu de ce qui se passaiien 
dehors de l'Ile. Surent ils, qu'en mars 1642, Richelieu donna 
un dernier gage d'intérêt paternel à la Compagnie des lies 
dWmérique en faisant approuver par le Roi un contrat qui 
étendait à rinfini le champ d'action de ladite Compagnie et 
les avantages à elle accordées par l'acte de 1635 ? Apprirent- 
ils que le Cardinal était mort à la fin de 1642 et Louis XIII, 
au commencement de l'année suivante? Se demandèrent-ils ^ 
quel contre-coup pourrait avoir chez eux le changement.de • 
gouvernement survenu dans la métropole? C'est douteux, 
au moins pour le gros de la population. Il fallait vivre et 
s'enrichir.U fallait résister^ autant que possible, aux exigences 



X 



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I • 



90 FRANÇOIS DB GOLLART 

léonines de la Compagnie» tendant i rendre presque nuls 
les bénéfices à eux procurés par une culture unique : celle 
du tabac. Longtemps encore elle serait leur seule ressource. 
Déjà moins rémunérateur — la consommation en Europe ne 
répondant plus h la production en Amérique — le peiuri me- 
naçait de s'avilir, au point que de Poincy voulut en sus- 
pendre la culture p^'udant dix-huit mois, afin d'éviter la 
chute des prix marchands. Maib la Martinique dut à la su* 
périorité bien connue de son tabac de pouvoir soutenir vic- 
torieusement la concurrence. 

On n*avait donc pas de temps à perdre. Aussi, venant du 
d. hors, tout ce qui aurait pu détourner nos colons de leur 
travail était indifférent au plus grand nombre; venant de 
riiitiTieRr, I entrave les exaspérait. Briser Tobstacle deve- 
nait alors pour eux Tobjet d'un entraînement immodéré. •• 



XI 



Pour faire comprendre d'oîi partirent les troubles qui dé- 
solèrent à la fois la Martinique, la Guadeloupe et Saint- 
Christophe, à l'époque où nous sommes, nous devons revenir 
un pou en arrière. 

Comme il a été dit, le capitaine du Halde, successeur de 
d'Esiiambuc, ne pouvant conserver soc emploi pour raison 
de sauté, iivaildenaniJé inslammenl son rappel en France. 
Au moment ott la Compagnie lui cherchait partout un rem- 
plaçiut, un si( ur Fronienteau de Lagrange, instruit de cette 
recherche, sollicita la lieutenance des lies. Il fut agréé et le 
président Fouquet lui assura par letire que sa nomination 
allait être présent(^e à la signature du Roi. 

m 

Mais lorsque Lagrange eut appris que la Compagnie ne 
fai^ait pas d'avances et c« Iculé ce qui lui serait indispensable 
pour bubvnnir aux frais de son \oyage et de son installai ion, 
il senlitsa faiblesse; ses ressources pécuniaires ne lui f!>er- 
metlaient pas de satisfaire à tant d'exigences. Lagrange 



• m 



BT LA MARTINIQUB 91 

était marié. « Sa femmi^, brelonne dé nation, douée d'un 
bel e<^prit, mais fort ailier H remuant », lui consi illa de ne 
viser qu*à la place de gouverneur particulier et décéder celle 
de Gouverneur général à un personnage qui lui procurerait 
la somme dont il avait bi*soin pour aller s'établir h Saint- 
Christophe. L'avenir ferait le reste. Cette idée eût été irrépro- 
chable si le sentiment de réi^ignation qui la faisait naître avait 
été sincère. Il ne Tétait pas. De là vinrent tous les malheurs. 
La grange accepta cette combinaison. Un parent de sa femme, 
un sieur de Quérolan/ un Breton» qui devait être associé à 
ses projets, se chargea de faire les démarches nécessaires 
pour découvrir un Gouverneur général complaisant * 

L«^ lecteur sait déjà que ce personnage est M. de Poincy. 
Ce chef d'escadre, homme de naissance illustre' « l*une des 

• D*aprèt les doenments coloniaux ; mais ce Dom doit s'écrire Kerroiand. 

* I^ fimiille de M. de Poincy étant passé * à Saint-Christ^pba avae lui, et, 
après lui. à la Martinique, il est nécessaire que nous en donnions i^ le- 
d^tail. Jean de Longvilliprs, de la seif^neurie du même nom (à deux lienéi dé 
Montreuii sur^Mer). flle fie Oilles de LongTilli«*rs {ce nom s*4rst altéré «■ 
Lonvifliers) sei^ncor d*Armenencourt, fonda la sei|rneurie de Poincj fsB 
Brie.. près Meauz.)Son fils Jean II. capitaine de la compagnie Prai»lin, épousa 
le 18 novembre 15ft6, Sophie de Chois^'ul, fille du cheTsIier de Choiseul sm* 
gneur de Montr«*nil, et de Marguerite de Lescoux. De ce mariage, trois «s** 
fants : I. Charlotte de Longvilliera, née vers 1S70. mariée à Aaet-en-Bfi^, le 
h m-<i IbOf, a?ec Mfssire Florimond des Vergers de Sannois (run d«t âsean- 
dsnts de Timpératrice Joséphine), dont 1«* fils vint à Saint-Thristophe a e#t 
M. de Poincy; II. Christophe de Long?illit;rs de Poincy, né an fft«6, marié "A 
1608 sTec Biarie-Catherine de Joigny — mort à Puincy, v^rs I6S6 (après If 
ans de services militaires) laissant cinq enfants .* 1* Philippe de LongTiUian 
de Poincy, gouverneur particulier de Saint-Christophe» marié dans Hlo i>vao 
Anne-Marie de Rossignol, fille du capitaine Claude de Rossignol. Tua doa 
plus riches habitants; ?• Robert de Longvilliers de Poincy, gouverneur de 
rile Saint-Martin, marié à Saint-Cnristophe, le M août 1649, av<^ Ht-aée 
Giraud, fille de Antoine Giraud« premier capitaine de Saint-Christophe (de e 
Giraud du Poy<*t, d*Orzon, de Crezol, écuyers (de ti>67). originaires de Nantes; 
3* N. de Longvilliers sieur de Tréval, sans alliance ; 4* Louise, mariée à 
M Roi (*ourpon de la Vcrnade, originaire de Sens, écuyer, capitaine à Saini- 
Christophe ; et &• Henri de Longvilliers. sieur de Bénévent, marié en lébf« à 
Saint-Christophe, avec Catherine de Courpon. 

m. Pailippe de Longvilliers. chevalier seigneur de Poincy, dernier enfmil 
du mariage de Longvilliere-Choiseul, né en r>K4, chef d'escadre, eomman* 
deur de Tordre de Malte, lieutenant général des Iles Antilles, mort à Saial- 
Christophe, le 11 aTril I6II0. sans alliance. i 



P2 



FRANÇOIS DB GOU^ART 



bonnes f6ies de l'Europe », mais de caracl ère. ombrageux, 
venait d*avuîr un démêlé avec un supérieur en grade, très 
bi(*n en cour, hautement prisé de Richelieu, qui lui devait de 
signalés services d«ins la marine, au siège de la Rochelle et 
en diverses occasions glorinuses. Nous avons nommé le car- 
dinal Henri d'Escoublt^au de Sourdis, à la fois vice-amiral 
et arrbevëque de Bordeaux — exemple unique d'un prélat 
conduisant les choses de la guerre maritime avec le génie 
et l'assurance de l'offlcier général consommé dans le métier. 
De Poincy av:ût été mal inspiré de se faire un ennemi d*un 
homme aussi considérablis et, bien que le chef d'escadre fû 
soutenu par le puissant ordre de Malte, dont il était un des 
chevaliers les plus renommés, il venait d'ôlre mis en dispo- 
^ nibilité par retrait d'emploi> suivant les termes usités de nos 
jours. 

m 

De Quérolan, informé de cette disgrâce* en prévint de La- 
grânge et celui-ci alla proposer à de Poincy Tarrangement 
dont nous avons parlé Le Commandeur, « qui avoit l'esprit 
pénétrant », jugea que, dans cette nouvelle situation, il trou- 
verait pour lui et sa nombreuse famille, des avantages suffi- 
sants pour compenser ce qu*il venait do perdre. Bref, de 
Poincy, nommé Gouverneur général, fit avancer à son gou- 
vemoiir piirliculier la somme de quatre mille cinq cents 
livres, à la condition que celui-ci partirait dans un court 
délai, afin de préparer une maison pour le recevoir. Son dé- 
part ne devait d'ailleurs s'effectuer qu'une année environ 
après celui de Lagrange. ^ 

Les deux voyages se firent sans difficultés, le premier, 
d'avril à juin 1638, le second, comme on Ta vu, en janvier et 
février 1639. 

Mais quand de Poincy parvint à Saint-Christophe avec tout 
un monde d'officiers, de soldats, de parents et dé serviteurs, 
il trouva son lieutenant surpris, ne l'attendant pas. Lagrançe 
n'avait arrêté et arrangé d'habilation que pour lui-même. II 
était bien logé dans une demeure confortable, avec sa femme, 



I 

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* 



ET LA MARTINIQUB ,03 

son fils, un nombreux domestique et le sieur de Quérolan 
qui lu! servait d'aide de camp. 

De qu Ile aberration avait été frappée M"* de Lagrange 
qui faisait de son mari ce qu'elle voulait et disposait de tout 
dans la colonie en maîtresse absolue? C'était inconcevable. 
On comprend la colère de M de Poincy, fort peu endurant de' 
sa nature. Un orage de reproches et de menaces éclata publi-. 
quement sur la tête de Lagrange. Ce fui en vain« qu'affolé, il 
odrit son habitation et tout ce qu'il avait; le Commandeur 
« refusa avec mépris >». Enfln de Pqincy demanda où d*B8- 
nambuc résidait quand ih gouvernait Saint -Christophe. On^ 
lui répondit que c'était à la Capesterrè^ à l'autre bout de nie, 
et que le sieur de Lespérance, intendant de MM. de Vau- 
droques et du Parquet frères, avait commission de vendre 
I^s habitations de leur oncle. De Poincy en fit Tacquisition 
sur Theure et partit s'installer à la Capesterre. Ce ne pourrait 
être que provisoire; car la demeure du premier commandant 
de la colonie était d'une simplicité primitive. 

Cependant les capucins de la Basse-Terre, très aimés des ^ 
Français dans l'Ile, étaient parvenus à réconcilier le gou- 
verneur particulier avec M. de Poincy. Mais le malencontreux 
projet que poursuivait M"* de Lagrange, — lequel consistiût 
à dégoûter de Saint-Christophe le Gouverneur général pour 
Pen faire partir, et les sourdes menées qu'elle y employait, 
avec son parent de Quérolan — éloignaient toute chance de 
voir durer cette réconciliation. . • 

Un temps, on parut se calmer ; on se vit; on se fréquenta. 
De Poincy avait pris un pied à terre chez Lagrange. Il allait 
de la Capesterre à la Basse Terre, et vice versa, surveillant, 
écoutant ce qui se faisait et se disait... 11 semblait avoir 
oublié ce qui s'était passé avant son arrivée, bien queoer- 
tains propos, à lui rapportés, l'eussent vivement blessé. Celui- ' 
ci, par exemple : de Lagrange, voyant aborder un navire 
amenant de France des orphelines destinées à être mariées^ 
avait dit : « C'est le sérail de M. de Poincy. • Une affaire^de 



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M FRANÇOIS DE GOLLART. 

prise de nègres dont le tiers seulement, contre toute règle, 
avait été réservé au Gouverneur général, eût été plus grave 
si Lagrange, sentant sa Taute, n'était venu offrir réparation, 
offre que de Poincy repoussa d^ailleurs avec dédain. II s'était 
résolu à patienter. 

Maltieureusement pour le respect dû au principe d'auto- 
rité, si le fpu prit aux têtes ctiaudes dp la colonie* Tétincelle 
leur fut jetée par le Gouverneur général. La passion ne rai- 
sonne pas Un riclie habitant, nommé Bellette, avait sa flUe, 
en France. Il la fit venir à Saint-Christoplie. Elle était d'une 
grande beauté. De Poincy s'en éprit à tel point qu'il trouva 
un prétexte pour la Taire sortir de la maison de son père et la 
placer ctiez M"* de Lagrange. A partir de ce moment les 
visites du (iouverneur général se multiplièrent dans Thabi- 
tation du gouverneur particulier. La colonie s'en amusa, puis 
— soufflée par M** de Lagrange — s'indigna, sans cependant 
que la vertu de M"* Bcllelte eût été compromise. Sa réputa- 
tion seule avait souffert ; et surtout par la faute de M** de 
Lagrange, dont les indiscrétions et les biftmes, liabilement 
calculés, atteignaient l'honneur de cette flile aussi bien que 
la conduite de M. de Poincy. 

Celui-ci, outré de tant de perfldie, ne mit plus de bornes à 
son ressentiment. 11 commença par reléguer de Lagrange et 
sa femme à la Gapesterre et vint s'établir définitivement à la 
Basse-Terre. « Il fit constituer la femme prisonnière entre 
les mains de son niary, luy donnant son logis pour prison. » 
Puis, il ctiassa de Saint-Christophe les amis, les créatures, 
les partisans — jusqu'à l'aumônier — de son rival. Les 
anciens officiers furent cassés ; il en nomma de nouveaux. 
La colonie entière fut bouleversée. • • 

On voit que si le Commandeur avait affaire à forte partie, 
il savait se défendre. Il le fit trop durement par les révoca- 
tions et les expulsions. Mais il lui fallait des places pourjes 
ofllciers de sa suite venus de France. Ses cinq neveux et sa 
nièce Louise restaient à pourvoir et à marier. • . Son dévoue- 



4 



Bt LA. MARTINIQOS 96 

ment pour la famille de son frère Christophe et la fille de sa 
sœur Charlotte était absolu... raisons qui l'excusent ju8qu*à 
un certain point. 

D*un autre côté, se doutant bien {et c'était vrai) que la 
femme de son gouverneur particulier « qui avait bo^ne 
plume» écrivait contre lui au président Fouquet, il agissait 
de même contre elle et son mari ; et, plus d*une fois, partit 
secrètement sur le même navire^ la correspondance conte- 
nant cette polémique androgyne, qui servit plus tard à dé- 
brouiller les fils d'une intrigue jusque-là sans exemple* 

Pour continuer la lutte contre son ennemi, M"' dé Lagrange 
tenta de Tatteindre par le ridicule. Elle composa ou fit com* 
poser et copier par de Quérolan — qui le répandit •— , un 
mauvais» petit poème intitulé : La Nymphe ChrisiopAorme. 
De Poincy, pc&ratt-il, y était bafoué, sans être nommé. Mus 
« la Nymphe », que ce « libelle » faisait parler, était sans 
doute « la fille de Bellette. » L'effet produit dans toute Tlle' 
par cet écrit anonyme a plein d'invectives et d'impostures », 
disait assez que la transparence devait être bien réelle. On 
le colportait même chez nos voisins, où Timprudente M** de 
Lagrange avait été « sans congé » en remettre des exem- 
plaires « à la générale des Anglois », qu'elle connaissait 

De Poincy, exaspéré, ayant reconnu l'écriture du « libelle 
diiïumatoire » pour être celle de Quérolan, le fit poursuivre 
judiciairement. Celui-ci, prévenu à temps, trouva moyen de 
passer chez les Hollandais, à Sâint-Kustaclie. Toutefois, il 
fut jugé, condamné à mort par conluj:iace et décapité en 
effigie. 

Puis ce fut le tour des époux Lagrange ; de Poincy les fit 
juger et condamner (octobre lft39; « comme criminels de 
lèze-majesté, coupables d'intelligences avec les Anglais en 
vue de produire une sédition dans Ja colonie. » Leur bien 
fut confisqué. Ils furent emprisonnés ji la Basse-Terre et 
restèrent onze mois sous les verrous, avec leur fils ftgé de 
huit ans. Après quoi, mis en liberté, on leur insinua de faire 






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FRANÇOIS DE OOLLART 



appel au Conseil de Ttle. . • Leur procès Tut renvoyé « au Roy 
e\ à la Compagnie ». ... Un vaisseau était en rade; ils allaient 
pjurtir pour France, lordqu*une nouvelle accusation portée 
contre eux menaça de leur coûter la vie. Deux de leurs domes- 
tiques, se promenant. Turent trouvés à minuit près du ma- 
gasin à poudre De Poincy implacable les fit torturer (mais 
en vain) pour leur faire avouer qu'ils avaient été envoyés par 
leurs maîtres pour mettre le feu à ce magasin. Malgré l'ina- 
nité reconnue de cetle accusation, le Commandeur ne craignit 
pas d écrire au Président Fouquet qu'il lui eût suffi de l'aveu 
de ces deux hommes pour faire trancher la tète à M. et M"* de 
Lagrange. ... Le même vaisseau, qui emporta la lettre du 
Gouverneur général,' délivra cnBn l'ex-gouverneur particu- 
lier et sa femme de Vhorrible situation dans laquelle ils 
s'étaient engagés (septembre 1640). 

Jusqu'alors, les actes tyranniques de M. de Poincy n'avaient 
amené la mort d'aucun Français. Il n'en fut pas de même 
l'année suivante 

Des Marets, ancien capitaine de milices, il est vrai, bien 
inconsidéré dans ses paroles, avait encouru la haine du 
Gouverneur général au moment de l'affaire Bellette. La 
justice n'ayant pu Tatteindre sur de vagues propos, on pro- 
fita d'une circonstance pour lui tendre un piège. Une fausse 
dépêche dont les termes lésaient l'autorité de M. de Poincy 
courait dans la colonie. Une copie en fut glissée chez des 
Marets et saisie devant témoms par celui qui l'y avait intro- 
duite. Vaines protestations de des Marets qui fut arrêté et 
emprisonné sur l'heure. On avait oublié que ce prétendu 
faussaire ne savait pas écrire. N'importe! De Poincy voulut 
que le juge pass&t outre, et le malheur«^ux fut condamné à 
mort comme criminel au premier chef.... . Sa femme lui 
proinira les moyens de s'échapper. Fureur de M. de Poincy 
qui fit trancher la tête à deux gardes du prisonnier, soup- 
çonnés d'avoir favorisé son évasion. Deux autres gardes^ 
furent immédiatement chassés de Saint-Christophe. La co- 
lonie eut le spectacle de Texécution du fugitif en effigie. 



ET LA liAR'nNIQUS .07' 

A quelque temps de là» des Marets» réclamé violemment 
aux Anglais chez lesquels il s'était réfugié, est livré par eux, 
jugé de nouveau et condamné à mort une seconde fois**». * 
Malgré les supplications de sa femme» malgré les prières 
instantes des capucins de la Basse-Terre» jointes à celles du 
juge lui-même effrayé d'avoir coopéré à tant d'iniquités» 
malgré les larmes de tant le monde enfin, de Poincy reste 
inexorable; le pauvre capitaine est décapité sans pitié. 
(7 septembre 1641). 

Les blessures légères faites à l'orgueil du Commandeur 
— à cause d'une innocente jeune fille — étaient bien croeI« 
lement vengées I ^^i • . 

Le P. Dutertre rend compte du procès sans rien dissi- 
muler des causes qui avaient amené ce terrible dénouemenL 
« M. de Poincy» conclut-il» perdit beaucoup de sa modération 
dans celte rencontre. U se laissa aller à des emportements 
de cholère et de fureur qui ont temy la gloire des belles 
actions qui l'avoient rendu considérable. » 

U n'entre pas dans notre sujet de suivre pas à pas les faits 
et gestes de M. de Poincy. Ce qui précède prépare le lecteur 
suffisamment» ce semble» à voir cet homme sans frein» sans 
scrupules, jouer à Saint-Christophe au Gondé pendant la 
Fronde. Houél» son contemporain» également très actif et 
très habile — mais d'une habileté malfaisante ~ gouverna 
la Guadeloupe tout aussi despotiquement et néanmoins, par 
la force des choses, les dites colonies s'augmentèrent» sous 
le commandement de ces deux impitoyables administrateurs, 
non moins que la Martinique entre les mains paternelles de 
notre brave du Parquet 

Le « cher gouverneur » va devenir» pour un temps, la vio* 
time de sa loyauté aux prises avec des événements qui 
trahiront ses prévisions et son courage ; aux prises aussi 
avec des menées que Houôl et de Poincy pratiquaient mieux 
que personne» pour réussir dans leurs coupables desseins. 

GOLULRT (850) 



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FRANÇOIS DE COLLART 



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Le retour en France de M. et M"^ de Lagrange, la relation 
de ce qu'ils avaient souffert à Saint-Christophe* les plaintes 
venues de cette lie contre M. de Poincy^ restèrent provisoi- 
rement sans effet. La Compagnie ne put se rendre compte 
que longtemps après de !a manière dont son Gouverneur 
général usait de Tautorité. 

Les événements politiques de la fin du règne de Louis XIII, 
h&tés par le génie de Richelieu, sentant approcher le terme 
de son existence, absorbaient tellement Tattention du monde 
officiel dans la Métropole que Ton ne s'occupait guère de ce 
qui se passait aux lies d'Amérique. Toute affaire coloniale 
semblant offrir matière à réflexion, à discussion, était réser» 
vée pour une époque moins troublée. On se contentait de 
satisfaire aux exigences du service courant. Le reste attendait 

Il en fut de même après la mort de Richelieu et celle de 
Louis Xni, dont les suites, comme on sait, agitèrent — à 
cinq mois d'intervalle — différemment, mais beaucoup les 
esprits. Puis, l'enivrement causé à Paris par les victoires de 
Rocroi, de Thion ville, de Sierk, de Carthagène, qui couvrirent 
de lauriers le berceau de Louis XIV (mai-septembre 1643), 
détourna le Conseil des lies de toute autre préoccupation, 
jusqu'aux premiers jours'de 1044. 

Cette fièvre de succès calmée, le bureau de la Compagnie 
reprit l'examen des affaires sommeillant depuis quatre années 
environ. La conduite de M. de Poincy fut alors connue, 
étudiée et jugée. On fut surpris du nombre ei de la gravité 
des plaintes parvenues contre lui. Plusieurs émanaient de 
personnes en qui l'on devait avoir confiance. Le Commandeur 
y était fort malmené. Un intendant général, que la Compagnie 
avait établi à Saint-Christophe pour veiller à ses intérêts siù* 

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BT LA MARTINIQUE . ~ 00 

toutes les lies, ne pouvait s'empêcher^ bien que le faisant en 
termes très mesurés, de laisser entrevoir, dans ses rapports, 
la malignité, Tavidité de M. de Poincy. 

On sut notamment qu'au lieu de notifier sans retard à*qai 
de droit et de publier l'avis du renouvellement de ses pou- 
voirs, accordé en mai 1641, à partir.du 1** janvier 1642, M. de 
Poincy avait gardé le secret de la dépêche, afin d*intriguer 
ses ennemis, de leur faire commettre des imprudences en 
leur donnant à penser qu'il n'était pas maintenu dans sa 
charge^ et pour trouver Toccasion de sévir cruellement ; ce 
qui ne manqua pas d'arriver. 

On sut d'autre part que M. de Poincy faisait acheter et ta- 
vendre, par un intermédiaire à sa dévotion^ la cargaison des 
navires arrivés en rade de Saint-Christophe. Les habitants 
payaient ainsi les marchandises beaucoup plus cher qu'en 
les prenant directement aux capitaines. D'ironiques re- 
proches adressés de temps à autre^ en public, à son . com- 
plice, étaient les seules consolations que M. de Poincy offrait 
aux pauvres colons, murmurant d'être pressurés aussi dure- 
ment. 

On apprit cela et bien d'autres choses encore : les révocflk 
tiens, les proscriptions, les exécutions sommaires... liaReino 
régente, éclairée sur les faits principaux dont M. de Poincy 
s'était rendu coupable, décida (février 1644) que le CSomman- 
deur ne serait pas continué dans son gouvememeat. 

Anne d'Autriche elle-même lui désigna un successeur. Pea 
son vieil écuyer ordinaire, de Patrocles, qui, mêlé dans quelque 
persécution pour ses intérêts, avait été éloigné de la cour 
par Richelieu, puis exilé en Bourgogne où il était mort, avait 
laissé deux fils. L'alné venait d'être pourvu de la charges} 
longtemps exercée par son père. Ce fut le plus jeune que la • 
régente voulut mettre à la place de M. de Poincy. Le protégé 
de la Reine^ appelé Noël de Patrocles de Thoisy, était ins- 
truit; il avait honorablement servi dans la marine; il était 
conseiller d'Etat; il était marié. Sa correspondance prouve 






: 



V 

I 



100 FRANÇOIS OS COLLART 

un bon jugement^ un esprit modéré. On pouvait qualiBer de 
très convenable à tous égards le choix de sa personne pour 
le gouvernement général des Antilles français^. 

Toutes les mesures furent prises pour lui assurer la pos^ 
session de ce haut emploi. Les précautions même furent 
excessives. Déjà la Compagnie se défiait de M. de Poincy. 
Elle craignait que ce potentat au petit pied ne voulût oas se 
résigner à quitter la situation formidable qu*il s'était créée à 
Saint^Ghristophe, avec sa nombreuse famille» sa grosse for- 
tune, ses hardis partisans*. • Les raisons de lui en vouloir 
étaient nettement définies. Cependant la Compagnie ne pou- 
vait lui refuser un réel mérite. Toutes ses grandes dépenses 
n'avaient pas été improductives*. Avec l'argent gagné dans 
son trafic des cargaisons et les revenus considérables de sa 
Gommanderie, M. de Poincy avait fait élever à la Basse- 
Terre un ch&teau-fort luxueux, bien défendu ; autour de ce 
monument — sa résidence — il avait fondé une petite ville 
dont la construction s'avançait. A la Capesterre, il s'était fait 
bfttir une maison de plaisance où logeaient ses neveux, de 
Lonvilliers et de Tréval. Des fortifications, des postes mili- 
taires, des hôpitaux, des magasins, étaient sortis -du sul 
comme par enchantement. A ces immenses travaux, son 
œuvre personnelle, avaient présidé une intelligence remar- 
quable, une énergie peu commune. La rapidité de l'exécu- 
tion, vraiment surprenante, laissait à Saint-Christophe une 
impression profonde. 11 semblait que M. de Poincy voulait, 
en éblouissant la colonie, se faire pardonner de l'avoir 
opprimée. • ' 

C'est au spectacle de tant d'avantages^ réunis par le Com- 
jnandeur surtout afin de s'assurer un magnifique lieu de 
retraite pour lui et sa famille, que la Compagnie éprouvait 
une vive appréhension» • . 

M. de Poincy ne bornait pas ses prétentions à vouloir se 

«U préun<iii avoir dépeaté à SaintrChristophe IftO.OOO liTrtt d'teftst èe 
bàUmenU, somme considérable pour Tépoque. 



BT LA MARTINIQUE 



101 



maintenir indéfinimentàSaint-Christophe. Il laissaitentendret 
dans une de ses lettres, que Richelieu lui avait fait espérer 
le gouvernement « sur toute TAmérique », et d'une parole 
encourageante, probablement très vague, du Cardinal, il avait 
forgé le projet de s'attribuer aux Antilles une sorte de vice- 
royauté, aussi peu dépendante que possible. Vopposition de 
Houél, rêvant pour lui-même à la Guadeloupe quelque chose 
de semblable, et Ténergie déployée par Jacques du Parquet 
— aimant à se croire le maître absolu à la Martinique, tant 
que ^a Compagnie le maintiendrait au gouvernement de la 
colonie — ôtërent toute chance de réussite aux visées de 
M. de Poincy. Toutefois, ses agissements suffirent à prouver 
qu'il avait cru possible la réalisation de son projet. 

Dès les premiers jours d'avril 1044, le Commandeur était 
informé secrètement de la décision prise à son égard par la 
Reine régente. Il avait à Paris, pour le renseigner, le sieur 
Aubert (récemment gouverneur de la Guadeloupe), qui loi 
était très dévoué, et son neveu Lonvilliers, envoyé enPrance 
pour solliciter l'emploi de gouverneur particulier, laissé va- 
cant par de Lagrange. Pour adoucir l'effet de la décision 
relative à son oncle, on avait eu la faiblesse d'accorder cette 
nomination. Elle fut signée le 3 juin 1044. Mais Lonvilliers 
ne quitta Paris qu'à la fin de février 1045. 

Or de Poincy se disposait à parer le coup dont on le me- 
naçait. Il avait écrit en substance à la Compagnie : Dans le 
cas oii l'on voudrait donner ma place à un autre, je suis prêt 
à la céder; mais je demande à séjourner dans Tlle^ à la Ga- 
pesterre, chez mon neveu, comme simple particulier, jus* 
qu'au momen^ où j'aurai pu liquider ma situation financière. 
Il signait cette déclaration, d'apparence débonnaire, le jour 
même (7 avril 1044) où de Patrocles, craignant de s'aventurer,* 
écrivait à la Compagnie : La condition formelle de mon aç^) 
ceptaiion définitive est Tabandon volontaire de la place par 
M. de Poincy. 

On a vu plus tard, dans cette coïncidence purement for-^^ 



^^;* 



iOB 



rnANÇO» DB CX>LLART 



tuite, « une fatalité. » n est de fait» qu'à la lecture de la lettre 
de M^ de Poincy » son futur successeur ne fit plus d'objection. 
Six mois sprès seulement, on reconnutledanger de permettre 
au Commandeur de rester à Saint-Christophe comme simple 
particulier. Mais on eut le tort, ce semble, de ne pas réfléchir 
qu*en refusant d'accéder i son désir, on lui donnait jusqu'à 
un certain point le droit de répondre : alors je ne cède plu^ 
ma place. Il y a lieu de croire que Ton s*abusa sur les incon- 
vénients probables d'une telle situation, et» s'il en fut ainsi, 
on commit une faute. 

Quoi qu'il en soit, la Compagnie — lorsque son attention 
fut attirée sur cettç difficulté — ne se montra guère habile. 
Au lieu de louvoyer, elle obtint de la Reine une lettre de ca- 
chet (signée du jeune Roi flgé de sept ans) enjoignant à de 
Poincy de quitter Saint-Christophe aussitôt qu'il l'aurait 
reçue (25 février 1645)^ et Lonvilliers, déjà parti pour la Ro- 
chelle afin de s'embarquer, fut chargé, par une autre lettré 
du Roi (10 mars), de remettre à son oncle cet ordre impératif. 

Patrocles l'avait accompagné d'un mot courtois assurant 
Poincy de son dévouement aux intérêts qu'il laisserait à 
Saint-Christophe. C'était trop de bonté I Le destinataire dut 
prêter aux termes insinuants de ce billet un sens ironique 
qu'ils ne comportaient pas. 

Une imprudence plus grave venait d'être commise au 
siège de la Compagnie. Un jour que- le sieur Aubert défendait 
Poincy chez le président Fouquet et cherchait à le^jusUfler 
des accusations portées contre lui, un des membres dû bureau 
« s'emporta jusques à luy dire (à Aubert) qu'ils luy f croient 
couper la teste (à Poincy) s'ils le tenoient en ^nce. » 

Aubert partit pour Saint-Christophe (un peu avant Lon- 
villiers) avec cette parole à rapporter au Commandeur. Il 
est facile de comprendre l'effet qu'elle lui produisit. . . Ses 
amis, et toute sa parenté, n'eurent pas de peine à le convaincre n. 
que sa tête était en jeu, s'il quittait Saint-Christophe. A 
partir de ce moment sa résolution fut arrêtée. Qu'avait-il à 



ET Uk. MARTINIQUE 



108 



craindre? Les ordres da Roi? n en faisait pea de cas. La 
force armée? II était brave. Ses voisins? La révolution d*Aii* 
gleterre était dans son plein ; le général anglais avait plutôt à 
gagner en le soutenant. . • Peut-être aurait-il bientôt à loi 
demander le même service* 

La Compagnie, secrètement prévenue, par son intendant 
général, de ce dangereux état d'esprit, fit de son mieui^ 
pour consolider la position de M. de Patrocles de Thoisy» 
que, malgré le ferme appui de la Reine, elle voyait 
chancelante. Ce fut un luxe d*actéb et de lettres de cachet 
patiemment espacés, dont on n'avait pas encore vu d'exemple. 
La liste en est instructive. Et d*abord, en 1044, le 2 décembre, 
proposition de nomination adressée au Roi par le marquis de 
Brézé, surintendant général de la navigation et du commerce, 
qui avait succédé dans cette charge à Richelieu, son oncle.. 
Puis, en 1045, 20 février, commission de lieutenant général 
aux îles, par le Roi, « de Tadvis de la Reine régente, nostre 
très honorée dame et mère»; '25 février, commission de 
sénéchal ; 1*' août^ déclaration du Roi pour l'établissement 
d'une justice souveraine aux lies ; 29 août, commission de 
lieutenant du Grand-Prévôt, pour le sieur de Boisfaye —avec 
un exempt et trois archers^par le marquis de Souches, Graiid* 
Prévôt de France ; 1** septembre, commandement au gou- 
verneur particulier de faire recevoir de Patrocles à Saint- 
Christophe ; pouvoir à celui-ci de révoquer Lonvilliers,^ en 
cas de désobéissance ; septembre, commission dudit mar- 
quis de Brézé « pour le faictde la marine à Saint-Christophe. > 
Comme on le voit, rien n'allait manquer au nouveau Gou- 
verneur général pour se défendre sur le papier. L'arsenal de 
ses pouvoirs était complet... Et tout cela renforcé de six 
lettres de cachet adressées : deux L de Poincy, trois à Lon- 
villierS) une aux officiers de milice de Saint-Christophe, 
une au capitaine de vaisseau Bontemps, commandant le 
navire du Roi L'Homme dor, qui devait conduire Patrocles 
aux Antilles, avec sa femme et toute sa suite. 



< • 



A 



104 PRANÇOia DK OOLLAirr 

Bnfln^ d'avance» la Compagnie avait fait donner acte, à la 
Guadeloupe et à la Martinique, par un procurateur délégué à 
cet effet, de la prise de possession du Gouvernement général 
par le titulaire actuel. Sa commission fut lue publiquement 
et enregistrée, en juindans la première de ces colonies, en 
août, dans la seconde. Le but de cette double mesure — dont 
M. de Poincy serait évidemment instruit — était de lui mon- 
trer qu'en résistant à Saint-Christophe il serait isolé dans 
sa révolte. 

On a peine à songer, en parcourant la collection de ces actes 
et lettres de cachet ou autres, rédigés avec tant de soin, que le 
résultat de ce grand travail devait être tout à fait illusoire. 

A la veille de quitter Paris, après avoir pris congé du Roi 
et de la régente, « qui luy recommanda surtout d'espargner 
le sang et de se comporter avec douceur, M. Patrocles de 
Thoisy avoit été saluer la Reine d'Angleterre qui luy donna 
des lettres pour le général anglois de Saint-Christophé^ » 

Les situations respectives de MM. de Poincy et Patrocles 
ainsi établies, nous pouvons maintenant presser la marche 
du récit, que trop de détails nécessaires ont ralentie plus 
que nous ne l'aurions souhaité. 



XIIL 



LBamme ttor partit du Havre le 13 septembre 1045. Il était 
le 16 novembre à la Martinique, le 19 .à la Guadeloupe. Le 
nouveau Gouverneur général fut parfaitement reçu dans ces 
deux colonies. On savait déjà que « M. de Poincy avoit levé 
le masque de la rébellion. » On allait en avoir la preuve. ' 

• Oa tait qae HenrietU de France, fiUe. de Henri IV, tante de Loiiie XIV, 
éponae de Pinfortuné Charles I**, était Tenue, an miliea de la réyolntîon 
britannique, se réfugier à Paris en 1644. La pauTre reine, ruinée par l'ab-v 
soltt dé?ouement qu*eUe mit à soutenir son mari de tout ce qu*eUe possé» 
daitt ne put trouver en France, auprès de la régente, fort eml>arrassée eUe- 
méme, qn*nne faible assistance. 






IT LA MARTINIQVB 106 . 

Le capitaine Bontemps remit à la voile le 22. L'ancre fut 
jetée le 25 devant la Basse-Terre de Saint-Christophe, puis à 
la Grande-Rade chez les Anglais, puis à la Pointe-de-Sable. 
Partout, consigne fidèlement suivie : Refus de recevoir aussi 
bien Patrocles que les dépêches présentées en sou nom. 
Les sommations, répétées à chaque point de relâche par lé 
représentant du Orand-Prévôt de France, ne produisirent 
aucun effet. Le 28, L Homme dCor était de retour k la Guade- 
loupe. 

Cette colonie étant la moins élqignée de Saint-Christophe» 
M. de Thoisy devait y séjourner aussi longtemps qull aurait 
besoin pour se faire reconnaître au siège de son gouverne- 
ment. Il logea dans Tancien établissement d*Aubert» à Fen- 
droit même où s'éleva la ville de Basse-Terre^ chef-lieu de la 
colonie. , - ' 

Six semaines s'écoulèrent ainsi, de Patrocles s'installant, . 
Houei souffrant de la fièvre. • . Personne n*avait aucune idée 
de ce que Ton pourrait faire; lorsque, le 16 janvier 1640, on 
vit arriver une barque portant du Parquet € avec des trois 
cousins et quelques-uns des plus braves de son isle. » Voici 
ce qui les' amenait. 

Depuis quelque temps déjà, de Poincy, voulant compenser 
Teffet d'une « brouillerie « avec Houël par une manifestation 
d'amitié envers le gouverneur de la Martinique, avait attiré 
à Saint-Christophe les deux Le Comte et de Saint- Aubin («les 
trois cousins «) et les avait attachés à son état-major en qua- 
lité de capitaines. Après l'inutile voyage de U Homme dor à 
Saint-Christophe, plusieurs officiers, parmi lesquels « les ^ 

trois cousins », avaient critiqué vertement entre eux la con- 1 

duite de M. de Poincy. Le Commandeur, ayant appris le fait, i 

adressa de violents reproches aux officiers, et les trois mar* | 

tiniquais, particulièrement en butte aux éclats de sa colère, ï 

s'entendirent traiter de " beaux gentilshommes de neige ». 
Cette insulte à leur courage et à leur condition exaspéra i 

MM. Le Comte et M. de Saint-Aubin. Ils jurèrent de se yen- i 

• i' 






• / 



\ • ■ 

lOft rilAMÇQIS DK OOLLART 

ger, de soutenir la cause de Patrocles, de chasser Poincy de 
son gouvernement^ et, quittant brusquement Saint-Chris- 
tophe, ils s*en vinrent à la Martinique, afin d*aviser aux 
moyens de mettre à exécution leur entreprise. • • Du Parquet, 
indigné en apprenant l'injure dont ils avaient été Tobjet, 
épousa leur querelle. Ses officiers s'animèrent à son exemple. 
Quelques-uns voulurent partager Taventure. Par leur inter- 
médiaire, on se créa vite des intelligences à Saint-Chris- 
tophe, et surtout à la Capesterre où les esprits étaient plus 
excités contre de Poincy. Cela fait, Jacques' partit pour fa 
Guadeloupe avec ses compagnons. * 

Son projet parut d'abord téméraire au Conseil^ réuni pour 
en recevoir communication. 

« Néantmoins, comme M. du Parquet avoit la réputation 
de vaillant et de brave, s*estant signalé par mille belles ac- 
tions et qu'il estoit généralement aymé de tous les habitans, 
on résolut de suivre son dessein. » 

Il s*agissait> en premier lieu, de saisir nuitamment, à la 
Capesterre, Lonvilliers et Tréval, neveux de Poincy, et de les 
faire déposer comme otages sur le vaisseau du Roi qui'mà- 
nerait l'expédition. On verrait ensuite à quoi se résoudre..; 
Jacques se fiait à sa bonne étoile. M. de Thoisy accepta sans 
hésiter la proposition du gouverneur de la Martinique. On 
était au 17 janvier ; on partit le lendemain. 

Le 18 au soir, le capitaine Bontemps aborde à Nièves, petite 
lie anglaise à une lieue à peine de Saint-Christophfi^ A la 
tombée du jour^ du Parquet se fait passer en chaloupe i la 
Pointe-de-Sable. U y descend vers dix heures avec ses trois 
cousins et se rend au poste, oh la troupe de garde, qui l'at- 
tendait, l'acclame. U y fait lire la commission du nouveau 
Gouverneur général et celle que ce dernier lui avait remise 
pour l'autoriser à agir en son nom à Saint-Christophe. Après 
quoi, prenant quelques hommes dévoués» Jacques et ses com- 
pagnons se glissent jusqu'à la demeure peu éloignée des 
neveux de M. de Poincy. On brise les portes... Lonvilliers 



\ 



.^ 



'^ BT LA MARTINIQUI 107 

et Tréval, surpris ao lit, sont enlevés dans leurs couvertures 
et transportés à dos de nègres (leurs propres nègres) jusqu'à 
la chaloupe. Us sont conduîls au vaisseau par les deux Le 
Comte, et du Parquet revient au corps de garde, accompagné 
de Saint-Aubin. 

Pendant ce temps, trois cents hommes en armes, gagnés 
i la cause de Patrocles, s*étaient groupés aux alentours. Vers 
minuit, du Parquet se met à leur tdte et marche avec eux le 
long du rivage pour aller surprendre de Poincy à la Basse- 
Terre. .. ^ , 

L'entreprise était héroïque à force d'être hasardeuse. Mais 
la première partie du projet de notre Jacques s'était exécutée 
avec tant de bonheur que l'on ne doutait pas du succès de la 
seconde. On avait tort ; une cruelle déconvenue attendait le 
brave gouverneur. 

De Poincy, informé, par sa police, du passage de UHomme 
dCor en vue de Saint-Christophe, s'était hâté <l'aller, avec ses 
meilleurs affldés, trouver le général anglais. Celui-ci, suivant 
une convention faite entre eux , lui avait fourni deux mille 
hommes et le Commandeur, muni de ce renfort^ était parti 
pour la Pointe-de-Sable. 

La rencontre inopinée, dans les ténèbres, de la petite co- 
horte de du Parquet avec la grosse troupe anglaise fut 
terrible. Ce bref combat, dans une affreuse mêlée, coûta la 
vie à soixante Français. Le reste fut dispersé sans pouvoir se 
retrouver.. 

Les conséquences de cette déroute furent des plus tristes 
pour du Parquet. Isolé, perdu dans les bois, ayant épuisé ses 
forces à chercher ses compagnons, se sachant traqué par les 
éclaireurs de son ennemi, il erra pendant trois jours sans 
boire ni manger. Parvenu à se traîner de nuit jusqu'à l'éta- 
blissement des Capucins, il y fut réconforté et consolé. Mais 
déjà les abords du couvent étaient surveillés. Le fugitif dut 
se retirer avant l'aube et, malgré son extrême répugnance, 
il lui fallut aller demander asile au général anglais qui la 



lOS 



FRANQ0I8 DK CSOLUOIT 



eonnaissait. Celui-ci ne Taccueillit avec empressement que 
pour le livrer au Commandeur, et, le 23 janvier 1046, le gou- 
verneur de la Martinique entrait sous bonne garde dans la 
prison du chftteau de Bâint-Christophe. 

On espéra que M. de Poincy, dans l'intérêt de ses deux 
neveux qu'il affectionnait, ne prolongerait pas la captivité de 
Jacques du Parquet. Cet espoir fut déçu. Le Commandeur 
jugea plus habile de refuser réchange que M. de Thoisy lui 
fit proposer avec insistance et \p noble prisonnier demeura 
une année entière sous les verrous, comme son cousin de 
Saint-Aubin dont le malheur n'avait pas été moindre. 

Que se passa-t*il à la Martinique pendant cette année 
funeste?. •• 



XIV 



On ne peut se former une idée, sans avoir parcouru les 
documents, de l'inextricable enchevêtrement de séditions, 
de trahisons et de crimes qui se succédèrent aux Antilles, 
dans l'espace de douze mois, à partir du retour de M. de 
Thoisy à la Guadeloupe avec ses deux captifs. Dans cette 
confusion de faits, ne prendre que juste ce qu'il faut pour 
instruire le lecteur est une difficulté sans cesse renaissante... 

U entrait dans la politique du Commandeur de susciter 
des troubles à la Guadeloupe et à la Martinique, afin. d'em- 
pêcher le nouveau Gouverneur général de se fixer dans l'une 
ou dans l'autre de ces deux lies. Houêl et de Poincy, tout en 
se détestant avec une certaine ardeur, s'entendaient sur ce 
point : évincer de Patrocles. Houêl, qui craignait de Poincy, 
s'était fait livrer ceux qu'il appelait t les prisonniers d'Etat», 
Lonvilliers etTréval. Par ce moyen, il se croyait assuré de 
tenir le Commandeur, afin que celui-ci ne troublftt pas la 
Guadeloupe au delà de ce qui serait indispensable pour en 
faire sortir leur ennemi commun. 



KT LA MARTINIQUI 100 

Bien que ces deux fauteurs d'intrigues» liés {>ar unepenséa 
quasi-criminelle, fussent persuadés que le nouveau Gouver- 
neur général n'était pas de force à lutter contre leurs perfi- 
dies, cependant il leur causait des inquiétudes. Son caractère 
présentait un mélange de qualités opposées. Uhomme sem- 
blait d'une aménité craintive. Mais quand les circonstances 
faisaient appel au courage de l'ancien officier de marine» on 
était surpris de voir le fonctionnaire dépouiller son air timide 
et se transformer en vaillant soldak Plus d'une fois, dans 
le cours de sa brève carrière coloniale, M. de Patrodes 
montra qu'il portait noblement un nom que les temps hé- 
roïques ont fait glorieux*. 

En présence d'un tel caractère» Houél etde Poincy n'avaient 
pas Tesprit tranquille. Le capitaine Bon temps venait de partir 
pour la France avec la correspondance du Gouverneur gêné- 
raU de l'intendant général, du lieutenant du Grand-Prévôt» etc. 
(i^'juin 1646). Leurs rapports mentionnaient la révolte du 
Commandeur» les cruautés exercées par lui contre ceux qui 
s'étaient déclarés pour son rival, Texpuls ion des Gapudns 
établis depuis si longtemps à Saint-Christophe, etc., et, en 
dernier lieu, un fait plus grave encore : l'envoi par de Poiney , 
à la Guadeloupe et à la Martinique, d'un manifeste des- 
tiné à fomenter la sédition dans ces deux colonies. Cet écrit 
trompeur accusait de Patrocles de n*ètre venu aux tles que 
pour augmenter les droits de la Compagnie et procéder à 
la perception de nouveaux impôts. Le mensonge était fla^ 
grant* • . 

Et si, connaissant la vérité, l'administration supérieure se 
décidait à lancer aux Antilles une escadre chargée de réduire 
à l'obéissance les ennemis de son représentant, devenus les 
ennemis du Roi, certes, de Patrocles, appuyé de forces suffi- 



* Un jour notamment, en rade de la Guadeloupe, Patrodee embav|«édaos 
un canot, avec six de set gens, prit à Tabordage un narire hoUandala doot 
le capitaine TaTait insulté, « citant entré dedani, le sabre à^la mais, apiéc 
en aToir frappé et mis plntieun par terre, » 



110 



PRANCOM DK OOLLAET 



santes/avait asses d'énergie et de connaissanGas stratégiques 
pour mettre à la raison tous ceux qui lui avaient manqué. Il 
fallait donc, pour enlever à cet intrus les moyens de nuire* 
le contraindre à déguerpir au plus vite; ce à quoi Houfil et 
de Poincy travaillaient sans relftche. 

On voit clairement que leur projet consistait à déloger de 
Patrocles de la Guadeloupe, à le rejeter sur la MartiniquCt 
déjà troublée par l'absence de son gouvemeur^et à combiner, 
avec les mauvaises tètes de cette colonie, un soulèvement 
populaire dans lequel ledit Patrocles serait enveloppé pour 
être livré à de Poincy. 

Sous la pression du manifeste, deux partis s'étaient formés 
à la Martinique. L'un et l'autre ne voulaient plus payer de 
droits à la Compagnie. Ce qui les divisait, c'est que l'un 
restait attaché quand même à du Parquet et que l'autre ne 
consentait à le recevoir à son retour que nommé par le Roi et 
non par la Compagnie. La différence ne paraissait pas très 
sensible. Cependant l'animation était très grande entre les 
deux partis et, par malheur^ celui qui se montrait désordonné 
était le plus nombreux. II avait à sa tète un parisien pré- 
tentieux nommé Beaufort, qui, pour s'attribuer de l'impor- 
tance, se laissait appeler te général. L'autre parti — celui du 
gouverneur — était sans chef déclaré. La gravité des circons- 
tances fera bientôt surgir de ses rangs un de ces hommes 
rudes, destinés en quelque sorte pour les dénouements ter- 
ribles qu'amènent fatalement les situations désespérées. Le 
nom de ce Normand (il était de Pont-Lév6que) eût donné le 
frisson aux gens superstitieux. . • Yves Le Cercueil, dit Lefort, 
avait du cœur. Du Parquet était son dieu. La pensée que le 
souvenir du cher absent perdait chaque jour du terrain dans 
la colonie le tenait en continuelle émotion. Un groupe d'amis 
partageaient son affection profonde pour le maître captif. Mais 
la personnalité d'Yves Lefort — simple lieutenant de com- 
pagnie, n'était pas assez en vue pour lui permettre, à un titre 
quelconque, de prendre d'autorité le drapeau de la défense. 
Attendons-le au moment d'agir! 



^N 



» V 



BT LA IIAMINIQUB . 111 

Jérôme du Sarrat, écuyer, sieur de la Pierrière, originaire 
de Gascogne, commissionné par le gouverneur (non sans 
Taveu des habitants) pour le remplacer pendant son absence, 
avait le défaut de ne pas savoir se prononcer entre les deux 
partis. Ne donner tort à Tun ni à Tautre était un moyen 
d'entretenir le désordre. La Pierrière ne semblait pas à la 
hauteur du mandat qui lui avait été confié; autrement, 
lorsque, le 26 juin, plusieurs écervelés du Prêcheur, sortant 
de Texercice, crièrent en sa présence qu'ils n^entendaient plus 
payer aucuns droits à la Compagnie, il aurait dû, parlant avec 
fermeté aux auteurs de ce tumulte, leur montrer les consé- 
quences de cette mutinerie. Et, quelques jours après, lorsque 
deux émissaires de M. de Poincy, arrivant de la Guadeloupe,' 
firent courir le bruit que les habitants de cette lie, ayant pris 
les armes, avaient forcé Houél à 'supprimer les droits, il 
aurait dû cherchera détourner Teflet de cette fausse nou- 
velle en déclarant (ce qui ne l'engageait à rien) que, si réelle- 
ment les droits avaient été supprimés à la Guadeloupe, ils le 
seraient aussi à la Martinique. Mais la Pierrière, par excès 
de prudence, jugea plus sûr de ii^ riënTdirè. Le 7 juiTlét — 
croyant à son .silence qu'il était pour eux — les mutins, s*6- 
chautfant de plus en plus, pillèrent les magasins des mar- 
chands du Prêcheur. Le surlendemain, Beaufort, encouragé 
par l'inertie de l'intérimaire, vint, avec cent cinquante de 'ses 
partisans, détruire « la case des seigneurs delà Compagnie. » 
Le 10, la maison du sieur de Lespérance, intendant de du 
Parquet, fut incendiée « et tout ce qui estoit dedans. » 

Ces actes de brigandage faisaient gémir la Pierrière, sans 
le décider à prendre quelque mesure énergique pour essayer 
de les réprimer. On renversait pièce à pièce l'œuvre de son 
maître et les menaces des séditieux en délire présageaient la 
ruine complète de la colonie. D'oblui viendrait le salut f 
D'une femme aussi courageuse qu'intelligente. 

Déjà nous avons présenté au lecteur M"* de Saint-André. 
On a pu entrevoir l'influence que Marie Bonnard, la jeune 






112 FRANÇOIS DB COLLART ' 

femme du commis général de la Compagnie à la Marttoiqae, 
allait exercer sur l'esprit de Jacques du Parquet. Il est à 
propos que nous complétions ce que Ton a besoin de savoir 
à cet égard. . 

Lie bruit courut au commencement de 164B« dans Tentou- 
rage du gouverneur, qu'une sorte de mystère régnait entre 
les époux de Saint-André Ils étaient mariés depuis quatre 
ans. Aucune naissance n'était venue bénir leur union# Pour^ 
quoi ridiQulisa-t-on M. de Saint-André , sourdement d'abord» 
puis de telle façon qu'il dut porter plainte contre celui qui 
l'avait raillé publiquement? Un certificat du P. Meslsind 
(de date postérieure à Tannée 1645) répond à cette question 
sans trop de détours'. L'intendant général, dont relevait- 
M. de Saint-Andrét ayant fait une enquête^ interdit momen- 
tanément le capitaine liouis de Keranguen de Rosselan, 
geintilhomme breton, auteur des propos malséants, bon 
homme d'ailleurs, grand ami de du Parquet. Mais le résultat 
de l'enquête, en établissant, intentionnellement peut-être, 
que Rosselan, bien qu'ayant péché par indiscrétion, avait dit 
vrai, autorisa M** de Saint-André à demander juridiquement 
la dissolution de son mariage. • 

En apparence désintéressé dans la question, du Parquet, 
comme sénéchal de la Martinique, accorda l'annulation re- 
quise pour cause dirimante. 

Est-il besoin d'ajouter que le gouverneur n'avait pas ce 
droit? On le comprend d'autant mieux que, peu de temps 
après, le P. jésuite Charles. Hampteau unit secrètement 
Jacques du Parquet avec Marie Bonnard ; service qui valut i 
son ordre la reconnaissance du gouverneur et, plus, tard, le 
don gracieux de sa maison du Garbet. M. de Saint-André, 
ayant permuté, avec son collègue de la Ouadeloupe, avait 



* On y remarqua cette phiSM : c Le lienr Saint-André, premier mari, 
eonfeise (dam le rapport d'enqméle) avoir esté quatre ans et plut tant avoir 
eoneommé le mariage. » {AnnaUi du Conseil êouverain de la Martinique^ 
de Pierre Peeealle^. 



\ 



IT LA MARTINIQUI 



lia 



quitté la Martinique avant le 21 novembre 1645, data de cette 
union clandestine. * ^ ' 

Trois mois donc à peine s'étaient écoulés depuis que du 
Parquet était marié quand il partit pour sa malheureuse expé- 
dition de Saint-Christophe. On conçoit le désespoir de M^ du 
Parquet en apprenant la. captivité de son mari. Malgré 
beaucoup d'efforts, elle ne put réussir à lui faire rendre im- 
médiatement la liberté. Mais ses vaines démarches, auprès ; 
des brouillons qui maîtrisaient la colonie^ eurent ce bon cAté 
de réclairer sur leurs intentions politiques. Elle put recueillir 
ainsi des renseignements qui lui permirent de se tracer une 
ligne de conduite. Froidement accueillie par les uns, avec 
dédain par les autres, insultée par les gens grossiers, qui ne 
voyaient en elle qu'une aventurière, € M** de Saint-André » 
(elle portait encore ce nom) acquit la certitude que la douceur 
et les prières ne serviraient à rien. Les derniers événements 
la persuadèrent qu*il fallait — pour .empêcher de plus grands 
malheurs — qu'un homme déterminé^ inspiré, autorisé par ^ 
elle au nom de son mari, prit en main la cause de du Parquet, 
ou tout était perdu. Cet homme, quelques paroles échappées à 
Lefort, en sa présence, le lui avaient fait pressentir. Elle le 
vit, lui dit le secret de son mariage^ et l'adjura de conserver la 
colonie à leur ami commun. 

Lefort, qui avait déjà médité sur les moyens de débar- 
rasser la Martinique « des coquins » (c*est odnsi qu'il les 
appelle), s'enflamma au langage de M** du Parquet et lui 
proposa d'attirer en un piège et de foudroyer d*un coup 
« tous les chefs de la cabale du prétendu général Beaufort et 
mesme le sieur de la Pierrière, s'il ne se déclaroit hautement 
contre ces révoltez. Cette dame ayant approuvé sa résolution» 
il choisit dix-sept hommes de ses plus affldez et tels quUl les 
falloit pour une action si périlleuse.^» 

Le 5 août, Lefort était chez la Pierrière. — Pour qui tenez- 
vous ? lui dit-il brusquement. Que faites-vous de ceux qui» 
ne voulant plus reconnaître M. du Parquet, ont eu rinsolence 

COLLA&T (250) 10 



»• 



114 



FRANÇOIS DE OOLLAR* 



d'étoblir des jages et des conseillers pour gouverner I*lle» 
comme s'ils en étaient les maîtres î 

La Pierrière exposa les raison^ qui le forçaient à laisser 
tout faire.... Les moyens de sévir lui manquaient. 

— Eh bien, repartit Lefort, vous avez ma parole, donnez- 
moi la vôtre et je vous jare que je vous délivrerai de toute 
cette bande. ... Vous les verrez demain, aux magasins de 
Saint-Pierre, vous présenter ce qu'ils appellent leurs articles. 
Lisez d*abord et discutez ; puis consentez à tout, signez tout I 
Cela fait, sortez de la case et demandez du vin pour faire 
boire à la santé du Roi. Alors tenez le mousqueton haut, 
comme pour tirer en Tair en signe de joie; puis baissez votre 
arme et déchargez-la dans la figure de Beaufort Le reste me 
regarde, mes hommes sont prêts. • . I 

La Pierrière, sentant bien qu'il y allait de sa vie s'il hési- 
tait, donna sa parole. . . 

Le lendemain,' tout se passa comme il avait été convenu. . ^ 
Treize conjurés sur vingt -* dont le prétendu général -^ tom- 
bèrent ensemble au signal donné, sous la mousquetade des 
compagnons de Lefort, jointe à la sienne. L'exécution avait 
été si bien concertée, dit Dutertre, que Ton n'entendit de loin 
qu'une détonation. Le même sort frappa successivement les 
sept autres « rebelles » qui voulurent s'échapper. • . Le parti 
beau f artiste terrifié se dissipa. 

La Pierrière, peu fier d'un tel succès, que malgré tout il 
fallait déplorer, envoya dé suite un exprès de confiance à la 
Guadeloupe pour instruire de l'événement M. de PatroclBS de 
Thoisy et lui demander' une amnistie générale, afin de ré- 
tablir le calme dans les esprits. 

L'amnistie fut accordée ^25 août). Les officiers, la Pierrière 
en tête, prêtèrent de nouveau serment de fidélité (2 sep- 
tembre). Le Gouverneur général avait lui-même trop à souffrir, 
à la Guadeloupe, des troubles incessants auxquels cette tle 
était en proie, pour se montrer rigoureux au sujet du sang 
versé à la Martinique 



mv 



BT LA MARTINIOOB 



115 



Dans les trois derniers mois de l'année, sa position devint 
tellement insupportable en face de Houôl inquiet dé le voir 
séjourner aussi longtemps à la Basse-Terre» qu'il fut contraint 
— pour sauver son existence menacée — de venir se réfugier 
à la Martinique, comme nous l'avions fait prévoir. Il y fat 
bien accueilli (3 janvier 1647). Mais, là encore, poursuivi par 
la fatalité, le pauvre Patrocles se vit bientôt la victime d'une 
autre intrigue. Rien que par sa présence, cet homme si re* 
commandable gênait tout le monde aux Antilles. La raison 
était pour lui^ le fait contré lui. 

A tout prix, les Martiniquais voulaient ravoir du Parquet 
Sa femme se multipliait pour obtenir la liberté du cher ab- 
sent. Par une fortune singulière, elle allait enfin réussir plus 
tôt qu'elle ne l'espérait. 

Dès que de Poincy eut appris, par Hou6l, que son rival 
passait à la Martinique, il y envoya une flottille bien armée, 
portant huit cents hommes de troupes et commandée par 
un gentilhomme de mérite, le sieur de Layernade. Cet offi- 
cier supérieur^ arrivé en rade de Saint*Pierre, fit déclarer à 
La Pierrière que le Commandeur rendrait du Parquet et son 
cousin de Saint-Aubin^ si on voulait livrer immédiatement 
de Patrocles. Il offrait de. donner comme otages deux per- 
sonnes importantes de Saint-Christophe. Autrement Laver- 
nade ^vait l'ordre de tenter d'avoir par la force ce qu'il de- 
mandait qu'on lui accordât. On délibéra. Les Martiniquais 
faiblirent. Mais, pour l'exécution, La Pierrière se récusa* • • 
La pensée d'arrêter M. de Thoisy, après lui avoir juré fidélité 
si fraîchement, répugnait à l'intérimaire. La plupart des of- 
ficiers trouvaient la mission pénible. Personne ne voulait 
entreprendre ce que tout le monde souhaitait. Lefort comprit, 
à la prière de M"* du Parquet, que \w seul pourrait dénouer 
la situation. Avec deux compagnies de fusiliers, il alla cerner 
le couvent des jésuites où de Patrocles' s'était logé. On le 
trouva se promenant avec le P. Dutertre, alors à la Mar- 
tinique. Entouré et séparé de son compagnon, le Gouverneur 



110 FRANÇOIS DB OOLLART 

• 

général fut enlevé sans explication, conduit à la flottille et 
livré à Lavemade. Il avait été stipulé dans le traité que 
l'existence de M. de Patrocles de Thoisy serait respectée et 
qu'il ne lui serait fait aucune injure. Giraud et Grenou, offi- 
ciers du Commandeur, restèrent en otage. Lavemade reprit 
la mer. Il fit escale à la Guadeloupe et demanda la remise des 
neveux de Poincy. Houôl, toujours défiant, consentit pour 
de Lonvilliers ; mais il déclara que Tréval ne serait rendu 
qu'après l'arrivée de du Parquet à la Martinique. Cet arran- 
gement fut accepté. La flottille parvint à Saint-Christophe 
le 24 janvier 1647. De Thoisy s'était flatté quil serait reçu 
par le Commandeur c suivant sa charge ». De Poincy, sans 
le voir ni lui parler, le fit incarcérer à côté du gouverneur de 
la Martinique, et la garde de ces deux prisons fut doublée. 
Du Parquet, rendu à la liberté dix jours après, quitta Saint- 
Christophe le février. « Il fut reçu de tout son peuple, à la 
Martinique, avec des acclamations et des réjouissances in- 
croyables ; et madame sa femme, qui n'avoit pas encore été 
reconnue pour telle et dont le mariage avoit été tenu secret 
pour quelques considérations, en eut une joye tout extra- 
ordinaire. •• » 

Peu s*en fallut que Tarticle du traité relatif au respect dû à 
Texistence de M. de Thoisy ne fût violé à Saint-Christophe. 
Vers la fin de mars, un soulèvement d*un millier d*hommes 
de troupes eut lieu en sa faveur. On cria : « Vive le Roi et 
M. de Thoisy ! » Un instant, de Poincy, troublé, ne sut que 
faire. Son entourage affolé émit Tavis qu'il fallait tuer le j>ri- 
sonnier, afin â*ôter tout prétexte à Témeute. Aubert, plus 
calme, fit observer que le navire du capitaine Mansel, en 
partance pour Saint-Malo, allait appareiller à la Pointe-de- 
Sable. Renvoyer « le Patrocles » en France valait mieux sans 
contredit que de prendre encore une lourde responsabilité. 
Le Commandeur se laissa persuader. Mais il mit pour con- 
dition à Texécution de cette mesure, qu*un officier résolu se 
tiendrait à côté de M. de Thoisy, un pistolet à la main, depuis 



ST LA MARTINIQUB , 117 

la sortie de la prison jusqu'à la dernière minute de Tembar* 
quement et que la moindre tentative faite par qui que ce fût 
pour délivrer le prisonnier lui vaudrait la mort. • • . Tout bien 
convenu, M. de Thoisy fut enlevé nuitamment de sa prison, 
avec d'infinies précautions, porté à bras dans une chaloupe 
et conduit sans encombre à la Pointe-de-Sable, où on rem- 
barqua. 

. Le capitaine Mansel mit à la voile au point du jour et, après 
une assez mauvaise traversée qu'une tempdte et un combat 
en me^ rendirent fort dramatique, le navire parvint à Saint- 
Malo le 17 mai 1647. • • • 

A la suite d'un long procès, M. de Poincy fut condamné à 
payer à M. de Thoisy 90,000 livres, pour Tindemniser de ce 
qu'il lui avait fait perdre en argent, meubles» habits, vêtA- 
ments, armes, etc., etc. Houei, poursuivi pour la mfime cause, 
fut tenu d'ajouter à cette somme 62^000 livres environ. ... La 
Compagnie laissa, de guerre lasse, le Commandeur à Saint- 
Christophe, comme gouverneur de Tlle seulement. Le gêné- 
ralat fut supprimé. 

Et maintenant, si l'oii se demande comment la Métropole 
avait pu ôtre réduite à ne pouvoir se faire obéir aux colonies, 
que l'on veuille bien se rappeler l'état de l'Europe, celui de 
nos finances, celui de notre marine, la disgrftce dé Tamiral 
Sourdis en 1642, sa mort en 1046, celle de l'héroïque marquis 
de Brézé'la môme année, et ensuite la guerre civile!.*, la 
Fronde !.•• 



XV 

■ if 

• ■ ^ 

Il y avait, comme on Fa vu, un certain intérêt historique à 
résumer, avec quelques détails, cette campagne des Antilles. 
Le reste de la vie de du Parquet ne comportant pas le même 
développement, en ce qui touche notre sujet, nous allons 
bientôt retrouver Claude de Collart, qui, très éloigné du 









iii FRANÇOIS DK OOLtART 

Prêcheur, centre de Tagitation, n*eut pas i souffrir beaucoup 
des événements. Claude était un sage. Venu à la Martinique 
pour former une habitation, il se livrait exclusivement à ce 
travail, au milieu de ses engagés, avec son gireur^ sur la 
capacité duquel il pouvait ^e reposer» quand les affaires l'o- 
bligeaient à s'éloigner. Nous le verrons fonder famille, devoir 
plus difficile à remplir dans la colonie que celui de mener à 
bien de belles cultures, pour une raison que nous ne tarde- 
rons pas à dire. 

Lorsqu'il fut instruit du réel dévouement déployé à son 
intention par Marie Bonnard,et de Timmense service qu*e11e 
avait rendu à la colonie en la sauvant du désordre et du pil- 
lage, de concert avec Lefort et La Pierrière, du Parquet, au- 
tant par reconnaissance que par inclination, déclara publi- 
quement son mariage avec M** de Saint- An.dré. La bénédic- 
tion nuptiale fut donnée solennellement aux époux^au milieu 
d'une nombreuse assistance, dans l'église Saint-Jacques du 
Carbet, à la date du 90 avril 1647. 

Disons de suite que six enfants naquirent de cette union. 
Deux filles se consacrèrent en France à la vie religieuse. 
L'existence de deux fils ne fut pas sans éclat. Les autres en- 
fants moururent en naissant 

Les tristes événements qui avaient provoqué le renvoi 
de M. de Patrocles en France découragèrent la Compa- 
gnie. N'ayant pas trouvé d'ailleurs dans le commerce 
maritime des gains suffisants pour rémunérer les action- 
naires de leurs sacrifices, elle résolut de se dissoudre et de 
céder ses lies aux gouverneurs qui lui proposèrent de les 
acquérir! 

La Guadeloupe, Marie-Oalante, la Désirade et les Saintes 
furent vendues à la famille Hoûêl-Boisseret ; Saint-Chris- 
tophe et dépendances à l'ordre dé Malte» pour le Comman- 
deur de Poincy. La Martinique, Sainte-Lucie, la Grenade et 
les Grenadins furent cédés à du Parquet pour la faible 
somme de 41^500 livres. Le contrat de vente de ce dernier 



n LA MARTINIQUE 119 ^ 



^ 



groupe fut signé à Paris le 27 septembre 1650% et du Parquet 
pritofQciellement possession de ses domaines le 13 mars 16B1. 
De gouverneur de la Martinique il en était devenu lé pro« 
priétaire. . . Sa grande bonté fit que la plupart des habitants» 
qui ne voulaient plus payer « aucuns droits » à la Gom* 
pagnie, eurent absolument gain de cause avec lui. Il les laissa 
vivre à leur gré, sans leur demander autre chose que' la 
paix. La Compagnie les avait pressurés ; Jacques les combla 
de douceurs. C'était aller d'une extrémité à Tautre. Plus tard, 
il s'en repentit. 

Pour le moment, son état de santé, comme celui de ses af* 
faires (il lui fallait payer les 41,000 livres) l'obligeaient à passer 
en France. Il avait aussi grand besoin de respirer l'air du pays 
que de profiter de son voyage pour entreprendre une opération 
commerciale lucrative. Un navire nommé LeJapdin nouoem, 
commandé par le capitaine Marc Pitre; était alors ancré dans 
la rade de Saint-Pierre. Du Parquet s'en fit l'armateur. Il le 
chargea des meilleures productions martiniquaises et — rc^ 
mettant le pouvoir k son cousin de Saint*Aubin — il mit à 
la voile pour Flessingue. C'était le port de Zélande qui faisait 
le plus de trafic avec nos lies d'Amérique. &• Un placement 
avantageux lui fut procuré & son arrivée pour les marchan- 
dises de premier choix qu'il apportait. Les négociants de 
Flessingue connaissant et appréciant du Parquet, soit par 
eux-mêmes, soit par leurs capitaines, avaient trop d'intérêt 
i lui rendre service pour ne pas en saisir l'occasion. 

Son expédition terminée, Jacques se rendit en France et, 
vint à Paris. Par l'intermédiaire de M. de Patroclesde Thoisy» 
qui avait conservé boi^ souvenir de lui, du Parquet fut pré- 
sente à la cour et eut trois audiences du jeune Roi (dont la ma- 
jorité allait être déclarée). 



t • 



« Dans cet acte, passé derant Ls Roux et Ls Vassear, notairas aa CM» 
telet, du Parqaet avait eu ponr iondé de pouToirs son bean-fràra Chariet da 
la Forge, « maréchal des logis de Kr le prince de Condé. • Ce la Forge avait 
épousé Suzanne Djel de Vandroqnes« née en 1595 à CaîIleTiUé. 



120 ' FRANÇOIS DE gollaut 

De quoi fat-il question dans ces entretiens avec Anne 
d'Autriche et son fils ? On dut trouver quelque intérêt à faire 
raconter à du Parquet les circonstances de la crise dont il 
avait tant souffert à Saint-Christophe. Peufr4tre fut-il parlé 
des « fruits délicieux » de la colonie» dont Jacques avait fait 
porter une ample provision à la Reine. . • 

Après dix-huit mois environ d'absence, du Parquet était de 
retour à la Martinique en octobre 1662. 

Ce retour s'était-il effectué par Nantes? Nous n'en serions 
pas surpris pour diverses raisons. Le port de Nantes faisait 
alors beaucoup d'expéditions pour les Antilles* •• Le passage 
de du Parquet en France, sa présentation à la cour« son em- 
barquement à Nantes — connus du public — avaient dû rap- 
peler la Martinique à Françoise d'Aubigné. Après avoir 
habité cette lie quatre ou cinq ans avec sa mère, elle était 
rentrée en France et venait d'épouser Paul Scarron (1651). 
Sous l'inspiration de sa très jeune femme, le joyeux poète, 
qu'une imprudence à la chasse avait paralysé des jambes à 
ràgé de vingt-sept ans, forma le projet d'émigrer en Amé- 
rique. Le climat, lui avait-on persuadé, rétablirait sa santé. 
En attendant le départ du navire qui devait remmener de 
Nantes, il vint passer quelque temps à Négron (Indre-et- 
Loire), tout près d*Amboise\ dans sa propriété delà Vallière. 
Le rimeur gazetîer Jean Loret, dans sa Muse historique du 
5 novembre 1662, dit à ce sujet : 

« Monsieur Scarron, auteur lnurlesque*. 

Port aimé du comte de Fiesque* - ^"^ 

Sst parti de cette cité 

Ayant sa femme à son eosté. 

Ou du moins en estant bien proche, 

Luy dans une chaise, elle en coche ; 

* Voir Itêventaire anal^fiique des archives de la esmmune d'Amhelse^ d« 
rabbé Cb«faU«r, p. tM. 

• l610-t6M. ^ t CbariM Léon, do Oêaoo. 

* 



a • 



• - * 

BT LA MÀRtAiIQUB . 121 

Pour, deY«ra 1a tUIo de Toun, 
Aller attendre qaelqnesjourf 
L'embarquement pour rAmAriqiie« 
Où sa personne poétique 
Espère trouTer gnérison. .. » 

Le projet de Scarron n'eut pas de suite» heureusement 
pour sa femme, qui ne serait pas devenue M** de Maintenôn. 

Le dernier des motifs qui nous font croire que du Parquet 
revint à la Martinique par Nantes, c'est qu'à la fin de cette 
année 1652, Claude de CoUart partit de la colonie sur un 
navire de Nantes, où sa présence est constatée sur des actes, 
dès le 20 janvier 1053. La date d'arrivée de Pun, celle de départ 
de l'autre cadrent si bien que Ton doit supposer que le même 
navire a dû les avoir pour passagers. 

Maintenant quelle cause attirait principalement en France 
Claude de GollartT .. 

II faut dire qu'aux lies, à cette époque, il n*y avait guère 
d'autres femmes européennes que celles provenant d*une 
véritable « traite des blanches ». A la demande des habitants, 
les capitaines de navire joignaient à leur chargement un 
groupe de pauvres créatures disposées par la persuasion à 
s'expatrier pour trouver un mari. Les colons n'exigeaient 
qu'une chose à l'égard de ces femmes : qu'elles fuseont bien 
portantes • . Us voulaient travailler avec Tassurance de ne 

É 

pas laisser leur bien au hasard. .• A leur arrivée dans nioi 
les passagères étaient présentées à l'encan comme toute 
autre marchandise, et c'était au plus offrant qu'elles étaient 
adjugées individuellement. La bénédiction nuptiale suivait 
de près l'adjudication, et de ces unions — le plus souvent 
heureuses — sortaient de fécondes lignées... On a longtemps 
nié ces étranges marchés. Le doute n*est plus permis. Plu- 
sieurs documents récemment découverts en offrent la preuve. 
On comprend que Claude de Collart ne pensa pas à se 
pourvoir parmi les créatures arrivant de cette manière aux 
îles et destinées au commun des habitants venus à la Marti- 



122 PlUNÇofs D« OOLLART 

nique comme engagés. Il se résolut à venir chercher lui- 
même en France une digne compagne. Gomment la trouva* 
Ml à Nantes» dans cette immense ville. Tune des douce plus 
grandes du royaume ? Nous ne pourrions le dire sûrement. 
Ce quMl importe de savoir, c'est que Madeleine de Bremond 
de Bossée, qui donna le jour au colonel François, de GoUart* 
était d'une famille des plus distinguées par l'antiquité de 
sa noblesse et les services rendus dans les armées. Les Bre* 
mond d'Ars, de Saintonge, d*Angoumois et du Poitou, sont 
trop connus (notamment par des travaux historiques remar- 
quables publiés dans ces derniers temps*) pour qu'il soit 
nécessaire de s'étendre ici & leur sujet 

n doit nous suffire de rappeler : 1* que Madeleine, baptisée, 
à Genillé, en Touraine (Indre-et-Lo!re), le 29 décembre 1630« 
était le cinquième enfant et la troisième fille de Jean de Bre- 
mond» écuyer» seigneur de Bossée (i5O8-1032)*, gendarme de 
la compagnie du maréchal d'Efflat, gouverneur de Touraine» 
et de Anne de la Groix'» fille de Valentin» écuyer» seigneur 
de la Groix-Vallinière et de Lémerière» et de Anne Le Glerc 
de la Guériverie ; 2* que M** de Gollart était petite-fille de 
Abel de Bremond» écuyer, seigoeur de Bossée (i568-1001>, 
qualifié chevalier de Tordre du Roi» dans un acte de 1610» 
époux de Renée Gaigneron, fille de Barthélémy^ écuyer^ 
seigneur de Roches» et de Françoise Prudhomme de la Papi<» 
nière ; et 3* enfin, que Madeleine descendait., au troisième 
degré, de Hector de Bremond» écuyer» (1538-1587)» époux de 
Perrine Gottin» dont provenait la terre de Bossée en Sûnt* 
Senoch, près Loches. Hector (qui périt à Goutras) est tenu» 
par les Bremond d'Ars actuels» pour être issu de Gharles 
de Bremond». chevalier» seigneur de Balanzac (1500-1569)» 

* Voir principalemeat la nouTêlle édition du DiefiontMitfW âet Famittet 
de laneUn Poitou^ par IfM. Beaaebot-FiUeaii. 

* Mort an servie*» à Vig% d» t4 ans. 

* Epouse en 2"« noces de Abel de Henxy, écujer^ seigneur d*Anehanip» de 
la paroisse de Restigné, en Anjbn» 

'■■■■A 



.' 



r 
I 

( 



VT L4 MAHTimQinr * 128 

appartenant au second degré de la branche de leur, famille* 
ayant d'abord porté ce dernier nom et plus tard, celui de 
Vaudoré. . . .,^ 

Le mariage de Claude de Gollart, écuyer, seigneur de Goucyt 
avec Madeleine de Bremond fut célébré à Nantes (paroisse 
Saint-Nicolas), le 20 février 1068. 

De plusieurs frères et sœurs que Madeleine avait eus 
de 1625 à 1632, il ne lui restait, en 1663, qu'une sœur, nommée 
Claude, dont nous aurons à mentionner le mariage à la' 
Martinique. L'occasion de parler «de divers parents de M** dé 
Collart devant s'offrir dans le cours du récit, nous bornons 
présentement à ce qui précède ce que nous avions i dire de 
sa famille. 

Quelques mois après son mariage, Claude de Collart revint 
, à la Martinique avec sa jeune femme. Un intervalle de cinq 
ans sépare l'époque de leur union de la naissance de leur 
premier enfant, une fille, qui mourut jeune. Leur second 
enfant, François de Collart, est né sur l'habitation de la 
Case-Pilote, ie 1*' juin 1662. Prenant seulement date en cet 
endroit pour la naissance de notre héros« nous devrons y 
revenir eu temps et lieu.*. 

De 1654 à 1656, la Martinique fut désolée par une teirible 
guerre contre les sauvages. La conquête, pacifique d'abord, 
que du Parquet avait faite des lies voisines, inquiéta, irrita 
les Caraïbes, qui se voyaient sur le point de ne pouvoir con- 
s<3rver aucun refuge aux Antilles, biverses rencontres où^ 
malgré les recommandations du gouverneur, les Français 
n'eurent pas toujours raison de se montrer impitoyables; 
exaspérèrent ces peuples dont nous prenions le sol plus pu 
moins violemment. Du Parquet, sentant venir l'orage, ne 
négligea rien pour empêcher une irruption imminente. 

Il composa « une petite armée navale » de quatre naviires 
armés de canons et de pierriers, sous la conduite de Bail- 
lardel, lequel reçut, au commencement de Tannée 1654, le 
titre de « capitaine garde-côtes contre les sauvages »• Sur 



i ' 



124 FRANÇOIS DB OOXXART 

cette flottille, du Parquet mit, comme troupe de descente» cent 
cinquante braves de son lie, placés sous les ordres de la 
Pierrière. Son but était de désorganiser les sauvages se pré- 
parantà une invasion générale. Cette poignée de Martiniquais 
résolus allèrent» avec îes quatre navires qui les soutenaient 
de leur artillerie, ravager les carbets à la Orenade, à Sainte- 
Lucie et à Saint-Vincent. Les succès locaux ainsi obtenus» 
non sans effusion de sang» au lieu d*épouvanter les Caraïbes, 
les poussèrent à demander secours à leurs frères de la terre 
ferme, c'est-à*dire de la Guyane. Pendant que la flottille de 
Baillardel renouvelait son expédition de la Grenade» où la 
ruse de l'ennemi l'avait attirée» plus de deux mille sauvages, 
embarqués sur une nuée de pirogues, vinrent se jeter sur 
la Martinique et attaquer du Parquet si subitement» dans 
son habitation de la Montagne, qu'il se vit enveloppé. Obligé 
de se défendre uniquement avec sa garde et « les grands 
chiens qu'il nourrissoit chez luy, il se battit en lion» soutint 
toutes leurs attaques» et fit dans cette occasion tout ce que 

peut un grand courage. ». ^ — 

Cependant^ les habitants eux-mêmes» surpris» n'ayant pu le 
secourir» du Parquet allait être forcé dans son chftteau et mas- 
sacréavecses compagnons» dontplusieursétaientdéjàtombés» 
lorsque les capitaines de quatre vaisseaux hollandais arrivés 
en ce moment à Saint-Pierre» informés du danger dans 
lequel se .trouvait le gouverneur» envoyèrent trois cents 
hommes de leurs équipages pour le soutenir. A la vue de 
cette troupe armée», dont rien n'avait pu leur faire soupçonner 
la présence» les sauvages Iftchèrent pied. Du Parquet dégagé 
les poursuivit avec les braves fusiliers hollandais* . • U se fit 
dans cette chasse un tel massacre des Caraïbes que bientôt 
le reste de ce malheureux peuple fut réduit à quitter la Ca- 
pesterre et i laisser la Martinique en paix. Les marins ba- 
taves nous rendirent ce jour-là un service important» que du 
Parquet n'oublia pas... Vingt ans plus tard» en 1674» (la 
suite du récit le montrera)» les vicissitudes de la guerre eu- 



■ * -. 



BT LA MARTINIQUK 125. 

ropéenne transformèrent en adversaires ces précieux amis, 
et nous obligèrent à joncher la plage de Port-de-France 
des cadavres de leurs soldats. Tristes lauriers pour les 
colons qui savaient encore de quels bienfaits nous étions re- 
devables aux navigateurs hollandais! Leur commerce fadle, 
attentif, fraternel^ lucratif, avait nourri et enrichi nos colonies 
naissantes... On les expulsa des Antilles. Ainsi le veut la 
Fortune! * 



XVI 



La captivité de du Parqueta Saint-Christophe Tavait atteint 
plus profondément qu*il ne le crut d'abord lui-même. 11 était 
sorti de prison faisant bonne contenance, mais es réalité 
rhumatisant et goutteux. Son année en cave (ou peu s'en 
fallait), la privation complète d'activité, l'avaient mis à la 
torture, sans qu'il y parût, grftce à son courage. Les pré- 
tendus secours de Tart à la Martinique' et en France ajou- 
tèrent à ses maux, que l'admirable dévouement de sa femme 
put seul adoucir. 

Au commencement de l'année 1657, il subissait une de ces 
crises douloureuses qui le clouaient au lit, lorsque la Marti- 
nique fut secouée par un tremblement de terre épouvantable 
qui dura deux heures, mais dont l'effet général fut plus ef- 
frayant que désastreux. Jacques, obligé de quitter en hâte la 
maison, à peine vôtu, souffrit beaucoup de cet événement. 
Une absurde émeute^ que firent à Saint-Pierre une centaine de 
brouillons, lui donna le coup de grftce. Du Parquet venait 
d'engager les habitants à se cotiser pour l'entretien de la flot- 
tille, lui-même s'inscrivsnt pour la moitié de la dépense. Il 
ne leur demandait que de petits droits. Quelques mauvaises 
têtes refusèrent d'admettre cet impôt. Au premier avis, lé 
gouverneur, montant à cheval avec ses gardes, courut droit 
aux émeutiers... L'attroupement se dissipa ; le refus de 



126 



riUMçon bi gollàrt 



payer ne fut pas maintenu. Mais l'émotion, lacolère» et aoiioat 
Teffort que du Parquet avait dû faire dans cette fAeheuse 
sertie, lui causèrent une fièvre qui l'obligea sur-le-champ à 
s'aliter. Il ne se releva pas. Après avoir déclaré qu'il par- 
donnait au nommé Bourlei; promoteur de cette émeute, et 
après avoir reçu les derniers sacrements, Jacques du Par- 
quet expira entre les bras de sa femme, le 3 janvier 1(168, à 
à r&ge de cmquante-deux ans, comme son oncle d*Esnambuc. 
On lui fit de magnifiques funérailles. Les Martiniquais 
parurent le regretter sincèrement. 

Jacques laissait le pouvoir à son fils aîné Agé de huit ans, 
sous la tutelle de sa veuve, malade, abattue par le chagrin, 
peu en situation de se faire obéir. Il y eut contre elle des ré- . ' 
voiles qui lui donnèrent une impression si funeste que, 
frappée de paralysie, elle dut s'embarquer au plus vite, dans 
l'espoir de trouver soulagement à son état aux eaux thermales 
de Bourbon-L'Archambault, de tout temps réputées souve* 
raines contre U paralysie... La pauvre femme mourut en 
route. Les personnes^ 'de safamille, elles officiers de sa maison 
qui l'accompagnaient, supplièrent le capitaine de conserver 
son corps pour Tinhumer en terre sainte. Le corps de défunte ' 
« Marie Bonnard, générale du Parquet s fut dépecé, salé et 
hermétiquement enfermé dans un tonneau. Une interminable 
tempôle ayant sévi, les matelots superstitieux prétendirent 
que la fatalité poursuivait le navire depuis qu'il portait ce 
funèbre colis. Lie capitaine fut contraint de le faire jeter à la . 
mer pour les. apaiser (août 1669). . 

Adrien Dyel de Vaudroques, frère de Jacques, nommé par 
le Roi lieutenant généF&l de la Martinique et tuteur principal 
des mineurs du Parquet, arriva dans nie en novembre 1660. 
Q gouverna pour ses neveux, plutôt mal que bien, jusqu'au 
25 septembre 1662, datede sa mort. 

Son successeur Jean Dyel de Glermont, cousin des jeunes 
du Parquet, asses bon homme, prit le pouvoir au moment 
où M. et M"* de Ck>llart se rendaient en France avec leurs 

•' "A • 



■». ^^ 



KT LA MAKTINIQUI 127 

deux enfants. Ce voyage eut lieu en 1663. Nous les voyons, 
à la date du 6 novembre, signer le bail d'un bien rural, le 
Glos-Jallinet, qu'ils venaient d'acheter à Réstigné, pràs 
Saumur. Il est stipulé, dans cet acte passé devant Lemesle, 
« notaire en la prévosté de Restigné », que « M. Claude 
CoUart, escuier, sieur de Cioussy, et damoiselle Magdeleiné 
de Bremond, son espouse^ de luy auctorisée, habitans de 
l'isle de la Martinique, estant de présent en ce lieu », louent 
la dite propriété à un sieur Nicolas Breton, qui la prend, pour 
ciuq ans, à moitié profit. Une famille de la localité devcût 
profiter des provisions de bouche de consommation courante 
telles que volailles, fruits, œufs, lait et beurre. Cette famiKe 
était celle de M. François de Henry, demi-frère de Madeleine 
de Bremond, baptisé à Restigné, le 5 octobre 1634. Lés de 
Henry (dont les terres et les noms mAùohamp et de la Mai' 
nerie ont passé aux descendants des dames de Bremond 
établies & la Martinique) avaient eu pour auteur Abel de 
Henry, écuyer, sgr d'Auchamp, époux de Anne de la Croix, 
veuve de Bremond de Bossée. Cet Abel avait eu, d*une pre- 
mière union, trois enfants et notamment un fils nommé 
Charles de Henry qui — peu avant le mariage de M"* Claude 
de Collart — venait d'hériter de la terre d'Auchamp, par la 
mort de son père, et, pour cette raison, conservait deux 
sœurs à sa ch&rgia« ' 

Madeleine n'avait en parents proches» à l'époque de son 
mariage, que sa sœur Claude et son demi-frère François de 
Henry de la Moinerie. Ces trois personnes vivaient dans une 
modeste aisance. Nous tenons plusieurs actes qui montrent 
que rinclination seule avait attiré Claude de Collart vers 
Madeleine et que, si elle emmenait sa sœur à la Martinique, 
c'était afin de lui procurer un sort meilleur en la mariant 

Le retour de M. et M""* de Collart aux Antilles eut lieu au 
commencement de l'année 1664, époque à laquelle Louis XIV, 
avec Colbert^ créa la Compagnie des Indes. . 

'Ainsi que nous l'avons vu, après la mort de du Parquet 



• • 



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128 



FRANCO» OB ÔOLLART 



dès désordres avaient éclaté à la Martinique. SnccessiTement, 
les autres lies n*ayant pas été plus heureusest la cour résolut 
de les racheter toutes aux seigneurs propriétaires et d*en 
confier le commerce à jme nouvelle compagnie qui opérerait 
sous le protectorat du Roi. 

Alors, comme moyen d'appréciation, pour déterminer 
d'une manière approximative la valeur acquise par ces co- 
lonies» on voulut se rendre compte du mouvement d'émigra- 
tion qui s'était produit du continent européen aux Antilles, 
depuis que du Parquet et d'autres les avaient achetées. 

Un recensement nominatif des habitants de chacune d'elles 
fut dressé et envoyé en France. CSe travail est curieux et 
instructif. Il y avait alors à la Martinique : une colonie pari- 
sienne, une colonie dieppoise, rouennaise, malouine, nan- 
taise, poitevine, bordelaise, etc. : on y comptait aussi des 
étrangers : des Flamands, des Ecossais, des Hollandais, etc. 
Ce mélange produisit, avec le temps, des types créoles admi- 
rables. On en peut citer un remarquable exemple : Llmpé'ra- 
trice Joséphine avait dans les veines du sang Orléanais, 
normand, nantais, parisien et anglais, par Tune de ses 
grand'mères... 

Ceux qui ont écrit sur la Martinique anciennement ont 
beaucoup exagéré le chiffre de sa population. Avant l'époque 
où fut dressé le premier recensement de la colonie, les uns ont 
compté vingt mille ftmes; d'autres, aussi peu renseignés mais 
plus raisonnables, dix mille..G'était encore trop de moitié. 
Le véritable chiffre de la population blanche et noire, en 
comptant les femmes et les enfants, était exactement, en 
1664, de cinq mille trois cent trois personnes. L'amour-propre 
martiniquais peut supporter cette révélation aujourd'hui 
que la colonie nourrit près de 170,000 habitants. 

Ainsi que l'indique son article de recensement, extrait du 
« RoUe général de la compagnie de M. de Laubière, tant des 
habitans que des garçons portant armes, que femmes et ^ 
enfans et femmes stérilles, neigres et neigresses et leurs 

■•••■A .. ■ 



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I 
■T Uk MA&TUaQOB 120 ' j 



enfans », le personnel de la maison Collait en lOM se eom- 
posait de 1* Qaade de Gollart et Biadeleine de Bremond, 45 et 
33 ans ; 2* leurs enfants : Madeleine et François, 6 et 3 ans ; 
3* quatre serviteurs français, de 22 à 32 ans; et 4* YinglHleox 
esclaves, nègres et négresses. Ce nombre de travailleurs in- 
diquait un revenu de* 30,000 livres environ, un nègre étant 
alors compté comme rapportant annuellement à son maître 
en moyenne, 1800 livres, les non-valeurs défalquées..* 

M. et M** de Gollart ne tardèrent pas à marier leur sœur 
M*^ Qaude de Bremond. Elle épousa, en 16Q6, M. Pierre du 
Prey, natif du Havre, venu dans !a colonie comme chirurgien 
de marine. De ce mariage naquit notamment un fils z Louis 
du Prey, qui devint officier et gagna rapidement le grade de 
colonel. Compagnon d*armes de François de Collart» jon 
cousin-germain et son digne émule, il acquit par ses belles 
actions aux Antilles une réputation de bravoure telle, que 
la cour (on était sous la Régence) le fit anoblir en 1721.Voici 
ce que nous remarquons dans les lettres patentes qui lui 
furent délivrées en août de la dite année : 

« Nous avons d'ailleurs été informé que le mérite per- 
sonnel du sieur du Prey est encore soutenu par.vm^ nais- 
sance distinguée, étant issu, par sa mère, de la. paaisonj^e 
Bremond d'Ars, ancienne noblesse de notre province d'Ao|op^ 
dont elle portait le nom et les armes.r » , - 

Le colonel Louis du Prey (auteur des branches du Prey de 
la Rufflnière, de la Moinerie, etc.) est un des ascendants de 
M. le sénateur baron de Lareinty*. 



« An moment où nous tenninoiu U McomU partio do ootto étaulo, mom» 
rooevont do U ICsrtiuquo les plue tristeo noiiTdlee. Un oyoloso ol ms 
tremblomoBt do terre — oomme on n*en avait pao tu dopais l'année ItlT ~ 
Tiennent d*épronTer erneUement la oolonie. Pins do trois oents personnos ont 
péri. La tîUo do Fort^o>Pranoe, déjà dérastéo par nn inoondio dsnt' U 
Métropole s*est récemment émnc, est, dit-on^ presque détruite. C*est- pour 
nous en quelque sorte une obligation d'adresser iei à nos amis do la Ifar» 
tinique la plus vive expression de notre empathie, à Focoasion do oo déplo* 
rable érénement. Comme toujours, en face à*un% aussi touohanto inforlono^ 
le pajs, nous n'en doutons pas, fera générsusoBMnt son dofoîc*^ ^ ^ 

CoUéàMX C8MI) 11 



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TROISIÈME PARTIE 



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^Mmton ••ir#tè'd« réUblUs^m^at dé la- Oompâ^ato dM ladM 

oa«idéaUUs. — Al«zAadr« ProoTllto d« Ti»07* ** !>• 01ôdor<^_ 
f d* la Barr*.: — Ott*raa d« 16M à 166t. — T^Um attaqua da la r 
i. Jiartiaiqtia par las Aa^laia. — Madalaiaa d*Onuii|r«* rr- X« da 
< t|aa|i.^rT .17aa,a9»toaaaa4« i»iff^* .-rr.^raii^iar aadaatara da la Mar- 
( .jM^ftlqna m J.67U.— v Tanas posa^^^aa, par Olauda da. OoUarl à 
f aaUa:époqpa.,— ,M da BaliiiarMarll^a. fouTamaar da U Marti* 
; aiqtif • baaa^i^p^ra A* Vranfola da Oallart. — 8a part ir^oriauaa 
au aÎÀM da l*llaaa 1674 par laa Hollaadaia. — Mort da Olàuda 
da Oollart àa 1678.' — Jatiaaaaa da Fraapoia da OoUart. "^ 8oit 

adnaatloa aa Fraaaa. «-* 8aa praiaiara aarrlaaa aa ré|ru&^At 

» • « • • • 

da Boaarjraa* — Kadalalaa da Braiaoad aa Vraaaa. -* Satoai^ 
' da' K»« da OoUart at da aoa ÛU k U Martiaiqaa. — Laa miiiaaa 
' da i*ila^ — Vraaçoia da Oollart ast aommi liaataaaat. — 80a 

warlaça araa Aa^ 4liqaa-Aaaa da 8aiata-Martha. — 8a daMaa-* 
! dàaaâ at aalla daaoabaaa-pèra. -r PramiAraa armas da JPraa^oia 
; da Oollart aoz Aatmaa. -r Prisa da l*ila 8aiat-««ataéha. 



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I. . 



Colbérl prévoyait que l'établissement de la Compagnie des 
Indes occidentales n'aurait pas lieu sans difScuItés» sans 
froubles. Les deux précédentes Compagnies : celle de Saint- 
Christophe et celle des lies d'Amérique, avaient laissé de si 
fâcheux soiiveDira aux Antilles que ravènemeat d'une nou- 
•■ •■ \ ., ... ^ 



FRANÇOIS Dl GOLLART Et LA MARTUflQUI 181 

velle société devait reocontrer one opposition générale. U 
était à craindre qu'à la Martinique principalement, ob les co- 
lons étaient moins patients, moins résignés que partout 
ailleurs, l'opposition ûe produisit une explosion parmi les 
têtes chaudes de la colonie. Aussi CSolbert, dans cette prévi* 
sion, voulut-il envoyer d'avancé en Amérique une escadre 
dirigée par un chef à la fois prudent et avisé, qui^ muni des 
pouvoirs les plus étendus, soutenu par une force imposante, 
serait en mesure d'apaiiser les esprits, d'installer de nouveaux 
administrateurs et d'obliger successivement chaque colonie 
à recevoir, à laisser fonctionner la Compagnie. Personnelle- 
ment Louis XIV attachait une grande importance au com- 
merce qu'elle allait inaugurer. Il se flattait d*en tirer un 
immense profit pour le Trésor français. Les béhéSées oonsi- 
dérabies donnés, depuis longtemps déjà, par là Goûipagnie 
hollandaise à la République dès Provinces-Unies, lui sem- 
blaient un sûr garant de réussite. Mirage frompeùr 1 Peut-ôtre 
le Roi eût-il mieux fait — financièrement et pglifiqûement — 
de chercher à s'associer^ par des traités décoiiimèrcé, aux 
opérations de cette Compagnie grandiose, éxpériûièiitéei que 
de s'acharner à les interdire dans nos colonies, potir aboutir, 
huit ans plus tard, d'excitation en excitation, à une guerre 
effroyable sur le continent européen, aussi bien qu'aux lies 
d'Amérique et dans l'Océan indien. 

Quoi qu'il en soit, Colbert se montra Judicieux dans son 
choix. Alexandre Prouville de Tracy, officier général de 
haute valeur, ci-devant commissaire* des armées du Roi en 
Allemagne, avait été nommé, à la date du 19 noyembre 1068, 
c lieutenant général pou^ lé Roi, tant en l'Amérique septen- 
trionale que méridionale, en terre ferme et aux liés. » Les 
pouvoirs d'Alexandre de Tracy (qui ne pouvaient être que 
momentanés) s'étendaient donc à la fois sur le Canada^ sur 
la Ouyane et sur toutes les Antilles françaises. 

Cependant^ jusqu'à nouvel ordre, Saint-Christophe, Sainte* 
Croix, Saint-Bai*thélemy ^ et autres lies en dépendant », ap« 



132 yBAMQOU Dm OOLLAJtT 

partenant encore à TOrdre de Malte» qui les avait acqaises 
en i6Sl« ne forent pas comprises dans les pouvoirs dn non- 
veau gouverneur général. Ce ne fut qu*en décembre 1068 
que la Compagnie put être en mesure de négocier Tachât et 
de prendre possession de ce qui formait le domaine du com- 
mandeur de Poincy. Rappelons à ce propos que Tancien 
lieutenant-général, dont il nous a fallu montrer le despotisme 
et la révolte, était mort en avril 1680. Depuis le retour de 
M. de Patrocles en France, M. de Poincy avadt bien su se 
relever dans l'opinion des colons américains et dans l'estime 
des seigneurs propriétaires des Antilles. Le dernier bienfait 
de son gouvernement fut le traité de paix conclu avec les 
clîefs caraïbes en mars 1660. Le capitaine Charles Baillardel. 
successeur de son père (mort à la même époque que du Par^» 
quet), comme « capitaine garde-côtes contre les sauvages»» 
avait pris part à ce traité au nom des habitants de la Marti- 
nique. L'une des clauses de cet acte important était que 
Charles Baillardel rendrait les deux neveux d'un chef ca^ 
ralbe qu'il avait faits prisonniers sur sa flottille. 

M.deTracypartit de la Rochelle le 26 février 1664 avec 
une escadre composée de deux vaisseaux de l'Etat et de quatre 
navires de la Compagnie portant douze cents, hommes de 
débarquement H arriva le 11 mai à Cayenne, première étape 
de sa mission, et parvint à la Martinique dans les premiers 
jours de juin 1664. U y fut bien accueilli. Le public ne savait 
pas encore à quoi se résoudrait l'action du nouveau système. 

De Tracy, reconnu dans sa charge le 7 juin 1664 par Dyel 
de Clermont, gouverneur pour « le petit du Parquet », fit 
prêter serment le même jour à tous les corps d'Etat de l'Ue : 
au Conseil souverain (de création récente), aux milices, au 
clergé, à la noblesse, au peuple, etc. , et, poursuivant sa mis- 
sion, il remit à la voile pour la Quadeloupe. Il y séjourna 
quelques mois, en attendant la venue des fonctionnaires 
chargés d'installer les différents services de la Compagnie 
des Indes occidentales à la Martinique. 






R L4 MAKlDOQIfli iSB 

Celaient lOL de Clodoré, gooTemeor pertieidiert et de 
Chambré» agent général de la Compagnie. Partis de le Ro- 
chelle le 14 décembre lOOi» Os prirent possesâon de leur 
emploi le 19 féirrier 168S, en présence de M. de Tracj, re?ena 
de la Guadeloupe afin de les faire reconnaître. 

Glodoré,rnn des meilleors administrateurs qu'ait ensia 
Bfartinicpie\ donna toot de suite la mesure de scm caractère 
énergique. Le t^le de Tédit qui créait la Compagnie des 
Indes occidentales [mai 106<)était à p«ne connu des habitants 
qu'une sédition éclata au Prêcheur, quartier d*oh partait gé- 
néralement le signal des émeutes à cette époque. Un sieur 
Rodomont, « n'ayant de remarquable que le nom », dit Du- 

m 

tertre, s'agitait bravement au milieu d'une bande d'oppo- 
sants criant : c Point de Compagnie I Vive lé petit du Par- 
quet. » Clodoré prévenu court au Prêcheur et, à peine accom- 
pagné, va droit an coupable et le fait saisir. Le pauvre diable 
est jugé, condamné et pendu le môme jour, 20 février 1006. 
Malgré cet exemple, trots autres soulèvements, qui eurent 
lieu, pour la même cause, en différents quartiers, nécessi- 
tèrent trois sacrifices semblables, dont les nommés Le Roy» 
Jousselin et La Rivière furent les victimes. Ace prix, le calme 
se rétablit et les représentants de la Compagnie purent es- 

m 

pérer que l'ère de sa prospérité allait commencer au moins à 
la Martinique. • • Il a'en fut rien. La Compagnie végéta, lutta" 
contre la mauvaise fortune quelque dix années, perdit dnq 
millions et succomba. Louis XIV en fut personnellement pour 
treize cent mille livres qu'il paya noblement 

Les derniers événements s'étaient passés pendant que 
M. de Tracy était encore à la Martinique. • . Il mit le cap sur 
le Canada vers le même temps que M. de Clermont s'embar- 
quait pour la France avec ses deux cousins, les enfants du 



« Voiei eommêiit il m qvaliflftît daat les aclM d« ton adainittraliMi t' 
« Meuire Robert U Friooi-Desfrielicf, chermlier, teignenr de CUkUni, piM- 
dent an CoDeeil souTeraiii, goiiTenieiir de l*iale IfartÎDiqne, sont rkntorilé 
de BOf . de la Compagnie des Indes occidenlalee. 



ISé FRAMOOIS ,D1 COUéàMf 



Parquet Deux cent quarante mille livres étaient allouées 
par la Compagnie aux héritiers Dyel. Ce furent encore eux 
qui se trouyàrent les mieux fayorisés. Avec le prix de leurs 
domaines coloniaux» qui fut payé en France, leur tuteur 
acheta pour leur compte, du duc de Luynes» les terres de 
Sorel et de Fontenailles , anciennement érigées , Tune en 
comté, l'autre en marquisat, la première en Touraine, près 
Maillé, la seconde en Normandie, près Caen. 



n 



A. 



Il nous faut abréger beaucoup le récit de ce qui survint 
aux Antilles, pendant la guerre de 1666-1668. Nous avons hâte 
d'arriver aux points qui touchent de plus près à notre sujet 
Nous étions en guerre avec les Anglais. Ils cherchèrent à 
nous faire tout le mal possible dans nos lies. Nous les bat- 
tîmes dans les leurs. Ils furent chassés de Saint-Christophe, 
d'Antigue et de Montsarrat... Les milices martiniquaises 
embarquées sur une nouvelle escadre envoyée aux Antilles 
avaient pris très sérieusement part à cette guerre dans l'ar- 
chipel. • • Voilà tout ce que nous devons dire pour maintenir 
le fil du récit Quant aux faits dont la Martinique fut le théâtre 
à l'époque où nous sommes, il n'est pas inutile d'ajouter 
quelques détails., 

A M. Prouville de Tracy avait succédé, comme gouverneur 
général, M. Le Fèvre de la Barre, commandant en chef de 
l'escadre. De la Barre était plus brave qu'intelligent Peu iTèn 
fallut que son caractère jaloux et altier no compromit la pos- 
session même du chef-lieu de son gouvernement 

Glodoré venait de donner, hors de la colonie, à la tête des 
milices embarquées, des preuves d'une haute capacité mili- 
taire, ^on mérite ^d^tant portait ombrage au gouverneur 
général, et lorsque Glodoré proposait une mesure utile^ M. de 
la Barre se trouvait enclin à vouloir absolument ]p çQq^^aire^ 



IT LA IfARTimom' MV 

Cependant, en face de rennemi, en présence du péril qne U 
Martinique courut en 1667, il fut nécessaire de f 'entendre*.. . 

Du 29 juin au 6 août, la Martinique €fut à subir quatre af* 
taques enragées de la flotte anglaise, commandée par le che* 
valier Harmant et lord Willongby. Ces quatre attaques furent' 
glorieusement repoussées. Saint Pierre et l^ Mouillage eurent 
surtout à souffrir dans ces actions mémorables. 

Pour donner une idée de racharnement avec lequel les. 
colons martiniquais sV défendirent, il nous est agréable de 
reproduire les lignes suivantes,' que nôîis' trouvons âànsië 
récit du Père Dutéirire : 



•.' .1 



«^ • • t » .«Il 



^ .. ^ ..... .. 

€ L'on remarqua dans ces combats une chose asses rare peur 

< occuper ici une place, c'est qa*une femme nommée Madei^ine 
€ d'Orange, dont le piari Msait rofïïce de canonnier à la ÎMitterie dé 
c Saini<-8ébastien (Mouillage) obi était le gouverneur (il • de Clodorè), 

< y tint ferme pendant tous les' oombàtè,' -fournissant coiiéa^uW> 
c ment les cartouches, les boulets et toutes les choses nécessaires 
€ aux canons, sans s'étonner aucunement du firacas et du massacre 
€ que ftiisait le canon des ennemis et sans Jamais baisser la tète 
« pour des milliers de boulets qui passaient par-dessus. • : ... • 

De telsdévpuements nedoivent point être oubliés. L*e^mple 
en sera toujours salutaire. En citant ainsi. le nom de 
Madeleine, DuteHre a rempli son devoir d'historien. Goni'* 
piétons son éloge en disant ce qu*étaitrintrépide Française 
célébrée par lui. ' 

Guillaume d'Orange, père de Madeleine (un héros, lui 
aussi, dont nous reparlerons), né en 1600 à Dieppe^ était passé 
aux lies en 1628 avec Urbain du Roissey, lieutenant de .d*Bs-^ 
nambuc. Il y épousa, en 1637, Madeleine Huguet, venue vers 
le même temps à Saint-Christophe avec son oncle Uénard' 
dé roiive, plus tard gouverneur de la Guadeloupe. Guillaume 
passa Tun des premiers dans cette dernière tle et s'établit à 
la Capesterre, où notre héroïne est née le 29 Juin 1630. Voici 
son acte de baptême, le plus ancien des • Anti(les, conservé 
aux archives coloniales : . .*- . • 



. ^ 



m 

' l lfi«dêlaiM'*d*01raiige * * «fié baptisée par^ moy atf loÎElf An woà 
père, xkj wSmsA pu encore de ehapeUe dédiée. Bile ftit ainsj nommée, 
par GUnde Rolrdet« de Nantes ; a esté M"* Ooilloi sa marraine» Le 
premier JnUlet 1039 : elle était née le 29 Jnin. F. Bemood Breton. > 

Madeleine, passée à la Martiniqae avec sa famille yen 
16G0» avait éponsé à Saint-Pierre M. Jean Vallance dentelle 
eut quatre enfants. Sen mari tomba mortellement frappé 
dans Tun de oes combats eb elle se fit remarquer à ses eôtés. 
Trois ans après» Madeleine se remaria avec M.. Jean Le Roux 
de Chapelle, dont elle eut aussi plusieurs enfants. Elle mourut 
au Prêcheur le 25 janvier 1710, à Tftge de 78 ans. 

* La renommée ' qu*eut Madeleine de ce qui se lisait A la 
Martinique, dès 1672, dans l'ouvrage du P. Du tertre, au sujet 
de sa belle action, ne fut pas sans profit pour sa famille. Tous 
ses enfants et petits-enfants, aussi bien que ses beveux et 
nièces^ firent de beaux mariages. Deux de ces unions ame- 
nèrent cette double particularité que la* sœur cadette de 
Madeldne^ Marie d*Or^nge, figure en ligne directe dans la 
généalogie de Timpératrice Joséphine et dans celle aussi des 
descendants de Claude de CoUart, contemporain des deux 
scpursv'lequel.a dû être témoin du courage de Madeleine au 
siège.'de la Martinique par les Anglais. 

• 

. De la Barre, obligé de reconnaître la supériorité dedodoré 
dans la direction de la défense durant le siège^ ne pouvait 
luipardonner la gloire qu'il avait acquise au détriment de la 
sienne. Leurs relations s'aigrirent et. Tannée . suivante, le 
20 février 1068, sous divers prétextes, de la Barre destitua 
son collègue de sa propre autorité* Blftmé pour ce fait» il fut 
rappelé en France et remplacé. 

. M. de Baas, son successeur (non plus sur une escadre); 
prît le commandement des lies à la date du 4 février 1009. 

Nous' avons quelques lettrea intéressantea de ce gouver^ 
neur général qui se piquait d'écrire avec* une certaine re-* 
cherche. Le 26 décembre 1000, il dépeint là manière de vivre 






BT LA KARTINIQim 137 

des habitants ; il parle de la coquetterie dea femmes « qui 
veulent toutes les propretés de la mode». 

Le 24 septembre 1070, il annonce à Golbert TarriTée à la 
Martinique do dom Matheo Lopest ambassadeur du roi 
d*Ardres « allant en France vers Sa Majesté» avec des pré- 
sents composés de ^eux coutelas et deux zagayes, chefs* 
d'œuvre inimitables »• 

Dom Lopez, vieillard septuagénaire, est venu de Guinée 
sur le navire La Concorde. Le sieur Naudin, capitaine de ce 
b&timent faisant la traite, amène à la Martinique six cents* 
nègres. M. de Baas a salué de cinq coups de canon rentrée 
de Tambassadeur à Saint-Pierre au milieu de plus de deux' 
mille personnes. Il fait de cette entrée un tableau qui nous 
paraît aujourd'hui d*un comique achevé. '^ 

Le personnage est précédé de ses trois femmes et de ses 
trois enfants, de six captifs et d'un héraut sonnant de lai 
trompette. « Cet instrument,' dit M. de Baas, est construit 
d'une façon extraordinaire et ridicule. Il le fait toujours 
marcher et sonner devant lui, comme une marque de gran^ 
deur. Les enfants, les femmes et les captifs sont tout nuds, 
à un linge près qui les couvre de la ceinture aux genoux. 
L'ambassadeur est venu dans le môme équipage. Il s*est em- 
barqpé, pour venir en France, avec des coquilles d*escargots 
qui est la monuoie du pays. » 

M. de Baas s'étonne qu'on ose s'aventurer avec aussi peu 
de moyens pour « eireuir » la moitié du monde. L'objet de 
cette ambassade est, pour le roi d'Ardres, de décider qui, de 
la France ou de la Hollande, doit avoir le pas dans les rela- 
tions commerciales en , Ghiinée. Les capitaines de navires 
des Compagnies dé commerce rivales se disputent à qui 
aura les plus prompts et les meilleurs chargements. Le mô» 
narque nègre veut juger, en connaissance de cause, h laquelle 
des deux nations il est de son intérêt d'accorder la priorité. 
Dom Lopez explique cela de vive voix, par interprète ; car 
son maître ne sachant pas écrire, et personne dans le 

COLLART (250) 13 



1» 



FRANCO» DB OOJULWt 



royaume ne sè permettant <fen savoir plus ^qné leroF^ri 
voyé n*a pu emporter de lettres de eréanoe.' * * '« ••' ' ■* 

M. de fiaas espère de grands avantages deeette àâilM»- 
sade. n a parlé d'un traité de commerce à dom'Lopes «'^or 
paraît homme de* bon sens ». Gelui-d a .fait cette réponse* 
imagée : « Le 'roy de France est un coffre. Le roy d'Ardres 
est un autre coffre et je suis la clef de tous les deux. Mais; 
pour faire plaisir au roy de France, je vous promets quesile 
roy d'Ardres est aussi dur que du fer, je le rendrai aussi mol 
quelacire.» . . - ,ii »,.♦ 

On a embarqué dom Lopez et son monde' sur le navire 
La Bergère^ capitaine Reauville» en partance pour Dieppe, 
lequel a mis à la voile à la fin de septembre 1870..i ' 

Ck>lbert répond à M. de Baas, le 21 décembre : « Le sieur 
Mathieu Lopez est arrivé icy et eust hier audience du roy et 
la doibt aujourd'huy avoir de la reyne...- » i- .'•«.' • •. ^ 

Pauvre ambassade nègre! Et dire que s'il prenait envia 
au souverain d'Ardres actuel d'imiter son prédécesseur dit 
y a deux cent vingt ans, le personnel de l'ambassade ne serait 
guère mieux équipé^ tant le progrès a marché dans ces pays- 
là. Singulier peuple 1 U habite la Gôte-d'Or et n'a pour mon^^ 
naie que des « coquilles d'escargots », suivant M. de Baas, 
en réalité des cauris. lin ces temps de nombreux traités sur 
la côte occidentale d'Afrique, il nous a paru intéressant de 
mentionner les dispositions d'un roi de Guinée envers la 
France, il y a deuxsièdes. ---^ • /« 

M. de Baas gouverna trois ans avec M. Rools de-Laubièreai. 
ancien capitaine dans les milices de la colonie, qui avait suc- 
cédé à M. de Glodoré comme gouverneur particalier. M. de 
Laubières étant mort, M. de Sainte-Marthe (aa sujet duquel 
nous aurons à nous étendre) fut nommé pour le remplacer. 



• • 



. » 



N 



•.» 



' ET LA UkfLTtHlQiM ^ ISA 

a 

Nous voici en 1671; L'administration métropolitaine, rayé-^ 
nue depuis sept ans déjà au système de rexploitatioa des 
colonies par l'intermédiaire d'une Compagnie, a besoin d'être 
renseignée sur la contenance et la valeur des terres cultivées 
depuis le commencement de la colonisation française en 
Amérique. •• /'''•'' 

M. de Baas fait dresser avec le plus grand soin on étal des 
propriétaires de la Martinique, indiquant l'emplacement et la 
mesure des terres possédées par chacun d'eux et l'usage qu'ils 
ont fait des concessions distribuées. Dans ce document» daté 
du 30 décembre 1671, et signé par M. Pelissier/directeor gé- 
néral de la Compagnie, M. Claude de Collart a deux articles. 

Le premier le désigne comme propriétaire à,la paroisse da 
Fort-Saint-Pierre, le long de la rivière du Carbét, d'un t6r^.' 
rain de la contenance de 150,000 mètres carrés, ob éè cul* 
tiventla canne à sucre et le gingembre. 11 résulte du second 
article que ledit M. de Collart possède, entre rétablisseineni 
des RR. PP. Jacobins et la propriété de M. de Laubières (à la 
Case-PiIote),un autre terrain de la contenance de 500,000 miètres 
carrés, sur lequel existe une sucrerie avec moulin k bœnCs. 
Il est planté « en cannes et en vivres », et une partie* en bois 
debout » reste à défricher*. r 



. » •• 



* ht nom de la Caie-PUoia, premier lien d'éUblietemeni de dande de. 
CoUart, ne figure pas dane ce receneement* La paroitee da Fôri43aiBtPiêm 
•*éteBdait alors jaiqn*aii • Cal - d e-6 ae L o ai e » , n o m T algai re da Fôri-&QgpaL' 
Elle comprenait le Carbet et la Caae>Pilote, qui ne furent deeaenriea, 
paroisses proprement dites, que Ters 1676, époque à laquelle d^aOleuri 
mencent les registres d*état civil conserrés. On ne Toit trace d*^etet ii 
au Fort-Royal qu*à partir de 1680. Les habitants de la Case-Pilote —dans Isa 
commencements -» allaient aux olAees religieux soit à la chapelle du Fori* 
Royal, soit à Téglise du Carbet ou à celle de Saint>Pierre, si le Carbet notait 
pas de desserrant. U suit de là qu*en cas de recherche de Iris andens aetea 
de baptêmes ou de mariages sur cette partie de la cdte martiniquaips^ il 
confient de s'étendre (dans les registre^) du Fort>Rojal \ Saiat-PSene^ fi ISm 
reut être sAr d*aToir fait une recherche complète. 



140 FRANÇOIS Dl OOUJMf 

Ces deux propriétés sont notées comme donnant ensemble 
un revenu annuel de 90«000 livres. Rien ne prouve mieux 
Tesprit actif et industrieux de M. de CoIlarL En trente ans, il 
était devenu Tun des plus riches colons de la Martinique* 
L'histoire va nous montrer que son mérite ne se bornait pas 
aux travaux de colonisation. La défense du pays le trouvait 
aux premiers rangs, dès que la colonie était en danger. 

Mais nous voici suffisamment rapproché de notre sujet* 
Cest le moment de présenter au lecteur le nouveau gouver- 
neur de la colonie. 

Tout le monde connaît de nom la très ancienne famille de 
Sainte-Marthe, du Poitou, si féconde en personnes de haute 
science. Son illustration remonte au règne de Charles VU 
(1422-1461). Elle compte au moins quarante écrivains dis-' 
tin'gués. Poitiers et Loudun se partagent llionneur d'avoir 
vu naître la plupart d'entre eux. Scévole de Sainte-Marthe 
(1536-1823) et ses fils ont jeté sur leur époque un tel éclat que 
la branche dont est descendu notre Sainte-Marthe en a reçu 
un certain reflet qu'elle a bien soutenu. 

L'aïeul du gouverneur de la Martinique, Louis de Sainte- 
Marthe, chevalier, seigneur de Boisvre, lieutenant général 
du Poitou — en dernier lieu maire de Poitiers — époux de 
demoiselle Claude Qrignon de la Pélissonnière, était le frère 
du grand Scévole, qui certainement a connu son petit-neveu, 
né dix ans avant la mort de cet homme illustre. ' 

Les Martiniquais savent au moins par tradition que la 
colonie a possédé un gouverneur de ce nom. Un fedt contribue 
à perpétuer ce souvenir. L'une des plus belles voies de Salnl- 
Pierre s'appelle « rue de Sainte-Marthe ». C!e que nos colons 
ignorent complètement» c'est la vie de Texcellent homme 
dont le nom leur est si familier. Les auteurs de l'histoire 
généalogique de la maison de Sainte-Marthe se sont géné- 
ralement bornés à mentionner sa filiation et sa qualité. Et 
pourquoi T Parce que, très jeune, il s*est éloigné de son pays 
natal par suite d'un amour contrarié, et que ses collatéraux 
Font perdu de vue. 



* / 



BT LA MARTimQrà 141 

. La biographie inédite de notre Sainte-Marthe est à la fcda 
corieose et intéressante à plus d*an titre. Toute la prendtoe 
)>artie (dont le comm encement se passe en ce beau pays de Tou- 
raine qtt*habita plus tard la famille de Bremond-GoUart) se 
trouve relatée dansun mémoire — empreint de sincérité autant 
que d'ingénuité — rédigé par M. de Sainte-Marthe lui-môme 
pour demander la naturalisation de deux enfants qu'il avait 
eus en Angleterre. A travers le développement d*une idée - 
bien suiviCi on comprend que M. de Sainte-Marthe» écrivant 
à une époque rapprochée des événements qu'il effleure» 
néglige de préciser, et, si sa relation n'était émaillée de 

• 

détails qui touchent à des personnages historiques^ on ne 
saurait fixer aucune date. Nous avons fait de notre mieux 
pour remédier à cet inconvénient qui tend à rendre aujour- 
d'hui ledit mémoire asses obscur. 

Antoine- André, fils de René de Sainte-Marthe, chevaliert 
seigneur de la Lande (1587-1632), et de Marguerite de Rann 
de la VerdonnerieS naquit en 1013 au ch&teau de Braslou, 
près Richelieu (Indre-et-Loire), à sept lieues de Chinon. n 
eut pour parrain le comte de Voyer de Paulmy (de Tillustre 
famille des seigneurs d'Argenson, alliés aux Sainte-Marthe 
par les Turpin de Crissé), conseiller d'Etat, intendant de 
provinces, en dernier lieu ambassadeur à Venise^ ob il est 
mort en 1051. 

A peine André avait-il terminé ses études que son parrain, 
en même temps c son curateur », sollicité par M"* de Sainte 
Marthe, alors veuve, l'engagea fortement à rechercher en 
mariage M"* de la Richardière, fille de feu René-François» 
écuyer, seigneur de la Richardière, en Indre-eIrLoire. Mais 
c son inclination ne penchait pas de ce costé-là ». Le jeune 
homme, épris de M'^ du Roger^ « fille d'un gentilhomme 



* Margutrite d» Ran»* ftUe d« HeDrittt» Pidowt, était la aièoa de Frasgoia» 
Pidouz (net «n 1582). Alla da Jaaa Pidoux, doeUur an médaaina, époaaa da 
Gharlaa da La Fontaine, pare de Jean de La Fontaine» né en iSli, llmmorial 
fabuliate, contemporain et coniin de M. le ehevaliar de Sainta-Harlha. 



- -a 






Itt frauçois um ocwiakt 

alors très cognea en Poitou, » (Jean de Périon, ehevaliér» 
seigneur du Roger), à laquelle il avait engagé sa foi, supplia^ 
sa mère et son parrain de la lui laisser épouser, ce à quoi ilâ' 
ne Yonlurent pas consentir. De plus en plus pressé au sujet 
de M"* de la Richardièré, il quitta le pays afin de se délivre» 
de cette obsession, emportant d'ailleurs respérance que le 
temps lui gagnerait ce que ses prières n'avaient pu lui faira 
obtenir.* i. 

André, alors dans sa vingtième année, s'en fut à la Rochelle^ 
puis à 111e de Ré, oà il séjourna chez M. (François de Gousse»- 
écuyer, seigneur) de la Loge, gouverneur du Port de la Prée# 
qui s'intéressait à lui. A quelque temps de là (1684), le Père 
Elisée, prieur du couvent des capucins de 111e de Ré, t qui 
venoit d'exorciser les ursulines de Loudun se disant possé- 
dées', » vint faire visitée M. de la Loge. Pendant sa visite, le 
Père Elisée, paraissant tout à coup reconnaître M. de Sainte- 
Marthe, demanda la permission de l'entretenir un moment 
en particulier pour lui donner des nouvelles de sa famille. 

André se prêta volontiers à ce désir, c Je suis, lui dit le 
Pèreje confesseur de M'** du Roger, que vous avez recherchée 
en mariage contre le sentiment de votre mère. M. de Bois^ 
guérin', gouverneur de Loudun, son oncle, c homme fier et 
hautain^ » s'est querellé avec votre famille parce qu'elle avait 
médit de la jeune personne à cause de voire mutuelle incli-^ 
nation. La querelle s*est envenimée si gravement que M. de 
Boisguérin a fait perdre è.sa nièce l'amitié qu'elle avait pour 
vous^ et Ta persuadée d'épouser M. de Bussy, gentilhomme 
demeurant à la Bellecave, près Saumûr. Cette union vient 
de s'accomplir. • • » .. . , 

Grand fut le chagrin d'André à cette nouvelle que, selon 
toute apparence, il ne devait pas seulement au hasard. On lui 

• Ce détaU nous aide à fixer la date de 1634. Oa était alon à Pépoqne où 
ee jngea le procàt lamentable dv fameux Urbain Orandier, curé de Saint- 
Pierre de Londnn, qni, uieone-le en passant, avait assisté le grand Scérole de 
Sainte-llarUie à ses derniers moments (I629)et prononcé son oraison funèbre. 
liaro^Antoine Uarean, écnyer, sienr de Boi^gnérin. • 

\ 



hk MAMnmKoam 14t 



faisait comprendre que eelle qa'il aimait étant perdae poor 
loi, il n'avait plus qa'à ae marier aree IH* de la Ridiardière. 
Bfais ne voulant à aoeon prix de eette compensation, vl mèfe 
et son parrain ne cessant de le tourmenter (probnLieinent 
par llntermédiaire dn Père Elisée) afin de le faire cédera 
leurs Tolontés, Andfé profita d'une oceaslon^qui se présentait 
à lui^ pour passer secrètement en Angleterre, seul moyen de 
se délivrer de eette pooryuile.' ..• . 

n y a ici une lacune que nous ne pouvons combler. A 
quelle date André quitta-t-fl M. de la LogeT D semble que le 
Jeune homme dut rester plusieurs années au Port de la Prée 
et qu'il y apprit le métier des armes. Il parait aussi qull dut 
se rendre en Angleterre arec le premier des trois person- 
nages immiidiatement cités dnlessons Qe premier indiqué, 
bien que le dernier parti de France), .s*. 

Quoi qu'il en soit, arrivé à Londres, André « flst des habi- 
tudes chez MM. les ducs de Vendôme, de. la Valette et de la 
Vieuville », éloignés de France pour des causes bien autre- 
ment graves qqe la sienne. C'était l'époque où Richelieu dé- 
fendait I*Etat contre l'opposition des grands et n*en ména- 
geait aucun, quelque haut placé qu'il fût. .« 

La Valette, duc d*Epemon (1602-1061), accusé de haute tra- 
hison après la défaite de Fontarabie, condamné à mort par 
contumace, avait gagné Londres en 1038 pour sauver s^ tête. 

Charles, duc de la Vieuville (surintend-mt des finances en 
1023), avait encouru la haine du grand ministre pour s^étre 
attaché à la personne de la reine Marie de Médicis, tombée 
en disgrftce, et lavait. suivie jusqu^en Aiigleterre (1089). 

César, duc de Vendôme (fils aîné d^Henri IV et de Gabrielle 
d'Estrées, 1594-1066), accusé, en janvier 1041, d'avoir voulu 
attenter à la vie du terrible cardinal, s'était enfui.cn Angle- 
terre, sans môme essayer de se justifiera. ... 

C'est donc vers janvier 1041 qu'André de Sainte-Marthe 
dut arriver à Londres. . . 

ToM Iroit imninst^B PraoM après U môrt'diii cardinal (IMI)/ 



144 



VRAMÇOU DM OOLLAMt 



Dans U société des trois personnages dont il vient d*éire 
parlé, André fut introduit ches la reine Henriette de France, 
fille d'Henri IV» épouse de l'infortuné Charles I*, roi d'An- 
gleterre, vers le moment où commençait l'agitation qui amena^ 
les guerres civiles. '^ 

Là, « ayant faict beaucoup de cognoissances, il devint 
amoureux d'une demoiselle nommée Marguerite Bsted, d'une 
famille noble bien cogneue dans la province de Lancastre et 
qui appartenoit à Tune des dames d'honneur de Sa Majesté.» 
H obtint sa main avec la charge de capitaine au régiment des 
gardes de la Reine (1641). Il exerça cet emploi sous les ordres 
du prince palatin Robert 'de Bavière (plus connu sous le nom 
de Ruperl), arrivé de Hollande pour servir le roi Charles I^» 
son oncle, qui l'avait nommé généralissime de ses armées. 

Rupert, à travers des alternatives de succès et de défaites, 
défendit très vaillamment la cause du Roi jusqu'à la capitu- 
lation d'Oxfort, 23 janvier 1647, après laquelle son armée 
s'étant dissoute, il fut obligé de passer en France, entraînant 
à sa suite les officiers étrangers qui l'avaient soutenu dans son 
entreprise et quelques troupes qui lui étaient restées fidèles. 

M^ de Sainte-Marthe, sur le point d'accoucher de son se-' 
cond enfant, n'avait pu accompagner son mari. Elle le rejoi- 
gnit cinq mois après. 

Le prince Rupert se mit au service de la France au com- 
mencement de la guerre de Flandre, et forma un régiment 

* 

dudébris des troupes qu'il avaitamenées avec lui (mars 1647). 
André de Sainte-Marthe y fut pourvu d'une place de capi- 
taine aide-major, et fit ainsi les campagnes de 1647-1648, 
jusqu'à la prise d'Ypres, en Belgique, et la bataille de Lens. 
Après ces deux faits de guerre, le régiment du prince Ru- 
pert fut supprimé. Les troupes en furent incorporées dans 
celui du colonel anglais Thomas de Rokeby, qui prit André 
comme capitaine (novembre 1648). Il fit la campagne de 164B 
à Cambrai et à Condé. Puis Rokeby^ ayant quitté le service 
de la France pour aller on Angleterre rejoindre le prince 

•.A 



N 






\ 



BT LA 1I4ETI1UQUB 145 

Rupert, céda son régiment» alors en garnison à Amien8> à 
M. le comte Victor-Maurice de Broglio (ife), gonvemenr de ' 
la Bassée en Flandre*, où ledit régiment fat conduit (juillet 
1860). M. de Sainte-Marthe servit à la Bassée en qualité ûé 
capitaine aide-major de la place et fit ensuite les campagnei 
de 1664-55-56-57, judqu*à la prise dTpres par les Français, ler- 
26 septembre 1668. 

Sur ces entrefaites^ Marguerite Bsted, sa femme, mourut 
à la Bassée, le laissant père de quatre entants* La paix (dite i 
des Pyrinées) signée (7 novembre 1650), André se retira à 
Saint- Venant* vers le 16 décembre, date à laquelle M* û» 
Broglie quitta son gouvernement. L'année suivante, M. de 
Sainte-Marthe maria sa fille Alizon avec M. Jean-Baptiste 
de la Haye des Aublois, officier qull avait connu au dernier 
siège d'Ypres. 

• Le régiment de laFère {colonel Jacob Blanquet de Lahaye), 
étant venu prendre ses quartiers d'hiver à Saint-Venant» 
M. de Sainte-Marthe y fut employé comme capitaine. H y 
servit deux ans (1664^). Après ce temps, ce régiment ayant 
été réduit et la compagnie commandée par André suppriméOt 
il se fixa dans le pays d'Averdoingf et se remaria avec 
Mademoiselle Isabelle-Louise du Riez, fille du eçigneur d*^* 
verdoingt 

« Mais comme il est impossible à un homme aocoustumé 
à la guerre de demeurer dans Toisiveté d'une vie cham* 
pétre, » André chercha à reprendre du service. En 1687, par 
la faveur de M. le comte de Charost* et de M. de CSamavalet\ 
capitaines des gardes du Roi, dont il était parent» il entre 
à la cour en qualité de garde du corps de Sa Majestés Cest 
dans cette position que cinq ans après, recommandé à Gol* 
bert par les mômes personnages, M. de Sainte-Marthe est 

« A trois lieuM ds lilk. 
• À nenf lianes d'Attms. 
> A trois lieuss ds SaintpPol OB Artois. 
^ Louis de Béthune, comte de Gharost, gouvemeiir de Celais. 
« Claude d*Acigné, seigneur de Carnavalet (lesi-ltiS). 
CoxUkET(S50) 18 



Itt FRANÇOIS DE OOLLART 



nommé goaTerneur de la Martinique» i la date* du i^ 
juillet 187S. :u i\ 
- Voilà certes on luxe de détails donnés par M. de Sainte- 
Marthe en vue d'obtenir la naturalisation de ses deux en- 
fants, nés à Tétranger. Mais, non seulement son^ récit a 
Tavantage de nous montrer combien jusqu'ici son existence 
avait été accidentée et laborieuse — et de grouper une foule 
de renseignements historiques qu'on ne trouverait peut- 
être pas facilement ailleurs — il nous prépare à mieux com- 
prendre la seconde partie de sa carrière, qui rentre abso- 
lument dans notre sujet 






• ** 



IV 



M. de Sainte-Marthe s'embarque pour la Martinique avec 
sa femme et six enfants» et, le 28 décembre 1672» il arrive 
à Saint-Pierre» siège du gouvernement de la colonie. Dire que 
M. de Baas le reçut avec joie serait exagérer. Le gouverneur 
général des Antilles» homme d'ailleurs d'un vrai mérite» 
était goutteux et quinteux. Il avait supporté volontiers le 
prédécesseur de M. de Sainte-Marthe» parce que M. de Lan- 
bières, étant du pays» pouvait lui servir d'intermédiaire 
entre les habitants et de cette façon lui être fort utile. Mais 
l'idée d'avoir à la Martinique un gouverneur étranger à la 
colonie lui est importune. Sa correspondance trahit cette im- 
pression. Quand il voit débarquer M. de Sainte-Marthe en 
modeste équipage avec sa nombreuse famille (lui qui n'a 
ni femme ni enfants)» il fait là grimace. Avec quel dédain il 
le toise dans son rapport à Goibert I Pas de logement pour 
le recevoir» à moins qae lui» de Baas, « n'aille camper* ». 

* 00 manqua d« logement pour le gouTernenr t'explique ainsi : MM. de 
Vandroequet et de Qermont avalent occupé Thabitation de la Montagne ap*^ 
partenant en propte anx héritière dm Parquet; MM. de Traej et de la Barre» 
elUoaraant enr leva Taîwetni, Glodoré avait pu ae loger an fort Saint- 



^ 

'* 



V 



. IT lA MARTUaQUl 147 

Quelle imprévoyance! On aurait dû le prévenir. ••' Enflta 
cela s'arrange. Un directeur de la Compagnie, qQi rentre en 
France, cède son pavillon à M. de Sainte-Marthe : lui et ia 
famille peuvent s'y installer. ^ ' ' ^ 

Le surlendemain 90 décembre, le Conseil souverain est' 
assemblé. Les provisions de M. de Sainte-Marthe sont . 
lues solennellement, puis enregistrées. Ces provisions ônt^ 
cela de particulier que, données à Saint-Oermain-en-Laye 
le 16* jour de may de Tan de gr&ce 1672 », elles sont 
signées : « Marie-Térèse ». La reine avait la signature pen* 
dlBint l'absence de Louis XIV, parti pour la guerre de Hollande. 
Le 16 mai, le Roi se trouvait à la tète de son armée, sur la ' 
route qui conduit do Liège à Maastricht 

Le contre-coup de cette guerre fameuse se fit sentir dans 
nos colonies. Cependant, par une fortune inespérée, la Mai^ 
tînique n'en souffrit pas comme elle aurait pu le craindre. 
Elle y cueillit au contraire des lauriers dont le souvenir pré- 
cieux pour sa gloire ne s'est point effacé. Il était réservé au 
beau-père du colonel François de Collart d'attacher son nom 
à cette gloire par le fait mémorable dont le récit va trouver 
place en ce chapitre. : . - 

A la date du l" juin 1678, M. de Baas écrit à Colbèrt : 
« M. de Sainte-Marthe a bien fait son devoir. Il a paru actif 
et intelligent partout. Il est juste, monseigneur, de songer 
aux moyens de le faire subsister; car ce que la Compagnie 
luy donne ne sçauroit le faire vivre six mois de l'an. Toutes 
les denrées quy viennent de France sont vendues à un prix 
excessif. Gela fait que le peuple crie et soupire après les Hol- 
landais quy traittoient toujours à bonne composition, i 

La dernière phrase de cette lettre (critique indirecte de la 

politique du grand Roi, au moment où nous sommes) fidt 

.... . . .- • 

• • • 

Pierre. Lanbièrei étant du pay» et peeeMant ton habitation privée, de 

Baas avait 'pu remplacer Clôdoré dane lei appartemente dn fort, qui am* ' 

raient dû revenir à M. de Sainte-lfarthe. C'était donc le goavernear général . |t; 

qui n*aTait pat d*hAtel, d'où ion mot amer : « à moins que j^ailU oampor. » j 

; 









148; yilÀMCOIS ÙM ÛOLLAET . 

allusion à rordonnance royale da 10 Juin 1870, qui avait in- 
terdit de noaveau tout commerce étranger dans les tles fran- 
gées de rAmérique. La déclaration de guerre» enregistrée à 
la Martinique le 7 juin 1072» vint donner à cette défense toute 
la rigueur de l'exécution. Les navires de la nation ennemie 
n'eurent plus accès à Saint-Pierre. L'importation des denrées 
hollandaises, jusque-là tolérée, avait cessé depuis deux ans» 
et les habitants gémissaient fort de cette suppression. La 
contrebande, toujours serviable en pareil cas, ne pouvait les 
consoler qu'imparfaitement 

Mauvaise politique qui devait bien coûter à Gk>lbert( 
Les Hollandais étaient par-dessus tout des commerçants, 
n sutflsait de ces entraves pour les pousser à s'emparer de 
nos colonies, afin d*y maintenir ou d*y rétablir le trafic de 
leurs marchandises. On en eut bientôt la preuve. • • 

Le 23 mars 1674, le Roi écrit au gouverneur : ^ 

« Monsieur de Sainte-Marthe, la guerre que Je ■outiens contre . 
les Stpagnols et lei Hollandois Joints ensemble, m'obligeant de 
prendre un soin particulier de la conservation de mes isles de 1* Amé- 
rique, J'escris au sieur de Baas, mon lieutenant général es dites 
isles, mes intentions, et luy donne mes ordres sur tout ce qui eon^ 
cerne leur conserraon, et quoyque Je sois Uen certain que vous 
ezécuteres ponctuellement les ordres qu'il tous donnera pour la 
oonserraon de celle de la Martinique, en laquelle tous commandes, 
Je ne laisse pas de vous dire que Je me repose sur votre valeur et 
sikr votre expérience pour la conserver, et m'assurant que vous me 
donneres, en toutes les occasions quy se présenteront, des preuves 
de votre valeur et de votre expérience. Je prie Dieu, Monsieur de 
Sainte-Marthe, qu*U vous ayt en sa sainte garde. Signé : Xoubrat 
J^lus bas : CoMiit. » 

Bien que cette lettre sentît la poudre, rien n'avait pu faire 
supposer aux Martiniquais — comme au gouverneur — quils 
seraient attaqués d*abord si tdt, ensuite où ils le furent, et 
enfin que Michel-Adrien Ruyter, amiral de Hollande, dont la 
renommée était alors universelle, viendrait exprès d'Europe 
avec sa flotte pour leur faire cet honneur.' 



, f 






R Là lOiinraQUi 140 

Le rédt dn siège de la Martinique par les HoUandaiB en 
1674, très écourté par les historiens — qui n*en ont Jainais 
eu le résumé complet — doit être détaillé dans toutes ses 
particularités. Ainsi mis en lumière, il peut encore intéressé 
et même, à. certains égards, servir d*enseignement. CTest 
d'ailleurs un fait connu. Henri Martin le mentionne. H a sa 
place dans la collection des médailles historiques. Le peintre 
officiel Oudin Ta représenté au Salçn de peinture de 1848. 
Rien ne manque à la notoriété de ce fait de guerre coloniale... 

Trois documents principaux dont il n*a jamais été parlé, 
rédigés immédiatement après le siège, permettent d'en écrire . 
le récit sans rien omettre de ce qui s*est passé dans cette 
attaque infructueuse des Hollandais. Ce sont les rapports de 
MM. de Baas, de Sainte-Marthe et de la Galle, ce dendèr 
commis général de la Cîompagnie des Indes ocddentalés. 
Une lettre extrêmement remarquable de Golbert à M^ de 
Sainte-Marthe (tout à fait inédite, et que nous donnerons 
textuellement) vient couronner cet ensemble rendu aussi 
complet que possible par divei^ses notes colligées dans la 
correspondance générale de cette époque conservée ftQX ar* | 

chives de la Métropole, - \ 



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S I 



Ruyter avait reçu de son gouvernement Tordre d'aller at- 
taquer nos colonies d'Amérique. On Hgnorait à la cour de 
France^ Il avait su dissimuler habilement sa marche, pour 
lui simple jeu de navigation. La flotte batave quitta les côtes 
de Hollande le 8 juin 1674 et arriva le 10 juillet, verstn^ 
heures de l'après-midi, en vue de la Martinique, du côté des 
Anses d'Arlet. Elle parut se diriger vers le Fort-Royal. Rap- 
pelons que ce fort est construit sur une pointe rocheuse élevée 
qui s'avance dans la mer et forme à sa droite une baie asses 
profonde que Ton appelait jadis lo Cul de 



180 «RANÇO» DK qOLLâmV 

da Roi) OH lo Gul-de-Sac Royal ou encore le Carénage, parce 
que les navires, à Tabri de tout vent, y pouvaient radcmber 
leur carène. Alternativement négligé en temps de. paix et ré- 
paré à chaque menace de guerre, le Fort-Royal — oiiyr^, de du 
Parquet — était resté, avec sa bonne situation stratégique, pn 
doublerangde palissades étagées que,dans les derniers temps, 
on avait armées de batteries à barbette formant un^enseipble 
de quarante bouches à feu installées tant bien que mal 9,ur 
de grossiers affûts en bois. 

Ruyter n'ignorait pas que cet ouvrage, asses bien muni de 
canons, était vide de troupes. Il crut habile de faire une des- 
cente plutôt là qu'au Fort Saint-Pierre^ qu'il savait garni de- 
bons soldats et solidement défendu. 

Heureusement pour les Martiniquais, un grand calmé, qui 
dura toute la nuit, ayant arrêté vers cinq heures du soir la 
flotte batave^ leur donna le temps d'aviser. 

M. deBaas était malade. Dès qu'il fut prévenu, il fit partir 
son neveu, M. de THerpinière, capitaine de ses gardes, en 
lui prescrivant de s'entendre pour la défense avec le marquis 
d'Amblimont, commandant le vaisseau du ToiLe$ Jeux, ancré 

* • • 

dans le Carénage. Puis le gouverneur général réfléchit que là 
présence de M. de Sainte-Marthe serait nécessaire, et, malgré 
son regret de le mettre en avant, il lui donna l'ordre de se 
rendre immédiatement au Fort-Royal. M. de Baas avait des 
raisons de craindre que MM. d'Amblimont et de l'Herpinière 
ne se disputassent l'honneur de commander pour diriger la 
défense. L'arrivée du gouverneur devait obvier à tout4n- 

»^^. • ■ • • • 

convénient de cette nature. M. de Baas envoya aussi Hngé- 
nieur de Gémosat, « très habile à remuer la terre. » 

M. de Sainte-Marthe quitta Saint-Pierre en canot k cinq 
heures du soir et parvintà quatre heures du matin au Cul-de- 
Sac Royal, comme on disait encore. 




un enseigne et une douzaine de soldats de marine. Deux na- 



v.^ 



n LA MAKnMiQim IBl 

vires provençaux, à rattache dans le port, prêtèrent. nne 
partie de leurs équipages. Les habitants armés les plus 
voisins accoururent à l'appel d'alarme. M. de Sainte 
MaHhe put réunir ainsi cent soixante et on hommes (chiffre 
ei^act). Parmi les officiers de milice qui se présentirent se 
trouvaient MM. de' Valmenier, Antoine Cornette, Qandeide 
CoUart et Pierre du Prey, son beau-fràre;- Vint aussi, des 
premiers, d'Orange, combattant sans grade, mais qid,j * par 
sa bravoure éprouvée, son entrain au milieu^ d» ses compas 
gnons, son ingéniosité dans les moyens de défense, vatait^dlx 
hommes à lui seul. • . . h-^ . '^^. - t. ';.r . i".»'fj..: >i 
' Cependant^ la brise; qui s'était élevée le matin, poussaities 
vaisseaux hollandais vers la Martinique. A. la manière dont 
la flotte gouvernait, le doute n'était plus permis sur les :in^ 
tentions de son illustre chef ^ n était évident que «Royter 
allait chercher i franchir la passe du Cul-de-8acEl)e était fort 
étroite et défendue par une batterie à fleur d'eau. Maisv' une 
fois gagné, l'avantage était si réel que l'amiral devidt céder 
coûte que coûte à la tentation de le conquérir. On vit en effet 
deux frégates légères et un brûlot se détacher du gros delà 
flotte, dont on n'avait distingué nettement jnsqu'id.qm 
quatorze voiles, et mettre le cap sur le point ambitionn6i 
M. de Sainte*Marthe, comprenant l'imminence du danger^ 
fit couler à fend dans le chenal^ pour le fermer, deux navires 
qui se trouvaient en partance. Il n'y avidt que le temps juste. 
La rapidité avec laquelle cet ordre fut exécuté par le sieur 
Ay card, propriétaire de ces navires chargés de marchandises, 
honora beaucoup cet habitant, qui fut plus tard indemnisé 
et récompensé par le Roi. Cet écueil improvisé (les mftts des 
navires coulés se voyaient d'assez loin) surprit Ruyter, qui 
perdait ainsi l'unique moyen de détruire deux vaisseaux bien 
armés stationnant dans le Carénage : Jjbs Jeux^ déjà nommé» 
et le Saint^Eusiache, de Saint-Malo, nef marchande corn* 
mandée par le sieur Beaulieu, brave et intelligent meHa» 
qui se rendit trèi nttlOf 
L'amiral rappela ses deux frégates, fit signil aux wf m* na* 



16t FRANgOIt Dl aouuxf 

vires de forcer la marche, et bientôt Ton pat compter quaranter 
trois Toiles fondant sur niCt bon vent airiëre. Quarante-trois 
voiles' I Gomment résister à une telle armée dans un sauire 
fort défendu par cent soixante et un hommes 7.11 ]. %v|ii|^4B 
quoi perdre courage. L*amour du pays inspira ipieuz^Ji^ 
Martiniquais. Ils eurent à la fois de l'esprit et de rhérolsmf ) 

M. de Sainte-Marthe avait connu bien des ruses de guerre> 
n en employa une très simple, qui fait encore illusion dans 
les spectacles militaires. L'ennemi n'est pas toujours dupe 
de cette ruse presque enfantine ; mais elle ne manque pas de 
laisser dans son esprit un doute salutaire. Pendant que plu- 
sieurs navires de la flotte, embossés devant l'anse Le Vassor, 
non défendue, fouillaient les fourrés de la côte voisine du 
fort à coups de canon, dans le but d'assurer le débarquement 
des troupes hollandaises, M. de Sainte-Marthe faisait défiler, 
disparaîtra et revenir, dans un étroit sentier caché par des 
broussailles et qui semblait se rendre au fort, les mêmes 
cinquante hommes faisant briller leurs mousquets. Ils pas- 
saient à la vue de l'ennemi, afin de lui donner à croire qu'un 
nombre infini de défenseurs venait se ranger derrière les 
remparts. Ce long défilé, par l'effet produit, fut peut-être pour 
quelque chose dans le insultât final. Il eut ce premier avan- 
tage d'occuper, de distraire les habitants, qui ne devaient pas 
avoir le temps de songer au péril. 

Dès que cessa la canonnade, l'on vit les chaloupes delà 
flotte, chargées de monde, sejdétacher des vaisseaux et dé- 
barquer, en plusieurs voyages de chacune d'elles, une troupe 
de soldats que l'on put évaluer par la suite à quatre mille 
hommes environ. Au milieu de cette opération, qu'il n'était 
pas en mesure d'empôcher, M. de Sainte-Marthe, disconti- 
nuant le défilé trompeur, avait fait entrer tous ses hommes 
dans le fort et pris la précaution d'en fermer la porte, afin 
que personne de ceux qu'il avait réunis n'eût la pensée de se 
retirer. Il n'ignorait pas que M. de Baas, pour obtenir des 

« Treai«-tept Taitseauz et six brûlots. Cett U ohiffr» donné. Après Is 
sièg«, par nn capitaine d# narire ds la flotis hollandalss.. 



R LA MARTnaQUI iBB 

troupes de la Métropole, avait écrit récemment à Golbert 
qu'en cas d*attaque on ne devait pas compter sur les habi« 
tants pour défendre le Fort-Royal. 

A Tobligation de retenir ses hommes autour de lui, M. de 
Sainte-Marthe devait ajouter celle de ménager les munitions 
apportées par les miliciens (tous chasseurSt partant bons 
tireurs) ou fournies par les vaisseaux qui devaient concourir 
à la défense, car le fort n'en possédait qu*un approvision* 
nement très restreint 

Devant les Hollandais dont le nombre grossissait, les cent 
soixante et un voyaient leur groupe compter si peu qu'ils ne 
pouvaient s'empêcher de dire : « C'est pour llionneur que 
nous allons combattre. Quant à repousser tant d'ennemis, il 
ne faut pas l'espérer. » Si cette crainte hantait l'ftme des 
Martiniquais, il y avait une singulière présomption (jlans 
celle de l'ennemi. Ruyter ne doutait pas d'un facile triomphOt 
Il avait jugé superflu de faire descendre du canon. Sa flotte se 
trouvait ancrée dans la rade dite « Rade des Flamands », à 
une telle distance du fort qu'il lui était aussi difficile de 
Tatteindre que d'en être atteinte. L'amiral voulait bien 
exposer ses hommes, non ses vaisseaux. Le souvenir de la 
défaite des Anglais à Saint-Pierre, sept ans auparavant, lui 
conseillait la prudence. La flotte britannique avait failli être 
incendiée. ., 

Le comte de Stirum désigné par les Etats de Hollande 
« pour prendre ma place », dit M. de Baas, avait été chargé 
de diriger Tattaque du fort avec le comte de Hom et le fils de 
Ruyter, ayant tous deux le grade de contre-amiral. Rs avaient 
fait débarquer une certaine quantité d'instruments propres 
à remuer la terre. La présence de ces objets surprit moins 
les habitants que l'absence absolue d'échelles, sans quoi il est 
difficile de gravir des remparts. On ne songe pas à tout 
quand on est puissant et c'est bien heureux pour )es faibles ; 
l'imprévoyance de l'ennemi doit toujours compter parmi 
leurs chances de salut^ 

GoLLàaT ^50) ' 14 



i- IM ntAMÇOn DB OOIXAB* 



I 



• • • • 



VI 



«..ri 

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• • l 



Il était dix heures du matin. M. de Sainte-Marthe avait 
placé chacun à son poste. D'Orange» caché au plus haut dès 
palissades, voyant de loin sans Atre vu, avertissait le gou- 
verneur de tout ce qui se passait sur le rivage. Il fut ainsi 
prévenu que les premiers soldats débarqués, forçant les 
portes de magasins établis sur le bord de la mér, sortant et 
perforant des fûts de vin et d*eau-de-vie qui s*y troovident 
rangés, s'attardaient à goûter à môme, façon de boire qui 
leur était certainement familière. CSeux qui venaient, au fur 
et à- mesure des débarquements, s'empressaient de suivre 
leur exemple. M. de Sainte-Marthe se garda bien de leà 
troubler dans cette providentielle occupation. L'ivresse dés 
assiégeants devint un précieux auxiliaire pour les assiégés. 

Tout à coup, maladroitement, sans être organisés, les Hol- 
landais, brusquant l'attaque, coururent à Tassant du fort, 
avant même que le débarquement fût complètement terminé. 

Ce fut un désordre épique oh la masse se laissa entraîner 
confusément Triste moment pour eux I Beau spectacle' pour 
nous I Une trombe de fer s'abattit sur la foule houleuse, ^ul 
fléchit dans le sang. Boulets, balles et pierres culbutaient les 
assaillants les uns sur les autres au milieu de la multitude 
affolée, qui piétinait sur elle-même impuissante à se dirigert 
sourde aux commandements de ses officiers. Jamais élan dé- 
fensif ne fut plus fécond en résultats surprenants. . • L'ennemi 
recula, tourna sur lui-même et revint à la charge sans plus de 
succès. Des milliers de coups se croisèrent pendant une demi- 
heure environ, après quoi le feu s'éteignit de part et d'autre. 
Les Hollandais désabusés se recueillirent. Leur attitude témoi- 
gnait d'un profond désappointement. Un cruel embarras ae 
peignait sur leurs visages et dans leurs gestes. Avaient-ils à 



V . 



♦•« 



, . XT LA MARnraQiiB. • 185 

gémir sur la perte de quelqu'un des personnages qui len.cpm* 
mandaient T Des officiers marquants étaient-ils tombés dans 
cette première attaque T On Teût dit^ aux groupes compacts 
formés autour de certains corps étendus à terre. 

De notre côté^ tout le monde avait fait son devoir avec u^a 
ardeur instinctive. Le juste sentiment du péril commua ea- 
flammait les cœurs. Plusieurs comt>attants s'étaient montrés 
d'une intrépidité presque inattendue. Le gros de l'attaque 
avait été è la palissade oii M. de Sainte-Marthe, animant ses 
hommes et leur désignant les ennemis qn'U fallait surtout 
abattre, se multipliait comme doit le faire un bon général. . 

Le vieux d'Orange (il avait dS ans), ne pouvant se servir du 
mousquet, à cause d'une ancienne blessure à la main droite, 
avait eu la précaution de réunir autour de lui une grande 
quantité de lourdes pierres.. Ce qu'il fit de victimes avec ces 
armes primitives est inimaginable. Les assaillants qu'il sur> ' 
prenait cherchan t à grimper aux palissades avaient afffldre àloL 

Le jeune enseigne de vaisseau^ M. de Martignac, excellent 
tireur, n'ayant pas dédaigné de se servir de fusils qu'on lui 
passait tout chargés, avait descendu à lui seul plus de trente 
ennemis « des mieux couverts ». Dans sa fougue. M., de l'Hère 
pinière, perdant son chapeau et sa perruque, avait gagné en 
plein visage une belle blessure, heureusement sans s^vité. 
Antoine Cornette enfin s'était fait remarquer par. son ii^tel- 
ligence à diriger sa compagnie, surprise elle-môme .des 
prouesses dont il l'avait rendue capable. 

La première partie comptait à notre actif. Qn'allaitril 
advenir.de la seconde? Les Hollandais, rendus sérieux, 
dégrisés par les pertes qu'ils venaient de subir, devaient 
tenter cette fois un effort plus réfléchi. On voyait qu'ils s^y 
préparaient. M. de Sainte-M.arthe se disposait & les recevoir- Il 
avait engagé les deux vaisseaux armés, qui se trouvaient au 
fond du Carénage, à s'approcher auss| près que pqssible de 

Hï^HSHYr? ^^yftl'î^w p?rffl§Hrgâ8 ?m^îç eee pIr» fm^^ 

part à la défense* 



IBO 



FRAMcois DE GOLuarr 



Le second assaut commença à deux heures. A trayers des 
péripéties semblables à celles du premier, rarttllerie des deux 
yaisseanx, canonnant les ennemis de flanc, tandis que le fort 
les foudroyait de front, donna c des coups d'enfilade » qui 
renversaient chacun Jusqu'à douze et quatorze hommes. 
M. d*Amblimont, secondé par Beanlieu, fut le héros de cet 
assaut qui avait été plus long, plus méthodique et plus meur» 
trier que le précédent 

Les Hollandais se recueillirent de nouveau... H était quatre, 
heures. • • A la sombre colère que reflétaient leurs regards, 
aux vives paroles qui se faisaient entendre dans leurs rangs 
décimés, à leurs gestes démonstratifs, on comprenait que 
les soldats criaient : Faut-il faire tuer tant de monde pour 
une pareille bicoque ! Qu'auraient-ils pensé s'ils avaient su 
que cent soixante et un hommes seulement défendaient cette 
bicoque déjà glorieuse? 

Le héros du troisième assaut, qui termina la journée, fut 
d'Orange, que les assaillants trouvaient toujours alerte avec 
ses quartiers de roc lancés du haut des palissades. Mais 
obligé de se découvrir pour casser la tête à ceux qm serraient 
de près les remparts, il reçut une balle qui lui traversa le 
corps. Peu d'instants après il expirait. On s'émut beaucoup 
dans le fort de la perte de cet homme intrépide. On Taimait 
comme un fétiche, non seulement parce qu'il était d'une 
bonté rare et que, riche colon, son habitation servait de re« 
fuge aux malheureux, mais parce qu'il représentait la tra- 
dition vivante des colonies de Saint-Christophe, de ^a Gua- 
deloupe et de la Martinique, successivement habitées par 
lui. n avait servi sous d'Esnambuc et du Parquet Celui-ci, 
un jour de combat contre les Caraïbes, avait dit de son fidèle 
compagnon grièvement blessé : « J'aimerais mieux perdre 
un bras que d'Orange. » Une telle parole dans la bouche d'un 
M homme n'était pas un mince éloge, et que de fois on se 
lofait répétée I D'Orange, ayant à la Martinique trente en- 
•fanU ou petits-enfants, était le père doyen de la colonie. Le 



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BT L4 IIAimNIQUt 157 

père mort, il sembla que le malheur allait 8*abattre sur 
111e. S*il n'en fat rien, en grande partie on le dut à son eon^ 
rage. . • A cette heure ob Tombre s'épaississait, la victoire 
appartenait aux cent soixante et un hommes qui s'étaient 
battus comme des lions et qui néanmoins, protégés par les 
remparts, ne comptaient parmi eux que cinq tués et dix 
blessés, n n'était pas supposable que Tennemi se relèverait 
bien vigoureux de sa triple défaite, et la France allait pro« 
clamer que cette petite troupe héroïque^ commandée par 
M. de Sainte-Marthe, avait bien mérité du paysi 



vn 



Tout n'était pas fini cependant. Nous avons .montré le 
drame au dénoûment sanglant; représentons maintenant la 
comédie à la fin réjouissante. 

Il est fréquent de voir, après de chaudes actions de guerre, 
un moment où, parmi les groupes des combattants, apparaît 
une exaltation singulière^ Les quiproquos, les malentendus, 
les rires bruyants, les racontars, les paniques, et autres 
lutins de môme espèce, forment le cortège de la folie pas- 
sagère qui trouble les esprits sur le théitre du combat La 
joie de se retrouver vivants, au milieu de tant de causer de 
mort, achève de faire perdre la raison à ceux dont le fracas 
du canon et l'odeur de la poudre ont déjà ébranlé le cerveau* 
Les contrastes ne manquent pas dans ces rencontres : cm 
voit des vaincus ayant la défaite gaie ; des vainqueurs, la 
victoire triste. Que les quatre mille Hollandais, par exemple, 
sous la conduite du grand Ruyter, aient trouvé tout à fait 
drôle d'être repoussés par une poignée de miliciens dont le 
nombre, d'ailleurs inconnu d'eux, leur semblait fantastique ; 
qu'ils se soient amèrement égayés de l'imprévoyance de 
leurs chefs ; que les Martiniquais, par contre, émus de leur 
succès inespéré, s'en exagérant les conséquences venge* 



I: 






i: 



iftS' FRAMÇ0I8 Dl OOlLâM 

rèsrôs» en face d*un ennemi si paissant, se soient tenus 
aussi froids après l'action qu'ils s'étaient animés pour la 
défense, rien n'est plus acceptable: Ce qui est certain, c'est 
que les uns et les autres étaient d'avis qùé l'affaire avait 
assez duré. Les miliciens avaient hâte dé retourner dan s 
leurs familles, les Bataves à leurs vaisseaux. Cela dit pour 
faire pressentir ce qui va se passer, transportons-QOus au 
fort Saint-Pierre, auprès de M. de Baas. 

Le gouverneur général, bien qu'affaibli par la fièvre, n'était 
pas resté inactif pendant que les échos du canon^ grondant 
du côté du Fort-Royal, lui bourdonnaient aux oreilles et te- 
naient en suspens la population qui l'entourait. Il avait réuni 
des secours en hommes et en munitions et dirigé le tout vers 
le point assiégé. Lui-même suivait à distance avec un second 
détachement. Quand la troupe envoyée arriva par un détour 
au lieu de sa destination, une double surprise l'attendait : 
personne ne vint la reconnaître. Le silence — un silence de 
mort -^ régnait aussi bien dans le fort que dans le camp des 
Hollandais. La fatigue avait-elle à ce point accablé ennemis 
et défenseurs ?••• On approche avec défiance. • • A Feutrée 
de la citadelle, un homme posé en faction dormait assis, son 
fusil entre les jambes... Au loin, les premières lueurs de 
l'aube laissaient apercevoir la flotte hollandaise se perdant à 
l'horizon. . . Plus de doute, se ditron, les Martiniquais voyant 
l'ennemi se rembarquer se sont retirés à leur tour. On re- 
connut bientôt que ce qui .paraissait évident n*était pas la 
vérité. U y a là un sujet d'étude d'anciennes mœurs colo- 
niales qu'il serait dommage de négliger. . . Les incidents qui 
suivent vont nous en convaincre. Revenons un peu en arrière 
du récit et rentrons dans le Fort-Royal. 

M. de Sainte-Marthe félicite ses compagnons du résultat 
de la journée et les encourage à continuer la résistance. Ses 
paroles sont accueillies froidement par les uns, sans entrain 
par les autres... On murmure : Les munitions manquaient... 
On n'attendait rien de M*, de Baas. L'amiral, venu à terre, 



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aivait fait débarquer da canon. Les moyens de défense du 
fort étaient nuls maintenant. Pourquoi se le dissimuler T Gela 
et autres réflexions désolantes.. Ceux qui parlaient ainsi 
ignoraient (comme tout le monde dans le fort) que le comte 
de Stirum — futur gouverneur de la Martinique i — ayait été 
frappé mortellement; que le comte de Hom, son second, 
avait eu les deux bras fracassés par un boulet, et le fils de 
Ruyter Tépaule traversée par une balle. Autrement, au liev 
de maugréer^ ils auraient compris que les Hollandais, décou- 
ragés, étaient plus près de lever le siège que de poursuivre 
une entreprise déjà trois fois malheureuse •% • 

Cependant les imaginations se montèrent. Les murmures 
tournèrent en clameurs. M. de Sainte-Marthe sentit qu*il 
n*était plus maître de ses hommes. •• : • < 

Du côté des Hollandais, même déchaînement des esprits. u 
n y avait dans leur camip un trouble étrange. Peureux, les 
clameurs parties du fort annonçaient une sortie^ Afin de se 
garantir d*une attaque nocturne par une sorte d'épanlement, 
ils roulaient sur le rivage les fûts de vin et d*eau-de-vie dent 
ils avaient trouvé, comme nous l'avons dit, des magasins 
remplis. Pour les assiégés, c'étaient des canons qu'on ap- 
prochait des palissades. Des soldats criaient et chantaient; 
d'autres se disputaient comme .pour défendre leur butin. •• 
Pour les Martiniquais, on préparait un nouvel assaut. ■ ^ ■ ' 

M. de Sainte-Marthe^ bien quMntrigué lai-mftme de tout ee 
tapage, affirma qull en est souvent unsi en pareil cas ; m^ 
que les appréhensions conçues dans les ténèbres ne sont pan 
justifiées au retour de la lumière. Peu à peu le calme se ré- 
tablissant dans le camp dés Bataves, on convint que M. de 
Sainte-Marthe avait raison et que la nuit se passerait sans* 
encombre. 

Mais alors la fatigue, la faim, la soif parlèrent plus huit' 
que le gouverneur. Les matelots prêtés par les navires mar-' 
chauds voulurent rejoindre leurs capitaines. Il fallut débarrer 
la porte. Eux partis^ on pressa de nouveau M. de Sainte* 



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100 FRAMCOU DK OOLLART 

Marthe. Pouvait-on rester la nuit entière sans vivres et sans 
poudre ? N'étaitril pas plus sage d'aller prendre de la nourri- 
ture et du repos dans le bourg et de revenir au petit 
jour. Ne fallait-il pas d'ailleurs transporter les morts et ao^ 
compagner les blessés? M. de Sainte-Marthe eut beau 
répondre à ces insinuations comme il le devait, les hommes 
disparaissaient un à un. Vers minuit, sur le point de se voir 
seul, il plaça en faction un milicien, qui voulut bien accepter 
la consigne de provenir en cas d'alarme. Puis^suivi de quelques 
officiers qui lui étaient restés fidèles jusqu'au dernier moment» 
il alla rejoindre M. d'Amblimont à bord des Jeux. Il y trouva 
M. de lUerpinière occupé à soigner sa blessure et M^ du 
Prey partant pour aller à Saint-Pierre informer M. de Baas 
des événements du jour et le presser d'envoyer du monde 
et surtout des munitions. » • 

Plus d'une heure déjà s'était écoulée depuis que les assié- 
geants avaient abandonné la plage àl'insu des assiégés. Ruy- 
ter (on le sut plus tard par les prisonniers) était venu à terre 
dans la. soirée ; et voyant le désastre» Stirum et de Hom expi- 
rants, son fils blessé, craignant une sortie, il avait ordonné 
c mélancoliquement » la retraite. • • Les Hollandais, frappés 
d'une terreilr panique et d'un profond dégoût dé leur en- 
t^prise téméraire, s'étaient rembarques avec une, hâte 
inexprimable... 

Peu d'instants après son entrée dans le fort, vers trois 
heures du matin, la troupe fraîchement arrivée de Saint- 
Pierre était descendue sur le rivage. •• Pauvres Bataves! 
Quel spectacle 1 Quatre cent trente-trois cadavres des leurs 
gisaient sur le. sable et, dans la. confusion la plus étrange 
d'objets de toute sorte abandonnés, au milieu du plus affreux 
désordre^ non loin des magasins dévalisés, quantité de sol- 
dats hollandais, insensibles atout appel,. dormaient ivres- 
morts* •• 



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La suite des péripéties qui devaient signaler cette journée 
— où le comique & chaque instant se mêlait au sérieux — 
n'était pas épuisée. 

Rentrés dans le fort plus vite qu'ils n'en étaient sôrCis^ léé 
vainqueurs prévenus purent jouir à leur tour du tàbleàà 
réconfortant dont nous n'avons pu donner qn*une faible 
idée. . • Au milieu des manifestations de joie, on vint remettre 
i M. de Sainte-Marthe Tétendard des Etats de Hollande^ laisftë 
par les ennemis dans leur précipitation à se rembarquer*. 
Poussé par un sentiment naturel, mais irréfléchi, lé gouvèN 
neur fit planter ce trophée de victoire au plus haut dèï palis- 
sades. Les Martiniquais saluèrent d'une bruyante acclàmatioà. 
Le valet de M. de THerpiniëre rôdant aux alentours, entendant 
ce bruit, trompé de loin par la vue des couleurs hollandaiseiî 
ainsi arborées, crut bien faire en courant prévenir M. de Baài, 
qu'il rencontra à la Case-Pilote, que le Fort-Royal était ptU 
et que la flotte s'éloignait pour aller s'emparer du fort 
Saini-Pierre. A cette nouvelle — qui ne TéUmna pas èutrt 
mesure — M. de Baas rebroussa chemin et regagna au plttt 
vite Saint-Pierre, dont la population, déjà en alerte, S€^ 
lamentait. On voyait la flotte arriver lentement, le vent étant 
presque nul. c Le Fort-Royal est pris >, criaiion dans les* 
rues, et l'on se préparait à la défense, en vue de laquelle!» 
du reste, le gouverneur général avait déjà fait tout disposer..*- 
On attendait les Hollandais, mèche au canon... 

Ruyter avait un autre souci : celui d'organiser dés secourt 
pour huit cents blessés distribués sur les vaisseaux^ parmi 
lesquels son fils grièvement atteint à l'épaule, comme mmf 
l'aj^ons dit. De plus, l'amiral cherchait un endroit favonîble 
pour inhumer le corps de Stirum, dont la famille, hautemeoA 

COLLaXT (KO) Ift 



i« 



FRANÇOIS tMlj^C^LLAUT 



placée en Hollande, voudrait recueillir les restes. •• La flotte 
fila au large devant SainUPierre et se rendit à la Dominique 
ob le noble défunt fut enterré en lieu sûr. . • On craignait un 
retour, offensif. La leçon, paratt-il, avait été suffisante. La 
victoire martiniquaise fut définitive. 

La première nouvelle de l*éclatant succès parvint à Golbert» 
dans les premiers jours d'octobre» d'une façon qui mérite 
d'être rapportée. Pendant que Ruyter revenait en Hollande, 
un bâtiment de sa flotte, resté en arrière» fut pris par un 
corsaire de Saint-Malo. Le capitaine de la prise qui avait 
assisté à l'attaque du Fort-Royal, qui avait vu mourir le 
comte de Stirum, raconta au Malouin ce qui s'était passé à la 
Martinique. C'est ainsi que l'on sut le nombre des blessés 
hollandais. M. le duc de Ghaulnes, gouverneur de Brest, à qui 
ce récit fut communiqué on ne sait comment, en écrivit, le 
1** octobre, à M. de Seignelay qui prévint son père. 

Les rapports de MM. de Baas et de Sainte-Marthe partirent 
seulement le premier septembre et arrivèrent bien après la 
communication faite par M. de Ghaulnes. Pourquoi ce retard? 
Nous allons le dire. On verra à quels excès de zèle peut se 
porterl'esprit de rivalité de certains chefs^ quand leur amour- 
propre est ea jeu. 

•M. de Sainte-Marthe, resté au Fort-Royal avec M. de FEer- 
pinière, s'était hâté d'écrire la relation qu'il destinait à Ciol- 
bert et l'avait confiée à son secrétaire chargé de la copier. 
Qaand il s'agit de la faire partir, le secrétaire avoua qu'on 
lui avait dérobé minute et copie. M. de Sainte-Martfiê fut 
obligé de recommencer son travail, et il explique qu'il le fit 
dans de mauvaises conditions, voulant malgré tout que son 
rapport i>artlt en même temps que celui de M. de Baas. H ne 
faut.pas s'étonner après cela que le gouverneur général ait 
éctit au ministre : « M. de Sainte-Marthe n'est pas monumi. > 
Ge.dernier, au surplus, se borne à se plaindre, sans nommer 

« 

son chef, du procédé par lequel « on a voulu ternir sa gloire ». 
Il est vrai que les récils diffèrent entre eux sur ^certains 



Kf LA MARTimOUB 1(0 

j90inU. M. de Baatf notamment dissimule hi retraite momén»^ 
lanée des habitants et autres défenseurs du fort. M. de Sainte^ 
Marthe» persuadé que Ton ne pouvait et que Ton ne doTsi^ 
rien cacher au ministre^ avait été plus franc. Colbert loi'ré^* 
pondit par la dépêche suivante, datée de Sceaux, 21 mai 107& 
Le registre sur lequel nous copions ce document porte', es 
marge de la page oti il figure, la mention : «-De la main dé- 
Monseigneur ». Ce qui veut dire que la minute avait éti^ré^'. 
digée par Colbert lui-môme. 



é -. . ^ .. t 



» • 



c M. de Sainte-Marthe, Je Mb seulement ce moi de responœ àla 
lettre que tous m^ayez escrite après la descente des HoUaadois 
dans risle de la Martinique, à laquelle estoit Jointe une relation de 
tout ce qui s'est passé dans cette action. Je dois vous dire que le 
Roy a esté très satisfait d'apprendre ce que vous j avec ÎM pendant' 
le Jour. Mais en même temps Je ne puis tous celer que rabandoii- 
nement que vous listes de ce fort pendant la nuiet a dépleu à Sa 
Migesté et a mis les isies dans un risque manifeste d*e8tre perdues ^ " 
si Dieu, qui assiste toujours la Justice des armes de Sa Maiesté. ne 
les avoit deflèndues en aveuglant ses ennemis. Vous deries plusioft 
prendre la résolution de périr dans le poste que vous avisa si Ueii 
deifendu. Mais Sa Mi^esté, dans sa bonté, a bien voulu considérer 
plu8to8t le succez de la première que de la seconde actton, CTest à 
vous de prendre garde une aptre fois, en cas que vous trouTassisâ - 
d'autres occasions de pareille nature, d'avoir la fermeté et la cens* ^ - 
tance nécessaires pour soustenir une action Jusqu'au bout eti ftdre 
en sorte que le Roy demeure plus satisftiit de vostre fermeté^ ainqr 
qu'il a esté de vostre courage dans la première action. » 

Cette dépèche nous paraît charmante. Elle est empreinte 
d*un véritable esprit paternel. Le cœur de Colbert y est tout 
entier. Vraisemblablement elle était destinée à être lue par' 
tous ceux qui avaient pris part à la défense ; car en xéatité- 
M. de Sainte-Marthe n'avait rien eu à se reprocher. Du reste 
n'équivalait-elle pas à dire : « Tout est bien qui finit bien. |» 
Ce fut donc malgré tout une glorieuse journée pour la Mai^ 
Unique que celle do 20 juillet 1674. 

Il faut que ruvtfiitage ren]|H>rlé surHuyicr, juH|u'alurs 



. i»\ P1UNÇOI9 UB 00LL4IIT 

iDvinciblet ait beaucoup flatté Louis XIV 'pour que Tordre 
ivnmédiat de frapper une médaille commémorative soit parU 
de la bouche du grand Iioi\ 

lies noms des braves habitants qui s'étaient dévoués à la 
défense de la colonie ont été conservés dans un état dressé 
(avec rindication des morts et des blessés) par Tun des héros 
de cette action : le sieur Antoine Ciornette. Us furent récom- 
pensés en sa personne. Sur la proposition de. M. de Sainte^ 
Marthe, le roi lui accorda des lettres d'anoblissement, les 
premières données à la Martinique'. • • 

Trois années se passèrent sans événements remarquables. 
Le 15 janvier 1677, M. de Baas mourut subitement à son poste 
« de la goutte remontée ». De celte date au 8 novembre, 
c'est-àrdire presque une année, M. de Sainte-Marthe gouverna 
seul, à la commune satisfaction des habitants. Le 19 avril 
1678, le Roi^ satisfait de sa bonne administration, lui envoya 
une gratification de trois mille livres, argent de France. Jil ne 
survécut que deux ans et demi à M. de Baas. U est mort le 
12 août 1679 et fut remplacé le 7 juin 1680. Sa famille demeura 
à la Martinique. Nous aurons bientôt Toccasion de dire .on 
mot de chacun de ses membres. Voici ce que ce bon. père 
écrit à leur sujet le 15 février 1677, dans une lettre adressée 
à Golbert : 

« J*ay douze enfens de tous âges, dont deux servent Dieu à 
l'égUse, trois au service de Sa Majesté, et sept qui me restent sur 
les bras, desquels il y en a quatre nez en ce pays (la Martimgue). 

* Cette médaiUe porte en latin d*aii côté : « Colonie .française mtoriense 
en Amérique » et de l'antre : « Lee Batavee défaits et mis en fuite k la Marti- 
nique, i974. • 

*'Le nom d'un autre de ces bniTee, figurant sur le dit état, doit être parti- 
ealièrement rappelé : celui du sieur Antoine Oanteaumot de la CSotat^ 
commandant la A\»fr0-2>ame, l'un des deux b&timents provençaux dont 
nous avons parlé au début du récit. Ce capitaine se fit remarquer par son 
empressement à monter au fort avec quinze de ses hommes « qui firent tous 
leur devoir, » M. de Baas, en signalant au ministre le mérite de Oanteaumct 
ajoute qu'il est « le porteur de cette dépêche. » Il Ait en efilst chargé, retoui- 

nant en France arec son navire, de remettre h Colbert les relations du siège. 

\ 

A 



BT LA MARTlNlQUa "' l<tt 



Je suis oadet de U famille des Seiiite*M»rthe et sans bien. Tout 
réconfort est à vostre bonté, la suppliant très humblement de me 
prendre en sa protection. Dieu sei^ Tostre récompense. Cesi é^ 
quoi nous le prierons tous ensemble. », 

Cette lettre si touchante de M. de Sàinte-Marthê avait pour 
but sans doute d'inciter Ciolbert i lui donner la succession éê 
M. de Baas. Le but ne fut pas atteint. Le comte de B!éna<) fdi 
nommé Gouvemeurgénéral des Iles d'Amérique. • • 

Il nous reste peu de chose à ajouter sur le fondateur de la 
famille de Collart à la Martinique. Dans un recensement fait* 
en 1678 (compagnie de M. Antoine Cornette), la maison de 
Collart est inscrite comme suit : t M. de Collart» une feitnme, 
un garçon» filles, deux domestiques, seize nègres» quatbnEe- 
négresses, onze négrillons» siic fusils» deux pistolets» une 
épée» six livres de poudre et cent balles. » Nous- avons d'afT-'" 
leurs la preuve que, cette année-là m6me> M. Claude de GoK: 
lart est mort sur mer^ à l'ftge de 50 ans, dans le cours d*un 
voyage qu*il fit de la Martinique en France avec sa femme» '• 
pour aller joindre son fils unique» alors en Touraine. C*est 
à ce fils que nous allons maintenant consacrer tous nos soins. 



IX 



»*» 



François de Collart est né à la Martinique» comme nous, 
l'avons dit, le 1*' juin 1662. Lui-même a fourni cette date en 
1707 à d'Hozier, dans les archives .duquel nous Favons re- 
trouvée, accompagnée d'autres précieux renseignements. 
Son acte de baptême n'a pas été conservé. Mais il y a lieu de 
croire que ce fut le capitaine de la compagnie ob servait alors ' 
son père» M. François Rools de Laubières (plus tard gouver- 
neur particulier de la Martinique), qui nomma le fils unique ' 
de Claude de Collart et de Madeleine de Bremond^. 

i Les Roolst yenus k la Martinique en 1642, originaires de Qounolaa, •■ 
Périgord, étaient deux frères. Goursolas, l'alné (1615-1664)» marié à Jeanne . 
Harault de Manoncoart« fit tottche dana la colonie. Lanbières (1617-1672), 
son cadet, marié d'abord & une Dyel, parente de du Parquet», et entnitn à 



t. 



• 



106 VRANÇOIS OB GOLLART 

A, rftge . de onze ans» vers 1073, François fut envoyé en 
France pour faire son éducation. Il alla .chez son oncle Fran-* 
çois de Henry, sieur de la Moinerie, demi-frère de Charles de 
Henry, propriétaire du domaine d*Auchamp, à Restigné 
(Indre-et-Loire). On lui donna pour précepteur M. de Soisy^ 
curé d'une paroisse voisine, la Chapelle-Blanche, aujourd'hui 
la Chapelle-sur-Loire. M. de Soisy (dont la famille étaitalliée 
aux Bremond de Bossée) était le fondé de pouvoirs de M. et 
M""* de CioUart, pour l'administration des biens possédés par 
eux en Touraine. . 

En 1076, dans sa quinzième année, François obtint une 
spus-lieutenance au régiment de Rouergue» créé en 1667 par 
le colonel de Montpeyroux, qui le commandait encore. Ce 
régiment servit sous les ordres du maréchal de Créqui, dans 
la guerre de Hollande, conjointement avec celui de Touraine.^ 
S'aventurer dans le dédale de cette guerre, que les immor- 
telles campagnes deTurenne ont rendue si mémorable^ serait 
ici sans utilité. L'état des services de François de Gollart 
porte que « il a esté fait sous-lieutenant en 1676 dans le ré* 
giment de Rouergue, de la compagnie de M. de Planque, et 
a servi jusqu'à la réforme ». C'est tout ce que nous pouvons 
savoir à ce sujet. Il peut donc suffire de rappeler ici que le 
régiment de Rouergue était, le 7 octobre 1677, au combat de 
Kokersberg, près Strasbourg, et, le 14 novembre, à la prise 
de Fribourg, dans le grand duché de Bade. A la fin du mois 
suivant, il se trouvait au combat de Schonau et à celui d'Aï- 
berspach. On le voit, le 7 juillet 1678, à l'attaque du pont de 
Seckingen et à la prise d'assaut de Kehl. Le août, au blocus 
de Strasbourg, Rouergue contribue à la prise des forts de 
Zolhauss et de TIIU dont la garde lui est confiée. Il est appelé 
en novembre au siège de Lichtemberg, où son colonel, M. de 
Montpeyroux, perdit la vie, et il termina cette guerre en 1679 

Elitabêth de Lahaye, parente des Baîllardel de Lareinty, est mort tant poa> 
térîtA. Lee descendante de Ooorsolas se sont alliés notamment anxCaeqneray 
de Valmenier (de Saînt-Martin-]e*Blanc, en Normandie) et ans des Vei^ert 
de Sanois (d*Anet, en Rne). Ces différentes familles ont serti très honom* 
blement aux Hes et en KfÂnce» 



tEt LA liARTfNIQUk ivt 



par le combaide Miiideii, qui eut lieu le M juin. François de * 
tiollaurt servit ainsi jusqu'à la réforme de son régiment (21 
décembre 1681), et tout nous porte à croire qu'il le fil aveè^ 
honneur. 

Durant ces quatre années de guerre, François avait profité 
de plusieurs accalmies pour venir en permission à la Cha- 
pelle-Blanche, ot sa présence est indiquée par divers actes 
d'état civil signés de lui. Il y était au commencement de 
1078. Il s*y trouvait au moment de l'arrivée de sa mère à 
Restigné, dans les premiers jours de 1670, et Tannée 1080 
l'y vit à son début. N'est-il pas naturel de penser que 
François venait à l'époque du jour de l'an dans sa famille?. • 

M"* de Ciollart séjourna au moins trois ans en France avec 
son fils. A la date du 7 juin 1670, nous trouvons uh acte 
portant « acquisition par damoiselle Magdeleinede Bremond, 
veuve d'escuyer Claude de Collart, sieur de Concy^ d'une 
maison et plusieurs pièces de terre, le tout scitué au village 
de la Rue-Neuve, paroisse de Restigné »* Le 10 août^ même 
année, nous voyons un « relief de noblesse pour Magdelaina 
de Bremond^ native de Oenilié, en Touraine, daté de Saint* * < 1 

Germain-en-Laye, signé Louis et contresigné Colbert, » avec* ~ • i 

mention de c copie délivrée conforme, ce dernier octobre 1081» - } 

signée M. de Bremond et Sallais^ notaire royal de Chinon »• | 

Le 18 novembre 1680, nous sommes en présence d'une décla- 
ration de tutelle faite « devant le sénéchal et juge de la pré- 
vosié et chastellenie de Restigné », signée « M. de Bremond» 
veuve de Claude Collart, écuyer, sieur de Coussy ». Il est dit 
dans cet acte que M** de Collart déclare prendre la tutelle de 
son fils unique mineur, alors dans sa 10* année* 

Nous pourrions citer ainsi bien d'autres pièces montrant 

a présence de Madeleine dans son pays natal. Mais il est 

préférable de résumer l'impression que fait naître la lecture 

d'une foule d'actes qui, séparément, sont d*une importance 

secondaire. 

Quand Tavenir d'une famille est devenu sombre et que 
sou horizon se rétrécit chaque jour sans autre moUf que 



- Ji 



• I 



\!/ 



iW FRANÇOIS DB QOlJLkWt 

Tapathie des circonstances, il est rare que, providentiel le* 
ment, par là force de choses, il ne se révèle pas, au milieu de 
cette famille, une intelligence qui lui fasse bientôt entrevoir 
une meilleure perspective. 

Pour les Bremond de Bossée, Madeleine fut la personne 
i laquelle nous faisons allusion. En 1653, elle avait vu mourir 
la plupart des siens : père, frères, sœurs. Claude, son alnie, 
la seule qui lui restât, ne se mariait pas, elle non plus. Vivant 
au fond d'une campagne, Madeleine n*a guère d'espérance 
de voir changer cette situation. Il lui faut sortir de là. Le flot 
qui baigne la Chapelle-Blanche mène à la grand'ville. . . Sur 
la Loire, si proche du lieu de sa résidence, passent réguliè- 
rement des galiotes offrant aux voyageurs un moyen de 
transport aussi commode que peu coûteux. Madeleine est 
ainsi conduite à Nantes, chez des parents, ches des amis 
peut-être. Dans cette ville de nombreuse et haute société, elle 
rencontre M. de CoUart qui venait chercher de bien loin ce 
que M"* de Bremond lui apportait de Restigné : un noble 
cœur, une intelligence d'élite. . . A la Martinique, la fortune 
leur sourit. . • Les deux époux reviennent en France, avec 
leurs enfants. Chez qui vont-ils? Dans la famille de Made- 
leine. Qui ramènent-ils avec eux à la Martinique ? Une sœur 
de Madeleine. Où François de Collart vient-il faire son 
éducation? Dans le pays de sa mère. Où François, sous- 
lieutenant, vient-il en congé? Dans la famille de Ma- 
deleine. Plus tard Louis du Prey, son eousin-germain, 
vient aussi faire son éducation en France. Où 'va-t-il ? 
A Restigné, dans le pays de sa mère. L'influence de Madeleine 
se manifeste bien plus encore après la mort de son mari. 
Ses idées s'agrandissent. Elle veut son fils riche en 
France comme il l'est en Amérique. Son premier soin est 
d'acheter une nouvelle propriété. Son second est de se faire 
honneur en obtenant du Roi une reconnaissance de noblesse 
où son mari mort et son fils mineur figurent à côté d'elle ; 
car à la Martinique, désormais, il ne suffit pas d'être noble 
pour jouir des prérogatives de la noblesse, il faut encore 



k 



I. * 



<T LÀ MARTINIQUI 109 

le prouver par un titre. Ce n'est pas tout : Madeleine de 
Bremond couronne son action bienfaisante sur la famille 
en rachetant les propriétés d'Auchamp, de la Moinerie, de 
la Janverie, du Mosey, provenant anciennement partie des 
Bossée» partie des Henry*. Et, plus tard, nous voyons les 
enfants et petits-enfants des deux sœurs de Bremond-Bossée 
porter à la Martinique les noms <le ces terres revenues à 
la famille. Ces achats successifs en France font penser que 
M** de Collart avait l'intention de venir se fixer, déflnitive:- 
ment en Touraine et d'y finir ses jours. On perd la trace de 
son existence en 1090. 

Quoi qu'il en soit, en retournant pour la troisième fois aux 
Antilles, M""* de Collart emmena avec elle une cousine, &gée 
de trente-deux ans, qu'elle put marier à la Martinique comme 
elle avait fait de Claude de Bremond, sa sœur. M"* Renée des 
Prés du Vert, cette parente, native des Essarta, en Poitou* 
(sœur de M. Jean des Prés, dont on trouve le mariage à 
Restigné en 1870), épousa à la Case-Pilote, le 10 juillet 1083» 
M. Charles Haye, de Valenciennes. 

Il est curieux, disons-le en passant, dé retrouver à la Mar- 
tinique nombre d'émigrés dont on découvre l'origine dans le 
pays habité parla famille des Bremond de Bossée. Toutes ces 
personnes, alliées entre elles, étaient venues par la Loire à 
Nantes, où se faisaient constamment des armements pour les 
Antilles. 

De retour à la Martinique, à la fin de 1681, M** de Collart 
et son fils s'appliquèrent à faire réparer sur leurs habitations 
les désastres qu'avait causés Touragan survenu dans la nuit 
du 12 au 13 août 1880. 

Nous n'avons rien à signaler des années 1683 et 1684. En 
1685, François de Collart fut nommé lieutenant de milice. 
C'est le premier échelon de sa carrière militaire à la Marti- 

« Cet torrei ayant paué à M>m Charles de Henry, née Daral, par teet»* 
ment de ton mari, amient été mÎMS en Tente après le déete de eetts dame, 
morte sans enûmts. 

GOLLAET OK50) .16 



•| 



170 FRANÇOIS DB OÛfLLÂKi 

» 

nique. Bien avant cette époque» la milice coloniale (nous 
Tavons vu) formait un corps militaire des plus sérieux. Sous 
du Parquet, vers 1660 et après, celle de la Martinique comp- 
tait six compagnies, dont les Capitaines étaient MM. du 
Bois, de la Houssaye^ de Laubières, de la Garenne, de Fran- 
cillon et Jajiam de Vertpré. M. de Tracy trouva la popula- 
tion « portant les armes i divisée en huit compagnies com- 
mandées par les mêmes capitaines, plus MM. de la Peyre et 
Desjardins pour les deux nouvelles. Au moment où M. de 
Gollart entra dans la milice, en 1085, on y comptait neuf 
compagnies, ayant pour capitaines MM. Le Pelletier, du Oas, 
Roy, de Saint-Aubin, de Vertpré, du Joncheray, de la Peyre» 
Le Yasser, Isaac. Le Ganu des Caveries. 

Ces noms (et d'autres que Ton verra par la suite), connus 
des anciens Martiniquais, se rattachent aussi bien à des sou- 
venirs de famille qu'à des faits historiques. Les colonies des 
Antilles françaises étant solidaires les unes des autres, rela- 
tivement à la défense contre les attaques de l'étranger, la 
milice prenait part à toutes les actions de guerre dans Tar- 
chipel. Elle était composée de tous les habitants capables de 
porter les armes. Les officiers, nommés par les gouverneurs, 
étaient brevetés par le Roi. La croix de Saint-Louis leur était 
accordée en récompense de leurs services. Les occasions de 
se distinguer étaient fréquentes. Les colons réputés braves 
ne manquaient jamais d'y concourir. Us le faisaient avec un 
certain orgueil. Les officiers de milice — riches habitants 
en général — ne comprenaient Texistence coloniale qu'unie 
à l'honneur militaire. Lorsque les forts furent garnis de 
troupes du Roi, il s'établit, dans les combats, une noble 
émulation entre ces troupes € réglées » (comme on disait) 
et celles des milices, et, plus d*une fois, on dut reconnaître 
que l'élan martial des miliciens avait dépassé celui des 
compagnies de la Métropole. 

Revenons à notre futur colonel. François de Gollart n'a- 
vait que vingt-trois ans lorsqu'il fut nommé lieutenant de 
milice. G'est à cet ftge aussi qu'il se maria. 



■T LA MARTINlQUt 171 



• I • 



. 



1 



1 



Nous avons dit précédeinmeDt que la famille de Sainte* - 
Marthe était demeurée à la Martinique après la mort de son 
chef en 1679. En épousant l'une des filles de Tancien gouver* 
neur, François de Gollart s'honora et fit une bonne action* 

Les demoiselles de Sainte*Marthe offraient Favantage de leur j ( 

grand nom. Mais elles étaient sans fortune. I 

C'est ici le lieu de donner le détail de cette famille. Nous ! { 

avons eu tant de peine à compléter la liste qui va suivre que 
nous ne saurions nous refuser le plaisir de la présenter au 
lecteur. Elle est inédite et d'ailleurs instructive. 

M. Antoine-André de Sainte-Marthe avait eu douze enfants 
de deux lits. De sa première union, contractée en Angleterre 
avec Marguerite Ested, sont issus : L Alix ou Alizon, née à 
Londres vers 1642, mariée à Saint-Venant (Artois) vers 1600 
à M. de la Haye; déj& nommé, qui en eut huit enfants, nés 
de 1661 à 1683 ; IL Robert ou Rupert, né vers 1647» élevé à 
Vendôme^ devenu prôtre, docteur en théologie de la maison 
de Navarre, curé à Troissy (Marne) de 1687 à 1706, puis char 
noine de Notre-Dame-des-Vignes de Boissons; IIL Pierre 
de Sainte-Marthe, sieur de la Lande, né vers i(M, nommé I 

en 1674 gouverneur de la Grenade» blessé à Tattaque d« | 

cette lie en 1675, lieutenant de Roi à la Guadeloupe en 
1679, gouverneur de la Guyane en 1684, marié le 14. Jan- 
vier 1688 à Marie-Renée de RosmadeCt mort en 1682 sans 
enfants; IV. Victor-Maurice de Sainte-Marthe t sieur de 
Boisvre, né vers 1651* gouverneur de nie Sainte-Croix (An- 
tilles) en 1674, marié à demoiselle Anne de Bourgneuf, dont : 
1* François-Bernard de Sainte-Marthe, né en 1676, garde de 
marine à Toulon en 1602, enseigne à la Martinique . en 1696| 



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172 rRANÇOIS Dl OOULART 

lieutenant à la Guadeloupe en 1007, mort en 1008 ; 2* 
de Sainte*Marthe, né en 1080, enseigne de vaisseau en 1712 ; 
et 3" Louise de Sainte-Marthe, mariée le 28 décembre 1708 à 
M. Guillaume Hease^ écùyer. 

De sa seconde femme, Isabelle-Louise du Riez, morte i la 
Martinique vers 1718, M. de SaintCrMarthe a eu huit enfants : 
V. Maximilien, né à Saint- Venant en 1002, volontaire dans 
Fermée du vice-amiral d'Estrées — tué en 1077 à l'attaque du 
fort Tabago (Antilles) ; VL Prançois-Maximilien de Sainte- 
Marthe^ né à Paris en 1004^ prêtre de TOratoire, le continua- 
teur du « Gallia christiana », publié par. ses grands oncles, 
en 1060, mort à Paris le 20 janvier 1707, à l'ftge de 43 ans ; 
Vn. Angélique-Anne de Sainte-Marthe, née à Paris vers 
1070, mariée le 28 février 1085, au Fort-Royal de la Marti- 
niquCj à François de Gollart, qui en eut douze enfants, 
notamment : 1* Pierre-François de Gollart, sieur d*Auchamp, 
né en 1080, garde de marine de 1700 à 1713, puis capitaine dé 
milice jusqu'en 1730, date de sa mort ; 2* Françoise-Angé- 
lique, née en 1087, mariée en 1700 à M. Pierre Le Pelletier de 
Grandair, commandant des milices, chevalier de Saint-Louis, 
morte en 1727 ; 3* Marie-Rose, née en 1088, mariée en 1700 à 
M. Jean-Ignace de Beltgens, baron de Roux, colonel des 
milices de la Grenade ; 4* Pierre-César, né en 1000, tué à 
l'ennemi en 1713 ; 5* Louis, né en 1002, tué à Tennemi en 
1713; 0* Madeleine-Elisabeth, .née en 1004, mariée en 1722 à 
M. Charles-Nicolas Millet, écuyer, sieur de SaintrEaul ; 
7* Glaire, née en 1007, mariée en 1720 à M. Philippe Mirabeau 
des Marais, enseigne, et en 2^ noces, en 1723, à M. Louis 
de Giraudel, capitaine de milice, morte en 1730 ; 8* Bona- 
venture- Louis de Gollart, sieur d'Auchamp, né en 1000, marié 
en 1724 à M"* Marie-Anne Petit de la Grandcour ; 0* Claude de 
Gollart, sieur de Coucy et du Mosey, né en 1702, marié en 1740, 
à Sainte-Lucie (Antilles), à demoiselle Catherine d'Arène ; 
10* Antoine de Gollart, sieur de Vaux, capitaine de milice, 
chevalier de Saint-Louis en 1740, . à Saint-Domingue, -r- 



Madame de Collart, née de Sainte-Marthe, est morte en 1700, à 
rftge de 38 ans. — VIII. Marie-Antoinette de Sainte-Marthe, 
mariée le 28 février 1685 à M. Ricaud, munitionnaire de la 
Martinique, morte en 1090 ; IX. Marie-Anne de Sainte-Marthe, 
née en 1676, mariée au Fort-Royal le 18 mars 1000 à M. Pierre 
Guyon de la Roche-Ouyon, chevalier de Saint-Louis, lieo- 
tenant de Roi, lequel en eut dix enfants, morte en 1720 ; 
X. Dorothée de Sainte-Marthe, née en 1078, femme, le oo* 
tobre 1097, de M. Léon Fornier de Caries de PradineSi gou- 
verneur de la Grenade, morte en 1708 au Fort-Royal ; XI et 
xn. Deux autres filles, mortes en bas ftge.- 

En terminant l'honorable liste de cette longue descendance, 
nous ne pouvons mieux faire que de donner un extrait^ 
concernant la famille de Sainte-Marthe, tiré du supplément, 
publié en 1777, de la grande Encyclopédie ^ de Diderot :et 
d'Alembert : 

« MM. de Sainte-Marthe, fàmilie illustre dans la République des 
lettres, où Tesprit, le savoir et la piété semblent se succéder, ont 
donné plus de qu&rante auteurs distingués dans tous les genres, 
depuis 1500 Jusqu*au XVIII* siècle. M. du Radier a consacré à leur 
éloge et au catalogue de leurs ouvrages le Y* volume de sa JNMio- 
thèque du Poitou, imprimée en 1754, auquel nous renvoyons. Cette 
famille où la nature, par un effort inouï, a rassemblé tant de per* 
sonnes illustres, tant de savants : théologiens, Jurisconsultes, poètes, 
historiens, subsiste encore dans quatre personnes. Mais elle n*^ 
plus qu*un héritier de ce beau nom en Scévole Louis de Sainte* 
Marthe, né en 1753 : Magnm spes unica çenH»» » 

Cet c unique espoir d*une grande race » mourut jeune. 
Depuis un siècle environ le nom de Sainte-Marthe n*est plus 
porté. Mais, par les femmes, il reste encore un héritier de 
ce noble sang : M. le baron Hulot de Gollart, demeurant à 
Nantes, descend en ligne directe à la fois d*Angélique-Anne 
de Sainte-Marthe, épouse du colonel François de Gollart» 
et de Marie- Anne de Sainte-Marthe, femme de M. de la Roche- 
Ouyon, lieutenant de Roi à la Martinique. 



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174 FRANÇOti *DC OOLLAM 



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XI 



Collait se fit une sorte de spécialité des expéditions qui 
eurent lieu dans les Antilles. C'est de la prise de Saint- 
Eustache» en 1689, que datent ses premières armes, aux fies. 

La relation de ce fait, honorable pour nos trois principales 
colonies de TarchipeU a été bien négligée par les historiens 
du pays. Les uns se sont contentés de le mentionner à 
-une date approximative et ce que les autres ont ajouté à 
cette mention est insignifiant. L'absence de documents, 
qu'ils ne pouvaient avoir qu'en France, a causé leur faiblesse 
sur ce point comme souvent ailleurs. 

n y avait pour nous un réel intérêt historique à rechercher 
avec soin, aux archives de la Métropole, tout ce qui pouv^t 
renseigner sur cette action de guerre, et à procéder dans ce 
récit tel que nous l'avons fait pour le siège de la Martinique 
par le grand Ruyter. Ainsi exposée, la conquête (ou plutôt 
la destruction) de Saint-Eustache en 1689 — continuation 
d'une série de représailles, entreprise par le Roi de France 
contrôla Hollande — a ceci d'important qu'elle peut montrer 
' comment nos colons savaient improviser, avec des moyens 
très bornés, des expéditions remarquables qui pourraient 
servir encore d'exemples en pareille occasion. 

Ce n'était pas la première fois que nous allions aborder 
Saint-Euslache. En août 1629, Famiral de Cahuxac, envoyé, 
par Richelieu à Saint-Christophe (on se le rappelle), afin d'y 
soutenir d'Esnambuc contre les Anglais et les Espagnols, 
s'était hftté — ayant accompli sa mission principale — d'aller 
prendre possession de Saint-Eustache, alors déserte. Obligé 
d'abord de quitter ce poste (pour les raisons exposées 
dans la première partie de cette étude), Cahuzac y étidt 
retourné, en revenant de sa chasse au galion, et avait pris le 

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. I 



BT LA MARTlinQUS . 175 

temps d'y faire construire un fort Une petite troupe, qui 
derait garder cet ouvrage défeusif, s'était occup4e« aussi en 
présence de Tamiral, à établir une habitation, afin d'en re* 
tirer des vivres et pour mieux prouver sa possession par ' 
un commencement de culture. : • ' .-^ 

Rien de plus sage. Mais le défaut de Ttle était de manquer 
d*eau. Nous eûmes le tort de ne pas chercher tout do suite k 
obvier à cet inconvénient, qui nous empêcha d*y maintenijf 
garnison. La plupart des soldats passèrent à SainiOiris«- 
tophe et le fort resta sans défense. 

Vers 1636, des Hollandais venant du Brésil, voyant Saint* 
Bustache presque délaissée, s*y fixèrent sans protestation de 
notre part, et, plus industrieux que leurs devanciers» ils y 
créèrent de vastes citernes, oh l'eau du ciel recueilliep pen- 
dant la saison des orages, rendit l'île parfaitement habitable» 
8a fertilité même y gagna beaucoup. Le gouvernement 
batave, voyant les Hollandais prospérer et s'augmenter fc 
Saint-Bustache, y nomma un commandant Ds y firent à 
la longue si bien leurs affaires que nos colons des Antilles, 
trafiquant avec eux, ne cessaient de se plaindre qu'on eût 
abandonné une possession dont les étrangers tiraient .un 
grand profit; de là de vagues projets mal dissimulés* • • w 

D'autres que nous à Saint-Christophe portaient envia 
aux heureux occupants de Saint-Bustache : nos voisins les 
Anglais. En 1663, devançant nos vues, ils y descendirent 
nuitamment en nombre et les Hollandais se trouvèrent -dé- 
possédés de leur tle, sans môme avoir eu le temps de songer 
à la défendre, . • Beaucoup d'entre eux, refusant de subir le 
joug britannique, vinrent nous demander asile* C'étaient de 
bons colons ; on les recueillit et l'on n'eut pas à le regretter. 

Trois ans après, la guerre s'étant rallumée entre la France 
et l'Angleterre, les Anglais, que l'ambition tourmentait sans 
cesse, voulurent profiter de cette guerre pour réaliser leur 
vœu constant : se débarrasser de nous i Saint-Christophe. 
On se battit av^c acharnement. Mais nos rivaux écrasés dans 



176 riiAMçois m oollâm 

plusieurs combats, amèrement déçus dans leur, espoir» 
furent obligés de déguerpir d*une colonie qui leur était si 
chère (ayril iWB). 

Les Bataves réfugiés voulurent à leur tour profiter de 
Tavantage que nous venions d'obtenir pour recouvrer leur 
lie. Nous consentîmes à les y conduire et à les aider. Encou- 
ragés par la défaite de nos communs ennemis et soutenus 
par cinquante de nos soldats, ils envahirent Saint-Eustache, 
persuadés qu'elle ne leur échapperait pas. Les Anglais démo- 
ralisés, ne pouvant opposer qu'une faible résistance, 
allaient rendre le fort, quand de la Barre, alors aux Antilles 
avec son escadre, trouva plus à propos d'envoyer, sur un 
vaisseau bien armé, le commandant d'Orvilliers, son gendre, 
s'emparer de Tlle pour notre compte, que de laisser les 
Hollandais la reprendre pour le leur, avec notre appui. 

D'Orvilliers s'acquitta de sa mission, sans coup férir, le 
15 novembre 160S, et laissa dans le fort le capitaine des 
Roses avec quatre-vingts soldats. Le parti batave, revenu à 
Saint-Eustache, fut rétabli dans ses foyers. Quant aux An- 
glais, avec lesquels nous avions signé la capitulation, on les 
transporta à la Jamaïque, comme il avait été convenu à la 
reddition du fort 

' Les succès de nos colons dans les petites Antilles furent 
mal récompensés. Le fftcheux traité de Bréda (1667) nous 
obligea de rendre à la fois et la partie naguère anglaise de 
Saint-Christophe et l'Ile Saint-Kustache aux Anglais. Ceux- 
ci durent consentir en même temps à remettre cette lie à la 
Hollande. • 

Telles sont en résumé les vicissitudes de Saint-Bustache 
Jusqu'en 1689. On voit qu'elle fut alternativement occupée 
par les Français, les Anglais et les Hollandais. Les Bataves, 
ses tranquilles possesseurs depuis vingt ans, avaient pu 
donner à leur établissement une importance capitale qui, 
par malheur pour la colonie, ne fut pas ignorée de notre 
gouvernement. Les Hollandais, plus appliqués d'ailleurs à 

\ 



rr L4 MAmnmQini 



177 



la colonisation et au négoce qu*à la politique, n'avaient pat 
remarqué qu'à ce dernier point de vue, eu égard aux idées 
de Louis XIV, ils venaient de lui fournir contre eux une ^ 
cause de mécontentement des plus graves. 

Vers 1686, une trentaine de Français, protestants de reli- 
gion, éloignés de leur pays par la Révocation de l'Edit de 
Nantes — et passés d'abord à la Martinique, où, par ordre 
du Roi, l'administration preisait les « religionnaires » d'abju- 
rer ^ étaient venus demander refuge à l'autorité hollandnise 
de Saint-Biistache. Ils y avaient été d'autant mieux reçus 
que la colonie comprenait encore de vieux compagnons 
d'armes de l'amiral Cahuzac. Quelques-uns même de ces 
anciens habitants, 8*étant mariés dans Ille, y avaient fait 
souche, et leurs familles vivaient en bons rapports avec les 
maîtres de la colonie. Tout cela formait en 1689 un groupe 
français assez nombreux qui, pour des yeux mal prévenus, 
semblait en révolte contre son pays d*origineS 

En révélant ces dernières circonstances à la cour de Ver- 
sailles, dans le but de provoquer la reprise de Saint- 
Eustache, le Gouverneur général des Antilles avait saisi l'oc- 
casion de rappeler au Roi ce qu'était maintenant cette lie, 
autrefois nôtre à deux époques. 

En l'état aigu où se trouvaient encore une fois les relations 
de Louis XIV avec la Hollande, il n'en fallait pas davantage 
pour faire condamner la colonie batave à une destruction 
complète, ce qui sans doute allait désappointer nos colons, 
ambitionnant Saint-Eustache pour Texploiter^ non pour la 
détruire. 



* Par ordi^ du Roi (f 3 leptembre t6t8), M. da SaignéUy aTait éerit aa 
OonTerneur général et à rintendant des AatiUMic... Sa Migaslé Mi 
bien aiee de lenr dire, à cet égard, qne son intention ott d*empéeh«r, par 
toute* aortes de moyens, que les religionnaires ne sortent des Ues françoissa 
pour aller s*esUblir dans celles des étrangnrs. » 

COTXAKT (250) ^ 17 






178 PRAMQOn DK OOLLAKT 



xn 



Saint-Eustacbe est sitate entre Saiût-Ghristophe et Saba^ 
à trois lieaes N. O. de la première, à six lieues S. B. de la 
seconde. Elle a cinq lieues de circonférence. Cette lie n*est 
en réalité qu'une montagne, en forme de pain de sucre» au 
sommet de laquelle le cratère d'un volcan éteint a laissé 
un enfoncement central. Les alentours ont été magnifique- 
ment disposés pour la défense par le travail des feux souter- 
rains. Dans la partie du S. E.^ principal endroit de 111e habité, 
se trouve un plateau en vironné de ruines granitiques, tout 
indiqué pour servir d'assie tte à un fort C'est là qu'en 1620 
l'amiral de Cahuzac avait fait construire celui qui défendait 
encore Saint-Eustache. Si les Hollandais ne pouvaient consi- 
dérer ce fort comme imprenable puisque déjà il avait été pris, 
du moins ils le faisaient passer pour tel dans les Antilles. 
Sa position stratégique très vantée, la difficulté d'y parvenir 
justifiaient jusqu'à un certain point cette opinion. Aussi ap- 
prirent-ils, sans beaucoup s'émouvoir, l'annonce d'une nou- 
velle guerre entre la France et la Hollande. Il leur semblait 
d'ailleurs peu croyable que les Français, après vingt ans 
d'un abandon complet de leur ancienne possession, son- 
geassentà la reprendre. -- 

Mais Louis XIV savait que Saint-Eustache, suivant ^'expres- 
sion de M. de Blénac, était c un bijou », et que nous n'avions 
rien d'approchant comme entrepôt de richesses commer- 
ciales el centre de colonisation. Les Hollandais en effet 
avaient créé dans l'Ile un marché d'esclaves. A Saint-Eustache 
étaieniemmagasinés les produits de leur industrie sucriers 
et ceux de leur commerce interlope aux Antilles. Cet entrepôt 
de nègres et de marchandises, dont les habitants des lles,^ 
sans distinction de nation, tiraient de bons offices ; cet 

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BT Uk MARTUagUB 



17». 



entrepôt respecté pendaatia guerre delfl72... rien ne pouTait 
leur faire supposer qu'il ne fût pas en toute sûreté à Sain V- 
Bustache. 

Celasufflsaitpour queleRoi de France, tenu au courant* 
des choses coloniales, voulût atteindre aussi 4e ce cûté son 
mortel ennemi, afin de lui faire sentir le poids de sa colëfe 
i la fois dans les deux mondes. 

Par une dépdche, datée de Versailles, 26 novembre 1688, 
adressée à M. le comte de Blénac, Louis XTV lui explique les 
raisons qui Tobligent à recommencer la guerre, que le tnûté 
deNimègue(1678) semblait avoir terminée. L'établissement, 
dans TBlectoratde Cologne, du cardinal de Purstemberg, que 
Louis voulait soutenir contre la ligue d'Augsbourg, fut le 
motif donné de cette nouvelle lutte, que bien d'autres causes 
avaient provoquée... Elle atteignit en Europe, comme on 
sait, aussi bien qu'aux lies d' Amérique, un degré de fureur, 
une rage de destruction, que les cruelles nécessités de cette 
guerre excusaient peut-être, mais que les temps modernes 
ne connaissaient plus. 

Le 29 novembre 1688, par le même courrier, le Roi écrit an 
Gouverneur général des Antilles : 



• Monsieur le comte de Blénae, vous avez été infbnné de la 
tien que J*ai prise de déclarer la guerre aux HoUandols, et, comiM 
mon intention est de ruiner leur commerce autant qu*il se pourra 
et que J'apprens qu'ils en font un considérable dans lile de Saint- 
Eustache. où ils n*ont qu*un très petit fort, qui peut estre insulté 
sans beaucoup de difficultés. Je vous escris cette lettre pour vous 
dire que Je yeux qu'aussitôt que vous Taures reoeue, vous prenies 
les mesures convenables pour vous rendre maître de cette isle, et» 
pour cet effet je désire que vous assembliez le nombre de troupes 
et de milices nécessaire pour cette entreprise. Je veux que vous 
détruisiez le fort et toutes les habitations, de manière que les 
HoUandols ne puissent Jamais prendre la résolution de venir ^ 
estabnr; »> ^ 



En transmettant cet ordre du Roi à M. de Blénac, 1« ministre 
lui recommande le secret absolu sur le point visé, « mesme 



180 



nUMQUt DB OOLLAKT 



r 



pour M. de Goimpy, > alors Intendant général destles d'Ame- 
riqneV 

Toutefois, dans une lettre à part écrite à ce dernier, M. de 
Seignelay lui enjoint d'accompagner son chef dans l'expédi- 
tion qu*il va entreprendre par ordre du Roi, sans spécifier 
autrement. L'Intendant devait ôlre chargé de la partie admi- 
nistrative et financière de l'entreprise, en ce qui était relatif 
aux détails des approvisionnements, de l'affrètement des 
navires, etc. Il allait devenir ce qu'on appelle aujourd'hui 
un commissaire d'escadre. 

Provisoirement la précaution de ne pas laisser échapper 
son secret était facile au Gouverneur général à Tégard de 
M. Dumaitz de Goimpy, alors en tournée à la Guadeloupe. 
M. de Blénac n'entreprenait rien sans l'aide de son intendant 
Comprendre un tel auxiliaire dans la réserve qu'il devait 
garder put lui sembler une condition gênante. Cependant il 
s'y soumit. 

Contrairement à ce qui s'était passé dans les lies entre 
hauts fonctionnaires, MM. de Blénac et de Goimpy vivaient 
en bonne intelligence*. Le premier était un officier, général 
prudent et avisé, des plus alertes ; le second, un administra- 
teur des plus capables. Rare avantage ! Us n'étaient pas jaloux 
l'un de l'autre. 

Nous allons les voir à Tœuvre. 



XIU 



Le 22 février 1689, aussitôt la réception du courrier de 
France. M. de Blénac envoie par une barque un exprès de 
confiance à la Guadeloupe, avec commission de ramener 
M. llntendant. L'exprès arrive le 25 à la Basse-Terre. Dès 



* U avait été nommé à o«i emploi U 2t novembra 16t4. 

• Cela ne dnra pat longtemps. 

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ST LA MARTUfIQUK 181 ' ' 

le lendemain» M. de Ooimpy reprend'la mer. D est de ra- 
tour à Saint-Pierre le 8 mars. Le 4, il se rend an FortrRoyal. 
résidence du Gouverneur général (depuis le 14 septembre; 
1681), et, sur-le-champ, gouverneur et intendant déterminent 
les moyens d'assurer Texécution de la volonté du Roi. 

Ils n'avaient pas de temps à perdre. On les prévenait que, i* 

dans le port de Flessîngue, «quatre câpres hoUandois* » se . 
préparaient à faire voile pour les lies d'Amérique, avec ordre 
d'aller inquiéter nos colonies et détruire, s'il était possible, 
les navires do commerce français fréquentant ces parages. 

Afin de parer à ce danger, M. de Blénac fit délivrer immé- 
diatement des lettres de marque aux habitants des lies qui 
voulurent bien armer en course... - 

La déclaration de guerre publiée fut enregistrée au CSonseil 
souverain le 7 mars 1689. 

Bien que le cardinal de Furstemberg (qui eut pour seul 
honneur, en définitive, de voir son nom donné à Tune des 
rues de Paris), fût, ainsi que sa cause, absolument ignoré 
aux Antilles, on y salua l'annonce de la guerre comme Tau- , 
rait été un glorieux avantage. Toute parole émanant de 
Louis XIV avait le don d'enflammer les cœurs. 

— Marchons I dirent les habitants de la Martinique, quand 
M. de Blénac leur eut appris Tordre du Roi, et les esprits se 
mirent de suite en campagne. 

Garder son secret en face d'opinions qui tombent Juste, 
leur donner le change, tromper son monde par nécessité 
n'est pas chose commode. M. de Blénac le sentit plus d'une 
fois. Certes il lui était désagréable de voir sur la lèvre des 
autres un nom qui fuyait la sienne. Mais comment empêcher 
les allusions ?... La brusquerie de son caractère le servit 
mieux que ne l'eussent fait toutes les finesses du monde. Il 
imposa silence à la curiosité. Il faut agir, disait-il, et non \\ 

perdre le temps en considérations superflues. |i 

1 COIMÎMf. 



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182 FRANÇOIS DE CX>LLART 

Appel est fait à toutes les bonnes volontés. Presque tout 
manquait. • Chacun propose d'être utile suivant ses moyens. 
Saint-Pierre se transforme en arsenal. D*un bout du port à 
l'autre on entend résonner des marteaux» cercler des ton- 
neaux, retentir des forges. Les échos sont en fête. 

Affréter des navires, les armer en guerre, « se précaution- 
ner de futailles, très rares en ces pays, » acheter des vivres, 
réunir des farines, en faire du biscuit, etc., le tout s'accomplit 
en moins de vingt jours. M. de Blénac pressait, M. de Goimpy 
stimulait. L'entrain patriotique se transmettait de proche en 
proche. C'était une activité des plus réjouissantes. . • " 

A peine avait-on fini d'approvisionner les bfttiments que 
c le 25 mars, dit M. de Blénac, on embarqua les milices de 
Saint-Pierre, avec la compagnie entretenue tenant garnison 
dans le forL Le 26, tous les bastiments se rendirent au Forl- 
Hoyal. Le 27, on embarqua les autres milices destinées pour 
cette entreprise, avec les compagnies qui estoient dans le Port- 
Royal, ei plusieurs personnes distinguées du pays qui alloieni 
volontaires f et Ton remarquoit une si grande joie parmi ceux 
qui estoient de cette expédition que Ton pouvoit, avec beau- 
coup de fondement, en augurer le succès. » 

Comment M. de Blénac forma-t-il la petite armée dont il 
avait besoin ? Toutes les sources lui furent bonnes. D'abord 
il mobilisa, comme on le voit, une partie des troupes royales 
et des milices dans les deux quartiers susnommés. Les pre- 
mières furent commandées par M. Calcavy, avec trois lieu- 
tenants : MM. Devaux, Lestiboudois et Ferrières, qui eurent 
chacun vingt soldats sous leurs ordres. 

Les milices eurent à leur tôte les capitaines Le Vassor 
de la Touche et Jarday des Marinières, qui prirent chacun 
soixante-dix hommes, avec du Buq et du Prey pour lieu- 
tenants. v 

M. de Blénac choisit pour son chef d'état-major M. le che- 
valier de Bernessac, neveu de M. de Oemozat, lieutenant de 



!• 



'À 



BT LA MARTINIQUE 18$. 

Roi, chargé de l'intérim au Fort-Royalj pendant que le gou* 
vemeur serait absent. 

Nous verrons bientôt comment M. de Blénac compléta son 
effectif i la Guadeloupe et à Saint-Christophe» ob il avait en- 
voyé d'avance M. de Mareuil, major de 111e» chargé de pré- 
parer les détachements à embarquer lorsque la flottille y 
passerait '^ 

Il eût été imprudent de priver la Martinique des moyens 
de défense qui lui étaient nécessaires, pour être prête à tout 
événement* 

Le plus grand nombre de milices, assemblées sous les 
armes tout le temps que durerait Tentreprise, ne devait 
pas quitter la colonie. . 

Cette précaution, cependant bien juste, chagrina beaucoup 
d'habitants. Tout le monde aurait voulu s'embarquer. M. de 
Blénac était contraint de modérer cet élan. 

Collart était de ceux qui, poussés par un noble esprit d*ar 
venture, s'opinifttraient le plus à vouloir faire partie de Tex- 
pédition. Heureux d'ailleurs de se mettre en avant, chaque 
fois que le gouvernement de la colonie faisait appel au sèle 
des habitants, il cherchait i se distinguer, ' i payer de sa * 
personne. , ' - 

Ainsi le Roi, s*étant proposé d'acclimater les vers à soie aox ! 

Antilles, avait prescrit que l'on y entreprit la culture du mû- 
rier. Pour les colons, dont Tunique souci était d'étendre les 
plantations sucrières, rien n'était moins engageant. Collart 
s'offrit pour satisfaire au désir de M. de Blénac, et depuis 
quatre ans, ses terres contenaient deux cent cinquante pieds 
du seul arbre qui nourrisse utilement la précieuse chenille. 

S'efforcer par ce moyen d'être utile à la colonie, c'était bien. \\ 

Joindre à cette preuve de zèle des avantages plus chèrement | ^ 

acquis, c'était mieux. Collart jugeait, comme d*autres autour ; ' 

de lui, qu'un rayon de gloire sur la tête d'un riche colon ne 
pouvait manquer de faire ressortir son mérite de tirer un || i 

large profit d'un sol généreux. A tort ou à raison, le fait d*a- i 



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■ • I 



1 



184 FRANÇOIS DB OOLLAET 

voir renda service au pays, les armes à la main, s'oublie 
moins que tout autre. 

Donc parmi ces « plusieurs personnes distinguées du pays 
qui alloient volontaires > se trouvait François de Gollart Sa 
compagnie n'étant pas comprise dans l'effectif mobilisé, il 
proposa de former un corps de volontaires qui ferait cam- 
pagne sous les ordres de M. de Blénac^ à part des troupes 
royales et des milices. Ces personnes étaient d'habiles chas- 
seurs, habitués à gravir les roches dans les montagnes et à 
poursuivre le gros gibier jusque dans les retraites les moins 
abordables. 

Collart exposa son idée. M. de Blénac se rendant compte 
que la montagne de Saint-Euslache, surtout en face de l'en- 
nemi, offrirait matière à exercer la valeur et les talents de 
chasseurs déterminés, accepta la proposition de l'ancien of* 
flcier au régiment de Rouerjgue, et c«lui-ci se trouva désigné, 
dans le personnel de l'expédition, comme « gentilhl>mme à 
la tète d'un corps de volontaires i. 

Celte concession faite au dernier moment à Textrême désir 
d'une trentaine de « personnes distinguées du pays », le 
Gouverneur général, « espérant que lèvent de terre méneroit 
les bastimens hors la veue de la Martinique, détermina la 
partance i la nuict ouvrante du 28. » 

C'est l'instant de considérer cette pittoresque réunion de 
nefs disparates, prête à quitter la colonie. Elle était composée 
de trois navires, d'un brigantin, d'une grosse bacque et de 
cinq demi-barques, en tout dix bfttiments armés, dont voici 
plus ample désignation : ' 

Lt Bien Acquis, de Nantes, capitaine Noôl-François, lOOton- 
neaux, 12 pièces de canon, 25 hommes d'équipage ; aumônier: 
le R. P. Zéphirin, capucin. 

La Vierge^ de Bordeaux, capitaine Meynadier, 180 tonneaujL* 
14 pièces de canon, 25 hommes d'équipage ; aumônier : le 
R. P. Jartarie, cordelière 



i 



BT LA MAmTtMlQin 186 

Le Sauvage, de Bordeaux, 190 tonneaux, 8 pièces de 
canon, 20 hommes ; aumônier : le R. P. Longcliamps, Jésuite. 

Ensuite, La Raffineuse^ grosse barque» capitaine C3ermont, 
et le brigantin, capitaine Roussel, avaient chacun hommes. 
La conduite des cinq demi-barques était conQée séparément . 
aux patrons LincoUe, Bemier, Langlois, Bodin et Briard. 

M. deBlénac avait chargé du service de santé MM. Desvauz 
de la Martinière, médecin du Roi, et D^gast, Peribaud, 
Gazenave, chirurgiens. 

On voit que la petite armée navale qui prit la mer devant 
le Fort-Royal, le 28 mars au soir, devait faire assez bonne 
figure^ et qu*on avait tout prévu, au spirituel comme au tem- 
porel, pour soutenir le courage de ceux qui la montaient 

Les habitants demeurés dans la colonie ignoraient, comme 
nous l'avons dit, sa destination, et ne pouvaient ni raccom- 
pagner, ni la suivre à distance. Ordre formel avait été donné 
de c ne laisser partir aucun bastimentde ceux qui estoient 
restés, que trois jours après son départ, afin d*oster aux mal- 
intentionnez les moyens d'en donner avis aux ennemys ». 

Le secret avait donc été fidèlement gardé. Ceux qui partaient 
se demandaient où M. de Blénac les conduirait, et les moins 
favorisés, ceux qui restaient, n'en savaient pas davantage. 
Les uns et les autres en étaient réduits aux suppositions. 

Ce voile de mystère jeté sur le but de Texpédition donnait 
du piquant au spectacle de son départ. C'était nouveau. 
L'esprit français surtout chérit l'inattendu, la surprise. 

XIV 

I 

Par une nuit superbe, la brise, soufflant de la côte, éloigna 
les navires assez rapidement de la Martinique. Pendant la 

journée du 20 et celle du 30, le vent s'affaiblit. On avançait si [f 

doucement et la gaieté se montrait partout si franche que 

COLLA&T (25(9 « ^^ 



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186 FRANÇOIS Ol GOUiABT 

ceux qui voyaient passer la flottille durent prendre l'expédi- 
tion pour une partie de plaisir, une promenade en mer, un 
peu nombreuse, il est vrai. 

M. de Blénac. ayaniimaginé pour la circonstance des for- 
tMUs hollandais signalés dans les eaux de la Dominique et me- 
naçant la Guadeloupe (où Ton mouilla le 31)» avait fait avertir 
M. Hinselin, gouverneur de cette colonie» de se tenir sur ses' 
gardes et d'avoir les milices en armes, prêtes à s'embarquer 
avec le secours qu'il amenait, en vue de poursuivre» de 
combattre et de détruire ces forbans. 

Tout le monde à la Guadeloupe crut à ce danger imminent. 
Les milices étaient sur le rivage. M. de Blénac embarqua le 
détachement qu*il estima devoir prendre, et, voyant que la 
place libre serait insuffisante pour emmener les troupes 
demandées à Saint-Christophe» il se prémunit d'un navire à 
li^ Guadeloupe : les Deux-Sœurs, de la Rochelle, capitaine 
Gabiou. 

Le vent contraire retint la flottille en rade jusqu'au matin 
du l"* avril. Vers la fin de la journée» le vent changea, la 
brise s'éleva» et, le 2» les vaisseaux se trouvaient à reml>ou- 
chure du canal formé par les lies Antigue et Montserrat. 
Cette dernière fut doublée à trois heures de l'après-midi. On 
la rangea de très près» à tel point qu*il eût été possible d'en 
compter les habitants que la surprise et la curiosité avaient 
fait accourir sur le rivage. 

La flottille arriva tard devant la Basse-Terre de Saint- 
Christophe. Elle y demeura en panne toute la nuit. C'était un 
avantage : on arriverait de bonne heure à Saint-Eustache. 

Avertis de la présence des vaisseaux» MM. de Salnave et 
de Magne» lieutenants de Roi à Saint-Christophe, avaient fait 
si grande diligence pendant la nuit» que» le 3 avril» dès l'aube» 
M. de Mareuil» envoyé d'avance^ comme nous l'avons dit, 
vint prévenir que tout était prêt. L'embarquement eut lieu 
très vite sur le navire pris à la Guadeloupe à cet effet, et, sa 
capacité se trouvant insuffisante pour le passage des troupes. 






mt LA MARTiiaoofe 



18t 



on ajouta aux Deux-Sœurg trois brigantins et trois barques» 
qui se joignirent à la flottille, composée» en définitive, de dix- 
sept voiles et de douze cents hommes environ, en comptant 
les équipages. Les trois brigantins appartenaient aux sieun 
Raffin, Duthuy et Bertrand; les trois barques, aux sieûn 
Lefèvre, Patau et Bioche. * 

On mit le cap sur Saint-Eustache. Le vent était favoralAe: 
Une heure à peine suffit pour accomplir cette dernière étape 
du voyage. 

L'ennemi n'avait pu soupçonner le but de rexpédltiott' 
qu*aux premières lueurs du jour. Le sieur Bchoirer, gôuvér^ 
neurde Tlle au temps de cette histoire, s*était mis immé- 
diatement en mesure d'éloigner deux flûtes* armées en 
guerre, chargées de monde et de marchandises. On sut plus, 
tard que les protestants français notamment avaient été 
embarqués par précaution. Ces bâtiments contenaient sans 
doute ce que Saint-Eustache tenait fe plus à mettre en sûreté. 

M. de Blénac, qui avait prévu réventualité d'un Comtmt 
sur mer, s'y était préparé. Mais il se garda bien de poursuivre 
les deux flûtes qu'il voyait fuir à pleines voiles. D*autres 
soins réclamaient tous ses instants. 

Les approches de Saint-Enstache sont naturellement pro- 
tégées, d'an côté par des falaises, de l'autre par des brisants. 

Outre la descente sous le fort (qu'il* fallait éviter), il y a 
deux endroits abordables, et encore à la faveur d'embellies^ 
car la mer se tient assez rude autour de Ille. 

Ces deux endroits sont, du côté regardant SainIrGhristophé, 
l'anse des Interlopes, formée par l'embouchure évasée d'un 
ravin presque toujours à sec, et de Tautre, au vent de lUe, 
une très petite anse appelée la Pointe-Blanche. 

M. de Blénac divisa ses forces en deux corps afin d'atteindre 
Tennemi de deux côtés à la fois. La plus grande partie des 
milices de la Martinique, aux soins de MM. Le Yasser, 



■i 

■4 



i 



« Grot naTÎre d« ehai^, alon très oomnna dantlM ports de Holla&d«. 



IM niAiigon Di oouxjaa 

Jarday et du Prey, et toutes celles de Saint-Christophe, diri- 
gées par MM. Gastaing et Laguarigue de Survilliers (en tout 
deux cents hommes), reçurent l'ordre d'opérer leur débar- 
quement à la Pointe^Blancbe. 

Un poste hol ndais s'étant retranché sur l'éminence qui 
domine cette pointe et n'en pouvant être chassé que par le 
canon, M. de Blénac fit mouiller en face le navire le Sauvage^ 
dont Tartillerie balaya sans peine la hauteur occupée. De 
cette manière le débarquement eut lieu sans perte aucune de 
notre part 

M. de Blénac se rendit compte que là n'était pas le plus 
difficile et que sa présence serait plutôt nécessaire à Tanse 
opposée, où la troupe qu'il venait de chasser s'était reportée. 

Après avoir donné ses instructions aux officiers qui devaient 
faire gravir la montagne à leurs hommes jusqu*à l'assiette* 
du fort, où l'on devait se rejoindre, le Gouverneur général 
gagna l'anse des Interlopes. Il y voulait débarquer le reste de 
ses troupes, c'est-à-dire les compagnies réglées, à la tête des* 
quelles se trouvait M. Galcavi, les milices de la Guadeloupe, 
dirigées par M. de la Malmaison, soixante Martiniquais mis k 
la disposition du lieutenant du Buq 'et enfin la poignée de 
volontaires, commandée par François de Gollart. 

M. de Blénac, laissant le Sauvage à la Pointe-Blanche avec 
quelques barques, fit conduire les deux navires armés, le 
Bien Acquis, dé 12 pièces, et la Vierge^ de 14, à Tanse des In*^ 
terlopes. Son intention étairde descendre devant le refaranche- 
ment élevé en cet endroit, en faisant d'abord couvrir l'opéra- 
tion par le canon des deux vaisseaux. Puis la mousqueteriQ 
des troupes distribuées sur les brigantins et les barques, dont 
les navires étaient suivis, viendrait appuyer la descente au 
fur et à mesure qu'elle s'effectuerait. Il en avait donné l'ordre. 
La violence du courant en empêcha l'exécution. La flottille 
ne put mouiller qu'à deux cents pas de là« au pied d'une fa- 
laise où la mer était plus maniable. Mais cette escarpe était 
bordée d'un espace de terrain si étroit qu'à .peine deux 

• * 



Kt LA MAmnmQUB 189 

hommes de front allaient pouvoir s'y engager pour pénétrer 
dans nie.' 

Néanmoins, le débarquement, garanti par la falaise même, 
commença tant bien que mal, et ce furent les volontaires di- 
rigés par Gollart qui touchèrent le sol les premiers* 

M. de Blénac vit tout de suite à leur allure ce qu'il pouvait 
attendre de ces hardis auxiliaires. 

Du Buq suivit Gollart avec ses soixante compagnons. 
Vinrent ensuite les milices de la Guadeloupe! La troupe réglée 
ferma la marche. 

C'était le contraire qui avait été résolu d'avance. Mais, en 
raison du trouble causé par les mouvements de la mer, 
l'ordre indiqué s'était trouvé renversé. Les derniers descen* 
dirent les premiers et vice versa. Personne ne s'en plaignit. 

Le retranchement défendu par le lieutenant de nie, second 
de M. Schorer, avec un groupe assez compact, n'allait pas 
être enlevé sans peine. Les vaisseaux et les petits bâtiments 
— tant le courant était mauvais — n'avaient encore pu s'em-' 
bosser pour apporter un concours efficace, que déjà l'on re- 
cevait des coups de feu, sans être en mesure de les rendre. 
M. de Bernessac venait d*ôtre atteint d'une balle tout près de 
M. de Blénac et quelques soldats qui les précédaient tombaient 
frappés. La situation pressait. 

Ce fut Gollart et ses volontaires qui ouvrirent le feu. Montés 
les premiers dans l'intérieur de l'Ile par un sentier escarpé 
serpentant aux flancs de la falaise, ils se glissèrent derrière 
des roches jusqu'à portée du retranchement et s'y maintinrent 
à la faveur d'un ancien éboulis, formant tertre et coiffé d'un 
fouillis de broussailles, qui permettait de tirer sans être vu. 

De là; les volontaires, visant à coup sûr, forçant les Ba- 
taves à chercher d'où partaient ces coups meurtriers^ favo- 
risèrent l'approche des troupes. Du Buq et ses hommes 
purent se hausser dans la montagne afin de prendre le re- 
tranchement à revers. Ils grimpaient de roche en rochA, 
lorsque les avant^postes du fort les apercevant descendirent 



190 P1UNQ0I8 DB QOLLART 

en hftte pour les déloger à coups de fusils. Les barques et les 
brigantins furent alors & même de répondre assez heureuse- 
ment pour éteindre le feu des Bataves juchés sur les hau* 
téurs. Toutefois, Gollart, ayant vu du Buq dans une position 
dangereuse, 8*était élancé avec ses compagnons pour le sou- 
tenir. Le péril conjuré, les avant-postes de l'ennemi s'étant 
retirés» GoUart revint à son refuge et du Buq se maintint à 
rétage supérieur. 

Les Bataves, alors exposés à trois feux, s'eftorçaient d*y 
répondre. Fusillés par du Buq d'en haut à revers, par Col- 
lart à droite, canonnés de face par les vaisseaux, dont les 
boulets faisaient sauter les palissades du retranchement, il 
leur fut d'autant plus impossible de tenir qu'ils appréhen- 
daient de se voir enveloppés à gauche par la troupe royale 
et les milices de la Guadeloupe, qui dessinaient un mouve- 
ment tournant. 

Après avoir résisté jusqu'à l'extrême limite de leurs forces, 
les Hollandais abandonnèrent le retranchement, et, craignant 
de ne pouvoir échapper aux assaillants par les sentiers, tous 
occupés, ils se jetèrent dans un ravin presqu'à pic, bordé de 
roches, où d'ordinaire il eût été prudent de ne pas se hasar- 
der. Ils crurent qu^on ne les y suivrait pas... Ctollàrtét 
du Buq grimpèrent à leur suite. Les Hollandais étaient con- 
duits par le lieutenant de l'Ile, qui soutenait vaillamment 
leur retraite. Au milieu d'une fusillade' acharnée, ce brave, 
dont nous regrettons de ne pouvoir faire connaître le nom 
— les documents ne le disant pas — ce brave roula mortel- 
lement frappé dans le ravin. Sa chute ne ralentit pas Tar- 
deur des Bataves ; montant, s'arrôtant et se retournant pour 
combattre, comme des fauves surpris dans un repaire, ils 
vendirent chèrement leur vie. Il y eut en cet endroit une 
sorie de chasse à l'homme, dont il est très difficile de se 
faire une juste idée. 

Ce fut à la fin de cette lutte sauvage que François de Gollart 
reçut une balle qui lui perça la main droite, puis une autre 



/ 



n L4 MARTUUQUE . tM 

qui lui écorcha le flanc. Le mdme projectile trayeraa la euisM 
gauche de du Buq qui se trouvait derrière lui. Vingt Bataves 
furent blessés ou tués aux abords du ravin. Les autres avaient 
pu rejoindre le fort. De notre côté, quatre soldats et un habi- 
tant de la Martinique furent tués à Taffaire du retranchement : 
douze soldats et deux habitants y furent blessés^. 



XV 



tt 



Dans cette rencontre, où tous les combattants, de part et 
d^autre, firent admirablement leur devoir, il nous a paru 
que la palme était due aux volontaires martiniquais, et, 
comme on va le reconnaître, ce succès si chaudement disputé 
fut décisif. Schorer, en perdant son lieutenant, avait perdu 
le seul homme capable de conduire la résistance. 

Cependant, M. de Blénac, craignant une sortie du fort^ ne 
voulut pas abandonner les Martiniquais à ce mouvement 
isolé qui lui paraissait téméraire. Il leur fit donner le signal 
d'arrêt et reprendre les chemins tracés. Il les obligea de se 
reposer, de se réconforter. Les blessés reçurent les premiers, 
soins. Puis on reprit la marche ascensionnelle avec prudence 
et, sans incident, on parvint à Tassiette du fort, au soleil 
couchant. 

Un feu de cannes, s'élevant du côté opposé à celui que 



! 



* Extrait des étaU de ferrieet de PrancoU de Collart : !• d*ali état déUW 
en 170) : « .... En 1689, il a esté à la priée de Saint-Euetaohe, son» le eon-^ 
mandement de M. de Blénao, en qualité de rolon taire, et fnti mis à la teftte j; 

des autres. H fast blessé de deux coupe de mousquet, un à la main droilet 
dont il est estropié de deux doigts. ...»— 1« d*nn état donné en ITOT i' 

« .... A recherché avec ardeur toutes les occasions de se signaler, lorsqu^U j« 

s*e8t agy de la défense de nos isles ou d'aller attaquer celles des ennemis, j - \) 

ayant fait paroistre autant de valeur que de bonne conduite et d'expérienoé^' 
notamment en 1689, à la prise de Saint-Eustache» spus le comnandement dà 
sieur de Blénac qui luy donna celny des Tolontaires, où il receut deux coupa \\ 

de mousquet, dont un dans le corps et l'antre lui perça la main droite, de i^ 

laqueUe U est estropié.... » ï{ 



■Il 



-!i 



\ 



102 FRANÇOIS DS OOLLART 

M. de Blénac venait d'occuper, renseigna très à propos sur 
la présence du corps de troupes laissé en marche à la 
Pointe-Blanche. On y répondit par un feu semblablCt ainsi 
qu'il avait été convenu. 

La journée du 3 avril avait donc été bien employée, et 
loul faisait croire que le succès ne s'arrêterait pas à ce pre-^ 
mier avantage. 

La nuit se passa sans trouble. Le lendemain matin» 4 avril» 
les troupes arrivées de la Pointe-Blanche se réunirent à celles 
campées du côté de l'anse des Interlopes... M. de Blénac fit 
ranger l'ensemble de ses forces en bataille et les dirigea 
jusqu'à la portée du fort. Les campements furent établis à 
l'endroit qui parut au Oouvemeur général le plus commode 
et le plus sûr. 

Le 5 avril» on alla reconnaître le fort^ sa situation, la dis- 
position du terrain dont il était environné, les chemins qui 
pouvaient y conduire. Pendant cette observation, on s'aperçut 
que l'ennemi, qui jusqu'ici n'avait pas donné signe de vie 
sur les remparts, y rangeait des sacs de terre. 

A ce moment, M. de Goimpy émit l'opinion qu'il fallait 
monter du canon et le mettre en vue, ne fut-ce que pour aider 
les assiégés à justifier une demande de capitulation. M. de 
Blénac objecta la difficulté du transport à une telle hauteur. 
L'Intendant déclara qu'il se chargeait de diriger l'opération. 
M. de Blénac ayant consenti à ce qu'elle fût essayée, on se 
mit à l'œuvre. Trois pièces furent débarquées du vaisseau 
le Sauvage^ resté à la Pointe-Blanche, et, à la fin de la journée, 
l'ennemi put voir une pièce établie à sa portée. Il ne chercha 
môme pas à la démonter. Le sieur Schorer semblait résigné 
au silence. Etait-ce calcul ? Que fallait-il penser?. • • 

Dans cette situation, le Gouverneur général, jugeant à 
propos de brusquer le dénouement, décida que l'assaut aurait 
lieu le soir môme. • • Il commanda deux cents hommes dont 
une moitié agirait à sa droite^ l'autre à sa gauche, lui restant 

au milieu en réserve avec quatre cents hommes pour aller 

\ 



IT LA MARTIMlQini 19S 

soutenir les. premiers assaillants au fur et -à mesure que 
besoin serait, si, contre toute prévision, Itf garnison du fort: 
se défendait sérieusement. Le reste des troupes .était occupé 
à garder les issues. ■ ■ ^. 

Ceci réglé, M. de Blénac envoya sommer le gouverneur de 
se rendre... Il avait bien jugé. 

Schorer, reconnaissant son impuissance, demanda une 
suspension d'armes jusqu'au matin, afin de préparer les 
articles d*une capitulation. M. de Blénac aiux>rda la suspen- 
sion demandée. Dès la pointe du jour, le 6 avril,, deux offl-i 
ciers se présentèrent au camp, porteurs des conditions 
rédigées par le commandant du fort Elles furent modifiées 
suivant ce que MM. de Blénac et de Goimpy* jugèrent € le 
plus convenable pour les intérests de Sa Majesté et Ilion« 
neur de ses armes». Reportées, par un officier des troupes 
réglées, au sieur Schorer, il les accepta sans difficulté. . . . 

Lagarnisonp composée de cent soixante-quinze hommes« 
avait la vie sauve. Les officiers pourraient conserver leurs' 
armes et sortir avec leur porte-manteau sans qu'il fût ou* 
vert. Il leur était accordé, suivant le grade^ un certain nombre 
de nègres qu'ils pourraient emmener comme domestiques* 
Habitants, soldats et officiers seraient transportés à 111e de^ 
Nièves. •^ .. r. ' * .: 

Ces conditions furent exécutées fidèlement. 
^ Puis, suivant rordre. rigoureux du Roi, la colonie fui dé- 
truite de fond en comble : habitations,, plantations ..et. 
magasins, tout fut bouleversé^ incendié, ruiné. ... 
. M«. de Blénac prit suf lui de laisser le fort intact U.y 
envoya une compagnie de troupes réglées,, commandée, pari 
le capitaine Donon de Galliffet 

Tout ce qu'il était possible d*emporter : esclaves, chevaux^ 
ustensiles d'exploitation, meubles, étoffes et autres marchàn*; 
dises, fut chargé sur nos vaisseaux et transporté à la Majv» : 
tinique en plusieurs voyages. Lavante en fut opérée succès* 
sivement^ dans l'espace de quelques mois. - 

GOLLABT (fM) 19 






104: 



FRANC0I8 DS COUJLIIT 



Deux cents nègres furent vendus à Saint-Pierre, en moyenne 
à raison de 273 livres par tête. 

Tout compte fait, la recette de Texpédition se monta à la 
somme de 1»578,2M livres^ de sucre (brut), la dépense à' 
1,232,506 livres. Le bénéfice fut de 345,666 livres, lequel, 
rédoit en livres d'argent, produisit 15,255 livres, qui furent 
versées entre les mains du trésorier de la Martinique' • 

L'entreprise avait donc été aussi honorable que fructueuse. 

M. de Blénac expédia son rapport au ministre le 27 avril 
1680 ; celui de M. de Goimpy porte la date du 1** mai*. Le 
compte de liquidation de l'expédition^ qui ne fut terminé que 
le 16 décembre suivant, est une pièce particulièrement instruc- 
tive. En prenant connaissance de ce long travail, on assiste' 
.au détail de l'entreprise ; on la voit naître, grandir et finir. 
On y voit le prix des denrées communes à cette époque. Lé vin 
y est acheté 55 livres d'argent la barrique; la farine, 55 livres' 
le baril ; le bŒur^32 livres le baril; le fromage, 0,55 la livre ; 
le beurre « emporté pour les ofilciers seulement », 0,73 la 
livre. : . . 

Enfin, pour montrer que rien n'a été négligé dans- les' 
comptes^ il y est dit que M. de Blénac s'est fait confectionner 
deux cages à poules pour emporter ses volailles ; que l'on a 
rasé la tète des nègres pris à Saint-Eustache, afin de les 
reconnaître à la Martinique ; que le poste envoyé à llle con- 
quise a été pourvu d'une..., de l'instrument que Molière avait 
acclimaté en 1673 sur la sc^ne française dans « le Malade 
imaginaire ». 

11 est à remarquer oncore que du Buq, lieutenant de mi* 
lice, reçoit 30,000 livres de sucre « en considération de sa ' 



* Précédemnieiii on comptait aux AniLUes en livret d« tobae.lfiôa 1» •mère 
i*étaat trouTé en grande partie tabatitaé à cette denrée par la eultiire géné- 
rale de la canne, on comptait en 1689 en livret de tncre (brnQ. On Toiiqne 
le quintal de tncre bmt reprétentait environ 23 livret d*argeBi. 

» n ett à noter qne cet documente ne font pat mention du nombre de ca*' 
Bont trouvétdant le fort. L*abtence d*artiUerie nWpat non plut tignalée. , 

A / t J 



■T LA ICARTINIQUI 



106 



blessure et des pertes faites sur son habitation pendant qu*il 
a esté absent pour se faire traiter : 

Les blessures de GoUart ne coûtèrent rien à la colonie, n 
était si fort à Taise que personne n'eût pensé à l^i proposer 
une compensation pécuniaire. Dans une lettre écrite par lui 
en 1713, GoUart parle de son désintéressement après les ae- 
lions de guerre. Nous n'avions pas d'abord saisi en quoi 
pouvait consister ce désintéressement. Le don fait à du Buq 
« en considération de sa blessure » explique suffisamment ce 
qu'a voulu faire entendre François de GoUart. Il ambitionnait 
une autre récompense qu'il ne tarda pas à obtenir. 

Terminons cette relation par une morale, qui se présen- 
terait probablement à l'esprit du lecteur ^ si nous ' ne la 
faisions pas. 

Après bien d'autres vicissitudes, Saint-Eustache est reve- 
nue définitivement en 1814 à ses premiers colonisateurs. De 
cette petite tle abrupte, imperceptible sur les mappemondes, 
peuplée de 2,600 habitants au plus, les Hollandais tirent 
annuellement près d'un million de francs. Cela ne monti9» 
t-il pas qu'en fait de colonisation surtout, il ne faut Jamais 
se décourager? Les Hollandais, maintes fois chassés de 
Saint-Eustache, y revenant toujours sans se Iasser>nous 
en donnent la preuve. Le succès définitif est la récompense 
inéluctable de la persistance. 



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quatrième; partie 



^«W«MnM*WW*MMM 



OolUrt «si nommf oapitain*. ** Il MsiaU à 1* Moond* priM d« 
la paHU an^laiM d« SAlat-OhiistoplM. — L*aiia^ saiTants 
(1600)» iM. Aa^UU r«pr«nBmtt o#tU.ll«. — ,aa. IWl, d«iiz oom- 
pairalM d« aiilie«0 martiaiqnaisM, , dont Vnnm oommaiidé» 
par Oollartt Toat au Mooors da la Oaadaloupa asai^^ par 

* laa Aa^lala. — L'arrlTéa da oa vanfort dtftarmiaa rannaml à 
raaonoarà aoa antrapxiaa. «- Dasoaatadaa Anirlitiaà la Marti* 

* niqua aa 109B* — Bslllaata oonduita da Collart à la. lia du 
aiic^ « Batraita da l*aaaaiai« — La traité da Byrwlok (1697) 

* raad aux Vraaçaia loara poataaaioaa da Saiat-Ohristopha. — 

• 

;.. Xa 1702, ila.aoat ooatraiata da quittas aatta ooloaia. -* Mou* 
; Taùa daaaaata daa ABg:lala à la Quadalpapa, aa ' 1708. — Laa 
lCartiaiquaia« oonuaaadéa par Oollart, arrivaat au aaooura da 
llla. — L*aaaa]ai, foroé da aa ratirar. brûla tout sur aoa paa* 
aafa* «*KouTaau règl&tnmïïkt pour laa Kilioea da la Xartiaiqua* 
Laa quatra rtffimaata. Oollart aonuaé ooloaal. *• Ba 1706, Col- 
lart atdu Buqilla aa diatiairaaatà Taxpéditloa du oommaadaat 
OlutTagaaa, mn-wojé par Louia XIT pour Toa^r laa raragaa 
axaro^ par laa Aaf laia daaa aoa ooloaiaa d'Amériqua. Saiat* 
Ohriatopha at MièTaa août ruiaéoa. Butin immaaaa. Oollart at 
du Buq oitéa daaa la CHutêUe de France. lia aoat propoa^ pour 
la aroix da Saiat-Louia par l*Iataadaat géminé da Tauoraaaoa* 
— Kémorabla oampayiw aux Aatillaa da Jaoquaa Oaaaard. -• 
Oollart at du Buq, qui praaaaat largamaat part à oatta «xp4- 
ditioBt raçoiToat laa élogaa du g raad SMria* Laura auooia à 



N- 



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niAicQon B8 anuLÂRT-vr L4 MumnoQOi ' 197 



MoatténAt. là Amtlc«« «1 à OknfM. 1î«ttr» te IMlût am 
AiatM. — Vrppa^é ûm n»mwmM pomv U «voix : ûm taim«-&à«ls 
par to Oo«T*nM w fftfatfnd d* Fli4UppM«3E« ColUrt obtlmt 
••tto dUtlBottoB. — Traité A*irtra«h« qmi mat flm à. la f i 



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I. . 



ti ! . . 



■ » - • - , . ' 

Les chroniqueurt * martiniquais — dont- la prétentioii 
(noas TavoDs déjà fait remarquer) a dû se borner à offrir 
4ine idée avantageuse de l*liistoire des Antilles, ne ixiavaiit 
y mettre toute Texactitude désirable — ont placé la seeonde 
prise de la partie anglaise de llle Saint^49iristopliei» par 
leurs concitoyens, au mois de mai 1880. Cette date» d peu 
distante du moment où s*est terminée Texpédition de Saint» 
Eustache, ci-dessus détaillée^ porte à croire que M* de Blénaè, 
après avoir présidé à Tévacuation de llle hoUandidse . 
•et achevé, sa ruine» a voulu faire d'une pierre deux coups 
et nous rendre tout de suite les uniques possesseurs du 
berceau de la colonisation européenne aux iles . d'Allié- 
rique^ comme nous Tavions été en 1006. On se le persuade ' 
si bien que cette date, séduisante, paratt-il, (précisée même 
quelque part au\i7 mai) — inventée par qui? nous ne 
savons — a été jusquici communément reproduite. Et ce* 
pendant elle est manifestement impossible. Personne n'a 
donc fait le moindre effort pour la vérifier. .11 y a plus : 
sa présence dans les récits donnés — singulièrement réduits 
— prouve que nul de ceux qui les ont écrits n*a connu 
les documents qui vont nous servir. Leur simple lecture dé- 
cèle Terreur commise.' 

' De Blénac, militaire correct, connût-il, en avril ou mai/ les 
premiers effets de la révolution d'Angleterre, n'kurait pas 
agi contre les Anglais avant d*en avoir reçu Tordre de son 
maître. Or cet ordre ne partit de Versailles que le 18 mai, lé 












-I 



: I 



136' pnANçon Di ooiXAitT 

lendemain do la déclaration de guerre du prince d'OrangCt 
qui venait d'usurper la couronne de Jacques II, son incapable 
et fugitif beau-père, dont le Roi de France s*était fait le cham- 
pion et qu'il avait recueilli à Saint-Germain-en-Laye. Ajou- 
tons que c'est le 25 Juin seulement que Louis, alors à Marly, 
signa sa déclaration de guerre à Vusurpateuff aux Anglais et 
aux Ecossais. Mais, bien que déjà en état d'hostilité dantre 
l'Angleterre protestante — l'envoi en Irlande d'une flotté et 
de troupes françaises, commandées par son royal protégé, 
Jacques n en personne, le prouvait assez — Louis XTV avait 
voulu se donner le temps de prévenir ses colonies lointaines, 
avant de publier en Europe sa résolution d'engager directe- 
ment la lutte contre Guillaume III et la Grande-Bretagne* Au 
surplus, les dates suivantes groupées chronologiquement 
s'expliquent d'elles-mêmes: 1680,7 janvier, Jacques n enFrance 
— 24 février^ le prince et la princesse d'Orange élevés au 
trône d'Angleterre — 22 mars, débarquement de Jacques n 
en Irlande — 17 mai, déclaration de guerre de Guillaume ni 
— 18 mai, ordre du Roi de France, à la Martinique, d'attaquer 
les Anglais — 25 juin, dédairation de guerre de Louis XIV à 
l'AngleterreL 



U. 



Louis ne s'était pas contenté d'enjoindre i Blénac de 
chasser les Anglais de Saint-Christophe et autres lies leur 
appartenant II lui avait dépêché une flottille sous les ordres 
du chevalier d'Arbouville € qui devait exécuter tout ce que le 
Gouverneur général lui ordonnerait pour le service du Roi ». 

Pendant que cet officier supérieur cingle vers les Antilles, 
voyons ce qui s'y était passé depuis la prise de Saint- 
Eustache. 

Blénac redoutait l'incursion dans nos Iles de corsaires 
hollandais, à lui annoncés par une dépêche ministérielle du 



IT LA MARTIMIQUI . ^190 

\ , ■ . . 

28 février; Averti dans le mdme temps de la présence à 
Curaçao de Rassemus, • fameux corsaire batave, avec un 
vaisseau de 50 canons et une frégate de 30,. le Gouverneur 
général s'était hftté de reconduire à Saint-Gliristophe, à la 
jQuadeloupe et à la Martinique, les troupes que ces tles lui 
avaient fournies pour son expédition de Saint>Bustacbe. 
. De retour à Saint-Pierre, Blénac s'était occupé, de concert 
avec M. de Ooimpy, à réaliser le produit de ladite expédition 
et à récompenser ceux de nos colons qui s*y étaient le plus 
distingués. Ck>llart, à peine « guari de ses blessures », reçut 
dans cette distribution le grade de capitaine, seul avantage 
qu'il souhaitftt en ce moment. Mais, comme il n*y avait pas 
alors de place vacante dans les milices martiniquaises et- 
que le chef des volontaires était bon cavalier ; comme 
d'autre part on avait tiré de Saint-Eustache un certain nombre 
<le chevaux (dont la vente négociée par le sieur Pinel avait 
produit 10,000 livres), Blénac décida qu*une compagnie de 
cavalerie serait créée à la Martinique etCollart en fut nommé 
le-capitaine**.. 

. Sur ces entrefaites» le 10 juillet 1680, parvint au Fort-Royal 
l'ordre du 18 mai dont nous avons parlé. Il ne s'agissait plus 
cette fois d'affréter des navires de commerce, comme on 
l'avait fait pour l'expédition précédente. Le vaisseau du Roi, 
la Perle^ que d'Arbouville montait^ porteur des instructions 
pressantes du marquis de Seignelay, était suivi de cinq 
autres nefs armées', dont le concours allait permettre à 
Blénac d'obéir plus rapideilient à la volonté du Roi* 

« Déjà ea 1672, pareilla ertetion a?ait été réaolM. BU* était rwtée à FéUt 
de projet Cependant, même avant 1672, il est parlé de eatalerie dana let 
actions de guerre k la Martiniqne. Des miliciens montée, comme nons 
Texpliquerons pins loin, se joignaient anx fantassins et rendaient serviee à 
cheTal. Mais ce n'était pas là. une cavalerie organisée oomme on rentendit 
plus tard. Au surplus, nous n*aTons pas tu, dans les doeuments, que Ton 
embarquât de la caralerie à la Martinique lorsque les miliees de oette llo 
allaient au secours d*une colonie Toisine attaquée. Ce qui n*empéchait pu 
les cavaliers de s*embarquer et de faire campagne oomme fàntassiur, 

* Le Uarin, Vffajarfeux (b\c), VÉméHllon^ la Loirt. la DauphhM^, • 



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200 



FRANÇOIS "bE- ODUAKV 



; M. de Goimpy ne perdit pas nue minute pour orgainiser la 
campagne, n 8*arrangea si bien que, le 22 Juillet^ au matin, 
tout était prêt Deux jours lui avaient suffi pour .compléter 
rapprovisionnement des navires. Trois compagnies de mi- 
lices, dont celle deColiart, furent embarquées et, sans tarder, 
la flottille quitta la Martinique. On prit en passant à la Gua- 
deloupe trente hommes des troupes réglées de la garnison 
de* cette colonie. : . 

.Bien qu'entreprise si vite et avec des' moyens relativement 
peu cojisidérables, l'expédition avait les meilleures chances 
de réussite, comme on va pouvoir s*en rendre compte. 

Dès que les Anglais eurent appris à Saint-Christophe, par 
des navires venant d'Europe, la descente de Jacques II en 
Irlande, avec une armée française, ils crurent prudent d'o- 
bliger les Irlandais, établis sur le territoire anglais aux con- 
fins de notre Capesterre, à déposer leurs armes et leurs mu-, 
nitions dans le fort de la Pointe-de-Sable. Les colons irlan- 
dais^ au nombre de trois cents environ, ressentirent vivement 
l'outrage. Ils refusèrent d*obéir, et, pour échapper aiix vio- 
lences de leurs maîtres, ils désertèrent chez nous en. masse, 
emportant ce dont on voulait si injustement les priver. 

Ces infortunés, en fréquentes relations de bon voisinage 
Avec nous pour l'exercice de leur culte, avaient droit à notre 
assistance. On les accueillit en frères. On fit mieux : il fut 
question d'aviser aux moyens de leur accorder autre chose 
que les témoignages d'une vaine pitié. M. de Salnave, lieu- 
tenant de Roi, alors gouverneur par intérim, ne pouvant les 
conserver à la charge de nos colons, voulut bien qu'un offl- 
cier français brave et intelligent — qui venait d'émigrer à 
Saint-Christophe afin d'y chercher fortune — se mit à leur 
tête, avec un certain nombre de nos miliciens, pour faire en 
sorte de contraindre les Anglais à respecter ces fils delà 
catholique Irlande. Dans ces conditions, il fallait que l'affaire 
marchftt rondement. La petite troupe, pleine d'ardeur, con- 
fiante en son courage et en son chef, fut <l'avis qu'il n'y avait 



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ST L4 lURTINIOini 



SM 



(Mis k négocier, k parlementer avec les Anglais. On s*élança 
sur les postes ennemis sans autres préliiiiinaires qu*an cri 
de combat. Les Anglais culbutés, surpris par la soudaineté 
de rattaquCr n'ayant pu se Jeter dans leur fort de la Pointe- 
de-Sable, élevé non loin du nôtre, gagnèrent précipitamment 
celui de la Grande-Rade» leur meilleur refuge. Le siiccîs fût 
complet pour nos protégés. 

Le terrain ainsi déblayé, sans grand dommage de pari et 
d'autre, les Irlandais rentrèrent chez eût, où, grftce à notre 
soutien^ ils purent se maintenir armés. De son côté, par un 
déploiement de forces opportun, Salnave avait fait 6om- 
prendre à nos voisins la nécessité de se tenir tranquilles. 
Son devoir, ne lui permettait pas d'aller au delà*. ^ ' 

Voilà dans quelle position critiqué les Anglais s'étdent fait 
mettre à Saint-Ghris^phe peu avant Farrivée de la flottillo 
venant de la Martinique. Nous ne pouvions omettre de 
laler cet incident. . - 



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. Le 27 juillet, à midi, cinq jours après leur départ du Fbrt- 
Royal, Blénac et Goimpy, parvenus à la Basse-Terre de 
Saint-Christophe, y font débarquer leur monde. Sans retard 
l'ordre est transmis secrètement aux milices de la Gapesterre 
et donné à celles de la Basse-Terre^ de s'avancer pendant la 
nuit, chacune de leur côté, jusqu'à un point indiqué, sur le 



* Un traitl de nentralité, pour les ooloniei d*Amlriqiit, ngné «a iSM 
•nlfi 1m roii de France et d'Angleterre, aTÛt été enregUtcé ans tlet en 
avril 1187. Maie les Anglais de Saini^Christophe lurent lee premiers à dé* 
elarer, en apprenant la fnite de Jaeqnes II« qne ee traité ntavait pins dn 
valeur à leurs yeox. Notre gouTemeur se le tint pour dit. Cependant, 
jusqu'à nouvel ordre à cet égard, il conserva une certaine réserve, en oe 
sens qu'il évita de ss mettre en lutte ouverte avec les Ansiait. • 






son 



FlUiHÇOIS DV GOIXART 



quartier anglais*. Cet ordre est exécuté à l*insu de l'ennemi. 
Le 28» dès le petit jour, le fort est investi par nos troupes 
débarquées et bientôt viennent s'y joindre 120 hommes d'un 
vaisseau flibustier, commandé par le fameux du Casse (plus 
tard gouverneur de Saint-Domingue), que Blénac avait engagé 
pour cette opération. Le mouvement avait été parfaitement 
combiné. La consternation des Anglais était visible. 

Le fort, « qui se trouvoit dans un meilleur estât que Ton ne 
se lestoit persuadé^» était défendu par 500 soldats, tout ce que 
la partiç anglaise comptait d'hommes sous les armes. Blénac, 
sans se préoccuper autrement des colons britanniques 
habitant les bourgs et la campagne, les fit tenir à distance par 
les milices de la Basse-Terre et de la Capesterre. 

Le 29 juillet, les Anglais qui voyaient leur situation très 
compromise, essayèrent d'une sortie pour se dégager. La 
sortie ne leur réussit pas. Ils avaient devant eux les milices 
de la Martinique, Gollart en tète . • . L'action fut chaude. Ils 
y perdirent vingt hommes restés sur la place. Nous n'eûmes 
que quatre miliciens blessés grièvement, dont un seul mou- 
rut le lendemain* • • 

En fait, il s^ssait de prendre le fort. On n'avait pas à 
s'inquiéter du restel 

Qu'était-ce que cet ouvrage déjà ancien, appelé le Fort- 
Charles, nom de Tinfortuné monarque, sous le règne duquel 
il avait été construit ? Nous possédons un document, portant 
la date du siège, qui peut nous renseigner à cet^égard. Il 
n'est pas superflu d'en profiter. 

B&ti en pierres sur une falaise rocheuse, tout au bord de 
la mer, haut de dix pieds environ, sans talus, sans fossé, 
ayant deux bastions joints par une courtine sans parapet :. 



* n Mi à propot de rappeler que, dèe rori^ae de roecvpaUon franoo- 
anglaiie à Saint-Christophe, noue anont eu en partage les deux extrémité 
de l*Ue, les Anglatt la partie centrale. Plus d*une fois, nous ariens souffert 
de cette distribution ringulière. A leur tour, les Anglais, pris entre deux 
feux, aUaient at oîr à la regretter. 



Du Casse» voyant l'hésitation du Gouverneur général, vint 
lui réitérer son offre de monter une batterie sur le morne qui 
dominait si bien le fort. Blénac flnit par y consentir. Ce 



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V. 



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M LA MAnmaoui -203 

• • • • 

tel apparaissait, à première vue, le fort anglais, considéré do 

côté de la terre. 

• • • • . 

Du côté de la mer, on voyait une longue courtine, ayant 

pour toute défense uu petit rempart de terre, élevé sur la fa- '1 

laise. Il est vrai que celle-ci avait sept toises de haut. Mais j^ 

elle était tellement peu escarpée, qu*au dire d'un rapport, on * I 

aurait pu surprendre le fort par là, si Ton 8*en était avisé. * ^ - | 

La place, sans ravelin ni chemin couvert, était commandée, 
à 150 pas, par le terrain môme, plus haut de qmnse pléds 
que le rempart, et à une bonne portée de fusil, par un morne 
beaucoup plus élevé» d*où l'on pouvait battre Tintérieur du* - 
fort, en y montant du canon. 

Du Casse, offlcier de mérite et bon stratégiste, indiqua il 

tout de suite ce moyen d'attaque au Qouverneur général. 

Naturellement Blénac fut d'un autre avis. U aima mieux 

ouvrir une tranchée et la pousser aussi près que possible du • 

fort. Puis, ce long travail terminé péniblement, il fit dresser 

une batterie de grosses pièces en face de la porte- 
Pendant que l'on remuait ainsi la terre, les vaisseaux 

embossés devant la falaise faisaient tonner leur artillerie 

contre ce mur granitique. C'était évidemment pour occuper ^ " 

ou distraire les équipages ; car le tir ne produisait et ne pou* 

vait produire ^ucun effet. L'obstacle était invulnérable, seul 

avantage réel de la position du fort Charles. 

Quatorze Jours se passèrent ainsi. Les assiégés se défen- ' 

daient mollement. On en sut plus tard la raison. Ils n'avaient 
dans le fort que des canons sans valeur, rongés par la rouille 
et tous de calibre différent. 

Cependant Blénac hésitait à faire jouer sa batterie contre 
la porte et à commander Tassant. Forcément, disait Goimpy, , 



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on y perdra du monde... ) ^ 



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PRANçon-px cùùbkvr 



travail très rude fut exécuté en une seule 'nuit piar les 120 
flibustiers agissant sous la conduite de leur commandant.. 
Il ne fallait pas être très versé dans Tart stratégique pour 
prévoir le ravage qu'allait produire cette demi-couronne de 
bronze aux bouches inenaçantes. Au jour, à là vue des six 
pièces de campagne ainsi juchées, les Anglais» comprenant 
le péril, cherchèrent à les démonter. C'était peine perdue. Ils 
le virent bien, mais ne voulurent pas apparemment nous 
priver de ce spectacle. On laissa faire ; leurs, faibles canons 
ne portaijeiit pas... Puis du Casse leur montra par* un feu 
plongeant ce que pouvait sa batterie. Aux p^miers coups, 
dont l'effet sur les constructions intérieures fut désastreux» 
« les Anglais sortirent d'eux-mêmes pour capituler^ » en 
poussant des cris/accompagnés de gestes expressifs, à rëlp- 
quence desquels on ne résista pas un instant Dii Cassé 
avait épargné un assaut. Beaucoup de braves gens lui 
durent la vie* 

La capitulation démandée par le major Hill, alors gouver- 
neur de là colonie britannique» accordée par Blénac, porte la 
date du 15 août 16S9. On voit que celle donnée trois mois 
plus tôt par les chroniqueurs martiniquais nécessitait une 
rectification. 

La colonie anglidse fut transportée à l'Ile de Nièves. Les Ir- 
landais, demandant à rester avec nous dans leurs habita- 
tiens, on y consentit de bon cœur. ' 

Maintenant^ quelles furentles circonstances dans lesquelles 
Collart se signala durant le siège 7 Les documents ne les pré- 
cisent pas. Ses états de services disent, en 1703 : « En la 
mesme année 1680» il a esté fait capitaine d'une compagnie de 
cavalerie et» après estreguari de ses blessures^ il s'est trouvé 
à la prise de Saint-Christophe, sous le commandement de 
M. de Blénac, oh ledit Collart s'est distingué dans toutes les 
occasions, » et» en 1707 :. . . « où il fit tout ce qu'on pouvait 
attendre de sa valeur et de son sèle. • ' 
' ' On doit croire, d'après ces deux extraits»'que la compagnie 






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BT lA lUftTUUQUft- 2Q6 



IV. 



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Blénac avait reçu un ordre du Roi, daté du 17 février 1680, 
qui lui prescrivait d'installer au gouvernement de Saint- 
Christophe le chevalier de Guitaud, gouverneur particulier 
de la Martinique^ à la place du chevalier de Saint-Laurent/ 
depuis longtemps atteint d'une maladie de langueur. La 
présence de Blénac et celle de Goimpy, à la résidence du 
Gouvernement, général, y rendaient moins néce8saii*e8 les 
services d'un commandant en second. Mais Saint-Laurent 
étant décédé le 31 mars 1689^ la mutation ne put avoir lieu. 
Guitaud fut installé gouverneur h Saint*Ghristophe à Tarrivée 
de la flottille et remplacé à la Martinique par M. de Gabaret,. 
qui prendra figure dans la suite du récit. La nomination de 
ce dernier porte la date du 15 juin 1680. . 

Huit jours après la prise de Saint-Christophe, le 28 août, 
Blénac laissant Goimpy dans la colonie, afin d'y terminer lés 
affaires, revint & la Martinique avec les vaisseaux ramenant 
les troupes. Du Casse l'y suivit sur son navire. 

Par une longue lettre du 27 août, Guitaud j en. informant 
le marquis de Seignelay de la prise de Saint-Christophe^ fait 



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41 



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de Collart (ôii il servait à titre de lieutenant, celle de cavar. 

lerie n'étant pas organisée) dpnna vigoureusement lors dé ^ 

l'unique sortie des assiégés et que notre héros trouva moyen \ "^ i 

dV faire éclater sa valeur. ' . , 1 

Pour obéir aux instructions formelles qu'il avait reçues de' 
la cour, Blénac fit dépouiller et incendier les magasins et 
les habitations rurales des Anglais « excepté cependant celles 
des catholiques » (les Irlandais). On retira de cette expédition 
« 352 nègres et autres effets » dont la vente produisit ;f 

I 

110,805 livres. Les dépenses faites pendant le siège déduites, 
il resta 30,806 livres. 






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206 



FRANCO» Dl OOLLART 



ressortir la situation fâcheuse oh Blénac a laissé le fort 
Charles et la colonie elle-même. Pas de vivres» pas de mu- 
nitions, pas d'artillerie servable^ nombre d*armes portatives 
^ insuffisant, mille hommes de troupes pour défendre six 
lieues de côtes abordables» les Anglais se concentrant à 
Nièves,àune lieue de Saint-Christophe : tel est en résumé 
le tableau peu rassurant que M. de Guitaud présente au mi- 
nistre. A sa lettre est annexé un « Estât des choses néces- 
saires pour la conservation de Tisle Saint-Christophle, sur 
quoy la cour est très humblement suppliée d'avoir égard. » 
Quelques détails sont à noter, dans ce passage surtout : 

€ Il est à propos de mètre *la place que Ton a conquis sur les 
Anglais dans un estai conforme au devis qui est envoyé par 
M. Dumaitz de Ooimpy.On nepeutaussy sassurer de la conservation 
de cete colonie à moins que sa maiesté n'ait égard au peu de forces 
que nous avons et qaelie envoyé au moins six compagnies d'aug- 
mentation, de bons officiers et de bons soldats bien armés de bons 
Aisiis bouosniers, faits de main de maistre ; ces armes estants 
beaucoup plus commodes que les mousquets qui ne portent pas sy 
loing. Il est nécessaire, pour armer généralement tous les habitants, 
que la cour envoyé trois cents fusils boucaniers, dont le Roy sera 
remboursé par lesdits habitants et deux cents espées pareilles à 
celles que Fon donne aux soldats*. » 

« 

Suit une liste des provisions de bouche, des munitions et 
des objets d'armement indispensables à la colonie, avec les 
quantités indiquées : canons, boulets, balles, poudre, mèches, 
pierres à fusil, grenades, cordages, fanaux, pertuisanes, 
boulets rames, charbon de terre, vivres pour six mois, etc., 
etc. Le développement technique de cette liste, les réflexions 

* Cm c fnsili boacanidn m dont m lenrai^iit, dès rorigin« de la flibntto, les 
forbans de SaÎBUDomingae pour tner les taareaux sanTagee qa*ilt bouca- 
naient ensuite, devinrent quatone ans plus tard (170S) les fusils de munition 
employée dans Tannée française. Sur des types Tenus des eolonies, ^n les 
fabriquait à Nantes, à Dieppe et à Bordeaux* On Toit que nos colons taisaient 
grand cas de ces armes k longue portée, dont le prix marchand était de 
St Uttss tO sensX^ 



'i* 



■T LA MARTUIIQUI 



2ar 



.qui la suivent, prouvent que le chevalier de Oïdtaud était noT 
officier d*expérience et savait bien son métier: 

Deux mois s'étaient écoulés. Le Gouverneur général 
voulut rappeler son Intendant à la Martinique. Mais, crai- 
gnant que les corsaires bataves» dont Tidée ne le quittât 
pas, n'enlevassent M. de Goimpy, il l'envoya chercher par 
la flottille. Son retour à Saint-Pierre eut lieu pacifique- 
ment, le 15 octobre 16S9. Le 23 décembre suivant. Blé* 
nac écrit une longue lettre au marquis* de Seignelay, dans 
laquelle il fait part,au ministre de certaines difficultés que 
du Casse vient de faire naître dans la colonie en traitant 
assez durement les hommes de son équipage. Cette lettre, 
qui prouve que ce capitaine avait le sang vif et le coup de 
b&ton facile, montre en même temps que le signataire est 
devenu soupçonneux. Elle se termine par ces deux phrases 
légèrement obscures : t Le pis de tout cela est que (du Casse*. 
et) le sieur de Gémosat, son amy, ches quy il demeure pen- 
dant que son navire est en carène, ont tellement changé M. 
Dumaitz (de Goimpy) de toute la disposition qu*on lui avbit 
donnée de demeurer en paix et d'y laisser les autres, qu'il' 
n*est pas connoissable de Testât ob on l'avoit mis à Saint*' 
Eustache et à Saint-Christophe. Aussy peut-on assurer à' M. • 
le marquis de Seignelay que ce corsaire ^u Casse) et le lieu- 
tenant de Roy (Gémosat) sont deux grands brouillons. » 

A la place du pronom indéfini on, trois fois employé dans 
ce passage, il faudrait, ce semble, supposer Je pour le rendre 
plus clair. En fait, Blénac insinue que du Casse et Gémosat 
se sont ligués avec Goimpy pour le contraricir. Premier 
nuage qui s'élève entre le Gouverneur général et l'Intendant t 
be son côté, Guitaud, écrivant de Saint-Christophe an mi- 
nistre, se plaint amèrement de Blénac et dit par contre que 
« M. de Goimpy est infatigable quand il s'agit du service du 
Roy. » 

Au commencement de mars 1600, Blénac, irrité de cette 
mésintelligence, qui ne fit que s'accroître, et surtout des' 



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206 FRAMQOIB Dl OOLLAAT 

façoiis désordonnées da bouillant da Casse qa*il n'aimait 
pas ; d'ailleurs. mécontent de voir que ses demandes de 
troupes et de munitions pour Saint-Christophe n'avaient pro- 
duit aucun effet,' sollicita instamment son rappel pour des 
raisons de santé. La nomination du marquis d'Alesso d'Esra- 
gny, son successeur, à la date du 1** mai 1000, prouve que 
le Roi avait pris tout de suite au sérieux le prétexte dont 
s'était servi le Gouverneur général. Mais celui-ci devait 
attendre près d'un an avant de pouvoir quitter la Martinique. 
Quelques mots glissés dans la correspondance de Guitaud 
font comprendre la cause principale de la mésintelligence 
survenue entre les hauts fonctionnaires de la colonie. "■ 

Il faut convenir que Blénac avait usé bien modérément de 
la flottille de guerre, mise à sa disposition en juillet 1688. 
Le Roi lui avait prescrit de s'emparer de Nièves et autres lies 
appartenant aux Anglais. Blénac s'était contenté d'agir à 
Saint-Christophe et, malgré les instances de son entourage,, 
il avait commis la faute de transporter la jcolonie anglaise à 
Nièves, au lieu de l'envoyer à la Jamaïque, comme le sou- 
haitaient ses conseillers. Les Anglais profitèrent de cet avan« 
tage pour se concentrer dans la petite lie si voisine de Saint- 
Christophe, afin de reconquérir plus vite leur colonie pré- 
férée. Que devait faif e Blénac pendant qu'il disposait à son 
gré de la flottille? Prendre Nièves, la saccager, en transporter 
les habitants aux possessions anglaises des Antilles les plus 
éloignées de Saint-Christophe. Rien ne lui était glas facile. 
Par une économie mal entendue et surtout par crainte de 
voir la Martinique attaquée pendant qu'il serait à Nièves, il 
ne le fit pas. Mais combien il dut regretter d'avoir donné 
trop de créance aux projets supposés des corsaires hollan- 
dais contre lesquels, sur de vagues indices (11 faut le penser), 
le ministre l'avait mis fortement en garde I Au moment où 
nous sommes la faute n'était plus réparable. ^ 

Le nouveau. cabinet britannique, ayant appris la. perte de 
SaintrChristophe, avait envoyé aux. Antilles une escadre 



,• 



KT LA HAHTlHlQUft 2W 

pour venger cet «chec. Composé» de huit Tftisseaox, portant 
plus de trois mille hommes de troupe*, cette escadre éttit 
commandée par le chevalier Christophe Codriogton^ andeo 
gouverneur de la Barbade, maintenant capitwne général et 
gouverneur en chef des possessions anglaises aux lies d*A< 
mérique.' 

Depuis le 27 août 1089, comme il a été dit, M. de Ouitand 
avait prévu que les Anglais ne resteraient pas longtemps 
sous le coup de leur défaite h. Saint-Christophe et qu'il était ' 
indispensable dé se préparer à les recevoir si l'on voulait 
conserver cette lie. Nous verrons que la cour de France, . 
bien qu'avertie et comprenant le péril, s'était vue dans l'im* 
possibilité d'agir assex vite pour prévenir l'atlaqne des. 
Anglais. GuUaud n'avait reçu aucun renfort, aucun secours 
(et, pour comble, la colonie était décimée par la flèvre Jaantf, 
qui venait d'enlever 4S0 colons) lorsque, le 30 Juin 1000« 
CodringtoA vint débarquer ses trois mille hommes de ' 
troupes sur les cfiles de Saint-Christophe. Notre gouverneur. 
n'ayant pas assez de forces pour empêcher ce déturquement, 
livra bataille aux Anglais d%t qu'il lui fût possible de les 
joindre. Plus d'une fois, devant l'élan de nos milices, - 
l'ennemi plia ; mais on ne put l'obliger k regagner ses 
vaisseaux. ' "^ 

Guitaud laissa trois cents hommes au dehors pour harceler 
les Anglais et détruire par le feu le bourg de la Grande-Rade 
afin de les empdcher de s'y fortiQer. Puis, toutes précautions 
prises pour l'approvisionnement, le gouverneur, résolu k ne 
céder qu'à la dernière extrémité, comme c'était son devoir, . ■ 
se renferma avec trois cents hommes dans le- fort Charles, 
notre récente conquête. N s'y tint sans faiblir pendant qua- 
rante-cinq jours, -attendant qu'un secours de France ou de 
la Martinique vint lui permettre de reprendre l'offensive. 
Les Anglais avaient déjà perdu trop ^e monde, dans mainte 
escarmouche, pour chercher & prendre le fort autrement 
que par la famine. Ils patientèrent. Le secours ne -venant 

COIXART (S5(Q SO 



.•• 



210 rRAMÇOU OB OOIXAliT 

pas, Gaitaod exténué, averses trois cents compagnons^ dut 
capituler le 24 juillet iflOO*. 

La colonie française fut transportée en partie à la Marti- 
nique et en partfe à Saint-Domingue. D'un côté comme de 
l'autre elle fut accueillie avec la plus grande bonté. Tous les 
colons un peu aisés se chargèrent d*une famille et ouvrirent 
largement leur bourse pour aider les autres à remplir digne* 
ment le même devoir. Nous voyons notre Gollart figurer sur 
a liste de ceux qui montrèrent.rexemple de la charité avec 
un empressement très louable. Ce n'était pas seulement du 
pain qu'il fallait offrir à ces pauvres réfugiés se tenant à peine 
debout Un lit et des soins délicats leur étaient d'abord né* 
cessaires, tant ils avaient souffert des fatigues et des priva- 
tiens pendant le siège et durant la traversée. A les voir on 
désespérait de les sauver. Mais comblés d'attentions par nos 
dames créoles, en même temps que reconfortés progres- 
sivement, suivant que la prudence Fordonniiit, ceb vaillants 
fantAmes, si Ton peut dire, reprenant figure, se rattachèrent 
à la vie. Leurs bienfaiteurs et bienfaitrices eurent, pourpre* 
mière récompense de tant de soins, la satisfaction d'avoir 
rendu à l'existence de malheureux compatriotes plus morts 
que vifs. Ce fut, à la Martinique comme à Saint-DominJBrue, 
un touchant spectacle que cette résurrection, dont l'humanité 
seule eut tout le mérite. Les ineux de cette guerre intermi- 
nable ont fourni trop_ souvent à nos créoles des Antilles 
l'occasion d'exercer l'hospitalité dans de semblables con- 
ditions. 

La seconde récompense fut un accroissement de prospé« 
rite pour les deux colonies. L'arrivée de ces nouveaux ha- 
bitants n'augmenta pas seulement la population de la Mar- 
tinique et de Saint-Domingue. Toutes 1^^ industries y ga* 



\ t . t . 



■ n Mi ftÎBti qualifié dAiiti*acU d« capitnlatioa : « ChariM àê Pajehpafrov 
Commiag* Ouitand, chevaliar d« Saiai-Jean éê lénualtm, liautenant d« 
loi a« Oovfwnamtnt général. goaTaraaur da Saiai-Chrialopha «I itlat ad- 
'iastatas. • - ^ \ 



^ 



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KT LA lURTIMIQUI 



211 



gnèrent d'utile« travailleurs et chàqne profession se renforça 
d'habiles artisans. . - 

11 faut excuser un peu le Gouverneur général de ne pas 
avoir secouru Saint-Christophe. Blénac se voyait lui-môme 
si menacé par les Anglais qu'il craignait sans cesse d*6tre 
attaqué. De son côté la cour de France voyait ses ressources 
absorbées par les exigences croissantes de la guerre euro* 
péenne. Nous étions i l'heure cruelle où Louis XIV donnant 
l'exemple de l'abnégation, .envoyait son argenterie au 
Trésor et -faisait fondre dés chefs-d'œuvre d'art métallique 
pour les transformer en monnaie. Voilà à quelles extrémitéa 
la guerre sans merci, indéfiniment prolongée, conduit une 
grande nation. 



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Cependant le Roi de France* instruit des misères de toutes . 
sortes au milieu desquelles se débattaient nos colonies d*A- 
mérique, n'avait pas négligé de les faire secourir. Par 
malheur, ses ordres, tardivement exécutés n'avaient pu cour 
jurer lé péril... 

D'Bsragny, désigné en mai, comme on l'a vu, pour aller 
remplacer Blénac, devait passer aux Antilles sur le vaisseau 
de guerre le Mignon escortant plusieurs navires chargés 
d'armes, de vivres et de munitions, avec un certain nombre 
de troupes. Son départ de Brest devait s'effectuer en sep^ 
tembre et, de fait, il prit la mer dans le courant de ce mois. 
Mais, forcé par les vents contraires de relftcher à Rochefort 
—où la nouvelle de la mort de Seignelay lui parvint dans les 
premiers jours de novembre — puis à la Rochelle, où la 
saison le cloua jusqu'au 22 décembre, il n'avait pu mettre 
définitivement à la voile que dans les derniers jours de 
l'année 1000, quatre mois après la perle de Saint-Christophe. 

Pendant que d'Esragny faisait route pour les Antilles, 



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212 PRANC0I8 DB OOLUIET 

Godrington, ancré à la GraDd6-Rade« se préparait . à nous 
faire tout le mal possible et comme Blénac était réduit, par 
le manque de vivres et de munitions» à ne pouvoir rien en- 
treprendre hors de la colonie, les Anglais avaient beau jeu 
pour continuer leurs déprédations. S*ils tardaient encore à 
lancer leur escadre, c'est qu'ils avaient tout à refaire à Saint- 
Christophe. Habitations rurales, plantations, bourgs, ma- 
gasins, tout avait disparu. Plus entreprenants qu*ezpéditifs, 
les Anglais travaillaient à rétablir leur colonie. 

On savait toutefois par leurs démonstrations que la Gua- 
deloupe, Marie-Galante, la Martinique et Saint*Domingue 
étaient menacées d'une prochaine invasion.. C'est dire avec 
quelle impatience la Martinique attendait le successeur de 
Blénac et les secours qu'il devait amener. Cette espérance, 
dont on se flattait avec raison, ne fut pas déçue. 'D'Esragny 
parvint sans encombre au Fort-Royal le 5 février 1601. 

En voyant la flottille approcher on se sentit délivré dès plus 
cuisants soucis. Installé dans son gouvernement par Blénac, 
qui se h&ta de quitter la colonie, le nouveau Gouverneur gé- 
néral commença par faire distribuer des vivres et des muni- 
tions aux habitants. On donna des armes à ceux qui en man- 
quaient. Un certain nombre de nègres, les plus^ intelligents 
et les plus attachés à leurs maîtres, furent embrigadés et 
armés. On consolida les palissades construites aux endroits 
de rile les plus exposés à la descente des ennemis. Tous les 
planteurs furent tenus d'employer une partie déterminée de 
leurs terres à cultiver les plantes nourricières du pays, soin 
qu'ils ne prenaient ordinairement que dans des proportions 
insuffisantes. Deux mois furent occupés à ces préliminaires 
de défense. •• Vinrent alors de mauvaises nouvelles. Le 20 
avril 1601, Codrington avait pris Marie-Galante, et la Guade- 
loupe était assiégée par l'escadre britannique. D*Esragny 
fut^il prévenu tardivement de ce fait? Eut-il confiance que l^s 
troupes de cette dernière lie suffiraient pour repousser l'at- 
taque des Anglais?. • . Ce que Ton peut affirmer, c'est que la 



\ 



■T L* lUkTimQUI. 213 

Guadeloupe envahie resta livrée à elle-mfime pendant plus 
d'un mois. I^es milices et les troupes réglées, bien que fai- 
blement dirigées, se défendirent héroïquement. Elles per- 
dirent peu de monde et tuèrent aux Anglais plus de MO 
hommes. Pais, comme à Saint-Christophe, accablés par le 
nombre en divers combats que nous n'avons dbs k détailler, 
où, de part et d'autre, il fut dépensé beaucoup d'énergie. 
les Quadeloupéens furent ot)ligés. le'sunsde se réfugierdans 
les montagnes, les autres de s'enfermer avec lenr gouver- 
neur malade dans le fort de ta Basse-Terre. Ile y étaient 
cernés depuis deux semaines environ^ désespérant de voir 
arriver les secours que le gouverneur Hinselin avait demaa- 
dés à la Martinique ; pressés par la famine, plus meurtrière 
que la poudre, ils allaient se rendre, lorsqu'enBn d'Esnigny 
parut avec sa flottille. ' . 

Inspiré par M. de Qoimpy , toujdurs plein d'ardeur, le Oon- 
verneurgénéral avait désigné deux compagnies de milices 
pour s'embarquer. CoUart et du Buq étûent à leur tête... 
Nous ne pouvons donner t>eaucoup d'importance su récit de 
celte expédition, parce qu'en fait elle n'en eut qu'au point de 
vue du résultat. La flottille, partie du Port^RoysI le 10 mai 
1001, se dirigea d'atrard sur Marie-Oâlante, d'oîi quelques 
Anglais, qui gardaient cette Ile, déguerpirent dans lenr 
bateau en voyant approcher nos vaisseaux. D'Esragny remit 
sans tarder à la voile et mouilla le 24 mai k la Qrande-Terre 
delà Guadeloupe, au lien dit leGosier. Del& il passa parla 
vote terrestre à la Basse-Terre, oii se trouvaitancrée l'escadre 
britanique. 

En voyant paraître les milices martiniquaises, les Anglais 
— dont les maladies avaient fort réduit le nombre — at>an- 
donnèrent complètement leur entreprise. Résister à des - 
troupes fraîches ne leur était plus possible. Ils se jetèrent 
pèle-méle dans leurs navires» laissant des canons, un mortier. 
quantité des munitions, de blessés, des malades, et, prenant 
la mer à la h&te, ils mirent le cap sur Saint-Christophe. 



2H FRANÇOiaiDl OOLLAllT 

» 

Ainsi la seule vue du renfort dpnna des. ailes aux pieds de 
Tennemi. Pas le moindre combat ne fut livré par les milices 
martiniquaises en cette circonstance. Ce que Ton a publié à 
ce sujet n'est pas exact. Les Anglais ont une qualité pratiqua 
qui ches nous serait tenue pour un défaut capital. Quand iU 
prévoient une défaite» ils nlnsistcnt pas. Réserver leur bra- 
voure, souvent réelle, pour une occasion profitable^ . leur 
parait être une preuve de sagesse. 

Cette expédition fat cependant honorablç pour Ifi Marli* 
nique. L'arrivée de ses troupes, \$ renommé^ qu'elles, avaient 
acquise, Tappareil martial dont se firent précéder Gollart, du 
Buq et leurs compagnons, concoururent à sauver la Guade- 
loupe à bout de forces. Deux jours plus tard elle capitulait. 
Le sang versé de part et d'autre n*eût pas rendu le résultat 
plus favorable. 

L'état des services de Collarl, auquel nous ayons déjà fait 
quelques emprunts,est bref sur ce point,comme il convenait. 

« En 1691, y lisons-nous, les Anglais attaquèrent la Gua- 
deloupe ; il (GoUart) fut commandé pour aller au secours 
avec un détachement, sous le commandement de M. Déragny 
(sic). Les ennemis levèrent le siège d la vue du secours. » 

Le rapport de M. de Goimpy, qui s'étend longuement sur 
la belle résistance des Guadeloupéens, ne dit guère, plus que 
cet extrait, au sujet du secours amené par les milices de, la^ 
Martinique.. — 

. On a raconté que d'Esragny, dès son retour au Port^Royal» 
mourut foudroyé « par le mal de Siam* ». L'événement, qui 
priva les Antilles françaises de leur chef, fut en réalité mqins 
prompt. La flottille rallia la Martinique au commencement 
de juin. Dans les premiers jours d'août,d'Esragny fut atteint 
de la fièvre jaune, languit deux semaines environ, et mourut 
le' 18 août 1091. 

* La flèvrt j&ane, importée à U Bfariiniqii« en 1690 par la TaiiMav en, 
Rot roriflamme^ commandant d« LattriUa, Tenant do Sîam, léTittait dap«is 
pluttear» annéat an Brésil, où co bâtiment avait séjonmé avant do faire 
esoale ans 



n LA MARTUIIQUS ■: 

M. de.Pontcbartralnt successeur du marquis dé Seignelay 
à la Marine» écrivait encore le 4 octobre h d'Esragny. Ce fut 
seulement dans les premiers Jours de novembre que, la non* , 
velle de sa mort étant parvenue à la cour, le Roi résolut de ' 
nommer le prédécesseur du défunt pour le remplacer. -» • 
Blénâc n'eut rien à objecter. Du Casse» c ce corsaire », comme 
il l'appelait, qui lui était surtout antipathique à cauy de sou 
caractère, avait été pourvu en Juin du gouvernement de 
Saint-Domingue. La Martinique était délivrée de sa présence» 

Louis XIV, sachant cette colonie particulièrement en butte 
à la haine des Anglais, pressa TarmemenV de Tescadre qiii 
devait escorter Blénac souS les ordres du commandant de 
Vaudricourt. Parti de Rochefort fin décemijre 1601» le Gou- 
verneur général des Antilles mit pied au Port-Royal le 
5 février 1602, Juste un an. Jour pour jour, après rinstallaliou 
de feu d'Esragny. 

Blénac fut reçu à bras ouverts. Ses emportements répétés, 
.sa mésintelligence avec l'Intendant générah-^étaient-déjè-- 
tombés dans l'oubli. On sentait que la Martinique avait besoin 
d'un chef énergique. Blénac était l'homme de la situation. 



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VI 



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. ». 



L'année 1692^ qui se passa en alertes continuelles, n'offre 
cependant rien de remarquable à signaler pour notre 
sujet. Mais voici 1603. Les Anglais ont reçu des reor 
forts d'Euroi^e. Ils sont prêts à frapper un grand coup. Du 
moins ils s'en flattent. La colonie où réside le Gouvernement 
général des Antilles est digne de leur ambition. C'est la Mar- 
tinique qu'ils vont envahir avec des forces considérables. 

Blénac avait su par des éclaireurs échelonnés.dans les eaux 
de Saint-Christophe et de la Guadeloupe — arrivés nuitam- 
ment par esquifs — que la flotte britannique était en marche. 
Les deux forts, ayant tout ce qu'il fallait pour repousser une 



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216 niANQOU DI COLLÂAT 

attaque, même iBimuItanée» si sérieuse qu'elle fût, étalent 
prêts à recevoir rennemi* Quatorze cents miliciens veillaient 
sous les armes aux approches de ces deux principaux points 
de défense. Les compagnies réglées attendaient de pied ferme- 
derrière les remparts. Les défaites de Willougby en 1666» de 
Ruyter en 1674, étaient encore trop présentes à la méioioire 
des Mai;^iniquais pour ne pas les encourager à se bien teilirl- 

Pendant les accalmies dont la colonie avait pu jouir Tannée 
précédente, Blénac s'était empressé de faire élargir et de 
rendre plus praticable un chemin de communication, déjà 
tracé dans les hauteurs par les piétons, entre Saint-Pierre 
et le Fort-Royal. Cette voie devait être surtout utilisée dans 
^a présente cami^ne* 

Pour faciliter la mobilisation des milices, Blénac. les avait 
divisées en quatre bataillons, chacun de trois compagnies : 
1* Le bataillon de Saint-Pierre, le plus nombreux, ob se 
trouvait rangée la compagnie de cavalerie dont GoUart était 
le capitaine, était placé sous les ordres de Gabaret^ gouver- 
neur particulier ; 2* celui du Fort-Royal était commandé par 
M.de Guitaud, ex-gouverneur de Saint-Christophe, « lieute- 
nant général des lies d'Amérique' » ; 3* celui du Marin, le 
moins nombreux, était confié aux soins d*Auger, lieutenant 
. de Roi, gouverneur de Marie-Galante inpanibw^, précédem- 
ment à Saint-Christophe ; et 4* le bataillon de la Trinité^ oh 
commandaient MM. du Buq père 'et fils. 

Cette organisation du reste, à peine ébauchée, devait se 

m 

compléter avec le temps. L'ordre était de s'arranger le mieux 
possible pour se défendre. Ainsi^ en attendant que chaque 
bataillon pût avoir sa compagnie de cavalerie, ceux qui pos- 
sédaient un cheval marchaient comme cataliera à la tête 



* €• titn lai &TaiiéU donné pour T&atoriMr à remplaMr Bléane au betoin. 
Mais, en fait, Gnitaud était sont les ordres du Qoafcmear général des Antillot> 

> La Roi avait déeidé qn« Marie-Qalante, en attendant la fln do la yaono, 
•était provifoirement a1»andonnée. M. Tingénienr doOémoeat, liontenaatdo 
Roi, avait été nommé g ouvomonr do la Oronado. 



/ ,• 



des faatassias. Dant lei relations, quand on ehef écrit: 
ja lançai ma cavalerie, une ou deux escouades Dguraient 
gântiralement l'arme dont il parle. L'aape^ de loia.'k. 
'travers les âelaircies, de quelqpes miliciens chevauchant 
ensemble n'était pas sans produire de l'effet sur Tennemi ; 
moyens primilirs assurément. Le résultat seul importait. ^ 

Avant de détailler cette nouvelle attaque des Anglais, 
signalons un fait qui surprend au premier abord dans l'un* 
des relations du siège... L'ennemi descend en nombre sur les 
rives en apparence désertes d'un quartier, n perd du monde, 
ne tue personne, se déconcerte, se rembarqué et poursuit sa 
tentative d'un autre cdté, sans plus de succès. Ce qui parait 
.si peu croyable s'explique ainsi : Les miliciens armés de ïoogfe 
-fusils boucaniers, qu'ils maniaient fort habilement, se pos> 
taienteo petits groupes espacés dans les hautes herbes ou les 
broussailles, dès qu'ils apercevaient l'ennemi pr^ d'abgrdeir. 

Le laissant mettre pied k terre, ils tiraient, se déplaçaient 
sans bruit, comme de vraies couleuvres, et tiraient de nou- 
veau, tandis que l'assaillant troublé faisait en vain siffler aes 
balles dans la direction d'où partaient les coups. '. 
\ Cette sorte de défense par embuscades, très commune aux 
Antilles, était des plus meurtrières' pour l'ennemr. On com- 
prend qu'il lui fallait un courage surhumidn pour résister 
longtemps à ce jeu terrible, dont il était fatalement vicùme. 

En 1601, h. la Guadeloupe, vingt Français dont huit nègres, 
tuèrent ainsi quatre-vingts Anglais, au prix seulement de 
quatre des leurs, qui avaient eu le tort, à la fin, de se laisser 
voir en changeant de place, après avoir tiré. 

vn 

I^e 11 avril 1093, la notle anglaise parvint à l'aube en vue 
de Saint-Pierre. On put compter 32 vaisseaux, 9 barques, 
3 brigantins, 2 quaiches* et une galiote k bombes, an total 

■ Qa«iclM, k«t«h. Rkf ÎM i ponp* carré», d« M à 100 towMaax, mm> •■ . 
■Mf* «B Asf taum. 



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• 



218 • FRANCO» DI OOfUJOLf 

47 bfttiments: Le signal d*alanii6 fat donné* On pensait que 
le fort allait 6tre attaqaé et Von se prépara en conséquence. 
Oabaret, qui commandât le bataillon du quartier» envoya le 
capitaine de GoUart, avec s{i compagnie de cavalerie, surveil- 
ler la descente de Tennemi. Mais on fut surpris de voir la 
flotte défiler assez loin devant la rade et poursuivre sa route 
à .distance de la côte martiniquaise. On eut lieu de croire 
alors que Tattaque était destinée au Fort-Royal... Même 
déception, la flotte passa et/ tournant au sud-est, elle disparut 
derrière les Anses-d'Arletf. • ii.-/ * 



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* Pour TériAer les dénomînatîona locales çontrauM dant l«t relations d« 

siège, j'ai dû eonsulter le recensement cadastral de 1671. cité, dans la trm* 

'sième |»artie de cette étade. Cette circonstance m*a rappelé que plnnears 

.personnes de la Marti niqne, s*étant occupées de la topographie de leur Ue^ 

m*aTaient dit n'aroir pu comprendre la marche de ce recensementXa question 

était celle-ci : atait^n suifi an ordre quelconque on bien cheyanché dans les 

.quartiers, d'après certaines convenances ? n n'était pas facile de répondre sans 

. un examen approfondi.. Le doute proTcnait de ce que nombre d'endroits de 

différente nature, très éloignés les uns des autres,portent le même nom ; par 

exemple : le Cul-de-Sac Louis (à rest) et le Port-Louis (k l'ouest), la rÎTièro 

Saint-Jacques, et la paroisse Saint-Jacques, le rocher du Pain-de-Sucre* et le 

piton du Pain-de-Sucre, le morne du Céron et l'anse di| Céron, la rÎTière 

Monsieur et l'ancien quartier de Monsieulr (le CarbetX lit Gase-Pilote et la 

RiTÎère-Pilote, la Case des navires et l*A|ise des naTÎrss, etc„ et quand on se 

bornait à consulter une carte moderne incomplète, en regard du recense* < 

ment, à chaque instant on se trouYiiit dérouté, ' 

Cependant il est très bien fait ce cadastre de lt7l«' Tordre j est fidèlement 
suivi. Je vais en donner la preuve. Le récit du siège en sera mieux coJmpns, 

Les commissaires chargés de ce travail énorme, partis de la Caravelle, "à 
l'est, sont montés au nord, ont descendu la cAte ouest Jusqu'au Fori-RoyaU 
dont ils ont contourné la baie et, passant devant les anses d'Arlet. ont suivi . 
la ce te sud jusqu'au Cul-de-Sac Marin, dont ils ont fait également le tour 
et se sont arrêtés à la Pointe-Oesjardins. terme de leur v<mge. Lt reste de 
111e au sud et à l'est n'était pas encore habité. 

Voici maintenant la nomenclature des localités, donnée dans le recen* 
sèment de 1(71. Quelque» indications sonf ajoutées, entre parenthèsesr ea^ 
vue d'éclairer les points qui ont pu sembler douteux. 

Gapesterre. Paroisse de la Caravelle -> Cul-de-Sac Louis (c'est le havre de 
la Trinité) — ^ Fort Sûnte-Marie -* Fort Saint-Jacques — Paîn-de-Sucre 
(Rocher) -^Fond du Charpentier —Marigot— Morne du Céron (au nord) ^ 
Grande Anse — Basse*Pointe — Macouba — Potiche — Grande-Rivière — 
Anse du Lévrier (à l'ouest) — Anse du Céron — Prêcheur — Pointe de là 
Mare — Fmids CanounilU — Rivière-Blanche — Ravine Sèche — Sainte 
Pierre (comprenant alors le Carbet et la Cfse-Filote) — > Rivière Monsieur 
(autrement dit du Parquet, à droite à cAté du Fori-lU^ vu de la mer) — 

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n L4' tUVTMIQim * Ï19 

Blénae sut bientôt (^ue la flotte avait moaillé à dix fieurei 
do matia, dan«,la baie Desjardiat. Lea Ang'lais attaquaient 
la Martinique par son côté le moins défendu, le moint peupM, 
le plus faible..., Godringtbn avait probablement mûri son 
projet en considérant la carie publiée dans l'ouvra^ de Du- 
tertre, la seule imprinlée i'cette |poque. Or cette carte qui 
représente assez mal les éontodra de 111e, n'indiqua ni les' ' 
. cours d'eau, ni les accidents de terrain, ni las obstaclea 
d'aucune sortel Bile pouvait donc laisser croire que rien 
n'était plus facile de pénétrer par le sud jusqu'au Fort-RoTsI 
et de le cerner avec des troupes en mdme tentps qu'il serait 
bloqué par mier. Gela fait, on procéderait pareillement . ao 
nord pour le Fort-Saint-Pierre, du cAt^ du Pr6ehe,ar, et l.qi 
deux forts, ne recevant pas de vivres par terra ni par .mer. 
ne pourraient tenir lon^mps. Ce projet ainsi conçu- n'était 
pas déraisonnable. En supposant que les Martiniquais se sa 
défendraient pas, Codrington pouvtut espérer le voir réus^. 
Mais le brave Auger, commandant le sud de 111e, était 
homme à faire plus que son devoir, bien que ses moyens de 
défense fusseiit très bornés, presque nuls. , 

On n'avait pas imaginé que la Martinique serait attaquée 
par cette extrémité, semblEuit si peu faîte pour attirer-et rece- 
voir une grande flotte. Aussitûtl'alanne donnée à Saint-Pierre 
et transmise le long de la côte, les milices de la baie Desjar- 
dins et du CuI-de-Sac Marin s'étaient portées, suivant l'ordre. 
sur le Fort-Royal, par les chemins les plus courts.. Auger 

RiTièM de l'ÂBajo* — ItÎTitn,dnL>in«i)tiii — RiTitndM Utudi — Troi- 
kii'^Uiat (DacM) — Rinto* Balte— Trou DaU — Ans* dn kOtu (di mOuâ) 
— AnM.dw-n»*irM (antr* lllat fc Ruuien et U pointo d'Ariat) — PttUt 
Ans* du Diamant — Bhrigot dn Diamant (an nid) — Traia Riritrat — 
Afue Laurent — AnM du Sannriar ISatmtê-Lue^ — RMàTt-POetê — 
Point* de la Borgnau* — Cut-Oe-Sùc Marin -^ Qnartiar doa BaJMaa (^ 
gànche da Mkrin). — Point* Uarin (fc droîta dn CBtd*.Sae) — at Fùim» 
Detfardint (fc droite da la baia jadii appelée da mima aom (ealui d'ma 
habitant), aujonrd'hni nommia la Baie d« Sainto-Ann*. Ainii oompia, h 
reoenarment cadaalral do 187! danant^ ponr la toposraphia d* U UartiMfaa, - 
no doenment hiitoriqn* d* premier ordre, l'ai MBlign4 l*a d^aamiBatiOM 
^Di flgurant dani la rieîtdn uifa d* IBM. . 



> . • _».. 



230 



riUNÇOn DE OOUiART 



n*avait donc autour de lui que sa garde. Le Gouverneur gé- 
néralf croyant à une feinte des Anglais cour mieux sur- 
prendre nuitamment le Fort-Royal, en attirant nos troupes 
au sud, se contenta d'envoyer à Auger une soixantaine 
d'hommeSi sous les ordres du capitaine Henry de Saint- 
Amour et du lieutenant F^ger, deux bons officiers. Et encore 
on était si persuadé que les Anglais n'avaient pas sérieuse- 
ment rintention d'effectuer leur descente en cet endroit que. 
le secours envoyé, prêt à retourner au premier signal, ne se 
pressa pas d'arriver. •• 

Cependant, le 12 avril, à sept heures du malin, 50 chaloupes, 
des barques et des brigantins, abordant à droite à Tégard de 
l'ennemi, au GuI-de-Sac Marin, déposèrent .2500. hommes 
environ depuis la pointe Desjardins jusqu'à celle du Marin, 
distante Tune de l'autre d'une demi-lieue. Auger, n'ayant 
sous la main que 48 à 50 hommes à leur opposer, ne pouvait 
songer à empêcher cette descente. Tout ce qu'il pouvait faire 
était de rester invisible et d'inquiéter l'ennemi par des em- 
buscades dressées comme nous l'avons dit. Dès le premier 
moment, 2 officiers et 12 soldats tombèrent mortellement 
frappés, sur les bords de la pointe Marin, sans que les Anglais 
débarqués eussent pu voir d'où les coups étaient partis.' Leurs 
balles sifflèrent dru, comme en pense, mais ne touchèrent 
personne. Les tireurs s'étaient déjà mis en sûreté. 

Pour venger leur perte (dont on sut exactement l'impor- 
tance le lendemain par un prisonnier], les Anglais mirent le 
feu à l'habitation, sur laquelle ils se trouvaient alors, appar- 
tenant à M. Monnel fils, conseiller, qui avait tué l'un des deux 
officiers. 

Le 13 avril, à midi, les Anglais détachèrent de la pointe 
Marin trente chaloupes, unegaliote à bombes et deux barques, 
pour aller descendre des troupes dans le fond du Gul-de-Sac, 
près de l'église. Avant d'aborder, les barques tirèrent^du 
; canon dans les broussailles au hasard et les hommes lan- 
cèrent force grenades qui n'atteignirent personne, puisque 



/ 



IT LÀ UARTIKIQUl 221 

rendroit était désert. Mais Aager, dissimulé de côté en aiv • '1 

rière sur une hauteur, guettait l'opération. Il envoya au plus- 

vite, par un chemin détourné, trente hommes de cavalerie- 

et infanterie. Celte poignée de braves arriva Juste à temps 

pour voir descendre Tennemi et se poster en embuscade. An • . * 

rapport d'un soldat débarqué, qui s'égara et que Ton fit pri* 

sonnier, les Anglais perdirent là seize des leurs et eurent • 

plusieurs blessés, entre autres le colonel FoS qui comman* 

dait la troupe de descente. L'incendie de Téglise du MariUi 

construite en bois, punit de leur bravoure les habitants de ^ ' . 

cette partie de la colonie. 

Le 14, à 7 heures du matin, trois détachements deTen-" 
nemi, formant ensemble deux cent cinquante hommes, occu- '. 

pèrent les hauteurs de la Rivière-Pilote. L'une de ces hau^ 
teursdominaitlamaisondusieurThibaut,conseiller, dernière • 

sucrerie du Gul-de-Sac Marin. Les plantations de cet établis- 
sement furent livrées aux flammes par les Anglais. La maison 

» 

seule resta debout. A la même heure, quatre chaloupes ayant 
tenté de descendre à une demi-lieue, à main gauche du Cul- 
de-Sac, à leur égard, le détachement du capitaine Henry, qui 
venaitd'arriveretqu'Auger avait posté en embuscade pour 
garder l'entrée de la Rivière-Pilote, canarda si à propos ceux 
qui les montaient qu'une des chaloupes, perdant ses avirons, 
resta à la côte et que les trois autres se retirèrent avec perte. 
L'ennemi perdit là dix-huit hommes,sans compter les blessés. 
On lui fit cinq prisonniers dans la chaloupe qui n'avait "pu 
fuir. Quelques heures après, quinze cents Anglais, venus " * 
par terre, incendièrent le bourg de la Rivière-Pilote et son 
église pour venger l'échec de la descente par mer. 

Le 15, à midi, trois brigantina, cinq barques et vingt-buil 
chaloupes débarquèrent sur la droite de la Rivière-Pilote, à 
leur égard, huit à neuf cents hommes. Plusieurs de ces cha- 
loupes, venant reconnaître la gauche de ladite rivière, l'une 
d'elles reçut l'ordre d'y mettre à terre. Le détachement du 
lieutenant Fouger, posté à point, salua de son feu les hommes 



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FRANÇOIS DI GdLLART 



qu'elle débarquait L*enneixii perdit là trois hommes^ dont 
un (capitaine, et releva plusieurs blessés. Treize soldats an- 
glais, épouvantés^ par la décharge» s'échappèrent dans les 
bois voisins. Ils y furent enveloppés et tombèrent énlre lés 
mains du détachement Les habitants, exaspérés de voir le 
quartier incendié, voulaient fusiller ces treize malheureux, 
qui s'étaient laissés désarmer sans coup férir. Auger arriva 
juste à temps pour les sauver de la rage des miliciens. Il 
rendit la liberté à Tun de ces prisonniers; en lui faisant pro- 
mettre de' raconter ce qui s'était passé au général anglais. Le 
but d* Auger était de ramener ce chef incendiaire à. de meil- 
leurs sentiments. ' /' • ) 

Peine perdue I Le. 16 avril, l'ennemi n'osant forcer l'entrée 
de la Rivière-Pilote^ garnie d'un retranchement, brûla dans 
le voisinage presque tout le quartier Sainte-Luce et son église. 

Le 17, quatre chaloupes faisant du bois, furent canardées 
par quatorze hommes embusqués du détachement Heiiry, 
qui tuèrent 16 Anglais et firent 2 prisonniers. Les autres 
soldats débarqués regagnèrent leur bord avec peine.. L'une, 
des chaloupes resta à lacôte. 

Le 18, Tennemi, sans rien tenter, se tint vers le fond du 
Gul-de-Sat et la pointe Desjardins, dont il était maître. Le 
19, à midi^ 4 vaisseaux, 4 brigantins et 2 barques arrivèrent 

de Nièves avec le renfort des lies Antigue, Saint-Christophe 
et Montserrat A trois- heures, ces bâtiments joignirent 
l'armée dans la baie Desjardins. Le soir, Auger, -qui tenait 
ces détails de deux transfuges, envoya ces deux Anglais à 
Blénac pour le mieux renseigner. Le ^, deux cents Anglais 
débarquèrent aux anses Laurent à la faveur du canon de 
leurs barques. Pendant qu'ils mettaient le feu sur leur 
passage, huit de leurs hommes tombèrent frappés mortelle^ 
ment ; plusieurs autres furent blessés. Deux fugitifs égarés 
se rendirent ^ 

Le 21, toutes les chaloupes allant visiter les côtes du Gui- 
de-Sac et de la pointe Desjardins (apparemment pour ra- 



/ 



i, 



BT Lk lURTlNlQUB 2S8 

mener les hommes éloignés da lieu de campement), Anger 
supposa que l'ennemi ne tarderait pas à se rembarquer. Deux 
transfuges» recueillis le soir du même Jour, l'ayant confirmé 
dans son idée, il prévint tout de suite Blénac par un messsige.- 

Les Anglais en effet passl*.rent une partie de la nuit à se 
rembarquer et leur flotte appareilla le 22 avril, & sept heures 
du matin. Dès qu'Augerse fut assuré qu'elle avait dépassé 
• le Diamant, à Fextrémité sud-ouest do cette partie de la c6tr, 
il fit ce que n*avait osé entreprendre l'ennemL II s'engagea 
dans la montagne, par des chemins connus des habitants, et, . . . 
avec ses 120 miliciens, il traversa Tespace compris entre la 
côte des anses Laurent et celle du lieu dit le Gul-de-Sac à 
Vaches, qui, vu de la rade, se trouve à droite de la baie du 
Fort-Royal. 

Parvenu en cet endroit à quatre heures, assez à temps 
pour y. voir entrer la flotte, Auger embusqua ses hommes, sur 
les pointes environnantes, pendant que les Angolais mouil^ 
laient leurs vaisseaux dans la baie. Bientôt leurs barques, 
venant pour reconnaître les descentes, les fusiliers postés 
sur les pointes, canardant ces bateaux, les obligèrent à ae 
retirer. « Les Anglais trouvèrent du monde partout », dit \_ 

Auger. Le 23 avril se passa en mouvements des chaloupés* -^ 
anglaises cherchant à reconnaître les environs du Port-Royal. 
Quelques volées de canon les forcèrent à s'éloigner. A ce 
moment, Auger reçut Tordre de Blénac de venir le joindre 
aussitôt qu'il verrait le fort attaqué ou que les ennemis- 
appareilleraient dans la direction de Saint-Pierre. Les 24, 25 
et 26 se passèrent, de la part des Anglais, en vaines démons- 
trations de barques et de chaloupes. Ils trouvèrent moyen de 
se faire tuer encore quelques hommes, avant de quitter leur 
seconde station sur les côtes martiniquaises. 

Le 27 avril, à deux heures du mâtin, Auger fut prévenu du 
départ de la flotte. La voyant au point du jour, le cap tourné 
du côté de Saint-Pierre, il se mit en route avec son monde ij 

pour le Fort-Royal. Il y parvint à midi. Déjà Blénac avait ^ 






J 



224 rRÀNCOM Dl GOULàBT 

• * . • 

quitté le fort, à la tète d'une partie des milices- du quartier, 
laissant à Ouitaud l'ordre de dire à Auger de venir le joindre 
a:vec sa troupe à .Saint-Pierre. Le 28, Auger^ ayant marché 
toute la nuit par le chemin de communication dont nous 
avons parlé, se trouvait à Saint-Pierre, en présence du Gou- 
verneur général/ à neuf heures du niatin. 

On verra que pour bien comprendre là suite du récit il était 
nécessaire de connaître toutes ces particularités. 



vm 



( 



V 



Jusqu'ici les Anglais, plus malfaisants que redoutables, 
ne nous avaient causé que de sérieux dégftts. On était encore 
àsedemanider ce qu'ils voulaient faire avec tant de forces 
réunies. Avaient-ils une résolution arrêtée ou bien agissaient» 
ils au caprice du vent? On aurait pu le croire. 

Sur ces entrefaites, en effet, Gabaret apprit, dans Taprès- • 
midi du 27 avril, que l'ennemi, retenu par un calme, se dis- 
posait à descendre au Garbêt (à trois lieues de Saint-Pierre). 
A cette nouvelle, aussi peu attendue que les précédentes, le 
gouverneur, voulant parer à tout événement, avait dépêché 
vers ce bourg l'une des compagnies réglées du fort Saint- 
Pierre, conduite par MM. de Mareuil et Mallevault,' avec la 
cavalerie commandée par Cbllart Quand elles parvinrent à 
destination dans la soirée, l'ennemi resté à l'ancre, neparais- 
sait avoir fait aucun préparatif de descente. On attendit. . • 
Le matin du 28, le vent s'étant élevé, «et la flotte ayant vu le 
(^bet garni de troupes, sembla renoncer au dessein d'y 
aborder. Elle remit à la voile, reprit sa route vers Saint- 
Pierre, dépassa la rade et alla mouiller vers le fonds Ganou- 
ville'^ à l'extrémité sud du Prêcheur, hors la portée du Port ^ 

* CanonTille, aigoiird*hiii oommane d« ranronditMmtat d*YTetotv était 
«a et» flaft da d'EtnamViie, aa Nannaadia. 



et d'une ballerîe établie i proximité, derrière ua relraDche<' 
ment récemment eonetruit'. 

Od p:>it se figurer combien tous ces mouvements sans 
suite avaient présentement affaibli nos moyens de résistance. 

Le pea de miliciens qui se trouvèrent an débarquement 
avec Qabaret, arrivé à lah&te, n'étaient nullement en mesure 
d'empdcher les Anglais de se répandre en misse sur la cdle*. 
Ces pauvres gens surpris, effrayés de se voir tout à fait à dé- 
couvert devant tant d'ennemis, s'enTuirent^ abandonnant leur 
gouverneur, qui resta seul avec M. Ranché, offlcier des 
troupes réglées, dont il s'était fait accompagner. 

Survint heureusement Blénac, avec ses miliciens du 
Fort-Royal, qui les rassurèrent et les ramenèrent en 
face de l'ennemi. On reprit d'assez loin, sans, effet 
d'ailleun, une faible escarmouche, destinée de notre part 
à prouver que cette partie de la càte ne manquidt pas 
de défenseurs. Mais, accablés de fatigue par deux longues 
étapes ft travers des mornes, qu'il falldt sans cesse 
monter et descendre, ayant pour surcroît passé pinceurs 
nuits sans sommeil, les compagnons de Blénac ne pouvaient 
pas être d'un grand souUen. En attendant le retour des troupes 
envoyées au Carbet et l'arrivée des milices de 8aini>Pierre> 
qu'il savait en marche, le Gouverneur général était obligé de 
se maintenir k distance sur une hauteur avec G^wret 

L'ennemi, voyant cette situation embarrassée, fit pousser 
au pas de course, le long de la mer, un batailloD de fusiliers 
marins pour isoler Blénac et Gabaret, et les empêcher de r^ 
cevoir le secours qu'ils attendaient. Ce mouvement des An- 
glais inquiéta vivement les deux gouverneurs. Hs pouvaient 

■■AI» Uivilr* du» Pint Jtinitw, aa nord et à l'nMmiU dn boug i» 
8aiiil-Pi*rM, le tamia m tranTe tilavl d«S k ■ toÎM* «t la cotU qai Nfuda 
U mer ait «n eiptee d'onvraga fc eoma. Ceil anr m tamùa qne l'on a hiil 
«•nttrwn nna battaria, > 
(Extrait dn rapport de mai 1U9, envoyi par riB^lKieBr d* 04voaat.) 
• Btinae, dani aa rvlation, donne taa eliin«a d* &0M keinniM et d« W 
^las. 

CoiXAltT («M} - M 



226 FRANQOW DB OOLLÀRT 

être enveloppés 'avec la poignée d'hommes restés autouir 
d'eux... Lear émotion ne dura pas longtemps. Arrivèrent à 
point la cavalerie -de CoUart et les milices de Saint-Pierre, 
commandées par les capitaines Le Yasser de la Touche et 
Giraud, « tous trois de trbs braves gens» » dit Blénac 

Se précipitant avec une extrême vigueur sur le bataillon 
anglais, ils le firent plier, retourner sur ses pas et, le pour- 
suivant l'épée dans les reins, ils Fobligërent à se retrancher 
dans une maison qui se trouvait en contre-bas derrière un 
ravin Bsset profond. L'aOiedre se continua jusqu'au soir. € Ces 
messieurs (GoUart, la Touche et Qiraud) ayant les hauteurs 
sur les Anglais^ firent merveille avec nos milices et tuèrent 
un grand nombre d'ofiiciers et de soldats. » 

€' Trois braves gens qui firent merveille! s C'est le cri de 
reconnaissance du Gouverneur général. Ne leur devait-il 
pas sa liberté et celle de Gabaret ; le salut de la colonie T 

Le soleil couché, Blénac laissa en avant deux détache- 
ments pour surveiller Tennemi pendant la nuit et se retira-, 
avec les milices de Saint-Pierre, derrière le retranchement 
dont nous avons parlé. 

Le lendemain, 90 avril, les Anglais se voyant mal pris le 
long de leur ravin, voulurent gagner les hauteurs. Dans ce 
but ils firent marcher un bataillon de leurs fusiliers. Blénac 
leur opposa la compagnie de Saint-Amour, du Cul-de-Sac 
Marin, et celles des sieurs Renaudot et Lefebvre, formant 
ensemble trois cents hommes, qui tous, avec une -hardiesse 
surprenante € grimpant comme des chèvres » sur les mornes 
que les Anglais convoitaient, les empêchèrent d'accomplir 
leur dessein. Quelques coups de canon, tirés & propos de 
notre batterie, obligèrent l'ennemi à redescendre au plus 
vite et à se réfugier dans un vallon pour se mettre à couvert. 
Cette position, qui lui masquait nos troupes, permit à celles- 
ci de jeter impunément par terre nombre de fusiliers anglais 
L*ennemi, voyant nos hommes très avancés et absorbés par 
cette occupation destructive, imagina de recommencer le 



ET LA UARniUQUa 

mouvement touroaDt qu'il avait essayé la veille, du câ 

Auger, qui commandait une sorte de réserve derriè: 
retranchement, comprit l'iateoUoD... Avec la cavalei 
Collart et les milices du Mario, 11 s'élança, le long de la 
h la rencontre du bataillon en marche et ramena les Ax 
jusque dans leur camp, en même temps que « les cou 
de montagnes • les obligèrent complètement à la retrai 
cdté opposé. 

Il n'y avait réellement plus grand'chose i faire pour 
traindre les Anglais à reconnaître leur impuissance. I 
jeunes soldats peu aguerris ne tenaient pas. Ils sembl 
combattre à contre-cœur. 

Cependant on s'aperçut, & des coups de fusil partis 
pH de terrain entouré de haies vives, que l'ennemi s'étoi 
paré d'un moulin à sucre qui s'y trouvait à la portée de 
retraachemeal. ■ Ce feu des Anglais nous incommod 
dit Qlénac. Il fallut se glisser en nombre dans les h 
herbes qui masquaient cet enclos, pour en déloger les An 
sans trop de pertes de notre part Nos milices, très ha 
comme on sait, à la guerre d'embuscades, cemèrei 
abords de la sucrerie et commencèrent & manœuvrer 
■ boucaniers ». L'ennemi, voyant tomber ses hommi 
dizaines, sous le tir invisible des Martiniquais, dut 
avancer au plus vite ta moitié de ses forces pourdégagi 
monde occupant l'enclos. Il comprit que s'il perdait le 
lin, devenu comme le centre de sa résistance, il perdr 
quelque sorte son va-t<iàt 

Mais, au moment oil s'avançaient hésitants deux bâta 
britanniques, les Martiniquais avaient réussi- à faire 
quer, du câté opposé & la porte, une large brèche da 
rempart végétal qui entourait l'enclos. Par ce passag 
boucha la cavalerie de CoUari, qui, suivie de nosmeill 
milices, se précipitai la rencontre des fusiliers angli 
les fll rebrousser chemin dans le plus grand désord 
fut I& que l'ennemi décontenancé perdit le plus de mon 



« « ^ 



228 FRANÇOIS Dl Q0LL4RT 

Les officiers et les soldats anglais, qui s'étaient réfugiis 
dans les bfttiments de la sacrerie, n'opposèrent pas de résis- 
tance. On les fit prisonniers. Blénac sut par eux que^ le 2 mai» 
la flotte devait s'embosser entre Saint-Pierre et notre re- 
tranchement, afin de foudroyer nos milices de flanc, tandis 
que l'ensemble des troupes anglaises débarquées les aurait 
prises de face. « L'affaire aurait été chaude et fâcheuse », dit 
Blénac. Mais, pour en arriver \k, fait-il observer, il fallait que 
l'ennemi traversât à découvert une savane dominée par des 
hauteurs, d'où nous aurions pu le couvrir de feux. 

Quoi qu'il en fût, les Anglais réfléchirent, se consultèrent 
et, dans la nuit du i^ au 2 mai, se rembarquèrent, nous 
laissant le soin d'enterrer leurs morts. Leur flotte appareilla 
dès l'aurore. Sa présence sur les côtes de l'Ile pesait à la 
colonie depuis le 11 avril. 

« Ils ont laissé, dit Auger, des marques de fuite ou tout 
au moins d'un embarquement si précipité qu'ils ont aban- 
donné du pain (cinq barriques), des poudres, des balles, des 
sacs et des instruments à remuer la terre, en assez grande 
quantité pour faire juger qu'ils ont eu quelque crainte... Leur 
perte à la Martinique est d'environ 600 hommes, en y com- 
prenant le nombre de 110 qui ont été tués au Gul-de-Sac 
Marin et dépendances, sans que j*y aie perdu un seul homme. 
Je n'ai même pas eu un seul blessé. Nous avons perdu à 
Saint-Pierre 13 hommes et-eu 30 blessés. » 

Voici maintenant l'extrait de l'état des services delCollart, 
relatif à cette nouvelle étape des campagnes de notre héros : 

« Bn 1003, la Martinique Pii assiégée par les Anglois qui avoient 
des forces considérables. Le sieur Collart s'est signalé dans toutes 
les occasions et particulièrement dans une sortie oh il fat com- 
mandé d'aller à la teste de sa compagnie reconnoistre les ennemis 
Jusque dans leurs retranchements, ce qa*il fit avec beaucoup dt 
courage et de conduite. L'action tai chaude et vigoureuse, tant de 
la part des ennemis que de la nostre. Collart se retira avec avantage 



n LA MAKTINIQUI 220 

par un grand fba qa*ll fit Iklre fort à propos. Lea ennemis eurent 
deux cents hommes hors de combat et de nostre ofttA il n*y eaat 
que 17 hommes tant tues que blesses, ce qui Ait cause que lea 
ennemis leTèrent le siège. » 

Ce passage du présent extrait fait sans doute allusion à la 
dernière rencontre de nos troupes avec les Anglais où no* 
tamment Collart € fit merveille s» suivant rcxpression de 
Blénac. 

Ajoutons, pour clore ce chapitre, que M. de Blônac, si- 
gnalant au Ministre, M. de Pontcharlrain, la belle conduite 
des officiers qui s*étaient distingués à Tattaque des Anglais» . 
nomme François de Gollart au premier rang dans ses de- 
mandes de réconTpenses. 



Vin 



Il nous faut maintenant traverser une période de neuf 
années, sur lesquelles nous devons passer aussi rapidement 
que possible pour arriver au récit d'un siège important où le 
capitaine de Gollart sut encore se distinguer, et dont les 
opérations compliquées différèrent en tous points de celles 
que nous venons de raconter. 

La mésintelligence^ déjà signalée entre le Gouverneur 
général et llntendant, ^ ayant excité des mouvements et desj 
animosités, particulièrement dans le Gonseil de la Marti- 
nique, » le ministre se vit contraint, à regret, de proposer ^u 
Roi le rappel de M. de Goimpy. Lin tendant n'était pas le plus 
biftmable en cette affaire. L'âge et la maladie avaient renda 
M. de Blénac insociable. En lui donnant le repos, on lui eût 
prolongé l'existence peut-être ; c'est l'Intendant qui fut rem- 
placé. Le principe d'autorité doit toujours prévaloir. Rare- 
ment du reste les gouverneurs vécurent d'accord avec les 
intendants. Le mariage du sabre avec la plume ne fut pas 
heureux. 



280 FIUNÇ0I8 Dl €X>iL41IT 

Le 2 janvier 1006, M. de Goimpyt après avoir présenté (in 
Ck>nseil M. 17ntendant général Robert, son successeur, quitta 
la colonie sur le b&liment qui avait amené le nouveau fonc- 
tionnaire... Le 10 juin, M. de Biénac, atteint d*une dysenterie 
chronique^ mourut à Tftge de 74 ans. Le chevalier de Guitaud, 
ayant le titre de Gouverneur général en prévision de cet évé- 
nement, prit l'intérim jusqu'à l'arrivée de M. le capitaine de 
vaisseau marquis d'Amblimont, nommé Gouverneur général 
des Antilles. Cet officier supérieur parvint à la Martinique le 
14 mars 1007. La colonie le connaissait déjà pour la glorieuse 
pari qu'il avait prise à la défense du Fort-Royal en 1074. Sur 
ces entrefaites, la guerre fut terminée parle traité de Ryswick 
qui nous rendit la partie française de ^aint-Ghristophe 
(30 octobre 1007). Le 2 février 1000, M. d'Amblimont, accom- 
pagné de M. Robert, alla, au nom du Roi, reprendre posses- 
sion des quartiers de l'Ile que nos colons avaient dû aban- 
donner en 1000. Ce ne fut pas sans grandes difficultés que les 
Anglais, détenteurs des habitations françaises, les remirent à 
leurs anciens propriétaires, représentés par le comte de 
Gennes, qui fut installé gouverneur. Cette remise leur coûta 
d'autant plus qu'à l'annonce du traité, dont ils ne connais- 
saient pas le texte, ils s'étaient empressés de tout détruire. 
Eglises, maisons, habitations, tout avait été renversé, sac- 
cagé. Or, le traité ayant préVu le cas, exigeait que les Anglais 
rendissent les deux quartiers, Capesterre et Basse-Terre, dans 
Tétat le plus convenable. Le Gouverneur général, texte en 
main, les obligea de tout réédifier, de tout réparer. Ils se 
soumirent, mais en jurant qu'à la rupture de la paix, ils re- 
prendraient ce que le traité les forçait de rendre. Le marquis 
d'Amblimont n'eut pas la mortification de les voir exécuter 
leur menace. Il mourut de la fièvre jaune en mai 1700. M. le 
comte d'Esnotz, qui vint le remplacer le 23 mai 1701, fut 
bientôt frappé par le même fléau. Il venait de recevoir du 
Roi l'avis de la prochaine reprise des hostilités, ramenées par 
la trop fameuse guerre de la succession d'Espagne (autre 






R LA MAÂTimQUI 281 



• M. d« OmnM mourat en novembre 1705. Le Roi ?onlnt tnea aeoordir 
une pension à ta Tenre et promettre de prendre eoin de rnvenir de ton fils 
« t*il ee rend eapable de eerrir »• 

e Christophe Codrington, né à la Barbade en 1668, andt util de bonnet 
études k TuniTersité d'Ozfort. Il éuit pins poète qne miUtaire. Après avoir 
servi comme eapitûne dans les gardes de Onillanme III, il fut nommé 
Oouvemenr général des Ues-da-Vent... 11 est mort à la Barbadê en 1711, 
laitsant nn poème qui fut publié en 174|«, 



4 



fléau), lorsqu*!! mourut, dans le courant d'octobre 1701. Le • 

chevalier de Ouitaud reprit l'intérim. 

M. de Machault, nommé Oouvemeur général le l*' Juillet 
1702, fut installé au Port-Royal le 24 mars ITOS. Dans Tinter* ^ - 

valle, la Hollande et TAngleterre avuent déclaré la guerre à 
la France (8-14 mai 1702) et nous avions reperdu la partie 
française de Saint-Christophe (16 juillet 1702). Son gouver^ , ' 

neur, d'ailleurs mal outillé de toute manière, ne sut pas la 
défendre avec assez d'énergie. Louis XIV fut très irrité de 
C(?lte perte. De Gennes, accusé dimpéritie, fut traduit à la 
Martinique devant un conseil de guerre. Il aurait été puni 
avec la dernière rigueur si sa femme, alors en Fwice, ne 
l'avait soutenu auprès du ministre avec un rare dévoue- 
ment. L'accusation fut abandonnée*. 

Les Anglais ne se contentèrent pas de leur facile victoire 
sur de Oennes. Ils avaient à venger les défaites de lOM et l 

1003 à la Guadeloupe et à la Martinique. 

La nouvelle flotte britannique envoyée aux Antilles (dont 
le début avait été de reprendre la partie française, de Saint- 
Christophe) était commandée par le fils de celui que nos - . ^ 
colons avaient si maltraité dans la dernière guerre*. . ! 

Le présomptetix Godrington, paralt-il, avut promis de .^ ' ' 

faire payer chèrement à ik)s colonies d'Amérique la mau- - , 

vaise fortune de son père. 

La Guadeloupe fut la seconde lie dont il voulut s*emparer. 
En 1601, cette colonie avait été bravement défendue par Hin^ 
selin, son gouverneur, et par. La Malmiûson, lieutenant de 
Roi. Le premier, déjà malade lors du siège, était mor^en 



I 



*. 



Il 






t ^ •.«> --p ^ •_ 



*• V ^ 



FRANÇOIS DE OOLLIRT 



juillet ie06 et avait été remplacé» le 21 août de la môme 
aoDée, par Auger, que nous avoas vu se distinguer à la Mar- 
tinique en 1603. Ce fut sur Àuger et La Malmalson que reposa 
d*abord tout le soin de la défense à la Guadeloupe. Ils s*y 
préparaient depuis le commencement de Tannée^ lorsque, le 
6 mars 1703, Tavis leur fut donné à la Basse-Terre que la 
flotte anglaise se rassemblait à Marie^alante. La prudence 
nous avait fait quitter momentanément cette petite tle^ dis- 
tante de six lieues de la Guadeloupe. 

Les Anglais savaient que les troupes de la colonie étaient 
sur leurs gardes et qu'il serait difficile d'aborder par surprise. 
De là l'hésitation du jeune Godrington, qui réfléchit pendant 
douze jours à ce qu'il devait faire. r . 

La Guadeloupe, comme on sait, est formée de deux lies 
séparées par la Rivitre-Salée, bras de mer sinueux, large 
décent mètres environ. La Basse-Terre a la forme d'une 
ellipse, la Grande-Terre, d'un triangle déformé. Son nom 
vient de ce que, sur les cartes primitives, elle paraissait plus 
grande que llle voisine. Sa superficie en réalité est moindre 
que celle de la Basse-Terre. • • 

A l'aube du 18 mars, la flotte anglaise fut signalée par les 
vigies de la pointe du Vieux-Fort, ainsi nommée parce qu'en 
1635, à l'origine de la colonie, un fort en palissades avait été 
construit en cet endroit. La flotte arrivait si lentement ~ à 
cause du calme qui régnait alors — que des barques furent 
obligées deremorquer les bâtiments à l'aviron pour- leur 
faire doubler la pointe et prendre le large afin d'éviter les 
canons du fort de la Basse-Terre. 

La lenteur des mouvements de la flotte comnlandée par 
Codrington permit aux nôtres de compter sûrement sept 
vaisseaux, une frégate, dix-huit navires marchands armés 
en guerre et dix-neuf barques ou brigantins, au total' qua- 
rante-cinq voiles. Les Anglais n'épargnaient rien quand il 
s'agissait de nous attaquer. 

Du 18 mars au 22, le temps se passa, du côté des Anglais, 



• n LA MAMOMlont S33 

i tâtonner avant de choiair le point où ila allident opérer 
leur descente. La oAte sud-ooest (de Tanse Béoillante 4 la 
rade de la Basse-Terre) fat en somme la partie de la Ooade- 
loupe où se borna leur action. Un débarquement partiel ftat 
tenté à Bouillante. Trois cents hommes environ se Jetèrent . 
sur ce petit bourg et parvinrent à l'incendier. Mais, repousses 
par nos milices, ils regagnèrent au plus vite leurs barques, 
laissant une vingtaine de cadavres sur le rivage. Le lende- 
main 22, (démonstration aussi absurde qulnutile) la flotte^ 
bombarda le bourg incendié, puis se retira au large. 

Le même jour, vers huit heures du soir, un nègre trans- 
fuge, qui avait appartenu à un colon français de Saint-Chris- 
tophe, vint à la nage sur un point de la côte gardé par 
quelques éclaireurs. Recueilli par les nôtres, il dit vouloir "^ 
parler au gouverneur. On Ty conduisit Auger le reçut. .H 
venait prévenir que les Anglais devaient descendre lelen* ■ ' 

demain aux anses du Val-de-I'Orge et des Vieux-Habitants. 
Le gouverneur fut loin d'être persuadé par ce que lui raconta 1 

ce brave homme. Auger crut plutôt à une feinte de Tennemi, 
destinée à détourner nos troupes en ces deux endroits, 
pendant qu*il déposerait les siennes à un autre. Dans cette 
pensée, Auger se concentra au Baillif, où, suivant lui, Iw 

« 

Anglais devaient tenter leur débarquemeuL II dut regretter 
de s*étre montré incrédule. La descente des Anglais s'opéna 
juste sur les deux points désignés par le nègre. On y courut 
On arriva trop tard; quinze cents hommes étaient débarqués. 
Nos milices en abattirent un certain nombre. Mais leurs 
efforts ne purent arrêter la troupe de descente. Elle s*avança 
jusqu'au Baillif, que le gouverneur avait jugé & propos de 
quitter pour se retirer à la Basse-Terre. 

Deux jours après, le chef-lieu de l'Ile était occupé par les 
Anglais. 

Auger avait fait entrer 370 hommes dans le fort que La 
Malmaison était chargé de défendre : chose malaisée 1 D 
allait avoir à subir le choc d*une batterie de iO pièces de 



. i 



■{ 



-" 



284 FRANÇOIS DB GOLLART 

différents calibres^ que les assiégeants dressèrent da côté de 
la mer. Il les contraria tant qu^l put dans leur travail. Mais 
l'ennemi réussit quand même à établir sa batterie. 

Les Ouadeloupéens commençaient à désespérer, quand, 
le 27 marst ils apprirent l'arrivée de M. de Machanlt à la 
Martinique. Cette nouvelle releva leur courage. Us ne dou- 
taient pas .que le Gouvemeor général, instruit de leur situa- 
tion, n'envoyât promptement au secours de la colonie. Le 
mal était déjà considérable. Quatre bourgs, cinq couvents 
pillés et brûlés, nombre d'habitations dévastées dans la 
campagne, le fort de la Basse-Terre attaqué, ainsi pouvait-on 
résumer Tétat du siège à la fin de mars 1703. 



« ^ 



IX 



En arrivant au Fort-Royal le 24 mars* M. de Machaûlt 
avait appris la mort du chevalier de Guitaud, récemment dé- 
cédé. Ce fut M. de Cabaret, gouverneur particulier de la 
Martinique, qui reçut le Gouverneur général... Machaûlt 
ne perdit pas de temps. La Guadeloupe était en péril. Il s'a- 
gissait de la secourir au plus vite et le mieux possible. Quinze 
cents hommes se présentèrent. On en choisit sept cents des 
meilleurs. Afin de parer à tout événement, Machaûlt restait 
à la Martinique avec le double au moins de bons soldats. A 
Cabaret, plus ancien qu'Auger, fut confié le commandement 
en, chef de Texpéditton. Neuf barques, deux navires- et un 
brigantin (ayant nom Trompeuse, Union, Samaritaine) furent 
immédiatement armés et approvisionnés. Cette opération^ 
lestement menée par M. Robert, ne demanda que* six jours. 

L'embarquement de la petite armée eut lieu, à six heures 
du matin, le 31 mars 1703, le samedi veille des Rameaux. La 
flottille, convoyée par deux vaisseaux de guerre et une fré- 
gate, que Machaûlt avait amenés aux Antilles, appareilla le 
même jour, k neuf heures du matin. En troupes, elle empor- 






n hk saiiTiMioui 285 

tait dooxe compagnies : i* deux compagnies de marine, 
commandées par M. de la Roche-Ouyon (t>eaa-frtoe de 
Gollart), et par M. La Guarigae de la Toumerie, crfole de 
Saint-Cristophe ; 2* quatre compagnies de milices, capitaines 
de Gollart, du Buq, de Saint-Amour et Renaudot, et 3* six 
compagnies de flibustiers, à la tète desquelles se trouvaient 
les sieurs Lambert « Questel, Bréart, Daniel, Lauriol et 
Mayeux, tous renommés pour leur bravoure. 

Gabaret avait pour aides de camp MM, de Boisfermé, gou* 
verneur nommé de Marie-Galante, de Cacqueray-Vaimenier 
et du Parquet, lieutenants de Roi. Ce dernier était un petit* 
neveu du fondateur de la colonie martiniquaise. 

« 

Gabaret commandait sur la Trompeuse, Boisfermé sur l'17- 
nion, du Parquet sur Id^ S€tmarUaine. Les trois vaisseaux de 
guerre avaient pour commandants MM. de Patoulet,chevaIier 
de Saugeon et Chabon. 

La flottille, ayant eu bon vent, parvint en vue de Marie- 
Galante dans Taprès-midi et s*y rassembla vers cinq heures. 
Le débarquement se flt à la Guadeloupe, le matin du S 
avril, au port Sainte-Marie de la Capesterre. Gabaret, con- 
flant à du Parquet le soin d'amener les troupes à la Basse- 
Terre, se rendit en h&leà cheval auprès d*Auger, accompagné 
de quelques officiers. 

Le gouverneur de la Guadeloupe instruisit son ancien de 
ce que les Anglais avaient fait jusqu'alors et de la résislanoe 
qui leur avait été opposée. Auger, évitant des engagements 
sérieux, danslacrainte de perdre beaucoup de monde, s'était 
borné & multiplier les embuscades. Les Anglais en avaient 
souffert, mais pas assez pour les empêcher de s'avancer Jus- 
qu'aux approches du fort. La situation était fftcheuse.». 

Les deux chefs s'entendirent sur les premières dispositions 
à prendre. Il fallait d'abord que l'ennemi sû\ bien qu^l n*au- 
rait plus seulement affaire aux Guadeloupéens. ■ 

Avant d'amener les Martiniquais sur le théâtre de la 
guerre^ nous. devons montrer la position de l'assiégeant et 



. 



*■ ^ k . 



m 

238 PRAMÇOn DB COLLAHT 

celle de Fassiégé. Le fort de la Basse-Terre s'élevait à l'endroit 
où se trouve aujourd'hui le fort Richepanse, beaucoup plus 
vaste que son devancier. Considéré dé la rade, il était à 
gauche de la rivière des Galions, près de son embouchure^ 
en vue d'une colline derrière laquelle débouche ladite rivière. 
Les Anglais, occupant le bourg de la Basse-Terre, atta- 

é 

quaientle fort au N. et au N.-0.| tandis que les Français, hors 
du fort, en défendaient les approches à TE. et au S.»0. On 
avait garni de retranchements les bords de la mer et ceux 
de la rivière des Galions, aOn d'empêcher Tennemi de tour- 
* ner la position de ce cdté. Mais par les hauteurs au N. et à 
l'E., ii était possible aux assiégés comme aux assiégeants 
de cherchera s'envelopper. C'était là que les efforts des uns 
et des autres allaient se porter, les Anglais par les chemins 
qui conduisent aujourd'hui au camp Jacob, ou par la ravine 
l'Espérance, les Français par les chemins des hauteurs d'ob 
vient la rivière des Galions. 

Le 3 avril, les troupes martiniquaises, parties la veille du 
port Sainte-Marie, joignirent les défenseurs du fort vers 
midi. Gabaret les fit défiler bruyamment, à la vue de l'en- 
nemi, sur la colline du S.-0., trompettes en tète et tambours 
battants. Les Anglais, semblant ne pas les voir, commen- 
cèrent à tirer de leur batterie sur le fort et continuèrent ainsi 
pendant tout le défilé, comme pour montrer que cette dé* 
monstration leur était indifférente. On se rappelle qu'au 
dernier siège, la seule vue du renfort martiniquais avattfait 
rembarquer les troupes britanniques. Il est à croire que le 
père de Godrington avait recommandé à son fils de ne pas se 
laisser émouvoir par un tel spectacle. Si Gabaret, comme on. 
le prétend, comptait sur son défilé pour produire beaucoup 
d'effet sur les .\nglais, il fut trompé dans son attente. 

Du Parquet, suivant les ordres qu*il avait reçus, avait laissé 
à Sainte*Marie une centaine d'hommes pour garder les 
abords de la flottille qui devait fournir les approvisionne- 
ments. Les vaisseaux de guerre, le débarquement opérée 
étaient retournés à la Martinique. ' 



BT LA MAHmaOUB . 287 



Tout compte fait les assiégés pouvaient opposer deux mille 
hommes aux assiégeants, qui, d*après ce que Ton pouvait 
juger^ en avaient débarqué plus de trois mille» ayant d*ail- 
leurs une forte réserve sur la flotte. 

Le 4 avril, Oabaret flt la revue des troupes, pour se faire 
reconnaître commandant en chef. Il avait jugé à propos de 
remplacer, dans le fort, la moitié des milices de la Ouada* 
loupe par les deux compagnies de marine qull avait ame- 
nées de la Martinique. 

Le 5 avril (jeudi saint) , prenant avec Auger les com- 
pagnies Coliart, du Buq, Lefebvre (capitaine de la Marti- 
nique, commandant les volontaires de la Guadeloupe), et La 
Perle (nègre libre, à la tôle des nègres armés en troupe) — le 
tout formant 500 hommes — Gabaret se dirigea vers un ter- 
rain qu* Auger lui avait signalé comme propre à attirer 
rennemiH>our combattre avec avantage. 

Les deux gouverneurs étaient accompagnés de MM. du 
Parquet et La Guarigue. 

On s'aperçut, assez loin en chemin, qu'un détachement an- 
glais faisait, dans la même direction, une reconnaissance aux 
environs. Pour le surprendre, en évitant le détour que firent 
Gabaret et Auger avec la majeure partie de leurs troupes, il 
s'agissait de couper par une voie escarpée presque inabor- 
dable. 

« On peut dire avec vérité, mentionne le rapport» que nos 
gens y furent avec la contenance la plus vive et tout Tem- 
pressement possible. Il est difficile de croire que des troupes 
aient passé par ob ils passèrent pour arriver plus tAt à 
l'action. Les officiers et soldats bazardèrent tous à se tuer 
estant obligez de s'attacher à des racines d'arbres pour mon- 
ter au-delà de la rivière, et de se donner leurs fusils de main 
en main. Enfin MM. Gabaret et Auger, qui, marchant en 
avant, estoiont fort inquiets, furent surpris agréablement de 
voir, en moins d'une demi-heure, arriver nos' troupes qui, 
suivant les ordres de MM. du Parquet et La Guarigue, don- 
nèrent avec vigueur. » 



238 



rRAMÇOU os GOLLART 



En voyant déboucher les nôtres, les Anglais» bien autre- 
ment surpris, ne devant pas apparemment combattre, Orent 
volte-face, s'enfuirent et revinrent & la Basse-Terre. 

On continua la marche vers le terrain recherché. 

Cet endroit, appelé dans le rapport « le camp du s' de Gra- 
pado » (vraisemblablement celui ob se trouve aujourd'hui le 
camp Jacob, à une lieue environ de la Basse-Terre), était bien 
approprié pour recevoir le gros des troupes martiniquaises. 
Là en effet fut éSabli t le camp de la Martinique » dont 
François de Collart eut le commandement. A droite^ du côté 
de la rivière des Galions, s'installèrent les volontaires de la- 
Ouadeloupe. Ce poste, appelé « te camp des Galions «, fut 
commandé par Lefebvre. En avant, du Buq, avec sa compa- 
gnie, occupa une clairière qui prit le nom de « poste avancé ». 

M. de Boisfermé fut chargé de diriger cet important dé- 
tachement et le commandant en chef demeura au camp de la 
Basse-Terre, sur une hauteur, d'où il pouvait tout surveiller 
avec Auger, à l'aide de lunettes d'approche, et envoyer ses 
ordres par des cavaliers. 

Les troupes ainsi cantonnées, il fut résolu, entre Gabaret^ 
Auger, du Parquet et La Guarigue, que le lendemain on en- 
tamerait la lutte. On commencerait par manifester l'inten- 
tion de faire une sortie du fort pour détruire la batterie des 
ennemis. Si les Anglais, voyant nos préparatifs de sortie, se 
maintenaient exclusivement à leur batterie et dans le bourg, 
nos troupes^ placées sur les hauteurs, descendraient ir un 
signal parti du fort pour les cerner; la sortie n'aurait lieu 
qu'au moment de rengagement aux approches de la Basse- 
Terre. Si, au contraire, les Anglais, informés du mouvement • 
de nos troupes, s'aventuraient à leur rencontre vers les hau- 
teurs, le terrain, vrai nid d'embuscades, était bien choisi 
pour battre l'ennemi à coup sûr^ et peut-être en môme temps 
pourrait-on détruire sa batterie. 

Ce plan était habilement combiné. Mais, comme tous les 
plans trop bien réglés d'avance, il fut en jurande partie dé-* 



y- 



BT LA MARTDUQI» ' 230 

rangé par les circonstances. Oabaret avait recommandé qàe 
rien ne fût commencé sans un ordre venu de loi. Or» le 
avril (vendredi saint) dès le petit Jour, LefebvrO/ se méfiant 
peut-être» imagina d'aller avec cinquante hommes en quêté 
de l'ennemi. Assez en avant» il rencontra» sur Tun des che- 
mins qui conduisaient « au camp du sieur de Grapado », un 
corps d'environ quatre cents Anglais. Lefebvre» ne pouvant 
lutter contre un tel nombre, « se battit en retraite », et attira 
les Anglais dans les parages oh les nôtres étaient campés. Le 
bruit de la fusillade les avertit heureusement de la présence 
de l'ennemi. M. de Boisfermé, qui se trouvait avec les Mar- 

m 

tiniquais commandés par Ck>llart, eut le temps de s^assurer 
que tout le monde était à son poste de combat Dans les foùr^ 
rés» dans les broussailles» dans les creux, derrière des files de 
gros arbres, Tennemi allait rencontrer la mort à chaque pas. 
Du Buq» qui eut d^abord les Anglais à sa portée, les obli^ 
gea» en les canardant par derrière, de s'avancer du côté des 
volontaires guadeloupéens» sortis du camp des Galions-. 
Ceux-ci, les recevant à coups de fusil comme il convenait» 
les rejetèrent vers les compagnies de la Martinique» que 
François de GoUart avait semées en embuscades sur un asseï 
grand espace. Les Anglais» persuadés qu'en avançant fer- 
mement, ils trouveraient un point ob, par leur nombre,- ils 
pourraient écraser les Français, ne s'attardaient guère à 
répondre au feu de pos soldats» Jusqu'alors invisibles. Mais 
il vint un moment où, ahuris» ne sachant s'ils devaient avan» 
cer ou reculer, les Anglais tournèrent sur eux-^êmes 
comme un troupeau que l'épouvante a gagné. Pris alorè 
entre deux feux par du Buq qui les avait suivis et par CioUart) 
dont les hommes s'étaient rapprochés, Jes Anglais comment 
cèrent à plier. Boisfermé, qui d'une hauteur uvait. pu em^ 
brasser l'ensemble de Taction, vint ordonner fort à propos 
d'aborder l'ennemi à l'épée. Collart et ses' compagnons .se 
précipitèrent en avant avec une telle vigueur que, saâs du 
Buq» qui vint le dégager rapidement» il aurait pu être enve- 
loppé dans la mêlée. L'action des diverses compagnies, se 



I 



240 FRANÇOIS DE OOLLART 

combinant avec pins d'ensemble, acheva la déroute des 
Anglais. A ce moment un renfort britannique, arrivant de la 
Basse-Terre, nous aurait mis en péril si la première troupe 
engagée avait pu reprendre position. Elle n*y parvint pas ; 
nos embuscades étaient trop bien garnies. La présence du 
renfort aida seulement les Anglais débandés à retrouver le 
chemin de la Basse-Terre. 

Les troupes de Godrington laissèrent sur le terrain 160 
hommes, dont 75 tués et 75 blessés. De notre côté, le capi- 
taine Lefebvre fut tué avec quatre hommes et nous relevâmes 
17 blessés. 

« M. de Boisfermé, dit le rapport, reçut un coup de fusil 
au travers de son bras de bois (le droit), qu'il à eu emporté 
dans un fait de guerre. Tous les officiers majors se sont dis- 
tingués et ont agi avec toute la bravoure et. la prudence 
possible. Les sieurs Gollart. capitaine de cavalerie à la Mar- 
Unique, et du Buq, à leur ordinaire, ont parfaitement bien 
fait, aussi bien que les sieurs des Rivières, lieutenant de du 
Buq, Gallet, Arbousset et'ïîasse, enseignes de milices et de 
flibustiers, et plusieurs volontaires. M. Gabaret dit qu*il était 
très content des officiers et des troupes. • 

m 

Au sujet du môme événement, voici ce que Ton remiarque 
dansl'étatdesservicesde notre capitaine, dressé en juillet 1708: 

f ... Et, dans le mois d*avril de la présente année 1703, on a fait 
choix du sieur Collart pour estre à la teste des troupes de milice, 
qui ont esté au secours de la Guadeloupe sous le commandement 
de M. Oabaret. Il s*y est tout à îaAi distingué, particulièrement 
dans l'action qui se passa le 6* avril, oh, à la teste de sa compagnie, 
dans le détachement que commandait le sieur de Boisfermé, on 
soutint, pendant plus de deux heures, le feu de deux bataillons 
ennemis, qui à la fin plièrent et se retirèrent en désordre. Les 
ennemis, au rapport môme des prisonniers, y ont eu plus de cent 
hommes tues sur la place et autant de blesses. • 

Tel fut ce fameux combat du 6 avril 1703, qui, d*après les 
chroniqueurs, fit à I*époque, aux Antilles, une si profonde 
impression. ^ . ^ 



■T lA MXKTltflQUI - . Zki 



Oû aurait voulu que, plus ' entreprenant, Gabaret n fût 
porté, par la même occasion, sur la batterie des Anglais. La 
Malmaison, qui se dépitait dans le fort, avec ses 370 hommes,' 
lui avait envoyé proposer d'en faire la tentative. Les troupes 
qu'Auger avait près de lui, à Tembouchure de la rivière des 
Galions, se seraient jointes à celles que le fort pouvait fournir 
sans inconvénient et tout donnait à espérer que les Anglais, 
restés à la Basse-Terre, n'auraient pu résister à cette attaque 
bien combinée. 

Gabaret ne le voulut pas, dans la crainte de perdre trop dé 
monde. Le sentiment était louable. Presque tous les miliciens 
étaient pères de famille. Mais, répondait-on, en laissant leti 
Anglais user de leur batterie comme ils *le faisaient depuis 
trois jours, le fort, déjà endommagé, ne pourra tenir long- 
temps. Cette objection aurait préoccupé Gabaret si l'abandon 
et la destruction du fort n'étaient tout d'abord entrés dans 
son plan de défense. 

On critiqua vivement cette idée. La Malmaison proiesta» 
demanda un ordre par écrit. AugQr fit son possible pour 
dissuader le commandant en chef de commettre ce qui, sui- 
vant lui, était une imprudence — ce que certains, en arrière* 
qualifièrent de trahison. Cependant Gabaret ne céda pas. Le 
fort de la Basse-Terre fut évacué le 11 avril. On devait le 
démanteler par la mine. Mais la plupart des mèches, hû- 

# 

mides ou mal arrangées, s'éteignirent, et le fort resta solide 
sur sa base. L'explosion fit juste assez de bruit pour avertir 
les Anglais qull s'était passé quelque chose d'anormal du 
côté des Français. 

Pendant tout un jour l'ennemi se défia ; puis, comme Là 
Malmaison s'était éloigné avec sa troupe, les Anglais purent 
s'assurer que^ l'abandon était réel. Ils réparèrent le fort, le 

COUJLRT (250) ' fSt 



\ 



342 FRANÇOIS DB QOLLàRT 

réarmèrent et 8*y logèrent militairement, sans pouvoir corn- 
prendre, comme le dirent plus fard des prisonniers, ce qui 
avait poussé les Français à priver la colonie de son principal 
mojen de défense. 

L'action de Oabaret n'était pas aussi injustifiable qu'elle 
pouvait le paraître. Le commandant en chef avait de puis- 
santes raisons pour croire que le fort serait investi à bref 
délai, et que le travail de rarlilleriei ennemie l'obligerait 
bientôt à se rendre. Fatalement (comme le fait avait eu lieu 
à Saint-Christophe) la capitulation, qu'il s'agirait d'obtenir 
d*un^ennemi altéré de vengeance, comprendrait la reddition 
de la colonie, et la Guadeloupe était perdue pour la France. 
Or Gabaret ne voulait pas que l'on fût obligé de recourir à 

m 

une telle capitulation pour sauver la vie ou la liberté des 
370 bons soldats commandés par La Malmaison. L'évacuation 
au contraire allait augmenter le nombre des assiégés mili- 
tants. Un bon poste était indispensable aux Trois-tUvièrês 
(au S. de la colonie) ou les approvisionnements apportés de 
la flottille allaient venir en dépôt. La Malmaison j fut envoyé 
avec ses 970 hommes et l'on reconnut, comme nous le 
verrons bientôt, que leur présence était absolument néces- 
saire en cet endroit. - ' 

L'idée de Gabaret pouvait sembler obscure ; elle concourut 
en somme à sauver la colonie. C'était une gène pour la dé- 
fense que ce fort. La gène allait passer du côté de l'ennemi. 
Les Anglais ne le comprirent pas d'abord et célébrèrent leur 
prise de possession comme un succès. Ils ne tardèrent pas à 
se rendre compte que la crainte d'être enveloppés les for- 
cerait à porter tout le poids de la lutte dans ces hauteurs aux- 
quelles ils ne pouvaient songer sans frémir. 

Ceci expliqué, il est juste de reconnaître que notre com- 
mandant en chef n'avait pas à s'inquiéter de la batterie des 
Anglais, naturellement réduite au silence par lé fait même de 
l'abandon du fort... 

■ •; \ . ■ • 

,\ \\ . • . . . _ . .. 



R LA MARTINIQUE 243 



XI 



On fatiguerait le lecteur à raconter en détail les péripéties de 
la fln du siège de la Guadeloupe. Le plan de Cabaret, quoique 
mal jugé, fut obstinément suivi. Durant un mois entier, les 
Anglais, harcelés par nos milices^ s'épuisèrent en vains 
efforts pour étendre leur action dans nie. Rien ne leur 
réussit. Parmi leurs tentatives infructueuses, il en est deux 
que Ton doit citer. 

Godrington imagina, en premier lieu, d'enlever le poste 
des Trois-Rivières. La destruction de ce bourg, qui était 
comme la clé des communications avec la flottille, d'oik la 
colonie tirait ses approvisionnements, eût équivalu pour 
nous à une défaite presque irrémédiable. Heureusement pour 
les Français, il y avait de bonnes ftmes dans le bas per- 
sonnel, durement traité, de la flotte anglaise. Gabaret, averti 
par un transfuge (dont l'indication cette fois ne fut pas dé- 
daignée), renforça le poste menacé. La plupart des miliciens 
d'ailleurs s'offrirent pour aller au secours de La Malmaison. 
On comprenait le danger... Lorsque Godrington se présenta 
aux Trois-Rivières avec une partie de ses vaisseaux chargés 
de soldats, il aperçut tant de monde aux alentours^ la c6te 
lui parut si bien gardée et si bien armée, que le goût de cette 
expédition lui passa plus vite que l'idée ne lui en était venue. 
Godrington se remit piteusement au large, et, pour se con- 
soler de sa déconvenue, il fit brûler, en passant, le village 
abandonné du Vieux-Fort, facile moyen de faire croire à ses 
troupes qull avait atteint son but. 

Le résultat de sa seconde tentative fut plus sérieux en ce 
qu'il amena la retraite des Anglais. 

Ils sentaient bien que la conquête de la Guadeloupe leur 
serait impossible tant que les milices réunies au € camp du 
s' de Grapado », pour l'instant « le camp de la Martinique », 



I 



11 



,1 



244 ' VRAMC0I8 DB OOLLA.RT 

tiendraient solidement avec celles du poste avancé et du 
camp des Galions. De ces hauteurs l'action de nos troupes 
rayonnait dans un circuit de plusieurs lieues. La bonne en- 
tente et la valeur de Gollart et de du Buq les gênaient fort. Il 
fallait briser ce faisceau ou renoncer & Tentreprise. 

Les Anglais, n'ayant réussi ni par le milieu (1& ravine 
l'Espérance^ ni par la droite (les Trois-Rivières), voulurent 
tenter un dernier effort par la gauche. Ils mûrirent leur 
projet au bourg des Vieux-Habitants et devaient partir de là 
en forces pour nous surprendre. • 

Mais encore une fois Cabaret fut prévenu. Il dut cet avis 
salutaire à des Irlandais de Saint*Ghristophe qui« servant 
malgré eux sur la flotte,, avaient gardé bon souvenir du ser- 
vice que les Français leur avaient rendu en 1689. 

Le capitaine de Gollart fut envoyé de son camp, avec ses 
milices, aux approches des Vieux-Habitats. Les flibustiers 
de la Martinique fournirent leur contingent. Sur la route 
que devaient suivre les Anglais» on échelonna savamment 
des embuscades ... 

A peine les soldats de Godrington, ayant quitté le bourg, 
se furent-ils engagés le long de chemins dont les abords leur 
paraissaient déserts, qu'ils furent assaillis à coups de fusil 
par les compagnons de Gollart et les autres combattants Mar- 
tiniquais. Les Anglais croyaient nous surprendre; ils forent 
surpris. Opposant une résistance que nous ne leur connais- 
sions pas encore^ ils se battirent avec acharnement eUais- 
sèrent sur le terrain 80 des leura, dont la moitié de blessés. 

Ge dernier coup désespéra Godrington. Sa flotte était 
pleine de malades ; les privations commençaient à se faire 
sentir... Les vivres allaient manquer. Un groupe d'Irlandais, 
ne voulant pas retourner à Saint-Ghristophe, vint nous 
demander refuge et prévenir que, pendant la nuit, depuis 
quelques jours, les Anglais rembarquaient leur matériel. Il 
y avait toute apparence que leur départ était prochain... 
Bref, on les vit regagner sournoisement leurs vaisseaux dans 



n uk lUBTnaQtn ' S4S 

' la JourniSe du 18 mat... A la to'mbéa du Jour, aux toarbUloiu 
de flamme et de famée qui s'élevèreot de l'iDUrienr da tari 
et à la Basse*Terre, on comprit que l'amiral anglais venait 
d'accomplir son œuvre de destruction. Enfin, à dix heures 
du soir, les quarante-ciuq voiles britanniques s'enQèrent, 
éclairées et roupies par l'incendie répandu sur la cdte ; beau 
spectacle pour un vaincu I Les m^édictions françaises, par- 
tant du rivage, firent aux Anglais une conduite dont leurs 
oreilles, bien qu'elles ne les comprissent pas, durent garder 
le souvenir. 

Les pertes de l'ennemi, an siège de la Uuadeloupe en 1708. 
furent de 700 hommes, chiffre offlciel, qui doit se décompter 
ainsi : tués 148, dont 5 ofSciers ; blessés : 473 ; déserteurs 79. 
Ces derniers, presque tous Irlandais, .furent euvorés à la 
MarUnique, oA ils demeurèrent*. ' . "^ 

Les Français (Quadeloupéens et Martinlqn^s) eurent à 
regretter la perte de 16 hommes, 1 cs^it^ne (le s' Lefebvre, 
et 14 miliciens). On compta de plus, parmi nos troupe», 
60 blessés. 

Ainsi que nous l'avons déjè fait remarquer, le système des 
embuscades, dans un pays inconnu è. l'assiégeant, est mortel 
pour l'ennemi, précieux pour l'assiégé. Mais ce qui est 
désastreux pour l'un comme pour l'autre, b. cause des repré- 
sailles, c'est le pillage et l'incendie. Les Anglais avaient 
,réduit en cendres Bouillante, les Tieux-Habitants, le Baillif, 
Saint-François, la Basse-Terre, le Vieux-Fort. Aveo ces 
bourgs déjà prospères, huit églises, cinq couvents, et>nombre - 
d'habitations (ou fermes) dans la campagne, furent complè- 
tement minés.... 

Trois ans plus tard, comme nous le verrons. Inouïs XIV 
fera durement payer aux Anglais cette dévastation... 

Le SI mai, la Qotille martiniqu^se, de retour è Ssdnt-Pierre 
et au Fort-Royal, y ramenât les troupes, au secours des- 

■ On pr<laQ,d que 1m Aag'UiM perdiMitt *m nilliar dtwmmw pkr niU d« 
■nkladÏM. G* ohiSra n'eat pai eomUU dmu U* doevBMBta. 



246 



FRANÇOIS DE COLLART 



quelles la Guadeloupe avait dû, pour la secondé* fois» de 
rester française*. ^ 

Et à qui la Martinique devait-elle la renommée que ses 
héroïques enfants lui attiraient par leurs courses k la gloire ? 
Surtout à Ck>llart et à du Buq, les deux boute-en-train de 
chaque expédition. 



xn 



Le premier soin que prit M. de Machault, quand on lui. 
eut rendu compte de cette campagne, fut de chercher à ré- 
compenser les officiers et les miliciens qui s'y étaient le plus 
distingués. Il pensa d*abord à Collart, dont le mérite avait 
. encore une fois dominé dans les nombreuses rencontres de 
nos troup)ds avec celles de Godrington. Après un entretien 
avec le capitaine, M. de Machault adressa au ministre,, le 3 
Juillet 1703, une demande spéciale, . très flatteuse pour notre 
héros, et que nons aurons bientât l'occasion de faire con- 
naître. «•* 

A la suite de cet entretient et d'autres qui l'éclairèrent, le 
gouverneur compritque, pour rendre justice à tout le monde, 
il faudrait donner un avancement général. Pour atteindre . 

• Le ehroniqnêar colonial Labat (dont Voltaire loue qnejqne part reeprit 
canttiqne), ajant aeeitté à cette campagne de la Gnadelonpe, a fort injna- 
tement traité M. de Oabaret qa*il n*aimait pae. Ce qu'il raconte aTec^niL oer-' 
tain art n*ett guère exact. lÂbat rédigea de mémoire, longtempe apr^ lèe 
éfénementi» sur dej notée laitee à la h&te. On doit le coneulter ayec une 
eertaii|e réeerre. Voici ce que l'on trouTC, à ion arUole, dane le Diciiùn^ 
noire historique du eafant abbé Laifocat : « Labat (Jeen-Baptiete), célébré 
Toyageur dominicain né à Parie, alla en t69J en Amérique, en qualité de 
mieeionnaire ; de retour en France en 170!» — mort à Parie le 6 janvier 1738, 
à 75 ane. -* Voyage aux îies de V Amérique» 6 toI. in-12, 1722 ; réimprimé 
en Hollande en 2 toI. in-4*. — Puis augmenté à Parie, 1741, 8 vol. in*12. — 
OuTrage agréable et inetrnctif en bien dea choeee, maie pae toujoun exact 
dane lee faite. » LadTOcat aurait pu dire : rarement exact, et ijouter à « de 
retour en France en 170& i : il fut diegracié. Le minietre de la marine écri^ 
vait en 1707 et répétait en 1708 à 11. de Machault : « Le Père Labat ne re- 
tournera pae dane lee colontee, quelquee inetancee qu'il laeee pour en obtenir 
la permieeion. » 



n Lk MARTmiQin '"ta 

80Q but, M. do MachauU se proposa de réorganiser les-ml- 
lices des Antilles. Cette organisation consista, pour la Mar- 
tinique, à transformer les quatre bataillons créés par M. de 
Blénac en 1003, en autant de régiments qui seraient com- 
mandés par des colonels et des lieutenants-colonels. De plus, 
on avait maintenant les moyens de créer un régiment de 
cavalerie. U y serait pourvu. 

Ce projet, s*il était admis à la cour, allait permettre de 
faire une importante promotion... 

Le ministre (le comte Jérdme Phelypeaux de Pontchar- 
train, qui avait succédé à son père en septembre 1090) agréa 
la proposition, et, l'ayant soumise à l'approbation du Roi, il 
autorisa M. de Machault à pourvoir de titulaires tous les 
nouveaux emplois, et lui prescrivit d'envoyer un état des 
officiers avancés ou créés (avec le détail de leurs services) 
afln.de les faire breveter par Sa Majesté. 

Les quatre colonels nommés, à la date du 15mail705t 
furent, par rang d'ancienneté, La Touche père, GoUart, Sur- 
villiers et Jorna. On leur donna pouf lieutenants-cploneU 
La Touche fils, Roussel, du Buq et du Prey. 

Il est à propos d'ajouter ici quelques renseignements sur 
les trois colonels, dont nous n'avons guère parlé. 

Le premier était Samuel-PranQois Le Vassor de la Touche^ 
originaire de Paris, fondateur de sa famille à la Martinique. 
U avait épousé une demoiselle d'Oran^^e. La suite du récit 
nous permettra de faire connaître les enfants issus de jcetté 
union» 

L'auteur de la souche coloniale de la famille du troisième 
était Jean de la Guarlgue, natif de la Tournerie, en Cham- 
pagne, capitaine d'une compagnie françcdse à Saint-Gliris* 
tophe, où il avait épousé, le 18 novembre 1060, Mlle Elisa* 
beth de Rossignol, née en France. L'un de ses fils, Claude 
La Ouarigue de Survilliers^ réfugié en 1000 à la Martinique Cft 
marié dans cette lie, le 13 Janvier 1007, avec Mlle Luce de la 
Salle, était le colonel nommé à la Capesterre. Il est mort 



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Zt8 FRilNC0I8 DB GOLLAHT 

.chevalier de Saint-Louis, le 18 octobre 1748, à Tftge de 84 ans. 

Joseph de Jorna, le quatrième colonel, est celui qui fit souche 
à la Martinique. Originaire d'Aix-en-Provence, il avait épousé 
.une demoiselle Picquet de la Galle, fille du commis général 
de la Compagnie des Indes, dont il eut notamment un fils, 
qui devint lieutenant de Roi à la Guadeloupe, où ce fils fonda 
famille. Les autres enfants de Joseph denxeurèrent à la Mar- 
tinique. L'une de ses arrière-petites-fllles, Caroline de Jorna, . 
figure dans l'intéressante généalogie de la famille de Pellerin 
de la Touche, que. les Annales historiques ont publiée en 
1886\ Caroline de Jorna avait épousé M. Louis-Claude-Brnèst- 
de Fabrique de Saint-Tours, dont la fille, Henriette, s*unit le 
10 août 1857 avec M. Auguste-Rose-Gaston de Pellerin de la 
Touche (1826-1875). Ce dernier était d'une ancienne famille de 
('Orléanais, dont un membre, venu à la Martinique, en 1728, 
avec riiitendant général d'Orgeville% s'y fixa et s*y maria* \ 

' En remontant à l'origine de cette famille (qui fut très hono- 
rablement représentée dans la magistrature;;^ dans rarmée,~ 
et l'est encore dans l'administration de la métropole), on la 
trouve issue de ç Pierre de Pellerin, chevalier, seigneur de 
la Touche-Bredière, fondateur, vers 1480, de l'église. de Notre- 
Dame-du-Noyer, près Chateaudun, dans le chœur de laquelle 

il fut inhumé en 1524 ». 

» 

. Ce tribut de souvenirs — se rattachant à la parenté du co- 
lonel de Jorna — offert à Taffection que les CoUart ont con- 
servée pour les Pellerin de la Touche, revenons & notre sujet. 
Les soucis de la guerre qui sévissait alors avaient rjstardé 
la conclusion du travail de l'organisation des milices. Com- 
mencé en 1703, continué en 1704 . et 1705, il ne fut terminé 
qu'en 1707. Comme il reste fort peu de documents relatifs à 



' • H. TitferoB, direetêur* Farif, S ni« d*AstM. 

* Pannier (Jacques), cheTalier seigneur d*0rgeTÎUe, inSperraache, Lamotto* 
Iferriacbalt Cherdon-le-Bonchel, conseiUer du Roi, maître des requêtes 
ordinaires de son hAtel. Possesseur d'une fortune considérable, il aTait 
épousé W^ de Sainte*Heraine, parente de M. de Ifaurepas ; mort en 17M. 



R u HUiTnagpi 249 

cette aff^re, doub eroyoDi devoir Ineérer Ici i'extr^t d'une 
lettre inédite que M. de Madiault écrivit aa ministre en 1704 : 

■ Fort-RoyaJ de U MarUniqa», 29 Jain 1704. . . La rttlement que 
von» a.vn fUt donnera de l'AmnUUon pour le rang que vone doa- 

nez aux ancleni ofSclere dei tronpes et dei miUeei. et par le Ultra 
de coloneli dont voai lu honorez. Comme ils Jooiwalent dea pilTi- 
iègei de la noblesu poar l'exemption dei droite pour douze nègree 
tons pourriez, Honsrignenrt ponr lu diatingner du capitAfoes 
de mlticei, leur accorder l'exemption de dix-hnit nigrea. Ml. de 
Jorna «t de Snrriiilera ont eU choisia entre 1m officiera du troapeat 
MU. de ta Touche et de Collut, antre ceux de mlllou, et lu com-' . 
pagniu leur ont âtâ dlatrlbaéea, aelon lu qnartien, aveè la plat 
gT&Qde égalité qu'il a été poBsIble. > 

Pour la distribution dont il s'agit, on avait tenu compte 
de la résidence privée des colonels. LàTonche, qui demeurait 
à l'Acajou, près dn clief-tieu de la colonie, eut le Fort-Rbyal; 
Collart, qui pouvait communiquer facilement avec le sud de 
l'Ile, eut le Cul-de-Sac-Marin ; Jorna, le Fort-Saint-Pierre, et 
Survilliers, habitant de la Trinité, la Gapeaterre. 

De soncdté, le Gouverneur général reçut du ministrfrlâ 
lettre suivante, qui semble clore la correspondance entre- 
prise an sttjet de l'organisaUon : 

• Ven&Ulu, 10 ]nln 1705... Le ro; m'a permis d'expédier 1* ' 
règlement poar rétablisasment du compagnlu de milioes, dont Je 
TOUS arais adruaé le projnt, et tous trouveru en mâme temps, ej- 
Joint, lu provisions pour lu colonels, les breveta ponr lea lleote- 
nante-colooela' et capitalnu, et les ordru da ro; pour lu Uen^nanta 
et enseignsa. J'en expédierai de pareils pour lea aydes-m^ors 
lorsque vous m'en aurez adressé la liste. Cette disposition, qoi donne 

à eu officiers an relief qui mettra en état de n'y admettre que du 
gens d'une considéraUoo proportionnée fc leur emploi, ne sera 

• La nominatioD <■• du Baq, conuns ]i«iit«nftnt-eolon«l. n'int Un qati 
nnc promotion f&îte à U date du 11 'kTiil 171)7 at duii Ikqnell* faillaun 
tontei Ui aominationi pi4c4daDtM lurent conSrmie* par la Roi. Ma tfSl. 
du Baq Ataîi déaigni ponr la croix de Saint-Lonia, qaî lai fnt donnta Paania 
■niiaota. OriKtait d« Tkg\« que la rnSmaparaonoe na ponrait obtenir danz 
bveura kla feia. 



280 



f RAMÇOn OS OOUJMt 



d'aucun embarras, puisque, lorsqu*il en raquera par mort, tous 
pourrez en commettre en attendant que S. M. ait choisi sur les 
siijets que tous proposerez • ■ 

Restait à pourroir d*an chef le régiment de cavalerie. 
M. Adrien Rools de Goursolas (1058-1733) y fut nommé co- 
lonel. Fils et neveu des Rools de Goursolas et de Laubière« 
dont nous avons parlé dans la troisième partie de cette étude, 
il avait épousé, en 1090, Catherine de Cacqueray-Valmenier, 
dont il eut quatre fils et une flUe. 



XIU 



Cependant Louis XIV n*avait pas oublié ses griefs contre 
les i!^nglais aux lies d'Amérique. Dans sa pensée , tout 
dommage de leur part appelait un dommage équivalent 
de la nôtre. Il va commencer à leur faire subir la peine 
du talion. Saint-Christophe « Nièves seront d'abord dé- 
truites, et comme nous n'aurions aucun profit à cop- 
server des lies que nos rivaux ne tarderaient pas à re- 
prendre, nous économiserons les frais de réarmement et 
de défense ultérieure en les abandonnant de plein gré. Puis, 
ce premier chfltiment accompli, ayant vengé la Martinique et 
la Quadeloupe, nous reviendrons fléau vengeur, au nom de 
Marie-Qalante et de Saint-Domingue, et ferons ainsi jusqu'à 
ce que les Anglais aient acquisi la certitude que le saint dé 
leurs établissements d'outre-mer dépendra du respect qu'ils 
auront pour les nôtres. La politique de représailles est dé- 
plorable, on doit en convenir ; mais c'est une politique parfois 
nécessaire, à laquelle pourra seule mettre fin la sagesse des 
nations : ce que doivent souhaiter tous les gens sensés. 

En décembre 1705, M. de Machault reçut par un exprès 
venu de France Tordre secret de se préparer à cette cam- 
pagne. Louis XIV allait envoyer aux lies deux escadres, avec 
« deux cents bons soldats 9 embarqués sur chacune d'elles. 



IT LA MARTIMIQUI .251 

La première» dont rarmement 8*opérait à Bresti était oom- ' 
mandée par le comte de Ghavagnac ; la secondOt préparée à 
Rochefort, avait pour chef le capitaine 'de vaisseau d'Iberville. 

M. de GhavagnaCt parti le premier, vers le 15 décembre 
1705, était parvenu à la Martinic^ue vers la fin de janvier 1706. 

Quand le Gouverneur général vit arriver cette escadre, il 
fut très surpris. Voici pourquoi. Au lieu de se conformer 
simplement aux ordres du Roi, M. de Machault avait ima- 
giné d'écrire ep substance à Louis XIV que, ne partageant 
pas ses idées sur la politique de représailles, il le suppliait de 
vouloir bien laissai^ la Martinique à ses travaux de culture, 
sans quoi les habitants, appauvris déjà par la guerre, 
seraient exposés à mourir de faim (14 décembre 1705). N'ayant 
pas reçu de réponse immédiate, le gouverneur, persuadé que 
ses représentations avaient eu bon accueil à la cour, était 
resté danç une complète inertie'» 

Le comte de Ghavagnac, qui s'attendait & quelque chose de 
semblable, ne perdit pas un instant à se plaindre. Des indi- 
cations lui avaient été données à Versailles dans les bureaux 
du ministère. 11 pria Machault de le mettre en rapport avec. 
Gollart et du Buq, dont on lui avait beaucoup parlé. •• 

Des explications données par le commandant de Vescadré, 
il ressortit que le Roi, ne pouvant faire entièrement les frais 
de cette campagne, les colonies de la Martinique et de la 
Guadeloupe devraient compléter ce qui \serait nécessaire à 
l'armement, en moyens de transport, * en homme^ et en 
vivres, comme on avait procédé pour Saint-Eustache et. 
Saint-Ghristophe en 1889. Le butin paierait autant que pos- 

• Le Roi s^était montré très irrité de U Kardiesae de Machault. n A^ent 
connaistance de sa lettre qae fort tard, en avril 1706. U Ini fit répondre ver» 
tement par le ministre. Dans sa dépêche, pleine de haateur» eelni-cl Mimé 
M. de Machault d*aToir osé discuter les ordires du Roi, et ajoute qu'il regar- 
derait comme extrêmement regrettable que, réflexion faite, le GouTemeur 
général n*ait pas obéi aux injoncUons de Sa Majesté (14 UTril 17M). On doit 
avouer que Machault, bien qu*animé de bonnes intentions, avait commis là 
une très grande faute. Heureusement, grâce au sèle et h la valeur des 
troupes martiniquaises, cette faute n'eut pas de conséquences flkcheuset. 



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262 



FRANÇOIS DS COUâAHT 



sible Ted dépenses de Texpédition. Des volontaires, deman- ' 
dés aux compagnies de milices et de flibustiers, se joindraient 
aux troupes embarquées sur l*escadre. En fait, la Martinique 
et la Guadeloupe allaient armer en course. 
. En moins de huit jours, Collart et du Buq^ toujours pleins 
d'ardeur, achevèrent leurs préparatifs. Ils purent répondre 
d'un secours de quatre cents volontaires'. Trois cents flibus- 
tiers qui s'offrirent à les accompagner mirent plus de temps 
à s'organiser à cause des vivres, fojrt rares (ians la colonie. 

Le moment du reste était bien choisi. Godrington, dégoûté 
delà guerre après sa défaite, avait donné sa démission d'a- 
miral. La flotte britannique était retournée en Angleterre 
et il s'était retiré dans ses propriôléi à la Barbade. "toutefois 
Ghavagnac envoya une frégate (la Nymphe) croiser au vent 
de cette lie, afin d'y surveiller quelques petits navires anglais 
restés au mouillage. • . 

Le 3 février 1700, l'escadre, ayant embarqué les milices 
commandées par Gollart et du Buq, appareille et croise dans 
la rade de Saint-Pierre, afin de .presser les flibustiers à suivre 
son exemple. Le 4, la journée se passe de môme à les at* 
tendre. A cinq heures du soir, presque tous les flibustiers, 
ayant mis à la voile, Ghavagnac fait route pour la Guade- 
loupe, ob le rendez-vous avait été donné. Le lendemain, 
étant par le travers de la Dominique, il renvoie à la Marti* 
nique, avec une barque, M. et la Galande, lieutenant de vais- 



• A la.daU du 15 février 1706, M. Mi thon, oommitMiin d« la marine, 
taisant l'intérim d'intendant général après le départ de Bi. Robert, rentré 
en France, éorinût an ministre : * - 

« Lessienrs Gollart et du Ba^ colonel et capitaine des grenadiers, se sont 
extrêmement distinguez par le zèle qu'ils ont fait paroistre ponraller à cette 
expédition, où ils ont entraîné,, par leur crédit, un grand nombre de Tolon- 
taires. Je suis persuadé q^ue ces deux habitans seront très utUes à M. de 
ChaVagnac par leur valeur et par leur bonne conduite. Us méritent d'autant 
plus de louanges que l'honneur seul les a engages à cette expédition* sans 
avoir égard qu'ils quittent leurs biens en cette isle et une famille nombreuse. 
Ce sont de ces sujets. Monseigneur, s'il m'est permis de tous le repré s enter, 
à qui l'on doit des récompenses distinguéss. » 
• En marge il est écrit de la main du ministre : « Bon. Sçavoir qui^ f » 



BT LA MARTIMIQUI 



253 



seau» pour chercher les flibustiers en retard et laisse en 
arrière un de ses vaisseaux pour les convoyer. Le 6 et le 7, 
en vue de la Guadeloupe, un calme ralentit la marche de 
Tescadre, qui n'arrive à la Basse-Terre que le 8 à sept heures 
du soir. IjC et jours suivants, embarquement de trois cents 
miliciens commandés parle major PouUain. Conseil de guerre 
pour savoir ob^ pour attaquer Nièves, la descente devra 
s'opérer. 

Le 13 février, la flotte, enfin réunie au complet, appareille 
de la Basse-Terre par beau temps. Elle est composée de dnq 
vaisseaux de guerre .: le Glorieux, V Apollon^ le Brillani, le 
Fidèle^ le Ludlow, commandés par MM. de Choiseul, de Oa- 
baret (neveu du gouverneur de ce nom), du Coudray, Gui- 
mond et le chevalier de Nangis. Avec deux navires mar- 
chands armés en guerre et vingt-quatre barques ou bri- 
gantins fournis par les flibustiers, le comte de Ghavagnao- 
avait à conduire un ensemble de trente-et-une voiles, portant 
au total douze cents hommes de débarquement. 

Le 14 et le 15, le vent fraîchit, la mer grossit en vue d*An- 
tigues. Le 16, on mouille devant Nièves, à lO.heures du soir. 
Du 17 au 20, le temps se tient si mauvais que Tabord de 111e 
est jugé impossible. Le conseil renonce provisoirement à 
Tattaque de Nièves et se décide pour Saint-Christophe. Le 21, 
l'escadre mouille à cette dernière lie, à dix heures dusoir, 
« devant la Basse-Terre (au N.-E.) où était le bourg français. » 
Le 22 février, à. une heure après minuit, le débarqï^ement 
s*opère « sans opposition » à la Petite-Saline. Au jour. Char 
vagnac fait marcher les troupes réglées le long de la mer 
pour aller au bourg français et envoie descendre & la Pointe- 
de-Sable (à l'autre extrémité de Tlle) le* major Poullain avec 
ses trois cents Guadeloupéens. 

Poullain devra faire le tour de Saint-Christophe, du côté 
du vent (en remontant par le nord) et venir rejoindre le 
commandant, après avoir tout ravagé et brûlé sur son pas- 
sage. 



• » 



• • 



>• »• 



254 FRANÇOIS DE OOLLART 

La descente effectaée à la dite Poiûte-de-Sable» Poullaio 
voit arriver à sa rencontre un corps de deux cents hommes. 
Il marche droit à eux, et>. après trois heures de combat, il les 
chasse de leurs postes. Les Anglais mis en fuite se retirent 
dans le fort de la Soufrière. 

Pendant que le major exécutait ponctuellement la part de 
destruction qui lui avait été assignée, Ghavagnac se dirigeait 
vers le bourg de la Basse-Terre, à une demi-lieue de Tendroit 
où il avait débarqué. Un parti de 40 hommes fait mine de 
vouloir lui barrer la route. Poussés vivement par du Buq, 
ils lâchent pied et rejoignent un corps de 300 fantassins et- 
iOO chevaux* que Ghavagnac aperçoit rangé en bataille dans 
une prairie, entre le bourg de la Basse-Terre, qui se trouvait 
derrière l'ennemi, et un petit bois plein de broussailles. 
MM. du Parquet et de Gollart arrivent en ce moment 
avec les milices et les flibustiers. Le commandant fait gagner 
les hauteurs à du Parquet conduisant les flibustiers et engage 
Gollart le long de la mer avec ses compagnies de milices. 
Ghavagnac, ainsi épaulé, marche droit à Vennemi. à travers 
les broussailles, avec les troupes réglées. Les Anglais font 
bonne contenance jusqu'à demi-portée de canon. Maison 
voyant les Français s*élancer de trois côtés à la fois, ils Iftchen t 
pied et si bien qu*il est impossible de les joindre. 

On reprend le chemin du bourg. L'église en fermait l'entrée. 
Elle était entourée d'un fossé-avec un pont*levis flanqué de 
quatre pièces de canon. On est contraint de s'arrêter.^ de 
faire un détour. ^ 

Dans un endroit où Ton pouvait descendre, le bord de la 
mer était retranché et garni de six canons, que l'ennemi 
n'avait pas encloués. Ghavagnac fait « crever • les six canons. 
Puis, les troupes s'étant reposées pendant la grande chaleur, 
les trois détachements s'avancent dans le même ordre, s'ap* 
pliquant à ravager le pays et à prendre des nègres dans les 
t)ois. A demi-lieue du bourg français. Un grand retran- 
chement établijle long d'une ravine fait croire, que l'ennemi 



R LA MARTINIQUB 



disputera ce passage. Mais personne ne s'y 'trouvant. Char 
vagnac gagne la Basse-Terre, et, apprenant par des prison- 
niers que le bourg est désert, i^y passe la puit 

Le 23 février, mis en marche à 7 heures du matin, le 
commandant rencontre sur sa route un village (Gayonne) 
auquel les Anglais venaient de mettre le feu en l'abandon- 
nant. Du Buq, avec ses grenadiers, se charge de l'éteindre 
et l'on passe la nuit dans cet ancien village français. 

Le 24, Chavagnac quitte Gayonne à huit heures et, .traver* 
saut de TE. à 1*0., va camper à demi-lieue du fort de la 
Orande-Rade. Serrant le fort de près sans Tattaquer, il s i 
contente de ravager le pays environnant. Les flibustiers, à 
qui cette destruction est confiée, c s'en acquittèrent à mer-, 
veille» n'étant bons à rien autre », dit Chavagnac* On moi 
aussi le feu aux cannes à sucre et aux maisons qui .entouraient 
le fort. L'ennemi fait une sortie pour t&cher d'arrêter ce 
ravage. Cinquante chevaux et cent fantassins se dirigent du 
côté des milices de la Martinique^^ GoUart, du Parquet et le 
capitaine des Gassaux qui les commandent vont droit aux 
Anglais, qui tiennent bon cette fois. Après une demi-heuro 
d'un combat acharné, le capitaine de Choiseul, à la tète des 
troupes réglées, marche « pour les couper par le bas », ce 
qu'ayant aperçu, les Anglais se retirent en désordre datas le 
fort, en laissant nombre des leurs sur le terrain. 

Le 25, Chavagnac envoie M. de Choiseul, suivi des troupes do 
marine, avec les milices et flibustiers commandés par GoUarl 
et du Parquet, pour faire le tour de la Soufrière* et aller brûler 
un bourg que Ton voyait de^ l'autre côté. L'ennemi tire le canon 
de son fort Un boulet frappe le major du bataillon de M. de 
Choiseul, M. de la Perrière, qui tombe mort auprès de lui. Une 
heure après, le bourg est réduit en cendres par nos troupes. 

Le 26, M. Langon, capitaine de troupes réglées, et du 
Buq, avec ses grenadiers, sont détachés pour aller brûler 

• Mornt contenant nne mine de soufre non loin du fort anglais appelé le 
fort de la Soufrière, vers la Pointe-de*Sable a« N. O. 



U 



256 



FRANÇOIS DB GOLLART 



tout ce qui se trouvait entre le fort et le camp français* 
L'ennemi sortant veut s*y opposer. Autre combat acharné 
soutenu par CoUart et ses milices, qui, pour la seconde fois^ 
repoussent les Anglais. Tout ce qu'ils avaient dessein de 
protéger est livré aux flammes, jusqu'à un corps de garde 
construit au pied du fort. 

Le 27 février, « n'y ayant plus rien à faire et les vivres 
pressant, » dit le rapport, Chavagnac fait c crever » deux 
pièces de canon qui étaient à la redoute et fait rembarquer 
les flibustiers'. Le 28, jour de l'appareillage, le commandant 
• avait résolu de les maintenir à côté de l'escadre pour les cour. 
voyer jusqu'à la Martinique; mais ils forcèrent de voiles et 
s*éloignèrent, uniquement préoccupés « de serrer leur petit 
butin qu'ils voulaient mettre en sûreté s. Le 1*' mars, Gha- 
I vagnac, forçant lui-même de voiles pour les rattraper, sans 
y réussir, passe à trois lieues de Montserrat^ « bien fftché de 
ne pouvoir y aller. » 

Nous avons laissé au récit du comte de Chavagnac toute la- 
simplicité de sa forme, afin de présenter un tableau aussi 
réel que possible de l'expédition. L*ennemi^ battu en quafre 
rencontres, a dû faire en hommes des pertes sensibles. Mais 
les chroniqueurs, en avançant que les Anglais subirent d9 
de notre part « un carnage effroyable », ont singulièrement 
exagéré; Le chiffre peu élevé de nos pertes suffirait pour les 
contredire. Nous eûmes sept tués, dont un officier, et treize 
blessés dont deux officiers, ce qui certes ôte créanceJi un 
prétendu c carnage effroyable » infligé à l'ennemi. 

La lettre d'envoi, dont M. le comte de Chavagnac accom- 
pagna son rapport au ministre, rend trop bien justice aux 
milices de la* Martinique pour qu'il nous soit permis d'en 
omettre ici la reproduction : 

c A la rade du Fort-Saint-Pierre de la Martinique le 16* mars 1706, 

c Monseigneur, les vents m*ayant contrarié, comme vous verres 

par le Journal que J*ai l'honneur de vous envoyert ie n'ay pu en- 

* On doit sappoMT ici qa« la flotU était v«aa« joindM U corps français 
à la Poiato-dt-Sabio. 



1 



» LA MARTlfnQtlf 267 

ireprendre tar IfièTes et J*ai 4té oUigé d*aUer à Saintp^airisiopbe. 
Tout le monde oonyient en ce payi-d que nous aTone filt plu de 
trois millions de nyages. Si les Tirres n'avoient pas maaqoé au 
flibustiers J'anrois pn y rester encore huit Jours* Messieurs les 
flibustiers m'abandonnèrent aussitôt qu*ils eurent mis à la voile. 
On ne sçait ce que c'est que de les contraindre à la moindre chose. 
Il n*en est pas de même des babitans et milices de ce pays. Klles 
sont par troupes connoissant fort bien les ofliciers et serrent avec 
plus d'exactitude que ne le font nos milices en France. Je dois, mon- 
seigneur> cette Justice à M. CoUard et à M. du Buq. qu'ils Sb sont 
portez partout avec une ardeur qui n'est pas commune. Je suis; etc. 

« GuiTAONAO. » 

- 

• 

Au sujet du butin fait à Saint^liristophe sur les An^^lais, 
nos chroniqueurs ont parlé de 1500 nègres et de l'enlèvement 
de tous les moulins à sucre. Nous serions disposé à. leë 
croire, si, dans une pièce datée à la Martinique, 8 mars ITÔO, 
les miliciens de cette lie ne déploraient « la 'mauvaise fortune ^ 
du butin, attribuée aux contre-temps survenus par le mauvais 
temps... 9 Néanmoins « les habitants et. flibustiers », désirant 
témoigner au comte de Ghavagnac leur reconnaissance pour 
ses bons procédés, viennent le supplier (Coljart portant là 
parole) de vouloir bien accepter six noirs provenant dudit. 
butin. Sans doute le commandant se contenta d'agréer Tex- 
pression de la gratitude de ces braves gens. Mais cette dé- 
marche n*est-elle pas de nature à faire supposer que, 8*U y 
eut un immense butin dans cette campagne dé 1706, ce n'est ' 
pas de Saint-Christophe que Ton dut le rapporter? Les An- 
glais avaient eu la précaution, ne croyant pas Nièves atta- 

m 

quable, de faire passer leurs richesses dans cette petite lie 
très bien défendue, leur refuge ordinaire... Nièves eçt donc 
Fendroit sensible, celui quUl faut atteindre pour faire re- 
gretter amèrement à Tennemi ses déprédations à notre * 
égard. Là se retrouveront les* dépouilles de nos colonies 
ravagées par les deux Godrington. L'escadre commandée 
par dlberville, qui vient d'arriver & la Martinique, va se 

GOU^ART (250) 88 



\ 



1 



I 

w 






^&i. IfRANCOlS OR (SoLLÀRf 

joindre à celle de Ghavagoac, et» réunis à Nièves, à la t6te 
de onze cents Martiniiguais, les 4^ux commandants vont 
ruiner, pour une assez longue période^ le commerce des 
Anglais aux Antilles* 



• a 



XIV 



Pour une raison que Ton comprendra, nous n*avons pas à : 
détailler l'expédition de Nièves, comme nous Tayons fait 
pour celle de Saint-Christophe. 

Les Anglais ne se défendirent pas* L'action simultanée des 
deux escadres les trouva démoralisés. Ils se rendirent à dis- 
crétion. Jamais succès plus productif ne fut acheté moins 
cher... 

Dlberville arrive à la Martinique le 7 mars. Les deux es- 
cadres mettent à la voile pour la Guadeloupe le 26. Elles 
prennent en passant dans cette lie un appoint de 50 volon- 
taires commandés par le capitaine de Bragelogne et re- 
partent le 31, composées de 12 vaisseaux de guerre, 2 flûtes 
et 21 barques. Ghavagnac et dlberville arrivent à Nièves 
le 2 avriLLes Anglais capitulent le 4 et, presque tout de suite, 
le lieutenant de vaisseau de Nangis, commandant le LudUaw^ 
est détaché de la flotte» avec ordre de porter en France la nou- 
velle de cette capitulation. • . Laissons-le arriver; . • La Gazette 
de France qui va publier son récit nous permettra d'ajouter 
quelques détails à la brève mention que nous venons de faire. 

Le 26 avril, les deux escadres chargées de butin étaient de 
retour à la Martinique. Ce que l'on saura bientôt donne à 
penser qu'elles furent obligées de retourner à Nièves. . . 

Le 12 mai, M. l'Intendant général Arnoul de Vaucresson ' 
(installé le 12 mars au Fort-Royal, en remplacement de 
M. Robert) écrit au ministre : 

* Amolli (Nioolas-AànçoU)* chevalier, sûgneiir de Vaaoreeton, oonmie^ 
•aire de la marine^ mort à Marseille le t mam I7M. 



R LA HARTimQUI SES 

• ...Japrollted* cette oceulon pour TonipftitodviitnrCiriait, 
colonel dei mlUoee de Im MartlDlqoe, et da tieor du Boeq, o^ltkliM 
du grenadlen, qui étoient à 1» première expMltioo hlte à Saint- 
Christophe pu II. de ChaTajiiiM, oh ils la wnt dltUngnét «tm 
tonte la eondaite et U Tftiear qo'on pooToit eonhalter. Ili deroient 
mime eitre de cette dernière (celle de Nièvei} ^ant demuidA i j 
ktler. Hiii M. le gAn&ral (de Utclwalt} Toolnt m 1m oonterrer, en 
sorte qaa cet deux sujets estant tonjoars prêts d'aller aux ennemi^ 
J'ay cru doTolr représenter qalloonTlendroit de leor donner qaelqiu 
marque de distinction, en les honorant de la croix de Sslnt-Loois. 
Cela aagnenteiolt lear sèle et Iniptreroit anz antres l'amonr da 
serTioe, ce que l'on doit désirer dans w pala-cj, oh les si|}eta é» 
oette nature ne laissent pas d'estre rarei. > 

Bvidemmeat M. de Vaucresson, oonveaudans la colonie, 
n'avait adressé cette proposition au ministre que par l'ôrdrtt 
de M. de Macbault. Coltart méritait certes la croix de 8alafr> 
Louis. Mais le Gouverneur général savait que le colood 
prierait un autre avantage à cette distinction. Il l^s^t 
donc M. de Vaucresson proposer la croix pour Collart (ce ' 
qui ne tirait pas h conséquence) et s'était chargé lui-mdmô 
de pousser^pour l'autre faveur. La recommandation 'du Qon- 
^ verneur général primait toujours celle de l'Intendant. M. de 
Machault avait agi en bon tacUden. 

C'est ici le moment d'expliquer ce à quoi nous avions déjà 
fait allusion. Il faut pour cela nous reporter à l'année 1670, au 
moment où Collart s'était rencontré en France avec la mère, 

La mort prématurée de son père — ' décédé en voyage en. 
1078, sur le navire qui l'amenait & Nantes — av^t laissé 
ignorer à François de Collart les origines de sa famille pa- 
ternelle en Lorreùne et en Picardie. Il était mineur. U allait 
retourner & la Martinique. Un titre lui était nécessaire pour 
Jouir de ses droits dans la colonie. 

Madeleine de Bremond, sa mère et tutrice, se fondant sur 
la qualité d'écuyer que portait feu Claude de Collart, son 
mari, dans leur contrat de mariage et autres actes privéti 
avait fait exposer fc la cour la situation nobiliaire de sou dis 
— en même temps que la sienne. ... 



- • ' \ . .. - . 

200 FRÀNÇOU Dl COLLART 

• 

Par lettres patentes signées à Saint-Oermain-en-Laye le 
id août 1679, (contresignées Golbert), le Roi — « voulant, 
disent ces lettres, traiter favorablement l'exposante, recon- 
noistre la constance et le courage qu'elle et son deffunct mary 
ont eus de demeurer pendant un si long temps en nostre 
dite isle de la Martinique, pour, suivant notre dessein, peu- 
pler et cultiver et faire cultiver la dite isle, luy donner 
moyen d'élever avec honneur son dit fils et à elle occasion 
de continuer sa demeure en la dite isle, en jouissant du pri- 
vilège de noblesse 9, — avait invité le Conseil souverain de 
la Martinique à tenir compte des pièces qui lui seraient pré«^ 
sentées par M** de Gollart 

. Mais, si bienveillant qi^'il fût dans la forme, ce document 
n'était au fond qu'un titre royal de recommandation, adressé 
au dit Conseil. 

Ce titre^ pris d'abord en considération, ne suffit pas en 
définitive pour l'enregistrement qui fut plus tard exigé h 
la Martinique. François, bien que réputé gentilhomme*, fut 
donc obligé de solliciter, des lettres de noblesse coloniales 
par l'intermédiaire du Gouverneur général des Antilles. 

Voici en quels termes M. de Machault voulut bien s'ex* 

primer en écrivant au ministre : 

* • " 

c 19 Juillet 1703. Le sieur Collart. monseigneur^ capitaine d'une 
compagnie de cavalerie de milice, distingué par ses bonnes actions' 
et par la manière noble dont il vit, vous supplie très humblement 
de luy fkire accorder, par Sa Majesté, des lettres de noblesse. 
Par le détail des occasions oii il s'est trouvé, vous voirez, moa*« 
seigneur, qu'il mérite bien que vous luy procuriez llionneur 
qu*il vous demande. M. Cabaret, qui le connoist depuis longtemps, 
m'a rendu bon témoignage de luy, et, par ce qu'il m'a paru, il est 
fort zélé pour le service du roy. Il prend grand soin de sa compagnie. 
Dans la dernière action de la Guadeloupe, où il estoit. il a eu des 
détachements dans lesquels il a parfaitement bien servy . Il a épousé 

* 

* Cela Mi prouTé notammenl par une lettre de M. l^ntendant général de 
Ooimpj^ en date du 1** |D#i 1639, ^rite au mipistre après la prite d^ Sain^ 
Snataebf. . .^N 



\ 



/ 



. n LA. HA&fimoin SOt 

UflUedflfeaU. à» Salnto-lltrUie, gaarantuu de ^Ibrtiiilqa^ 
dont IM d»ax «kdcttM ont épooaé lOi. A» PnuUnM et d« I» Roche-' 
Qo^on, oapitatnei d« oompegniei fruichei de U nurlne. ■ 

« DisUagaé par ses bonnes actions et par la manière noble 
dont il vit ». M. de Machaalt ne pouvait mieux dire. Toute- 
fois cette lettre étant restée sans réponse, apparemment fc 
cause de l'état de guerre, M. de Macbault réilén le SO jaia 
1704 ! ' ■ 

« Si TOQi eognoUalez. monsrigDeor, I» râleur da sieor de CoIUrt, 
son itle pour le terriee da roy, set bonnes actions distingaâes et 
U manière noble dont il rit, tous ntiWteries pu on moment-h 
luj fUre accordar les lettres de noblesse qali demande. ■ 

Qaelqae pressantes — éloquentes, oserons-nous dire -^ 
que fussent ces deux missives — modèle du style épistolaire 
officiel de l'époque^ d'inférieur & supérieur — il fallut pa- 
tienter encore... 

Arriva l'expédition de Saint-Cbristophe. On a vu comment 
le comte de Ghavagnac s'était empressé de signaler k la cour . 
^la valeur que notre héros et Jean du Buq avuent déployée 
dans cette campagne. 

Encouragé par M. de Machault, Collart fit luinpéme appel 
à l'attention de M. Jérdme de Pontcbartraîn par une lettre' 
qui n'a pas été conservée. 

Enfin le ministre lui adressa la dépSche suivante, qui vint 
couronner l'œuvre de cette intéressante corresponilanoe : 

- An sieur Collard, colonel 'âe mlUoeàla Uartlniqaê. A Ver- 
8ames,le9JaInl700. , 

c J'ai recn votre lettre du SS mars dernier. J'ai esté informé par 
H. de Chavagnac de la condnite pleine de zèle et de fbrmeté qae 
Toui avez tenue dans l'expédition de Saint-Christophe, et J'avols 
dé^jhde bons témoignages de toos. Sar le compte que J'en ayrendn 
au roj. Sa Majesté a bleu voulu vous accorder les lettres de no- 
blesse que TOUS demandez — ce qui n'est pas une gr&ce médiocre 
dans quelque conjecture que ce soit, mais sqrtoqt dans oelle-ey, ob . 



262 



yRAMÇOIS Dl OOLLARf 



on n'en a pai Ikit une albire dy finanoeV Vous m^enroj&tez en r&r 
ponse un mémoire de vos services, avec le blason des armes qa*U 
TOUS oonyient de prendre.et chargerez quelqu'un à Paris de suivre 
ce qull y aura k ftdre sur ce ire^eL » 



Enti*e la date de cette notification et celle de rexpéditiôn 
du titre 9 quinze mois^ se passèrent Les nouvelles lettres 
patentes furent signées à Fontainebleau» par le Roi, en 
septembre 1707, et contresignées Phelypeauxparle ministre*. 

D*après leur texte, que nous avons sous les yeux, le colonel 
les obtint en considération des services exceptionnels par lui 
rendus en temps de guerre aux colonies. 

Sur le contenu desdites lettres, très développé et des plus 
honorables, en ce qu^il détaille et fait ressortir lesdits ser* 
vices, sans en négliger aucun, on peut affirmer que François 
de GoUart — tout en possédant originairement la noblesse -* 
avait bien mérité de l'obtenir pour lui-môme et pour « ses 
enfans et postérité, nez et à naistre en légitime mariage ». 

Au lieu de charger quelqu'un de son attaire, comme le lui 
avait dit le ministre, GoUart s'était rendu en France pour 
recevoir le royal parchemin dans les bureaux du ministère 
de la marine. Puis, de Versailles, il était allé chez d'Hozier. 
Par un acte daté de Paris^ 1** octobre 1707, le garde de 
l'Armoriai général de France lui régla ses armoiries « à' 
l'avenir ». Gollart adopta, par. substitution aux armes de ses 
ascendants paternels, celles de sa mère, dernière héritière 
des Bremond de Bossée : « On écu d'azur à une aigle à' 
deux tètes d'or, le vol abaissé ; cet écu timbré d'un casque 
de profil, orné de ses lambrequins d'or et d'azur. » 

Ces lettres patentes furent enregistrées au Parlement le 



• Personne n^ignore qna rextrême détresse de l*EUt. pendant la guerre 
de la snecession d^Espagns» rayait rédait à taxer chèrement jusqa*aaz 
lettres de noblesse, hormis celles données pour sernces exceptionnels. 

* Jérôme de Pontchartrain signait : Phelypeanx, son nom patronymique, 
pour se distinguer de son père, qui existait encQre. Le comte Louis de Pont- 
chartrain est mort en 1727, k 85 ans. 



> fct LA WARTlMlQtM 3éi 

12 décembre 1707 et, suivant ordre de la.coiir» aa Conseil 

souverain de la Martinique, le 4 septembre 1708; i 

Ce n^est pas sans raison que nous avons donné ces détails. ' 

Nous devions montrer de combien de formalités s'entourait 
l'enregistrement des titres nobiliaires aux colonies, et sur- ^ 
tout quels services éclatants il fallait avoir rendus pour les 
obtenir. 

Ajoutons, pour surcroît de renseignements, que toutes les . 
pièces dont il vient d'être parlé furent détruites dans Tin- 
cendie de Tbabitation CoUart au siège de la Martinique par 
Içs Anglais en 1762, et qu'il a fallu de grands soins de ' 
recberches pour en reconstituer le dossier complet sur les 
m i utes conservées dans les diverses archives de la Métropole. 



XV 



. Que le lecteur veuille bien nous pardonner d*avoir un 
moment interrompu le récit pour aborder ce €Ôté spécial de 
notre sujet. . • 

Nous avons laissé le Ludlow quittant Nièves avec la mission 
d*aller faire connaître en France la capitulation des Anglais.' 
Le mieux que nous puissions faire pour rendre compte des 
nouvelles dont le chevalier de Nangis était porteur, est de 
reproduire ici Tarticle rédigé dans les bureaux du ministère 
pour être inséré dans la Gazette de France* 

Il y est parlé de Collart et de du Buq. Les deux expéditioûs 
y sont avantageusement résumées. On ne saurait trop insister' 
sur ces faits séculaires, qui prouvent combien nos colonies 
des Antilles ont eu part, sous Louis XTV, à la gloire comme 
aux souffrances de^la nation. ■ ^ 

Collart et du Buq n'assistèrent pas à Taffaire de Nièves» 
dont la Martinique tira un immense profit La fortune aurait 
pu les favoriser davantage. M. de Machault en les retenant 



I i 

I 

( 



â64 ^HANCO» DB GOLLARf 

• , — ■ 

près de lui, pour s'assurer deux solides défenseurs et! 
l'absence de tant d'officiers, les priva des bénéfices de cette 
campagne. Ils purent donc se dire : tout pour Thonneur I 

m 

t 

« 22 mai 1706. Le 16 de ce mois le chevaUer de Nangis, lieutenant 
de vaisseau du roy, venant des isles de rAmériquet est arrivé à 
Marly et a rapporté les nouvelles suivantes : : 

« L'escadre des vaisseaux du roy, commandée par le comte de 
Chavagnac, capitaine de vaisseau, fit descente le 21 février dernier 
dans risle de Saint-Christophe, occupée par les Anglois, qu'elle piUa 
et ravagea, nonobstant Topposition des troupes et des habitans dui 
pays, jusqu'au 2 mars suivant, que cette escadre revint mouiUer à 
la Guadeloupe. La perte que les ennemis y ont faite est estimée 
plus de trois millions, sans compter trente canons qu'ils y ont perdu; 
On assure qu'il leur Dpiut plus de dix années pour se rétablir en Tes* 
tat qu'ils estoient avant la descente. Nous n'avons eu en cette 
^ occasion que 11 ou 15 hommes tant tués que blesses, du nombre 

desquels sont le s^ de la Perrière, enseigne de vaisseau, tué, et le 
gr de Joyeux, autre enseignot et le sieur de Lescouétte, garde- 
marine, blessez de coups de mousquet. 

« Le dit 8' de Chavagnac avoit pris à la Martinique un détache* 
ment des troupes commandé par le s' du Parquet, lieutenant dé 
Voy, et des milices, conduit par les s" CoUart et Dubucq, de la valeur 
et de la discipline desqueUes il se loue beaucoup, et 5 à 6Û0 flibus- 
tiers qui ont agi avec leur vigueur ordinaire. 

« Cette expédition, qui- n'avoit été projetée par le comte de Cha- 
vagnac qu'en attendant la Jonction d'une autre escadre que le roy 
envoyait en Amérique sous le commandement du s' dlberviiie, a 
esté suivie d'une entreprise plus considérable et encore plusHom- 
mageable aux ennemis* 

« Le s' d'Ibenrille, capitaine des vaisseaux du roy, qui estoit 
- arrivé avec son escadre à la Martinique dès le ?• de mars, ayant 
Joint celle du comte de Chavagnac et embarqué avec lui 1100 ha- 
bitans de la Martinique ou flibustiers, descendit la nuit du l*' an 
2 d'avril à llsle de Niesves, l'une des meiUeures que les Anglois 
i aient dans l'Amérique. Il chassa d*abord les ennemis des pestas 

avantageux qu'ils ocoupoient et les contraignit d'abandonner le fort 
dela,P6inte, où ils s'estoient retirez avec une bonne partie de leur 
\ I artillerie. U y fit entrer aussytost 200 habitans et on s'empara en' 

même temps de 22 b&timens anglois qui estoient à l'anchre sous ioe' 

h 



i 



II 



1 



\ 



. I 



XT LA MARTINIQUI 



fort. Cependant les ennemis s'etUnt retranchét le 4* d*aTrli daa^ on 
réduit dont les ayennes estoient presque impraticables et oà ils 
auraient pu Didre une lon^e résistance, le r d*Iberidlle prit la 
résolution de les j aller forcer et s^arança en effet à la teste, dea 
troupes du roy. Cette démarche intimida les ennemis de sorte qu*Ua 
demandèrent à capituler^ et ils acceptèrent les articles qu*on Youlnt 
bien leur accorder. Les principaux furent que le commandant» les 
officiers, les soldats et tous les habitans, sans distinction d*ftge ni 
de sexe, serolent prisonniers de guerre et qu'on remettroit entre 
les mains des Français tous les nègres de llsle. On ne scait point 
précisément à quoy se monte le butin. Mais on y compte plus de 
quatre mille nègres et près de 30 navires armés en guerre et mar- 
chandtses* 

i Tous les officiers qui se sont trouyes à ces deux expéditions ont 
marqué tant de conduite et d*intrépidité qu*on ne peut leur donner 
trop de louanges, et ces deux actions ne coûtent pas cinquante 
hommes au roy, > 

Au dos est écrit : c Pour la Oaxette. » 



! 



Il serait superflu de s'arrêter à reclifler quelques erreurs 
de détail glissées dans la rédaction de cet extrait. L'ensambld 
est exact ' " . 

On trouve du reste cette mention dans la table analytique, 
de la Gazette de France — dont les trois petits volumes sont 
dans toutes les bibliothèques — 22 mai 1706 (N* 21, p. 251) : 
« Le sieur Gollart commande un détachement aux Antilles et 
se distingue dans une expédition contre Tisle Saint-Gbris- 
fophe, le 21 février 1706. » 

D'autre part, pour le même fait, l'auteur ^^s nBommee 
illustres de la Marine française », Graincourt (1780), men- 
tionne, page 183 : i Messieurs Duparquet et Gollart, de la 
Martinique, débarquent en 1706 à Saint-Ghristophe avec 400 
hommes.*** » - ^ . 

On voit que notre héros, illustre aux Antilles, n'était pas 
tout à fait un inconnu pour la mère-patrie» 



Gollart (250) 



U 



J 



200 



FRANÇOIS DB GOLULBT 



• - ; 



XVI 



François de Ciollart profita de son voyage en France pour 
régler quelques affaires privées. On voit par des papiers 
relatifs à la succession de son . beau-frère (déjà cité)^ 
François-Maximilien de Sainte-Marthe, attaché à la maison 
enseignante de TOratoire, mort à Paris le 29 janvier 1707, que le 
colonel s'étaitlogé « à VHÔiel de Saumur, rue de* la Harpe, 
paroisse Saint-Séverin ». Collart s'y trouvait encore (pour 
préciser une date) le 10 octobre 1707. Il résulte desdits papiers _ 
que sa belle-mère. M"** veuve de • Sainte-Marthe, habitant la 
Martinique, Tavait chargéde recouvrer des fonds à rOratoire\ 
à Paris, puis chez des négociants à la Rochelle et à Nantes, 
où il dut se rendre pour cet objet Sa descente à Paris à 
^VHÔiel de Saumur 9 fait supposer, non sans raison, .qu'il 
avait séjourné dans cette dernière ville, où il était à portée 
de communiquer facilement, par la «Loire, avec la Chapelle- 
Blanche et Restigné, pays de sa oSère. Ses propriétés rurales 
ont dû l'y attirer souvent pendant le séjour quYl fit en France.- 
Nous n'avons pu d'ailleurs fixer l'époque à laquelle les terres 
d'Auchamp, du Mosey, de Vaux, de la Moinerie, ' cessèrent 
d'appartenir à la famille. Vraisemblablement le voyage de 
Ciollart ne fut pas étranger à cette affaûre. ^out^rengageait 
à reporter en entier ses intérêts à la Martinique^ où sa for- 
tune était consi'dérable. Ses brillants services aux Antilles, 
sîBi nombreuse parenté dans la colonie, le tenaient attaché au 
sol américain par des liens autrement étroits que ceux qu'il 
pouvait avoir encore en Franco... 

Avant d'arriver au récit de la troisième série de repré- 
sailles, entreprise par Louis XIV contre les possessions 



* L*égliM de rOratoire, ru« Saint-Honoré, Mi deTenne, comiiM pu tait, 
après ht RéTolntion, un temple protestant, qui existe encore. Le P. Abel- 
Lonis de Sainte-Marthe (1621-1697), général de eette congrégation jnsqn'en 
1696, j avait fait entrer le P. Maximilien, qne l'on dit « son proche parent ». 
Nous avons recherché cette parenté. Elle existait an septième dsgfé. 



BT LA MARTnnQUB. 207 

anglaises et hoUandaises en Amérique, nous deroos f^re 
connaître ud nouveau changement de gouverneur. _' 

• M. de Machault, malade & la Qn de 1708, avait demandé 
son remplacement. La mort le surprit le 7 janvier 1709. D 
avait dépassé de beaucoup la soixantaine. Sa nomination de . 
capitaine de vaisseau remontait au 1" mars 1873 ; celle de 
chevalier de Saint-Louis, au 1" février 1004. Pendant les six 
années que M. de Machault était resté Houverneur général, 
il avait donné tant de marques de bienveillance au colonel 
que celui-ci dut vivement regretter sa perte Mais une mort 
plus sensible vint frapper Gollart k un mois.de )& : celle de 
sa femme à l'&ge de tronte-huit ans. Que de soucis avaient 
abrégé l'existence de cette courageuse mère de familial 
Chaque fois que son mari partait en expédition, sa crainte de 
ne pas le revoir n'était que trop justifiée par l'ardeur qu'il 

; mettait à montrer le bon exemple. Cependant k travers tant 
de combats à Sainl-Eustache, où it avait été blessé, & Saint- 

. Christophe, à la Guadeloupe et 4 la Martinique, la Provi- 
dence le lui avait conservé poar la gloire do son nom et le 
bien de sa famille. 

Une consolation restait au colonel : M"* de Sainte-Marthe, . 
alors ftgée de soixante-dix ans, survécut à sa fille neuf ans 
encore. Elle avait été elle-mdme bien éprouvée. La mort lui 
avait ravi cinq grands enfants. 1677, 1690, 1707, 1708, 1709 
étaient pour M"* de Sainte-Marthe de tristes années. Rien 
n'est plus cruel que de voir descendre dans la tombe de 
chères personnes que l'on devait y précéder. Mais il faudrait 
anticiper pour dire ici quelles peines l'avenir réservait encore 
& cette Edeule.... 

A la mort de M. de Machault, Cabaret avait pris l'intérim. 
Il le conserve deux ans, jusqu'à l'arrivée de M. de Pbely- 
peaux, nommé Gouverneur général le 1" Janvier 1709. Ce 
haut fonctionnaire ne partit de Brest, sur le'vaisseau du Roi 
l'Elisabeth, que vers la fin de l'année 1710. II parvint k la . 
Martinique le 22 décembre et ne s'installa au Fort-Royal qne 
le 2 janvier 1711. 



288 FRANÇOIS DB OOLLART 

Cétaijt la première fois que la Martinique avait pour gou- 
verneur un aussi grand personnage, n'appartenant d'ailleurs 
à aucun titre au département de fa marine' • Dans ses* 
mém6ires le duc de Saint-Simon (1075-1755) parle de cette 
nomination. La manière dont il dépeint le nouveau Gouver- 
neur général des Antilles est curieuse. 

« Phelypeaux était un homme très extraordinaire, f|,vec infiniment 
d'esprit, de lecture, d'éloquence et de grftce naturelle» fort bien fait, 
point marié, qui n'avait rien, avare quand il pouvait, mais hono- 
rable et ambitieux, qui n'ignorait pas qui il était, mais qui s'écha- 
faudait sur son mérite et sur le ministère ; poli, fort l'air du monde 
et d'excellente compagnie, mais particulièrement avec beaucoup 
d'humeur, et un goût exquis en bonne chère, en meubles et en tout. » 

Ce que Saint-Simon ajoute à ce portrait est trop inté- 
ressant au point de vue historique pour ne pas fixer un 
moment notre attention : 

c II était lieutenant-général, fort paresseux et plus propre aux 
emplois de cabinet qu'à la guerre. Il avait été auprès de l'électeur 
de Cologne, puis ambassadeur à Turin et (ort mal traité à la rupture, 
dont il donna une relation à son retour, également exacte, piquante 
et bien écrite. Il fut conseiller d*£tat d'épée à son retour. Mais, 
après cet écrit où M. de Savoie était cruellement traité, et ses 
propos, que Phelypeaux ne ménagea pas davantage, madame la 
duchesse de Bourgogne lui devint un f&cheux inconvénient, et M. de 
Savoie même après la paix. Il n'avait rien, et n'avait qu'un f^re, 
évéque de'Lodève, qui n'avait pas moins d'esprit que lui,.^ moinS~ 
de mœurs, chez lequel il alla vivre en Languedoc. Ils étaient cousins-* 
germains de Ch&teauneuf, secrétaire d'Etat, père de la Vrillière, 
qui, avec le chancelier Pontchartrain et son fils, trouva, moyen de 
renvoyer à la Martinique, général des îles, qui était alors devenu un 
emploi indépendant de plus de quarante mille livres de rentes, sans 
le tour du b&ton qu'il savait fkire valoir. • 



• n avait «a dans la marina déax coosint d« la branche dea Phelypeaux 
d'Herbani : Antoine-Prançoia, intendant général des armées navales, et 
Henri, capitaine de vajssean. Le premier moamt le 10 octobre 1704.de la 
blessnre qa*U avait reçue, an combat naval de Bialaga, où son fràre fat tné 
le n août 1704. , 



R LA MARTtiaQini 20B 

Quelques reoBeignements, puisés dans la généalogie des 
Phelypeauz, feront mieux comprendre ce passage. 

Raymond-Balthasar de Phelypeaux (1660-1713)» qui venait 
d'arriver aux Antilles, appartenait à la branche des sei* 
gneurs du Verger, de la célèbre famille de son nom. Il était le 
flls aîné d'Antoine de Phelypeaux, conseiller au Parlement^ 
mort en 1665, et de Marie de Villebois, dont le père avait une 
charge à la cour. De son aïeul paternel» Raymond de Phe- 
lypeaux (1560-1629), frère de Paul (1569-1621), auteur de la 
branche des comtes de Pontchartrain, le nouveau gouver- 
neur de la Martinique tenait une parenté, au septième degré, 
avec Jérôme de Pontchartrain, ministre de la marine, qui 
Tavait fait nommer. Par son oncle, Louis de Phelypeaux de 
la Vrillière (1598-1681), notre gouverneur étant cousin-ger- 
main de Balthasar de Phelypeaux, marquis de CShftteauneuf, 
mort en 1700, se trouvait parent, au cinquième - degré, de 
Louis de Phelypeaux de Ghftteauneuf, comte de Saint* 
Florentin, marquis de la Vrillière (1672-1725}. C'est de ce La 
Vrillière (flls de ministre, père et cousin de ministres) que 
parle Saint-Simon. 

On comfirend qu*avec de l'esprit, du savoir et une telle 
parenté, Phelypeaux aurait pu viser aux plus hauts emplois." 
En 1698, il fut nommé envoyé extraordinaire à Cologne ; en 
1700, ambassadeur à Turin. Là^ sa position devint délicate 
et difficile. Rappelons-en brièvement les circonstances. 

Le 30 mai 1696, le duc Victor-Amédéé — petit-flls de 
Christine de France, sœur de Louis XIII^ beau-père, Tannée 
suivante, du dauphin le duc de Bourgogne, et, en 1701, de 
Philippe V, roi d'Espagne — s'était Hé à la politique de Louis 
XIV par un traité secret, dont la Savoie devait tirer de grands 
avantages territoriaux. Au moment où le Roi ^ bien qu*il 
n'eût pas réalisé les conditions du traité — croyait ce lien 
des plus solides, Phelypeaux s*aperçut que le duc de Savoie* 
en vue de s'assurer les mêmes avantages vainement attenduSf 
complotait, avec l'empereur Léopold, un marché qui allait 



y 



270 



FRANÇOIB DK COLLART 



\ 



amener une rupture de la Savoie avec la France et consé- 
quemment avec TEspagne. 

Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse' de Bourgogne, dont 
Tesprit et la beauté dominaient à la cour de Versailles» avait, 
conservé pour son pays une inclination que l'impatiente 
ambition de son père pouvait rendre funeste à la France... 
Phelypeaux suivit cette intrigue, et, quoique sentant com- 
bien il était périlleux pour lui d'instruire Louis XIV des 
projets de Victor-Amédée, l'ambassadeur n'hésita pas à faire 
son devoir*. Le Roi, déjà mis en garde, eut peine encore à 
croire à tant d'ingratitude. Mais, quand Phelypeaux lui eut~ 
prouvé que les préliminaires du marché de l'empereur avec 
le duc de Savoie avaient été signés en janvier 1703, Louis 
ne pensa plus qu*à chercher les moyens de prévenir le coup 
qui allait le frapper au milieu d'une guerre si dangereuse 
pour la France. Un seul se présenta tout d'abord à son 
esprit comme pouvant 6tre immédiatemefat mis en œuvre. 
Louis avait dans son armée trois mille Savoyards. Il les fit 
arrêter et désarmer. Le duc de Savoie, se voyant découvert, 
fit saisir Tambassadeur de France à Turin et les Français 
qui se trouvaient dans ses Etats. La rupture était accomplie. 
Le mal suivit son cours... 

- • * 

Phelypeaux, mis en liberté, ne se gêna pas à Versailles 
pour exprimer publiquement son indignation contre Victor- 
Amédée. On conçoit combien la duchesse de Bourgogne eut 
à souffrir de ces propos qui pouvaient l'atteindre directement. 
Elle n'avait pas dû ignorer les projets de son père... 

Telle fut la cause, restée longtemps obscure, à laquelle la 
Martinique dut un gouverneur de si haut parage. On a parlé 
de disgrâce. Phelypeaux ne fut pas disgracié. Le Gouverne- 
ment général des Antilles lui fut offert en récompense du 
service rendu par lui. 

Rappeler un fait aussi honorable pour l'ancien ambassa- 

* Le grand Catinat, comaandant alors en Italie, aralt fait part à Louis 
XIV d'an soupçon à cet égard et, sur-le-ohamp, Catinat atait été remplacé. 



w 



BT lA MARTnaQUC 



271 



deur à Tarin, est donner à sa mémoire une marque de gra- 
titude que nous lui devions au nom de notre héros. Comme 
on le verra par la suite, M. de Phelypeaux accorda an 
colonel François de Gollart de grandes preuves de bien- 
veillance. 

Quant aux méchancetés de Saint-Simout bien connu pour 
ne ménager personne, elles sont de peu de poids. Rien ne 
prouve, par exemple, que Phelypeaux « savait fidre valoir le 
tour du b&ton ». Saint-Simon le dit pauvre. Gela s*aooorde 
mal avec ce dont il Taccuse. - • . 

Deux années se passèrent à la Martinique sans événements 
assez remarquables pour être signalés. Le seul à mentionner 
est la mort du brave Oabaret, vers le milice de Tannée iliU 
La nomination de Phelypeaux Tavait centriste. U espérait 
que le Gouvernement général des Antilles, laissé entre ses 
mains, par intérim, pendant deux ans, lui serait définitive- 
ment accordé. Retomber en sous-ordre, après ce laps de 
temgs, lui fut tellement sensible qu*il ne put se faire à 
l'autorité de Phelypeaux. Celui-ci ne ménagea pas asses ce 
bon serviteur. Entré avec lui en de graves contestations. Il 
le suspendit de son emploi de gouverneur particulier et 
informa le ministre de cette mesure.Le Roi, sans donner tort 
à Phelypeaux, nomma Gabaret gouverneur de Saint-Do- 
mingue. Il n'existait plus quand Tordre qui le nommait 
parvint à la Martinique... - n 

Les Antilles vont de nouveau se trouver le théâtre d'entre- 
prises guerrières. Le Roi de France supporte avec résigna» 
tien les suites malheureuses de la juste guerre provoquée 
par la Succession d'Espagne ; mais il sent bien que le mo- 
ment est venu d'atteindre encore une fois au loin ses ennemis 
afin de les décider à la paix, qu'ils ont le tort de ne pas 
désirer autant que lui. Par une mauvaise fortune dont nous 
souffrions depuis vingt ans, noire était la détresse du Trésor, 
^i la marine royale avait encore des vaisseaux, les moyens 
lui manquaient pour les mettre en. état de naviguer. Ce 



FRANÇOIS DS COLLAKt 

• 

n'était pas là une difâcolté insurmontable. En profitant da 
patriotisme de nos corsaires, du naturel désir de lucre de 
nos armateurs, on pouvait organiser une expédition à la fois 
redoutable et fructueuse. Le tout était de trouver, pour con- 
duire l'escadre que Louis XIV projetait d'envoyer aux 
Antilles, un homme d'expérience ^ entraînant, excellent 
marin» capable d'agir vite... On avait choisi Gassard, 

Préoccupés qu'ils étaient de nous accabler en Europe, nos 
ennemis laissaient leurs colonies presque sans défense. 
Nous pouvions les molester facilement : les Portugais, sur 
la route du nouveau monde, aux lies du Uap-Vert; les Anglais, 
dans la mer des Caraïbes, à Moptserrat, à Antigue, à Saint- 
Christophe^ à Nièves; les Hollandais, à Saint-Eustache, à 
Curaçao, et, sur la terre ferme, à Surinam, à Berbice, etc. 
Il s'agissait de les surprendre dans quelques-unes de ces 
possessions lointaines et de faire le plus de mal possible 
à leurs colonies. Triste rôle de la guerre ! 

Les derniers mois de 1711 offraient, il est vrai, aux propo- 
sitions de paix formulées par Louis XIV, une lueur d'espé- 
rance non entrevue jusqu'alors. La reine Anne, fatiguée pour 
TAnglelerre d'une lutte où la gloire d'un grand général qui 
l'inquiétait avait seule à gagner, semblait vouloir revenir à la 
raison. Mais, de ce que, sur sou initiative, le 29 janvier 1712^ les 
représentants des puissances intéressées avaient commencé 
d'examiner à Utrecht si la paix était faisable, il eûtjété pré- 
maturé de conclure que la guerre allait finir. La nécessité de 
peser sur cette disposition pacifique était pour nous évidente. 

L'urgence ne l'était pas moins. Il ne fallait pas exposer les 
négociants de Marseille, qui s'étaient décidés à faire les 
avances de l'armement, à perdre ces avances, dans le cas où 
la paix, signée trop tôt pour eux, viendrait à empêcher le 
départ de l'escadre. Cette préoccupation n'enchaîna pas leuTv 
zèle. Les trois premiers mois de 1712 furent patriotiquement 
employés à l'approvisionnement des vaisseaux prêtés par Iç 
Roi, ainsi qu'à réunir les équipages et les troupes qui devaient 
faire la campagne* 



n L* UARTOaQI» . S78 

xvn 

Noui n'apprendrons rien au lecteur eu dlBaot quo U gloire 
de Cassard fut éclatante au commencement da XVIII* ' 
siècle. Nd & Nantes en 1679, il Qt ses premières armes 
en 1097, k l'expédition flibustière de Gartagène d'Amériqoè, 
ob le cbef d'escadre, baron de Pointis, fit perdre plus de 
vingt millions & l'Espagne, en rapportant dix millions de 
valeurs d'or et d'argent h. ses armateurs. Jacques Cassard 
eut de ce magniflque buUn sa petite part qu'il avait bien 
gagnée, dit-on, en réglant le tir de mortiers avec le sflr coup 
d'œil d'un bombardier. L'apprenti marin, que l'on crut 
majeur sur sa bonne mine, fut fait, à vingt ans, capit^ae de 
navire marchand^ et, chose à remarquer pour notre sujet, 
son premier voyage sur le Laurier, de Nantes, armé guerre 
ot marchandises, se Ht à la Martinique, où nous allons le voir 
établir son quartier général. Nous n'avons pas&suivre Cassard 
& travers tous ses exploits. Avant sa campagne des Antilles, 
qui doit seule nous occuper, ses croisières du Saini-Guillàumet 
de la Duchesse- Anne, du Jersey, de YEclatant, etc., ont été, ' 
si l'on peut dire, des chefs-d'œuvre de l'art du corsaire. 
Intrépidité,, célérité^ science maritime, modération dans la 
victoire, tout s'y rencontre, jusqu'à cet esprit de « probilâ 
intacte • — un peu sauvage — qui plus tard concourut & faire - 
son malheur*. 

• Coninller, pour le détail complet de* hantï'nùti d« m gloriràx maria, 
U *i* dB • Jaoqdb* Cuiâu), Capitaine de vaitteau, 1879-1740 », pnUié* 
dam la Reotie hUtorigue de FOuett, par II. 8. d* la Nicollièrt-Taijûn», «t 
aniaita an ito rolnms de IBS p. ohei B. Lafolja, éditeur k Vanne*. ItM. —r 
La réoompenie qn'nn héroi doit le plni cnTÏer iei-bai d&na TaTenir art 
d'avoir un biitorien oonicieneieBz qni le mette pleinement en InmiéN. comme 
l'a fait ponr Caieard M. de la Nioollitre. Pereonae n'igniwe qna la grand 
nanlaii eut terriblement à Maffrir fc la &□ da la TÏe. Haie lî, dani 1« priaon 
de Ham, éclairé d'nn rajon mjitiqne, réTant k (et oampagnei, il put aotrevolr 
Mn image tcnlpiée comme elle l'ett anjoard'hoi, eon nom gravé enr le marbre 
et le bean livie qoi vient de raitanrer dignement *a ménioïM, JaoOTM 
CutÀiut, eoniolé de l'injutiee de wa tempe, dnt ee croire plue qne vengé. 
CoiXART (SSO) , * SS 



Zïi FRANÇOIS DB OOLLART 

GasBard, à qui ses précédents services avaient acquis la 
situation de lieutenant^de frégate, de capitaine armateur et 
les grades, dans la marine royale» de capitaine de brûlot, de 
cipitaine de frégate, reçut, pour la campagne, (elui de ca- 
pitaine de vaisseau, dont il eut en réalité la jouissance le 
25 novembre 1712. 

A la tête d'une escadre de six b&timents', portant trois 
cent huit canons et neuf cents hommes de troupes et d'é- 
quipages — à l'armement de laquelle il avait présidé lui- 
même de concert avec ses armateurs— Cassard met à la 
voile à Toulon le 29 mars 1712. 

Parvenu le 4 mai aux lies du Cap-Vcrt,.où, selon ses ordres, 
il avait à venger sur les Portugais les ritrocités commises par 
eux en 1710 sur des Français à Rio-Janeiro, Cassard descend 
à la Praia, ville et port de Tlle Santiago. Le gouverneur, 
sommé de se rendr-e, consent d'abord, au nom des habitants^ 
à une contribution de 60,000 piastres. Ceux-ci, refusant de 
combattre aussi bien que de payer (ils étaient pourtant de 
dix à douze.mille en comptant la troupe), le gouverneur, peu 
valeureux lui-même, leur montre le chemin de la fuite et se 
réfugie avec eux dans l'intérieur de Santiago. Cassard pa- 
tiente six longs jours. Il leur avait fait déclarer nettement 
ce à quoi s'exposait la colonie. Ne voyant rien paraître au 
bout du terme flxé^ le chef d^scadre ordonne le pillage, fait ^ 
brûler la ville, sauter la forteresse, crever quarante canons 
de fer, enlever dix-sept pièces de fonte, deux cents barils de 
poudre, les cloches et Quelques marckandises de peu de va- 
leur. Cinq grands navires, dont trois anglais et deux portu- 
gais* pris dans le port en y arrivant, sont chargés de butin, 
puis dirigés sur Cadix, où ils parviennent au commencement 
d*aoûL Toute l'escadre elle-même avait dû prendre sa charge 
du butin. Cette première affaire ne coûta la vie, de notre ^ 

côlé, qu'à un enseigne de vaisseau et deux soldats. 

\ 

* Les Taineans Neptune, Téméraire, Ruhis ; les frégaUt Méduse» 
ParfiOte, VeetaU. 



t 



BT L4 MARTINIQy» 275 

Le 14 mait Gassard quitte les lies dû Cap-Vert et se rend à 
Surinam. Le gros temps, et diverses circonstances inuUles 4 
rappeler, l'obligent à remettre Fattaque de cette colonie 
hollandaise à un moment plus favorable. L*escadre arrive à 
la Martinique le 1** Juillet 1712. .Comme nous Tavons dit, 
Cassard, connaissant déjà cette lie, se propose de faire à 
Saint-Pierre le quartier général de sa campagne. 11 se pré- 
sente à M. de Phelypeaux qui Taccueille avec empressement 
et lui donne toutes facilités pour renforcer son armée navale 
d*un corps d*é1ite de milices et de flibustiers, ainsi qu*avaient 
procédé en 1700 les commandants Chavagnac et dlberville. 

De vastes magasins sont rapidement disposés pour recevoir 

• 

les dépouilles de laPraia et celles des colonies étrangères 
que Ton ^projette de ravager* 

C'était vraiment un beau spectmcleque cette escadre, déjà 
riche des produite de sa descente à Santiago, dentelle n'avait 
cependant qu'une partie. Il était impossible que tous les 
braves gens habitués à ces sortes d'entreprises ne fussent 
pas de suite attirés par la présence de l'illustre Cassaird à la 
tdte de ses vaisseaux^ ' 

A peine lui laissa-t-on le temps d'aborder la question. 
Collart, du Buq et du Prey, qui lui étaient connus de réputa- 
tion, vinrent lui proposer leur concours et toute la colonie 
militante se disputa l'honneur de les suivre. . . 

Les conditions pour le partage des prisés et du butin 
bientôt réglées, il fallait déterminer par quelle colonie an- 
glaise on devait commencer la campagne. Cassard ayant 
peut-être décidé à cet égard> comme '^c'était son droit, ne 
voulut pas se prononcer sans avoir recueilli les avis de 
ses capitaines et ceux des principaux officiers de la colonie 
prenant part à là campagne. Il réunit un Conseil qui fut 
composé de quatorze personnes, dont voici les noms : 
MM. de Collart, du Buq, du Prey, et Lascaris de Jauna, re- 
présentant la colonie martiniquaise ; Maillet, des Hayes, le 
chevalier de Sabran-Bagnols, Castelet de Pérez, le baron de 



f * » 



276 FRANÇOIS DE OOLLART 

Moans de Grasse, de Sorgues, de BaDdevilIe de Saint-Périer, 
officiers de Tescadre ; Le Vasseur» commissaire de rescadre* 
Boisragues, major de l'escadre, et Cassard qui présidait. | 

Les avis sont rédigés et signés par chacun sur un procès- 
verbal, dont, par parenthèse, nous n'avons qu*un extrait 
non daté. Les sentiments sont exprimés et motivés briève- 
ment. Deux points surtout sont.examinés : doit-on attaquer 
Antigue ou Montserrat, voisines l'une de l'autre ? La très 
grande majorité, y compris GassardT, se prononce pour 
Antigue, bien que cette île ait en rade foraine deux vaisseaux 
de guerre anglais de 40 canons. Ce qui préoccupe la pfu- 
part des membres du Conseil^ au sujet d'Antigue, est de 
savoir si, avec le concours de la Martinique et de la Guade- 
loupe, on pourra réunir sur l'escadre au moins deux mille 
combattants. Or la Martinique seule ayant fourni ses milices 
et ses flibustiers pour cette expédition, le susdit chiffre ne 
dut pas être atteint 

Maintenant il y a tout lieu de penser, d'après ce qui advint, 
que cette réunion du Conseil ne fut, pour le chef d^escadre, 
qu'une ruse de guerre. Cassard savait bien que la surprise 
est la première condition de réussite eu ces sortes d'affaires, 
n devait croire impossible de cacher le secret d'une délibé- 
ration qui réunissait quatorze membres, dont quatre Marti- 
niquais devant commandenà plusieurs centaines de milices 
et de flibustiers embarqués sur l'escadre. Certes on pouvait 
ne pas dire après la séance : « Nous irons attaquer Antigue. » 
Mais donner le change aux espions que l'ennemi entretenait 
dans la colonie rendait cette communication plus utile que 
nuisible. Que l'on veuille bien se rappeler les précautions 
prises en 1689 par de Blénac pour Tattaque de Saint* 
Eustache', dont lui seul avait le secret ! Là, silence absolu ; 
ici, nulle précaution apparente ; on délibère, et, quelques 
jours après, l'escadre, accompagnée d'un certain nombre de 
petits bfttiments,^ appareille sans mystère pour Antigue. Mais 
alors, qu'arrive-t-il ? Le rusé Cassard, parti pour Antigue, 



BT LA 



86 jette sar Montserrat, « la prend» la détruit» fait saater lea 
fortifications, brûle entièrement la campagne », et revient à 
la Martiniqae. Avec deux moyens différents, le môme but 
est atteint. . . Il y avait un réel intérêt à surprendre Tennemi : 
ne pas lui laisser le temps de se reconnaître et de cacher 
ses richesses. 

On a raconté qu'aussitôt l'affaire de Montserrat terminée 
et le butin déposé à la Martinique, Gassard, se retournant 
vers Antigue, lui fit subir le môme sort. Trois documents 
prouvent le contraire : une lettre de GoUart au ministre 
(18 mars 1713) , une lettre de M. de Phelypeaux (21 mai 
1713)*, un mémoire imprimé^ rédigé pour Gassard et pré- 
senté au Conseil de Marine avant le 25 juin 1710. Dans ces 
trois documents, où chaque fait principal de la campagne des 
Antilles est mentionné, le nom d'Antigue ne figure môme 
pas. Nous nous sommes assuré d'ailleurs que cette prétendue 
expédition est demeurée .à l'état de projet 

Quant à celle de Montserrat, la détailler est difficile en 
l'absence d'un rapport officiel. Si Gassard en fit un spécial, 
on dut avoir quelque raison pour le supprimer. La suspen- 
sion d'armes, particulière entre la France et l'Angleterre, 
fut convenue (17-10 juillet 1712) juste au moment de la des- 
cente à Montserrat. Louis XIV, assure-t«on, fut contrarié, ou 
plutôt feignit d'ôtre contrarié de celle affaire et fit exprimer 
le regret qu'elle ait eu lieu. Larmes de crocodile I N'était-ce 
pas lui qui avait fait écrire, le 12 février 1712, à Gassard« 
« pour lui seul » : 

€ L*intention du Roy est qu'il exerce,"par représailles, tous les 
actes d'hostilités possibles sur les colonies ennemies, qu*il en fusa 
sauter, avec des mines, les travaux et fortifications, maisons, ma- 
gasins et tous autres bâtiments sans exception ; 'qu*U brûle les 
cannes de sucre et autres plantes en campagne ; qu*il fiune génè* 
ralement tous les dég&ts pratiquabies dans une terre que Fon veut 
dévaster.» 

' On let verrm plosloia. 



S 






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I 

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fi 

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I *i 



27S ' PRANQOIS De QOhLktCt 

Après cela, le regret peut venir d*un sentiment diploinar 
tique bien'entendu, mais peu sincère. ' 

Observons que, dans cette lettre de' Pontchartrain, il n'est 
question ni de contribution, ni de rançon, ni de bulin^ ni de 
pillage. « Dévaster », voilà le dernier mot, celui qui résume 
tout. Si les armateurs avaient eu connaissance de ladite 
lettre — eux dont Tunique profit était basé sur tout ce qui n'y 
figurait pas — ils auraient protesté sur-le-champ, comme ils 
le firent plus tard, contre cette étrange campagne entreprise 
à leurs frais. Rendons cette justice à Cassard qu'il fit tout 
pour satisfaire le Roi et ses armateurs. Amener à contribu- 
tion ou ravager fut en- effet sa règle, selon les circonstances. 

D'aprèi ce que nous venons de dire^ on est donc obligé, 
pour s'éclairer sur l'affaire de Montserrat, de recourir à des 
sources de moindre valeur qu'un rapport officiel. 

w m 

Nous avons, en premier lieu, une correspondance anglaise,' 
insérée au Mercure historique (t. 53, octobre 1712, p. 463) et 
citée par M. de la Nicollière (p. 85 note). 

Plusieurs navires marchands, partis de Saint-Ghistophe le 
30 juillet 1712, arrivés le 20 septembre a Liverppol, rappor- 
tèrent que m le sieur Cassard » fit sa descente à Montsei*rat 

■ 

le 16 juillet, dans la baie de Corne, et s'empara de l'Ile 
« excepté du fort de Dedan, situé sur une montagne inacces- 
sible, où la plupart des habitans s'étoient retirés... Les 
François ont ensuite entièrement ruiné cette isle et brûlé 
tous- les vaisseaux qui s'y trouvoient. . • excepté le Spesdwel, 
vaisseau de S. M., commandé par le capitaine Moulton, oui, 
à la vue des ennemis, coupa son câble et eut le bonheur de 
se sauver à Nevis (Nièves)» où il donna l'avis ci-dessus aux 
capitaines marchands. .. Les François avoient resté dix 
jours maîtres de Montserrat, après quoi ils avoient fait 
voile avec leur butin vers le nord, ce qui donnoit beaucoup 
d'inquiétude aux habitans des trois autres isles Antilles, 
savoir : Antigoa, Nevis et Christophe, où Ton travailloit à 
mettre les meilleurs effets en sûreté et à se tenir en état de 
repousser Fennemi en cas d'attaque. » 



\ 



BT LA HAitTOngâ 279 

On voit dam la mdine correspoodaDM qoe Cassant s'était 
rendu ft Montserrat f avec 12 vaisseaux de guerre et3(t cha- ' 
loupes ». D'après ce que nous savons de la oompo^tioa de 
l'escadre, cela paraît exagéré. Mais si l'on veut bien sa waj^ 
peler que le commaudant Chavagnae partit de la Martinique 
pour Saint-Christophe en 1706 avec 31 voiles, dont 24 barques 
et2 navires marchands armas en guerre, on conviendra que* 
dans ces conditions, le chiffre de 42 voiles emmenées par 
Cassard, i Montserrat, n'a rien de surprenant. Les flibustiers 
de la Martinique, très industrieux, ont pu fournir au chef 
de l'escadre 6 navires marchands armés en guerre et 30 
barques, prises ici pour des chaloupes'. Ces petits bàtimenls 
étaient nécessaires pour emporter lebutin, sinon pour com- 
battre. Que de choses on pouvait loger dans les flancs arron- 
dis de^ces coques, à qui leur faible tirant d'eau permettait 
toute approche... 

N'eus avons, en second Heu, l'état des services de du Buq. 
qui prit une grande part & raffaire de Montserrat^ en'com- 
pagnie de François de Collart. dont la belle conduite est si- 
gnalée dans une lettre du Gouverneur général de Phelypeaux. 
H résulte de ces documents que les deux colonels martini- 
quais, & la tête de 320 miliciens et flibustiers, aidèrent glo- ~ 
rieusement Cassard è réduire Montserrat. L'endroit oïl les ' 
habitants avaient portée la hftte ce qu'ils avaient de meilleur 
fut découvert, pris et pillé. L'Ile fut dévastée suivant les in- ■ 
tentions du Roi. Le butin qu'on en tira— joint à celui recoîeilU 
à Saint-Christophe et à Nièves en 1706 — concourut i indem-. 
niser tes Martiniquais et 1^9 Guadeloupéens des pertes dont 
les tmupes de Codrington les avaient affligés en 1693 et en 
1703. On sait que nos flibustiers avaient une particulière ap- 
titude & dépouiller une colonie de tout ce qu'elle possédait de * 
transportable. Ils purent largement exercer leurs talents & 
Montserrat..Le butin y fut immense. 

* Pour aller à mi upUitioi», Im haUUaU At ao* llei ne m «Brr^al 
qv* A* turque! pontéti, jangMuit de 2i fc io toonekH et daiaauic*. 



-^1 



/ 



280 VRAMÇOM OB QOIXABT 



f . '. - . ._ xvni 



Les milices de la Martinique n'ayant pas assisté à l'expé- 
dition de Surinam et de Berbice, nous n'avons pas à la dé- 
tailler*. Cassard partit le 21 août de la Guadeloupe; rendez- 
vous de ses vaisseaux après avoir quitté la Martinique. 

Parvenue pour la seconde fois à Surinam, le 10 octobre 
1712, son escadre obligea celte colonie hollandaise à capi- 
tuler après dix jours de siège et de bombardement. Cette 
prise fit beaucoup d'honneur au grand Nantais. M. de Pont- 
chartrain en porta la nouvelle au Roi lé 4 février 1713, pen- 
dant qu'il soupait avec M** de Maintenon*. 

Berbice* attaquée par le baron de Moans, commandant 
la Méduse f ne se rendit pas , non plus sans résistance. La 
rançon de Surinam fut de quinze mille barriques de sucre 
payées 3,400 en espèces et le reste en marchandises d*Eu^ 
rope ; celle de Berbice, de « cens mille escus d'OUaode », 
payés en barriques de sucre, en nègres et en lettres de 
change*. 

L'escadre, ayant quitté Surinam le 6 décembre, était de 
retour à la Martinique le 25. On voit que Jacques Cassard, qui 
avait si bien ravagé Santiago et Mootserrat, se contenta 
d'assez belles rançons pour les deux établissements bataves 
,de Surinam et de Berbice*. Il agit de même à l'expédition de 
Curaçao* qui doit nous intéresser davantage. 

* Un certain nombre de flibnttienmartiniqnûe a toÎTi Caetard dana cette 
expédition. I)*après un compte liqnidé bien tard (en 1727), on Toit que la pari 
reTenant à cee flibnstiert, eur dee marchanditea Tendaèi, parue, en no« 
Tembre 1712, à Cartbagèneet à Porto-BeUo, partie plue tard en France,^ le 
montait à la somme de 26,934 franca. Leur fut-elle pajéeff Noue n*en aTona 
pat trouTé la prenve. . l 

* Rangeau — ciU par M. de la Meollière. 

* Ces rançons produisirent en argent l,41ft,4&0 france. 

^ Depuis 1814, Berbice fait partie de la Onjaae anglaise; 



À 



ET LA MARTINIQin 



281 



Le 90 décembre 1712, il y eot à la Mariinique à bord da. 
Neptune, qae montait Gassard, un « Conseil de guerre tenn« 
dit rintitulé du procès-verbal, pour sçavoir la situation de 
Tescadre, des troupes, et les mesures à prendre pour attaquer 
GorossolS où, suivant les derniers avis, il y a sept à huit cens 
hommes. M. Cassard demande les avis de ces messieurs 
(les ofBciers) et le renfort jugé nécessaire pour la réussite de 
cette entreprise. • , 

L'unanimité fut pour Tattaque à bref délai et la demande 
au Gouverneur général d*un renfort de cinq cents hommes 
environ. 

M» de Phelypeaux chargea encore une fois Collart de 
commander ce détachement et de réunir les volontaires de la 
Guadeloupe et de la Martinique qui voudraient participer à 
Tentreprise. GoUart fut bientôt en mesure de répondre au 
désir de Cassard. L*acte renfermant « les conventions^ et 
charte-partie » a été conservé en entier. Nous pouvons en 
donner un aperçu. Il a été rédigé chez maître Lemoyne, no-' 
taire, à la date du 11 janvier 1713. En voici le début : 

• 

€ Par devant le notaire royal en Tisle MarUnique, soussigné, 
furent présents, en personnes. Messieurs .Cassard, capitaine de 
vaisseau, commandant une escadre de vaisseaux du Roy, de présent 
en cette dite isle, en la rade de ce bourg Saini-Pierre, d*une part; 
et François Collart, escuyer, colonel d*nn régiment de milice de 
cette isle, stipulant 4n cette partie pour les autres officiers, habi- 
tans et flibustiers qui s'embarqueront avec luy pour'rexpédition 
entreprise par ledit sieur Cassard sur les Hollandais, ennemis de 
rBtat, d'autre pari. » 

Le premier article est relatif aux moyens de transport et 
aux vivres. Cassard fournira les vaisseaux de son escadre, 
« et autres qu*il conviendra, bien avitaillés de vivres du 
pays » ; le second règle la manière dont les prises et lé butin 
seront partagés : Collart fera « la répartition de ce qui luy 

- * Ancien nom da Caraçao. On prononçait antsi Carattol, qui difliro m<rfas 
da Téritablo nom* 

Cqilart (850) 



/ 



282 FRANQOM DB COLLART 

reviendra, auxdits flibustiers et habitaDS » ; le troisième a 
trait aux blessés» qui seront indemnisés «d*une Valeur de 
600 escus, et soignés par les chirurgiens de Tescadre «.— « A 
esté expressément convenu, dans le quatrième article, que 
tout ce qui pourra être pris et enlevé sera porté à Ta masse 
pour être partagé et qu'il n'y aura de pillage que ce qui est 
ordinairement accordé aux flibustiers des isles*. » ~ On lit 
dans les cinquième et sixième articles : « Toutes les attaques 
seront faites par les troupes, les habitans et flibustiers à 
proportion des forces, afln que les uns ne soient pas plus 
exposés que les autres. • — « Le sieur Collart roulera avec les 
officiers de la marine, suivant Tancienneté de leurs com- 
missions et conformément au règlement du Roy, pour ce qui 
regardera le commandement », etc.» etc. 

Cet acte, dont l'original se trouve aux archives de la Marine, 
est instructif en ce qu*îl montre que l'on procédait régulière- 
ment et avec tout le soin possible pour ces entreprises co- 
loniales, si communes alors aux Antilles... 

Gassard ne perdit pas un instant; les cçnveqtions avaient 
été signées le il, il partit de la Martinique le 13 janvier 1718. 
Six bateaux portant les volontaires martiniquais suivaient 
Tescadre : YAtalante^ la Mignonne, la Marianne^ le Dragon-, 
volant, la Thérèse, la Gaillarde, commandés, dans le môme 
ordre, par MM. de Ciollart^ colonel; du Prey, lieutenant- 
colonel; Bernier^ Bonfils, Hude et Bertrand. 

Gassard était le 15 à la Guadeloupe. Il y prit un Irenf ort 
d'une centaine de volontaires qui furent embarqués sur trois 
autres bateaux : le Saint -Antoine, le Vainqueur, le Guillaume, 
commandés, dans le même ordre, par MM. Testas, Gourtin et 
la Ferrandière. • 



Ce paragraphe indique qnlaprès renlèTemeiU par les tronpei dee maip- 
ehanditet et autree objets d*ane certaine Taleur, qui formaient le butin 
proprement dit, on permettait aux flibnitiers de procéder à une sorte de 
glanage de tout ce qui avait été négligé dans la première opération* Son- 
vent ce glanage, grâce à Thabileté, à la prestesse et aux conntissanoet 
particulières des flibustiers, valait mieux que la moisaoa* 



• ^'j 



/ 



CT LA lUKnNIQUI 288 

. L'escadre remit à t& voile le 22 et mouilla le 2S devant 111e 
hollandaise de Sainl-Euslache, que nous coonaissoDS déjà. 
Le gouverneur, sommé de se rendre, se rendit. Il fit savoir 
que, sur ta nouvelle de l'arrivée de l'escadre, les habitant*. 
s'étaient réfugiés ^ Saint-Thomas et dans les autres lies, 
avec leurs effets, et que l'on pouvait disposer de tout ce qui 
restait. 

Cassard Ht prendre les rafraîchissements nécessaires pour 
sap approvisionnement. Il embarqua trente quatre n^res et 
le gouverneur lui remit 13,6001., seule valeur d'ai^ent qui 
rest&t dans la colonie.'. '' 

Cassard reprit la mer et mit lecap'sur Curaçao*. Le corn* 
mencement de l'expédition fut loin d'être heureux. On débuta 
par un désastre. Le 6 février, en allant faire de l'eau i la 
Quayra*. le Neptune, de 60 canons, à une lieue environ de 
terre, toucha sur un banc non marqué sur les éartea, et qde le 
pilote ne connaissait pas. La mer était très grosse. Le vais- 
seau s'ouvrit. Tout ce que l'on put faire, en ce péril extrême^ 
fut de l'échouer à la câte de Caracas, au port de la Caraota, 
l'une des trois rivières qui traversent le territoire de cette 
ville. Les hommes, débarqués h grand'peine, parvinrent à 
sauver les mortiers, si précieux pour un siège. Le reste fut 
perdu, le vaisseau abandonné, « carcasse crevée et de l'eaà 
jusqu'au premier pont ». ,. - 

Caïsard fit distribuer son monde sur les autres navires él 
se transporta sur le Téméraire^ commandé parM. deBan- 
deville. Puis il remit trj^tement à la voile et mouilla le 
IS février en vue de Corossol. Là. toujours soigneux des 
formes, Cassard réunit un conseil composé des principaux 
ofDciers de l'escadre. I) voulait savoir l'impression qu'avait 
laissée daps l'esprit du personnel le naufrage du Neptune^, 

■ Prts de U oAta de V4ii<iaeU à 10 Ufseï N.>B. de U tem feroie. L'Ue d« 
Cnncao »t plu* longue que large, tT lienestnr t. Elle» Mplbaie* aos- 
ptH FIje, Skinta-Barbe, Krabraye, Peecadlr*. Saint-Hioliel, SaiBt»-llaria. 
•t SBiBtê-Cnû. 

■ Petit lena inr U eôu <U VlaintU. 



, X 



r 

i! 



884 FRANÇOIS DB GOLtART 

« ce cruel malheur », dit-il, et connaître l'opinion de chacun 
sur ce qu'il convenait de résoudre en }a conjoncture. 

L'impression avait été des plus fâcheuses. Tant de vivres» 
de munitions et d*armes de*toute sorte étaient disparus, que 
l'on se croyait à la veille de manquer du nécessaire. La très 
grande majorité du conseil (9 voix contre 4)* opina pour 
abandonner l'expédition. Curaçao, que l'on ne pouvait 
prendre par surprise, était^ selon toute apparence, très bien 
défendue. On craignait que le commandant de l'escadre, 
jusque-là victorieux, ne ternit sa gloire par un insuccès. 
Gassard écouta les avis contraires au projet d'attaque ; au- 
cun ne le persuada. Au lieu de discuter, il prononça quelques- 
unes de ces paroles dont l'effet sur de braves cœurs n'est 
pas douteux : « Je vous connais, dit-il en substance, vous 
êtes des intrépides • Avec vous je n'ai rien à craindre et j'ai- 
tout à espérer. Allons, messieurs, appareillons pour Go- 
rossoL » Ou cna: vive Gassard I et l'on parti rassuré. L'escadre 
alla mouiller dans la baie de Saiute-Groix, comme la plus 
sûre* 

Au milieu de cette manœuvre, que le gros temps rendait 
fort difficile, survint un nouvel incident, déplorable encore 
pour l'expédition. En arrière de l'escadre^ le vaisseau le 
Rubis de 56 canons, commandant de Beaudinard, fut emporté 
vers l'ouest par les courantset ne put venir au mouillage*. •« 
On le retrouva plus tard à Saint-Domingue'. - 

* CoUart fat ran des quatre qui tinrent bon. Voici lei termes de ion 
afie : « M. GoUart a 423 hommes de débarquement, tant habitane que 
flibustiers. L*on pourra débarquer environ 500 hommes à la fois dans les 
chaloupes et canots. Suivant tout ce qui est dit cj-dsTant, mon opinion est 
de faire la descente. Signé : CoUart. • 

. ' Gassard, ne voyant plus le JRuMt, avait envojé deux bateaux flibustiers 
à sa recherche pour le piloter. Les deux bateaux disparurent aussi. L*nn, 
d*eux reparut douxe jours après. 11 portait cinquante Martiniquais, dont 
Gassard, comme on le verra, sut habilement exploiter le retour. 

* M. Le Vassenr, commissaire de l'escadre» embarqué sur le RuhiSt pro- 
flta de la présence de plusieurs officiers de vaisseau et autres, témoins de 
la perte du N^tune^ peur ordonner une information sur cet événement Le 
procès-VArbal est daté, à Léogane (St-Domingne), du 24 mars i71S. 



•« « ^ «<^to « 



KT LA MARTDflQini . 

Tout autre que Jacques Cassard eût vu, dans œs deux évé- 

«nements si rapprochés, un mauvais présage et plié sous les 

coups de la fatalité qui le frappait. Lui ne se laissa pas 

abattre. Il avait pris sa résolution; rien ne pourrait Ten 

détourner. 

Cependant la disparition du Rubis^ plus fftcheuse en un 
sens que la perte du vaisseau-amiral, donton avait sauvé 
tout le personnel, privait Tescadre de 660 hommes* 

II ne restait que 600 soldats, plus 350 habitants et flibua- 
tiers, heureusement c tous de bonne volonté •• Quant aux 
forces de Tennemi, les indications rassurantes, précédem- 
ment obtenues, n'offraient aucun caractère de certitude. Rien 
n'était moins sûr que ces forces ne fussent pas de beaucoup 
supérieures à ' celles dont Cassard allait pouvoir disposer.^ 
Les assiégés d'ailleurs n'allaient pas ignorer les malheurs 
survenus à l'escadre. Pour eux, c*était une ndson d*opposer 
une résistance à laquelle peut-être ils n'auraient pas songé... 
Toutes ces réflexions vinrent à l'esprit des officiers. Le chef 
lui-même en fut pénétré. Mais s'arrêter maintenant à les 
peser avec prudence, était superflu. L'honneur commandait. 
Il fallait obéir. * . 



I 



XIX 



Le débarquement s'opéra le 18 février, à dix heures du 
matin. Cassard mit pied à terre le premier, « pour donner 
l'exemple. ». Les offlcierS' et les troupes le suivirent « avec 
une vivacité incroyable », et Ton put se mettre en bataille 
sans recevoir un coup de fusil. L'ennemi présent à la des* 
cente, surpris par la rapidité de l'action, se replia dans un 
retranchement élevé sur une hauteur voisine. Sept cents 
hommes environ défendaient cet ouvrage construit en pierres 
à hauteur d'épaule. Cassard, à la tête de sa troupe, marcha . 
droit à eux. Salué par une décharge de mousqueterie, il fut 



286 



VRANÇ0I8 D« OOLLART 



blessé, le premier, d*uhe balle qui lui perça le talon, de part 
en part Cette blessure Tobligea de se retirer sur le Timi- 
taire. U y fut vers mîdL^. " 

C'était jouer de malheur pour la troisième fois. L'adversaire 
n'y gagna pas. Nos troupes, émues de voir Gassard blessé, 
conduites par le lieutenant de vaisseau de TEspinay, s'élan- 
Gèrent à l'assaut du retranchement, le forcèrent, en chas- 
sèrent Tennemi, lui prirent un drapeau, plusieurs hommes 
et cinquante chevaux. A cette première affaire, 1res san- 
glante de part et d'autre, nous eûmes, de notre côté, 
cinquante tués ou blessés. 

Tandis que Cassard — instruit de la défaite de l'ennemi — 
faisait panser sa blessure, il remettait le commandement des 
troupes débarquées au capitaine de frégate Bandeville de 
Sainl-Périer, le plus ancien des officiers supérieurs. 

C'est au rapport de ce dernier que nous devons recourir 
pour continuer le récit. Ce document, très développé et ré- 
digé avec un soin extrême, débute ainsi : 

€ L'escadre de M. Gassard étant-moailléedevuit Sainte-Croix k 
ouest de Tlsle, environ huit lieues de la vUle. n'étant composée 
pour lors que du Téméraire, la Vestale^ là Parfaite et la Médiue, 
avec six bateaux et un brigantifi, dans lesquels étoieht embarqués 
les habitants et flibustiers de la Martinique et Ouadeloupe, au 
nombre de trois cent vingt hommes de descente, commandes par 
Monsieur Collart, colonel des habitants de la Martinique. • ; » 

Nous allons maintenant résumer^ jour par jour, l'intéres- 
sante relation de M. de Bandeville^ qui suit pas à pas tous 
les incidents et les opérations du siège. 

Vers deux heures de l'après-midi, le nouveau commandant 
passe à terre, va reconnaître les troupes, et, considérant que 
la plaine est libre^ les fait camper dans une habitation dont ' 
M. de l'Espinay s'était emparé à une lieue de la mer. Les postes 
établis, Bandeville rend compte de la situation du camp au 
chef d'escadre et lui demande ses ordres. Cassard lui fait 
répondre qu'il veut réfléchir jusqu'au matin. Le lendemain 



BT LA If ARTUflQUI 



tS7 



10, Cassard écrit à Bandeville qu'il le laisse maître de faire 
* rembarquer les troupes ou d'aller en avant Sur ce» Bande- 
ville — dont Tesprit de prudence et d'entente sous tous les: 
rapports est très remarquable ^ se résout à retourner an 
Téméraire pour conférer avec son chef... Ce qui préoccupe' 
surtout Tun et l'autre est de savoir si l'on pourra se servir 
des mortiers. Le malheur a voulu que la provision de fusées 
pour différents calibres de bombes se trouv&t sur le RuU$ 
disparu. Après une minutieuse recherche à bord du Témé'^ 
raire^ on découvre 130 fusées pouvant à la rigueur s'adapter 
aux bombes de ce vaisseau. Bref, la marche en avant est 
décidée et les dispositions sont prises pour assurer le trans- 
port, par bateaux, des mortiers et munitions, jusqu'à la bat- 
terie Pescadère, à une lieue de la ville, située à l'autre bout * 
de l'île. 

Le matin du 20 février, Bandeville retourne an camp et 
organise ses détachements en quatre bataillons : le 1"* com- 
mandé par M. de l'Espiaay ; le 2", par M. de Rutty, l'un et 
Tautre de 280 hommes, avec chacun 18 officiers ; le 8*, com- 
posé de 320 habitants et flibustiers de la Martinique, com- 
mandé par M. de GolUrt* ; et le 4% formé des officiers mari- ; 
niers et matelots détachés de l'escadre,, au nombre de 180 , 
hommes, commandé par M. d'Héricourt» le tout donnant un . 
ensemble de 1170 hommes, en comptant l'arrière-garde et ses 
officiers. 

On venait d'apprendre par les prisonniers que l'ennemi 

prétendait pouvoir nous opposer 3000 insulaires environ 

Le 21, dès la pointe dui jour, la petite armée se met en 
. marche dans l'ordre ci-dessus indiqué. Après une heure de 
chemin, Bandeville, obligé de suivre un défilé, dominé à . 
droite et à gauche par des hauteurs, dont heureusement 
Tennemi n'avait pas su profiter, pénètre avec défiance et 
précaution dans ce passage étroit II eût suffi de. quelques 



* n aTait, parmi set oflleiert, deax de tes fila tenrant eomma ansaigaM* 



.\ 



288 



FRANÇOIS DB GOLLABT 



pelotons placés en diverses embuscades pour entraver la 
marche des assiégeants. En sortant de là, on rencontre une 
assez grande maison abandonnée, ob la troupe s'arrête et 
passe la nuit 

Le 22 février fut une journée des plus rudes. L*armée, 
partie au lever du soleil, aperçoit, après une heure débute, 
un gros de cavalerie stationnant sur la crête d'un morne que 
Ton ne pouvait éviter. Craignant qu'un retranchement ne 
soit établi en cet endroit, Bandeville commande la marche 
sur trois colonnes. La cavalerie à cette vue quitte la hauteur 
et disparaît On reprend la marche ordinaire. Le morné' 
gravi, la troupe descend le long d'un chemin creux, qui 
se continue entre deux' murailles et débouche dans une 
petite plaine. En face, au pied d'un coteau, un corps de 
soldats hollandais se tient rangé en Ijataille. On reconnaît 
alors que ce monticule est retranché. Derrière une batterie 
de neuf petits canons, se trouve un gros d'hommes armés, 
au milieu desquels on apercevait des visages noirs. Bande- 
ville s'arrête, étudie la situation ; puis, tandis qu'il se laisse 
voir à l'ennemi comme hésitant, il fait pratiquer à sa droite 
une brèche dans la muraille. Son but est de lancer par cette 
ouverture un tiers de sa^troupe vers une hauteur qui va per- 
mettre, en la tournant, de prendre le retranchement à révers. 
La trouée faite et le détachement lancé — la marche des 
hommes qui le composent étaîot dissimulée par des accidents 
de terrain — Bandeville s'avance à la vue de l'ennemie fait 
disposer en trois colonnes le reste de sa troupe, à l'entrée de 
la plaine. Lorsqu'il juge que le détachement chargé de faire 
diversion est arrivé sur la hauteur, il marche fermement à la 
tête de son monde, vers l'assiégé, aOn de l'atteindre à la 
fois de face et de flanc. L'important est de bien combiner le 
moment de la double agression. L'ennemi était tr6p occupé 
de ce qui se passait devant lui pour s'inquiéter de ce qui 
pouvait venir à sa gauche par la hauteur, d'ailleurs consi- 
dérée comme impratibable, à cause des raquettes (ronces) 



Xt LA ilABTiraQUl 289 

dont elle était couverte. Nos agiles troupiers franchirent ee 
vain obstacle comme un coup de vent 

On comprend quels furent la surprise, le 4roable» la stu- 
péfaction des défenseurs du retranchement en le voyant en- 
vahi par ce côté. Pendant que, tournant le dos pour répondre 
à celte brusque attaque, ils tirent sur les envahisseurs un ' 
de leurs petits canons chargé à mitraille, CoUart et ses 
hommes à leur gauche, Bandeville et sa troupe en face et à 
leur droite, se précipitent dans l'ouvrage fortifié avec un tel 
entrain, une telle furie que Tennemi épouvanté se débande 
aux premières décharges et s^enfuit en désordre dans un 
bois qui se trouvait derrière lui. La déroute fut si rapide que 
l'on ne put faire que sept prisonniers. Mais on prit trois 
drapeaux, neuf canons, des armes jetées à terre, avec les 
munitions de guerre et de bouche doot le retranchement ne 

■ 

manquait pas. L'habile manœuvre de Bandeville avidt par^ 
faiteinent réussi. Pour ce qui suit dans son rapport, il faut\ 
citer textuellement : 

. € On ne peut trop exprimer, dit-il, Tardeur que messieurs les ofS^ 
ciers et les troupes ont eue dans cette occasion, ayant marché avee 
beaucoup de vitesse et autant d'ordre que le terrain le permettoit ; * 
et quoique 18 deussent être ïleitigués de la marche précipitée qa*Us 
venoient de faire, ils donnèrent avec toute la vigueur que Ton peut 
souhaiter des meilleures troupes du Roy. Les habitants et flibus- 
tiers animés par MM. Gollart, leur colonel ; G9urpon, lieutenani- 
colonel; Beltgen8',Marguerine,miJors,etquelqiie8 autres ofltders, 
donnèrent à la gauche de nostre second bataillon et- presque au 
mesme moment ; de mesme que notre troupe de matelots qui estoit 
plus à nostre gauche, commibdée par M. d'Héricourt, ce qui ooeupa 
la droite du retranchement des ennemis. Il y a eu à cette occasion 
qui n*a duré que demy-heure, deux officiers de la marine blessés 
légèrement, M. de Raousset, capitaine de grenadiers, et M. d*Brville^ 
capitaine, qui a eu une contusion, sept soldats tués et douze blessés 
entre les deux bataillons; et des habitans ou flibustiers de la Marti- 
nique, un lieutenant de tué, un capitaine et deux enseignes blessés** • 

■ 

• Oendn d« CoUari. 

i Lm deux fils d« CoUart, Piem-Céiar et LoiiU, 

CouART (250) • ' 27 • 



S90 FRANÇOIS DE OOLtART 

deux fllbastiera tués, sept blessés et quatre de nos matelots aussy. 
blessés. Nous avons esté heureux de n*avoir pas perdu darantage 
de monde, y ayant dans eejretranchement huit à neuf cens hommes 
de leurs meilleures troupes et trois cens noirs, de l'aveu des prin- 
cipaux deia ville et de leurs officiers» nous ^yant dit qu*lls avoient 
esté si étourdis de la valeur avec laquelle on les attaqua, qu'ils 
•prirent la fuite avec tant de terreur qu'ils ne peurent rallier vingt 
hommes, et se sauvèrent en confusion & la ville qui est & trois lieues 
de ce retranchement, et où ils mirent répouvante. Cela fist aussy 
que la batterie de Saint-Michel, de douze canons sur le bord de la 
mer. Ait abandonnée. » 

Il est manifeste, d'après ce passage du rapport (comme^ 
d*ailleurs le dira bientôt clairement M. de Phelypeaux), que 
les Martiniquais, « animés par M. Gollart, leur colonel », 
combattant à Tégal « des meilleures troupes du Roy », avaient 
tenu la plus belle part de cette action. Â eux seuls^ ils comp- 
taient dix blessés, dont trois officiers, et trois tués, dont un 
lieutenant. Une demi-heiire avait suffi pour nettoyer un' 
retranchement défendu par douze cents assiégés et neuf 
canons. C'est bien là le fait de cette bravoure irrésistible dont 
Collart et ses compagnfons nous ont donné tant de preuves* 

Bandeville employa le reste de la journée à conduire sa 
petite armée vers la batterie de Pescadère, à une demi-lieue 
de laquelle il campa. Le matin du 23, la trouvant abandonnée 
avec sept canons, dont cinq encloués, et des vivres, il 
recoupa. 

' Gassard, .retenu à bord par sa blessure, ne cessait de 
s'entendre avec Bandeville au sujet des opérations du siège. 
Chaque jour il lui en était rendu compte et ses instructions 
concouraient à diriger nos troupes en marche. Il veillait 
aussi à ce que la flottille de chaloupes et de bateaux, envoyée 
dès le commencement — portant notamment les mortiers 
sauvés du Neptune^ dont on allait bientôt faire usage — 
cotoyflt les bords de Ttle* et suivit la petite armée, afin qu'elle 

\ • • • • 

' Sa forait toat «n longaear facilitait cette jouBOBUvre. 



\ 



KT LA MARTINIQOS _. ' 201 : 

ne manquât pas de vivres et fût nantie de tout ce qa*il lui- 
faudrait'pour attaquer la ville. \ ' ] . 

Non loin de la batterie de Pescadère» s'étendait un lae, 
séparé de la mer par une étroite chaussée. BandevUle la fit 
ouvrir pour établir une communiciition. De cetle manière les. 
bateaux, qui venaient d'aborder au mouillage, allaient poa* 
voir transporter les mortiers et les munitions jusqu'à un 
chemin conduisant devant la viller Tandis que s'opérait ce 
percement/ le commandant, accompagné de cinquante 
hommes alla reconnaître les approches des remparts et 
s'assura de l'endroit où les mortiers pourraient être avanta- 
geusement placés. Le matin du 24 février, il fit solennelle- 
ment avancer toutes les troupes, drapeaux déployéts, tam- 
bours battants. C'était une manière de prouver à l'ennemi 
que le combat de la surveille n'avait nullement ralenti notre 
ardeur. Dans la môme journée du 24, à quelque distance du 
campement, au milieu d'un champ de cannes de millet, asses 
hautes pour masquer à l'assiégé le travail des ingénieurs, 
furent commencés l'épaulement et la plate-forme de la batte-, 
rie projetée. 

Le lendemain 25, le même travail fat Cifntinué et achevé. 
Pendant la nuit, « on voitura les mortiers » arrivés par le 
lac. Le 26, à huit heures du matin, la batterie étant prête à 
tirer, le chevalier de Ligondès, major du second bataillon^ 
fut envoyé au gouverneur de Gorossol pour lui demander 
« s'il vouloit laisser mettre sa ville en poussière ou venir à 
contribution ». Il répondit « qu'il défendroit la place jusqu'à, 
la dernière goutte de son sang ». Bandeyille transmit à 

■ 

Gassàrd cette belle réponse. 

L'ennemi jusqu'alors avait semblé indifférent à nosprépar 
ratifs d'attaque. Mais, le 27, des vigies montées au plus haut 
des m&ts de ses navires, découvrirent les travaux de notre 
batterie. Toute rarlillerie de la ville se mit à tonner contre 
les mortiers encore silencieux. Son tir mal dirigé ne produisit 
aucun dégât. A neuf heures du matin, une lettre de Cassard 



/ 



2te . FRANÇOIS DB GOI^LART' 

apporta Tordre de commencer le bombardement. Trente- 
quatre bombes furent tirées jusqu'à une heure de Taprës- 
midi. On cessa le feu à la réception d'une lettre de Gassard 
adressée au gouverneur, à qui elle fut portée sur-le-champ. 
Cette missive ne parut produire aucun^effet sur l'esprit de ce 
fonctionnaire. Cassard en fut informé. Le feu des mortiers 
fut recommencé et continué, de six heures du soir à huit 
heures du matin. On avait tiré en tout cent- vingt bombes. Le 
28 février, à une heure de l'après-midi, Bandeville reçut une 
nouvelle lettre de Cassard pour le gouverneur. Celle-ci Tins- 
truisait de l'arrivée d'un renfort et l'assurait que s'il ne- 
voulait entrer en composition, on allait attaquer la ville des 
deux côtés. Effectivement, ce jour-là même, l'un des bateaux 
« qui s'étoient écartés de TescadrCt » revenu à temps, avait 
pu fournir au camp une compagnie de cinquante hommes 
des troupes de la Martinique, si redoutées dans l'archipel. Le 
gouverneur savait ce fait avant d'avoir reçu la lettre de 
Cassard. Cette coïncidence, jointe aux menaces de Bandeville, 
de plus en plus pressantes, fit réfléchir le chef batave. Il de- 
manda ce que Ton entendait par contribution, en faisant res- 
sortir Textrôme pauvreté des habitants de Corossol. Sa lettre 
fut portée à bord du Téméraire le 1** mars à minuit. Cassard 
n'ignorant pas qu'il ne restait plus à Bandeville que dix 
bombes à tirer, à cause du manque de fusées, autorisa le 
commandant à traiter comme'il pourrait avec le gouverneur. 
Enfin, après divers pourparlers qui remplirent les journées 
des 2 et 3 mars, la contribution fut arrêtée péniblement à 
la somme de cent quinze mille piastres (575^000 francs)*. 

Le rapport de M. Bandeville de Saint-Périer est daté « du 
camp, devant la ville de Corossol, le 5* mars 1713 » ; celui de 
Cassard, du Téméraire, le 18 mars 1713. 

Nous ne savons que par la lettre suivante de Collart que 

< « Sant les malheurs qni sont arrÎTés, dit Gassard en terminant son raiH 
port, ils n'eussent pas été quittes à si bon marché... On n*a jamais Ten 
tant de Talleur dans les officiers et dans les troupes.''» 



• y 



BT LA MARTINIQUB . 298 

■• • 

Tescadre appareilla le 13 mars de Garaçao pour revenir à la 
Martinique. Ce n^estpas seulement à ce titre que. nQU9 la re- 
produisons^ Elle contient des renseignements utiles à con- 
naître. C'est d'ailleurs la seule lettre. autographe de Gollart 
qui nous ait été conservée : 



« A Curaçao, le 18 mars 1718. 



« MONSnONBUR» » 



a Je prens la liberté d'informer vostre grandeur.au sujet 
de l'entreprise de Curaçao*. Je suis persuadé que M. Cassard 
vous rendra compte du zelle que j'ay pour le service du Roy, 
ayant eu lieu d'estre content de mes troupes', M. de Pbe- 
lypeaux m'ayant donné ordre de prendre cinq cents hommes 
de la Martinique et de la Guadeloupe pour cette entreprise. 
Après la blessure de M. Cassard, J'ay esté sous les ordres de 
M. de Bandeville qui a aussy eu lieu d'estre content de moy. 
J*ay eu l'honneur^ Monseigneur, de vous rendre compte de 
l'entreprise de Montsarat, ayant esté commandant des 
milices et flibustiers'. J'aurois aussy suivi M. Cassard à celle 
de Surinam, si les Anglois n'a voient eu dans leurs isles douce 
vaisseaux de guerre, qui auroient pu faire quelque attaque à 
la Guadeloupe\ Je vous prie, Monseigneur, déconsidérer 
que, depuis 1685, j'ay toujours commande dans toutes les 
entreprises sans en laisser passer aucune. A cette considéra* 
tion, je prie vostre grandeur de m'accorder la croix de Saint- 
Louis, ayant mes certificat de services des troupesde France 



/ 



' n est à observer que la lettre de CoUart est le seul doeament de la 

pakgne qui porte le nom de 111e écrit ainsi. Tons les autres disent : Corossol i 

Carassol on CnrassoL' . ! 

> Cela prouTe que ces troupes, dirigées par CoUart, aTaieat pris «ae grand* j 

part à Tassant du premier retranchement, où Cassard fnt blsssé» j 

* Ce rapport, qui eût pu suppléer en partie à eelvi de Cassard, n*a pas été j 

rstronvé. ] 

^ Ce ne fut quSin bruit. 






204 FRANÇOIS DB GOUART 

au bureau de M. de Salaberie'. Je puis vous assurer, Monsei- 
gneur, que, dans toutes les entreprises où j'ay esté, je n'ay 
jamais profité d'un seul sol. Mon seul but n*a esté que de 
rendre service au Roy. Je continuerai tousjours lÀes services 
avec le mesme zelle, tant dans mon régiment que dans les 
sorties. Je pars demain avec mes troupes pour me rendre 
à la Martinique; 
c Je suis avec un très profond respect, etc. 

« COLLART. » 



/ 



Cette lettre porte en tète, de la main du ministre : c Ré- 
ponse honneste. Il est colonel de milices à la Martinique. » 
L'annotation prouvait que M. de Pontchartrain connaissait 
bien le nom du signataire, mais elle n*impliquait aucune 
décision conforme à la demande... 

Cependant M. de Phelypeaux avait fortement appuyé cette 
demande dans une lettre adressée au ministre le 20 mai 1713. 
Elle est tellement honorable de toute manière pour potre 
héros que nous aimons à la reproduire en entier^. Peu d'ofll- 

. • M. Gharlei de Salaberry^ premier commif à la marine soua cinq mi- 
nistres» mattre à la chambre des comptes, ponr^n en 1710 d'un office de 
président en ladite chambre, était né à Gharleville en 1859. U était fils de 
Charles-Simon d^lmmberry de Salaberrj et de Marie Morel de Vindé* mariés 
en 1656. Son frère Vincent de Salaberry de Bennerille, « capitaine des Tais* 
seaux du Roj,» devenu rice-amiral de France ^1663-1749). avait en pour mar- 
raine Antoinette-Marie de GoUart, sa tante par alliance (1645-1726), mariée 
k CharleTille en 1660 avec Blarius Morel de Vindé, directeur général des 
Domaines de France (1632-1686). M. Charles de Salabeny, ayant tu François . 
de CoUart» d^ns les bureaux à Versailles en 1707, n'avait pu manquer de 
lui parler des Collart de Charleville (issus au troisième degré d*Etienne, 
YElu de.Rethel en 1596). Ceci explique comment le souvenir de M. de Sala- 
berry était resté au colonel après un entretien qui datait déjà de six années. 
Mais CoUart ignorait que M. de Salaberiy avait quitté la marine en 1710. 

' M. de la NicoUière* k qui elle avait été communiquée» n*en a inséré que 
U partie principale dans son remarquable ouvrage sur Cassard (p* 114), 
en la précédant des lignes suivantes : ^ « Parmi les officiers qui se distin- 
guèrent (à Curaçao) d'une façon brillante, n'oublions pas M. die Collart. 8»^ 
belle conduite est ainsi appréciée dans la lettre fort honorable que le gou- 
verneur de la Martinique écrivit au ministre de la Bfarine, et k la suite de 
laquelle le chef des milices martiniquaises reçut la distinction qu'U am- 
bitionnait. » Collart, hélas I dut l'attendre encore et se consoler en pensant 
que Jacques Gauard ne fut décoré qu'en 1718, après six ans de grade de 
capitaine de taisseam. 



KT LA IfARTINIQUI 

» 

ciers supérieurs» dans les milices coloniales, ont mérité et 
obtenu un hommage aussi complet: , . * . . 



Lettre de M. de Phelypeaux, Oouyemear gépéral des Antilies, au 
ministre de la marine. 



• • 



« 20 mai 1719, Fort-Rojal de la Martmiqmt. 

Dimanche 23 d'arril. Airent ramenés ici par M. de GoDart» 
le plus ancien de nos colonels de milices, les habitants et flibustiers 
de la Martinique, ainsi que de la Guadeloupe. qu*il avoit conduits à 
Texpédition de Corossol, suivant la demande que m*en avoit fùte 
M. Gassard ; dans une lettre qu*enduite il m*a escrite, il se loue 
extrêmement de la valeur et de la bonne conduite de M. de Gotlart, 
auquel il convient devoir la meilleure partie du peu de succès quli 
a eu en cette occasion. Nous n*y avons perdu que douze hommes 4p 
noshabitans ou flibustiers. Le fils de Gollarty a esté blessé an 
visage et trois autres de nos officiers*. - ^ 

€ Gollart, deux fois à Monsarat, et en plusieurs autres occasions, 
a donné des preuves de valeur. Il en donnera toujours, ^l souhaite 
ardemment une croix de Saint-Louis et la mérite. Je vous seraj 
très obligé. Monsieur, si vous Jugés à propos de luy procurer cette 
grftce* . \, .-••-..:► 

«... Est revenu de Texpédition de Ck>rossol le sieur Beltgens. ffest 
un gentilhomme de la Queldre espagnole q^ui a servy seize ans dans 
les troupes d'Espagne, capitaine d*infanterie, ou à Madrid, dans les 
mousquetaires de Sa Majesté catholique, et cinq ans sur les vais- 
seaux du roy, en qualité d'offlcier bleu. Le désir de voyager et de 
faire une fortune imaginaire a obligé Beltgens; de passer ensuite 
dans nos isles, oii il n;a manqué aucune des expéditions qui s*y sont 
faites, y servant major des armemens. Il estoit icy avant moy et y 
avoit déjà espousé une fille de Collart, un de nos colonels de milices 
duquel {e vous ai parlé dans cettd lettre. Beltgens est Agé d*environ 
40 ans, bien fait et d'une taille assez approchante de la gigantesque. 
Il a du mérite et s*est toujours bien comporté icy, outre que son 
beau-père est digne que le gendre soit favorisé. Beltgens a, à. la 

* Parmi ces trois officiers se troatait probablement un teeond filé ém 
Collart. Une lettre postérieure apprend qu*il perdit c dei^x de ses fils ». Il ed 
vraisemblable que, ramenés à la Martinique, atteints de blessures d'abord 
considérées comme peu graves, ces deux jeunes créoles finirent par 
ber à leur mal. - 



* 



206 



FRANÇOIS. DB 00LI41RT 



Grenade, une asges bonne habitation qu'il rendra meilienre ayant 
du talent pour cola. Il souhaite ardemment d*estre colonel des mi- 
lices de la Grenade, ce que Je crois qu*on ne peut mettre ici en 
meilleures mains. Vous m'obligerez. Monsieur, si tous Toulés avoir 

la bonté de luy en envoyer la commission. • 1 » * ^ ' 

— € Phkltfsauz. » . 

Les endroits qui nous ont frappé dans cette lettre si bien- 
veillante n*oat pas dû échapper au lecteur. 

Gassard convient devoir à Gollart la meilleure partie dSi 
succès qu'il a remporté à Guracao... Gollart, deux fois à 
Montserrat, a donné des preuves de valeur. Il en donnera 
/o«;our«'... Beltgens a du mérite, outre que son beau-père 
est digne que le gendre, soit favorisé. 

Il est difficile de fûre mieux ressortir les titres qu*avait 
Gollart à la faveur sollicitée pour lui. 



XX 



La paix dlJtrecht, ayant mis fin aux exploits du grand 
Nantais, comme à ceux de Tillustre Martiniquais, va nous 
obliger à clore cette longue « quatrième partie », que nous 
avons t&ché de rendre aussi intéressante que possible..; 

Quelques lignes encore pour faire entendre comment 
Gollart et ses compagnons d'armes n*eurent à partager aucun 
pi^ofit d'argent, venant des expéditions par eux entreprises à 
Montserrat, à Saint-Eustache et à Guraçao. * 

La campagne de Gassard aux Antilles, qui infligea aux 
colonies ennemies une perte estimée à plus de trente mil- 
lions, ne produisit à son armement que 2,291,093 livres 
10 sols 11 deniers (chiffre offlciel). . 

* Lm milieians et let flibnttiert mariinîquaif • babitnét aa climajt, mieux 
noarrii, moins fatigaée que lei soldats de l'escadre, étaient beaucoup pluif >. 
vigoureux. Leur pratique, en certaines rencontres, d'étourdir l'ennemi par 
des élans brujants« donnait à ces troupes coloniales une Taleur exception- 
nelle. L'esprit d'émulation, dans les combats liTrés de concert avec les com- 
pagnies réglées, exaltait encore cette bravoure surpruBanla. 



; 



BT LA lURTOUQUI 287 

» 

Les frais généraux 86 montèrent à S,2274B6 livres 19 sols 
Z deniers*. 

Par un arrêt du 12 août 1715, rendu en Conseil, Louis XIV, 
reconnaissant le déficit de 035,402 livres 8 sols 8 deniers» 
décida que le Trésor royal ferait en sorte de le comblçr. . . 

Par un autre arrêt du 10 juin 1710, rendu en Conseil après 
la mort du grand Roi, cette somme fut rédul^ y* "A. cause de 
la difficulté des temps », à 025,000 livres, c payables sur les 
fonds faits ou à faire pour les huit premiers .mois de l'exer- 
cice de 1715 ». Autant qu'on peut en juger,, cette dernière 
somme dut être payée en billets d'Etat aux armateurs de 
Cassard. Mais comme ils perdirent au change environ 
125^000 livres, on comprend combien grand fut leur déboire. 
De là vint que Jacques Cassard, qui d'ailleurs n'avait . pu 
sauver sa fortune personnelle généreusement engagée dans 
cette triste affaire, conçut, après sa campa^e des Antilles, 
un sombre chagrin que le temps ne put adoucir, source dç 
tous ses malheurs... Rien ne put distraire cet homme, « d*une 
probité intacte, » de l'&pre idée que tant de braves gens 
avaient perdu (au lieu de gagner) à se fier à sa parole, k 
son étoile... 

La paix d'Utrecht, fille, si Ton peut dire, de llmmortelle 
victoire remportée le 24 juillet 1712, k Denain^ par le maréchal 
de Villars, glorieux sauveur de la France, avait été signée le 
11 avril 1713. Elle fut notifiée au Gouverneur général des 
Antilles par une dépêche ministérielle du 21 avril. Toutefois 
M. de Pontchartrain annonçait, dans cette dépêche, qu'un 
nouvel avis serait donné à Phelypeaux pour la célébration 
de cette date mémorable. L'ordre, retardé par les délais de 



' Par diTeriat oirconitances diffldilaf h expliquer, la caimpegme dei An* 
tiUee,doiit les dépenses avateiit été préTaes poar huit mms, en dora Tingl» 
sept. Ce nombre, donné parles doenments, doit, se décomposer ainsi : tt 
mois de 1712, l!e mois de 1719 et 5 mois de 1714. BanderlUe, embarj^né sar 
le Téméraire en mars 171t, en fat débarqué en mars 1714. Cassard, embai^ 
qné sur le N^iune en mars 1712, fut débarqué du Témérairf en mai 1714; 
Le désarmement de Tescadre n'a donc été terminé qu'à cette damier» data* 

GOLLA&T (t50) ' SS 



I 
V 



206 



FRANgOIS DS €X>LLART 



ratiflcatio|it ne parvint an Gouverneur général que dans le 
courant d*août. La fâte, publiée dans toute l'Ue le 24» fut 
célébrée à la Martinique le jour de la SaintrLouis (25 août). 
Cette solennité des plus brillantes fut un triomphe pour Phe- 
lypeauz qui l'avait organisée*. Tous les corps militaires et 
civils de la colonie» réunis» vinrent adresser au Oouverneur 
général» représentant le Roi» « un compliment pour la paix »» 
qui fut prononcé par le procureur général d'Hauterive. 
Phelypeaux y répondit éloquemment. Puis il y eut Te Detim^ 
salves d'artillerie» grand feu de joie sur la place d'Armes du 
Fort-Royal» et le soir feu d'artifice. La principale pièce de 
cette réjouissance» élevée sur quatre faces» représentait 
autant de sujets ditTérénts entourés d'inscriptions de circons- 
tance : i* deux mains passées en foi» soutenant sept cou- 
ronnes ; 2* un lion et un coq se tenant chacun par une patte 
élevée ; 3* une corne d'abondance d'où les richesses et les 
fruits ruisselaient sur la terre ; et 4* la Justice recevant une 
balance des mains de la Paix. Les devises dans le même 
ordre — écrites en latin seulement — étaient : i* Quo majùr 
numertiSp eoncordia fortior (Plus on est nombreux» plus on 
est fort quand on est uni) ; 2* Quis disjunget f (Qui nous dé«> 
sunira?); 3* Abundaniia ubique paria (L'abondance est 
partout répandue) ; 4« Pacis Justicia soror et cornes (La Jus- 
tice est sœur et compagne de la Paix). 

« Toute cette machine était surmontée d'une grande figure 
représentant la sûreté publique qui foulait aux piedd la dis- 
corde et les armes. Pendant que les feux d'artifice en par* 
talent» et que tout se consumait» les vaisseaux rangés dans le 
Carénage» au bout de cette place» au nombre de près de 
quarante, se trouvèrent en un instant illuminés dans tous 
leurs mâts et toutes leurs manœuvres» ce qui fit pendant 
deux heures de nuit le plus beau coup d'œil qu*on puisse 
imaginer, s ^ 



y 



* La dMcripiion uùum en a été oonatrrée dans les € Annalei du O^miêU 
êtmoerain 4e la MarHnigue »» pnUiéM |Mir Pi«rrt DdsnUM «û ITM. 



BT L4 MARTINIQIII 



290 



Ces belles allégoriesi toujours de mode, ne sont guère com- 
prises de la multitudet pas plus que le beau'^ latin qui les 
entoure» Exceptons-en toutefois là corne d'abondance» dont 
tout le monde voudrait la réalité... Get.emblème parla beau- 
coup aux regards de nos cqIous» en cette grande fôte de la 
paix. Trop souvent détournés de leurs travaux par les ex- 
péditions guerrières, ils vont pouyoir enfin augmenter bril- 
lamment leurs cultures et leur commerce. Us en ont le plus 
vif désir. CTest avec une noble passion que la Martinique, 
après avoir recueilli la gloire^ va maintenant chercher à con- 
quérir la fortune. Aussi, malheur aux deux chefs présomp- 
tueux qui, par excès de sèle, imagineront inconsidérément 
d'arrêter cet essor I Ils ne. pourront tenir au choc et dispa- 
raîtront ; ' • 

Nous verrons, dans la cinquième et dernière partie decette 
étude, ce qui nous mène à faire pressentir au lecteur de nou- 
veaux et très graves événements. CoIIart y trouvera sa place 
encore. Il y donnera la mesure de sa raison, après nous avoir 
offert le spectacle de sa valeur. 



^/ 



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» 4 



■H - 



CINQUIÈME PARTIE 



Proipérité A« Ift Martixilqu« sous U QonT«rn«ar f^Aéral d« 
Ph«lyp«aiix. Sa mort. Boa oraison fonèbro. — Lo ohof d*os- 
oftdro du Quotno lui tucoM*. Bormoat do ildiUti au Rot. 

— Mort ilo Louis XIT. Lo Btfffoat. — Lo OonsoU do Xariao. 
M Lo oommoroo éttàjifr aux AatiUos. Du Qnoano ao poat . 
résistor aux ombarras qao loi oaaso ootto graTO quostioa.. Il 
ost romplaoi. — Lo oapitaiao do Taissoan marquis do la 
Taroaao ot Tiâtoadaat do Biooûart. — Bappol do propositioa 
pour lo ooloai»! do Oollart. — laatruotioas du Ooasoil do Mariao 
aux aouToaux admiaistratours. — Affaira do 1717« Visito do 
Oollart daas los quartiors sud do la ooloaio. — Ooadsoatioa du 
aaTiro ospairaol lo Saint'Françoii^Xamer^ appartoaaat à la 

• famillo LoTassor do la Touobo. Oomplot dos La Touobo» amoa4 
par ootto saisis. La oaobo dos 50,000 4ous. — La Taroaao ot 
BiooAartso soat alifo^ touto la popuiatioa martiaiquaiso. 
Birolto dos habitaats. Lo_ gouToraour ot l*iatoadaat soat 
arrêtés. Collart proad oa Taia lour défoaso. Los réroltém 
▼ouloat s*omparor dos forts do la ooloaio. Borrieo roadu à 
ootto oooasioa par lo ooraotto do ooTalorio Ouillaumo OoiErior. 

— Du Buq ost aommé par lo pouplo oommaadant proTisoiro do 
la ooloaio. Baorgio qu*il dtfploio daas ootto situatioa. — Biforts 
do Oollart pour oalOTor La Taroaao ol Biooûart aux réroltés. 

— Ooaduito distingués do du Buq tout lo tonips do la r^Toito. 
«» Lo gouToraour ot l*iatoadaat soat ombarqutfs ot rouToy^ 
on Praaoo. L'ordro rétabli. ~ KM. do Pouquièros ot do B7IT0- 
oaaao Tioaaoat los romplaoor. — Prooès orimiaol dos pria*^ 
oipaux réroltés. Ooadamaéa à aiort par ooatumaoo, ils soat 
oxéoutés oa ofdgio. Anmistio. Fia do l*ai&dro do 1717. — 
Portuao do Oollart oa 1718. — Ba mort. — Ooaolusioa* 



FAAMÇOIS DE OOLLAKT BT Lk MAATHIIQUI 801 



I * 

Phelypeaux ne Jouit pas longtemps de son triomphe*. 
Deux mois après la splendide fête que nous venons de 
décrire — organisée par lui à Toccasion de la pux dUtrecht 
^ la Martinique prenait le deuil de son Gouverneur géné« 
rai. Phelypeaux mourut le 21 octobre 1713. L'oraison fùnè^ire 
fut prononcée à Téglise Saint-Louis du Fort-Royal, le 9 Jan- 
vier 1714. On s'était réservé d'imprimer à ce service solennel y 
tout Téclat que méritait le personnage. 

Sur l'homme distingué par sa naissance, ses hauts emplois, 
son administration libérale aux Antilles, que de belles choses 
à dire, en flattant par surcroît le ministre, son parent, qui 
tenait encore, avec la Marine, les Colonies dans sa puissante 
maini . 

L*éloge était facile. La présence, les départs, les retours 
bruyants de l'escadre de Gassard, arrivant, quatre fois diffé- 
rentes à Saint-Pierre, chargée du plus riche butin, avaient 
donné du lustre au gouvernement de Phelypeaux. La fête de 
la paix, célébrée au Fort-Royal, avait prouvé, par sa magni- — 

flcence, que le défunt s'était attiré des artistes capables, par ' - 
leurs œuvres, d'inspirer le goût du beau, du'luxe, des eni- 
vrements de l'esprit. Z 

La colonie avait eu le spectacle de grandes Joies sons ; 
M. de Machault, lors des expéditions mémorables de Cha- 
vagnac et d'Iberville. Mais, avec Gassard, ces glorieuses sui^ 
prises ne finissaient plus. Elles s valent porté au plus haut . 
degré l'enthousiasme des habitants. 

Les armements de flotilles flibùstières, renouvelés coup 
sur coup, avaient donné à la Martinique une importance Jus* 
qu'alors sans exemple. Pour elle cette époque exceptionnelle . 
fut marquante. Ges nombreux marins de l'escadre se mêlant 
à la population blanche et colorée ; la venue à terre de ces 
brillants officiers de vaisseau accueillis par des acclamations 



i 



80t f ttANQOlS OB COLUnT 

sympathiques ; leur réception ches les colonels de milice se 
disputant rhonneur de les héberger; Taspect des magasins 
de Saint-Pierre encombrés d'armes et d'objets de toute sorte; 
la vue de cet arsenal sans cesse en mouvement» les entrées, 
les sorties, puis \ek échanges^ les ventes de butin !• . • Quelle 
agitation I Quel orgueil I Tout cet appareil avait échauffé les 
tdtes de nos colons enclins à s'émouvoir et semé dans les 
esprits des germes d'idées libres, ambitieuses, qui vont se 
développer. 

Les Martiniquais n'oublieront de longtemps ces années fé- 
" coudes en réjouissances, en dépouilles opimes tirées des co- 
lonies étrangères, années où la fièvre de gloire et la bienveil- 
lance du chef, rendant tout permis, rendront difficile l'admi- 
nistration des successeurs de Phelypeauz. 

Nous devions montrer ce vivant tableau de prospérité pasi- 
sagère. Revenons maintenant à notre récit. 



/. 



II 



La Malmaison, gouverneur de la Guadeloupe (après Auger 
passé à Saint-Domingue), avait été appelé à prendre l'intérim 
du généralat. Il reçut une commission du Roi à cet effet, le 
6 novembre 1718. _ 

On attendait impatiemment le marquis du Quesne, chef 
d'escadre (neveu du grand marin de ce nom)^ choisTpar le 
Roi pour remplacer Phelypeaux. Que serait ce nouveau 
maître f Aurait-on avec lui l'existence aisée dont on venait de 
jouir? Peut-être la face des choses allait-elle changer corn- 
plètement. Autant d'hommes au pouvoir, autant de manières 
de gouverner. 

En même temps que du Quesne avait été nommé, le 1" jan- 
vier 1714, Oouvemeur général des lies du Veni, Blénao, fils 
de l'ancien gouverneur des Antilles, s'était vu porté au gou- 
vernement de Saint-Domingue, érigé en Qouvernement gé% 



I 



KT LA MAKnfllQUB ' . SOS • 

néral des Iles «out te Venit dernière création de Lonia XIV 
aux Antilles : deux Gouvernements généraux dans nos lies 
d'Amérique. 1. 

Du Quesne parvint à la Martinique le 7 novembre 1711. 
Son installation eut lieu le 10 Janvier 1715. A cette date, le 
Conseil souverain prêta devant lui le serment d'usage. Mais 
la principale solennité — celle du serment public ^ se fit le 
12 mars. Les trois corps d'Etat de l*lle — Clergé» Noblesse; 
Tiers-Etat — se présentèrent avec une certaine pompe au 
Gouverneur général entouré de son état-major. Voicit pour 
la Noblesse, la formule sacramentelle prononcée par du 
Quesne, devant une infinité de gentilshommes rassemblés 
l'épée au côté, et à genoux sur un tapis de Turquie, la main 
droite levée : « Vous jurez et promettes à Dieu de bien et fidè- 
lement servir le Roy, de verser tout votre sang, comme de 
bons et vrais gentilshommes doivent le taire pour le service* 
de Sa Majesté et celui de l'Etat, et que, s*il vient quelque 
chose à votre connaissance qui puisse être contre le service 
ou lapersonne de Sa Majesté, vous m'en avertirez. » A quoi 
tous ont répondu : « Nous le jurons 1 » 

Les députés du Tiers-Etat répondirent pareillement, sur 
une formule analogue, appropriée au rang des habitants . \- 
qu'ils représentaient'. 

Cela montre que, dans nos Colonies, comme en France, 
rien n'était négligé pour maintenir intact le respect du prin- 
cipe d'autorité. Cependant il va recevoir . bientôt une terrible 
atteinte à la Martinique. 

A six mois de la date de cette cérémonie, le Roi, auquel on 
avait tant de fois renouvelé promesse de fidélité, expirait à . 
Versailles. 

Le 1** septembre 17iÇ, Louis XIV — si cruellement éprouvé 
ces dernières années par les rudes coups dont la mqrt avait 
frappé sa famille — terminait son éclatante et laborieuse car- 
rière. Son règne de soixante-douze ans,^ assemblage gran- 



it 



AnnaUi dM ComM êoufoerain. ,' ^ 



•*' 



^ — i 



804 



FRANÇOIS DE OOLLART 



h 



/ 



diose de saceès et de revers guerriers dans lès deux mondes 
et sur toutes les mers, est resté vénéré. Ce que Ton ne peut 
oublier, c*est que le génie français, dans les arts, dans les 
sciences, dans toutes les créations/a couronné ce règne 
d'une gloire impérissable. Nous nous permettons de rappeler 
ici ce que personne n*ignore, parce que la Martinique eut ce 
privilège; aux Antilles» d'attirer presque toujours l'attention, 
les bienfaits du Grand Roi. Il y fut très regretté. Les docu* 
ments le constatent 

La pensée que la couronne allait se poser sur la tète d*un 
enfant augmentait Témotion qui serrait tous les cœurs. 
Louis XV, ftgé de cinq ans, reçut, comme on sait, le pouvoir 
nominal sous la régence de Philippe d'Orléans, neveu du 
monarque défunt. 

Qu'allait devenir la France entre les mains d'un prince ma- 
gnifique, instruit, spirituel, hardi, mais novateur irrésolu et 
brouillon dans les affaires les plus sérieuses? Voilà ce qui 
donnait à réfléchir* • . - 

Le ^Régent, ayant besoin de s'attacher à la cour beaucoup 
de partisans et de s'en faire un appui dans son gouvernement, 
remplaça les ministres par autant de Conseils quMl y avait 
alors de départements administratifs, idée fâcheuse qui ne 
tarda pas à lui causer de grands embarras. 

Le Gionseil de Marine fut ainsi composé ; la liste de ses 
membres est peu connue T • 

\jà% maréchaux Victor-Marie d'Estrées (1660-1737), prési- 
dent du Ck>nseiL et René Froulay, comte de Tessé (1661-1725); 
les intendants des armées navales, Louis Girardin de Vauvré, 
conseiller d'Etat (1660-1724), et François d'Usson de Bonre- 
paus (1660-1710) ; les chefs d'escadre, marquis deChampigny, 
plus tard gouverneur de la Martinique» et Alain-Emmanuel 
de Cioétlogon (1646-1730), plus tard maréchal de France. 

Jérôme de Pontchartrain remit l'administration de la ma^ 
rine, le 1** septembre 1716, au Conseil de ces hommes 
éminents, mais dont pas un seul ne connaissait les Ck>Ionies; 

Du Quesne, aussi bon marin qu'excellent homme, désirait 



/ 



\ 



i' 



n LA lURTDnOOl IM 

ilac&rement vivre d'accord aT»e le Godi^ de Marine comme 
avec ses adminittrés. MalslaquesUon da commerce âtranger; 
toujours tirûtaate aux Aotilles, lui amena rapidem6nt dea 
ennais. ainsi qu'elle en avait amené à la plupart de ses piA- 
déeeiseart. 

Les gouverneurs s'expliquaient mal l'inlârdt qu'avait la 
Métropole h empteher ce trafic. Avant leur départ, on leur 
remettait des Instructions. Aux Colonies, on avait Identât 
Tait de leur persuader que celles concernant l'interdiction du 
commerce étranger — provenant de vieilles traditioni — 
étaient tombées en désuétude. Certaines dépôches, en effet, 
parties de Versailles, semblaient contredire ces instructions. 

La disette sévissait-elle dans llle, on tolérait, on encoura- 
geait, on ordonnait même les opérations da comlnerce 
étranger. 

Le manque de vivres cessait-il de se faire craindre, l'i^ 
terdicUon reparaissait avec son époùvantail de rigueurs : 
l'amende, la prison, la confiscation des navires et de leur 
chargemeaL 

Les négociants habites s'arrangeaient de manière fc ne pat 
trop souffrir de ces gdnaotes alternatives. Hs obtenaient des 
gouverneurs une licence pour conUnuer le commerce entre- 
pris pendant la disette. Si la permission leur . était refusée, 
ils opéraient en fraude ot l'autorité fermait les yeux pour 
avoir la paix. Telle était, sous du Quesne, la situation da 
commerce étranger pratiqué aux Antilles. f~ 

Nous avons Ifc-dessus vingt documents probants. En vold 
un qui peut montrer ce que sont les autres. Il contient d'ail- 
leurs des renseignements utiles. 

Le 8 octobre 1715. le Conseil de Marine adresse à da 
Quesne le reproche suivant : < 

< Apris les ordres réitérés qal tous ont été donnés snr le ooiB' 
merce étranger, le Conseil désapprouve que vons ayez permis aux 
babitanB de la Martinique d'aller eherober à, la Barbade (colonie 
anglaise) des matériaux pour Aire des moulins à vent, et d'jr porter 



800 



riUKÇOlff 0K 'COlAéknt 



ex 



du eacao, pour en rapporter, en échange, du ddre^ de la bière et de 
rean-de-Tle. Lee habltans doivent tirer les eeoonrs, dont ils ont 
besoin, ^e France on des îles appartenant an Roi. I/aillenrs, ces 
sortes de permissions sont toujours suspectes de plus grands oom- 
merôes, auxquels elles servent le plus souvent de prétexte. Ainsi 
vous ne devez en donner absolument aucune pour quelque raison 
que ce puisse être. » ' 

On mettait un gouverneur à la torture avec de pareilles 
défenses. Les habitants suppliaient, en faisant valoir des 
raisons auxquelles il était difficile de ne pas se rendre. Si le 
gouverneur faiblissait, Tintendant, avec lequel il se trouvait 
toujours en sourde lutte, croyaif de son devoir d'avertir le 
CSonseil et bientôt la. foudre administrative tombait sur le 
haut délinquant. • 

Vaucressou ne résista pas plus que ses* prédécesseurs aux 
effets prolongés de cette désunion. Il fut rappelé en France 
vers la fin de 1715, et remplacé dans ses fonctions, - le 15 dé- 
cembre, par l'Intendant généra} de Ricotiart, dont nous au- 
rons beaucoup à reparler. Un sieur Mesnier prit Tintérim 
en attendant rarrivéë dû~ titulaire qui tarda une année 
entière. ••• 

Cependant, sans que Ton puisse toujours s'expliquer de 
quelle nianière les bureaux de la Métropole se trouvaient 
renseignés au sujet du commerce étranger, aucun fait ne 
leur échappait, et, chaque iois, le gouverneur était blftmé. 
En 1716, du Quesne reçoit encore cette réprimande ;^ 

c Le Conseil de Marine a approuvé que vous ayez renvoyé le na- 
vire anglais sans lui permettre de vendre sa cargaison de bœuf 
salé. Mais le Conseil estime que vous avez très mal fait d*avoir pris 
six barils pour vostre usage, parce que cela est de très mauvais 
exemple. • 

Assurément ! Mais du Quesne ne put tenir à ce régime> Il 
demanda son rappel. Malgré quelques efforts de sa part, it 
ne réussit pas à, ^empêcher le commerce étranger. De son 
côté, le Conseil de Marine vit que ses idées absolues d'inter- 



Ȕi 



n L4 ICARTIlOQm 807 

diction ne pouvaient cadrer avec Inhumaine faibleeee d*iia 
tel gouverneur. Il lui fallait quelqu'un d'énergique pour ob- 
tenir un résultat décisif. Du Quesne fut remplacé par le capi- 
taine de vaisseau piarquis de la Varenne, que Ton choisit et 
que Ton styla en conséquence, ainsi que l'intendant de Ri« 
cotlart, dont on éveilla particulièrement les défiances à Tégard 
du trafic interlope. 

Avant de laisser du Quesne revenir en France, n'oublions 
pas de mentionner ce qu'il fit poar CioUart. Le Gouverneur 
général ayant jugé que, proportionnellement aux campagnes 
de notre vieil ami» la cour s'était montrée peu généreuse, 
avait écrit à Pontchartrain le 17 mai 1715 : 

« Le sieur CoUart, colonel, pour lequel M. de Phèlypeaux vous 
avait demandé la croix de Saint-Louis, est un très bon sii^et II a 
plusieurs blessures, surtout la main droite estropiée. Si vous avei 
la bonté de lui accorder cette grâce, dont Je le crois asseurément 
très digne, elle lui donnera encore plus d*émulatk>n. • 

Cette lettre, parvenue en France au moment de la mort du 
Roi et du remplacement de Pontchartrain par le Conseil de 
Marine, ne reçut pas de réponse. . . Gollart fut ensuite obligé 
par une circonstance plu^oin déduite de faire solliciter une 
autre faveur qu'on ne pouvait lui refuser. Elle fut accordée. 
Mais cette seconde demande fit négliger la première et le 
colonel dut se résigner encore à n'obtenir la croix qu*à une 
époque indéterminée. Jamais pourtant {on le voit par la cor- 
respondance) il ne lui échappa une plainte, une parole amère. 
Il attendit patiemment qi^e justice lui fût enfin rendue. 



m 



^-. 



I* 



) 



La Varenne et Ricoûart s'embarquèrent ensemble à Brest \ 

pour la Martinique, vers le commencement de novembre ' . : 
1716, sur la frégate la Valeur, commandée^ par le chevalier 

de Ricottarti parent de l'intendant 1 



808 FRANÇOIS DB OOLLÀRT 



./ 



\ - 



Ils eurent le temps, pendant la traversée, de relire les ins- 
tractions qui leur avaient été remises à Versailles et d'en 
méditer les conséquences. Deux points y dominaient : la cul- 
ture des terres mieux appropriée que par le passé aux be- 
soins de la Métropole et à ceux des colons ; l'interdiction 'du 
commerce étranger. 

Sur des renseignements inlérossés parvenus de quelques 
ports de France, le Conseil de Marine s*était imaginé qu'il y 
arrivait trop de sucre et pas assez d'autres produits coloniaux 
— c comme le coton, la casse, le rocou, Tindigo, le gingembre 
et le cacao ». Il fallait donc faire mettre en seconde ligne- la 
culture de la canne, Tempécher même, afin d'y substituer 
celle des susdits végétaux. 

Puis La Varenne devait « interdire aux gens de procès 
l'entrée des lies de son gouvernement. •• » — a ces sortes de 
gens étant très dangereuses pour les coloniest où les affaires 
demandent à être traitées sommairement, à quoi il doit 

■ 

exciter les officiers de justice, s ' « . 

« Sommairement », c'était revenir au temps de du Parquet. 

Les mots « officiers de justice » tombant à la fin de cette 
phrase, que La Varenne comprit mal, le frappèrent. Il ne les 
oublia pas. ^ 

Le gouverneur et l'intendant retinrent aussi ce paragraphe, 
dont l'objet^pouvait 8*étendre à toute sorte de détail : 

« La police, qui contribue plus que tout autre chose àTaugmen- 
tation des colonies pour le bon ordre du travail et TappUcation des 
habitans, doit faire une des plus importantes occupations du sieur 
de la Varenne, en la maintenant dans les lieux où U la trouvera 
établie, l'affermissant dans ceux où eUe aura été négligée, tovOours 
conjointement avec le sieur de Rico&art, avec lequel il doit la ftJre 
en commun. » y 

En résumé, dans ces instructions presque paternelles, si 
l'interprétation n'en était pas forcée, les matières qui de- 
vaient se partager l'attention de MM. les administrateurs 
étaient les cultures, les gens de justice, le commerce étranger 
et la police. . 



n LA yARTINIQUS 800 

Mais La Varenne ot RicoUart, bien qae digaes à cartaint 
égards de la confiance do Conseil de Marine, dépassèrent 
l'esprit» la portée de leurs instructions. 

D6s leur entrée à la Martinique, le 7 janvier 1717« ils pro- 
duisent sur le public la plus f&Gheuse impression. Ds arrivent 
au Port-Royal : c Les Martiniquais n*ont qu'à bien se tenir, » 
dit la Varenne 4 peine débarqué. Le Conseil souverain vient 
les complimenter par la voix du procureur général Lauren- 
ceau d'Hauterivç : « Allons I pas tant de phrases, interrompt 
La Varenne, les ordres dont nous sommes porteurs con- 
tiennent à votre adresse plus de verges que de douceurs. » 

Soixante sucreries sont en construction : ordre est donné . 
par RicoUart de suspendre, d'abandonner sur-le-champ les 
travaux*. 

La saisie, Tamende, la prison frappent les maîtres de 
navires et les négociants simplement soupçonnés ou à peine 
convaincus de commercer avec les colonies étrangères, 

Aussii, trois mois après leur installation, dit un mémoire 
signé par les plus notables habitants, « la colonie de la Mar- 
tinique ne pouvait plus supporter les violences et les injus- 
tices de MM. de la Varenne et Ricottart, qui, loin de chercher 

à ét^lir et à maintenir le service du roi et du bien public^ 

- ' • . 

* Les administrateurt eurent tort éTidemment d'agir a^ee G«tte fiiéoipi* 
tatioD. Lee habitante lésée éorifirent an Coneeil de ICarine povr ee plaindre 
du graTe dommage qni leur était eaneé. A la date dn 17 jvin 1717, le 
Conseil répondit par la dépêche snivante, qni parvint à la Martinique trop 
tard pour être lue par La Varenne et Rico&art : "^ 

c U TOUS a été ordonné, messieurs, par le Mémoire dn Roi. de Tannée der- 
nière, d'empêcher rétablissepient de nouyeUee encreriee aux liée dn Vent» 
et le Conseil de Marine a été informé que tous aves rendu une ordonnanee 
pour les défendre ; sur quoi il 7 a eu des représentations l«tee par les ha- 
bitans de ces lies, qui exposent qu'ayant fait planter dee cannée à snere 
nécessaires et fait lee autres dépenses, c*est lee ruiner entièrement que de 
les empêcher d'établir leurs sucreries. Le Conseil enu rendu eompte à M. le 
Régent, et Son Altesse Royale a bien touIu leur permettre rétablIsseBeSi 
des sucreries qni sont commencées. Ainsi tous n'j apporterei aucun obe- 
tacle et tous aures soin de leur faire part de la permiesion qni leur cet 
accordée. » 

11 ressort de cette lettre que les administrateurs, avant de procéder areo 
tant de rigueur, auraient dû prendre un nouTcl atis du ConseU de Marine* 



.. - 1 



810 



FRANÇOIS DE GOLLART 



ne travaillaient^aa contraire, depuis leur arrivée dans cette 
tlCt qu'à détruire l'un et l'autre... • - 

Dans ce court espace de temps, les administrateurs 
s'étaient mis à dos la magistrature, la petite et grande cul- 
ture, les détaillants, les milices, les gens de mer et le peuple 
des campagnes, que la suppression du commerce étranger 
ne manquait jamais d'affamer. 

Nous réservons à dessein le fait qui va porter à l'exaspéra- 
tion la partie remuante de la colonie. Mais de ce qui précède, 
on peut déjà inférer que La Varenne et Ricotiart furent des 
plus mal inspirés quand, le 3 mai 1717, ils annoncèrent leur 
résolution d'entreprendre une tournée d'inspection générale 
dans les quartiers. 

D'après leurs propres termes, il s'agissait de tout, et, en 
particulier, « de démêler les sentiments des geiis du pays, 
grands et petits, riches et pauvres, et, par cet examen, nous 
mettre en état de rendre un compte très régulier des remarques 
que nous aurions pu faire, s - 

Chaque fors que des chefs de colonie manifesteront, sans 
y prendre garde» ces visées policières, ils s'exposeront à la 
haine de leurs administrés. 

Cependant, indice que toute prudence ne leur semblait pas 
superflue, La Varenne et Ricoiiart prièrent Gollart— qui, sans 
y chercher, avait gagné toute leur confiance — de vouloir 
bien parcourir les bourgs qu'ils projetaient d'inspecter en 
premier lieu, afin de s'assurer de l'état des espritsr* 

Le colonel employa la semaine avant le dimanche de la 
Pentecôte à remplir cette mission* 

Peu apte à pénétrer les mystères d'une situation téné- 
breuse, Gollart se plut à constater que la tranquillité régnait 
partout sur son passage. On se plaignait seulement de la ra- 
reté des vivres, cause de leur excessive cherté. Prenant sur 
lui d'adoucir l'amertume de ces plaintes, Gollart dit être iù- 
formé que plusieurs navires^ chargés notamment de bœuf 
salé, étaient partis de Nantes pour la Martinique, et que d'un 
jour à l'autre on les verrait arriver. 



ET LA MARTINIQIII 



311 



L'état des esprits exigeait que l'on ne crût pas à rassurance- 
donnée par renvoyé du gouverneur. La nouvelle fut regardée 
comme inventée par notre colonel, et, sans savoir pourquoi, 
on se défia de lui. Le service, bien innocent, rendu à La Va* • 
renne et à RlcoUart, faillit lui devenir funeste. Et pourtant, 
au sujet des vivres, il avait dit vrai. On le reconnut bientôt. 

Gollart alla rendre compte de son voyage aux administra- 
teurs. Us ne virent dans son récit rien qui pût arrêter leur 
projet d'inspection. •• 

Le 26 avril, la frégate la Valeur^ qui avait amené le gou- 
verneur et rintendant, était partie de SaintrPierre, emportant . 
leurs dépôchest ainsi que les plaintes des habitants relatives 
à l'arrêt des travaux dans les sucreries en construction, rt 
auxquelles il fut répondu par le Conseil le 17 juin. 

La présence d'un bfttiment de l'Etat aux abords d'une 
colonie est toujours un soutien pour ceux qui l'administrent. 
Le départ de la frégate fut regrettable pour La Varenne et 
RicoQart. n ne restait à la Martinique, en partance pour 
France, que le brick le Gidion^ navire'' marchand de la Ro- 
chelle, qui prendra singulièrement place dans le récit. 

Revenons au Fort-Royal, où vient de se produire le fait * 
important que nous avons annoncé. . ' 

A la date du 1^ mai 1717, La Varenne. informe le Conseil 
de Marine « qu'une sédition est survenue à la Guadeloupe 
à cause des vivres qui manquent par suite de la suppression 
du commerce anglais ». -_ -^ ' 

Rien n'était plus capable, ce semble, de suggérer des 
réQexions salutaires au gouverneur. Mais la nouvelle qu'il 
transmet ne lui apporte aucun enseignement. La Varenne 
avait au bout de la plume une autre informatiout suivant lui, 
beaucoup plus intéressante. 

Dans la même lettre il relate : 






f La nuit du 83 au 24 avril, un vaisseau espagnol, nommé le 
SaxtU'FrançoxS'Xa»ier, est venu mouiller au Fort-Royal. • • Le 
lendemain, le capitaine vint k terre me demander la permission ds 



8tt 



FRANÇOIS Dl OOLLABT 



ftire det TiTres et d'entrer dans le Carénage, ce çuBfê lui aeoordai 
WHC dêê Urmeê très gradeua. AnssytoBt que M. Durand, capitaine 
de port, Teust amarré dans le Carénage, J*enToyai à bord nn déta- 
chement de Tingt hommes, commandé par M. de Poincy, qui s'em* 
para dadit Taisseau Tenant de la Yera-^<}raz, dans leqael on a. 
tronVé 25,000 piastres* Cest an sieur Latouche de Longpré qa*il était 
adressé, comme commissionnaire. Il réclame 5,000 piastres qa'il 
dit loi appartenir* » 

• 

Sans doute La Varenne et RicoUart avaient été prévenus 
par quelque dénonciateur intéressé. Car, il est peu probable 
que, si résolus qu'ils fussent dç prouver leur zèle au Conseil 
de Marine, ils se soient exposés à saisir le navire d'une nar 
tion amie, sur laquelle régnait le. petit-flls de Louis XIV. 

En fait, le SairU-Prançois-Xavier appartenait à Longpré. Il 
avait profité du départ de M. du Quesne pour le fréter sous 
pavillon espagnol, avec capitaine ef équipage de la même 
nation. Le navire ayant porté à la Vera-Cruz des marchan- 
dises martiniquaises, était revenu au Fort-Royal avec les 
fonds de sa cargaison vendue et un chargement de cuirs. 
Longpré qui habitait aux environs l'avait fait entrer . aii Ca- 
rénage, afin d*en opérer le déchargement pendant la nuit. 
Des particuliers, venant s'établir dans la colonie et à qui ap- 
partenait la majeure partie des 25,000 piastres, avaient pris 
passage à la Vera-Cruz pour la Martinique sur le Saint- 
Prançois-Xavier. _ 

Le Gouverneur général, d'accord avec l'intendant, confis- 
qua le tout : piastres, cargaison et bateau. -^ 

C'était violent I ^ • • Ils ne connaissaient pas (ils ne connurent 
Jamais) toute Timportànce de leur saisie. Certes Longpré 
avait de quoi gémir. La perte de ses cuirs et de ses piastres 
(peut-ôtre définitive) le chagrinait beaucoup. Mais la confis- 
cation de son navire l'exaspérait. Voici pourquoi : 

A Tavant du SaitU-Prançois-Xavier. il avait fait pratiquer 
une cache, qui, pour l'instant, renfermait 50,000 écus, dont 
son père, ses frères, ses neveux et lui-môme, avaient chacun 
leur part ^ . ' . 



- BT LA MUITIMIOOB . 81S: 

J 

Ce fat aoe hîstcHre trkt curicose que la reprise do Msor 
dans la cache : nous la raconterons eo temps et lies. Bd^i 
Qons-nousà dire ici sans retard que les principaux intéreàfAs,', 
appelés en conférence secrète pour se concwter aprfes1'éT6^. 
nemeat, résolurent d'aJIronter tout péril, tout obstacle pour 
récupérer leurs écus. Ils jurèrent de s'entr'aîder aflud'ob-" 
tenir ce résultat. ' ' 

Pour être à même de bien envisager l'affaire de 1717', qui-, 
va prendre & la Marliqique une portée considérable, il faut 
connaître la famille Le Vassor de la Touche*. , • 

IV 

Son glorieux chef, Elamuel-Fraaçoîs Le Vassor de la Touche/ 
colonel de milice de la promotion Collart (ITOI^, avut épousé 
Marie-Madeleine d'Orange, dont le nom nous estdéji connu: 
En première ligue, cinq enfants étaient issus de ce mariage : 

1* Charles-Lambert Le Vassor de la Touche, lieutenant-co- , 
lonel du régiment de son père; 2* Charles-François Le Vassor . 
de Beauregard, capitaine de cavalerie; 3* Alexandre Le Vassor 
de X<ongpré, capitaine d'infanterie, marié le 12 juin 1718, 
avec Françoise Courtois ; 4* Marie Le Vassor, épouse* de 
Robert Giraud du Poyel ; et S* Françoiee-Rose Le Vassor. 
mariée, le 12 Janvier 1700, à Louis-Oaston de C:tcqueray-Val- . 
manier, lieutenant de Roi, réaidant au Fort-Royal. 

* U. 1« «énatear buon de L«Min^, qui ti«Bt kauanneiiwnt d« ■ou «■ > 
prends l'tAira d« iTtT, oft BgnrtNnl ù hononbUnMtt •MABotftMdi 
Bnq tt Bailludel, H ntroann m paji d» coBEkimaM dadi Mtte parti* 
d» aetr* éttid». 

* ^raii MrM L* TiMor (qn« l'oa dit oripaiira* d« Paria) Igannl daai U 
NMiiMmaat d* IBTI : I* Praaçoii La Vauor, 'capîtain* da milioa à SiiaW 
Piam, qui fnt nomui eon*«iIlar an CoBMil taararaiD da la Hartinlqna da ■ 
t dicanbra IB7S \ il n'aot da UariaDonthta Djal, aa fapma, qa'aaaBUaqal ' 
(ponta aa IB9I la marqaii da la Eoia. Tioa-«miral daa galioM d'Cipaya* ) 
S* NieolaiLa Taaior daliChardoaaitre,iiiortliaotanant-ooloBat da NfÎBMBt ' 
da la Capaitarra ; S* La Vaaiorda la Toaobe, dontlea titraa de BaUaaa* oat - 
<U aBi«gi(tré« an ConMil •eaTarain da la Uartiaiqna, la S jaarier I7M. — - 
Citt* famille da la Tonoba n'avait anenna parenU btm !*• PeUaria da • 
la Toucha, dont Bon* avou parU dan* la i' pârtia. 

COLLAKT (8S0) S0 



314 



FRANÇOIS DV GOLLART 



De pla8;par sa femme, La Touche était parent des d'Orange, ^ 
^es Papin, dés Le Roux de Chapelle, des Gattier^ des Ra- 
.^uiennoi des Platelet de Lagrange, etc., etc., et tout ce monde 
là avalises enfants déjà grands. 

Tous les officiers servant isous les ordres de La Touche 
lui étaient parents ou alliés, à l'exception néanmoins de 
Charles Baillardel^ capitaine dans son régiment*. Ainsi que 
que nous le verrons, il faillit payer cher cette absence com- 
plète de parenté avec les La Touche. Sa voix manquait au 
concert de soumission servile incessamment chanté en Thon* 
neur du colonel. 

En 1717, La Touche^bien qu'ftgé de près de 80 ans, était très 
vert encore et très actif. Il commandait en roi à son innom- 
brabld famille. 

Or presque tous les membres de cette famille, directement 
où inidirectement, pratiquaient le commerce étranger. Anglais, 
Espagnols, Hollandais trouvaient ce qu'ils voulaient chez 
eux en leur versant Tor ou l'argent à pleines mains. Valme- 
nier, lieutenant de Roi au Fort-Royal, leur beau-frère, leur 
rendait la surveillance aussi douce que possible. 

Peut-être les La Touche et leurs adhérents n'avaient-ils pas 
tout à fait tort d'agir ainsi. 

Le commerce de nos colonies avec les nations étrangères 
avait une raison d'ôtre extrêmement naturelle. La Métropole, 
en échange de tout ce qu'on lui fournissait, devait'ôû payer 
comptant, ou envoyer des vivres et autres marchandises de 
bonne qualité en quantités correspondantes. Elle né faisait . 



■ Pèn â« DédiwUaglom fiaîllardel de Laraioty (1707-1777)» eommandmnt^dv 
LamanlÎDk ch«Talier -d« Saint^Louit CharlM (2« dn nom), né en 1669, 
était •nseigne de milice. d« la paroisse des Anses d'Arlet en 1696. D 
a?ait -éponsé, le 90 janTÎer de la même année, W^^ 3iarie-Catherine de 
Lahaye de Saint-Hilaire. Il prit part anx expéditions de Nièfes et de Mont» 
serrat<t70l-l713), etfatAommé, le 10 mai 17Ui capitaine de la compagnie 
oolondle dm régiment La Touche, an quartier du Lamantin, par commio- 
sion de M. le QonTemear général dn Qnesne. Charles» petit-fils de Pierre 
qne nous aTons tu fonder famille. à la Martinique, est le trisaïeul do 
M. le sénateur baron do ÏAnimtj. 



ST LA MARTIMIQUI 



315 



convenablement ni Tun ni Tautre. Anssi nos Colonies re- 
couraienUelles à Tétranger» dont les transactions, par Tin- 
termédiaire de ses lies voisines, étaient immédiates, faciles 
et lucratives. Le commerce étranger était devenu pour le 
peuple une nécessitéi pour les colons industrieux une cause • 
de richesse. ' 

Cependant beaucoup de colons s'abstenaient d'employer ce- 
trafic défendu par les ordonnances. L'habitant schipuleux 
gémissait en obéissant. Les autres, sans se plaindre, se 
livraient secrètement à leur négoce interlope, et, par toutes 
sortes de moyens subreptices, ils arrivaient presque toujours 
à bien terminer leurs opérations. 

Ainsi faisait la famille Le Vassor de la Touchai Ayant réussi 
jusqu^alors à échapper à la surveillance ot, si l'on veut, à 
imposer, elle vivait en bons termes avec l'autorité. Mais elle 
devint redoutable au gouvernement de la colonie, du jour où 
celui-ci voulut mettre obstacle au commerce dont elle se ^ 
rendait coupable, sinon aux yeux de la conscience publique 
plutôt jalouse, du moins aux yeux de ce qui représentait 
alors la loi. ^ * . 

LaVarenneet Ricotiart avaient fait tout ce qu'il fallait 
pour devenir les victimes de cette faction dominante. Us ' 
avaient fatalement préparé les circonstances de leur chute, 
en mécontentant tout le monde et les La Touche. 

Il faut maintenant que nous disions commeiit^eten quoi la 
rivalité se mit entre ceux-ci et trois autres grandes familles 
qui doivent ici nous 'intéresser également : les Collart, les 
Baillardel et les du Buq. Cette dernière, surtout pouvait se *- 
vanter d'avoir, à son actif de notoriété martiniquaise, l'anti» . 
pathie des La Touche. 

Les fortunes ne procédaient pas de la môme source. Celles 
de ces trois familles tiraient uniquement leur importance de 
renvoi régulier en France des excellents produits de leurs 
propres cultures. Cette différence portait ombragée aux La 
Touche. Us auraient voulu que leur exemple fût suivi, afin 






»■- 



316 



FRANCO» 01 OQLLART 



que l'OD pût se prêter un mutuel appui dans la pratique du 
commerce étranger. Rien n*y fit. La conduite des (Sollart, des 
du Buq et des Baillardel fut inébranlable. Ce n'était pasTidée 
seule du devoir qui dominait à cet égard dans leur esprit. 
Gentilshommes ayant prêté serment de fidélité au Roi, ils se 
tenaient d'autant plus fermes sur ce point que les autres 
avaient une tendance plus marquée à s'émanciper. Ils se con- 
tentaient de souhaiter que le progrès amenftt légalement la 
liberté du commerce, dont leurs rivaux jouissaient* par 
avance en fraude*. 

Les La Touche, également de la noblesse, tenaient bien à 
leur foi politique. Mais ils avaient gagné, à de fréquentes 
relations commerciales avec les Anglais et les Hollandais, 
une facilité de principes qui les fit céder à la pression des 
circonstances. Ce fut, au grand dommage de Tordre, qa'unè 
certaine classe de citoyens, très populaire à la Martinique, 
concourut à renverser sens dessus dessous. Le peuple com- 
manda : les chefs durent obéir. 

Ceci nous oblige à dire un mot de la flibuste. 

m 

Pour qui connaît l'histoire des lies d'Amérique, Texercice 
du commerce étranger avait des liens de parenté fort étroits 
avec l'ancienne et glorieuse flibuste. A cette sorte de franc- 
maçonnerie coloniale nous avions dû, comme on sait, un peu 
Saint-Christophe et beaucoup Saint-Domingue. On a vu avec 
quel succès Cassard employa, dans sa campagne dei713, des 
volontaires flibustiers joints à des volontaires miliciens. La 
différence entre les uns et les autres consistait en ce que le 
mobile des premiers était mercenaire ; celui des seconds, che- 
valeresque. Les miliciens se battaient bravement par amour 
de la gloire ; les flibustiers, avec autant d'ardeur, par amour 
de l'argent. Ils avaient, dans les faits de guerre, la passion 
du pillage*. '^ 

* L'avenir réalita leurt tobus» et ce fat un da Baq, août le ministère de 
M. de Choiienl. qni fit établir la liberté da oommeree colonial, à certainea 
conditioni. La Métropole, au lieu d*j perdre, j gagna beaucoup. 

^ Leur nom corrompu de flibuttiere (Csiboutiera vient de deux mot* 
: free booten, franca pillardi. 



' • 



rr LA MARTINIQUt 



817 



Cependant peu à peu cette race de corsaires amphibies, dont 
l*élan et la bravoure étaient irrésistibles, et qui, au repos, 
vivait dans les jouissances du luxe et de la bonne chère» cette 
race étrange s'adoucit, se disciplina et finit par se fondre 
avantageusement dans chacune de nos colonies. Les petits-fils 
des plus enragés corsaires devinrent de paisibles cultivateurs. 

Mais il faut avouer que ceux qui avaient sucé, à leur ber- 
ceau, le lait de la flibuste, héritaient d'idées et d'habitudes 
d'indépendance peu en harmonie avec les principes du pou-* 
voir royal. Ces idées-là, exaltées par la prétention qu'avaient 
manifestée les administrateurs d'empôcher le fonctionne- « 
ment des sucreries, d'y substituer de nouvelles cultures, de . 
réduire enfin la colonie à la portion congrue, ces idées-là fer- 
mentërent avec une foudroyante rapidité sous le gouverne- 
ment du marquis de la Varenne... La confiscation du navire ' 
espagnol fut le signal de leur explosion. 

Tant que les La Touche purent opérer sans encombre avec 
rétranger, rien ne vint troubler leurs rapports avec les 
représentants du pouvoir. Du jour où il fut avéré que le 
mécanisme de leur fortune ne pouvait plus fonctionner, ils 
condamnèrent sans appel les deux hommes qui osaient 
braver le danger de leur nuire. 

Du môme coup, ils n'auraient pas été fflchés de compro- - 
mettre un peu leurs rivaux, en leur mettant sur le dos la 
responsabilité d'une échauffourée, au cas otr l'affaire tournât 
mal. 

Ce fut dans ce double but que La Touche père trama le 
complot, de concert avec le procureur général d'Hauterive, 
si injurieusement apostrophé par La Varenne. 

Le vieux colonel réunit dans' l'ombre par escouades ses 
fils^ petits-ftls , neveux, petits-neveux, gendres, etc., les 
échauffa, les persuada et disposa, les rdles suivant le caractère 
de chacun. Six de ses neveux, capitaines ou aides-majors, 
furent particulièrement employés par lui. Ce. furent Bour^ 
gelas, Lépine-Dupont, Gattier, Belair, Labat et d'Orange. 



« 









318 



FRANCO» DS OOLLAUT 



Les deux premiers, messagers secrets des instmctionsLdu 
. maître, furent chargés de préparer les esprits pour un pro* . 
cbain gaoulé, mot d'origine caraïbe qui signifiait : assemblée . 
pour faire un coup..,^ ' 

La cause réelle de la révolte n*étant connue que des «euls 
initiés» quel était le but donné par les meneurs? Faire, 
paralt-il, une pâle copie du parlement anglais. 

c II s'agissait de rendre cette isle libre, que le commerce 
serait ouvert à tout le monde et qu'il y aurait deux Chambres 
pour gouverner, composées, l'une de la noblesse, çt l'autre 
t du peuple. > 

Telles furent textuellement les paroles que Bourgelas 
insinua dans son message à Charles Baillardel. Celui-ci, ne 
considérant pas comme sérieuse une semblable proposition^ 
dédaigna dV répondre. On voit du reste que le « vieux 
flibustier » (comme du Buq appelait La Touche) n'y allait pas 
de main morte, en supposant toutefois que l'idée de ce 
système de gouvernement colonial provint de lui.' On devine 
que s'il avait jeté en l'air de pareils projets, c'était afin d'atti- 
rer à sa cause les tètes chaudes de la colonie. 

Quoi qu'il en soit, les capitaines Cattier, Belair^ Labat et 
d'Orange, hommes résolus et. forts, furent désignés après 
débat pour la partie la plus difficile de Tentreprise. Pour 
eux, c'était une question de vie ou de mort. Aussi, bien que 
doués d'un caractère énergique, ils n'acceptèrent cette mis* 
sion redoutable que sur les promesses formelles de La Touche 
de les soutenir de son argent, de son crédit et déF forces 
miliciennes dont il disposait pour les sauver en cas de réel 
danger. 

En voyant comment le projet de complot s'exécuta, on 
pourra juger si la trame en avait été habilement ourdie. 



s^ 






/ 



♦ , 



^^«LA«AK«M.QO. S» 



-< 



V • 



La Varenne et lUcoûart, p^irtis da Fort-Royal le jeudi 
13 mai 1717, s'embarquèrent en- canot» dans l^après-midi, 
avec un secrétaire, trois gardes et trois domestiques. II9 
devaient être rejoints en route par les of Aciers, et fonction* 
naires dont le concours leur serait nécessaire. GoUart et 
d'Hauterive furent du nombre, avec un ingénieur, 4m capi- 
taine d*artillerie, le grand voyer et l'arpenteur général. 

Ils commencent leur tournée parle lieu dit rAcsJou, situé 
dans la baie du Fort-Royal, au quartier du iLamentin, à 
gauche, vu de la mer. Cest là que se trouvait*rbabitation du 
colonel de la Touche, oii les conjurés s'étaient maintes fois 
réunis, à la fin d'avril et depuis le commencement' de mai. 

La Varenne et Ricoflart (preuve qu'ils ne se doutaient de 
rien) y vont dtner et coucher. Le colonel les reçoit aussi gra- 
cieusement que je gouverneur avait accueilli: le capitaine da~ 
navire espagnol : « ce que je lui accordaien te'rmestrès gra- 
cieux », suivant ses propres mots. 

Le vendredi 14, La Varenne et Ricoflart passent -irâi bourg 
du Lamentin, ob ils font la revue de la compagnie colonelle 
du régiment La Touche, commandée par Charles BaillardeU et/ 
de la compagnie de cavalerie, attachée audit régiment, com- 
mandée par Le Vassor de Beaùregard; Ils assistent à la messa^ 
puis vont dtner et coucher à l'habitation de M. de«daint-Clyr« 
paroisse du Trou-au-Ghat, ai^ourd'hui Ducos. 
' Le samedi 15, ils se rendent chez M. Cornette^,' font la re* 
vue de sa compagnie 'appartenant au régiment La Toucha, 
puis vont dîner et coucher à l'habitation' du cotiseiller Pain, 
dans la paroisse du Gul-de-Sac-à- Vaches, située au côté droit 
de la baie du Fort-Royal. 

Dans leur rapport, La Varenne et Ricofiar t résument les 

« Antoine Gorntite, qui t^élait disttngaé à Itr défenst dn FortpRojnl M 
1674, aTftii eu deux flli : Gornatto Tatné, et Cornette de Saint-OTHn- 



V 



320 VBANÇOn DB OOUJlIiT 

diverses affaires réglées « sommairement » par eux entre les 
habitants. Ce détail^ pour nous sans intérêt, prouve qu*ils 
s'occupaient de bien des choses que la justice seule aurait pu 
démêler. Il est difficile de savoir^ au pied levé, qui a vrai- 
ment raison ou tort dans certaines contestations, relatives, 
par. exemple, à des terrains en litige. 
• Le lendemain 10 mai, jour de la Pentecôte, après avoir en- 
tendu la messe et dîné chez M. de Montigny, La Varenne et 
RicoQart se rendent par mer à la Petite-Anse*d*Arlet, quâr- 
tier du Diainant'. Ils y font la revue de la compagnie colo- 
nelle du régiment Collart, commandée par M. de Montigny, 
et vont dîner chez Labat, l'un des principaux conjurés, où 
du reste ils passent la nuit.. . - «^ 

. Profitons de leur sommeil pour nous tenir au courant de ce 
qui se machine contre eux en d'autres quartiers de la colonie. 
Les forces de la révolte vont se mettre en branle. > . 
- Le colonel du Buq (celui-là même que nous avons, suivi 
avec CoUart dans toutes ses campagnes), entendant Toffice à 
' Téglise dé la Trinité avec M. de Martel, venu passer une se- 
maine chez lui^ observa « qu*il y avait bien . peu d'hommes à 
la messô «.Cette indifférence, un jour de grande fète^ lui 
parut singulière. Il en fit la réflexion. 
. — Est-ce que vous croyez, lui dit M. de Martel, aux bruits 
qai ont circulé, ces derniers temps î 
^ — Dame ! répondit du Buq, il y a bien des étourdis dans 
ces parages et. bien des misères dans la colonie. 

La circonstance eût certainement été oubliée st,4a nuit du 
dimanche au lundis les conjurés n'avaient commencé à exé- 
cuter le plan combiné par Je vieux La Touche. 
. Partant de l'Acajou, ils s'étaient divisés en trois colonnes : 
la première s'était rendue à Sainte-Marie^ dans les hauts de 
/ nie; la seconde, à la Trinité, un peu plus bas, et la troisième, 

au Diamant, où se trouvaient alors La Varenne et RicoOart. 

• Doit tOA nom à réolal dt talînet qui MflèUnI lêt rayons du tolèil, à ton 
Itvtr, da^i oetu parlio dt la llnrtiniqvo. 



• ET L4 XÂRTimQini S21 

Deux heures avant le jour, à la Trinité, du Buq est réveillé 
par son nègre veilleur. On frappe à la porte de Thabitatioa. 
n y a du tumulte. Le colonel fait ouvrir. Soixante hommes 
armés pénètrent dans sa chambre. Voici le dialogue qui s'en- 
gage entre lui et cette troupe' : ^ 

— « Qui vous amène ? — Colonel du Buq, dit Tun des con- 
jurés qu'il ne connaissait pas, nous venons vous chercher de 
la part de la colonie. — Et pourquoi faire ? — Pour renvoyer 
MM. La Varenne et Ricottart dont nous avons assez, vous le 
savez bien. — Personnellement, je n'ai pas à me plaindre de 
ces messieurs. Parlez pour vous ! — Nous, nous ne suppor- 
terons pas davantage lefir tyrannie. — Kt de quel droit venez- 
vous troublermon repos pour une cause qui m'est étrangère T 
— Du droit du plus fort, crie quelqu'un sans se montrer. Il 
faut marcher avec nous de bonne volonté ou nous vous y for- 
cerons. — Messieurs, je ne marcherai pas. Je ne veux pas 
me mettre en lutte ouverte avec les représentants du Roi. — 
Choisis ! concli}t une voix : c'est nous suivre ou la mort et le 
feu chez toi !•.. » .. 

Sur ces entrefaites,' un nouveau tumulte se fait entendre 
au dehors, et du Buq voit arriver une nouvelle troupe avec 
les colonels de Jorna et La Guarigue de Survilliers. Os 
viennent à lui tout émus. On les avait entraînés jusqu'à l'ha- 
bitation. Rien qu'en les voyant du Buq comprend que, pro- 
visoirement, toute résistance est inutile. Ses fils prévenus 
accourent et reçoivent ses ordres sans dire mot. Puis, 
après quelques préparatifs, les trois colonels montent à 
cheval et l'on se met en marche. Au commencement, du Buq, 
Jorna et Survilliers sont placés au centre de la troupe, qui se 
dirige vers le quartier du Robert par le chemin du Oros- 
Morne. Plus on avance, plus la troupe grossit. Les insurgés 
sortent par grappes des taillis, et bientôt du Buq se voit 
entouré d'un millier d'hommes, lui en tôte, Jorna et Survil- 
Jiers un peu en arrière. 

• D'après 1m déclaratiooa éoritM trèi détaiUéaa dt du Baq. ^ 






FRANQ0I8 Dl GOLLART 



De la Trinité au Lamentin, avec les détours, il n*y a guère 
moins de six lieues. La troupe s*arr6te en route pour manger 
et se reposer. Laissons-la continuer sa seconde étape et reve- 
nons à La Varenne^t à Ricotiart, qui se lèvent chez Labat... 

Le matin du 17 mai, lundi de la Pentecôte, on les conduit 
au bourg du Diamant. La compagnie de cavalerie attachée 
au régiment Gollart, commandée par M. de Sanois, est passée 
en revue. Puis, après avoir entendu la messe avec leur suite, 
le gouverneur et Tintendant, ainsi qu*il avait été convenu 
d'avance, sont retenus à dtner au presbytère par M. Roussel, 
lieutenant-colonel dudit régiment, homme fort estimé dans 
la colonie. 

Assistaient à ce repas d'apparat : Roussel (en réalité 
l'amphitryon), Gollart, d'Hauterive, Malherbe, capitaine d'ar- 
tillerie ; du Joncheray, grand voyer ; Petit, arpenteur général ; 
La Roulais, ingénieur, et d'autres, le curé, par exemple... 

Un incident, bien inattendu assurément de tous les convives, 
vint troubler les derniers moments du festin« 

Au milieu d^ la gaieté qui règne d'ordinaire à la fin d'une 
telle réunion, le sieur Eynaud, lieutenant de cavalerie milice 
(fidèle sujet, lisonâ-nous quelque part), se présente mysté- 
rieusement et prie le Gouverneur général de vouloir bien lui 
accorder quelques minimes d'entretien. La Varenne, sans 
réfléchir, lui dit de parler, qu'il n'y a ici de secret pour per- 
sonne. Eynaud commence à regretter d'avoir entrepris cette 
démarche. Sa communication n'est pas de nature à être 
entendue par d'autres que le gouverneur et l'intendant. Enfin, 
sur un ordre formel, après avoir beaucoup hésité, le lieute- 
nant déclare être venu prévenir « ces messieurs » de se tenir 
sur leurs gardes, parce qu'il y a complot de les arrêter dans 
la soirée. 

— Qui vous a dit cela? interroge La Varenne. — Ma femme, 
répond Eynaud. — Et qui doit nous arrêter? — Je Tignore. 
— Avez-vous connaissance de quelque chose ? dit le gouver- 
neur, s'adressant aux conviVes. 



\ 



/ 



Vr LA MAIITINIQUB 



La réponse est négative. Bref. Ia Varenne ooncliit,: « Dites 
qae cet avis, surprenant de tonte façon, ne doit pas nous em« 
pécher de continuer notre tournée. N'est-ce pas, piessienrs T » 

L'assistance approuve. 

Eynaud se retire confus. Persuadé qu'il a fait on pas de 
clerc^ il croit sans danger de raconter les circonstances de sa 
démarche. Une bande de conjurés/ sous prétexte de lui faire 
répéter son récit, le conduit à l'écart^ et, pour lui apprendre 
à se taire, le maltraite cruellement. Il est roué de coups. 

Pour éditer une telle avanie à ce « fidèle sujet »t & eux- 
mêmes ce qui va suivre, comment auraient dû procéder le 
gouverneur et l'intendant mieux inspirés T Ecouter ce brave 
homme au dehors, lui recommander la discrétion» le conser- 
ver près d'eux pour plus de sûreté ; rentrer dire que leur 
présence était nécessaire au gouvernement; se faire accom- 
pagner jusqu'à leur embarcation, regagner le Fort-Royal« 
s'y mettre en ^éfense...la révolte était manquée! Mus, là 
comme ailleurs, la prudence fit complètement défaut à La 
Varenne et à RicoQart. Ils le sentirent si bien que leur rela^ 
tion est muette sur cet incident, connu par d'autres pièces 
parvenues en France après l'affaire. •♦ 

Vers quatre heures de l'après-midi, sans plus s'inquiéter, 
La Varenne et Ricottart montent à cheval avec leur suite et 
vont, à quelque distance du bourg, sur l'habitation du sieur 
Bourjot, une sorte d'hôtellerie où les attendait on souper 
commandé par eux pour rendre la politesse qu'ils\enaient 
de recevoir. • . » . . 

Détail à noter : ils rencontrent, avant d'arriver àla maison 
Bourjot, les capitaines de milice Belair et Ghatilloo, le major 
d'Orange^ les aides-majors Emond Cattier et Labat, le lieu- 
tenant Jacquart. les enseignes Belair des Goutières, La Motbe 
du Soliers , et les frères Gautier, « à qui, disent-ils, nous 
avions parlé très obligeamment pendant le dîner du presby- 
tère. » C'étaient les conducteurs de la révQlté. 

Après s'être promenés longtemps sur l'habitation Bouijot, 



a 



). 



/ 
/ 



/; 



V 



SS4 rRAMCOIS DE OOLLART 

La Varenne et Ricoûart prennent place à table à huit heures, 
avec leur suite, moins Tingénieur de la Roulais et.le capitaine 
Malherbe, qui, s'étant excusés, avaient demandé à se retirer 
pour aller prendre du repos. Ceux-là sans doute éprouvaient 
quelque défiance. 

Mais, adieu la tournée d'inspection commencée t Voici le 
moment critique pour le gouverneur et TintendanL 

A peine les convives se sont-ils assis qu*un grand bruit se 
fait entendre aux fenêtres. Une bande de gens armés pénètre 
tumultueusement dans la salle. Trois détachements peloton- 
nés autour des sieurs Belair, d'Orange et Gattier, tombent là 
poussés par d'autres, et trente voix prononcent ensemble ces 
paroles évidemment apprises d*avance : « Au nom de la co- 
lonie, nous avons ordre de vous arrêter I » 
. A l'exception de d'Hauterive que rien n*émeut, les conviîres 
stupéfaits se lèvent et La Varenne dit : Qu'est-ce T De quoi 
8'agit41t , . ^ 

. Reprise du chœur : « Au nom de la colonie,* nous avons 
ordre de voçs arrêter! • ' . 

— Au nom du Roi, s'écrie La Varenne, pourpre de colère, 
moi, je vous ordonne de vous retirer I 

. Gris : Non 1 non I S'ils résistent,. fusillons-les ! 
RicoUart, plus maître de lui, essaye de parlementer. - 

— Ces messieurs, dit-il, sont trop bons sujets du Roi pour 
ne pas comprendre leur méprise. Voici M. le général et je 
suis l'intendant 

— Non ! non ! A bas La Varenne et RicoûartT^ 

— Quels sont vos chefs ? . 

— Personne ne veut plus de vous*. 

— Voyons, messieurs, un peu de calme. Quel est celui qui 
vous commande ? Nous nous expliquerons avec lui. 

CoUart veut parler. Des murmures étouffent sa voix. Il 
n'en continue pas moins de protester contre une telle violence 
et se tient près du gouverneur et de l'intendant, comme pour 
les protéger de son corps. , , 



! 



■T LA MARTINIQUB 



826 



Cris : « Empoignons-les I » Sur ce, d'Hauterive s'esquive 
« d*uD air content d'avoir été de la scène », dit La Yarenne 
dans son rapport. Les autres convives sont Jetés brusque- 
ment hors de la salle. Gollart résiste de toute sa forcOi mais 
en vain. Le gouverneur et l'intendant restent seuls en face 
de cette bande déchaînée. C'est un tourbillon qui crie, qui 
menace, qui injurie. . 

Un quart d'heure se passe ainsi. Puis, peu à peu Tefferves- 
cence se calme et, non sans quelques égards, on fait monter 
La Yarenne et Ricoûart au premier étage. Ils y sont enfermés 
dans des chambres séparées, avec quatre sentinelles à chaque 
porte. La mcuson est gardée par trois cents miliciens en- 
' viron.«« . 

C'est à la même heure que du Boq, arrivant avec sa troupe 
.au terme de sa seconde étape, parvient au bourg du Lamén- 
tin. Il y est reçu .%u milieu d'acclamations qui ajoutent à son 
embarras... Nous le verrons bientôt prendre, malgré lui, 
la tète du mouvement^ dans l'unique bat de sauver la co- 
lonie des conséquences du désordre. 

' ■ •' VI ■ 

w 

Ce qui permet de suivre pas à pas l'afTaire de 1717, c'est 
l'examen des papiers du procès dont fut suivie la révolte. Les 
dépositions du principal inculpé et des nombreux ^moins 
-* que personne jusqu'alors n'avait consultées ~ fournissent 
à cet égard quantité dé détails intéressants. Nous avons pro- 
fité largement de cette mine précieuse. Le récit peut s'en- 
richir ainsi de maintes circonstances propres à donner du 
jour aux côtés obscurs de la révolte, comme à lui imprimer 
une face nouvelle. Rien n'est moins commode^ il est vrai, de 
coordonner les renseignements puisés dans les dépositions. 
Mais, en revoyant les pièces dont la rédaction confuse a 
rebuté, on arrive à saisir ce qui d'abord échappe aux pre- 
mières lectures. . ~ # 



326 FRANCO» DE ciOLLART 

• La déposition très explicite dà sieur « Guillaume Geffrier, 
cornette de cavalerie, habitant à la Rivière-Salée, natif 
d'Orléans, paroisse Saint-Paterne, &gé de 42 ans' », ^est une 
de celles qui nous ont le plus servi. 

Geffrier a presque tout vu de la révolte et raconté tout ce 
qu'il a Vu, un peu sans suite, mais fidèlement. Le principal 
mérite de ce a bon officier » est d'avoir rendu impossible 
l'exécution d'un projet qui eût constitué un crime impar- 
donnable pour la colonie. Voici comment : 

La Touche avait recommandé aux officiers de "milice, 
chargés d'arrôter La Varenne et Ricottart,de le faire prévenir 
& TAcajou par un exprès, aussitôt Tévénement accompli. On. 
avait choisi Geffrier, parce qu'il était bon cavalier. Le vieux 
colonel attendait avec une extrême impatience l'avis qui lui ^ 
avait été promis. Il prévoyait que lès troupes du Roi, caser^ 
nées au Fort-Royal et à Saint-Pierre, viendraient le lendë-. 
main, à la première nouvelle de l'arrestation, tenter de dé- 
livrer lé gouverneur et l'intendant. Pour les en empêcher, 
La Touche devait envoyer deux compagnies de son régiment 
surprendre les forts pendant la nuit, seul moyen de réussir 
dans son projet. Mais, craignant les indiscrétions, il avait 
insuffisamment préparé cette partie du complot. Les deux 
compagnies devant agir contre les forts n'avaient pas été dé- 
signées, l'exprès choisi nullement pressenti. Bien des im- 
prudences furent commises^ à la dernière heure, pour obvier ^ 
à ces défauts. 

Ainsi, après la revue passée le matin au Diamant, les sieurs 
Belair, Ëmond Gattier, Martin et Duval fils, quatre conduc- 
teurs de la révolte, joignirent Geffrier comme il descendait 
de cheval et l'amenèrent dans une case abandonnée. Là, ces 
officiers lui confièrent que, le soir, on devait arrêter le gou- 
verneur et l'intendant. — Pour. quelle raison ? A cause de 
quoi ? demanda-t-il. — Ils répondirent : Ce sont deux tyrans 

■ •• • « \ , , .. J I , •' ■ 

« ••eplMibr» 17itl 



^ 

R L4 lURTiraQUB 327 

qui ont rôdait 111e à la famine. Ils ont traité tout le monde, 
sans distinction de personnes, d'une manière dure et mé- 
prisante. — Vous avez donc particulièrement à vous plaindre 
de ces messieurs, observa Geffrier. Quant à moi, je n'ai qu'à 
m*en louer. — G*est, lui dirent-i}s» que vous n'aves point eu 
d'affaire avec eux. Grand nombre de gens (qu'ils lui nom*, 
mèrent) ont été traités avec la dernière indignité. . — Kst-ce 
que, poursuivit Geffrier, MM. deGoUart, Roussel et Petit,. 

qui sont ici à la suite de ces messieurs, savent cette étrange 

• 

résolution T * Non, et nous vous défendons de. leur en 
parler, sous peine de la vie et vos biens brûlés. — Mais qui 
vous soutiendra dans une pareille action? -^ M. .de Ja. Touche 
père. Les forts doivent être pris demain à la garde levante.. 
Presque tous les habitants de l'Ile sont déjà en marche pour 
se rendre au Lamentin. — Mais qu'attendes-vous de mm» 
dans cette affaire ? Que vous restiez ici pour commander les. 
hommes de la compagnie de chevaux, dont nous sommes 
assurés. •>. : V <•■•.•.• wi : x. .'...." ..- 

Se voyant seul devant ces ardents conjurés, Geffrier parut 

m 

acquiescer et Ton sesépara.w^- . : • . : .^ 

Il alla dîner dans une auberge du bourg avec huit ou dix 
cavaliers qui le joignirent et auxquels (les en entendant; 
parler) il conseilla de ne point entrer dans cette, mauvaise, 
affaire. Ils le lui promirent. Après le repas, il monta à cheval 
avec eux. Ils partaient ensemble pour retourner à leur^^h^bi*^ 
tations, lorsque ceux qui Tavaientpris à part après la revup,.^ 
le voyant en marche, àbcourent et lui disent que,, s'il partait . 
et n'exécutait pas ce qu'on lui avait ordonné,, il pouvait 
compter d'être pendu avec toute sa famille. Geffrier leur , 
répondit : « Je ne vous crains pas. Vos .menaces j ne 
m'effrayent point. Je serai toujours en état de repousser, vps.* 
insultes ». Et il partit avec six cavaliers qui lui étaient, restés. . 
Arrivés ensemble à la Rivière-Salée, à cinq heures du soir, 
ses compagnons le quittèrent, et chacun s'en alla chez soi. . 

Vers onze heures du soir, étant couché, deux cavaliers, de 






328 



FRAMQOIB Dl COLLAET 



la révolte vinrent lui dire que c ces messieurs » avaient étâ 
arrêtés et qu'il eût à monter à cheval pour aller en prévenir 
M. de la Touche à TAcajou. GefTrier refusa de se charger 
d'une telle commission. Alors on le menaça ; on lui ât com- 
prendre que rien n'était plus pressé que de partir pour 
l'Acajou. Ni les menaces, ni les explications ne le couvain* 
quirent. Ce que voyant, les émissaires lui dirent que cinq 
cents révoltés les suivaient à quelque distance, et que, s'il ne 
8*était pas mis en route avant leur arrivée, on le pendrait, et 
que le feu serait mis à son habitation. ' ' 

Après le départ de ces deux cavaliers, Qeffrier, fort ennuyé, 
réfléchit Redoutant pour sa famille le malheur dont on le 
menaçait, il se résolut à faire preuve dé bonne volonté. 

Le voilà à cheval ; il part, se fait reconnaître au poste de la 
Rivière-Salée, « passe à l'embarquement principal » défendu 
par un corps de garde, et se dirige vers l'Acajou sans trop 
savoir s'il poussera jusque-là. Dans l'état d'esprit où Geffrier 
se trouve, hésitant de plus kn plus à poursuivre son chemin, 
son cheval lui vient en aide (du moins il le semble). Rompu 
de fatigue comme son maître, il refuse d'avancer. Tout ce dont 
le cavalier se sent capable est de traîner sa monture à pied 

jusqu'au bourg du Trou-au-Chat. Le Père RaphaSi, curé de 
cette paroisse, qu'il connaît, lui donne l'hospitalité..* 

Cependant, après un certain temps de repos, Geffrier ne 
peut songer à sa commission sans inquiétudel.. .Expliquer 
par écrit ce qu'on l'a chargé de dire et montrer l'impossibi- 
lité de continuer sa route, lui parait préférable à une com- 
plète abstention. • . Le Père Raphaël va réveiller son domes- 
tique et l'envoie porter la lettre à La Touche. 

L'homme (un mulâtre esclave), étourdi de sommeil, ayant 
marché sans se presser, ne put joindre le colonel qu'à sept 
heures du matin... Il était trop tard.. • 

A l'exception des enragés de la révolté, la colonie sut beau- 
coup^ de gré à Geffrier de son peu d'empressement, lors- 
qu'elle fut à même d'en avoir la preuve. Grflce à sa lenteur, 



■T LA MÀRTHIIQUB 



la surprise des forts, pendant la nuit ou « à la garde levante », 
ne put avoir lieu. 

Mais La Touche n'était pas homme à renoncer complète- 
ment à son projet 11 ne s'agissait plus de surprendre les 
forts ; les bloquer lui suffirait, afin de rendre tout secourt 
impossible à La Varenne et à RicoQart. Dans ce but, il fit 
dépêcher par un piquet de cavalerie, au capitaine BaillardeL 
rinjonction de se mettre à la tète de sa compagnie et dé 
marcher sur le Fort*Royal. 

La Toudhe s'adressait mal. 

Baillardel indigné répondit « qif il ne se meslerait jamais 
de l'affaire dont il s'agissait^ qu'il était fidèle à son Roy et 
qy'on eust à lui casser la tète, parce qu'asseurément il . ne 
marcherait jamais pour entreprendre rien contre les forts, 
ny contre la personne de ces messieurs, à qui Ton pouvait 
faire de très humbles représentations », ce qui lui attira 
quantité de menaces de ceux qui l'entendirent*. 

• • • * 

On loua généralement Baillardel de son héroïque refus, 
qui lui valut, par contre, la haine des La Touche. 

La colonie, en grande majorité dévouée à la révolte, vou- 
lait bien certaines choses. D'autres lui répugnaient abso- 
lument. Toute idée de collision entre les troupes réglées et 
celles des milices lui était particulièrement odfeu9e. 

Du reste, La Touche eut tort d'insister sûr ce point. Les 
commandants des deux garnisons étaient déjà convenus 
qu'ils ne prendraient aucune part aux événements, pourvu 
que rien d'hostile ne fût tenté contre les forts. ^^ 

Il nous faut maintenant retourner à l'hôtellerie Bourjot, 
auprès du gouverneur et de l'intendant, très impatients de 
savoir ce que Ton va faire de leurs personnes captives. 

Le rôle décisif que prit du Buq dans un moment périlleux 
et les efforts de Collart pour délivrer les représentants du 
Roi attireront ensuite successivement notre attention. 



« Déclaration du i% àml 17U. 
CoiUJtT CHXO 



30 



390 



FRANÇOIS DE GOLLA&T 



vn 



Au quartier du Diamant^ chez Bourjot, la nuit s*était passée 
sans trouble. Réquisitions pacifiques de vivres dans les ha- 
bitations voisines : voilà comment se traduisirent alors ce 
qu'on appela « les fureurs populaires »• 

Le mardi delà Pentecôte, 18 mai, à sept heures du matin, 
on alla chercher, dans leurs chambres, La Varenne et. Ri- 
cotlart. Us demandèrent à entendre la messe et — ce qui 
peint le lieu et Tépoque témoins de ces événements — on se 
rendit à leur désir, en allant prier le curé de venir célébrer 
Tofflce divin sur rhabitaUon Bourjot. Le prôtre vint, la messe 
fut dite : les chefs révoltés et leurs hommes y assistèrent 
pêle-mêle avec le recueillement désirable. 

On déjeuna. Puis, vers neuf heures, on fit monter à che- 
val MM. les administrateurs^ qui furent ainsi conduits, entre 
deux jg^ros d'infanterie avec quantité de cavalerie au centre, 
jusqu'au bourg du Trou-au-Ghat. On descendit chez M. Cor- 
nette, où Ton dîna. A trois heures, La Varenpe et Ricofiart 
remontèrent à cheval et furent dirigés dans le même ordre 
jusqu'à l'habitation de M"* veuve Papin de Lépine (à un 
quart de lieue du Lamentin), où ils furent déposés, vers 

■ 

quatre heures, et tenus sous bonne garde. 

Au Lamentin, où se trouvait le gros de la révolte, la nou'^ 
velle de l'arrestation du gouverneur et de l'intendant s'était 
vite répandue le matin. Les milices, arrivées la nuit de tous 
côtés, étaient dans la plus grande confusion. Explications, 
récriminations, projets extravagants, mots en l'air, sages 
conseils, le tout se croisait, s'entrechoquait d'étrange façon. 
Tout le monde voulait la môme chose, et pour l'exécution 
personne n'était d*accord. 

L'absence remarquée de La Touche surprenait, inquiétait. 
On se demandait « où il estait, le traitant de traître, qu'il les 
abandonnait après les avoir mis en besogne ; que, s'il ne 



• . 



BT L4 MARTINIOUB 331 

venait incessamment, tout serait brûlé chez lui. » On chargea 
L6pine« son neven* de l'aller chercher et de ramener immé- 
diatement 

Mais La Touclie a^yait sans doute des raisons pour ne pas 
se montrer si vite au Lamantin. Il était chef de la révolte 
m petio. De TAcajou, à demi-lieue du bourg, il était censé 
tout diriger. Gela lui suffisait La journée du 18 8*écoula sans 
que personne le rencontrftt r . 

Cependant son absence prolongée sur le principal lieu de 
la révolte exaspéra les têtes chaudes. du rassemblement.^ 
Le peuple, livré à lui-même, sans chef visible, se crût trahi, 
délaissé. Un cri part de la foule : « Des torches, et chei 
La Touche I » 

En un clin d'œil la flamme brille, le délire s*empare des 
esprits. La folie de l'émeute secoue ses grelots sinistres sur 
celte multitude qui devient houleuse. Un mouvement de plus 
et c'en est fait de notre belle colonie... 

D*un groupe où Ton délibère sur les précautions à prendre 
pour éviter un conflit avec les troupes du Roi, du Buq % . 
s'élance au devant des incendiaires et s'écrie : 

— Qu'allez- vous faire, mes amis T Voulez-vous achever de — 
nous perdre ? Y pensez-vous f M. de la Touche a ici soixante- " 
douze neveux, sans compter plus de deux cents parents ou 
alliés. Si vous faites une pareille action, . nous allons nous 
poignarder les uns les autres. " ^ 

— On nous trahit ! On nous abandonne 1 ^ - 

. Est-ce que Je vous trahis, moi T Est-ce que je vous aban* 

donne f MM. La Varèhne et Ricotiart sont arrêtés comme vous 
L'avez voulu. On va les amener ici. Vous avez à décider paci- 
fiquement de leur sort. Prononcez I Mais, de grftce» mes amis, 
pas de feu ! pas do sang répajidu ! ou nous sommes tous 
perdus. 

Des cris répondent : « Vive le colonel du Buq t » et les 
torches sont éteintes. 

Les colonels de Jorna, du Prey et de Survilliers s'étaient 



^^ 



t • 



FRANÇOIS DB OOLLABT 



approchés.: —Messieurs, leur dit du Buq, il faut à tout prix, 
au plus vite, donner une direction à ce mouvement, ou il va 
tourner à mal. 

— Nommons un chef pour nous commander I propose quel* 

qu*un du peuple. >^ 

— Oui, oui, allons aux voix 1 * 

Les officiers présents délibèrent. On pense d*abord à faire 
àommer un représentant par la noblesse et les privilégiés, et 
un autre par le peuple. 

Joma réunit le plus de voix pour le premier mandat. Mais, 
en même temps qu'il met peu d*empressement à adopter, 
de nouveaux cris se font entendre : 

— Un seul I un seul I Nous n*en voulons pas. . • 
• Et le tumulte recommence. 

On redélibère. Survilliers vient dire à la foule : 

— Vous voulez élire un seul commandant ? ' ^ 

— Oui, ôuil ~ 

— Commençons par M. du Buq 1 

— Oui, ouîl -, * 

— Que ceux qui veulent du colonel du Buq passent à droite, 
et que ceux qui veulent d'un autre passent à gauche 1 Nous 
verrons après. 

Presque toute Tassistance court à droite en criant : c Vive 
le colonel du Buq ! vive notre commandant 1 » 

Et du Buq est déclaré élu. 

Le premier usage qu'il fait de son pouvoir est de réunir 
par un signe la multitude autour de lui, et. monté, sur un 
tertre, il adresse paternellement au peuple les paroles sui* 
vantes : . * 

— Messieurs, ainsi que vous le voyez, l'ordre est grave- 
ment compromis. J'ai entendu prononcer les mots d'indé- 
pendance et de république. Je dois vous déclarer qu'il ne 
m'est possible d'accepter votre commandement qu'en rece- 
vant aussi votre serment de m'obéir en tout et pour tout ce 
que je croirai devoir vous ordonner* 



•>• i 



Wf LA lUlITINIQm 



888 



— Oui^ oui, mais à la condition du départ de MM. La Va- 
renne et lUoottart, autrement non I • 

— Mais^ objecte le coloneU ces messieurs ne consentiront 
peut-ôtre pas à quitter la colonie. 

— Qu'on les y force ! Qu'on les embarque! 

— Alors» à cette condition seule, unique^ vous promettes 
dem'obéir? 

— OuUouil 

— Vous jurez fidélité inviolable au Roiî 

Et le peuple prononça : « Nous le jurons 1 » en levant la 
main. 

— Fort bien 1 Maintenant, mes amis, j'ordonne qu'on res-'' 
pecte les forts, les propriétés, le domaine du Roi, les églises. 
J'ordonne à ceux qui ont des vivres de les partager avec 
ceux qui n'en ont pas. J'ordonne enfin que les personnes du 
gouvernement soient respectées et qu'il ne soit fait aucun 
mal ni adressé aucune injure à MM. les gouverneur et in- 
tendant, en attendant que ces messieurs aient été mis en 
mesure de quitter la colonie. 

• — Oui, oui ! Vive le colonel du Buq 1 

Cet incident terminé, du Buq fait diviser le rassemblement 
par compagnies, rangées sous les ordres de leurs chefs, et - 
distribue ses4nstructions. Il envoie avertir les commandants 
des forts de ce qui vient d'avoir lieu et les prier d'empêcher 
les soldats de sortir, afin d'éviter toute collision des troupes 
du Roi avec les milices. 

Tout ceci et bien d'autres détails réglés, du Buq fait 
rompre les rangs et l'on va dtner dans l'intérieur du bourg..* 

Vers quatre heures, on vient avertir du Buq de l'arrivée de 
La Varenne et Ricoûart à l'habitation Papin. Il dépêche im«- 
médiatement deux de ses fils avec une compagnie dinfan- 
terie pour les aller chercher.'.. 

L'habitation Papin, qui fit plus tard partie de l'immense 
propriété du baron de Lareinty, était, comme nous l'avons 
dit, à un quart de lieue du Lamantin. En moins d'une heure. 



884 vRANgoie db ooliam 

aller et retour, ce chemin est parcouru... Du Buq, qui voulait 
que l'ordre ne fût pas troublé sur le passage du rouverneur 
et de l'intendant, avait disposé la mise en scène de manière 
à prouver à ces messieurs que la colonie savait se tenir 
quand elle était bien commandée. •« 

Surpris, non décontenancés, de trouver 1&, rangés en deux 
haies, une multitude d'officiers et de miliciens formant un 
corps d'environ mille hommes de troupes armées, La Va- 
renne et Ricoûart passèrent au milieu de ce déploiement de 
forces c d'un port assuré et d'un air fier ». de sont eux qui le 
disent dans leur rapport. Il est certain que cet appareil mi- 
litaire les flatta et pour un instant les rassura. Ils s'imagi- 
nèrent qu'on allait leur faire connaître & quoi tendait la 
révolte et ce qu'on exigeait de leur clémence. ^ . 

La Varenne et Ricoûart, 'bientôt détrompés, protestèrent 
tour à tour^ en longues phrases inutiles, contre le traitement 
dont ils étaient victimes. Sans leur répondre, on les écouta 
plutôt par curiosité que par intérêt. Us assurèrent alors, 
d'une commune voix, qu'ils feraient tout pour gagner l'affec- 
tion du peuple irrité, si les chefs consentaient à leur sou- 
mettre en quoi ils avaient manqué, ce que la colonie leur 
reprochait et ce qu'elle voulait d'eux. 

« Nous voulons faire le commerce étranger », dit un offi- 
cier à haute voix. Un autre officier, considérant sans doute., 
cette parole commeimprudente, parce qu'il était convenu 
que le silence seul leur serait opposé, interdit-à La Varenne 
et à Ricoûart de continuer à parler... Us furent conduits au 
presbytère du Lamentin et logés dans des chambres sépa^ 
rées... On avait laissé les portes ouvertes. Us sortirent 
furieux quelques instants après. 

— Quels sont vos chefs ? cria La Varenne. 

— Ils tiennent conseil. 

— J'ordonne qu'on aille avertir celui ou ceux qui soiît à la 
tète des révoltés et qu'ils aient à venir me parler. * 

Un aide-major fut détaché pour aller porter cet ordre. Un 



n'L4 MAATINIQUir ^ 886 

peu après, le colonel du Buq se présenta. Dès qu'on Taperçut, 
on cria : c VivjB le Roi et M. du Buq, notre commandant 1 » 
La Varenne commença de lui parler avec' hauteur, en récri- 
minant sur ce qui venait de se passer. . 

— Messieurs, interrompit du Buq s'inclinant profondé- 
ment^ Je n*ai rien à vous dire. Vous, monsieur le marquis de 
la Varenne, vous n'êtes plus gouverneur, et vous, mon-, 
siéur de Ricottart, vous n*6tes plus intendant. . 

— Vive le Roi I vive le commandant I crièrent de nouveau . 
les assistants. 

Aux questions pressantes des administrateurs sur 
ce que décidément on voulait d*eux, du Buq, fuyant toute 
explication, leur fit une réponse à double entente, qui ne 
manqua pas de le faire accuser plus tard de fourberie, par 
La Varenne. 

— J'espère, messieurs, dit-il, que tout ceci s'accommodera 
quand nous serons à Saint-Pierre, où il faut absolument se 
rendre pour contenter le peuple. 

Or le peuple savait que le navire sur lequel les prisonniers ' 
devaient être embarqués les attendait à Saint-Pierre. 

Sans ajouter un mot de plus, du Buq se retira. La Varenne 
et Ricoûart furent enfermés dans leurs chambres, gardées è - 
toutes les issues par de doubles sentinelles. Ds ^ devaient 
souper et passer la nuit. C'est ainsi que la journée du 18 se 
termina pour eux. 

'( vm ■ . ■■■. 

ê 
• • • - 

Nous regrettons d'avoir été toute cette journée du mardi 
sans parler de notre Ciollart. On va comprendre pourquoi 
nous n'avons pu faire autrement. Resté.avec «ces messieurs » 
jusqu'à la dernière minute de leur arrestation, il avait été 
arrêté en môme temps qu'eux et gardé comme eux dans l'hô- 
tellerie Bourjot. Le rapport de La Varenne constate cette fidé- 
lité du brave coloneU . > 



% * 



380- , FRANCO» DE -GOLLART 

Mardi matin, Gollart s'était vu conduire, avec les deux 
captifs^ jusqu'à la Rivière-Salée, où s'était faite la séparation. 
Là, embarqué en compagnie dé Belair, Tun des officiers con- 
jurés, dans un canot escorté par deux autres embarcations 
armées, il était arrivé au Lamentin o à la nuit fermante ». 

Du Buq, instruit de sa présence, vient à sa rencontre et le 
fait mettre en liberté. Dans le court entretien qu'ils ont 
ensemble^ du Buq lui dit : « Collart^ mon ami, je viens d'être 
élu commandant et j'appréhende fort les suites d'une pareille 
action. » Troublé par tant de choses inattendues, craignant 
de plaindre ou de féliciter du Buq, parce qu'ils étaient en- 
tourés, Collart ne sait que répondre. Prévoyant alors l'im- 
possibilité de se loger au Lamentin, à cause de Taffluence de 
monde, il exprime à du Buq le désir de se rendre chez Bôur- 
gelas, à un quart de lieue du bourg, afin d'y passer la nuit. 

Du Buq y consentit et tristement ils se quittèrent. 

Mercredi 19 mai^ sur les huit heures du matin, Gollart 
retourne au . bourg et s'arrôte à l'habitation de M"* Le Bou- 
cher, où nombre de gens assemblés discutaient bruyamment. 
Les uns demandaient l'attaque du Fort-Royal ; d'autres s'op- 
posaient à cette folle proposition. De dieux, capitaine d'une 
compagnie des troupes de la marine, alors en congé régulier 
au Lamentin, voyant arriver Gollart, lui dit : « Gollart, aide- 
moi pour empêcher qu'on attaque le fort. Ge serait une ac- 
tion des plus téméraires et des plus criminelles. Prends la 
parole pour représenter à ce peuple l'énormlté de la faute 
qu'il veut commettre et le malheur extrême où il se plonge- 
rait dans une pareille action. » 

Ici encore on se défiait des sages conseils du colonel. Il 
put difficilement placer quelques mots. Le bruit des voix 
couvrait la sienne. De Glieux insista pour qu'il fit en sorte 
de raisonner ces enragés. 

« Messieurs, dit simplement Gollart dans une accalmie, 
vous avez manqué de prendre le fort par surprise. Vous ne 
sauriez aujourd'hui tenter de Tavoir qu'en Tattaquant par les 



Wflék MÀKTINlQm ' - 887 

formes. Or personne de yoqs n*est capable de conduire une 
telle entreprise. Cette résolation n'est donc plus de saison. » 

Tous les honnêtes gens et les personnes distinguées de 
rassemblée applaudirent à ce langage violemment contre- 
dit par les autres pendant que le colotiel s'éloignait 

Il va trouver du Buq et lui demande à rejoindre sa famille, 
sans nouvelles depuis trois Jours. ^ 

Du Buq, ayant appris ce qui s'était passé ches M** Lé 
Boucher, lui dit : c Va t Mais j'appréhende qu'il ne t'arrive 
accident. Je vais commander six cavaliers pour t'escorter... * 

Au moment de monter à cheval, CoUart regarde fixement 
du Buq^ d'un air interrogateur, sans oser lui parler. Celui-ci 
remarque les regards soupçonneux qui leur sont lancés par 
l'entourage. Alors, pour couvrir le brave colonel de sa haute 
affection, du Buq l'embrasse et ne le laisse partir qu'après lui 
avoir serré longuement la main. ^ 

Certes l'élu 4e la colonie avait quelque mérite à braver 
ainsi l'hostilité que s'était attirée son ami, en précédant La 
Varenne et Ricotiart dans leur tournée, en les y suivant 
jusqu'au bout, en les soutenant enfin de tout son pouvoir 
au moment de leur arrestation. / ^ * 

Gollart, plus capable d'enlever une redoute à l'ennemi que ^ 
propre à tourner les difficultés de la présente situation, avait 
conçu le dessein d'arracher à la révolte le gouverneur et " 
l'intendant. Nous verrons ce que l'événement fera de cette 
héroïque tentative. ^^ 

Arrivé vers midi chez lui, Collart y trouve sa famille dé- 
solée (c'est lui qui 16 déclare]. Mais travaillé par Tidée qu'il 
a ruminée en route, il écrit c dans le moment » à du Buq 
pour l'aviser de son retour et le prier « de lui mander ob il 
sera le soir, afin de le joindre avec ses gens, pour l'exécution 
du projet qu'il a formé de deslivrer ces messieurs •* 

Gollart se persuadait que du Buq était d'accord avec lui. 
Son embrassement prolongé lui avait paru un signe d'en- 
tente. Il se regardait comme très heureux de l'avoir compris. 

-• - 



I 



VIUMÇOn oc OOLLAR* 

Pure illusion I Le doable but da commandant provisoire était 
de sauver la tolonie, en conservant l'existence à La Varenne 
et à Ricoliart. Les maintenir à leur emploi lui semblait d'une 
impossibilité absolue*. ■ . ' 

Dès le. matin on était venu prévenir du Buq qu'un parti 
de mécontents» réuni li TAcajàu, et inspiré par la faction 
La Touche, s'obstinait à vouloir marcher contre les forts. 
C'était à peu près le moment où GoUart se rencontrait à l'ha- 
bitation Le Boucher, an milieu d'écervelés épris de la môme 
sottise. 

Sans perdre un instant, du Buq ordonne au capitaine 
Baillardel, qui se trouvait au Lamentin, de se reùdre avec 
quelques hommes à TAcajou. Il le charge en plus d*uh ordre 
écrit pour mander le colonel La Touche. Des instructions lui 

* 

sont données pour engager les dissidents à renoncer & leur 
projet Un mouvement sur le Fort-Royal pouvait tout gftter, 
tout perdre. 

Arrivé à TÂcajou, Baillardel remplit sa principale mission 
en termes si remarquables et qtti pourraient si bien servir 
encore d'enseignement, que nous n'hésitons pas à reproduire 
ce passage de sa déposition. 

L'intelligent capitaine court à ces révoltés et; de la part de 
du Buq, / 

€ leur représente le crime, dans lequel ils vont se plonger, la té- 
mérité de Fentreprise et leur fait sentir que le châtiment dont le 
Roi les firapperait serait aussi prompt que facile. Qu'il suffisait 
d*afllBimer cette Isie et qu'on le pouvait en fermant les ports de 
France et en envoyant seulement deux vaisseaux pour empescher 
l'abord des estrangers.Qu'ils considèrent de plus que c'était changer 
un maitre contre plusieurs tyrans, qui ne secouaient rautorité lé* 
gitime que pour se rendre les maîtres icy. Que l'autorité du com- 
mandement serait ambitionnée de plusieurs. Que cela formerait 
différents partis et causerait une guerre intestine ob les bgns se- 
raient la victime des méchants. Que d'ailleurs les esclaves nègres 
auraient assez de lumières pour profiter de cette occurence et se 
révolter. Qu'enfin, si le devoir de la fidélité n'était pas capable de 



•» 



. BT LA lURTWXQUB 880. 

IM retenir, ils réfléohitseiit à lenrt propret inUréte, au chaîne» 
qu'ils Tont se forger eox-mémes. Qae Jnsqne-là le tort de leur 
assemblée était pardonnable ; mais qu'il ftdlàit se garder de passer 

outre. » 

• * . ■ * 

Les raisons contenues dans ce sage discours découra- 
gèrent les révoltés. Le projet de marcher contre les forts 
fut abandonné. 

L'ordre, signé : du Bi/q, au colonel La Touche de se rendre 
sur-le-champ au Lamentin, à la voix du peuple qui le récla* ; 
malt, acheva l'effet produit par les conseils de Baillardel. 
La Touche n'osa pas résister. Sans dissimuler son humeur * 
d'être forcé d'obéir « à son cadet en grade »» il vint payer de 
sa présence au quartier général du soulèvement Personne 
ne fut dupe de son mécontentement simulé. Du Buq le con-. 
sola par quelques mots courtois ; puis, avec les assurances 
honorables dues au rang de La Touche» il congédia cette vieille 
gloire martiniquaise, dont les services étaient présents à 
toutes les mémoires... -'..r--. 

Dans la matinée du même jour, 10 mcd 1717^ du Buq. ayant 
fait assembler la noblesse, les conseillers, les privilégiéa« 
les officiers de milice et les notables de l'Ile, leur fit signer à * 
tous une délibération approuvant les résolutions prises par - 
le peuple au sujet: 1* de son élection ; 2» de l'arrestation, des- .. 
gouverneur et intendant ; 3* des griefs de la colonie contre 
eux; 4* de leur renvoi irrévocablement décidé^ et 5* du res- 
pect que l'on aurait pour les forteresses et leursjB^amisons. 

Copie de la présente délibération fut adressée à Mjtf. les 
officiers commandant les forts, qui, d'après l'avis de leurs 
conseils de guerre, déclarèrent la ratifier, s'engageant à cer- 
taines conditions très raisonnables, à ne pas entraver, le 
but avoué du soulèvements 

On comprend tout l'intérêt que du Buq attachait au con- 
tenu de la délibération. Régler le présent avec sagesse était 
bien; prévoir les dangers de l'avenir n*était pas moins 
important. ' , ,. 



840 



FRANÇOIS DE OOLLART 



\ 



IX 



\ 



Nous nous appliquons, comme on voit» à ne rien négliger 
pour donner la physionomie réelle de l'affaire de 1717. Mais 
tous ces différents fils du récit, quittés et repris tour à tour 
pour être réunis au moment opportun, ne sont pas faciles à 
démêler. Reprenons celui de GoUart ; car c*est d'après sa 
déposition que les détails qui vont suivre se trouvent ici 
amenés. 

Gollart avait écrit à du Buq, on se le rappelle. Mais, réffé- 
chissant que celui-ci n'aurait pas le temps de lui répondre, 
il descendit sur l'heure au Fort-Royal avec son escorte et se 
rendit dans la savane de la dame de Goursolas*, où les ha- 
bitants se rangeaient en armes. • . Il ignorait que, vers cinq 
heures, La Varenne et Ricoûart; forcés de continuer leur 
triste voyage, ayant quitté le Lamentin, avec la troupe, dans 
le même ordre que les jours précédents, allaient souper et 
coucher à Thabitation de M. de Girardin, conseiller. Il l'apprit . 
à l'instant Du Buq marchait à . la tète de cette troupe avec 
Jorna. La cavalerie de la colonie arrivait au Fort-Royal et 
commençait, à <léfller sur le glacis. Elle s'arrêta devant le 
Garénage. La Roche-Guyon, commandant du fort, envoya un 
officier lui dire de ne pas séjourner en cet endroit... Gepen- 
dant, GollJEÛrt» prisliu dépourvu, venait « de ramasser du 
monde i, une trentaine de cavaliers de sonTrégiment. De 
la savane, il se porte au galop sur le centre de la troupe 
qui gardait le gouverneur et l'intendant et commençait à 
s'ébranler pour continuer la marche. A cette vue, la cava- 
lerie de cette troupe vole à sa rencontre, l'aborde rudement 
et le renverse. Le choc est aussi terrible que subit. On se 
précipite sur Gollart désarçonné. Du Buq, surpris de ce 

* Anionrdliai U taTane de Fori-d«-Franc«, ornée au centre de la statue 
monumentale de impératrice Joséphine. Mu« Tascher de la Pagerie était 
née en 176S, paroisse des Troit-Deta. 



y" 



> 



( 



BT LA MARTINIQUB 



3U 



mouvement, arrive au plus vite pour s'ea rendre compte* 
Il voit notre ami se relevant. On pre33e le commandant de 
le laisser « hacher en morceaux comme traître à la colonie ».. 
Du Buq apaise cette fureur par de bonnes paroles; fait 
remonter Ck)Ilart à cheval, comme s'il était tombé par 
accident ou par l'emportement de sa monture^ et lui glisse 
à mi-voix : « Nous ne sommes pas au combat ici» ami GoUart; 
nous marchons en procession. Suis-nous doucement avec 
tes hommes, mais sans fonction. » L'incident est clos de 
cette manière, grftce à l'admirable présence d'esprit que 
montra du Buq, dans toutes les circonstances de cette 
révolte. 

C!otlart, dans cette rencontre, éprouva le sort de ces hér 
roïques chevaliers de l'immortel Arioste, toujours en quêta 
d'aventures, et que la lance d'or de Bradamante désarçonnait, 
sans qu'ils pussent deviner à quelle force mystérieuse fls 
avaient dû leuer chute. ^ 

Mais qu'espérait-il donc, en agissant ainsi ? Que La Roche- 
Guy on, son beau-frère, d'accord avec du Buq, ferait baisser 
le pont-levis et permettrait à La Varenne et h Ricoflart 
d'entrer dans le fort à la faveur de la mêlée. Rien n'était 
moins praticable. N'insistons pas I L'illusion généreuse de 
Gollart provenait d'un malentendu regrettable... 

Vers dix heures du soir, La Varenne et Ricoûart étant ins- 
tallés à l'habitation Girardin, déjà depuis longtemps, 

« M. du Buq. raconte le commandant du Fort-Royal, vint prier 
l'officier de garde de m'avertir qu'il désirait me voir* Je descendis 
et Tapercevant, Je lui permis d'approcher jusqu'au bord du fossé» 
moi placé sur la banquette. — M. de la Roche-Guyon, me dit-il» 
vous commandez à des troupes disciplinées dont vous êtes le 
maître. Mais nous avons ici un peuple confus et sans discipline 
dont nous ne pouvons répondre, ce qui me fait vous prier — pour 
obvier à tout accident et désordre — de vouloir bien me permettre 
de poser quelques sentinelles ici proche, afin d'arrêter des séditieux 
et les brouillons qui voudraient peut-être fUre quelques mauvaises 



34S 



FRANÇOIS DB OOLLART 



actions. — Voyant qu'il n'agissait que ponr un bon motif, je con- 
sentis à ce qn'il me demandait. M. du Bnq me dit encore qu'il ayalt 
remarqué, du côté du Carénage^nne tente de vaisseau marcliand, 
appuyée sur la muraille du fort. Il me pria de la faire enlever, 
craignant que quelques séditieux, en grimpant dessus, ne péné- 
trassent dans le fort. Je le remerciai et la fis retirer sur-le-cbamp. 
Nous nous séparftmes;.. » 

. - • * 

Est-il possible da pousser plus loin laprévoyance? Vraimeiiit, 
ce peuple révolté, il faut lui rendre cette justice, avait bien 
choisi son chef en nommant du Buq. Ce n'est pas sans 
raison que nous parlons ainsi de lui. Il faut^ pour la solidité 
du récit, que le commandant provisoire de la colonie, soit 
apprécié. • . 

Le jeudi 20 mai, au point du jour, on fit monter à cheval La 
Varenne et Ricoûart, et, accompagnés du peuple en armes, 
qui ne lâchait point sa proie, ils allèrent faire halte au bourg 
de la Case-Pilote. Dans l'après-midi, pour abréger le voyage, 
on les fit embarquer en canot, et, gardés par sept ou huit 
chaloupes pleines de miliciens, ils furent conduits jusqu'à 
l'habitation Banchereau, paroisse du Garbet, à un quart de 
lieue de Saint-Pierre. Quantité d'hommes armés, rangés sur 
le bord de la mer, aux environs de la maison et sur les hau>- 
teurs, les gardèrent comme les jours précédents. Le soir^ du 
Buq se présenta pour les saluer. Ils espéraient une commu- 
nication d'une certaine importance ; mais le colonel se con- 
tenta de leur dire qu'il ne lui serait plus permis de les voir> 
ce qui les intrigua fort. 

Le vendredi 21, ils ne reçurent aucune visite et ne purent 
rien savoir de ce qui se passait è, Saint-Pierre, où les chefs 
de la révolte , assemblés, délibéraient 

La journée du samedi 22 mai leur fut très dure. Us étaient 
à la veille d'un grand événement 

Entre, huit et neuf heures du matin, vinrent quatre députés 
de la colonie : MM. Pain, conseiller, le colonel de Joma, 
Cornette^ capitaine de milice, et Haillet, négociant. Ils étaient 
suivis d'un grand cortège d'officiers^ On entra. dans la 



R LA MAKTIIIIQUB S48 

chambre de La Varenne. M- Pain, prenant )a parole, exp(wa 
qall loi avait été eommandé de se prôsçnter à la tfite de cette 
députation afin de posera ces messieurs quatre questions. 
La première seulie fit naître un inddeat que nous devons 
relater. Du reste, La Varenne et Ricoaart> refusant nettement 
de répondre, se bornèrent à dire qu'ils auraient l'honneur de 
rendre compte de leur administration au Roi et an Conseil de 
Marine. . 

Voici les questions - elles indiquent bien l'état d'esprit de 
ta colonie : — 1* Kst-ce par l'ordre du Roi on par le leur que le 
SaitU-Franfois-Xaoier a été arrêté et confisqué 1 2* Pourquoi 
n'ont'ils pas montré ces ordres ? 3* Que sont devenus tbs fonds 
de la vente et confiscation 1 4* Que sont devenus les fonds 
' de la caisse du Roi ? 

Sur la première question, La Toucbe-Longpré, commission- 
naire du navire soi-disant espagnol, lequel se trouvait dans 
l'assistance, s'écria «d'un ton in80lent> (c'est La Varenne qui 
le dit): ■ M. le général a toujours fait enteudre qoe c'était 
par son ordre que ledit vaisseau avait été arrêté. ■ 

— Etes-vous autorisé à parler T dit La Varenne. 

— Non, fit Loagpré. mais je ne peux que répéter ce que 
j'ai entendu... 

-^ Alors je vous ordonne de vous t^re 1 a 

Sur ce, MM. Pain et Joma poussèrent Longprf & ta porte 
en lui disant : ^ Vous n'aves pas & prendre ici la parolO' 
ReUres-vous I » -^ 

Il leur coûtait sans doute de laisser soupçonner que là était 
le point sensible dk'la révolte, et qu'un intérêt particulier; 
ob ta fraude était manifeste, avait pu faire soulever la 
colonie. De, là à ne pouvoir dissimuler que le mécontente- 
ment général s'était enté sur la confiscation rigoureusement 
légale du Saint-François-Xaxier, il n'y avait qu'un pas. 

Quoiqu'il en soit, il est pour nous certain que, lors de cet 
incident suprême, ta fortune, par la main de Longpré, offrait- 
un moyen de salut à La Varenne, et qu'il n'a pas su le saisie. 



344 



FRANCO» DB GOLLART 



La réfl6xii)a de Longpré^ si peu mesurée qu'elle fût dans 
la forme, indiquait -dans Tesprit de cet homme (véritable 
inspirateur des quatre questions) l'idée d'un accommodement. 

Combien devaient le préoccuper, lui et ses co-intéressés, 
les 60,000 écus renfermés dans la cache du Saint^François- 
Xavier! 

Or, si Ton avait pu s'arranger. . • Le navire était toujours 
séquestré dans le Carénage*. • Si La Varenne, au lieu de 
traiter Longpré avec sa hauteur ordinaire, lui avait dit en 
\ souriant : « Mon ami^ expliquez-vous I Est-ce bien cela qui 
vous tient à cœur? Si oui, je ne veux pas qu'il soit dit que 
votre belle colonie s'est mise dans une situation aussi péril- 
leuse pour la saisie, bien que régulière, d'un chargement de 
cuirs. Eh bien ! j'ofilre de vous rendre yotre navire et le prix' 
de sa cargaison vendue, à la condition que tout va rentrer 
dans l'ordre. Je vous promets, devant ces messieurs, que 
l'oubli enterrera ce qui s'est passé. Nous avons pu nous 
tromper. Mais voyez les instructions que nous avons reçues 
de la cour. Elles nous ordonnent d*empècher le commerce 
étranger et de saisir tous Ues navires qui s'en rendraient 
coupables. Ce n'est donc pas nous qui avons imaginé de 
sévir. Nous n'avons fait qu'obéir au Roi, notre maître à tous. » 

La Varenne et Ricotiart pouvaient tenir ce langage sans se 
déjuger. La surveille, jls avaient fait bien d'autres concesv 
sions à leur arrivée au Lamentin. Ils avaient offert d'envoyer 
chercher du bœuf salé à la Barbade, des farines et autres 
vivres dans toutes les colonies étrangères voisines. On avait 
répondu non. Pourquoi ? Parce que l'occasion de parler du 
Saini'Prançois-Xavier ne s'était pas présentée. Mais là, on 
leur offrait de s'expliquer. Le nom de ce navire était pro- 
noncé. Us ne comprirent pas et les députés de la colonie, du 
reste, ne tinrent pas à ce qu'ils fussent éclairés. 

En résumé, La Varenne et Ricottart manquèrent du sens 
c^iplomatique^ui ne doit jamais faire défaut dans les mau- 
vaises passes que tout pojivoir est exposé à subin Un peu 



BT LA MARTINIQUE 



345 



d*adres8e, de flair, si Ton peut dire ici, et ils étaient sauvés. ^ 
On ne perd pas 50,000 écus de gaieté de cœur pour une pé- 
rilleuse satisfaction de vengeance. 

Du Buq, à leur place, eût triomphé» parce que l'art de con- 
duire les hommes ne lui était pasétranger» tandis que Là Va- 
renne et RicoUart, tout haut placés qu'ils étaient» n*en. 
avaient pas la moindre notion. 

L'entretien relatif aux quatre questions terminé* M. pain 
ajouta que la colonie lui avait ordonné de faire connaître à 
ces messieurs que« le lendemain matin, ils seraient embar-' 
qués, pour retourner en France, sur le navire le Gédéon^cBr^ 
pitaine Fabre, en partance pour la Rochelle, lequel, déjà 
mouillé à l'anse La Touche (entre le bourg du Carbetet Saint- ' 
Pierre), était, depuis la veille, préparé à les recevoir. ^ 

Cette communication inattendue souleva dans Tàme^de 
ces 'messieurs une véritable indignation léonine. Ils eussent 
préféré la morl' (ils le dirent) au ridicule de se voir ainsi 
congédiés en face de cette multitude, naguère opprimée par 
eux. Ils eurent peine à se résignera leur, sort Enfin, quand 
ils virent qu'il fallait en passer parla, ils demandèrent c leurs 
hardes et des ordres* pour les meubles qu'ils seraient obligés 
délaisser au Fort-Royal 9. On accorda, tout ce qu'il fut de- 
mandé, sauf de l'argent dont ils durent se priver*. 

Le xême jour 22 mai, il y eut une nouvelle assemblée 
générale. Du Buq, qui ne perdait pas un instànjL soumit à 
son approbation les dépêches adressées aii Roi et au C]!onseil 
de Marine. Il y rendait un compte exact des raisons que la 
colonie avait eues d'agir comme elle l'avait fait dans cette 
grave conjoncture. Il y demandait de. nouveaux administra- 
teurs. Ces dépêches furent signées d'abord par les lieuter' 
nants de Roi; puis partons les officiers (moins ceux des* 
forts), par tous les fonctionnaires, magistrats et autres* et 
enfin par les notables de la Martinique. Elles furent remises 



*-Ua état d*inT«ntairt, une reeonnaÎManoé^ • 
CotXAKT 0B5O) 



âl 



346 



FRANÇOIS DE GOLLART 



cachetées au capitaine Fabre, qui reçut Tordre dé les porter 
*en personne à Ift^^our, -' ^ '^ 

Lé dimanche 23 mai^ La Varenne et Ricoiiart edténdirent 
la messe sur Thabitation Banchereau, et, vers onze heures 
du matin, on les fit embarquer sur le Gédion.. 

Toute ïa colonie rangée sur les hauteurs en amphithéâtre, 
sur le.rivage et dans quantité de bateaux « remplis de monde 
armé », assistait à l'embarquement Le navire était à l'ancré. 
La Varenne et Ricoâart y furent conduits en 'canot, sans qu'il 
leur fût causé aucun désagrément. ^ - 

A quatre heures du soir, au moment où le Gédion appa- 
reillait par un temps superbe avec brise favorable,'âu milieu 
de l'immense assemblée, jusque là silencieuse^ on entendit 

- • • • 

résonner une fanfare de trompettes jouant la marche des 
flibustieis. C'était le vindicatif Longpré qui; présent avec sa 
compagnie, envoyait aux deux exilés, comme un insultant 

• * - ' « • 

adieu, ce chant de guerre et de sédition. Du Buqy répondit 
par un c Vive lé Roi !» qu e le pl us grand nombre répéta. 
• A cinq heureSi le (rétf^on. disparaissait dans la brume, lais- 
sant au rivage, pour lequel il n'était déjà plus qu*un point 
mourant sur l'horizon, une responsabilité dont personne 
peut-être à la Martinique n*avait calculé toute la portée. Nous 
disons personneautre que du Buq, Gollart et Baillardel, alors 
conversant ensemblê~'devant la rade de Saint-Pierre. . 

Ils se rappelaient, ceux-là, que naguère encore, « l'épée an 
côté, à genoux sur un tapis dé Turquie, la main droite levée, » 
ils avaient prôté serment « de verser tout leur sang, comme 
de vrais gentilshommes, pour le service de Sa Majesté et 
•de l'État ». . " 

' Or, par une singulière contradiction du sort, pas une 
goutte de sang n'avait été répandue, dans le cours de cette 
révolte, pour défendre les représentants du Roi... (k)llart 
seul s'était, offert en holocauste. Mais le sacrifice de notre 
vieil ami n'avait pas été accepté. 

Quelques lignes encore pour terminer ce chapitre. * 



«- 



IPP LA MÀRTINIOOB / 317 

' ' La Vak*enno ot RicoClarl consignent dans leur rapport r 

. € Quc'le 23 mai, la lune, levée à quatre heures et demie» èdaira 
toute la nuit,., que le chef de la révolte (le fourbe du Buq)» qui 
voulait absolument se défaire de nous, avait armé un grand bateau, '. 
qui fit voile pour nous convoyer Jusqu*au débouquemènt. Sur le - 
bâtiment, percé pour huit canons, mais n'en ayaint que six montés, > 
étaient embarqués 150 fusiliers bien armés. Ce bâtiment, attendu 
la petitesse de notre navire, son peu d*équipage, lui donnait la loi 
de la route. H se tint toujours fort près Jusqu*à sept heures du 
matin, oh Us nous quittèrent en criant : Vous voilà hors des pa« 
rages des forbans et au débouquemènt, bon voyage ! Nous éUons 
alors à 150 lieues de la Martinique, entre Nièves et Antigue, oh 
nous débouquàmes à la faveur des courants. • - 

■» • ■ . - 

TjE Varenne et Ricotiart, suivant le même document, vou- 
lurent décider le capitaine Fabre à retourner au Fort-RoyaU ' 
Celui-ci eut quelque peine à leur faire comprendre rioipossi- 
bilité d'un pareil projet au point de vue de la navigation, ^ 
comme à celui de la réception qui leurserait faite aux approches 
de la Martinique, où le Gédion était connu... Gela prouve au. 
moins combien s*aveuglèrent, jusqu'au dernier moment, ces 
deux hommes, plutôt faits pour « débouquer à la faveur deS' 
courants » que pour gouverner une grande colonie^ . . 

Nous verrons que l'aventurode fja Varenne et de son col- 
lègue nt plutôt sourire le Régent qu'elle ne lui causa dlodi* .. 
gnation contre les Martiniquais. Un rapport offlciel, semé 
de détails oiseux, tels que... « dTun port assuré et d'un sûr 
fier. » au milieu de' la révolte ;' une question de c bardes «» 
« l'heure du lever de la lune » au moment dû départ, etTirb^ 
nîque « bon voyage I » jeté par le convoyeur, dénotait, à 
première lecture, que ces messieurs, expulsés pour cause 
dMmpérilie, n'étaient pas en effet à la hauteur de leurs*- 
fonctions... 

Lé lendemain 24 mai, du Buq engagea paternellement les 
habitants à retourner dans leurs quartiers respectifs en 
prenantsoin de faire distribuer des vivres à ceux qui man? 



M 



348 



FHANÇ018 DK COLLAKT 



quaient du nécessaire» afin d'éviter toute cause sérieuse de 
désordre.- ^*^. 

Mardi 25 maille commandant provisoire de la colonie 
donna un solennel exemple de sagesse à ses concitoyens. Jl 
réunit au siège du gouvernement le Conseil souverain, la 
Noblesse, les officiers supérieurs, les commandants des for- 
teresses et les principaux notables. Il leur adressa un discours 
fort bien approprié à la circonstance etremit^ sans plus tarder» 
le commandement qu'il avait reçu des mains du peuple, à 
M. Le Bègue, le plus ancien lieutenant de Roi, en démandant 
qu'on voulQt bien lui donner acte de cette remise, ce qui eut 
lieu sans la moindre objection. 

Puis du Buq, qui eût pu trouver cent, raisons plausibles,^ 
pour conserver le pouvoir jusqu'à l'arrivée de nouveaux ad- 
ministrateurs, revint simplement chez lui reprendre le cours 
ordinaire de ses occupations. * 



' / ' 



X 



LaVarenneet Ricotiart, malgré leur raideur habituelle, 
n'avaient pas toujours été inabordables. Ils montrèrent par 
exception une certaine bienveillance à qul^eur convenait. 
Gollart avait eu, en quelque sorte, îe privilège de ne pas leur 
déplaire. La franchise, la simplicité, la droiture de son ca- 
ractère lui valurent apparemment cet avantage. Voici à 
quelle occasion ils commencèrent à lui donner preuve d'in- 
térêt. \ 

Par un édit royal du mois d'août 1715, toutes les lettres de 
noblesse accordées depuis le 1** janvier 1689, *i moyennant 
Anance ou, autrement », avaient été révoquées, « à la réserve 
de celles données en considération de services importants 
rendus à l'Etat et que le Roi jugerait à propos d*exçepter. » 



ET LA MARTINIQUE 



349. 



François de Gollart aurait pu, nous le croyons» ne pas s'in* 
quiéterdecetédit. Mais, conduit par un scrupule forthonor ' 
Table et désirant faire connaître son glorieux passé aux nou- 
veaux administrateurs, il avait remis ses lettres de noblesse 
à l'intendant/ afin que celui-ci en demandât conBrmation, 
s'il le Jugeait nécessaire. Ricoflart, après avoir lu ce beau 
document, s'était empressé d'en référer au Gouverneur gé« 
néral,*et La Varenne avait écrit au Conseil de Marine la lettre 
suivante. Lia production des pièces qui l'accompagnent va: 
montrer, par un exemple aussi bref que possible, de quelle 
manière on traitait au Conseil les affaires courantes : 



Lettre du Gouverneur général des Iles-du-Veni 

au Conseit de Marine. 



If 



« Fort*Rojal de U Martinique, %t ami 1717, 



f M.CoUart, colonel des milices, est un dos meilleurs ofliciersde 
ces isles, qui, dans différentes occasions pour le service du Ro/» 
s'est distingué et y a reçu plusieurs blessures et 7 a perdu deux de 
ses enfants. Le Roy Louis XIV. en considération de son zèle et de. 
sa valeur, lui avolt accordé des lettres de noblesse, lesquelles H 3 
remises entre les mains de M. Tintendant pour fe prier de les 
envoyer au Conseil, afin qu'il eustla bonté devoir de quelle ma* 
niëre elles lui avolent été accordées, qui n'est point par achat. Je 
le supplie de lui en procurer la confirmation/ idnsi qu*onji bien 
YpUlu le faire k M. La Touche, auquel on a accord^parellle'gràce. 



c La. Varbniti. » 



.H 



En marge de cette lettre bienveillante est écrit : « Pour 
être porté à Monseigneur le duc d'Orléans. Délibéré le 30 juin 

1717. »-• ■■ -■ ■ ■ • "~ ' ; 

Dans un rapport du même jour , le Conseil de Marina 

expose: ' 

€M. de la Varenne marque que le sieur Cqllart, colonel des 
milices, est un de^ meilleurs officiers des islcs ; qu'il s'est distlninié 



r . 



3j0 



FRANÇOIS DB COLLART: 



- • "^ 



dans différentes occasions de guerre, ou il a recQ plusieurs blessures 
et aperdu deux de ses fils. Le feu Roy, en considération de son zèle et 
de sa valeur, lui a accordé, aumois de septembre 1707/des lettres de 
noblesse, dont M. de la Varenne demande pour lui la confirmation. » 

En marge de ce rapport on Ut : « Pour èlre perlé à Mon- 
seigneur le duc d*Or]éans, 6 juillet 1717 », et au dessous est 
écrit de la main du Régent: « Expédier un arrêt de noblesse. » 

L'arrêt de « maintenue de noblesse pour. le S. Collari » fut 
expédié et signé ce même jour 6 Juillet 1717, « Sa Majesté 
étant en son Conseil» de Tavis de M.. le duc dlOrléans, 
Régent, s .. 1 - ; \ * 

A la date du 6 juillet, le Gédéon n*étail pas encore parvenu 
à destination. Cette affaire gagna donc à être aussi rapide- 
ment traitée. Quelques Jours plus tard, le Régent, apprenant 
la révolte des habitants de la Martinique, aurait repoussé 
toute demande faite en leur nom. Collart, en y songeant, dut 
savoir gréau Conseil de sa promptitude. Mais, pour la croix 
de Saint-LouiSj tant de fois sollicitée en sa faveur, ce lui fut 

m 

une raison nouvelle de regretter l'inexplicable lenteur de 
radministration métropolitaine. 



•- V 



xr 



Pendant que La Varenne et RicoUarl étaient à la Rochelle 
occupés à rédiger leur rapport, le capitaine Pabre, venu en 
poste à Paris, remettait au Régent le paquet dont l'avaient 
chargé conjointement du Buq et dUauterive. . 

Ce paquet contenait des adresses respectueuses écrites par 
« les habitants de Tisle de la Martinique » : au Roi, au Ré- 
gent, au comte de'Toulouse, amiral de France ; au maréchal 
d'Estrées, président du Conseil' de Marine. On voit que 
d*Hauterive^n*avait rien négligé. 

Le texte de la première adresse a été conservé. Il apprend 



^ « 



BT LA VARnNIQUB 



351. 



sqccinctement ce que nous savons déjà. Mais, le 25 mai» fat 
écrite, après le départ du Gédion^ une ç seconde lettre des . 
habitants au Roi, justificative de la conduite quMIs venaient , 
de tenir ». Ce document très développée que nous a transmis 
Pierre Dessalles dans ses Annales du Conseil souverain de 
la Martinique, sur la minute restée aux archives de la colonie^ 
contient dix-neuf pages d'impression in-quarto. On peut juger - -' . 
par cette étendue combien de détails sont renfermés dan 
ce factum^ fort bien tourné d'ailleurs. Il fut composé hâtive- 
ment (la situation étant impérieuse) par d'Haut erive, l'homme 
vraiment lettré du Conseil martiniquais. La seconde lettre 
dont il s'agit, annoncée dans la première, a suivi celle-ci de 
très près. Dans celte pièce capitale les méfaits de La Yareape . 
et de Ricotiart, pendant quatre mois, sont exposés au grand 
Jour. On ne ménage rien à ces messieurs. •• Deux passages 
. h noter sembleraient prouver qu'ils ne gardaient guère de 
convenance eîi quoi que ce soit. Et d*abord :.« la Noblesse, 
les officiers et les principaux du pays se sont vus méprisés 
el tutoyés, soit de bouche, soit par écrit. ••' » On trouve en - . 
second lieu que La Varenne et RicoUart s'étaient aussi aliéné -_; 
Jes dames de la colonie, chose grave I Ne s'expliquant pas Ifi ' 
laisser-aller créole et l'extrême simplicité du vêtement léger 
féminin qu'exige la chaleur du climat, ils usaient commune- 
ment devant témoins, au sujet des femmes, 4'une expression -, 
que Ion peut à peine laisser deviner. Voici la phrase carac- . 
téristique extraite de la seconde lettre martiniquaise :.« Le 
sexe n'a pas plus éprouvé d'égards, puisqu'il est notoire qu'il 
a été qualifié par ces messieurs d'une épithète également 
injurieuse et obscène, qu'on n'ose répéter à Votre Majesté, -' 
et cela sans distinction d'ftge, d'état ni de condition. » 
D'Hauterive est impitoyable. Tout ce qu'il expose (du moins 
il le déclare) est appuyé de plusieurs déclarations particulièreSiT 
faites sous la foi'dii serment. 

A-t-on ajouté créance, au Palais-Royal, à ces allégations 
habilement présentées? On doit le supposer d'après ce qui 



*• - '. 



fé 



* 



352" .FRANÇOIS DB COLLART ' ' 

va suivre. Cette seconde lettre martiniquaise fut-elle coiç* 
xnuniquée à La Varenne et à Ricoiiart, afln de les mettre en . 
mesure de répondre ? Les documents se taisent à ce sujet. 
Mais s*il fut donné & ces messieurs de lire ce long exposé des 
griefs de la colonie, ils durent éprouver une très vive con-. 
trariété. . :- . V 

Quoi qu'il en soit, l'affaire du Gaoulé était trop curieuse 
pour ne pas devenir rapidement l'objet de plus d'un entretien 
à la cour. Saint-Simon, i la piste des nouvelles— d'ailleurs 
du Conseil de Régence — fut des premiers à savoir lès prin- 
cipaux faits de la révolte. Il est môme vraisemblable que le 
duc a pris connaissance des deux lettres martiniquaises et 
^que le souvenir de l'appréciation du Régent et des divers 
membres du Conseil sur leur contenu ne lui a pas échappé. 

On a vu quels traits malicieux Saint-Simon décoche sur 
Phelypeàux nommé Gouverneur général aux lies d'Amérique. 
L'infortune de La Varenne. et de Ricoûart excite pareillement 
sa verve dans les précieux mémoires qu'il nous a laissés. 

Le duc, que la contradiction ne pouvait atteindre de son 
vivant, ne s'astreint pas à raconter avec une exactitude ri- 
goureuse. Mais il saisit admirablement la physionomie des 
hommes et des choses et« si l'on ne peut toujours se fier aux 
détails, parce que Saint-Simon résume de mémoire, on sent 
bien que la vérité plane sur l'ensemble de son oeuvre. 
* Ici l'impression recueillie par le noble écrivain est trè&in- 
téressante à faire ressortir. . . Les mots soulignés jseront 
suivis dans le même ordre, soit d'une rectification, soit d'un 
éclaircissement : , " ' * 

€ Il arriva à la Martinique une chose si' singulière et si bien con* 
cerlée, qu'elle peut être dite sans exemple. Varenne y avait succédé 
à Phelypeàux^ qui avait été ambassadeur à Borne et, comme lui, 
. capitaine général de nos lies. RicoQart y était intendant Ils vivaient 
à la Martinique dans une très grande union, et y faisaient très bien 
7eurfa^atr#t. Les habitants en étaient fort maltraités. Ile se plat* 
gnirent à dioeriet reprises ei ibujourt inutilement. Poussés à bout 
enfin de tyrannie et de leurs pîUages^ hors d'espérance d'avoir 



» - .^" 



ST LA IIAHTIMIQUB 



353 



Justice, ils résolurent de se la fkire eux*mémes. Rien deHêogemeni 
coneerfè, de plus secrètement conduit parmi cette multitude, ni de . 
plus douùementet plus plaisamment exécuté. 1»^ - /^ 

m Sans exemple », un pareil fait s'était produit en Amer 
riquè, dans une colonie anglaise et ce fait rappelé à propos 
avait pu servir d'exemple. — Pas « à Phely peaux *, à du . 
Quesne. — ATurin, pas « à Rome ». ^ « Très bien leurs affaires*^ 
en un certain sens. On les accusa d'exactions. Ils accordaient» 
paratt-il, la liberté aux gens emprisonnés pour délit en leur 
faisant signer des billets à ordre € valeur reçue », payables à 
un tiers..— Les habitants ne « se plaignirent » qu'une fois au 
Conseil de Marine et pas inutilement. — « Pillages >, s'il s'agit 
ci des confiscations^ Targent des cargaisons confisquées et 
vendues fut retrouvé « dans la caisse du roi ». — t Rien de 
si sagement concerté »« Saint-Simon le présume. S'il avait 

connu le complot dans tous ses. détails, Tadmiration modérée 

.. • . ■ • • 

qu'il exprime eût été sans bornes. Continuons son article ; 

. . • • • • . ' •' 

« Ils les surprirenii/nmo/m, chacun -cftejr^Uâ^r^u môme moment, 
les paquelèrent, scélèrent tous leurs papierê et leun effets^ n*en dé^ 
tournèrent aucun, ne firent mal à pas un de leurs domestiques, les 
jetèrent dans un vaisseau qui était là de hasard prêt à parUr pour 
la France et tout de suite le firent mettre à la voile. Ils chargèrent 
en môme temps le capitaine d'un paquet pour la cour, dans lequel 
ils protestèrent de leur fidélité et de leur obéissance, demandèrent . 
pardon de ce qu*ils faisaient, firent souvenir de tant de plaintes' 
inutiles qu'ils avaient faites et s^excusèrent sur la nécessité iné?i* 
table où les mettait l'impossibilité absolue de souffrir davantage la 
cruaiUède leurs vexations. On aurait peine, Je crois, à représenter 
rétonnement de ces deux maîtres des îles, dé se voir emballés de la 
sorte et partis en un clin d'œil^ leur rage en chemin^ leur horUe à 
f arrivée. § » ^ . 

Pas « un matin v, un soir. — c Chez eux », n'aurait pu.se 
faire. Ils résidaient dans Tintérieur du Fort*Hoyal. — c Les. 
paquetèrent » voudrait dire les garrotèrent. Non.— « Sçélirent 
tous leurs papiers et leurseffets. . . d Tout celan'apas eulieur— ' 
c Ne firent mal à pas un de leurs domestiques. » Evidemment: 



854 FRANÇOIS DB GOLLART 

■ '• ' * * • 

les sept hommes dont c ces messieurs * s'étaient fait accom- 
pagner pour leur service pendant la tournée avaient dé-' 
guerpi^ en bateau, aussitôt l'arrestation opérée^ afin d'en 
porter la nouvelle au Fort-Ro^al.^ « Demandèretit pardon... • 
Le repentir est exprimé en termes très convenables. Nulle 
bassesse. — « La cruauté de leurs vexations... » Cela est pos- 
sible. La seconde lettre déclare « qu'il y a même eu des capi- 
taines de navires marchands qui ont reçu de M. de la Varenne 
des coups de pied au derrière ». En ce temps-là, les com- 
mandants de vaisseaux, corrigeant, ainsi leurs hommes ai 
bord, trouvaient commode de continuer à terre la méine pra- 
tique. — • En un clin d'œil i, la révolte dura huit jours. -* 
c Rage en chemin, honte à F arrivée ». La Varenne et Ricoiiart 
avaient trop haute opinion d'eux-mêmes pour manifester à ^ 
ce point leur ennui. Ils ont dû faire bonne contenance en ; 
public, ce en quoi nous ne pouvons les blftmer. ' 

Jusqu'ici Saint-Simon a passablement suivi l'énoncé re- 
marquable de la seconde lettre martiniquaise. Le reste de 
son article est moins fidèle. Mais l'impression favorable 
subsiste, et c'est ce que nous tenons à constater pour Tintérôl 
du récit: . 

< La conduite des insulaires ne put être approuvée dans la surprise 
qu'elle causa, ni blâmée^ par ce qui parut du motif extrême de leur 
entreprise, dont le secret et la modération se firent admirer. Leur 
conduite, en attendant un autre capitaine général et un autre 
intendant, Ait n soumise et si tranquille^ qu'on ne put s'empêcher 
de la louer. Varenne et RicoQart n'osèrent plus se montrer après . 
les premières fois et demeurèrent pour toujours sans emploi. On 
murmura fori^ avec raison . qu*iis en fussent quittes à si bon marché. 
En renvoyant leurs successeurs à la Martinique, pour que ce fût 
une bonne leçon, on n'envoya point de réprimande aux habitants, 
par la honte tacite de les avoir réduits par là à la nécessité de se 
délivrer eux-mêmes. > 

« Ni blâmée », oui, sur le moment. Les deux lettres des 
habitants restèrent sans réponse. Le Régent avait compris 
que provisoirement le silence valait mieux que toute espèce 



BT LA MARTINIQUC 



855 



de blâme. L*ordre d'iolenter une action criminelle 4»Dtre les 
principaux coupables ne vint que plus tard. <— ' « SisoumiUt 
si tranquille »... Saint-Simon embellit un peu. — « Pour ton- 
Jours ». Non. La Varenne, renvoyé à Brest, reprit son rang 
dans l'état-major disponible de ce port. Ricofiart fut nommé 
commissaire général de la Marine à Nantes, le 15 juillet 1719. 
— a On murmura fori M... Qui, on? La presse du temps? Elle 
ne dit pas un mot de la révolte. Le Conseil de Marine? Ses 
inslruclions avaient en partie causé le mal. On représente 
ici les bureaux. . . les dames de la cour peut-être: — 4 A si 
bon marché ». Que pouvait-on faire à La Varenne et à Ri- 
coiiarl? Rire de leur aventure. Cest ce que fit la.cour. ainsi ^ 
qu*il résulte de l'article de Saint-Simon. A cette époque, 
Texistence était peu gourmée au Palais-Royal. Un rien, 
pourvu que ce rien fût nouveau, y' récréait la très noble 
société. . 

Mais si le Ré{^ent trouva plaisamment exécuté le complolj^ 
il se garda bien d'approuver la conduite des Martiniquais* 
non plus que celle de I^a Varenne et de Ricoiiart, donUe rap- ' 
port embarrassé , partial et ridicule en certains endroits* . 
montrait assez les fautes qu*ils avaient dû commettre. 

Saint-Simon n'a pas suivi cette affaire jusqu'au bout. IL 
ignore complèlement'ce qui se passa l'année suivante. Nous 
Je saurons bientôt.* 

En résumé, tous ceux qui prirent une part active à cettQ 
affaire, encoururent la critique. Le Conseil de Marine eut à s0 

reprocher son ignorance des choses coloniales : La Varenne 

Il - ' 

et Ricoiiart, leur dureté^ leur maladresse ; les Martiniquais» 
leur impatience. Gomment! les habitants lésés au sujet des^ 
sucreries se^ plaignent à la cour et n'attendent pas qu'une * 
réponse ait pu leur donner ou non satisfaction. Or cette ré- 
ponse satisfaisante était arrivée & la Martinique avant que La ' 
Varenne et Ricoiiart fussent parvenus en France. Quant aux 
navires annoncés comme partis de Nantes, chargés de vivres 
— auxquels on ne croyait pas — ils atterrirent à^aint-Pierre : 
peu après le départ du jG^tf^oh. 



•> 



; » 



356 



FRANÇOIS DC GOLLARf 



Aussi les Martiniquais ne furent pas longtemps flers de \ 
. leur équipée. Us ne tardèrent pas à démêler» en reconnaissant * 
leurs torts, que des rancunes particulières avaient provoqué, 
et exploité le mécontentement du peuple» qui n*y trouva pas 
son compte, résultat ordinaire des révoltes. Le commerce 
étranger, objet de son plus cher désir, fut plus que jamais 
interdit à l'arrivée du nouveau gouverneur. 

Insistons néanmoins sur ce fait, en concluant, que les torts 
furent partagés. Le Conseil de Marine ne pécha pas seulement 
par ses instructions écrites. La Varenne et Ricottart durent 
être verbalement excités à poursuivre sans faiblesse ce qu'on 
nommait les abus, à ne ménager aucun délinquant, aucune 
position. Un ministre responsable^ en remettant ses ordres, 
se borne, pour Texécution, à conseiller la prudence, doiit on " 

m 

ne doit jamais se départir. Il ne pouvait en être ainsi d'une 

réunion d'hommes autoritaires tenant à dire chacun son mot 

et renchérissant les uns sur.les autres. Les conséqueoces de 

cette commune excitation devaient être déplorables. Gomment 

expliquer autrement l'état d'esprit que ne purent cacher La 

Varenne et Ricottart durant la traversée î 
— ' ' • • ' ■ ■ ' - 

« Enfin, sire, dit la seconde lettre martiniquaise, nous ne devions 
rien attendre que de sinistre de ces deux messieurs. Les officiers de 
votre vaisseau La VaUur qui les avait amenas id ont assuré bau« 
tement. en plusieursDccasions; que, sur ce qu'ils leur avaient our 
dire dans Ja traversée, de la manière dont ils prétendaient gouverner 
ce pays, ils aimeraient mieux être dans une chaumière ailleurs, que 
dans un château icL » ^ 

N'est-ce pas un trait de lumière ? On a vu que La Varenne 
et Ricottart étaient arrivés au Fort-Royal comme deux bou- 
lets de canon tirés par la frégate. En rudes paroles, ils avaient 
écarté de leur passage les corps d'Etat venus les compli» 
monter. Lé Conseil de Marine avait voulu des hommes éner- 
giques . Il /ut trop bien servi. 



KT LA MARTINIQm 



857. 



XII 



François de Goilart n'aurait plus à figurer dans l'affaire de 
1717 si sa déposition comme témoin, an cours du procès, ' 
n'eût été nécessaire pour la défense du principal inculpé.. En 
ce moment le brave colonel est retenu par une atteinte de 
goutte, dont la gravité a pris naissance le jour de sa chute, 
que l'on peut dire glorieuse, puisqu'elle témoigna de son 
dévouement unique à la cause de l'ordre. L'ébranlement qui 
l'a frappé, à l'heure même où le besoin d'un repos absolu se ' 
faisait sentir, deviendra funeste K notre héros. Désormais il 
traînera languissant. II a néanmoins partagé Jusqu'au bout 
les brûlantes émotions des suites de la révolte, dont l'exposé 
va terminer le récit. 

Que se passà-t-il jusqu'à l'arrivée du nouveau gouverneur, 
après quedu Buq, se dépouillant du commandemecit, l'eut 
remis au plus ancien lieutenant de Roi? -~ ■'-.'.. 

Une lettre du Conseil martiniquais, écrite au Conseil de 
Marine le 13 juillet 1717, fait connaître que, vers la fin dé 
juin, l'avidité de- quelques marchands a causé des troubles 
passagers. Ces industriels sans entrailles, ayant accaparé 
les cargaisons de bœuf salé des navires attendus, les gar- 
daient en magasin pour faire monter abusivement les prix 
de vente. Ils profitaient ainsi de la détresse publique. M. de 
_Bègue prescrivit, des mesures d'ordre afin de remédier à ce 
grave inconvénient. Ces mesureseussent été insuffisantes si 
le Conseil, voyant « les vaisseaux de Nantes vendre jusqu'à 
trois fois leurs cargaisons^ qu'ils renouvelaient par la voie 
.de l'étranger », n'avait toléré ce trafic. On doit comprendre 
par laque des capitaines, ayant vendu leur cargaison, allaient 
dû nuit s'en faire transborder une autre, à quelque distance, 
par un b&timent étranger et revenaient à Saint-Pierre avec . 
un nouveau chargement. Ces rusés marins jouaient ainsi. 



N 



^ 



3^ 



FRANÇOIS DB COLLART 



avec leur navire» le lourde la bouteille nierveillease qui qô 
s'épuise pas» -^ • " - , ♦ 

Il eût fallu sévir contre cet ingénieux moyen de frauder les 
ordonnances. Le Conseil martiniquais, sentant son tort , 
cherche à s'excuser par la raison suivahle^qui aurait dû faire 
réfléchir en France..' /* 

« Le Conseil de Marine est supplié, dit-il, de considérer à 
quelle extrémité le porte un peuple qui n'a de revenu qu'à 
proportion d'an nombre d'esclaves qu'il faut nourrir» quand 
cette nourriture lui manque^sans savoird'où tirer du secours.» 

Cétait là» on effet» un souci continuel. A ces malheureux 
noirs, que le dur labeur affamait par centaines sur les habi- 
tations» le manioc^ comme principale nourriture» ne sufflsatt 
pas. Dans de telles conditions» l'homme» complètement privé 
de chair» éprouve à la longue des appétits qui vont jusqu'à 
la férocité. L'abondance régulière pouvait seule résoudre 
cette irritable question du t>œuf salé» sans cesse agitée. Celle 
du manioc avait soulevé aussi une certaine classe de colons. 
La Varenne» suivant les ordres qu'il aviait reçus» forçait les 
chefs des grandes maisons à consacrer une partie notable de 
leurs terres à la culture du manioc. Cette mesure» bien que 
très sage en apparence» ruinait les petits habitants qui» 
n'ayant pas le moyen de faire du sucre» plantaient unique- 
ment du manioc et le fournissaient aux sucreries. Le Conseil 
de Marine ignorait ce détail. . 

D'Hauterive (c'est lui qui tient la plume) ne se borne pas Ji 
ces préoccupations alimentaires. Kchd de ce qui se passe au- 
tour de lui» sa lettre revient sur la révolte par un détour as- 
sez heureux. Non sans inquiétude pour lui-môme» il fait près- 
sentir que chacun tâchera de rejeter « l'affaire » sur le pro- 
chain et que dès lors on ne pourra se fler aux dires de per- 
sonne. Il va plus loin ; il laisse entendre que' des iziTorma« 
tions ont été prises, et que» jusqu'alors» rien n'a pu mettre sur 
la trace des'coupables. Mais il faut citer. On ne croirait pas 
à tant de flnesse. 



rS 






n LA MAHTINIQUK 



doO 



€ ... Par des menées secrètes, écrit-il, de mauvais sérritears du 
Roi ont fait courir des bruits capables d*armer les familles les unes 
contre les antres, soit par un esprit d*inimitié partieuliàre, ou par 
envie de profiter de nouveaux désordres quUls auraient causés^ soit 
enfin dans ridée de se laver d*une aflkire dont ils auraient peut-être .' 
été des mobiles secrets, en tftchant de la rejeter sur les autres, sans 
qu'on ait pu encore en découvrir les auteurs, quoique quelques uns 
en soient soupçonnés... » 

Avec quel art cette longue phrasé est construite! Les 
menées secrètes, les inimitiés particulières, les bruits, les ^ 
peut-être, les suppositions, les conditionnels s*y .croisent , 
intentionnellement sans rien dire, pour laisser beaucoup en- 
tondre. Ces « mauvais serviteurs du roi », ces «^ quelques- 
uns soupçonnés », qui sont-ils? Le rédacteur ordinaire du 
Conseil martiniquais est trop désireux de ménager tout' son - 
monde pour vouloir signaler autrement à rattention les vrais 
« mobiles secrets ».D*Hauterive, en écrivant ce que Ton vient 

de lire, a voulu faire illusion sur les « auteurs des . dé- 

< ■ * ■ ' - 

sordres », qu'il connaît mieux que personne. Le procureur 
général a voulu dire : si nous ignorons quels sont les cou- 
pables, comment pourriez-vous croire aux accusations' de 
MM. La Varenne et Ricofiartî - 

Dans celte atTaire étrange, une anomalie s'est produite. 
Celui-là même dont le devoir est de recueillir des preuves do 
culpabilité s'applique au contraire à préparer la défense 
pour le salut commun. Maltraité par La Varenne et Ricoiiart, 
ayant conçu de leurs injures un très vif ressentiment, sou- . 
tenu par ses collègues du Conseil^ qui avaient soulTert au- 
. tantquelui,~d*Hauterive a concouru secrètement à délivrer 
la colonie de ses deux tyrans. Il doit concourir maintenant 
à empêcher que la faute, ne devienne funeste à ceux qui Tont 
xîommise. C'est même une nécessité pour sa propre sauyo* 
garde. Le peuple, qui parfois a le flair des choses; sentant 
que « Monsieur d'Hauterive » n'était pas un ennemi, le lui à 
témoigné surtout au moment de l'arrestation; La Varenne 
et Ricoiiart, voyant les ménagements que Ton avait pour lui,. 



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FRANÇOIS DB ÇOLLART 



ne pouvaient se méprendre sûr sa part mystérieuse dans 
l'insurrection! Mais, ne pouvant articuler un fait contre lui, 
ils avaient glTssé dans leur rapport cette phrase trouvée : ! 
« II fit connaître par son silence qu'il était l'un des principaux 
chefs de la révolte*. » 

En incriminant le procureur général sur un aussi faible 
indice, ces messieurs trahissaient une sorte de remords. Ils 
sentaient que les injures par eux faites à d'Hauterive avaient 
dû soulever une terrible amertume dans le cœur de ce magis- 
trat et le porter à se venger. Ils prisaient du reste trop peu 
les Martiniquais (bien à tort; pour admettre qu'une pareille 
«affaire» ait pu sortir tout ^rmée de leur étroite cervelle. 
Evidemment d'Hauterive, dont Tesprit subtil domiaait au 
Conseil, avait inspiré le chef du complot. L*idée de Tembar-^- 
quement venait du procureur général. * La Varenne et Ri<^ 
çotiart en étaient convaincus. Il faut avouer que Tinstinct ne 
les avait pas trop mal servis. Seulement, pour eux, c ce chef 
du complot A. était du Buq, tandis qu'en réalité, ce person- 
nage était La Touche. Rien n'était plus déplorable que cette 
confusion. Leur intelligence les avait laissés, sur ce point, 
dans une complète obscurité. Ils n'avaient pas soupçonné 
quele vieux colonel, qui les recevait^si bien la surveille de 
la révolte^ était le véritable instrument de leur expulsion. 

D'après ce qui précède, on comprend dans quel embarras 
va se trouver le Conseil de Marine. À croire La Varenne et. . 
Ricottart, le chef de la justice à la Martinique, était « Tun des 
principaux chefs de la révolte ». Mais alors, pour entre- 
prendre de juger , une telle affaire, il faudra l'évoquer en 
France, y faire transporter les inculpés, les témoins^ la moi- 
tié de la colonie. Et quelle lumière^ sortira de ces ténèbres ? 



* Voici U pMMge : c Le procure ar général d^Hauterife, qui nou; aecoin* 
pagoait dans la tournée, était à table arec noue lorsque les révoltés nous 
arrêtèrent. Loin d*étre sorpris d*ane teUe catastrophe, il Ai connaître par 
son silence q&*il était l'an des principaux chefs de la révolte. Quand ces 
insolents se furent assurés de nos personnes, ils dirent à haute voix : Mon- 
sieur d*Hau tente, sorteil Et il sortit Content d'atoir été de laseèao. » 



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■T LÀ MARTINIQUI 



361 



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D*Hauterive n'était pas le seul à prendre position pour la 
défense. Du Buq, on le verra bientôt, s'employa noblement 
pour sa propre cause» devenue Tintérét commun. La TouchCt 
visant au même bot, combina ses moyens avec moins de 
franchise. Il avait profité de l'étnotion populaire, signalée 
dans la lettre du 13 juillet, pour s'attribuer un rôle qui pou- 
vait donner le change avec celui que naguère il avait joué 
dans le complot. Nous tenons là-dessus un document pro- 
bant : la déposition du capitaine Charles BaillardeU dont 
quelques extraits ont été précédemment utilisés pour le récit : 

c Plusieurs fkux bruits, dit cette déposition, s'estant élevés que les 
habitants de la Capsterre et des autres quartiers dévoient se meitra 
en marche pour attaquer le fort, le sieur La Touche père renvoya 
chercher et luy dit que, comme il le conoissoit fidelle sujet du Roy, 
il s'adressait à luy pour le prier de prendre toutes sortes de précau- 
tions pour 8*oposer au dessein des révoltés ; le chargea, au premier 
avis, de faire abattre le pont du Lamentin et de voir tous les 
habitants pour les exciter à prendre le bon party et leur ordonner^ 
en cas de mouvement^ de se rendre tous chez luy en armes^ offixuU 
ffeij^ fournir à cetm qui tCen auraient point ; k quoy Baiilardel 
Tasseura qu*il satisferoit au péril de sa vie, quôyqu'il iust averty 
qu'on le menaçoit encore de le brusler • » 

Ici Ton aimerait à louer sans réservé' la grande bonne 
volonté de La Touche. On conviendra toutefois qu'elle était 
exprimée d'une manière très suspecte. Ce rendez-vous gé« 
néral des habitants en armes, donné à l'Acajou, rappelle 
trop bien celui du 17 mai pour qu'il soit possible.de s'jr 
tromper. La Touche voulait tenter évidemment de faire 
servir cette échauffourée à reprendre les 50,000 écu9 cachés 
dans le navire espagnol. 

Mais il y avait autre chose sous Tinvention de cette bande 

GOLLART (250) 32 






^. \ 



962 



FRANÇOIS DB COLtART 



insurgée, excitée à venir de la Capesterre pour «'emparer du 
Port-Royal. Quel était le but de U Touche. lorsqu'il donnait 
verbalement à Baillardel, sur de « faux bruits », des ordres 
dont l'exécution, c en cas de mouvement »,. eût été aussi 
compromettante?, On doit se demander si, à la veille du 
procès, le capitaine de la compagnie colonelle du Lamentin 
n'était pas devenu, pour le vrai chef du précédent complot, 
un témoin embarrassant. Voici pourquoi. 

Quinze jours avant la révolte, au commencement de mai, 
le colonel p l'envoya chercher, sous prétexte de lui donner 
quelque ordre pour les chemins du quartier ». Baillardel se 
rendit à l'Acajou, accompagné de M. Rahault, depuis con- 
seiller au Conseil souverain'. La Touche, les ayant conduits 
dans la sucrerie où l'on travaillait, fit adroitement tomber 
l'entretien sur le gouvernement de MM. U Varenne et 
Riçpttart. Il leur dit que chacun se plaignait et que c'était 
avec raison. Il ajouta que le bruit courait qu'on allait dé- 
sarmer les habitants, et, s'adressent à Baillardel, il lui de 
manda s'il serait d'humeur à le souffrir. Le capitaine, évitant 
de répondre, . U Touche, pour l'excitera parler, annonça 
comme une nouvelle, que ces messieurs allaient établir à là 
Martinique le papier timbré et des droits de lods et ventes- 
que l'ordre en était arrivé. « Il ne faut pas, dit-il, souffrir c^s 
noaveauximpôts. .Puis il s'étendit sur plusieurs autres sujets 

de mécontentement, etc., etc. 

Cet entretien, au sujet duquel le capitaine avait cru devnlr 
garder le silence, fut révélé plus tard par M. Rahauit Le 
gouverneur en écrivit le détail au Conseil de Marine qui 
semble-t-il, ne «nt pas compte de cette communication' ' 
Cependant La Touche, après l'expulsion de U Varenne et 
de RicoUart, devait songer, avec une certaine inquiétude à 
cequ'iUvaitdit à Baillardel, lors de cette entrevue.^ avait 
tort. qeluMî. était mcapable d'en profiter pour accuser son 

• No«« yojoùi partout éetix : Rahanlt ; mai. la unatnni .«»«— •. ^ 
ca eoD«eill«r port. : . Rohaalt 4« Choiv! . "«»»*»» «ntographo do 






tT.LA MARTIN IQOI 



36» 



colonel d'avoir fomenté la rébellion. Mais nous dirons en. 
temps et lieu comment notre capitaine délivra La Touche ^ 
(et se délivra- lui-même) de toute crainte à cet égard. . • 
Venons à du Buq. Qu*avait-il préparé pour sa défensef' 
Si la population martiniquaise^ énfln calmée par le- débit, 
sur le marché de Çaint-Pierre^ de sept mille barils de bœuf , 
salé et autres marchandises, avait repris ses'travaux* insou- 
cieuse un instant des suites du mouvement qui l'avait soule- 
vée» du Buq n'était pas tranquille sur son propre sort. Qualifié 
t chef de la révolte »» il pressentait que La Varenne et Rir« 
cotiart, parvenus en FrancCi avaient dû mettre à sa charge la 
plupart des iniquités commises. Or, dans un fait semblable» 
considéré comme crime de lèse-majesté, le maintien du prin* 
cipe d'autorité exigeait au moins une victime, c Le chef de la * 
révolte » était tout désigné pour ce rôle. Du Buq ne pouvait 
se dissimuler, en y songeant, qu'il n'avait personne là-bas 
pour le défendre contre une décision précipitée. Son nom 
avait figuré maintes fois honorablement dans les rapports " 
des gouverneurs, à côté notamment de celui de Collart, si 
vénéré dans l'administration martiniquaise.. Mais eela 
s'oublie. Les changements survenus dans les conditions du 
pouvoir et dans le personnel des bureaux ne lui permettaient 
pas le moindre doute. Au Palais-Royal maintenant» au sujet 
de la Martinique, le nom de du Buq ne devait plus désijg^ner 
que « le chef de la révolte ». 

Au moment où cette pensée le préoccupait, il apprit que la 
place de lieutenant de Roi du quartier de la Trinité allait 
devenir vacante. Du Buq imagina de solliciter cette placoi 
non qu'il la désirflt, mais il allait profiter d'une occasion 
unique pour se faire connaître au Régent. Il lui écrivit. 

En termes à la fois très respectueux et très élevés, du Buq 
instruit Son Altesse royale des services par lui rendus de- 
puis trente années dans les troupes de France et celles de la 
Martinique. Après avoir mis en ligne ses campagnes aux 
Antilles, les grades et autres avantages qu'il avait obtenus ; 






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364 



FRANÇOIS DK GOLLART 



après avoir exposé comment, forcé par le peuple de prépare 
le . commandement de la colonie lors de la révolte» il était ' 
sorti à son honneur de cette situation périlleuse, du Buq se 
flatte d'avoir mérité, comme une Juste récompense, la place ' 
de lieutenant de Roi dû quartier qu'il habite. Saletlre au 
Régent partit de la Martinique le 17 août 1717. Assurément 
cette démarche était des plus adroites. II Ht plus A l'arrivée 
du nouveau gouverneur, du Buq, 8!empressant d'aller le 
complimenter, suivant Tusage, avecl'état-major de la colonie, 
lui remit copie de sa demande au Régent et le pria de vouloir 
l'appuyer auprès de Son Altesse royale. •• Du Buq ne se 
faisait aucune illusion. Il prévoyait que sa lettre ne recevrait 
pas de réponse. Mais son but était surtout de se faire con- 
.^ naître. C'était là pour lui le point capital . • . - 



XIV^ 



En attendant qu'il fût possible de donner une leçon sévère 
à la colonie repentante, l'autorité régulière devait être au 
plus tôt rétablie à la Martinique. Diverses circonstances fa- 

~ ta 

cilitèrent la tâche du Gouvernement 

La Malmaison, commandant à la Guadeloupe, était mort 
le 1** mai 1717*. Sur la proposition du Conseil de Marine. lë 
Régent l'avait remplacé par le chevalier de Pas de Feuquièred, 
alors gouverneur de la Grenade. Celui-ci se trouva pourvu 
en même temps de l'emploi éventuel de Gouverneur général 
des Iles-du-VetU, comme l'avait été La Malmaison en 1713. 

M. de Valmenier, lieutenant de Roi à la Martinique, en 
congé à Paris,, allait retourner à son poste, sur le navire le 
Saini^Ptarent\ prêt à mettre à la voile à Nantes pour les An* 

• Son nom était Cloche de U Malmaifon. U a?Ait rempli trois fois llnté- 
rim de Gonvemeur générait * ^ 

* Le JSaini'Floreni, appartenant à la mueon LonU Bernier, de Nantea, 
devait être d*Qn aseex fort tonnage. Nont leTojont faire an Toyage en Guinée 
en 1715, et amener à la Mtrtiaiqne, le 14 novembre, 437 etclaTee. U avait 
alpri ponr capitaine le eîenr Patria Linool. 



. ^ - 



• K 



KT LA MARTINIQUB 



685 



tilles. Le capitaine, de ce b&timent^ le sieur Bertomé, devait 
toucher à la Grenade* afin d*y prendre M. de .Feuquièrei, 
pour le conduire à la Guadeloupe. 

Sur ces entre faites, arrivèrent La Varenne et Ricoaart.. 
Sans rien changer à la double nomination fraîchement signée,* 
le Régent fit mander Valmenier, Tinstruisit de ce qui venait 
de se passer à la Martinique et le chargea^ pour M. de~ Feu** 
quières, d'une lettre enjoignant à ce gouverneur de se rendre 
au Fort-Royal et d'y prendre, jusqu*à nouvel ordre» les fone* 
tions de Gouverneur général. M. de Feuquières devait se 
concerter avec Valmenier pour rétablir Tautorité dans la oo« 
lonie. La lettre remise au lieutenant de Roi, est datée du 21 
juillet 1717, très peu de jours après l'arrivée du G^^tf^on à la 
Rochelle. Toutes ces mesures étaient sagement prises. Pas 
un moment n'avait été perdu*. • 

Le Saint-Florent f parti de Nantes fin juillet, ayant fait es- 
cale en septembre à la Grenade, parvint à la Martinique le 
5 octobre 1717, date de . Tinstallation de M. de Feuqaières, . 
présenté par M. de Valmeniei*. . * ': 

En remettant le gouvernement au titulaire, M. de Bègue, . 
lieutenant de Roi à Saint-Pierre, chargé du commandement 
par intérim, lui communiqua les dépêches écrites au Conseil 
de Marine pour Tinformer de Tétat de tranquillité dont avait 
généralement joui la colonie depuis le 'départ de M;*dë'1a 
Varenne.- . • - ' ' " .'/:«:. iio' (^ îup 

M. le commissaire de la Marine Mesnier,' iBiyànt ^ déjà fait 
l'intérim d'intendant lors du rappel .de M. de Vaueréôsdn» 
reprit cette position par l'ordre de M. de Feuquières: :i»6 la^ 
conserva jusqu'à l'arrivée de M. de Sylvecane^ nommé pat le 
Régent, lé 1** novembre 1717 j à Tin tendance générale ides 
^l/es-{ft<-ren/. Nous reparlerons de M^ de Sylvecaucaumu- 
ment de son installation. \'i 'A*» "^ ^^\ *" Vi .m:y ^v\v>v\v:v ô.-4> ^>^ 

Dès que celle du nouveau gouverneur, à la Martini<^e> fbt 

connue en France, les intentions du Gonseilde Marine com* 

'méncèrent & se manifester au sujet-de ta répression .-«Sans 



•^ 



306 



FRANÇOIS DB COLLART 



\ 



doute le Régent, bienveillant par nature, ayant trouvé l'affaire 
plaisante, inclinerait finalement à Tindulgence. On ne pou- 
vait cependant, par une impunité absolue, encourager les 
colonies à se faire justice elles-mêmes. Il était nécessaire que 
la cour parût au moins très indignée. Le rire désarme; mais 
il fallait que les chefs de révolte connussent à quelles peines . 
ils s*exposaient. 

Trois frégates, la Victoire, Y Argonaute et la Charente, sous 
les ordres du capitaine de vaisseau de la Roche-Âllard, amer 
nèrent cinq compagnies des troupes de la marine,jdest!née8 
à renforcer'les garnisons, dont la faiblesse avait inspiré tant 
de hardiesse aux révoltés et tant de craintes, aux comman- 
dants des forts. L'arrivée de cette escadrille de guerre au 
Fort-Royal causa un certain émoi. On se tint sur ses gardes. -- 
Mais^ peu de temps après le débarquement des troupes 
opéré, les frégates remirent à la voile et le souci de leur pré* 
sence disparut avec «elles. Cette alarme devait être suivie* 
d'une autre plus sérieuse. • ^' 

Conformément aux ordrêVqu'ir venait dë~recevoir parle 

commandant de la Roche-Allard, et aprbs une information 

< • - 

forcément superficielle» M. de Feuquiëres avait proposé - 
Tamnistie pour la colonie» avec la mise en jugement à des 
quatre scélérats, disait-il, qui ont arrêté MM. de la Varenne 
et Ricoiiarl. ils sont les neveux de M. le colonel de la Touche, 
qui est fort brouillé avec eux ». C'était c&-qu*on lui avait 
assuré. Il sut plus tard que cette prétendue brouillerie était 
imaginaire. 

Dans le même courrier, le gouverneur se plaint de là 
colonie. Aucun habitant ne vient le visiter. Il insinue, sans 
rien préciser, que la population lui est fort peu sympathique. 
Personne (ou peu s'en faut) n'a échappé à la contagion, a // 
est très certain que^ le seul Collari excepté^ tous les^fficiers 
de milice ont trempé dans la révolte. ^ Ecrit-il cela pour at- 
ténuer la gravité de la faute en la divisant à l'infini ? Sans 
doute, car le gonverneurjie pouvait ignorer que Texceplion 



BT LA MARTINIQUE 



a67 



devait 8*étendre aux colonels Survilliers et Jorna, au capi- 
taine Baillardel et au lieutenant-colonel Roussel. Le nom de 
ce dernier, notamment, se trouve uni à celui de GoUart 
dans le rapport des administrateurs 'expulsés, où il est dit : 
m MM. Gollart et Roussel, auxquels le projet de. la révolte 
était caché, au dire de tout le monde, parce qu'on Jes croyait, 
véritablement attachés au service du roi, et capables dé . 
nous révéler le secret, s'ils Tavaient suy ayant un chagrin 
mortel de nous voir traités comme de véritables malheureux, 
par de la canaille... » Ce passage prouve d'ailleurs que c ces 
messieurs » s'exprimaient avec peu de convenancer Mais, 
en supposant que Roussel et Gollart fussent « capables de 
révéler le secret », à quoi aurait servi leur révélation ? On 
sait avec quel dédain, La Varenne et Ricoiiart reçurent Vavia * 
du brave Eynaudi qui pouvait les sauver... 

M. de Feuquières n'a vu plusieurs fois que du Buq^ auprès . 
duquel il a voulu se renseigner. L*ex«commandant provisoire r 
de la colonie, s'est bien gardé de se poser en accusateur. Les 
conseillers ont suivi son exemple ei) ne soTtant pas des gé* 
néralités. Valmenier, en France pendant la révolte, d'ailleurs 
parent des La Touche, ne pouvait d'aucune manière éclairer 
le gouverneur. On conçoit la gène de M. de Feuquières ré- ' 
vélée par sa correspondance. Pour livrer au Conseil de 
Marine les noms des t quatre scélérats »(le mot est dur), il. 
avait dû se contenter des indications fournies dans le rapport 
de La Varenne et Ricottart. C'était vraiment trop p&u. 

Du reste, la connaissance de ce document, dont le peuple, 
sut à la Martinique le contenu par lambeaux,, avait causé . 
dans rtle un effet terrifiant. D'Hauterive lui-même en fut 
effrayé (du moins il le sembla) et i tel point, qu'à la date du \ 
17 novembre 1717, il écrivit au Régent, pour se disculper, 
une assez longue lettre, qui débute par ces lignes : « Je 
supplie très humblement, et avec le plus profond respect 
votre altesse royale de me permettre de me jeter à ses pieds, 
dans la juste amertume de mon cœur, pour la supplier ' 



b ~ 



368 



TRANQOIS Û« COLLART 



d*açréer que je Tassure de toute mon innocence, dans ce qui 
s'est passé ici au sujet de Tarrestation et de rembarquement 
de MM. de La'Varenne et Hicoûart, dont mes ennemis» ou 
des gens mal informés, m*ont voulu rendre, coupable. J'ay 
fait voira M. de Feuquières la noirceur de cette calomnie et 
luy ai ofTerX et donné des preuves de ma fidélité... > M. de 
Feuquières s'était laissé persuader beaucoup mieux que le 
Conseil de Marine, qui insista pour savoir à quoi s*en i^nir. 
D*Hauterive, eh fait, n*avait contre lui que des présomptions 
fort discutables. Prévenu de ce qui se tramait à TAcajou, 
après la conflscation du navire espagnol, s'il avait frayé avec 
La Touche pour commencer l'affaire; avec du Buq, au 
moment du départ du Gidéon, pour la terminer, il s'y était 
pris avec tant de réserve, que ni l'un ni l'autre n*avaient 
dû penser que lui d^Hauterive « trempait dans là rébellion »• 

Quant & du Buq, le soi-disant c chef de la révolté »; ilavait 
paru k M. de Feuquières si recommandable à tous égards 
que le gouverneur s'était refusé à comprendre cette hâùtè 
personnalité martiniquaise dans la poursuite plroposée par 
lui. Peut-être môme jugeait-il imprudent de mettre du Buq 
en cause dans cette malheureuse affaire. Il n'ignorait pas que 
la colonie, entrés grande majorité, était résolue à se soulever 
de nouveau pour la défense de son' élu. Celui-ci avait eu 
beaucoup de peine à_obtenir que l'on s'êngageflt à rester 
calme, tant que sa vie ne serait pas en danger,^ 

Mafs si du Buq possédait un très grand nombre de parti- 
sans dévoués à la Martinique, il y comptait des ennemis 
acharnés. La faction dont la conscience ^tait si lourde au 
sujet de la révolte avait mis tant d'ardeur à rejeter ses torts 
sur du Buq, que M. de Feuquières pencha visiblement du 
côté des La Touche. Ils s'étaient tenus à l'écart; on les vit 
s'empresser auprès du gouverneur. Valmenier leur facilitait 
des entrevues.. . Leurs plaintes ne furent pas inutiles. M. de 
Feuquières,^ comprenant que La Varenne et RicoQart, en 
étendant la conflscation à tout Targent découvert dans le 
navire espagnol, avaient été par trop durs, fit de justes con- 



* ■ 



/ 



ET LA MARTINIQUE 369 ^ 

cessiops. Les 25,000 piastres saisies sur \b Saint-FrançaiS' 

XMier farent remises aux passagers et à Lbngpré. Gela ne 

su fBt pas aux La Touche. Avec un peu de patience, ils àtn / . 

raient pu gagner complètement les bonnes grftces du gbuver- ^ 

neur. Ils n'y parvinrent pas. Toujours dévorés d'inquiétud6 ^ \ 

au sujet des 50,000 écus emprisonnés dans la cache du bAU- / . ; 

ment confisqué/ ils voulurent, pour les ravoir, que le navire , - 

leurfûtrendu.M. de Feuquiëres refusa. Çeût été réprouver . ^ 

trop ouvertement l'acte de son prédécesseur, justifié par les 

ordres du Roi sur le commerce étranger. Les La Touche in- ^ ^ ^ . 

sistèrent.. Leur insistance déplut. Le* gouverneur» soupçon- 

nant quelque mystère, parce que le bateau, à moitié pourri, 

ne valait pas d'être réclamé avec tant d'&preté, s*obstina dans . - - - 

son refus et tînt dès lors les La Touche à distance. . . Du Buq . « 

reprit le dessus •• • ^ - / r. : 

Voici l'instant de raconter l'histoire que nous avons pro* . • ; 

mise au sujet des 50^000 écus. . . : . A ' 

Que fit Longpré, quand il vit que son navire t en perdition ».-•'. 
ne lui serait pas rendu?... Il obtint ce qu'il voulait par un 
coup hardi, assez digne d'être admiré. * ^ ' ^-; . i / 

Le fait a été communiqué par du Buq lui-même, à qui sa 
bru (Marie-Anne Courtois), belle-sœur de Longpré (Françoise r . ' 

Courtois), l'avait confié longtemps après l'affaire. " "-^ 

^ On sait que le Saini-François-Xavier était gardé dans le . - : " * 
carénage^ au Fort-Royal. Pendant une nuit obscure, Longpré, 
partant de l'Acajou en canot avec deux de- ses parents, se . 
rendit au navire. Arrivés là, solidement amarrés sous l'avant, . 
ils pratiquèrent à tâtons, avec un vilebrequin et une égohine,^ . . ' 

un trou suffisant pour laisser passer le bras dans la cache. /^ ^ ' 

Ils en tirèrent les sacs contenant les 50,000 écus, reboa- v • 

chèrent l'ouverture et s'éloignèrent sans que les vingt soldats . - 

- . ■ • « 

qui'veillaient (qui dormaient plutôt) sur le pont ou dans les - i 

cabines eussent rien entendu. Comment, de retour à TAca-- . . * . 

jou, Longpré et ses deux acolytes purent-ils transporter cet .. • ^ . 

argent jusqu'à l'habitation La Touche ? L'histoire ne le dit 
pas. Ma,is là réussite fut complète; * 



> » 



370 



FRANÇOIS DB aOLLART ' 



XV 



Ainsi finit, à la Martinique, celle année 1717, si pleine 
d'événements. Celle qui s*ouvre ne sera guère moins troublée; 
Tant que Tamnistie, impatiemment, attendue, n'aura pas 
absous la colonie du crime dont elle s'est rendue coupable, 
Tanxiété pèsera sur les esprits. On s'est d'abord étourdi sur 
les conséquences de la révolte. On a tout de sui_te conçu 
l'espoir que le pardon sollicité en termes éloquents, môme 
un peu fiers, ne tarderait pas à venir. Mais que veut dire ce 
silence prolongé ? Est-ce qu'il serait possible dé frapper une 
population nombreuse qui, s*hohorant d'avouer sa faute^ 
prend soin d'expliquer, au mieux de s'a cause, -il est vrai, 
comment le fait. a été perpétré? Le bruit court maintenant 
qu'il y aura procès et que tous ceux qui,.plus ou moins, ont 
« trempé dans la révolte », seront soumis à de terribles inter- 
rogatoires. Et l'on s'agite et chacun cherche comment il 
pourra se défendre Les La Touche surtout se rémuent sour- 
dement. Plus d'un motif les y pousse. Le principal est la 
crainte que leur inspire la future déposition de Baillardel. 
L'interrogatoire auquel on le soumettra, dans le cours du 
procès^ pourrait mettre sur la voie de l'origine du complot. - 
L'entretien du colonel avec le capitaine en présence du con- 
seiller Rahault, quinze jours avant la révolte, deviendrait un 
indice redoutable, appuyé d'un témoin. On découvrirait de 
cette manière le premier fil de la trame. Si Rehaut parlait, 
lui qui n'avait rien à craindre et n'était pas alors du Conseil» 
Baillardel, homme sincère, ne saurait pas résister aux ques- 
tions à lui posées sur ce point important. Le reste inquiète 
moins, parce que des contradictions se produiront et qu'après 
tout la colonie entière s'est laissée entraîner « au torrent «. 

Comnienl le vieux La Touche s'y prit-il pour éloigner ce 
danger? Eut-il recours à d'Haulerive, ce dieu de l'iiabileté 



BT hk MARTINIQUE 



371 



pour la Martinique ? On doit le penser. Ce qu'il y a de certain/ 
c'est que Baillardel, voyant autour de lui croître Tagitation, 
se rappela les menaces qui lui avaient été faites en différentes 
fois. Il conçut un profond .ennui de cette situafion, pleine de 
trouble et se résolut à quitter la colonie, au moins pour un ,. 
femps, pour toujours peut-être suivant les circonstances. 

Le 12 avril 1718, il va trouver M. de Feuquièrés et lui dit 
que, depuis longtemps malade, il se voit obligé delùi^donner 
sa démission de capilaine et de lui demander congés afin 
d'aUer avec sa famille en France, où il pourra seulement re- : 
couvrer la santé. Baillardel ajoute que, voulant éviter d'ôlre 
soupçonné « d'avoir trempé dans la rébellion », il prie le .^ 
gouverneur de vouloir bien recevoir sa déclaration sur le9 
faits qui ont affligé la colonie, de l'interroger à cet égard, de 
faire ensuite examiner saconduite et enfln.de lui délivrer un 
certiflcat établissant « son innocence et sa fldéli té inviolable ». 

M. de Feuquièrés,' n'ayant rien à objecter à ce désir 
exprimé en si bons termes, fit ce que lui demandait Baillarde), 
et, comme celui-ci ne dit rien qui ne fût déjà connu par le '. 
rapport La Vai*enne et prouvé par d'autres informations» le ' 
gouverneur lui délivra un € certiflcat de bonne conduite et un ^ 
congé d'embarquement ». 

Baillardely laissant le soin de ses habitations, à son neveu 
Théodore de Lahaye,. quitta la Martinique à la fin d'avril 1718, ' 
sur le Saint-Florent^ qui, après avoir fait sa tournée dans les 
Antilles, était revenu à Saint-Pierre et mettait à la voile pour 
Nantes, d'où il était parti, comme on sait^ en septembre de 
l'année précédente. 

Baillardel avait donné son adresse à M. de Feuquièrés, à 
Nantes, chez lé banquier chargé des atTaires de sa maison, 
M. Guilloré, dont lo nom serait, parait-il, encore porté dans 
le pays nantais. — Baillardel emmenait avec lui sa femme etr 
ses enfants, au nombre de cinq\ 



M 



• Trois flllM 61 dêttx (ils. L*alné, Magloir* Baillardel d«.Lar«iiitj, déjà eiO, 
aTait alors onzs ans. Charles revint à la Martinique avee sa famille en 1721.. 
Magloire épousa dans la colonie, en 1746, Louise-Elisabeth du Prey, petite* 



372 



FRANÇOIS DB COLLART 



Le départ de Baiîlardel détendit Tanimosité des La Touche 
et les rassura. De son côté, M. de Feuquières, revenu de ses 
préventions contre les habitaùts, était loin de vouloir enve- 
nimer Ieschoses.il n'avait plus qu'une idée à ce sujet: en 
finir avec cette affaire de la révolte qui lui causait des ennuis, 
il n'ignorait pas au fond ce qu'il en serait. . . Le moment ap- 
proche oil le procès va s'ouvrir. Nous en dégagerons les 
points principaux aussi rapidement que possible. 

L'Intendant général de Sylvecane\ parti de France en juin» 
parvint à la Martinique le 11 août 1718, porteur de divers 
ordres importants. M. de Feuquiëres était nommé définitive- 
ment Gouverneur général des Iles-du- Vent ; M. de Moyen- 
court, intérimaire à la Grenade, allait prendre le gouverne- 
ment de la Guadeloupe, dont M. La Guarigue de Savigny 
exerçait le commandement provisoire, depuis la mort de 



T»-» 



k». 



Allé dn colonel Lonii du Prej, cousin germaiil de Françoii de CoUari. 
Leur AU, Dteiré-HUaire de LareiBt77t760rl822K cheTaUef de Sainl-Loiiif, 
retiré 4a eenrice etcc le grade de lieutenant-colonel, épousa, en 1789 
Blarie-GeneTièTe-Désirée dn Baq, petite-fille de riliustre compagnon d'armes 
de CoUart. De cette union est issu Hilaire^nlien-Félix, baron de Lareintj 
(1782-1826), intendant de la Marine, conseiller d*Etat, directeur des Colonies, 
officier delà Légion d*honneur, cheTalier. de Saint-Louis, etc.; marié en 
1820, à Nantes, avec Clémentine Cossin de Ctiourses. père et mère do 
M. Clément-QustaTe-Henry, baron de Lareintj. ancien délégué de la Mar- 
tinique, sénateur, président du conseil général de la Loire-Inférienre, 
officier de la Légion iThonneur, etc., marié, en 1849, avee M^^* Jules-Marie 
de Chastenet de Pujségur, fille unique du Pair de Fnnee, comte de Chastenei 
de Pnységur, et de M^^* de Tholozan. De cette' union sont issus M** la 
Cpmtesse Georges de Péris et M. le député Jules de Lareinty, qui -a mainte- 
nant quatre fils de son mariage aTec Mu« de Sabran-PonteTès. — - Cette descen- 
dance, des plus honorables, comme on le Toit, est ici relatée, parce qae, 
tenant à la plus ancienne famille de la Martinique encore existante, elle 
relève de notre sujet par les origines. — Armes des Baiîlardel de Lareinty : 
d*azur au cheval ailé d*argent, accompagné en chef de deux épées de même 
posées en sautoir, et, en pointe, d*une fourmi d*or. De?ise : taûbor improhui 
omnia vitM<t«. 

* M. de Sylvecane, commis et conseiller à la coar dès 1889, aMt été pré- 
sident de la cour des monnaies de Paris, de 1702 à I70&, puis nommé comme 
faisant fonctions d'intendant des armées naTales, de 1705 à 1709, et enfin 
premier commis à la cour de 1709 à 171 f, époque à laquelle il avait quitté 
cet emploi jusqu'à sa nomination d'Intendant général des^ nes-du-Vent 



•• r 



ET LA. MARTINIQUI 373 

M. de la Malmaison. M. de Sylvecane apportait enSaror-, 
donnance royale attendue» signée en mars 1718* 

La colonie était amnistiée. Gomment ne Teût-elle pas été't 
Mais les conducteurs de la révolte, qui seuls pouvaient être 
poursuivis et par conséquent prétendre au pardon, se trou- 
vaient exceptés de la mesure gracieuse. Du Buq était consi- 
déré comme le véritable chef du soulèvement* « 

A cet égard, voilà.ce que portait rordonnance : 



• . • 



N'entendant pas toutefois comprendre dans la présents 
amnistie le sieur du Baq« lieutenant-colonel d*an des régiments de 
milices à la Martinique et chef choisy par les dites milices au temps 
de la révolte» les sieurs Belair, capitaine de milices, d*Orange; 
Gattier et Lahat, aydes-majors de milices, qui ont arrêté les rieurs 
La Varenne et RicoQart, et le 8:eur Bourgelas, capitaine de cava->. 
lerie (accusé de discours séditieux), lesquels seront tenus, deux Jours 
après l'enregistrement des présentes, de se rendre au Fort-Royal 
pour être envoyés en France pour se Justifier au sc^et de la dite 
révolte, et, faute pa/ eux de se présenter» voulons que leur procès 
soit tait et j>arfait,çomnie_ criminels de lèze-majesté, par notre 
Conseil supérieur de la Martinique.... » 

• - *".•'■ - ■ . • ■ • • 

« Deux jours après l'enregistrement »» c'était permettre de' 
fuir aux officiers inculpés, autrement on les eût saisis sans 
les prévenir. Dès que l'on fut assuré que ceux considérés 
comme tout à fait compromis étaient hors d'atteinte dans 
les colonies étrangères voisines, rordonnance fut dûment 
enregistrée au Conseil souverain» à là requête dû procureur 
général (16 août 1718). n résultait des termes de l'amnistie et 
de la fuite des inculpés» sauf un, que le procès aurait lieu à 
la Martinique. On était maître de la situation. C'était ce que 
d'Hauterive avait combiné. 

Qaant à du Buq, il était trop haut placé dans Testime de 
ses concitoyens, et dans la sienne propre, pour vouloir se 
faire juger par contumace. Il endossa son bel uniforme ob 
brillait la croix de Saint-Louis', ceignit son'épée, se rendit au 
Fort-Royal et se constitua prisonnier. 






• 



• 



874 



FRANÇOIS OB OOIXART 



MM. de Feuquières dt de Sylvecane fureuC plus flattés que 
surpris dg la soumission de du Buq. On avait du reste tant 
de confiance maintenant que pas un murmure ne s'éleva dans 
la colonie. ' • - ' 

L'affaire fut instruite en septembre 1718. Les conseillers 
Pain et Petit, avec le greffier Moreau, furent commis pour 
interroger les témoins et l'inculpé non contumace. Le Conseil 
jugerait ensuite en séance pléniëre. Les conseillers instruc- 
teurs évitèrent de manifester une curiosité gênante. Aux 
questions posées, préparées par d'Haulerive, les témoins ré- 
pondaient ce qu'ils voulaient, sans ôtre poussés en quoi que 
ce soit. La Touche déclina l'honneur que certains voulaient 
bien lui faire d'avoir été le chef de la révolte/ et, comme le 
rapport de La Varenne et RicoUart ne signalait en rien'sa 
complicité, le vieux colonel eût i)eau jeu pour expliquer sa 
conduite. • • Bref, presque tous les officiers et les notables de 
la Martinique, assignés à cet effet, vinrent déposer. La culpa- 
bilité des cinq contumaces, que' leur fuite incriminait d'ail* 
leurs, ne put être dissimulée. Toute la faute retomba sur ces 
boucs émissaires. Mais l'innocence de l'élu de la colonie res- 
sortit éclatante de cette instruction. Il fut établi que du Buq 
n'avait donné aucun ordre, pris aucune mesure, qui ne fussent 
pour nntérôt commun. Les commandants des forts témoi- 
gnèrent en sa fayeur. CioUart montra son ami le protégeant, 
le faisant escorter afin qu'il ne lui arrivât ^n de fâcheux, au . 
moment oiî, prenant la défense des administrateurs, il 
s'était attiré l'snimosité, du reste passagère, des plus chauds 
partisans de la révolte.. ' ^ 

La lumière se fit si bien, dans l'esprit de M. de Feuquières 
et de M. de Sylvecane, que du Buq n'eut bientôt pour prison 
que lappartement du gouverneur. Ils prenaient les repas 
ensemble. M. de Feuquières, comprenant l'avantage qulL- 
pourrait tirer de l'amitié d'un tel habitant, se plaisait à s'en- 
tretenir avec lui des intérêts de la colonie. 

Sur ces entrefaites, M. de Sylvecane, atteint depuis quelques - 



BT T.X IIARTINIQUB 



375 



Jours du mal de Siam (la (lèvre jaune)» mourut le 2 octobre. 
La surprise fut d'autant plus pénible que, depuis longtemps,, 
cette maladie» surtout funeste pour les Européens nouyelle* 
ment arrivés, n'avait pas fait de victimes à la Martinique. 

L'intendant, qui avait gagné l'estime générale pendant les 

• ■ * . ■ 

six semaines de son exercice, fut sincèrement regretté. > 

M. Mesnier reprit l'intérim pour la troisième fois et le con- 
serva jusqu'au juin 1719, daté de l'installation de M. Charles 
Besnard, commissaire de la Marine, nommé Intendant gé- 
néral par le Régent le 10 janvier de la même année. < ' 

Cependant du Buq, malgré les excellentes dispositions da^ 
gouverneur à son égard, ne se sentait pas tout à fait rassuré.: 
Le 4 octobl^e, après la clôture du procès, leà sieurs Çattier, 
Belair, d'Orange, Labatet Bourgelas, avaient été condamnés 
parle Conseil souverain, le premier au supplice de la roue, 
les autres à celui de la potence. Il est vrai que ces condani« 
nations, ayant pàiir but unique de donner îine apparente 
satisfaction au principe d'autorité, ne pouvaient recevoir, et. 
ne reçurent réellement d'exécution qu'en effigie. Mais Je co- 
lonel n'était pas contumace. Suivant les termes du décret 
d'amnistie portant exception, on devait rembieurquer pour 
France et là tout était à craindre. 

M. de Feuquières, résolu & sauver du Buq, se'céntenta 
d'envoyer toute la procédure au Conseil de Marine, avec la 
lettre suivante, datée du 22 octobre 1718. Ce document est un 
si ferme appui pour le récit, que nous ne pouvons omettre 
de le reproduire : . 

c U nous a paru, dit le Gouverneur général, que la révolte prooé* 
dait de rAcaJou ; que Longpré La Touche, qui n'avolt cessé de eourif 
par toute Tisle, après le projet conclu d'arrêter ces messieurs, avoi^ 
chemin faisant, forcé tous les habitants qui ont paru au rendes- vous 
au Lamantin et ensuite à Saint-Pierre. Nous aurions aussi reconnu 
que c^est à la sollicitation de La Touche, et même de M. de Valmenier 
(son gendre), que les cinq proscrits Belair, Cattier, d'Orange, Labat 
et Bourgelas, ne s'étoient pas rendus en ce fort, suivant les ordres 
du Roi et au dêstf de Tamnistie. 



« « 



376 



FRANÇOIS DB CQLLART 



€ Par les informations contre du Buq» par sa déposition et d'autres 
notions particulières, il avoit paru à M. de Sylvecane et à moi, que 
du Buq n'étoit coupable que d*ayoir accepté ce commandement des 
révoltés et même il Tavoit fait dans des vues qu'on ne pourroit 
improuver. Je crois que Sa Majesté peut le dispenser du voyage en 
France, à cause de son âge déjà avancé et de ses grandes infirmités^ 
et aussi pour contrebalancer parmi le peuple la nombreiue famiUe 
dans ïàquêUe est l'origine du malf qui est arrivé à rocc4ision du ^ 

navire eipagnol. ^ 

- ' . . * 

On voit, par ces derniers mots, que le mystère du complot 
n'avait pas échappé à la pénétration de M. de Peuquières. 
Mais il n'affirme rien, parce qu'en fait les termes de Tarn- 
nistie Tempéchaient de revenir sur cette circonstance et . 
qu'il était au moins inutile d'insister. ^ ' . 

Au nombre des pièces envoyées par le gouverneur, se ^^ 
trouve une déclaration de du Buq, contenant sa propre dé- 
fense. Dans cette pièce, Jl explique comment, sans lui, il y 
aurait eu collision entre les troupes réglées et les milices 
insulaires, et comment il avait évité cet épouvantable mal- 
V heur de voir la Martinique mise à feu et à sang. Il prouve 
^ que MM. La Varenne et Ricoûart lui devaient la^ vie,- et, 
qu'au lieu de l'accuser^ ils auraient dû lui savoir gré de les 
avoir sauvés des conséquences ^d'une révolte sans frein, à 
laquelle il était parvenu à substituer une manifestation en 
quelque sorte pacifique, au prix de leur départe • 

M. de Feuquières, ayant su, par des informations offi- 
cieuses, que la défense de du Buq avait été goûtée et que sa • 
cause éta.it gagnée dans l'esprit du Régent, fut encouragé à 
écrire, à Son Altesse royale, la lettre suivante. Elle est du 
15 avril 1710. C'est encore un de ces documents dont il n^est 
guère possible d'épargner le texte au lecteur. Le Gouverneur 
. général y témoigne srvec chaleur son estime pour du Buq : 

c Les ennemis du sieur du Buq*, ayant été capables de publier 

* Dans uB^e^Bote généalogique écrite ▼•» 1750 par M. du Buq d'EnnanUe 
(Félix*ADdré« né eu 1720), peti^iLU du colonel, on remarquo co passage, au 
sujet de rinimitié des La Touche contre les du Buq : 

« Famille La Touche. Leur grand-pire (le Tiens colonel) fut jaloux de 



.!. 



I , 



r , 



> 



KT LÀ MARTINIQinB 877 

que M. de Sylvecane et moi nous étions laissé gagner par Iny» 
quoique Je fusse d^à persuadé de son innoceneeje n*ai pas Jugé à 
propos de rien dire en sa fkreur, afin de ne pas me rendre suspect 
d*ayoir penché plutdt d*un costé que d*un autre ; mais depuis que 
toutes ies procédures ont été envoyées et que la vérité a été sufll- 
samment découverte^ Je ne puis me dispenser de dire à Votre Altesse 
Sérénissime que la démarche de du Buq à se rendre ici aux ordres 
du Roy. et ce qui a esté prouvé de sa conduite, lorsqu'il a esté forcé 
d*aocepter le commandement des rebelles» marque le peu de part 
quMl a eue dans cette aflieiire et, J*ose Tavancer, qu'on doit à lui 
seul le salut des forteresses et des colonies de Sa Majesté.' 

< Depuis qu*il est en prison dans ce fort, J*ay remarqué en luy . 
tant de bonnes qualités, un si fort attachement pour le Roy, une si 
parfleJte résignation à ses volontés que Je ne puis plus garder le 
silence en ce qui le regarde. 11 m*a paru d'ailleurs homme droit» 
brave de sa personne et inviolable dans sa parole, ce qui m'a en* 
gagé de luy permettre d*aller passer quinze Jours ches luy» autant 
pour donner quelques ordres dans sa maisoui que sa longueabsenoe 
à forf dérangée, que pour y voir une de ses filles qui estoit à Textrè* . 
mité. M. Poulain, major, Ta accompagné dans cp voyage et revien- 
dra avec luy. > M 

Le Régent n'avait pas eu besoin de cette nouvelle recom-' 
mandation pour se prononcer. Dès le janvier 1719, U avait 
fait signer au Roi des « lettres d'abolition accordées au colonel 
du Buq ».. Elles parvinrent à la Martinique dans les premiers 
jours de juin. M. de Feuquiëres s'empressa d'aller trouver 
son prisonnier et, lui remettant d'une main la dépâcfcte gra« 
cieuse, lui rendant de l'autre son épée, il lui dit : «Pieu merci! 
nous voilà tous deux délivrés de ce grand souci. » - 

Du Buq, pénétré de reconnaissance, se courba profonde- 
ment, et recevant son épée en vrai chevalier, il mit un genou 
à terre. « Dans mes bras »» s'écria le gouverneur, et ces deux 



rMtima «i de la confiance générale que c'étaient acquiee mon bysnyeol et 
mon grand père (le colonel dn Buq)... Néanmoins Talné dci La Toaohe a 
époueé ma sœnr, après avoir épousé ma cousine germaine en l*** noect ; 
leur oncle a épousé une de mes tantes, et Ton ne ' trouve plus dans cette 
famille utocharntwtnt à détruire noire n^m. » . 



378. FRANÇOIS DV GOLXJIRT 

hommes, si bien faits pour s'apprécier, s'embrassbrent avec 
effasion... ^:^ ^^ / '*-. : 

Grâce entière fut ensuite accordée « aux effigies ^. Tous 
rentrèrent à la Martinique et furent remis en possession de 
leurs biens. .• , , 

D'Hauterive avait quelques droits à la reconnaissance des 
Martiniquais. Us ne manquerentpas.de la lui manifester» 
trop ouvertement peut-être. Mais, bien qae le procès fût ainsi 
terminé à la satisfaction commune, le Cionseil de Mariûe ne 
crut pas devoir oublier l'accusation portée contre le procureur 
général par Varenne et RicotiarL D'Hauterive fut révoqué 
de ses fonctions et remplacé, le i** septembre 1721, par le 
conseiller de Perrinelje-Dumay. D'Hauterive, qui possédait 
une sucrerie à la Martinique, se retira sur son habitation et 
demeura dans la colonie. ^ ^ ' 



xvn 



Nous voilà' près du terme de notre excursion aux lies d*A* 
mérique. Si ce long travail n'a pu fatiguer la patience du 
lecteur, nous en sommes redevable à l'intérêt qu'inspirent 
généralement aujourd'hui nos colonies. Puisse ce sentiment 
s'étendre et devenir durable I C'est une vl^Ho erreur de 
croire qu'une grande nation peut longtemps vivre et pros- 
pérer sans colonies. Mais, pour recueillir un réel profit de 
ces établissements d'outre-mer, il faut les traiter avec dou- 
ceur, les soutenir dans leur enfance, leur permettre de com- 
mercer à l'aise et leur porter secours à Toccaision. Ce n'est 
pas ce que Ton faisait toujours jadis. Certain gouverneur de 
la Martinique\ des plus distingués, écrivant au ministre', le 

• ■ 

* M. Salignaç d« Fén^loa, parent d« TaroheTéque d« Cambrai, U dons 
auteur de T^uinet^uê» 

* II. le dae de Choiaeul (Ettenae-FraDçoia). 



ET LA MARTnnQOI 



870 



27 novembre 1768, déplorait « l'espèce d'éloignement et d'à- 
version » que les habitants de cette lie manifestaient « poor 
Tautorité ». — t II faut avouer, disait-il, que Tabus que Von en 
a fait longtemps devait la produire cette aversion et rentre-' 
tenir. Les bureaux de la Marine et les chefs de la colonie 
Font étrangement gouvernée. » - v i 

Il y a toujours eu beaucoup à dire là-dessus. Ce n*estplu8~^ 
le moment d'y revenir. A François de Gollart, dont la fin est 
proche, notre dernière pensée I... _ . ^ 

L'affaire de 1717, si curieuse, si intéressante à tant , 
d'égards^ eut des suites fftcheuses pour l'état^major des 
milices de la colonie. 

M. de Feuquières, persuadé^ bien à tort selon nous, que 
l'organisation par régiments avait été pour beaucoup dans 
la révolte, s'était résolu à demander la suppression des colo» 
nels et (]es lieutenants-colonels. , ^ 

9 Mais, dit-il dans. sa lettre adressée à ce sujet au Régent 

*» . . . ^ 

le 4 décembre 1718, je dois observer à Votre Altesse Sérénis- 
sime que, comme le sieur GoUart, par son zèle et sa fldéfité 
pour le Roy, a couru plusieurs fois risque de la vie en voû- - 
lant faire rentrer le peuple dans son devoir, il meparolst.^ 
juste qu'il soit dédomagé de son employ de colonel par 
quelque marque de, distinction, comme, par exemple, une 
croix de Saint-Louis, que M. de Phelypeau^ qui conoissoit 
sa valeur et son mérite, avoit demandée pour luy, peu- avant * 
de mourir. Il en est très digne et j'ose asseurer Votre Altesse . . 
Sérénisme qu'aucun de ses confrères ne ' sera, en droit de 
murmurer.» ^ * - 

En marge de cette lettre, est écrit de la main du Régent : 

■ 

c S'en souvenir pour luy accorder'la croix de Saint-Louis, 
quand on réformera les colonels. » 

La proposition relative à la réforme régimentaire, assez 
mal justifiée, ne fut pas immédiatement accueillie. La déci- 
sion du Conseil de Marine traîna en longueur. A l^rdre 



880 . FRANCO» D« aOLLAM 

' . . • • • • 

qu'il reçnt d'attendre et de'prcM^éder'par extiDctidû, M; de 
Peuquières répond le 19 juin Î71V: / 

« Je n*ay rien à répliquer sur ce que le Conseil me fait rhon^ 
neur de me marquer touchant les colonels et les lieutenants- 
colonels de ces isles. Mais je le supplie de vouloir bien se sou-' 
venir de ce qu'il a eu la bonté de promettre au sieur GoUart.» 

En pressant ainsi, le Gouverneur général ne se dissimble 
pas que si Ton tarde à donner au colonel cette consolation 
suprême, celui-ci risque fort de mourir avant de l'avoir 
obtenue. Miné par la maladie autant que par lé chagrin, 
cloué sur son lit de douleur par cette cruelle goutte dont il 
avait pris le germe en couchant sur la dure dans ses nom- 
breuses campagnes, et qui, depuis sa chute, ne l'avait pas ^.. 
quitté. Collart se voyait décliner sans espoir de retour à la 
santé/ "^ ' 

Cependant, à la fin de 1719, sur nouvelles instances de 
M. de Feuquières, le Conseil se prononça. Les colonels et 
liçutenants-colonels de milice furent réformés. Le titre seu- 
lement leur fut laissé jusqu'à extinction. Alors, suivant la 
décision du Régent ci^essus rappelée, notre pauvre ami, 
bien près de s'éteindre, fut nommé chevalier de Saint-Lotiis 
dans la fournée commune. Guerre et Marine, de janvier 1720. 

Il était dit que le sort le poursuivrait jusqu'au bout au sujet 
de cette distinction~si bien méritée, pour laquelle il avait été 
proposé quatre fois. Quand la notiflcation^subîssant les délais 
ordinaires de transmission, parvint à la Martinique, notre 
héros, n'jâtait déjà plus de ce monde. François de Collart, ~ 
expiré le 13 mai t au soir après avoir reçu les derniers sa- 
crements », fut inhumé dans Téglise du Fort-Royal, le 14 mai 
1720, à l'ftge de 58 ans. • V : 

Une lettre de la Martinique, informant de sa mort, relate 
que l'illustre défunt est descendu dans la tombe « univér*' 
Bellement regretté ». 

Ces « universels regrets », malgré tout^ sont éphémères. 
Çiollart avait le 4n>it d'espérer que l'avenir lui réservait une 



BT lA UARTXMIQUI 



881 



récompense plus durable. A cent^soizante-treise ans de dis- 
tance/ le voilà célébré bien au delà de cette chère île qui le 
vit briller par sa valeur» dominer par sa fortune et mourir 
au milieu d*une nombreuse famillo*. Cet avantage de sa mé- 
moire restaurée à si longue échéance* à qui le doil^il? Aux 
souvenirs (bien- épars, il est vrai) de sa vie glorieuse» 
exhumés de nos archives. Nous en avons suivi la trace * 
en Europe pendant la guerre d'Allemagne, oin Gollart fit 
ses premières armes ; en Amérique en 1680,. à la prise de > 
Saint-Eustache. où deux fois il fut blessé ; à celle de Saint- ' ^ 
Christophe en 1600 ; à la défense de la Martinique en 1003^ à 
celle de la Ouadeloupe en 1703, . deux terres françaises, . 
presque perdues, que sa valeur concourut fortement à nous 
conserver ; puis, en 1700, à Saint-Christophe encorét avec 
Chavagnac, pendant la guerre des représailles ; ensuite, en 
1718, durant la même guerre, avec le grand Cassard, d*abord. 
à Montserrat, et bientôt après à Curaçao, où CoUart emporta . 
deux retranchements d*assaut à la tète de ses troupes et vit 
tomber deux de ses Ois, Nous le voyons enfin à son lié natale 
s'exposer, seul entre tous, pour la défense des représentants^'^ 
du Roi, pendant la révolte martiniquaise. 



* Notammant quatre SU et quatre flUet, dont deux étaient alon mariéee 
(voir dans la 3* partie). Le seul des quatre flii dont la descendanoe te aoil 
continuée juequ'à l'époque aetuelle eet BonaTenturo-Louie .de Collakt 
d'Aochamp, marié en 1724 à Marie- An ne Petit de la Grandcour, fille da 
oonseiUer dé ee nom. ^ Son fllt, Lonie de Gollart d*Auohamp (t72M7S7),. 
commandant des milices du Fort-Rojal en i76t,s*est marié «i 1751 avee 
Marie-Françoise- Angélique du Prey (1735-1796), sœur de Madame Msf loirs 
de Lsireinty. « De c«(te union prorint Gharles-Louis-Joseph (1761-1799)9 
marié en 1794 à Marie-Élisabeth Qamier de la Roche (1767-1656) — (coudao 
de son mari notamment par les Sainte-Biarthe), qui taX aux AntiUea le 
dernier rejeton m&le de cette honorable famiUe. Les enfants de sa fille — 
Charlotte-Julie-Élisabsth de CoUart (1600-1860), mariée en premières nooei 
à M. le Gommirsaire de la Marine Hippoljte de Caitel, appartenant à la 
noblesse de Bretagne, et en deuxièmes noces, en 1627, au lieutenant-colonel 
Hnlot de GharlevlUe, Directeur de rArtiUerie à la Martinique, officier de la 
Légion d'honneur, chcTalier de Saint-Louis, etc., — > ont été autorisés par 
décret du 26 février 1874, inséré au Bulletin des lois, à relcTer le nom de 
Gollart. 

28* 



j 



>-- 



882 



FRANÇOIS DB. OOLUUiT 



François de GoII^rt fut apprécié par jtoas les gouverneur.^ 
et intendants^énéraux des AntilleSi soua lesquels il a servL 
Pas un d'eux u'a manqué de signaler ses belles actions à 
Tàdministration métropolitaine. G*est à leur sympathie pour 
son caractère et son mérite que nous devons Tensemble 
documentaire sur lequel est basée la pa;rtie biographique dç 
ce travail» . ^ • 



XVIII 



\ 



II nous reste à dire un mot de la fortune de GoUart Nous 
avons répété qu'elle. était considérable. Un recensement 
de Tannée . 1718 permet d'établir que nous n'avons pas 
exagéré. Personne n'ignore qu'à cette époque, et jusqu'è. 
l'abolition de Tesclavage, on évaluait la fortune d'un colon 
surtout par le nombre des travailleurs noirs qu'il possédait; 
Nous trouvons cette évaluation, relativement à Gollart, dans 
l'extrait d'un ^tat intitulé : « Dépouillement du produit d^r 
domaine d'Occident de l'isle Martinique, pour les droits de ca- 
pitation et poids, tant en sucre qu'en argent, de l'année 1718. » 

« GoUart : 15 blatrcs payants-droits ; 84 nègres exempts ; 
646 nègres, négresses^ mulfttres et mulâtresses payants* 
droits. — Gapitation par tète : 6 livres ; sucre 54,700, argent 
1,284. — Droits de poids : 1 0/o ; sucre 7.400, argent 2 L 28. — 
Total : sucre 62,100, argent 1,286,28.» . 

GoUart possédait donc 730 esclaves. En déduisant un tiers 
pour les non-valeurs (enfants, vieillards, etc.], on obtient le 
chiffre de 487 travailleurs. On disait jadis, aux colonies 
d'Amérique qu'un bon nègre rapportait à son maître environ 
1.800 livr^ par an. Mais au XVIII* siècle, sur les sucreries, 
le travail annuel d'un noir n'était plus évalué qu'au chiffre 
net de 600 livres. 487 nègres travailleurs pouvaient donc 



TtT LA MAMINiQÙr - 38à 



rapporter 292,200 livres coloniale». C'était en sdmine ronde 
un revenu net dé 150.000 francs de notre monnaie. 

U est évident que François de Gollart n*eut pas toujours 
730 nègres. Le nombre élevé de cette population travailleuse 
ne dut être atteint que dans les dernières années, où Ton vit 
la marchandise humaine abonder sur la place de Saint-Pierre* 
De 1714 à 1720, 10,200 nègres et négresses, amenés dé 
Guinée par 68 navires français, dont 55 de Nantes', entrèrent 
à la Martinique. On y comptait exactement 2à8 sucreries en 
1720. On peut se faire une idée de ce qu'il fallait de nqir^ 
pour cultiver et entretenir ces établissements, dont le nombre 
ne flt que s'accroître. En 1731, époque à laquelle les recense* 
ments généraux commencent à être bien détaillés, il y avait 
à la Martinique 421 sucreries, 23 bourgs, 58,548 Ames, dont 
11^057 blancs, 45 387 esclaves et 1204 hommes et femmes de 
Couleur, libres. Le café, introduit dans Mleen 1723, était 
déjà représenté, en 1731, par 1,802,533 pieds. Cette progres- 
sion ne s*arréta pas là. Mais on peut dire que notre colonie 
était parvenue, en quelque sorte, à Tapogéé de sa période 
originaire. . ' ^^ 

Des deux cents compagnons dé Jacques du Parquet, 
amenés de Normandie par le capitaine Pierre Baillarde** au 
chiffre de 58,548 âme3 ci-dessus mentionné, il y avait toute 
ladislanced*une hardie tentativeàla réussite la pi us complète; 
ne craignons pas d'ajouter la plus glorieuse, pour tous ceux 
qui ont attaché leur nom à cette difficile entreprise. 

Notre tftche est accomplie. Résumons en deux points l'en- 
seignement général à tirer de cette étude. 1* U faut un siècle 



* KantM faisait alon heaaooup d*annemeiitt pour la Marti niqua. Nova 
avons relevé, da 1714 à 1721, les noms des prinoipaaz armatenrt propriétaires 
de naTÎres nantais. Ce sont MM. fiernier (Pierre et Louis), Berrouette, Boa- 
nean (Jean), ChaTand, Oavsiaint Desma^is-Joubert, Bmand da Oa«d^, 
Joubert (Mathnrin), La BrouiUières, La Garde, L*Epinaj-8arreao, La Jeun», 
Montandonin Cde Launay et René), Perinsel, Pradines, Robin, Sartabourse 
d*AQdeTille, Sehiel (Lac), Simon (Jean), Tatin (Jean), Terrien (Jean). Les 
Montaadouin dominent par la fréquence de leurs armemanta. 



r 



. I 



su . . FRANÇOIS DE GOLL&RT 

euviron pour former une colonie de premier' ordre, ^travers 
les obstacles- qu'opposent & cette œuvre les guerres, les 
troubles intérîenrs, les éléments et, par dessus tout, les 
erreurs gouvernementales. 2* Un laborieux colon, fût-U 
maintes fois entravé par ces obstacles, ne peut manquer, si 
. Dieu lui prèle vie, d'acquérir honorablement la fortune dans 
cette colonie de premier ordre. Le colonel François de Collnrt, 
et bien d'autres de.son temps, nous en ontdonné amplement 
la preuve. ■ 



■^\: 



CORRECTIONS ET ADDITIONS 



Paqi 60» ligne 12; p. 01» lignes 19 et 25» et page 02, ligne 4, 
iire Laonnois au lien de LaormaU. 

Paobs 139 notet 3* ligne, et 149, dernière ligne, supprimer: 
c Cfit'de^ac-LouU. • 

Paqb 381 note, ligne 10, ajouter enire parenthèses, après 
ete. : (frère du général d'artillerie qui s'illustra au blocus de 
Ulle en 1815.) 

Pagb 383 note, lire : Danssinf Perisself O'Sehkt. au lieu dt 
ï>aussaint, Perinset, Sehiet. 



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TABLE DES MATIÈRES 



* * 



AYANT-PROPOS • •../.• ,• 5 



Une Compagnie française, sous la conduite de Pierre d*£snaml>ac, 
8*étabiit à Saint-Christophe aux Antiiles, en môme temps qa*ane 
Compagnie Anglaise» et prend ensuite posses^on'de la Martinique 
(1025.1637), pages .........;..... 9 à 42. 



* — 



SECONDS PARTIE 



Jaeques du Parquet» neveu de d'Esnambue, venu de Dieppe avec 
le père de François de Collart et nombre d'autres émigrés normands, 
bretons et picards, fonde la colonie martiniquaise (1638-1664)^ 
pages ....; 43 à 129, 



H 



TROISIÈBIE PARTIE 



Lutte pour Texistence dans les Antilles entre les colonisations 
française et étrangère. Les Anglais, chassés de Saint-Christophe 
par leur faute en 1666, échouent Tannée suivante dans leurs 
attaques sur la Martinique. Les Hollandais, commandés par Ruyter, 
sont repoussés du Fort-Royal en 1674 par le Gouverneur André de 
Sainte-Marthe, beau-père de François de Collart. Premières armes 
de celui-ci en Europe, et aux iles^ à la prise de Saint-Eustache 

(1665-1689). pages I30ài96. 

CoujoiT (250) 34 



986 



TABLK DBS lIATltRIB 



^ - X 



"^ QUATRIÈME PARTIK 

V • . . . 

Guerre de représailles. Campagnes glorieuses de Saini-Ghristophe» 
de la Martinique, de la Guadeloupe^ de Montserrat, de Curaçao, oà 
brille, dans chaque expédition, le colonel François de Coilart. Paix 
d'Utrecht (1689-1713), pages ^. 196à;i99. 

'*;.,' •^' . * '•■ '. » 

— - - ^ .- • .-<.,•* l • - 

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CIMQUIÈMS PARTIE 

• • . . • 

L'interdiction absolue du commerce étranger dans nos colonies 
d'Amérique amène à la Martinique la révolte de 1717, ou Coilart et 
du Buq jouent Un rôle considérable pour la défense de Tordre. 
Fortune de Coilart Sa descendance. Sa mort. Conclusion (1714-17S0), 
pages : 300 à 384 



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TABLE ANALYTIQUE 



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» A • 



Acajou (r) : à demi-lieue du Lamentin, dans la baie du Port- 
Royal^ . résidence du colonel de la Touche, endroit d*orii part là 

révolte de 1717, pages 319, 375. ^ .. 

• . ' ' " " 

Affaire de 1717 : révolte des habitants de la Martinique, provoquée 
par la cooflscaUon d*un navire appartenant aux La Touche, et par 
l'interdiction absolue du commerce étranger, 313 ; La Varenne et 
Ricoîiart, administrateurs généraux des Antilles, sont arrêtés et em- 
barqués pour être reconduits en France, 346; procès qui suivit, 373. 

* Amblimont (marquis d*) : capitaine de vaisseau, se distingue^ sur 
son b&timent le# Jeuœ^ à la défense du Port-Royal en 1074, 150, 
156 ; Gouverneur général de 1697 à 1700 ; énergie dont.il Mt preuve 
auprès des Anglais pour l'exécution du traité de Ryswiek à Saint*^ 
Christophe, 230. 

■ • 

Antilles t leur nom, 9 ; dites d*abord IIbm du Pèrou^ 10 ; citées dans 
ce volume : Antigue, 276-278 ; la Barbade, 15, 305; Curaçao, 280- 
296 ; la Désirade, 42, 46, 118 ; la Dominique, 37, B9. 46, 52,78 note, 
162 ; la Guadeloupe, 213 et suiv., 234 et suiv. ; Marie-Galante, 42, 
46^ 232 ; la Martinique (V. à ce nom) ; Montserrat^ 256, 277-279, 293 ; 
Nièves, 26, 106, 258, 204 ; Saba, 39> 178 ; Saint-Barthélémy, 4%, 131 ; 
Baint-Christophe (V. & ce nom) ; Saint-Domingue, 18 ; Saint-Rus* 
tache. 174-195, 283 ; Saint-Martin, 27-30, 32, 46 ; Saint-Vincent, 124 ; 
Sainte-Croix, 131, 171 ; les Saintes, 42, 118 ; Tabago, 172; la Tortue, 
18, 40, 76. ^ ' ' 

Auohamp: terre de Restigné. près Saumur, ayant appartenu — 



* ^ • 



38S - TABLE ANALrnQUB- 

* . ■ , . * - - 

ayeo celles de la Moinerie, du Mosey. des Vaux, de la Janrerie — 
aux de Henry, aux Bremond de Bossée, aux GoUart de Couey, 122, 
127. 166, 169, 172, 266, ' 

' Auger : lieutenant de Roi, se distingue à la défense de la Mar- 
tinique ec 1693v 216-228 ; gouverneur de la Guadeloupe, 232-241. 

- • 

Aycardy 151. . . ; 



Baas (de) : Gouverneur ifénéral de 1669 à 1677, 136, 165. 

BalUardél deLarelnty: 7 note, avant-propos, 1773: tLe Baillar^ 
delf le plus beau* sucre de nos isles... » — . En - 1635, le capitidne 
Pierre Baillardei, sur le Saint-Jacquês^ son plus grand navire, trans- 
porte une colonie de Dieppe à Saint-Gliristopbe avec les deux frères 
Dyel (capitaines de Vaudroques et du Parquet) ; prend part, avec 
d*c:snambuc, leur oncle, à la prise de possession de la Dominique, 
37 et 52; conduit du Parquet de Saint-Ghristopbe à la Martinique, 
en 1636, 54 ; le ramène en France en 1637, 55 ; le passe de nouveau 
avec une colonie normande et picarde (dont Glaïude. de Gollart) en 
1638 ; s*établit ii la Martinique avec sa femme et ses trois'flls, 59 et 
65 ; babite d'abord à là Rivière-des-Pères, 68 ; puis au Marin. 86 ; 
est nommé. c capitaine garde-côles contre les Sauvages », en 1654, 
123 : son flls Gbarles (né à Dieppe en 1631), qui lui succèdedans cette 
Jonction, préside au traité de paix de 1660, 132; le flls de celui-ci 
(né en 1669), après avoir fait les campagnes de Nièves et de Mont- 
serrat(1706-1713), est -nommé capitaine de la compagnie coltjnelle 
du LAmentin en 1715. 314 ; figure très honorablement dans raffaire 
de 1717, 329-338 ; quitte la Martinique en 1718 et va séjourner à 
Nantes avec trois filles et deux fils. La descendance de Tainé, Ma- 
gloire* de Lareinty, indiquée Jusqu'à Tépoque actuelle, fait roljet 
d'une note intéressante, page 372, qui prouve l'illustration continue 
de cette famille, la plus ancienne de la Martinique encore existante 
(Y. Lareinty de). ' . . 

- • — ' 

BaiUardel (ilôt des), 86. ' 

Bande vUle de Saint-Pérler : capitaine defirégatede Tesca^ de 
Cassard pendant sa campagne des .Antilles de 17(2-1713; se 
distingue surtout à raffaire dé Curaçao, 286-292. 

Basse-Terre i de Saint-Christopbe, 18 ; de la Guadeloupe, 105, 



TABLV ANALYTIQUC 389' 

- - ~ ' 

B6aafort:^^néraId*émetite,fasilléiondelaRéTOlteâel646, UO-IU: 

Belaln : nom patronymique de d'Esnambac,' 10; aâ aœur 
Adrienne, 22 ; sa sœur Catherine, 22 note. . 

Beltgens, baron de Roux (Jean-Ignace de) : gendre du colonel de 
GoUart, 172, 289 ; ton éloge par Phelypeauz, 205. " V ' 

Benjamin d*Aeogta : Juif espagnol d*Andrade, planteur à la 
Martinique, Tun des premiers qui ont cultlTé le eacao, 7. 

Blénac (comte de) : GouYerneur général (installé le 8 noTembre 
1677) de 1077 à 1890, 140-164 ; et de 1692 à 1896, 214-230 ; son fils 
gouremeur de Saint-Domin(rue, 302. 

Bonnard (Marie) : épouse de Saint-André, 88 ; son dirorce. 112 ; 
épouse en 2*' noces Jacques du Parquet; son dérouement penduit. 
une insurrection, 112-118 ; meurt en mer, 126* 

Bossée : terre près Loches, provenant de Perrine Cottin do 
Saint-Senoch, épouse de Hector de Bremond, 122. . * .. 

. Bremond d^Ars (Famille de), de Saintonge, du Poitou, et de 
Touraine, alliée aux Collart de Goucy, dans la personne de Made- 
leine de Bremond-Bossée (1630-1690;,mariée en 1653 à Nantes ayee 
Claude de Collart; descendante des Bremond de Balanzac, 122; alliée 
aussi aux du Prey dans la personne de Claude, sœur de Madeleine, 
mariée en 1663, à la Martinique, arec Pierre du Prey. père du co- 
lonel de ce nom ; ascendante des Baillardel 4e LAreintj. 129. ^.. 



Cacao, connu à la Martinique en 1655, cultivé yen 1680, 7«. ' 

Cacqueray-Valmenler (de), Louis : pays d*origine, 64 (premier 
membre du Conseil souverain en 1675. mort en 1682); son flls Louis* 
Gaston, lieutenant de roi» allié aux La Touche, 166, 235, 313, 364. 

Café : introduit à la Martinique en 1723 par de Clieu ; nombre de 
pieds en 1731, p. 383. 

Gahuzac (amiral de) : envoyé avec une escadre, en 1JS29, par Ri- 
chelieu, au secours' de la colonie fhinçaise de Saini-Chxistopbe. 
envahie parles Anglais ; battus par lui, ils sont' forcés de restituer 
les terrains qu'ils ont pris, 21 à 29 (Du tertre et ceux qui Tout copié 
Font appelé par erreur : Cussac). . ' ', 

Cassard (Jacques) : capitaine de vaisseau,' ancien corsaire, né h 



J 



890 



TABLB ANALYTIQUB 



Nantes en 1679 ; sa glorieuse campagne des Antilles en 171)^-13« à 
laquelle prendLpart le colonel François de Gollart à Montserrat et k 
Curaçao, 273-297. Etude sur ce grand marin par M. S. delà Nicollibre^^ 
Tetjeiro, 273 note.-^ 

Ghavagnao (comte de) : capitaine de vaisseau ; sa campagne de 
représailles dans les Antilles en 1706, 251*259, 261, 264. 

GodrlngtoD (Christophe) : père, gouverneur des possessions an- 
glaises aux Antilles, 209-213 ; fils, id., 231 et note, 232-252. 

CoUart : Claude.de Gollart, écuyer (1618-1678). de K.-D. de Liesse, 
61 ; ses ascendants de Lorraine, sgrs de Ville, de Loutre et de 
Coucy (1481-1615), 64 -.passe à la Martinique avec du Parquet en 
1638, 65 ; famille d'un frère qu'il laisse en France, G 3 note ; s'établit 
à la Case-Pilote; 68 ; se marie à Nantes en 1653 avec Madeleine de 
Bremond (Voira ce nom) et revient à la Martinique, 123 ; prend 
part comme officier de milice à la défense du Fort-Royal en 1674,'-' 
151 ; meurt en mer en 1678, 165. — Son fils ; 

François de GoUart, le héros du livre (1662-1720), né à la Mar- 
tinique, 1C5 ; fait son éducation en France à Restigné ; sous-Ueute- 
nant au régiment de Rouérgue: sa campagne d'Allemagne (1676- 
1680), 166 ; retourne à la Martinique avec sa mère, 169 ; lieutenant 
de milice en 1685, 170 ; se marie avec M^^* de Sainte-Marthe (V. à ce 
nom), 171 ; sa nombreuse descendance/ 172 ; sa brillante conduite à 
la prise de S&int-Eustache, où il est blessé deux fois, 174 et suiv. ; 
est nommé capitaine de cavalerie, 199; se distingue à la prise de 
Saint-Christophe on 1690, 204, et à la défense de la Martinique en ^ 
1693, 226 ; à celle de U Guadeloupe en 1703. 240 ; est nommé colonel 
en 1705, 247 ; se distingue à Saint-Christophe en 1706, 252 et suiv. ; ' 
est proposé pour la croix de Saint-Louis, 259 ; reçoit des lettres de 
noblesse en 1707, 262 ; passe en France la même année ; figure dans 
la QazMe de France et dans Les Hommes illustrei de la MaHné 
française, 264 et 295; séjourne à Paris et à Restigné. vend ses pro- 
priétés d'Auchamp, des Vaux, de la Moinerie, de la Janverie, 266 ; 
fait la campagne des Antilles avec Cassard ; se distingue à Mont* 
serrât, 279, et au siège de Curaçao, 281-292 ; sa lettre remarquable 
au Ministre, 293 ; est proposé la seconde fois pour la croix de Saint- 
Louis par Phelypeauz, qui fait grandement son éloge, 205; une 
troisième fois par du Quesne, 307 ; figure très honorablement dans 
l'affaire de' i717, 310-341 ; est proposé une quatrième fois en 1719 
pour la croix de Saint-Louis, qui lui est donnée en 1720 \ meurt 
« universellement regretté », 380 ; sa fortune. 382 ; sa descendance 



1 

•i 

I 

\ 



TABLE ANAlVtIQOK 39£ 

eontinuée jusqu'il Tépoque actuelle par ralllanoe, avec une de eés 
arrière-petlteS'flUes. du lieutenant-colonel Hulot, dont 4e8 enfants 
ont été autorisés par décret li relever le nom dé Gollart» 881 note; 
Collart d*Auchamp, du Mosey. des Vaux, trois fils du précédent^ 
172 ; alliances : Petit de la Orandcour. du Prey, Gamier de la Roche, 
deCSastel, d* Arène, 381 note. Collart (baron Hulot de). 173 et 381 note* 

Colomb (Christopbe)/9, 12, 43-47. • ' . 

Combats x de la Orande-Rade à Saint-Christophe en 1629t 23 ; de 
de laBasse-Terre, ib., id. 25 : de la PoInte-de-Ssblé, ib. en 1646, 107 ; 
de la Montagne, k la Martinique, en 1654, 124 ; du Fort^Royal en 
1674, 154 ; de Saint -Kustache en 1689. 190 ; de la Souffrière, à Saint- 
Christophe, id., 200 ; de Ganouville, k la Martinique, en 1693,226 ; 
du Camp Grapado, à la Guadeloupe, on 1703« 239 ; des Vieux-Habi- 
tants, ib. . id. 244 ; de la Grande-Rade en 1706. 255 ; de Montserrat, 
en 1712, 279 ; de Curaçab en 1713, 288. 

Commerce étranger s interdit dans nos lies d'Amérique par Tor* 
donnance du 25 novembre 1634, 34 ; et par celle du 10 juin 1670, 148^ 
permis en cas de disette, 305 ; avait d'ailleurs sa raison d*étre, 314 j 
fut pour beaucoup dans la révolte de 1717, 315^ 

Compagnies I de Saint-Christophe (1626-1635), ,13, 15, 22-40; 
des lies d'Amérique (1635^1650)718 note, 3641, 89, 130; des Indes 
occidentales (1664-1674), 130, 133, 147. ^ 

Conseil de marine s institué en septembre 1715, après la mort de- 
Louis XIY, pendant la régence, pour tenir lieu de ministre^-, noms 
de ses membres, 304. 

Conseil souverain de la Martinique (le): eut pour principe la 
déclaration du Roi du l*' août 1644 à M. de Thoisy, pour l'établisse* 
ment d'une < Justice souveraine » ; ladite déclaration confirmée, 
pour la Compagnie des Indes occidentales, par lettres patentes dû 
11 octobre 1664, enregistrées à la Martinique le 19 octobre 1665. 
Constitué le 2 décembre 1675, après la révocation de la Compagnie 
(décembre 1675), par la nomination a& hoc de cinq membres, 
habitants du pays, qui le composaient alors, le Conseil souverain a 
fonctionné èi ce titre en 1679^ en vertu des lettres patentes de confir* 
mation du l*' avril, enregistrées à la Martinique le 17 août de la 
même année. La justice civile et criminelle (premier degré) était 
d'ailleurs exercée à la Martinique par le gouverneur, assisté d^un 
juge (très longtemps le sieur Turpin) nommé à cet effet, 103« 309^ 
373 (V. Dutertre, tome l«%p. 312, et Pierre Dessalles). 



302 TABLB ANALYTIQUE 

. Cornette (Antoine) : capitaine de milice, se distingue avec Claude 
de CoUart^ son lieutenant, & la défense du Fort-Royal en 1674, 155, 
164 ; a deux fils, l'aîné, 319 ; — de Saint-Qyr, id. . 

Curaçao (ile anciennement appelée Corossol ou Curassol)^ prisé 
et rançonnée par Cassard en 1713 ; expédition qui fit grand honneur 
au colonel François de Collaft, 280-296. 



Dessalles (Pierre-Régis, 1752^1808) : a publié en 1786 les Annales 
du Conseil souverain de la Martinique^ utiles à consulter pour 
Tancienne législation de la colonie et pour les dates d'installation 
de ses principaux administrateurs, 112; 298, 551. (On a de son petit- 
fils Adrien Dessalles, une Histoire générale des Antilles^ publiée eu 
1847. Le mérite de cet auteur est d*aYoir extrait un certain nombre 
de documents tirés surtout des volumes timbrés Ordres du Eoit 
Mais l'absence des précieux renseignements que peut fournir la cor- 
respondance des gouverneurs et intendants, qu'il n'a pas été & même 
de consulter, laisse une lacune considérable dans son ouvrage d'ail- 
leurs rempli de sentiments d'amour du pays vivemept exprimés.) 

Dieppe : relations très anciennes et ft*équentes avec les Antilies, 
10, 11, 22, 33, 37, 50^, 56-59, 63-65, 135, 138, 206. 

D'Orange. Trois sigets de cette famille» originaire de Dieppe, ont 
marqué aux Antilies : 1* Guillaume (1609-1674), qui a vu les débuts 
des colonies de Saint-Christophe avec d'Esnambuc, de la Guade- 
loupe avec Liénard de4'01ivei dont il a épousé la nièce, et de la 
Martinique sous du Parquet — a été tué à la fin du_siège du Fort- 
Royal en 1674,0(1 il s'était très distingué, 135. 154, 156 ; 2* Madeleine 
(1639-1718), fille de Guillaume, épouse Valance et, en 2** noces. 
Le Roux de Chapelle — une héroïne, — son courage au siège de 
Saint-Pierre en 1667 ; ce qu'en dit Dutertre, 135 ; son acte de nais- 
sance, le plus ancien conservé des Antilles. 136 ; 3* Nicolas, petit- 
fils de Guillaume^ que l'on voit figurer dans la révolte de 1717, 317- 
375. D'Orange (Marie), ascendante des La Pagerie et des Collart — 
sœur de Madeleine — épouse Papin de Lépine, 136 « 

Drouait : capitaine du navire la Roxelane — de Nantes (f) — 
conduit d'fisqambuc de Saint-Christophe à la Martinique en 1635 
pour aller prendre possession de cette ile, 52 et note. 

Du Buq : famille normande, anciennement de grande Aotoriétà 



TABLB ANALYTIQUE 303 . 

aux Antilles ; plusieurs ont marqué dans Tbistoirè coloniale ; deux 
surtout dans la période du livre : 1* Pierre du Buq (1649-1706). ca- 
pitaine de grenadiers milices^ à la prise de Saint-Bustache, en 
1689, où il est blessé, 189; au siège de la Guadeloupe 'en 1091, 
214 ; 2* Jean du Buq, son fils aine (1672-1739), garde-marine ; pre- 
mières armes aux iles en 1693, au siège de la Martinique par les 
Anglais ; se distingue à celui de la Guadeloupe en 1703. 237-246 ; à 
Saintr-Christophe en 1706, 251-257 ; figure à ce titre dans la QazMê 
de France ayec Ck>llari, 264 ; lleutenant^olonel de milices en 1707, 
249 ; brille & Montserrat en 1713, dans la campagne de Gassard, 279 ; ' 
élu par le peuple commandant provisoire de la colonie, lors de la ^ 
révolte de 1717 à la Martinique, sa conduite, d*abord mal appréciée, 

est reconnue digne d*éloges, 320-377. ' 

/• 

Du Casse : Son interventicn décisive au siège de Sûnt-Christophe 
en 1687, 202-206. 

DumaiU de Goimpy : intendant général (1684-1606), 180, 213,220. 

. Du Parquet (Dyel) : deux firères de ce nom, neveux de d*Esnambue 
parleur mère, 22;— Simon (1600-1629), son courage, sa mort 
glorieuse à Saint-Christophe, 25 ; — Jacques (1606-1658). offtder au 
régiment de Picar die, 51 ; passe à Saint-Ghistophe en novembre 
1635, 51 ; est nommé capitaine ; remplace du Pont à la Martinique 
en 1636, 54; son retour en France en 1637, 55; nommé lieutenant, 
général de la Martinique le 2 décembre de la même i^nnée,^;' 
réunit à Dieppe, une colonie de Normands et de Picards et la: 
conduit à la Martinique en octobre 1638, sur le SaifU^^acqueê^ 
capitaine Baillardel, 57-65 ; fonde le Fort-Royal, 68 ; reçoit la visite 
du Gouverneur général de Poincy, 71 ; son habileté pour augmenter 
le nombre de ses colons, 73; son portrait. 75 s son Toyage à Saint- 
Christophe. 77; sénéchal de la Martinique, 79; sa lettre curieuse au 
président Fouquet, 81 ; fonde le Carbet, 88 ; fait construire sa rési- 
dence de la Montagne à Saint-Pierre, 89 ; circonstances singulières 
de son mariage avec M"« de Saint-André, 112; prend témérairement 
la défense de M. de Thoisy, successeur de M. de Poincy, révolté ; 
passe à SainV-Ghristophe, enlève comme otages le^ neyeux du 
commandeur, Lonvilliers et Tréval; est battu par une troupe 
anglaise et ftiit prisonnier, 107 ; reste captif une année entière, 108; 
insurrection à la Martinique en son absence, 110 ; service rendu à la 
colonie par sa femme, 113 ; est mis en liberté, 116; devient pro- 
priétaire de la Martinique, 1 19 1 lait un voyage en France, obtient 
audience de la Reine-mère et du Roi, 120 ; de retour dans nie, du 
COULART (250) 35 






394 TABLE ANALYTIQUE 

_ • - • - , , 

Parquet repousse vaillamment une incursion des Sauvages, 1^4 ; 
meurt, 186. -^ » '^* ''•• ''•."'. .'. . . ■ .. : ^ ■ • 

Du Pont fJean):' laissé par d'Esnambue, en septembre 1635» 
comme premier commandant à la Martinique; bat les Caraïbes r6* 
voités. les décide à la paix; Mt naufrage; est fait prisonnier dès 
Espagnols, 37,54. (Repawdt à la Martinique en 1644 ; puis à Salnt- 
Christôpbe au commencement de 1645, s'y marilei avec Marguerite 
Laguarigue et vient s'établir à la Capesterre (Guadeloupe), où il a 
desenfuitsO 

Da Prey : Pierre, natif du Havre, épouse à la Martinique en 1665 
Claude de Bremond-Boissée, sœur de M>« de CoUart ; Louis son fils, 
colonel de milices, reçoit des lettres de noblesse, 129, 168, 182, 
247,372. 

X>tt Riez (Isabelle-Louise) ; seconde femme de M. André de 
Sainte-Marthe, fille du seigneur d'Averdoingt (Artois), 145, 172, 266. 

Dutertre : < THérodote des Antilies i (suivant Ruft çn 1850 et 
Margry en 1863), a publié en 1667 une Histoire générale des Anêilles ; 
ami de du Parquet et de Patrocles de Thoisy, 85,115. (Jean-Baptiste 
Dutertre, né à (^iais «n 1610, après avoir servi dans les troupes et 
voyagé sur des navires hollandais, se fit dominicain à Paris et fat 
envoyé en 1648 en mission à la Ouadeloupe, puis à la Martinique. 
De retour à Paris en 1658, il y est mort en 1687.) . 

Dyel : famille originaire du pays de Caux. illustre .aux Antilles 
nrançaises. introduite & Saint-Christophe et à la Martinique par 
d'Esnambuc, oncle des sieurs Dyel du Parquet et de Vaudroques. 
gouverneurs de la Martijiique, 22,25, 41,42, 165 note (V. du Parquet). 



EUsée (le Père) : prieur des capucins de Tile de Ré en 1634, cité 
à l'article des Sainte-Marthe, 142, 143. . 

Embuscades : manière des miliciens pour combattre, 217. 

Errata : V. p. 384 et. en plus : p. 50, note l**, ligne 14, lire : et eu 
deuxièmes noces, M. de Sigalony ; p. 84, ligne 24, lire : coi^oneture 
pour coi]0®<^^^i^! ^^ sommaire de la 4* partie, p. 106, dernière ligne^ 
et 197, première ligne, lire, après grand marin : « Succès à Mout- 
serrat et à Curaçao. » ■ ' 

Sanambuc (I?iorre Belain d*) : né en .1585 à Allouville, piaya de 



-;.^ 



TABLE ANALYTIQUE 



. v^ 



305 



Gaux, capitaine général à Saini-Ghristophe, fondatear de la colont* 
sation française aux Antilles \ sa biographie^ 10-43 ; prend possession. 
de la Martinique et de la Dominique en 1635» 36-37 ; meurt, 39 ; . 
a été considéré par erreur comme un Arëre du père de Jaeques Pye 
du Parquet, 41. 

Ested (Marguerite) : première femme de M. le gouverneur André 
de Sainte-Marthe ; son mariage à la cour d'Angleterre en 164K 
144 ; sa mort & la Bassée. en Flandre, 145 ; ses enfants, 171. 

Eynaud : lieutenant de cavalerie-milice ; prévient en vain le 
Gouverneur général de la révolte en 1717» 32S» 



Femmes remarquables citées dans ce volume : M** du Parquet. 
88. IIU 118, 126 ; M-« de Lagrange, 01-06 ; M-« de Lafkyole,87} 
M*»* d'Oranffe. née Madeleine Huguet (V. à ce nom). 135 ; sa fllle Ma- 
deleine; id. : M"* Glaude de Collart, née Madeleine de Bremond, 1% 
167-169 : M»« de Maintenon, 7, 87, 120, 280 ; Tlmpératrlce Joséphine. 
7,128,340. 

Flibustiers : de Saint-Domingue, 18 ; six compagnies de flibùsticmi 
de la Martinique prennent part à la défense de la Guadeloupe en 
1703, 235 ; Gassard les emploie dans sa campagne des Antilles, 280 ; 
ce qui leur était accordé comme pillage, 282 ; sorte de glanage aprèr 
la moisson du butin, 282 note ; leur bravoure, 296 ; d'oh vient le 
mot, 316 note s différence entre le courage des miliciens et celui des 
flibustiers, 316. 

Fort-Royal : seconde ville capitale de la Martinique, fondée par 
du Parquet en 1638 ; peu habitée d'abord, à cause de son insalubrité 
marécageuse, 68 note ; fort construit sur une pointe élevée, assiégé 
en vain par Ruyter en 1674, 151-162 ; résidence définitive du Gou- 
verneur depuis le 14 septembre 1681, 181. 

Fusils Boucaniers : remplacèrent les mousquets ; leur prix, 206 
et note. 



1 



Ganteaume i Capitaine de navire en 1674, 164. 

Gaoulé I mot caraïbe, qui signifiait assemblée pour faire un 
coup ; on a donné ce nom plaisamment à la révolte de 1717, 818. 



l 



N. 



396 TABLB ANALYTIQUE- " * ^ 

. Geflrler s cornette do cavalerie-milioe ; service rendu par loi à la 
colonie dans la révolte de 1717. 326 et snir. ' 

Généalogies : des Baillardel de LAreinty, 59 note, 3U note, 372 
note ; des Bremond d*Ars de Bossée> 122 et note ; de Cassard» 52 
note ; des Collart, 63, 64, 172, 294. 381 ; des Dyel, 22 ; des Le Yasser, 
313 et note ;.des Lonvilliers de Poincy^ 01 note ; des Pellerin de la 
Touche- Brédière, 248 ; des Phelypeaux, 268-269 ; des Sainte-Marthe, 
140, 141 et note, 144, 164, 172-173 ; des Salaberry, 294 note. 

Giron : capitaine de Tfldsseau de l'escadre de Cahuzac, trbs estimé 
dans Tancienne marine, bat les Anglais en rade de Saint-Christophe 
en 1629, y ramène d*£snambuc et sa colonie, que les Espagnols, com- 
mandés par Tamiral Federico de Tolède, en avaient éloignés, 29-31. 

Gouverneurs généraux et particuliers : Pierre Belain d'Esnambuc, 
capitaine général à Saint-Christophe de 1625 à 1637. 10 à 42 ; éta- 
blit Jean du Pont commandant à la Martinique, le 17 septembre 
1635, 37 ; puis Jacques Dyel du Parquet, son neyeu, 1636-1637, 54 ; 
de la Vallée, intérimaire en l'absence des sus-nommés, 1635-1638, 54 
et 65. Sous le commandement de Poincy, lieutenant-général des 
Antilles à Saint-Christophe, et sous Patrodes de Thoisy (qui ne put 
être installé), ledit Dyeldu Parquet est gouverneur de 16 Martinique, 
d'abord au nom de la Compagnie des îles de l'Amérique, puis comme 
propriétaire de Tile, de 1638 à 1658. date de sa mort, 65 à 126. Adrien 
Dyel de Vaudroques, firère du précédent, gouverne t au nom du petit 
du Parquet. >, fils de Jacques, de 1659 à 1662, 126 ; Jean Dyel de 
Clermont, cousin de Jacques, id., de 1663 à 1664, 126. Alexandre 
Prottville de Tracy, lieutenant-général commandant une escadre, 
est chargé d'installer aux Antilles et à Cayenne lesjtdministrateurs 
de la Compagnie des Indes occidentales en 1664. 132. Robert deClodoré, 
gouverneur particulier de la Martinique. 1665-1668, 133, sous Le 
Fèvre de la Barre, lieutenant-général des Antilles, commandant 
une escadre, 1666-1668, 134 -, de Baas, lieutenant-général iies An- 
tilles, sans escadre, 1669-1677, 164 ; Rools de Laubières, gouverneur 
paHicuUer, 1668-1671, 138; André de Synte -Marthe, id., 1672-1579, 
140-164 ; le comte de Blénac, gouverneur général, 1677-1690, 208 ; 
d'Alesso d*Esragny. 1691, 214 ; le comte de Blénac, pour la seconde 
fois, 1692-1696. 214-230 s le chevalier de Ouitaud, intérimaire.^230; le 
marquis d*Amblimont, 1697-1700, 230 ; le comte d'Esnotx, 1701, 231 s 
deMachault. 1703-1709.231-267 ; de Gabaret,gouTerneur particulier, 
général intérimaire, 205-271 *. Raymond-Balthazar de Phelypeaux. 
1711-1713, 267-301 ; La Malmaison, i7l3,intérimaire, 302i le marquis 



TABLC ANALYTIQUE 



3W • 



da (iaesne, 1717, 307-356 ; le marquis de îa Vareane. 1717, 307-350; 
le cheyalierde Pas de Feuquièrea. 1717-1728.335. 

' Guadeloupe : les Martiniquais vont au secours de oette île au 
siège de 1691 par les Anglais, 213, et à celui de 1703, id , 234 et suIt. 



Hauterive (Laurenceau d*) : procureur général près le Conseil 
Souverain de l§i Martinique, du 3 juillet 1713 au 1*' septembre.1721 ; 
sa conduite habile pendant et après la révolte de 1717, 317, 319, 351, 
358-360 s sa lettre au Régent, 367 ; est révoqué, 378. 

Henry d*Auohamp (de) : famille de Restigné, alliée aux Bremo'nd 
de Bossée et dont est pro venue la terre d'Auchamp, possédée ensailB» 
par M. et Mme de Gollart, 127, 169. " 

Httguet (Madeleine), épouse de Guillaume d*Orange, nièce de 
Liénard de L*Oii ve, c ange de bonté et de charité >, 135. (V. ce quVa 
dit Dutertre, t. !•», p. 368, et t. Il, p. 4^2^ 

Hulot : lieutenaut-colonel,Directeur de rArtillerie & la MartlL'.que 
(frère du général baron Hulot de Charleville), épouse en 1827 Char- 
lotte-Julie-Blisabeth de CoUart, 381 note. — Hulot de Gollart (Jules- . 
Louls-Gharles, baron). 173. "^ / 



^ 



.1. 



iberviUé (d*) : capitaine de vaisseau ; sa campagne aux Ant'Hes 
en 1706 ; prise de Nièves. 258, 264. -,. * 

Des du Pérou, premier nom des Antilles, 10. 

Intendants généraux (liste chronologique des) : de Leu *o««t, 
1642-1664 ; Patoulet'(Jean-Baptiste), 1679-1683, mort en 1695 ; Bégoti 
(Michel), né à Blois en 1638, 1683-1685, mort en .1710 ; François Le 
V Yasser, intérimaire ; Du Maitz (Gabriel), chevalier seigneur de 
Goimpy, 1685-1695; Robert (François Roger) de Paris, 1696-17Û3, 
mort en 1736; Mithon, commissaire de la Marine, intérlmain» ;' 
Arnoul (Nicolas-François), seigneur de Vaûcresson, 1706-1716. mor 
en 1719;Me8nier, intérimaire; de RicoQart (Louis-Balthazar). comte 
d*Iiérouville, 1717, mort en 1749 s deSylvecane.*1718, mort en 1719; 
Bftsiiard (Charles), 1719-1722. ^ 



398 



TABLE ANALYTIQUE 









j. 



Jaham de Vertpré (-lean), 59. , . . . 

Jorna (Joseph de) : oolooel de milices, 247»3o9. 

Joséphine (l'Impératrice), 7, 91, 128, 136,. 340. 



>i^'^. 



Ker^ngiien de Rosselan, 112. 
Kerroland ou Quérolan (de), 91, 94. 



\ 



Labat : Père (le), dominicain, le second clironiqueur des Antilles, 
rarement yéridiqne, 246 note. 

LaffUard (François-Maurice), 1687-17o4 : successeur de Glai« 
rambault comme archiviste de la Marine et des (Colonies ; est Tau- ^ 
teur d*un grand dictionnaire en plusieurs volumes in-foliô, resté 
manuscrit, intitulé Grand Alphabeth de la Marine (V. ' notre JTit- 
tqriquedes Archives de la Mo^^ne et des Colonies^ Revue l>ritan« 

nique/avril 1880). 50, . 

• ••*•-■ ," ' '. 

La Fontaine (Jean de) : le fabuliste (1621-1693) : cousin, par 

les Pidoux, du chevalier André de Sainte-Marthe (1613-1679), gou- 
verneur de la Martinique, 141 note. ^ . 

I^agrange (Fromenteâû de) : gouverneur particulier de Saint^ 
Christophe ; ses démêlés avec le commandeur de-Poincy ; les In- .^ 
trigues de sa femme, 90-95 ; leur expulsion de Saint-Christophe, 96. 

La Guarlgue : origine ; de Survilliers, colonel de milices, £47^ - 
La Malmalson (Cloche de) : gouverneur de la Guadeloupe, 188,' 
m. 233, 241-243,302. 364. ^ V 

La Pierrlère (Jérôme du Sarrat de) : chargé en 1646 du gouver- 
nement dé la colonie martiniquaise pendant Tabsence de du Parquet» 
111 124. 

Larelnty (Baillardel de) (V. à ce dernier nom) : Ut famille des 
barons de Larelnty, actuellement représentée par M. le. sénateur 
baron de Larelnty (Clément), est la plus ancienne de la Martinique 
encore existante, 272 et 273 note (V. aussi pp. 41, 129, 313,314,333). 






TABLE ANALYTIQUE - 399 

^, La Hoche-Guyon (Pierre Ouyon de) : capitaine des troupes, iflas 
tard lieutenant de Roi à la Martinique, beau-Arère de Gollart» 172, 
. 173,235,261,340,341. 

^ La Touche (Le Yasser de) : capitaine, puis colonel des milléès en 
1705; se distingue au siège de la Martinique par leÎÉ Anglais, SSli 
nommé colonel, 247 ; sa ftimille, 313 note ; a:' marqué^dans Falfairé 
de 1717 dont il a été le promoteur ayee son fils Longpré, 314-376 
(V. Le Yasser). 

LaTouche-Brédièra (Y. Pellerin de). - . " 

La Varenno (marquis de) : capitaine de vaisseau. Gouverneur 
générait a concouru, par sa rigueur et sa maladresse, à proToquer la 

révoltedel717, 307-312, 315-378. . 

• - , " ... 

Lefort (Yves Le Cercueil, dit) : lieutenant de milice, homme éner- . 
gique, dlntelligence avec M^ du Parquet pour délivrer la coloi^e 
de révoltés qui voulaient s*eniparer du gouvernement pendant^ 
la captivité de son mari, 1 10-1 18. % 

Le PeUetier de Grandair i commandant de milices, gendre de 
Ck)Uart, 172. - ^ 

Lettres importantes insérées in eœtenso ou citées en extrait dans le . 
cours du récit : ded'Esnambuc à Richelieu — 12 novembre 1635 — • 
37 ; de du Parquet au président Fouquet — 10 août 1639 — 80, 82; 4n 
Roi à M. de Sainte-Marthe— 23 mars 1674 — 148 ; de Golbert au même 
— 21 mai 1675 — 163 ; du Roi au comte de Blénac — 23 novembre 
1688 — 179 ; de Guitaud à Seignelay — 23 novembre 1688— 179; de 
Quitaud à Seignelay — 23 août 1689—206; de Machault & Pontchar- ' 
train — 29 Juin 1704 — 249 ; de Pontchartrain à Machauli— 10 Juin 
1705— 249 s de Mithon au ministre, au sujet de CoUart— 15 février 
1706—252 ; de Chavagnac, id. — 16 mars 1706 — 256; de Machault, lit 
— 19 Juillet 1703—260, 261 ; de Pontchartrain àCollart-9Juln 1706- 
261 ; de Collart au ministre — 18 mars 1713—293; de Phelypeaux, au 
si\Jet de Ck)Uart, — 20 mai 1713 —295; de du Quesne, id., 17 mai I7l5— 
307 ; de La Yarenne au Conseil de Marine — i*' mai 1717 — 311 ; du 
même, id. — 26 avril 1717-349; de Feuquières, id. — 22 octobre 
1718—375 ; 15 avril 1719 — 376; au sujet de Collart - 4 décembre 
•1718-^379. . 

Levasseur I capitaine de navire corsaire français, le premier qui 
s'établit à Saint-Christophe, s'y rencontre avec d*Esnambuo en 1625, 
12 ; passe' à la Tortue ; fonde en 1640 un établissement (dans cette 
petite île, voisine de^aint-Domingue, et nous facilite, ainsi la con-: 
quête de la partie nord de la terre haïtienne, 18 note et 40. 



400 



TABLE ANALYTIQUS 



l^ Vassor : ancioivie fainiile de la Martinique, riche» influente et ^ 
nombreuse, originaire de Paris ; branches : de La Touche, de Beau- 
regard, de Longpré, de la Ghardonnière, 313et note. Alliances : Dyel,. 
d'Orange, Courtois, de Cacqueray-Yalmenier, La Rosa, etc. (Y. La 
Touche). 

Liesse (M.«-D. de), près Laon s pèlerinage; résumé de son histoire 
au sujet des Ck>llart, 60^-63. 

L*OUTe (Liénard de) : premier gouverneur de la Guadeloupe dont 
il prit possession^ au nom de la compagnie, le 28 Juin 1636. Son inca- . 
pacité absolue et sa résistance aux conseils et aux ordres de 
d'Esnambuc causèrent en quelques mois la perte presque entière de 
la colonie qu'il avait amenée de Dieppe, 36, 63, 71 . 185. 

Longpré (de) (V. La Touche). ^ ^ 

Loper (dom Matheo) : ambassadeur du roi d'Ardres (Guinée), ^ 
envoyé à Louis XIY ; de passage à, la Martinique en 1670 ; curieuse . 
réception à Saint-Pierre, 137, et à Paris, 138. . " 



Maehault (de) : capitaine de vaisseau, Gouverneur général de 1703 
à 1709, )23l-267. 

Macouba (le) i nom caraïbe d'un quartier très pittoresque, au 
nord de la Martinique, renommé par son tabact 7, 48. ' 

Maintenon (marquise de), 7, 87, 120,280. 

MaldeSiam (la fièvre Jaune), 2;14»375. , _ . 

Manioc, 31, 358. 

Margry (Pierre), 4|. 76. 

Marin (le) : quartier de la Martinique dans la partie sud de l'ile, 
-^66,85, 219. • . 

MarUgnao (de), 156. ' 

Martinique : d'Bsnambuc en prend possession personnellement 
au nom de la France, le l*' septembre 1635, 37 ; découverte par 
Christophe Colomb, en janvier 1493, à son premier voyage au nou* 
veau monde ^retour), 45 ; abordée par lui à son troisième voyage 
(a!!er) le 5 juin 1502, 46 ; origine de son nom ; comment les femmes 
caraîbesses y ont contribué, 46, 47 ; son nom Caraïbe ; aspect de Tile 
en rolief. anecdote & co sujet, 47^ 48 ; particularité de ses conteun. 



TABLB ANALYTIQOE 



401 



* • 



49; sa ftiune, 50 ; tion tabae^ 55 ; ses tremblements de terre, 48 note 
et 129 note. 

Milices de la Martinique : d'abord établies en qnatre compagnies, 
69: puis, Ters 1650, en six compagnies, et en 1685, en neuf compa- 
gnies, noms des capitaines. 170 ; en 1693, douze compagnies forment 
les quatre bataillons : de Saint-Pierre, du Fort-Royal, du Marin et 
de la Trinité, 216 s lesquels, en 1705, sont transformés en autant de' 
régiments, dont les colonels furent : Samuel-François Le Yasser 
de la Touche, François de Gollart, Claude Laguarlgne de Surrilliert 
et Joseph de Jorna ; les lieutenants-colonels, La Touché fils» 
Roussel, Jean du BUq et TiOuls du Prey, 247, 248. 

Ministres de la Marine et des Colonies : Richelieu (de Torigine^ 
les deuxGolbert. les deux Pontchartrain. 1669, 1683. 1690, Id99- 
1715; sous la Régence, le Conseil de Marine, tint lieu de mldlstre 
jusqu'au 23 mars 1723. . . . T 

Mûriers. Le Roi voulut en 1685 que la culture de cet arb>e ffti 
tentée aux Antilles, afln d*y acclimater les vers à sole. Gollart 
seul s*y appliqua, 183. . 



N 



Maniés, 52, 74 ; Claude de Collart s'y marie ayee M*^ de' Bre- 
mond-Bossée, 123 ; patrie de Jacques Gassard, 273 ; beaucoup 
d'armements pour la Martinique ; noms des armateurs nantais de 
1714 à 1721, 383. , . 

NicoUlére-TeiJelro (de la) : auteur de savantes Noies généalogiques 
sur la famille de Jacques Gassard, 5î, et d'une étude remarquable sur 
la Tle de ce grand marin, 273 note. . 

NièTCS. 26, 106, 193, 258, 264« 



Orgevilie (Pannler d*) : Intendant général, 248 note.' 

'Origines diverses Indiquées : du nom Antilles, 9,10 ; de d'Ksnam- 
buc, 1 1 ; de la Compagnie de Salnt-Ghrlstophe, 12-16, 40 ; de file de 
la Tortue, 18; de rinterdiction du commerce étranger, 34; de la 
Compagnie des lies d'Amérique, 35 ; de Salnt-Plerr^-Martlnique, 37; 



402 



TABLE ANALYTIQUE 



da nom Martinlqaè/43-47 i de du Parquet, 22 ; des Lareinty, 58, 59 
et note ; du Vaiiclin, 59 noie ; des Jaham, 59 ; de N.-d» de Liesse, 
60 ; des Gollart, 61-65 ; du Fort^RoyaU 68 ; dû sucre à la Martinique, 
81; du Marin^ 85; du Carbet, 88 ;de Poincy, 91 note ; du OonseilSoù- 
verai n« 1 03, (Y. Dutertre, t , 1**, p. 312) ; des mariages martiniquais, 121 ; 
des Bremond de Bossée, 122 ; des noms à'Aiichamp, de la Moinerie,' 
127 ; des recensements, 128 ; des du Prey, 129 ; de la Compagnie des 
Indes Occidentales, 130 : des relations arec le royaume d'Ardres 
(Guinée), 137 ;du cadastre martiniquais, 139 et 218 ; des Sainte-Marthe» 
140 ; des Boois, 165 note ; des Gacqueray, des Sanols, Id.; des milices 
170; de Salni-Eustache, 174 1 de la cavalerie martiniquaise, 199; du. 
fort Charles à Saint-Christophe, 202 ; des ftislls de munition, 206 
note ; du mal deSSam (flèyre Jaune), 214 ; des régiments de la' Mar- 
tinique, 247 ; des Laguarigue, id. ; des Jorna, des Pellerin. de là 
Touche-Brédière, 248; du nom Curaçao, 293; des Salaberry, 294-'* 

note t du Conseil de Marine, 305 ; des Le Yasser^ 313 et note. 

. ■ ■ • ... 

Ouycou : vin des Sauvages-Caraïbes : sa composiQon, 67 note. 



" ^ 



' Patrocles (de) : écuyer de la reine, 99 ; — de Thoisy, Gouverneur 

général s sa lutte malheureuse contre le commandeur de Poincy, 
99-132. 

Pellerin de la Touche (de) : 248. . 

Péroutlers t corsiUres des lUi du Permis premier nom des 
Antilles, 10. ' • . - 

Phelypeaux (Raymond-Baithazar de, 1650-1713) : Gouverneur gé- 
néral, 267; ce qu'on, dit Saint-Simon, 268; sa parenté avec 4ès' 
Pontchartrain et les La Yrillière, 269 ; service rendu par lui il Louis 
XIY comme ambassadeur à Turin, 270; sa bienveillance pour 
Goilart» 271 ; sa lettre au ministre, 295 ; fête de U paix d'Utreoht,t>r^ 
ganisée par lui, 298 : meurt» 301. 

Plcquet delà Galle, commis général de la compagnie des rndei : 
son rapport après le siège du Fort-Royal en 1674, 149*1 sa fille/ 
épouse de Jorna, 248. . 

Poincy (le commandeur Philippe LonvilUers de) : chef d^escadre, 
gouverneur do Saint-Christophe, lieutenant général drà Antilles 
françaises de 1638 à 1647, passe à la Martinique, 71 ; sa famille^ 91, 



» / 



v^ 



I 



TABLB ANALYTIQUE 



403 



note ; sa lutte contre M. et M**4eLagraagev^l-96; son despotisme 
97 ; sa révolte contre son successeur. Patrocles de Thoîsy, JOÛ-1.17 ; 
sa mort. 132. ,. • v- '. . *.wi'^ v » 

Population de la Martinique, pp. 70,74; en Idd4/p.~lé8 ; en 
1731..p.38S^. . ..:. ;. ./.--} ' ■ . 

Pradiues (Léon Pornier de Caries de) : capitaine des troupes, plus 
tard gouverneur de la Qrenàde, beau-Mre de Gollart, 173, d6I • . 

Prêcheur (le quartier du) : d*oii Tient le nom, 82 ; foyer d'émeutes, 
133 ; fonds Ganouville, 224. 

Prises de possession s de Saint-Christophe par Levasseur et 
d*Esnambucen 1623, 12 et 40: de la Tortue, 18; de Saini-Bustaehe. 
par Cahuzac en 1029,24 ; de Saha, de la Martinique, de la Dominique, 
en 1635, par d'Esnambuç, 37 ; de la Guadeloupe, ta même anné^ i^ 
Liénard de L'Olire, 36, . % 



Quérolan (de), 91,94. 



Recensements : dé 1664, 128 ; de 1671, 139 ; note qui fait ressortir 
rimportance historique de ce document. 218. ^ 

Religieux: Bouton. Jésuite, 84 ; Breton (Raymond), dominicain, 
auteur d*un dictionnaire candbe. 47, 136 ; Dutertre, id., le chroni- ^ 
qucur. 85,115; Elisée; prieur des capucins de File de Ré en 1634, 
142-143 ; Hampteau (Charles). Jésuite. 84.112; Labat^ dominicain, 
le chroniqueur, 246 note ; Mesland (Denis), aumônier de du Parquet, 
75, 83, 1 12 ; isalnte-Marthé (François-Maxlmilien de), de rOratdre 
de Paris, 172, 266. • . 

Révoltes : des Sauvages à la Martinique en 1635,37 ; du lieutenant 

« 

général de Poincy contre son succeseur en 1646,104 à 1 17 ; des Mar- 
tiniquais, la même année, 111 ; des Sauvages' en 1654,124 ^ .dn Prê- 
cheur, en 1665,133 ; de l'Acajou à là Martinique en 1717, 319-348 (la , 
plus célèbre par les faits nombreux qui s*y déroulèrent et le procès 
qui la suivit). ^ ^ • • 

Richelieu (le cardinal de) : ministre, fonde la Compagnie de Saint- ' 
Christophe, à la demande de d*fisnambuc, en 1626,14 ; envoie une 



,\ 



. •* • 



•y 



404 TABLK ANALYTtQUB 

escadre au scrcours de la colonie, 23 ; la soutient par une mesure 
fiscale en 1629, 31 : fonde la Compagnie des Iles d'Amérique en 1635« ^ 
35 ; appréciait d'flsnambue^ 39. 

Rlcoûart (Louis-Balthazarj.comted'HérouTllle.de Normandie(1673- 
1749) : Inspecteur général de la Marine à Brest* nommé Intendant 
général à la Martinique en 1715.306 ; partage avec, le GouTemeur 
général marquis de la Varenne la responsabilité et les ennuis de la 
révolte de 1717,319-353; commissaire général de la Marine à Nantes^ 
354. 

Rolssey (Urbain du) : compagnon de d'Esnambve, son second^ 11, 
15-21,23-30. , 

Rools : de Goursolas (1615-1664), de Laubières (1617-1672), famille 
anciennement en renom à la Martinique, i65 et note. Alliances : 
HuraultdeManoncourt,id..de(3acqueray-Valmenier, 250. >^ 

Roxelana (la) : rivière de Saint-Pierre Martinique, d'où vient le 
nom, 52 note.. • " - 

Rufic (le docteur), 48, j34. (Le second volume de son ouvrage se 
termine par un long mémoire chronologique anonyme (1745-1757), 
quia l'avantage de contenir entre autres une multitude d'indications 
d'état civil se rapportant à une époque où lesjrogistres de paroisses 
n'existent plus). 



s 



Saint- André (Jacques Le Ghesneau de) : commis général de la Mar- 
tinique, 85; époux de Marie Bonnard, 88 ; sondlvoroe, 112 et note. 

Saint-Christophe Ole) :Mécouverte, 12 note; prise de possession 
par les Français et les Anglais, 12. 40 ; Ck>mpagn'ie de l'Ile, 14 ; 
partage des terres, 17 ; population française en 1635, c colonie-mère > ; 
d'Esnambuc en est parti pour aller prendre possession de la Marti- 
ninlque et de la Dominique, . 36-38 ; de Poincy à — QQ109; de 
Tholsy à — 113-118; prise de la partie anglaise par les Français, 
197, 206 ; reprise par les Anglais, 209-213 ; expédition de Chava- 
gnac en 1706, 252-257. 

Saint-Eustache (11^) : prise par les Français en 1689 ; expédition 
qui fit honneur à François de Gollart et à Pierre du Buq, 174-199 ; 
rançonnée'parCassard. 283. , ^ ■ 

Salnt-Françols-XaiTier (le) ; navire, soi-disant espagnol, dont la 



^TABLK ANALYTIQUE 405 

confiscation a été pour beaucoup dans la révolte de 1717, 311. 343, 
369,376. , r ' 

Saint-Jacques : patron de la paroisse SairU^Jacques de Dieppe . 
ou habitait le capitaine Baiilardel, 52; de son navire leSattU-Zocguet 
qui amena la première colonie normande et picarde à la Martinique» 
37, 53, 55, 57, 65 ; de Jacqu€» du Parquet, promoteur de Tentreprise; 
et de la paroisse Saint^Jacquea du Garbet (Martinique), dit c le quar- 
tier de Monsieur », 88, 118, 218. 

Saint-Pierre : première ville capitale 'de Tile Martinique, fondée, 
du l*' au 15 septembre 1635, par Pî^rre d'Esnambuc qui lui donna 
le nom de son patron, en y faisant construire un fort. 37. La riy 
vière qui passe à Saint-Pierre prit le nom du navire (fo BpxéUtnéi 
qui avait amené d'Esnambuc de Saint-Christophe à la Martiulque, 
52. 11 appela un vaste terrain du bord de .la mer à gauche (j|b la rade : 
Fonds CanouviUe, nom d'un de ses fiefs à Tvetot, 218, 224. 

Saint-Simon ÇLe duo de) : passages de ses prédeux mémoires 
oh il parle de Phelypeaux, Gouverneur général des Antilles, 268^ et 
de la révolte de 1717, 3a&-855. 

• 4 

J Sainte-Marthe (Antoine-André de) : beau-père du colonel Fran- 
çois dé Ck>llart, 5 ; ses illustres ascendants ; rue qui porte son nom 
& Saint-Pierre, 140 ; sa biographie, 145-165; curieuses circonstances 
qui l'obligent & passer en Angleterre en 1641 ; personnages (huiçais 
réfugiés rencontrés par lui à Londres. 143 ; introduit pu* eux cbes 
la reine Henriette de France, il est nommé capitaine de sos gardes 
et se marie fc la cour. 144; revient en France avec le prince Ruper^ 
id. ; prend part à toutes les campagnes de guerre de 1647 à 1658 ; 
devient garde-du-corps, 145; est nommé gouverneur de la Marti- 
nique en 1672, 146 ; repousse Tattaque de Ruyter sur le Fort-Royal 
en 1674 — siège intéressant et glorieux — 150-162 ; lettre inédite de 
Ck>lbert à M. de Sainte-Marthe, 163 ; sa nombreuse famille, sa mort 
164 ; sa descendance, 171 ; unique héritier actuel, 173. 

Salaberry (Charles de) : premier commis à la Marine ; fkmille de 
son firère, Vincent de Salaberry, vice-amiral, alliée aux Gollart de 
Charleville par les Morel de Vindé, 294 note. 

Sauvages-Caraïbes, 12, 18, 37, 66, 67, 82, 84, 123, 132. 

Scarron (Paul), le poète (1610-1660) : à la fin de 1652, sur le point 
de s'embarquer à Nantes pour la Martinique, avec Françoise 
d'Aubigné, sa Jeune femme ; projet avorté, 120, 121. 

Seigneurs de la Martinique (les) : titre employé par le docteur 



406 TABLE ANALYTIQUE ' 

Rurz poar un chapitre de ses c Eludes slalisliques sur la poputalion 
de Saint-Pierre Martinique » publiées en 1850, et adopté en 1878 
par M. Margry pour un article publié dans la Revue maritime et 
coloniale^ 54, 76. 

Sièges : de la Martinique par les Anglais en 1667. 135 ; par les 
Hollandais en 1674, 149 etsuiv.; de Saini-Eustache par les Français 
en 1689, 185 et suiv., et de Saint-Cbristôphe, id^ 201 ; id. par les 
Anglais, eu 1690, 209; de la Guadeloupe, id. en 1691, 212; doia 
Martinique en 1693, 217 et suIy. ; de la Guadeloupe en 1703, 231 et 
suiy. ; de Salnt-Christopbe et de Nièves par les Français en 1706, 
252 et suiy. ; de la Praia, 274, et de Montserrat, 279» «n 1712; de 
Curaçao en 1713, 288. 

Stiruin (comte de) : « futur gouverneur dé la Martinique », tué 
au commencement du siège en 1674, 159; enterré k la Dominique;^ 
162 . . "» - 

Sucre : la canne à sucre connue à la Martiuique en 1639, 81 ; (les. 
premières sucreries datent de 1654). (V. pour la fabrication deux 
articles très remarquables: 1* de Dutertre, Histoire générale des 
Antilles^ t. n, pp. 122 et suiv. Paris, 1667 in-4*; et 2* de Labat, 
Yoyage aux isles de V Amérique, de 1693 à 1706, t. iv, pp. 1 à 150. Ed. 
del741, in-12). Nombre des sucreries martiniquaises>n 1720 et en 
1731, p. 383. 



Tabac : de SainT^hrlstophe, 13 ; de la Martinique 7, 55; du 

Macouba,7. • 

« 

Tolède (Federico ou Fadrique de) : amiral espagnol, 21-29. 

u^ ' Trèzél, Rouennais, introduit la canne à sucre à la Martinique 
en 1639, 7/81. 



VaucUn, 59 note. 

Vaucresson (Nicolas-François Arnoult de): Intendant général : 
lettre de Inl très bienveillante pour Ck)llart et du Buq, 258 et note. 

Ville-sùr-Gousance (Meuse) : berceau des Collart de Lorraine^ 64. 

Fin de ijl table analytique. 






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